vendredi 23 septembre 2016

LE DICTIONNAIRE INFERNAL - CHAT à IMAGES DE CIRE

Chat. Le chat tient sa place dans l’histoire de la superstition. Un soldat romain ayant tué par mégarde un chat en Égypte, toute la ville se souleva ; ce fut en vain que le roi intercéda pour lui, il ne put le sauver de la fureur du peuple. Observons que les rois d’Égypte avaient rassemblé dans Alexandrie une bibliothèque immense, et qu’elle était publique : les Égyptiens cultivaient les sciences, et n’en adoraient pas moins les chats .
Mahomet avait beaucoup d’égards pour son chat. L’animal s’était un jour couché sur la manche pendante de la veste du prophète, et semblait y méditer si profondément, que Mahomet, pressé de se rendre à la prière, et n’osant le tirer de son extase, coupa, dit-on, la manche de sa veste. A son retour, il trouva son chat qui revenait de son assoupissement, et qui, s’apercevant de l’attention de son maître, se leva pour lui faire la révérence et plia le dos en arc. Mahomet comprit ce que cela signifiait ; il assura au chat qui faisait le gros dos une place dans son paradis. Ensuite, passant trois fois la main sur l’animal, il lui imprima, par cet attouchement, la vertu de ne jamais tomber que sur ses pattes. Ce conte n’est pas ridicule chez les Turcs . Voici une anecdote où le chat joue un mauvais rôle ; il est vrai que c’est un chat sauvage. Un aide de camp du maréchal de Luxembourg vint loger dans une auberge dont la réputation n’était pas rassurante. Le diable, disait-on, arrivait toutes les nuits dans une certaine chambre, tordait le cou à ceux qui osaient y coucher et les laissait étranglés dans leur lit. Un grand nombre de voyageurs remplissaient l’auberge quand l’aide de camp y entra ; on lui dit qu’il n’y avait malheureusement de vide que la chambre fréquentée par le diable, où personne ne voulait prendre gîte.
— Oh bien, moi, répondit-il, je ne serai pas fâché de lier connaissance avec lui ; qu’on fasse mon lit dans la chambre en question, je e charge du reste.
Vers minuit, l’officier vit descendre le diable par la cheminée, sous la figure d’une bête furieuse, contre laquelle il fallut se défendre. Il y eut un combat acharné, à coups de sabre de la part du militaire, à coups de griffes et de dents de la part de la bête ; cette lutte dura une heure. Mais le diable finit par rester sur la place ; l’aide de camp appela du monde : on reconnut un énorme chat sauvage, qui, selon le rapport de l’hôte, avait déjà étranglé quinze personnes .
On lit dans la Démonomanie de Bodin  que des sorciers de Vernon, auxquels on fit le procès en 1566, s’assemblaient ordinairement en grand nombre dans un vieux château sous la forme de chats. Quatre hommes qui avaient résolu d’y coucher se trouvèrent assaillis par cette multitude de chats ; l’un de ces hommes y fut tué, les autres blessés ; néanmoins ils blessèrent aussi plusieurs chattes, qui se trouvèrent après en forme de femmes, mais bien réellement mutilées…
On sait que les chats assistent au sabbat, qu’ils accompagnent les sorcières, et que lesdites sorcières, aussi bien que le diable leur maître, prennent volontiers la figure de cet animal. On lit dans Boguet qu’un laboureur près de Strasbourg fut assailli par trois gros chats, et qu’en se défendant il les blessa sérieusement. Une heure après, le juge fit mander le laboureur et le mit en prison pour avoir maltraité trois dames de la ville. Le laboureur étonné assura qu’il n’avait maltraité que des chats et en donna les preuves les plus évidentes : il en avait gardé de la peau. On le relâcha, parce qu’on vit que le diable était coupable en cette affaire.
On ne finirait pas si on rappelait tout ce que les démonomanes ont rêvé sur les chats. Boguet dit encore que la chatte étant frottée d’une herbe appelée nepeta conçoit sur-le-champ, cette herbe suppléant au défaut du mâle . Les sorciers se servent aussi de la cervelle des chats pour donner la mort ; car c’est un poison, selon Bodin et quelques autres .
Les matelots américains croient que si d’un navire on jette un chat vivant dans la mer, on ne manque jamais d’exciter une furieuse tempête. Voy. Blokula, Beurre des sorcières, Métamorphoses, Voltigeur hollandais, etc.
Château du diable. Plusieurs vieux manoirs portent ce nom dans des traditions et des contes populaires.
Chat-Huant. Voy. Chevesche, Chouette, Hibou.
Chatrab. C’est le nom que donnent les Arabes à l’être mystérieux que nous appelons loup-garou.
Chauche-Poulet. Voy. Cauchemar.
Chaudière. C’est ordinairement dans une chaudière de fer que, de temps immémorial, les sorcières composent leurs maléfices, qu’elles font bouillir sur un feu de verveine et d’autres plantes magiques.
Chaudron (Madeleine-Michelle), Genevoise, accusée d’être sorcière en 1652. On dit qu’ayant rencontré le diable en sortant de la ville réformée, elle lui rendit hommage, et que le diable lui imprima sur la lèvre supérieure son seing ou marque. Ce petit seing rend la peau insensible, comme l’affirment les démonographes. — Ledit diable ordonna à Michel le Chaudron d’ensorceler deux filles : elle obéit ; les parents l’accusèrent de magie ; les filles interrogées attestèrent qu’elles étaient possédées. On appela ceux qui passaient pour médecins ; ils cherchèrent sur Michelle Chaudron le sceau du diable, que le procès-verbal appelle les marques sataniques ; ils y enfoncèrent une aiguille. Michelle fit connaître par ses cris que les marques sataniques ne rendent point insensible. — Les juges protestants, ne voyant pas de preuve complète, lui firent donner la question. Cette malheureuse, cédant à la violence des tourments, confessa tout ce qu’on voulut. Elle fut brûlée, après avoir été pendue et étranglée ; chez les catholiques, on l’eût admise à pénitence’.
Chaudron du diable, gouffre qui se trouve au sommet du pic de Ténériffe. Les Espagnols ont donné le nom de Chaudron du diable à ce gouffre, à cause du bruit que l’on entend lorsqu’on y jette une pierre ; elle y retentit comme fait un vaisseau creux de cuivre contre lequel on frapperait avec un marteau d’une prodigieuse grosseur. Les naturels de l’île sont persuadés que c’est l’enfer, et que les âmes des méchants y font leur séjour .
Chauve-Souris. Les Caraïbes regardent les chauves-souris comme de bons anges qui veillent à la sûreté des maisons durant la nuit ; les tuer, chez eux, est un sacrilège : chez nous, c’est un des animaux qui figurent au sabbat.
Chavigny (Jean-Aimé de), astrologue, disciple de Nostradamus., mourut en 1604. Il a composé : la Première face du Janus français, contenant les troubles de France depuis 1534 jusqu’en 1589 ; Fin de la maison valésienne, extraite et colligée des Centuries et commentaires de Michel Nostradamus (en latin et en français), Lyon, 1594, in-8° ; et nouvelle édition, augmentée, sous le titre de Commentaires sur les Centuries et pronostications de Nostradamus, Paris, in—8°, rare ; les Pléiades, divisées en sept livres, prises des anciennes prophéties, et conférées avec les oracles de Nostradamus, Lyon, 1603 ; la plus ample édition est de 1606. C’est un recueil de prédictions dans lesquelles l’auteur promet à Henri VI l’empire de l’univers. Voy. Nostradamus.
Chax ou Scox, démon. Voy. Scox.
Cheke, professeur de grec à Cambridge, mort en 1557. Il a écrit un livre  qu’il adressa au roi Henri VIII, et qu’il plaça à la tête de sa traduction latine du traité de Plutarque De la superstition. Il avait des connaissances en astrologie et croyait fermement à l’influence des astres, quoiqu’ils lui promissent du bonheur, tout juste à des époques où il devenait le plus malheureux.
Chemens, génies ou esprits, ainsi appelés par les habitants des Caraïbes, qui les supposent chargés de veiller sur les hommes. Chaque Caraïbe croit en avoir un qui veille spécialement sur lui. Ils offrent aux Chemens les premiers fruits de toutes choses, et placent leurs offrandes dans un coin de leurs huttes, sur une table faite de nattes, où ils prétendent que ces génies se rassemblent pour boire et manger; et ils en donnent pour preuve, qu'ils entendent non seulement le mouvement des vases de terre où ces présents sont placés, mais le bruit que ces divinités font en mangeant.
Chemim est chez les Caraïbes le grand esprit ou l’être suprême, comme on disait en 1793.
Chemise de nécessité. Les sorcières allemandes portaient autrefois une chemise faite d’une façon détestable, et chargée de croix mêlées à des caractères diaboliques, par la vertu de laquelle elles se croyaient garanties de tous maux . On l’appelait la chemise de nécessité. — Les habitants du Finistère conservent encore quelques idées superstitieuses sur les chemises des jeunes enfants. Ils croient que si elles enfoncent dans l’eau de certaines fontaines, l’enfant meurt dans l’année ; il vit longtemps, au contraire, si ce vêtement surnage.
Cheriour, ange terrible, chargé de punir le crime et de poursuivre les criminels, selon la doctrine des guèbres.
Chesnaye des Bois (François-Alexandre-Aubert de la), capucin, mort en 1784. On a de lui : l’Astrologue dans le puits, 1740, in-12 ; et Lettres critiques, avec des songes moraux, sur les songes philosophiques de l’auteur des Lettres juives (le marquis d’Argens), in-12, 1745.
Cheteb ou Chereb. Voy. Deber.
Cheval. Mahomet, voulant ennoblir ce bel animal, raconte que, quand Dieu se décida à créer le cheval, il appela le vent du midi et lui dit : « Je veux tirer de ton sein un nouvel être ; condense-toi en te dépouillant de ta fluidité. » Et il fut obéi. Alors il prit une poignée de cet élément, souffla dessus, et le cheval parut.
Le cheval était chez les anciens un instrument à présages pour la guerre. Les Suèves, qui habitaient la Germanie, nourrissaient à frais communs, dans des bois sacrés, des chevaux dont ils tiraient des augures. Le grand prêtre et le chef de la nation étaient les seuls qui pouvaient les toucher : ils les attachaient aux chariots sacrés et observaient avec attention leurs hennissements et leurs frémissements. Il n’y avait pas de présages auxquels les prêtres et les principaux de la nation ajoutassent plus de foi. On voit encore que chez certains peuples on se rendait les divinités favorables en précipitant des chevaux dans les fleuves. Quelquefois on se contentait de les laisser vivre en liberté dans les prairies voisines, après les avoir dévoués. Jules César, avant de passer le Rubicon, voua à ce fleuve un grand nombre de chevaux qu’il abandonna dans les pâturages des environs.
Une tradition superstitieuse portait qu’une espèce de chevaux, qu’on nommait arzels, et qui ont une marque blanche au pied de derrière du côté droit, était malheureuse et funeste dans les combats. — Anciennement on croyait aussi que les chevaux n’avaient pas de fiel ; mais c’est une erreur aujourd’hui presque généralement reconnue. Voy. Drapé, Bayard, Troupeaux, etc.
Chevalier (Guillaume), gentilhomme béarnais, auteur d’un recueil de quatrains moraux, intitulé le Décès ou Fin du monde, divisée en trois visions, in-8°, 1584.
Chevalier impérial. Voy. Espagnet, à la note.
Chevaliers de l’enfer. Ce sont des démons plus puissants que ceux qui n’ont aucun titre, mais moins puissants que les comtes, les marquis et les ducs. On peut les évoquer depuis le lever de l’aurore jusqu’au lever du soleil, et depuis le coucher du soleil jusqu’à la nuit .
Chevanes (Jacques), capucin, plus connu sous le nom de Jacques d’Autun, du lieu de sa naissance, mort à Dijon en 1678. On a de lui l’Incrédulité savante et la crédulité ignorante, au sujet des magiciens et des sorciers. Lyon, 1671, in-4°. Ce recueil, plein d’excentricités curieuses, dont nous rapportons en leur lieu les passages remarquables, est une réponse à l’apologie de Naudé pour tous les grands personnages soupçonnés de magie. Heureusement pour l’auteur, dit l’abbé Papillon, l’irascible Naudé était mort depuis longtemps quand ce livre parut.
Chevesche, espèce de chouette, que Torquemada définit un oiseau nocturne fort bruyant, lequel tâche d’entrer où sont les enfants ; et, quand il y est, il leur suce le sang du corps et le boit. Les démonographes ont donné le nom de chevesche aux sorcières, parce que, semblables à cet oiseau, elles sucent le sang de ceux qu’elles peuvent saisir, et principalement des petits enfants . C’est sans doute là l’idée mère des vampires. Les sorcières qui sucent le sang ont aussi quelque analogie avec les gholes des Arabes. Voy. Lamies et Gholes.
Cheveux. « Prenez des cheveux d’une femme dans ses jours de maladie ; mettez-les sous une terre engraissée de fumier, au commencement du printemps, et, lorsqu’ils seront échauffés par la chaleur du soleil, il s’en formera des serpents … »
Quelques conteurs assurent que les mauvais anges étaient amoureux des cheveux des femmes, et que les démons incubes s’attachent de préférence aux femmes qui ont de beaux cheveux. — Les sorcières donnent de leurs cheveux au diable, comme arrhes du contrat qu’elles font avec lui ; le démon les coupe très-menus, puis les mêle avec certaines poudres : il les remet aux sorciers, qui s’en servent pour faire tomber la grêle ; d’où vient qu’on trouve ordinairement dans la grêle de petits poils, qui n’ont pas une autre origine… On fait encore avec ces mêmes cheveux, divers maléfices .
On croit en Bretagne qu’en soufflant des cheveux en l’air on les métamorphose en animaux ; les petits garçons de Plougasnou qui font des échanges entre eux confirment la cession en soufflant au vent un cheveu, parce que ce cheveu était autrefois l’emblème de la propriété. Des cheveux dans les temps modernes ont même été trouvés sous des sceaux : ils tenaient lieu de signatures .
Enfin il y a des personnes qui croient qu’il faut observer les temps pour se couper les cheveux et se rogner les ongles. — Autrefois on vénérait le toupet, par lequel les Romains juraient, et qu’on offrait aux dieux. Il paraît qu’ils étaient sensibles à ces présents, puisque, quand Bérénice eut offert sa chevelure, ils en firent une constellation. — Chez les Francs, c’était une politesse de donner un de ses cheveux, et les familles royales avaient seules le privilège de les laisser pousser dans tout leur développement.
En Hollande, beaucoup de gens croient qu’en vendant leurs cheveux à un perruquier, ils auront par sympathie les maux de tête de ceux qui les porteront. Une dame âgée, il y a peu de temps, se faisait couper à la Haye de beaux cheveux blancs d’argent, très-abondants et très-longs. Le tondeur lui en offrit 20 florins (42 francs). Elle aima mieux les brûler. — J’aurais, dit-elle, toutes les douleurs que mes cheveux couvriraient.
Chevillement, sorte de maléfice employé par les sorciers et surtout par les bergers. Il empêche d’uriner. Le nom de ce maléfice lui vient de ce que pour le faire on se sert d’une cheville de bois ou de fer qu’on plante dans la muraille, en faisant des conjurations, « J’ai connu une personne, dit Wecker, qui mourut du chevillement : il est vrai qu’elle avait la pierre. » Et le diable, qui parfois aime à se divertir, chevilla un jour la seringue d’un apothicaire en fourrant sa queue dans le piston. Voy. Noals. — Pour empêcher l’effet de ce charme, il faut cracher sur son soulier du pied droit avant de s’en chausser. Ce qui approche de ce qu’on lit dans Tibulle, que les anciens crachaient dans leur sein par trois fois pour se désensorceler ou empêcher le sortilège. On voit dans un livre intitulé l’Urotopégnie ou chevillement, que les tonneaux, les fers, les fours, les lessives, les moulins à vent et ceux qui sont sur les ruisseaux et rivières, peuvent être pareillement liés et maléficiés. Voy. Ligatures.
Chèvres. Ces animaux étaient fort révérés à Mendès en Égypte. Il était défendu d’en tuer, parce qu’on croyait que Pan, la grande divinité de cette ville, s’était caché sous la figure d’une chèvre ou plutôt d’un bouc ; aussi le représentait-on avec une face de bouc, et on lui immolait des brebis. Voy. Capricorne. Souvent des démons et des sorciers ont pris la forme de chèvre. Claude Chappuis de Saint-Amour, qui suivit l’ambassadeur de Henri III près la sublime Porte, conte qu’il vit sur une place publique de Constantinople des bateleurs qui faisaient faire à des chèvres plusieurs tours d’agilité et de passe-passe tout à fait admirables ; après quoi, leur mettant une écuelle à la bouche, j ils leur commandaient d’aller demander la pièce, pour leur entretien, tantôt au plus beau ou au plus laid, tantôt au plus riche ou au plus vieux de la compagnie : ce qu’elles faisaient dextrement, entre quatre à cinq mille personnes, et avec une façon telle, qu’il semblait qu’elles voulussent parler. Or, qui ne voit clairement que ces chèvres étaient hommes ou femmes ainsi transmués, ou démons déguisés  ?… Voy. Bouc.
Chibados, secte de sorciers toujours habillés en femme, au royaume d'Angola.
Chicota, oiseau des îles Tonga, dont une des habitudes est de descendre tout à coup du haut des airs, en poussant de grands cris. Les naturels le supposent doué de la connaissance de l'avenir; et, quand il descend près de quelqu'un, on croit que c'est pout lui annoncer quelque malheur.
Chicus Æsculanus. Voy. Cecco d’Ascoli.
Chien. Les chiens étaient quelquefois les compagnons des magiciens. C’était le diable qui les suivait sous cette forme, pour donner moins à soupçonner. Mais on le reconnaissait malgré ses déguisements. Léon de Chypre écrit que le diable sortit un jour d’un possédé sous la figure d’un chien noir. — C’est surtout la couleur noire que le diable prend sous une peau de chien. De bonnes gens se noient assez fréquemment à Quimper. Les vieilles et les enfants assurent que c’est le diable, en forme de gros chien noir qui précipite les passants dans la rivière . Il y a beaucoup de superstitions qui tiennent au chien dans le Finistère, où les idées druidiques ne sont pas toutes éteintes. On croit encore dans le canton sauvage de Saint-Ronal que l’âme des scélérats passe dans le corps d’un chien noir. Les anciens mages croyaient aussi que les démons se montraient en forme de chiens ; et Plutarque, dans la vie de Cimon, raconte qu’un mauvais génie travesti en chien noir vint annoncer à Cimon qu’il mourrait bientôt.
Un charlatan, du vivant de Justinien, avait un chien si habile que, quand toutes les personnes d’une assemblée avaient mis à terre leurs anneaux, il les rendait sans se tromper, l’un après l’autre, à qui ils appartenaient. Ce chien distinguait aussi dans la foule, lorsque son maître le lui ordonnait, les riches et les pauvres, les gens honnêtes et les fripons : « Ce qui fait voir, dit Leloyer, qu’il y avait là de la magie, et que ce chien était un démon . »
Delancre conte qu’en 1530 le démon, parle moyen d’un miroir, découvrit, à un pasteur de Nuremberg, des trésors cachés dans une caverne près de la ville et enfermés dans des vases de cristal. Le pasteur prit avec lui un de ses amis pour lui servir de compagnon ; ils se mirent à fouiller et découvrirent une espèce de coffre, auprès duquel était couché un énorme chien noir. Le pasteur s’avança avec empressement pour se saisir du trésor ; mais à peine fut il entré dans la caverne qu’elle s’enfonça sous ses pieds et l’engloutit . Notez que c’est un conte et que personne n’a vu le grand chien. Mais on peut juger par ces traits quelle idée avaient des chiens les peuples mal civilisés. Chez les anciens, on appelait les furies les chiennes de l’enfer ; on sacrifiait des chiens noirs aux divinités infernales. Chez nos pères on pendait entre deux chiens les plus grands criminels.
Quelques peuples pensaient pourtant autrement ; on a même honoré le chien d’une manière distinguée. Élien parle d’un pays d’Éthiopie dont les habitants avaient pour roi un chien ; ils prenaient ses caresses et ses aboiements pour des marques de sa bienveillance ou de sa colère. Les guèbres ont une grande vénération pour les chiens. On lit dans Tavernier que, lorsqu’un guèbre est à l’agonie, les parents prennent un chien dont ils appliquent la gueule sur la bouche du mourant, afin qu’il reçoive son âme avec son dernier soupir. Le chien leur sert encore à faire connaître si le défunt est parmi les élus. Avant d’ensevelir le corps, on le pose à terre : on amène un chien qui n’ait pas connu le mort, et, au moyen d’un morceau de pain, on l’attire le plus près du corps qu’il est possible. Plus le chien en approche, plus le défunt est heureux. S’il vient jusqu’à monter sur lui et à lui arracher de la bouche un morceau de pain qu’on y a mis, c’est une marque assurée que le défunt est dans le paradis des guèbres. Mais l’éloignement du chien est un préjugé qui fait désespérer du bonheur du mort.
Il y a aussi des gens qui tiennent à honneur de descendre d’un chien. Les royaumes de Pégu et de Siam reconnaissent un chien pour chef de leur race. A Pégu et à Siam on a donc grand respect pour les chiens, si maltraités ailleurs. La population du Liban, qui s’élève à quatre cent mille âmes, est composée de trois races, les Ansariés, les Druses et les Maronites. Les Ansariés sont idolâtres. Les uns parmi eux professent le culte du soleil ; les autres celui du chien . On a toutefois honoré quelques individus de cette race : tel est le dogue espagnol Bérecillo, qui dévorait les Indiens à Saint-Domingue, et qui avait par jour la paye de trois soldats…
Il y aurait encore bien des choses à dire sur les chiens. En Bretagne surtout, les hurlements d’un chien égaré annoncent la mort. Il faut que le chien de la mort soit noir ; et s’il aboie tristement à minuit, c’est une mort inévitable qu’il annonce à quelqu’un de la famille pour la personne qui l’entend. Wierus dit qu’on chasse à jamais les démons en frottant les murs de la chambre qu’ils infestent avec le fiel ou le sang d’un chien noir . Voy. Adranos, Agrippa, Bragadini, Dormants, etc.
M. Ménechet, dans sa spirituelle description des superstitions du pays de Galles, parle d’une espèce de chiens assez merveilleux pour mériter ici une mention : « Les cwes anmon (chiens d’enfer), que l’on appelle aussi quelquefois cwes wyloir (chiens du ciel), forment, dit-il, une meute fort extraordinaire. Les personnes qui ont l’ouïe assez fine pour cela les entendent souvent courir la chasse dans les airs, quoique l’on ne dise pas quel est le gibier qu’ils poursuivent. On assure qu’ils sont surtout bruyants peu de temps avant la mort des personnes très-perverses. Les uns disent que ces animaux sont blancs et ont les oreilles rouges ; d’autres prétendent, au contraire, qu’ils sont tout noirs. Ils sont peut-être de la nature du caméléon, qui se nourrit d’air comme eux. »
Chifflet (Jean), chanoine de Tournay, né à Besançon vers 1611. Il a publié : Joannis Macarii Abraxas, seu Apistopistus, quœ est antiquaria de gemmis basilidianis disquisitio, commenlariis illust., Anvers, 1657, in-4°. Cette dissertation traite des pierres gravées portant le nom cabalistique Abraxas, par lequel Basilide, hérétique du deuxième siècle, désignait le Dieu créateur et conservateur. Elle est curieuse, et les commentaires que Chifflet y a joints sont estimés.
Chija ou Chaja (Abraham Ben), rabbin espagnol du onzième siècle. Il a écrit en hébreu le Volume du Révélateur ; il y traite de l’époque où viendra le Messie et de celle où se fera la résurrection générale. Pic de la Mirandole cite cet ouvrage dans son traité contre les astrologues.
Childéric Ier. Voy. Bazine et Cristallomancie.
Childéric III, fils de Chilpéric II, et dernier des rois de la première race. Il publia, en 742, un édit contre les sorciers, où il ordonne que chaque évêque, aidé du magistrat défenseur des églises, mette tous ses soins à empêcher le peuple de son diocèse de tomber dans les superstitions païennes. Il défend les sacrifices aux mânes, les sortilèges, les philtres, les augures, les enchantements, les divinations, etc.
Chilpéric Ier, roi de France, fils de Clotaire Ier. Saint Grégoire de Tours rapporte, sur le témoignage de Gontran, frère de Chilpéric, cette vision merveilleuse. Gontran vit l’âme de son frère Chilpéric liée et chargée de chaînes, qui lui fut présentée par trois évêques. L’un était Tetricus, l’autre Agricola, le troisième Nicétius de Lyon. Agricola et Nicétius, plus humains que l’autre, disaient : — Nous vous prions de le détacher, et, après l’avoir puni, de permettre qu’il s’en aille. L’évêque Tetricus répondit avec amertume de cœur : — Il n’en sera pas ainsi ; mais il sera châtié à cause de ses crimes. — Enfin, dit Gontran, le résultat fut de précipiter cette pauvre âme dans une chaudière bouillante que j’aperçus de loin. Je ne pus retenir mes larmes lorsque je vis le misérable état de Chilpéric, jeté dans la chaudière, où tout à coup il parut fondu et dissous .
Chimère, monstre imaginaire, né en Lycie, que les poètes disent avoir été vaincu par Bellérophon ; il avait la tête et l’estomac d’un lion, le ventre d’une chèvre et la queue d’un dragon. Sa gueule béante vomissait des flammes. Les démonographes disent que c’était un démon.
Chimie. On la confondait autrefois avec l’alchimie. La chimie, selon les Persans, est une science superstitieuse qui tire ce qu’il y a de plus subtil dans les corps terrestres pour s’en servir aux usages magiques. Ils font Caron (le Coré du Pentateuque) inventeur de cette noire science qu’il apprit, disent-ils, de Moïse. Louis de Fontenettes, dans l’épître dédicatoire de son Hippocrate dépaysé, dit que « d’aucuns prétendent que » la chimie, qui est un art diabolique, a été inventée par Cham. »
China, idole des peuples de Casamance, sur la côte de la Guinée septentrionale, en Afrique. Ils font tous les ans, en son honneur, vers la fin novembre, et à minuit, avant de semer leur riz, une procession qui s'exécute dans cet ordre: Tout le peuple rassemblé près de l'autel de l'idole, on prend sa statue avec le plus grand respect, et l'on se rend en procession à l'endroit où le sacrifice doit se faire. A la tête marche le grand prêtre devant l'idole, tenant une longue perche à laquelle est attachée une bannière en soie, avec quelques os de jambes et plusieurs épis de riz. Arrivé au lieu convenu, on brule beaucoup de miel devant l'idole; après quoi, chacun fait son offrande et fume sa pipe; ensuite, une prière générale est adressée au dieu pour qu'il bénisse la récolte. Cela fait, on rapporte l'idole au lieu de sa résidence ordinaire, dans le même ordre et dans le plus profond silence. Elle est représentée par une tête de bouvillon ou de bélier, travaillée en bois, ou faite de pâte de farine de millet, pétrie avec du sang, et mêlée de cheveux et de plumes. 
Chion, philosophe d’Héraclée, disciple de Platon. Il fut averti en songe de tuer Cléarque, tyran d’Héraclée, qui était son ami. Il lui sembla voir une femme qui lui mit devant les yeux la bonne renommée qu’il acquerrait par le meurtre du tyran ; et, poussé par cette vision, il le tua. Mais ce qui prouve que c’était une vision diabolique, c’est que Cléarque, tyran tolérable, ayant été tué, fut remplacé par Satyre, son frère, bien plus cruel que lui, et que rien ne pouvait adoucir.
Chiorgaur. Voy. Gaurie.
Chiridirellès, démon qui secourt les voyageurs dans leurs besoins, et qui leur enseigne leur chemin lorsqu’ils sont égarés. On dit qu’il se montre à ceux qui l’invoquent sous la forme d’un passant à cheval.
Chiromancie ou Chiroscopie, divination par les lignes qui paraissent dans la paume de la main. On prétendait connaître, par l'inspection de ces lignes, les inclinations des hommes, sur le fondement que les parties de la main on rapport aux parties internes de l'homme, le cœur, le foie, etc., d'où dépendent, dit-on, en beaucoup de choses, les inclinations des hommes. Cette chiromancie s'appelait chiromancie physique. L'astrologique examine les influences des planètes sur les lignes de la main, et croit pouvoir déterminer le caractère d'une personne, et prédire ce qui doit lui arriver, en calculant les effets de ces influences. Ces sortes de divinations ont été très en vogue et durent encore, quoique également frivoles et ridicules.
 Chiron, non pas centaure, mais Hippocentaure, car, fils de Saturne, il était moitié Dieu et moitié cheval.
Chodar, démon que les nécromanciens nomment aussi Bélial ; il a l’orient pour district, et commande aux démons des prestiges.
Choquet (Louis), auteur d’un mystère très-rare intitulé l’Apocalypse de saint Jean Zèbédée, où sont comprises les visions et révélations qu’icelui saint Jean eut en l’île de Patmos ; In-folio, Paris, 1541.
Chorropique (Marie), sorcière bordelaise du temps de Henri IV, qui confessa s’être donnée au diable par le moyen d’un nommé Augerot d’Armore, lequel la mena dans une lande où elle trouva un grand seigneur vêtu de noir, avec la figure voilée. Il était entouré d’une infinité de gens richement habillés. Marie Chorropique ayant prononcé le nom de Jésus, tout disparut incontinent. Son guide ne vint la reprendre que trois heures après, la tança d’avoir prononcé le nom de Notre-Seigneur, et la conduisit au sabbat près d’un moulin, où elle retrouva le même seigneur noir, avec un nommé Menjoin, qui portait un pot de terre plein de grosses araignées enflées d’une drogue blanche, et deux crapauds qu’on tua à coups de gaule, et qu’on chargea Marie d’écorcher.
Ensuite, Augerot pila ces araignées dans un mortier avec les crapauds. On jeta cette composition sur des pâturages pour faire mourir les bestiaux. Après quoi, ces gens s’en allèrent au bourg d’Irauris, où ils prirent sans bruit un enfant au berceau. Augerot et Menjoin l’étranglèrent et le mirent entre son père et sa mère qui dormaient, afin que le père crût que sa femme l’avait étouffé, et que la mère à son tour accusât son mari. Ils en empoisonnèrent d’autres. Dans toutes ces exécutions, Marie Chorropique attendait les deux bandits à la porte. Que penser de ces récits ?
Elle dit encore que, dans un sabbat, elle vit deux sorcières qui apportèrent le cœur d’un enfant dont la mère s’était fait avorter, et qu’elles le gardèrent pour en faire un sacrifice au diable. Cette horrible sorcière fut brûlée le 2 octobre 1576 .
Chouette, elle était consacrée à Minerve, comme symbole de la vigilance; et, pour cette raison, les Athéniens avaient, pour cet oiseau, un respect particulier. Chez eux et les Siciliens, il était de bon augure: partout ailleurs la rencontre d'une chouette était d'un mauvais présage. Sur les monnaies des Athéniens, on voit souvent une chouette posée sur des vases. Les Athéniens, suivant l'opinion de plusieurs antiquaires, ont voulu conserver, par cet emblème, la mémoire de l'invention des vaisseaux de terre que devait leur rendre précieuse le grand commerce d'huile qu'ils faisaient. 
Choun, divinité adorée chez les Péruviens, qui racontaient ainsi son histoire : — Il vint des parties septentrionales un homme qui avait un corps sans os et sans muscles, et qui s’appelait Choun ; il abaissait les montagnes, comblait les vallées et se frayait un chemin dans les lieux inaccessibles. Ce Choun créa les premiers habitants du Pérou ; il leur apprit à se nourrir des herbes et des fruits sauvages. Mais un jour, offensé par quelques Péruviens, il convertit en sables arides une partie de la terre, auparavant très-fertile partout ; il arrêta la pluie, dessécha les plantes ; et ensuite, ému de compassion, il ouvrit les fontaines et fit couler les rivières, pour réparer le mal qu’il avait causé… C’est un système qui n’est pas plus bête que celui des philosophes modernes.
Choux. Une croyance qui n’est pas extrêmement rare, c’est qu’on ne doit pas manger de choux le jour de saint Étienne, parce qu’il s’était caché dans un carré de choux pour éviter le martyre… Conte très-stupide et superstition très-absurde.
Chrétiens. Dans les persécutions, on les accusait de magie.
Christolytes, hérétiques du sixième siècle, qui disaient que Notre-Seigneur avait laissé son corps et son âme aux enfers, et qu’il n’était remonté aux cieux qu’avec sa divinité.
Christophe. Autrefois, d’après une opinion exprimée par ce vers :
Christophorum videas postea tutus eas,
on croyait que celui qui avait vu quelque image de saint Christophe le matin était en sûreté toute la journée.
Christoval de la Garrade. Voy. Mamssane.
Chrysolithe, pierre précieuse qu’Albert le Grand regarde comme un préservatif contre la folie. Elle a encore, dit-il, la vertu de mettre le repentir dans le cœur de l’homme qui a fait des fautes…
Chrysomallon, nom que les Grecs donnaient au fameux bélier à la toison d'or. Il était fils de Neptune et de Théophanie. Il fit passer en Colchide Phryxus, qui l'immola, après son arrivée, à Mars, ou, selon d'autres, à Mercure, ou enfin à Jupiter Phryxus. Sa toison fut consacrée à Mars. Phryxus avait reçu ce bélier de sa mère Néphélé, à laquelle Mercure l'avait donné. C'était ce dieu qui avait changé sa toison en or. Ce fameux bélier se distinguait surtout par deux qualités particulières. Il pouvait voler, et avait l'usage de la parole. Lorsque Athamas voulut faire périr Phryxus, et qu'il lui fut ordonné de choisir pour le sacrifice le meilleur bélier, son choix tomba sur le bélier à la toison d'or, qui lui découvrit les projets de sa belle-mère contre lui et sa sœur Hellé. Il lui conseilla de se mettre l'un et l'autre sur son dos, et les emporta ainsi, les uns disent à travers les airs, les autres en passant la mer à la nage. Dans le trajet, Hellé tomba dans la mer et se noya, parce que l'une des cornes de Chrysomallon , sur lesquelles elle était portée se cassa. Dès qu'ils furent arrivés en Colchide, le bélier ordonna lui-même à Phryxus de l'immoler; il se dépouilla de sa toison d'or, et en fit présent à Phryxus, après quoi il monta au ciel. Il est le premier signe du zodiaque.
Chrysopée, œuvre d’or. C’est le nom grec que les alchimistes donnent à la pierre philosophai, ou à l’art de transmuer tous les métaux en or pur.
Chrysopole, démon. Voy. Olive.
Chrysoprase, pierre précieuse à laquelle la superstition attachait la propriété de fortifier la vue, de réjouir l’esprit et de rendre l’homme libéral et joyeux.
Ciaconius. Voy. Chacon.  
Cicéron (Marcus Tullius). Leloyer dit qu’un spectre apparut à la nourrice de Cicéron : c’était, un démon de ceux qu’on appelle génies familiers. Il lui prédit qu’elle allaitait un enfant qui, un jour, ferait grand bien à l’État. « Mais d’où tenait-il tout cela ? me dira-t-on. Je répondrai : C’est la coutume du diable de bégayer dans les choses futures . » Cicéron devint en effet ce qu’on sait. C’est lui qui disait qu’il ne concevait pas que deux augures pussent se regarder sans rire. Il a combattu quelques idées superstitieuses dans plusieurs de ses ouvrages, surtout dans les trois livres de la Nature des dieux, et dans les Tusculanes. Dans ses deux livres de la Divination, il reconnaît aux hommes le don de lire dans l’avenir.
Valère-Maxime conte que Cicéron, ayant été proscrit par les triumvirs, se retira dans sa maison de Formies, où les satellites des tyrans ne tardèrent pas à le poursuivre. Dans ces moments de trouble, il vit un corbeau arracher l’aiguille d’un cadran : c’était lui annoncer que sa carrière était finie. Le corbeau s’approcha ensuite de lui, comme pour lui faire sentir qu’il allait bientôt être sa proie, et le prit par le bas de sa robe, qu’il ne cessa de tirer que quand un esclave vint dire à l’orateur romain que des soldats arrivaient pour lui donner la mort. Les corbeaux d’aujourd’hui sont plus sauvages.
Ciel. Un tel article ne peut entrer dans ce dictionnaire qu’à propos de quelques folles croyances. Les musulmans admettent neuf cieux. Il y eut parmi les chrétiens des hérétiques qui en annonçaient trois cent soixante-cinq, avec des anges spécialement maîtres de chaque ciel. Voy. Basilide.
Bodin assure qu’il y a dix cieux, qui sont marqués par les dix courtines du tabernacle et par ces mots : « Les cieux sont les œuvres de tes doigts, » qui sont au nombre de dix … Les rabbins prétendent que le ciel tourne sans cesse, et qu’il y a au bout du monde un lieu où le ciel touche la terre. On lit dans le Talmud que le rabbin Bar-Chana, s’étant arrêté en cet endroit pour se reposer, mit son chapeau sur une des fenêtres du ciel, et que, l’ayant voulu reprendre un moment après, il ne le retrouva plus, les cieux l’ayant emporté dans leur course : de sorte qu’il fallut qu’il attendît la révolution des mondes pour le rattraper.
Cienga. C’est chez quelques peuples de l’Océanie le mauvais esprit, le démon.
Cierges. On allume deux cierges à Scaer, en Bretagne, au moment du mariage ; on en place un devant le mari, l’autre devant la femme : la lumière la moins brillante indique celui des deux qui doit mourir le premier. L’eau et le feu, comme « chez les anciens, jouent un grand rôle chez les Bretons. Du côté de Guingamp, et ailleurs, quand on ne peut découvrir le corps d’un noyé, on met un cierge allumé sur un pain qu’on abandonne au cours de l’eau : on trouve, dit-on, le cadavre dans l’endroit où le pain s’arrête .
Cigogne. On croit que les cigognes préservent des incendies les maisons où elles se retirent. Cette erreur n’est plus très-répandue. On a dit aussi que les cigognes ne s’établissaient que dans les États libres ; mais les Égyptiens, qui eurent toujours des rois, leur rendaient un culte ; et c’était un crime capital en Thessalie, qui était monarchique, de tuer une cigogne, parce que le pays est plein de serpents, et que les cigognes les détruisent. Elles sont enfin très-communes et très-protégées en Turquie, en Égypte et en Perse, où l’on ne songe guère aux idées républicaines.
Cilano (George-Chrétien-Maternus de), Hongrois du dix-huitième siècle, qui a écrit un livre de l’Origine et de la Célébration des Saturnales chez les Romains , et (sous le nom d’Antoine Signatelli) des Recherches sur les géants .
Cimeriès, grand et puissant démon, marquis de l’empire infernal. Il commande aux parties africaines. Il enseigne la grammaire, la logique et la rhétorique ; il découvre les trésors et révèle les choses cachées ; il rend l’homme léger à la course, et donne aux bourgeois la tournure fringante des militaires. Le marquis Cimeriès, capitaine de vingt légions, est toujours à cheval sur un grand palefroi noir .
Cimetière. Il n’était pas permis en Espagne, au quatrième siècle, d’allumer des cierges en plein jour dans les cimetières, de peur d’inquiéter les esprits. On croyait que les âmes des trépassés fréquentaient les cimetières où leurs corps étaient enterrés  ; et le clergé eut 1 quelque peine à détruire cette opinion. On croit encore aujourd’hui dans les campagnes que les âmes du purgatoire reviennent dans les cimetières ; on dit même que les démons aiment à s’y montrer, et que c’est pour les écarter qu’on y plante des croix. On conte des anecdotes effrayantes. Peu de villageois traverseraient le cimetière à minuit : ils ont toujours l’histoire de l’un d’entre eux rossé par une âme (ou plutôt par un mauvais plaisant) qui lui a reproché de troubler sa pénitence. Henri Estienne et les ennemis du catholicisme ont forgé des aventures facétieuses, où ils attribuent de petites fraudes aux gens d’église pour maintenir cette croyance ; mais ces historiettes sont des inventions calomnieuses. On a vu quelquefois, dans les grandes chaleurs, des exhalaisons enflammées sortir des cimetières ; on sait aujourd’hui qu’elles ont une cause naturelle.
Cimmériens, peuples qui habitaient autour des Palus-Méotides, et dont les Cimbres sont les descendants. Beaucoup de savants ont placé dans ce pays l’antre par lequel on allait aux enfers. Leloyer dit que les Cimmériens étaient de grands sorciers, et qu’Ulysse ne les alla trouver que pour interroger par leur moyen les esprits de l’enfer.
Cimon, général athénien, fils de Miltiade. Ayant vu en songe une chienne irritée qui aboyait contre lui et qui lui disait d’une voix humaine : — « Viens, tu me feras plaisir à moi et à mes petits, » il alla consulter un devin nommé Astyphile, qui interpréta sa vision de cette manière : — « Le chien est ennemi de celui contre lequel il aboie ; or, on ne pourrait faire à son ennemi un plus grand plaisir que de mourir ; et ce mélange de la voix humaine avec l’aboi dénote un Mède qui vous tuera. » Les Grecs étaient en guerre avec les Perses et les Mèdes : il y avait donc chance. Malheureusement pour le devin, le songe ne s’accomplit pas, et Cimon ne mourut que de maladie.
Cincinnatulus ou Cincinnatus, bien bouclé; nom d'un esprit qui, au rapport de Caelius Rhodiginus, parlait par la bouche d'une femme nommée Jocaba, laquelle n'était apparemment qu'une ventriloque.
Cinq, les Grecs modernes se demandent excuse en prononçant le nombre cinq, qui est de mauvaise compagnie et du plus mauvais augure, parce qu'il exprime un nombre indéfini, réprouvé par les cabalistes.  
Ciones, idoles communes en Grèce, qui ne consistaient qu'en pierres oblongues, en forme de colonnes, d'où vient le nom. 
Cippus Venelius, chef d’une partie de l’Italie, qui, pour avoir assisté à un combat de taureaux et avoir eu toute la nuit l’imagination occupée de cornes, se trouva un front cornu le lendemain. D’autres disent que ce prince, entrant victorieux à Rome, s’aperçut, en se penchant au-dessus des eaux du Tibre, car il n’avait pas de miroir, qu’il lui était poussé des cornes. Il consulta les devins pour savoir ce que lui présageait une circonstance si extraordinaire. On pouvait expliquer ce prodige de plusieurs façons ; on lui dit seulement que c’était une marque qu’il régnerait dans Rome ; mais il n’y voulut plus entrer. Cette modération est plus merveilleuse que les cornes.
Circoncellions, fanatiques du quatrième siècle, de la secte des donatistes. Ils parurent en Afrique. Armés d’abord de bâtons qu’ils appelaient bâtons d’Israël, ils commettaient tous les brigandages, sous prétexte de rétablir l’égalité. Ils prirent bientôt des armes plus offensives pour tuer les catholiques. On les appelait aussi scotopètes. Ils faisaient grand cas du diable et l’honoraient en se coupant la gorge, en se noyant, en se jetant, eux et leurs femmes, dans les précipices. A la suite de Frédéric Barberousse, au. treizième siècle, on vit reparaître des circoncellions qui damnaient les catholiques. Ces violents sectaires, qui pratiquaient le meurtre contre eux-mêmes et contre les autres, à l’une et l’autre époque, ne durèrent pas longtemps.
Cire. C’est avec de la cire que les sorcières composaient les petites figures magiques qu’elles faisaient fondre lorsqu’elles voulaient envoûter et faire périr ceux qu’elles avaient pour ennemis. On décapita à Paris, en 157/t, un gentilhomme chez qui l’on trouva une petite image de cire ayant la place du cœur percée d’un poignard. Voy. Envoûtement et Céromancie.
Ciruelo (Pierre), savant aragonais du quinzième siècle, à qui l’on doit un livre d’astrologie , où il défend les astrologues et leur science contre les raisonnements de Pic de la Mirandole.
Citation, formule employée pour appeler les esprits et les forcer à paraître. Voy. Évocation.
Cités. Saint Augustin a parfaitement décrit ce bas monde, en le divisant en deux cités : la cité de Dieu, peuplée des hommes attachés à l’Église, et la cité du diable, composée de tous les autres.
Citu, fête solennelle célébrée par les Péruviens, le premier jour de la lune après l'équinoxe. On le regardait comme un jour de lustration générale. Le peuple s'y préparait par un jeûne de vingt-quatre heures, et par une continence scrupuleuse. Ils faisaient une espèce de pâte mêlée avec du sang tiré de l'entre-deux des sourcils et des narines des jeunes enfants, et en frottaient leurs têtes, leurs visages, leurs estomacs, épaules, bras et cuisses, après s'être lavé tout le corps. On croyait que l'effet de cette purification était de chasser toutes sortes de maladies. Ils frottaient également avec cette pâte les jambages des portes de leurs maisons, et en laissaient des fragments, pour montrer que chacune d'elles avait été purifiée. Le grand prêtre faisait la même cérémonie dans le palais et dans le temple du Soleil, pendant que les prêtres d'un ordre inférieur purifiaient les chapelles et autres lieux sacrés. Le moment où le Soleil venait à paraître sur l'horizon était celui où la nation entière lui faisait ces hommages. Un prince du sang royal se présentait dans la grande place de Cusco, magnifiquement habillé, tenant une lance ornée de plumes de diverses couleurs, et enrichie de nombre d'anneaux d'or. Cet Inca se réunissait à quatre autres également armés de lances, qu'il consacrait en quelque sorte, en les touchant avec la sienne. Il déclarait alors que le Soleil avait fait choix d'eux pour chasser toutes les infirmités. Ensuite ces quatre ministres du Soleil parcouraient les divers quartiers de la ville. Chacun sortait de sa maison pour toucher leurs vêtements, et s'en frotter la tête, le visage, les bras et les cuisses. Ces cérémonies purificatoires étaient accompagnées de grandes acclamations de joie, et la superstition faisait accroire aux Péruviens qu'en conséquence toutes les maladies étaient chassées à cinq ou six lieues de leur cité.       
Civile (François de), gentilhomme normand, né en 1536, dont la vie fut remplie de catastrophes pour la plupart imaginées par les écrivains protestants, qui ont si souvent fabriqué des romans et des historiettes, dans le but de faire lire leurs écrits. On classe cette vie prodigieuse dans les impostures historiques.
Clairon ( Claire-Josèphe-Leyris de Latude, connue sous le nom d’Hippolyte), tragédienne française, morte en 1803. Dans ses Mémoires, publiés en 1799, elle raconte l’histoire d’un revenant qu’elle croit être l’âme de M. de S…, fils d’un négociant de Bretagne, dont elle avait rejeté les vœux ; il en mourut de chagrin ; et dès lors mademoiselle Clairon entendit toutes les nuits, vers les onze heures du soir, pendant plusieurs mois, un cri aigu. Ses gens, ses amis, ses voisins, la police même, entendirent ce bruit, toujours à la même heure, toujours partant sous ses fenêtres, et ne paraissant sortir que du vague de l’air.
Ces cris cessèrent quelque temps, puis ils furent remplacés, à la même heure, par un coup de fusil tiré dans ses fenêtres, sans qu’il en résultât aucun dommage.
La rue fut remplie d’espions, et ce bruit fut entendu, sans que jamais personne pût voir de quel endroit il partait. A ces explosions succéda un claquement de mains, puis des sons mélodieux. Enfin, tout cessa après un peu plus de deux ans et demi . Voilà ce que disent des mémoires publiés par mademoiselle Raucourt. C’était sans doute une mystification, qui eût fait un peu plus de bruit à Paris si c’eût été autre chose.
Clairvoyance. On exprime parce mot le don que possèdent quelques personnes de deviner des choses obscures ; à peu près comme ceux qui découvrent des sources où le commun des hommes n’en soupçonne pas.
Clarus. Saint Augustin rapporte qu’un jeune homme de condition nommé Clarus, s’étant donné à Dieu dans un monastère d’Hippone, se persuada qu’il avait commerce avec les anges. Il en parla dans le couvent. Comme les frères refusaient de le croire, il prédit que la nuit suivante Dieu lui enverrait une robe blanche avec laquelle il paraîtrait au milieu d’eux. En effet, vers minuit, le monastère fut ébranlé, la cellule du jeune homme parut brillante de lumière ; on entendit le bruit de plusieurs personnes qui allaient, venaient et parlaient entre elles, sans qu’on pût les voir. Clarus sortit de sa cellule et montra aux frères la tunique dont il était vêtu : c’était une étoffe d’une blancheur admirable et d’une finesse si extraordinaire, qu’on n’avait jamais rien vu de semblable. On passa le reste de la nuit à chanter des psaumes en actions de grâces ; ensuite on voulut conduire le jeune homme à saint Augustin; mais il s’y opposa, disant que les anges le lui avaient défendu. Cependant on ne l’écouta point ; et, comme on l’y conduisait malgré sa résistance, la tunique disparut aux yeux des assistants ; ce qui fit juger que le tout n’était qu’une illusion de l’esprit de ténèbres.
Classyalabolas. Voy. Caacrinolaas.
Claude, prieur de Laval, fit imprimer à la fin du seizième siècle un livre intitulé Dialogues de la Lycanthropie.
Clauder (Gabriel), savant saxon, mort en 1691, membre de l’Académie des Curieux de la nature. Il a laissé dans les Mémoires de cette société divers opuscules singuliers. Tels sont : « le Remède diabolique du délire » et « les Vingt-cinq ans de séjour d’un démon sur la terre . »
Son neveu, Frédéric-Guillaume Clauder, a donné dans les Éphémérides de la même académie un traité sur les nains.
Clauneck, démon turc qui a puissance sur les biens, sur les richesses ; il fait trouver des trésors à celui qu’il sert en vertu d’un pacte. Il est aimé de Lucifer, qui le laisse maître de prodiguer l’argent. Il rend complaisance pour complaisance à qui l’appelle .
Clauzette. Sur la fin de 1681, une fille insensée, Marie Clauzette, se mit à courir les champs aux environs de Toulouse, en se réclamant du nom de Robert, qu’elle disait être le maître de tous les diables. On la crut possédée, et tout le monde voulut la voir. Quatre jeunes filles, qui assistèrent aux premiers exorcismes, se crurent possédées pareillement. Le vicaire général de Toulouse, voulant éprouver si la possession était vraie, fit employer d’abord des exorcismes feints ; et l’eau commune, la lecture d’un livre profane, le ministère d’un laïque habillé en prêtre agitèrent aussi violemment les prétendues possédées, qui n’étaient pas prévenues, que si un prêtre eût lu le Rituel avec des aspersions d’eau bénite. Les médecins déclarèrent que le diable n’était pour rien dans cette affaire. Les possédées vomissaient des épingles crochues ; mais on remarqua qu’elles les cachaient dans leur bouche pour les rejeter devant les spectateurs. Le parlement de Toulouse proclama la fraude et dissipa cette ridicule affaire.
Clavicules de Salomon. Voy. Salomon.
Clay (Jean), littérateur allemand, mort en 1592. On recherche son Alkumistica, petit poème en vers allemands contre la folie des alchimistes et faiseurs d’or.
Clédonismancie, divination tirée de certaines paroles qui, entendues ou prononcées en diverses rencontres, étaient regardées comme bons ou mauvais présages. Cette divination était surtout en usage à Smyrne ; il y avait là jadis un temple où c’était ainsi qu’on rendait les oracles. Un nom seul offrait quelquefois l’augure d’un bon succès. Léotychide, pressé par un Samien d’entreprendre la guerre contre les Perses, demanda à ce Samien son nom ; et, en apprenant qu’il s’appelait Hégésistrate, mot qui signifie conducteur d’armée, il répondit : « J’accepte l’augure d’Hégésistrate. » Ce qu’il y avait de commode en tout ceci, c’est qu’on était libre d’accepter ou de refuser le mot à présage. S’il était saisi par celui qui l’entendait et qu’il frappât son imagination, il avait toute son influence ; mais si l’auditeur le laissait tomber, ou n’y faisait pas une prompte attention, l’augure était sans force.
Clef d’or. On a publié, sous le titre de la Clef d’or, plusieurs petits volumes stupides qui enseignent les moyens infaillibles de faire fortune avec la loterie, et qui, quand la loterie existait, ne faisaient que des dupes. La Clef d’or ou le Véritable trésor de la fortune, qui se réimprimait de temps en temps à Lille, chez Castiaux, n’est pas autre chose que la découverte des nombres sympathiques, que l’auteur se vante d’avoir trouvés ; « ce qui lui a valu trois cent » mille francs en deux ans et demi ». Il est affreux de mentir aussi impunément pour engager les pauvres gens à se ruiner dans les loteries. Or, les cinq nombres sympathiques ne manquent pas de sortir, dit-il effrontément, dans les cinq tirages qui suivent la sortie du numéro indicateur. Il faut donc les suivre pendant cinq tirages seulement pour faire fortune. Par exemple, les nombres sympathiques de h sont 30, k0, 50, 70, 76. Ces cinq numéros sortiront dans les cinq tirages qui suivront la sortie de 4, non pas tous à la fois peut-être, mais au moins deux ou trois ensemble. Du reste, les nombres sympathiques sont imaginaires, et chacun les dispose à son gré.
Cleidomancie ou Cleidonomancie, divination par le moyen d’une clef. On voit dans Delrio et Delancre qu’on employait cette divination pour découvrir l’auteur d’un vol ou d’un meurtre. On tortillait autour d’une clef un billet contenant le nom de celui qu’on soupçonnait ; puis on attachait cette clef à une Bible, qu’une fille vierge soutenait de ses mains. Le devin marmottait ensuite tout bas le nom des personnes soupçonnées ; et on voyait le papier tourner et se mouvoir sensiblement. On devine encore d’une autre manière par la cleidomancie. On attache étroitement une clef sur la première page d’un livre ; on ferme le livre avec une corde, de façon que l’anneau de la clef soit dehors ; la personne qui a quelque secret à découvrir par ce moyen pose le doigt dans l’anneau de la clef, en prononçant tout bas le nom qu’elle soupçonne. S’il est innocent, la clef reste immobile ; s’il est coupable, elle tourne avec une telle violence qu’elle rompt la corde qui attache le livre [1].
Les Cosaques et les Russes emploient souvent cette divination ; mais ils mettent la clef en travers et non à plat, de manière que la compression lui fait faire le quart de tour. Ils croient savoir par là si la maison où ils sont est riche, si leur famille se porte bien en leur absence, si leur père vit encore, etc. Ils font usage surtout de cette divination pour découvrir les trésors. On les a vus plusieurs fois en France recourir à cet oracle de la clef sur l’Évangile de saint Jean, durant l’invasion de 1814.
Clément, prêtre écossais, contemporain de Charlemagne. Il soutenait qu’en descendant aux enfers Jésus-Christ en avait délivré tous les damnés, sans exception. Cette doctrine a été condamnée.
Cléonice. Pausanias, général lacédémonien, ayant tué à Vicence une vertueuse jeune fille, nommée Cléonice, qui lui avait résisté, vécut dans un effroi continuel et ne cessa de voir, jusqu’à sa mort, le spectre de cette jeune fille à ses côtés. — Si l’on connaissait ce qui a précédé les visions, on en trouverait souvent la source dans les remords.
Cléopâtre. C’est, dit-on, une erreur que l’opinion où nous sommes que Cléopâtre se fit mourir avec deux aspics. Plutarque dit, dans la vie de Marc-Antoine, que personne n’a jamais su comment elle était morte. Quelques-uns assurent qu’elle prit un poison qu’elle avait coutume de porter dans ses cheveux. On ne trouva point d’aspic clans le lieu où elle était morte ; on dit seulement qu’on lui remarqua au bras droit deux piqûres imperceptibles ; c’est là —dessus qu’Auguste hasarda l’idée qui est devenue populaire sur le genre de sa mort. Il est probable qu’elle se piqua avec une aiguille empoisonnée .
Cléromancie, art de dire la bonne aventure par le sort jeté, c’est-à-dire avec des dés, des osselets, des fèves noires ou blanches. On les agitait dans un vase, et, après avoir prié les dieux, on les renversait sur une table et l’on prédisait l’avenir d’après la disposition des objets. Il y avait à Bura, en Achaïe, un oracle d’Hercule qui se rendait sur un tablier avec des dés. Le pèlerin, après avoir prié, jetait quatre dés, dont le prêtre d’Hercule considérait les points, et il en tirait la conjecture de ce qui devait arriver. Il fallait que ces dés fussent faits d’os de bêtes sacrifiées. Le plus souvent on écrivait sur des osselets ou sur de petites tablettes qu’on mêlait dans une urne ; ensuite on faisait tirer un lot par le premier jeune garçon qui se rencontrait ; et si l’inscription qui sortait avait du rapport avec ce qu’on voulait savoir, c était une prophétie certaine. Cette divination était commune en Égypte et chez les Romains ; et l’on trouvait fréquemment des cléromanciens dans les rues et sur les places publiques, comme on trouve dans nos fêtes des cartomanciens. Voy. Astragalomancie.
Clèves. On dit que le diable est chef de cette noble maison et père des comtes de Clèves. Les cabalistes prétendent que ce fut un sylphe qui vint à Clèves par les airs, sur un navire merveilleux traîné par des cygnes, et qui repartit un jour, en plein midi, à la vue de tout le monde, sur son navire aérien. « Qu’a-t-il fait aux docteurs qui les oblige à l’ériger en démon ? » dit l’abbé de Villars . C’est en mémoire de cette origine merveilleuse, diversement expliquée, qu’on avait fondé au pays de Clèves l’ordre des chevaliers du Cygne.
Climatérique. Voy. Année.
Clistheret, démon qui fait paraître la nuit au milieu du jour, et le jour au milieu de la nuit, quand c’est son caprice, si vous en croyez les Clavicules de Salomon.
Cloches. Les anciens connaissaient les cloches, dont on attribue l’invention aux Égyptiens. Elles étaient en usage à Athènes et chez les Romains. Les musulmans n’ont point de cloches dans leurs minarets ; ils croient que le son des cloches effrayerait les âmes des bienheureux dans le paradis. Les cloches ne furent généralement employées dans les églises chrétiennes que vers le septième siècle. On voit dans Alcuin que la cérémonie du baptême qui les consacre avait lieu déjà du temps de Charlemagne.
C’est, dit-on, parce qu’elles sont baptisées que les cloches sont odieuses à Satan. On assure que quand le diable porte ses suppôts au sabbat, il est forcé de les laisser tomber s’il entend le son des cloches. Torquemada raconte, dans son Hexaméron, qu’une femme revenant du sabbat, portée dans les airs par l’esprit malin, entendit la cloche qui sonnait Y Angélus. Aussitôt le diable l’ayant lâchée, elle tomba dans une haie d’épines, au bord d’une rivière. Elle aperçut un jeune homme à qui elle demanda secours, et qui, à force de prières, se décida à la reconduire en sa maison. Il la pressa tellement de lui avouer les circonstances de son aventure, qu’elle la lui apprit ; elle lui fit ensuite de petits présents, pour l’engager à ne rien dire ; mais la chose ne manqua pourtant pas de se répandre.
On croit dans quelques contrées que c’est le diable qui excite les tempêtes, et que, par conséquent, les cloches conjurent les orages. Les paysans sonnent donc les cloches dès qu’ils entendent le tonnerre, ce qui maintenant est reconnu pour une imprudence. Citons à ce sujet un fait consigné dans les Mémoires de l’Académie des sciences : « En 1718, le 15 août, un vaste orage s’étendit sur la basse Bretagne, le tonnerre tomba sur vingt-quatre églises situées entre Landernau et Saint-Pol de Léon ; c’était précisément celles où l’on sonnait pour écarter la foudre ; celles où l’on ne sonna pas furent épargnées. » M. Saignes pense cependant que le son des cloches n’attire pas le tonnerre, parce que leur mouvement a peu d’intensité ; mais le bruit seul agite l’air avec violence, et le son du tambour sur un lieu élevé ferait peut-être le même effet d’attirer la foudre.
On a cru encore, dans certains pays, qu’on se mettait à l’abri de toute atteinte des orages en portant sur soi un morceau de la corde attachée à la cloche au moment de son baptême.
Cloche du diable. Il nous reste à dire un mot de cette cloche. Dusaulx visitant les Pyrénées à pied, son guide, qui était un franc montagnard, le conduisit dans un marécage comme pour lui montrer quelque chose de curieux. Il prétendit qu’une cloche avait jadis été enfoncée dans cet endroit ; que cent ans après le diable, à qui appartenaient alors tous les métaux souterrains, s’était emparé de cette cloche, et qu’un pâtre depuis peu de temps l’avait entendu sonner pendant la nuit de Noël dans l’intérieur de la montagne. — Fort bien, dit Dusaulx ; ce qu’on a pris pour le son d’une cloche ne viendrait-il pas plutôt des eaux souterraines qui s’engouffrent dans quelque cavité ? — Oh ! que non, répliqua le guide.
Cloche du jugement dernier. Il y a des cloches célèbres. On respecte beaucoup dans les Pyrénées la cloche de la vallée ; on lui donne toutes sortes d’origines merveilleuses : la plus commune, c’est qu’elle a été fondue par les anges. On l’entend, ou peut-être on croit l’entendre quelquefois : mais on ne sait pas où elle est suspendue. C’est cette cloche qui doit, à ce que disent les montagnards, réveiller leurs patriarches endormis dans les creux des rochers, et appeler les hommes au dernier jugement.
Lorsque Ferdinand le Catholique fut attaqué de la maladie dont il mourut, la fameuse cloche de la Villela (qui a dix brasses de tour) sonna, dit-on, d’elle-même ; ce qui arrive quand l’Espagne est menacée de quelque malheur. On publia aussitôt qu’elle annonçait la mort du roi, qui mourut effectivement peu après .
Clofye, oiseau d'Afrique, noir, et de la grosseur d'un étourneau. Les Nègres s'imaginent que son chant prédit les bons et mauvais événements: quand ils menacent quelqu'un d'une mort funeste, ils lui disent que le Clofye a chanté sur lui. 
Clotho, la plus jeune des Parques, celle qui tenait les fils des destinées des hommes, comme le porte son nom, lequel, suivant Fulgence, signifie aussi évocation, parce que cette Parque évoquait l'esprit de vie, et réglait le temps de l'existence. Lucien est le seul qui l'ait placé dans la barque de Charon. Dans le concert des Parques et des Sirènes, c'était elle qui chantait les choses nouvelles. Plutarque la place dans la lune dont elle gouvernait les mouvements, et avec raison, disent ses commentateurs, puisqu'elle marque les conversions différentes de cette planète. On la représente vêtue d'une longue robe de diverses couleurs, la tête ornée d'une couronne formée de sept étoiles, et tenant une quenouille qui descend du ciel en terre.
Clou. Il y a sur les clous quelques petites superstitions dont on fera son profit. Les Grecs modernes sont persuadés qu’en fichant le clou d’un cercueil à la porte d’une maison infestée, on en écarte à jamais les revenants et les fantômes. Boguet parle d’une sorcière qui, pour un cheval blessé, disait certains mots en forme d’oraison et plantait en terre un clou qu’elle ne retirait jamais. Les Romains, pour chasser la peste, fichaient un clou dans une pierre qui était au côté droit du temple de Jupiter ; ils en faisaient autant contre les charmes et sortilèges, et pour apaiser les discordes qui survenaient entre les citoyens. « Il y en a pareillement qui, se voulant prévaloir contre leurs ennemis, plantent un clou dans un arbre. Or, quelle force peut avoir ce clou ainsi planté  ? »
Clovis, fils de Chilpéric Ier. Il ne restait à Chilpéric que ce fils de sa première femme. Le jeune homme fut assez indiscret pour s’expliquer sans ménagement sur Frédégonde, qu’il regardait comme son ennemie. Elle résolut de se débarrasser de lui. Clovis aimait une jeune fille de basse extraction ; un émissaire de Frédégonde vint dire au roi que c’était la fille d’une magicienne ; que Clovis avait employé les artifices de cette femme pour se défaire de ses deux frères (empoisonnés, à ce qu’on croit), et qu’il tramait la mort de la reine. La vieille femme, mise à la question, fut forcée d’avouer qu’elle était sorcière. Clovis, convaincu, se vit dépouillé de ses riches vêtements et conduit dans une prison, où des assassins le poignardèrent, si les historiens disent vrai ; et on fit accroire au monarque qu’il s’était tué lui-même. La magicienne, dont la fille venait aussi d’être mise à mort, fut épouvantée de ses aveux, qu’elle rétracta ; mais on se hâta de lui imposer silence en la conduisant au bûcher. C’est du moins ainsi que racontent les choses des chroniqueurs peu favorables, il est vrai, à Frédégonde .
Cluricaunes, esprits familiers un peu lutins en Irlande. On en compte beaucoup d’histoires .
Cobales, génies malins et trompeurs de la suite de Bacchus, dont ils étaient à la fois les gardes et les bouffons. Selon Leloyer, les cobales, connus des Grecs, étaient des démons doux et paisibles, nommés par quelques-uns bonhomets ou petits bonshommes des montagnes, parce qu’ils se montrent en vieux nains de basse stature ; ils sont vêtus court, demi-nus, la manche retroussée sur l’épaule, et portent un tablier de cuir sur les reins.
« Cette sorte de démons est présentement assez plaisante, car tantôt vous les verrez rire, tantôt se gaudir, tantôt sauter de joie, et faire mille tours de singe ; ils contreferont et imiteront les singes, et feront tant et plus les embesognés, combien qu’ils ne fassent rien du tout. À cette heure, vous les verrez bêcher dans les veines d’or ou d’argent, amasser ce qu’ils auront bêché, et le mettre en des corbeilles et autres vaisseaux pour cet effet préparés, tourner la corde et la poulie afin d’avertir ceux d’en haut de tirer le métal, et fort rarement voit-on qu’ils offensent les ouvriers, s’ils ne sont grandement provoqués de brocards, injures et risées dont ils sont impatients. Alors ils jetteront premièrement de la terre et de petits cailloux aux yeux des pionniers, et quelquefois les blesseront . »
Les Allemands appellent ces mêmes démons familiers Kobold. Voy. ce mot.
Coboli, génies ou démons révérés par les anciens Sarmates. Ils croyaient que ces esprits habitaient les parties les plus secrètes des maisons, et même les fentes du bois. On leur offrait les mets les plus délicats. Lorsqu’ils avaient l’intention de se fixer dans une habitation, ils en prévenaient ainsi le père de famille : la nuit ils assemblaient des tas de copeaux et répandaient de la fiente de divers animaux dans les vases de lait : gracieuses manières de s’annoncer. Si le lendemain le maître de la maison laissait ces copeaux en un tas, et faisait boire à sa famille le lait ainsi souillé, alors les cobolis se rendaient visibles et habitaient désormais avec lui ; mais s’il dispersait les copeaux et jetait le lait, ils allaient chercher un autre gîte.
Les cobolis sont de l’essence des gobelins, des cobales, du kobold des Allemands, des boggarts et des Cluricaunes.
Cocconas. Voy. Alexandre de Paphlagonie.
Cochon. Est-il vrai, comme le croit le peuple, que de tous les animaux le cochon soit celui dont l’organisation ait le plus de ressemblance avec celle de l’homme ? Sur ce point, dit M. Saignes, on ne saurait mieux faire que de s’en rapporter à Cuvier. Or, voici ce que lui ont révélé ses recherches. L’estomac de l’homme et celui du cochon n’ont aucune ressemblance : dans l’homme, ce viscère a la forme d’une cornemuse ; dans le cochon, il est globuleux ; dans l’homme, le foie est divisé en trois lobes ; dans le cochon, il est divisé en quatre : dans l’homme, la rate est courte et ramassée ; dans le cochon, elle est longue et plate, dans l’homme, le canal intestinal égale sept à huit fois la longueur du corps ; dans le cochon, il égale quinze à dix-huit fois la même longueur. Son cœur présente des différences notables avec celui de l’homme ; et j’ajouterai, pour la satisfaction des savants et des beaux esprits, que le volume de son cerveau est aussi beaucoup moins considérable, ce qui prouve que ses facultés intellectuelles sont inférieures à celles de nos académiciens.
Il y aurait bien des choses à dire sur le cochon. Le diable s’est souvent montré sous sa figure : et elle est digne de lui. On conte à Naples qu’autrefois il apparaissait souvent avec cette forme dans le lieu même où l’église de Sainte-Marie-Majeure a depuis été bâtie, ce qui réjouissait peu les Napolitains. Dès que l’église fut commencée, la singulière apparition ne se montra plus. C’est en mémoire de cet événement que l’évêque Pomponius fit faire le pourceau de bronze qui est encore sur le portail de cette église. Camérarius raconte que, dans une ville d’Allemagne, un juif malade étant venu chez une vieille, et lui ayant demandé du lait de femme, qu’il croyait propre à le guérir, la sorcière s’avisa de traire une truie et en porta le lait au juif, qui le but. Ce lait commençant à opérer, le juif s’aperçut qu’il grognait et devina la ruse de la sorcière, qui voulait sans doute lui faire subir la métamorphose des compagnons d’Ulysse. Il jeta le reste du lait sans le boire, et incontinent tous les cochons du voisinage moururent .
Coclès (Barthélémy), chiromancien du seizième siècle. Il avait aussi des connaissances en astrologie et en physiognomonie. Il prédit à Luc Gauric, célèbre astrologue du même temps, qu’il subirait injustement une peine douloureuse et infamante ; et Luc Gauric fut en effet condamné au supplice de l’estrapade par Jean Bentivoglio, tyran de Bologne, dont il avait pronostiqué l’expulsion prochaine.
Coclès prophétisa qu’il serait lui-même assassiné, et qu’il périrait d’un coup sur la tête. Son horoscope s’accomplit ponctuellement, car Hermès de Bentivoglio, fils du tyran, ayant appris qu’il se mêlait aussi de prédire sa chute, le fit assassiner par un brigand nommé Caponi, le 2k septembre 1504 . On assure même que, connaissant le sort qui le menaçait, il portait depuis quelque temps une calotte de fer, et qu’il ne sortait qu’armé d’une épée à deux mains. On dit encore que celui qui devait l’assassiner étant venu le consulter peu auparavant, il lui prédit qu’avant vingt-quatre heures il se rendrait coupable d’un meurtre. Il est plus que probable que ces prophéties n’ont été faites qu’après coup.
Coclès a écrit sur la physiognomonie et la chiromancie, mais son livre a subi des modifications. L’édition originale est : Physiognomoniœ ac chiromanciœ anastasis, sive compenchum ex pluribus et pene infini tis aucto : ibus, cum approbatione Alexandri Achillini. Bologne, 1504, in-folio. La préface est d’Achillini.
Cocoto, démon succube, adoré aux Indes occidentales, et mentionné par Bodin .
Cocyte, un des fleuves de l'Enfer. Les Grecs en empruntèrent l'idée d'un marais voisin du lac Achéruse. L'opinion qui faisait errer sur les bords pendant cent ans ceux qui n'avaient pas été inhumés, venait aussi de l'Egypte, parce que ceux qui se noyaient dans le marais n'avaient de funérailles qu'au bout d'un siècle. Elles se faisaient alors aux dépens du public. Le Cocyte entourait le Tartare, et n'était formé que par les larmes des méchants. Son nom signifie en effet pleurs, gémissements. C'est là ce qui l'a fait prendre pour un fleuve d'Enfer; car le Cocyte est un fleuve de la Thesprotie, en Epire, ou plutôt un marais bourbeux qui se déchargeait dans celui d'Achéruse. Il y avait dans la Campanie un autre Cocyte, qui se perdait dans le lac Lucrin. Ce fleuve a été représenté sous la figure d'un vieillard dont l'urne verse des flots, qui, après avoir formé un cercle parfait, s'échappent et vont se réunir à ceux de l'Achéron. C'est près du Cocyte qu'Alecton avait établi son séjour. On voyait sur son rivage des ifs qui présentaient un ombrage triste et ténébreux, et une porte posée sur des gonds d'airain, par laquelle on pénétrait dans les Enfers.
Code des sorciers. Boguet, qui avait tant de zèle pour l’extinction de la sorcellerie, amis à la lin de son Discours des sorciers une instruction pour un juge en fait de sorcellerie. Cette pièce curieuse, publiée en 1601, est divisée en quatre-vingt-onze articles. On la connaît plus généralement sous le titre de Code des sorciers. En voici le précis :
Le juge du ressort instruit l’affaire et la juge, sans suivre en cas pareil les formes ordinaires. La présomption de sorcellerie suffit pour faire arrêter le suspect ; l’interrogatoire doit suivre l’arrestation, parce que le diable assiste les sorciers en prison. Le juge doit faire attention à la contenance de l’accusé, voir s’il ne jette point de larmes, s’il regarde à terre, s’il barbote à part, s’il blasphème ; tout cela est indice.
Souvent la honte empêche le sorcier d’avouer ; c’est pourquoi il est bon que le juge soit seul, et que le greffier soit caché pour écrire les réponses. Si le sorcier a devant lui un compagnon du sabbat, il se trouble. On doit le raser, afin de mettre à découvert le sort de taciturnité. Il faut le visiter avec un chirurgien pour chercher les marques. Si l’accusé n’avoue pas, il faut le mettre dans une dure prison et avoir gens affidés qui tirent de lui la vérité. Il y a des juges qui veulent qu’on promette le pardon, et qui ne laissent pas de passer à l’exécution ; mais cette coutume me paraît barbare.
Le juge doit éviter la torture, elle ne fait rien sur le sorcier ; néanmoins il est permis d’en user.
Si le prévenu se trouve saisi de graisses, si le bruit public l’accuse de sorcellerie, ce sont de grandes présomptions qu’il est sorcier. Les indices légers sont les variations dans les réponses, les yeux fixés en terre, le regard effaré. Les indices graves sont la naissance, comme si, par exemple, le prévenu est enfant de sorcier, s’il est marqué, s’il blasphème. Le fils en tel cas est admis à déposer contre son père. Les témoins reprochables doivent être entendus comme les autres ; on doit aussi entendre les enfants. Les variations dans les réponses du témoin ne peuvent faire présumer en faveur de l’innocence du prévenu, si tout l’accuse d’être sorcier..
La peine est le supplice du feu : on doit étrangler les sorciers et les brûler après ; les loups garous doivent être brûlés vifs. On condamne justement sur des conjectures et présomptions ; mais alors on ne brûle pas, on pend. Le juge doit assister aux exécutions, suivi de son greffier, pour recueillir les dépositions…
Ce chef-d’œuvre de jurisprudence et d’humanité, ouvrage d’un avocat, reçut dans le temps les suffrages des barreaux français. Boguet le dédia à Daniel Romanez, avocat à Salins .
Codronchi (Baptiste), médecin d’Imola, au seizième siècle. Il a laissé un traité des années climatériques, de la manière d’en éviter le danger, et des moyens d’allonger sa vie.
Cœlicoles, secte juive qui adorait les astres et les anges gardiens des astres.
Cœur. Des raisonneurs modernes ont critiqué ce qui est dit dans l’Ecclésiaste, que le cœur du sage est au côté droit, et celui de l’insensé au côté gauche. Mais il faut entendre cette maxime comme le mot de Jonas à propos de ceux des Ninivites qui ne savaient pas faire la différence entre leur main droite et leur gauche, c’est-à-dire entre le bien et le mal. Que le cœur de l’homme soit situé au côté gauche de la poitrine, c’est un sentiment qui, à la rigueur, peut être réfuté par l’inspection seule, dit le docteur Brown ; car il est évident que la base et le centre du cœur sont exactement placés au milieu. La pointe, à la vérité, incline du côté gauche ; mais on dit de l’aiguille d’un cadran qu’elle est située au centre, quoique la pointe s’étende vers la circonférence du cadran.
Nous rappellerons que quelques hommes ont eu le cœur velu. Voy. Aristomèxe.
Cohoba, herbe dont les vapeurs enivraient les Indiens d’Hispaniola jusqu’à les plonger dans l’extase.
Coiffe. On s’est formé différentes idées sur la membrane appelée coiffe, qui couvre quelquefois la tête des enfants lorsqu’ils sortent du sein de leur mère. Les personnes superstitieuses la conservent avec soin, comme un moyen de bonheur, et on dit d’un homme heureux qu’il est né coiffé. On a même avancé que cette coiffe étend ses effets favorables jusque sur ceux qui la portent avec eux. Spartien parle de cette superstition dans la vie d’Antonin. Il dit que les sages-femmes vendaient ordinairement ces coiffes naturelles à des jurisconsultes crédules, qui en attendaient d’heureux résultats pour leurs affaires. Ils étaient persuadés que ce talisman leur ferait gagner toutes les causes . On se le disputait chez nous au seizième siècle. Dans quelques provinces, on croyait que la coiffe révélait une vocation à la vie monastique. Les sages-femmes prédisaient aussi chez nos pères le sort de l’enfant qui apportait la coiffe sur la tête. Voy. Amniomancie. Avant que l’empereur Macrin montât sur le trône, sa femme lui donna un fils qui naquit coiffé. On prédit qu’il s’élèverait au rang suprême, et on le surnomma Diadematus. Mais quand Macrin fut tué, il arriva de Diadematus qu’il fut proscrit et tué comme son père.
Coirières (Claude), sorcière du seizième siècle. Pendant qu’elle était détenue en prison, elle donna une certaine graisse à un nommé François Gaillard, pareillement prisonnier, lequel, s’en étant frotté les mains, fut enlevé de sa prison par l’assistance du diable, qui toutefois le laissa reprendre .
Colarbase, hérétique valentinien, qui prêchait la cabale et l’astrologie comme sciences religieuses. Il était disciple de Valentin. Il disait que la génération et la vie des hommes dépendaient des sept planètes, et que toute la perfection et la plénitude de la vérité était dans l’alphabet grec, puisque Jésus-Christ était nommé Alpha et Oméga .
Colas (Antide), sorcière du seizième siècle, qui, faisant commerce avec le diable, qu’elle nommait Lizabet, fut appréhendée et mise en prison sur l’avis de Nicolas Millière, chirurgien. Elle confessa qu’étant détenue à Betoncourt, le diable s’était apparu à elle en forme d’homme noir et l’avait sollicitée à se jeter par une fenêtre ou bien à se pendre ; une autre voix l’en avait dissuadée. Convaincue d’être sorcière, mais aussi d’avoir commis beaucoup de turpitudes, cette femme fut brûlée à Dôle en 1599  ; et c’est ainsi que se terminent ordinairement les histoires racontées par Boguet.
Colère, dans le tableau de la galerie de Versailles qui représente l'alliance de l'Allemagne et de l'Espagne avec la Hollande, Lebrun a peint la Colère pâle, sèche, et décharnée, tenant un coq sous le bras, et des verges à la main. On pourrait encore la représenter sous la figure d'un jeune homme, ou telle qu'une Furie, les jeux ardents, le teint jaune, indice de l'effusion de la bile, l'habit de couleur de feu, symbole de son ardeur et de son impétuosité; d'une main saisissant une épée nue, qui annonce le désir de la vengeance, et de l'autre un bouclier où serait représentée une tête de lion. Le lion, comme le plus colère, et le tigre comme le plus cruel des animaux, sont les deux attributs qu'on peut donner à cette passion.
 Bien des gens ont été possédés plus ou moins grièvement dans un accès de colère.
Coleti (Étienne), auteur d’un livre intitulé Manière de reconnaître et de délivrer les énergumènes .
Coley (Henry), astrologue anglais, mort en 1690. On a de lui la Clef des éléments de l’astrologie. Londres, 1675, in-8°. C’est un traité complet de cette science fantastique. On y trouve l’art de dresser toutes sortes de thèmes d’horoscopes, avec des exemples de nativités calculées.
Collanges (Gabriel de), mathématicien, né en Auvergne en 1524. Il n’employa ses connaissances qu’à la recherche des secrets de la cabale et des nombres. Il est traducteur de la Polygraphie et universelle écriture cabalistique de Trithème, Paris, 1561, in-4°. On cite plusieurs ouvrages de lui, dont aucun n’a été imprimé, non plus que sa version de la Philosophie occulte d’Agrippa. Il a laissé en manuscrit un Traité de l’heur et malheur du mariage.
Collehites, pierre que l’on assure être propre à chasser les démons et à prévenir les charmes  ; mais on aurait dû la désigner.
Colleman (Jean), astrologue, né à Orléans ; le roi Charles VII en faisait grand cas. Louis XI, dit-on, lui donna des pensions, parce qu’il lui apprit à supputer des almanachs. On dit que Colleman étudiait si assidûment le cours de la lune, qu’à force d’application il en devint lépreux …
Collyre. On voit dans la Lycanthropie de Nynauld qu’un sorcier composait un certain collyre avec le fiel d’un homme, les yeux d’un chat noir et quelques autres choses que l’écrivain ne nomme pas ; a lequel collyre appliqué aux yeux faisait voir et apparaître en l’air ou ailleurs les ombres des démons. »
Colokyntho-Pirates, pirates imaginaires, qui, dans l'Histoire véritable de Lucien, naviguent sur de grandes citrouilles longues de six coudées. Lorsqu'elles étaient sèches, ils les creusaient; les grains leur servaient de pierres dans les combats, et les feuilles de voiles, qu'ils attachaient à un mât de roseau.
Colombes. Il y avait dans le temple de Jupiter, à Dodone, des colombes que l’on gardait soigneusement ; elles répondaient d’une voix humaine lorsqu’elles étaient consultées. Mais on lit dans Pausanias que c’étaient des femmes prêtresses qu’on appelait colombes dodoniennes. Les Perses, persuadés que le soleil avait en horreur les colombes blanches, les regardaient comme des oiseaux de mauvais augure, et n’en souffraient point dans leur pays.
Colma, château fort sur le Danube, qui, selon la tradition, est sorti de terre tout construit, par une puissance magique, comme autrefois dans la mythologie grecque Pégase sous le pied de Minerve. Des savants disent qu’en réalité il a été bâti en une nuit par la puissante armée sarmate du roi Deucaos.
Colonne du diable. On conserve à Prague trois pierres d’une colonne que le diable apporta de Borne pour écraser un prêtre avec lequel il avait fait pacte, et le tuer pendant qu’il disait la messe. Mais saint Pierre, s’il faut en croire la légende populaire, étant survenu, jeta trois fois de suite le diable et sa colonne dans la mer, et cette diversion donna au prêtre le temps de se repentir. Le diable en fut si désolé qu’il rompit la colonne et se sauva .
Coltreni, lutins italiens, de l’espèce de nos Gobelins.
Combadaxus, divinité japonaise. C'était un bonze, dont les Japonais racontent l'anecdote suivante: A huit ans, il fit construire un temple magnifique, et, prétendant être las de la vie, annonça qu'il voulait se retirer dans une caverne, et y dormir dix mille millions d'années. En conséquence, il entra dans une caverne, dont l'issue fut scellée sur le champ. Les Japonais le croient encore vivant, et l'invoquent comme un dieu.
Combourg. « Les gens étaient persuadés (au sombre château de Combourg, en Bretagne) qu’un certain comte de Combourg, à jambe de bois, mort depuis trois siècles, apparaissait à certaines époques, et qu’on l’avait rencontré dans l’escalier de la tourelle. Sa jambe de bois se promenait aussi quelquefois, seule, avec un chat noir . »
Comédiens. « Il serait bon, comme dit Boguet, de chasser nos comédiens et nos jongleurs, attendu qu’ils sont pour la plupart sorciers et magiciens, n’ayant d’autre but que de vider nos bourses et de nous débaucher. » Boguet n’est pas tout à fait dans son tort.
Comenius (Jean-Amos), philologue du dix-septième siècle. Il a laissé la Lumière dans les ténèbres, Hollande, 1657, in-4° ; idem, augmentée de nouveaux rayons, 1665, 2 vol. in-4°, fig. C’est une traduction latine des prétendues prophéties et visions de Kotter, de Dabricius et de Christine Poniatowska, habiles gens que nous ne connaissons point.
Comètes. On a toujours vu dans les comètes les signes avant-coureurs des plus tristes calamités. Une comète parut quand Xerxès vint en Europe avec dix-huit cent mille hommes (nous ne les avons pas comptés) ; elle prédisait la défaite de Salamine. Il en parut une avant la guerre du Péloponnèse ; une avant la défaite des Athéniens en Sicile ; une avant la victoire que les Thébains remportèrent sur les Lacédémoniens ; une quand Philippe vainquit les Athéniens ; une avant la prise de Carthage par Scipion ; une avant la guerre civile de César et de Pompée ; une à la mort de César ; une à la prise de Jérusalem par Titus ; une avant la dispersion de l’empire romain par les Goths ; une avant l’invasion de Mahomet, etc. ; une enfin avant la chute du premier Empire.
Tous les peuples regardent également les comètes comme un mauvais présage ; cependant, si le présage est funeste pour les uns, il est heureux pour les autres, puisque en accablant ceux-ci d’une grande défaite, il donne à ceux-là une grande victoire.
Cardan explique ainsi les causes de l’influence des comètes sur l’économie du globe. « Elles rendent l’air plus subtil et moins dense, dit-il, en l’échauffant plus qu’à l’ordinaire : les personnes qui vivent au sein de la mollesse, qui ne donnent aucun exercice à leur corps, qui se nourrissent trop délicatement, qui sont d’une santé faible, d’un âge avancé et d’un sommeil peu tranquille, souffrent dans un air moins animé et meurent souvent par excès de faiblesse. Cela arrive plutôt aux princes qu’à d’autres, à cause du genre de vie qu’ils mènent ; et il suffit que la superstition ou l’ignorance aient attaché aux comètes un pouvoir funeste pour qu’on remarque, quand elles paraissent, des accidents qui eussent été fort naturels en tout autre temps. — On ne devrait pas non plus s’étonner de voir à leur suite la sécheresse et la peste, puisqu’elles dessèchent Pair et ne lui laissent pas la force d’empêcher les exhalaisons pestiférées. Enfin les comètes produisent les séditions et les guerres en échauffant le cœur de l’homme et en changeant les humeurs en bile noire. » On a dit de Cardan qu’il avait deux âmes, l’une qui disait des choses raisonnables, l’autre qui ne savait que déraisonner. ^Après avoir parlé comme on vient de voir, l’astrologue retombe dans ses visions. Quand une comète paraît auprès de Saturne, dit-il, elle présage la peste, la mort des souverains pontifes et les révolutions dans les gouvernements ; auprès de Mars, les guerres ; auprès du soleil, de grandes calamités sur tout le globe ; auprès de la lune, des inondations et quelquefois des sécheresses ; auprès de Vénus, la mort des princes et des nobles ; auprès de Mercure, divers malheurs en fort grand nombre.
Wiston a fait de grands calculs algébriques pour démontrer que les eaux extraordinaires du déluge furent amenées par une comète, et que quand Dieu décidera la fin du monde, ce sera une comète qui le brûlera…
Comiers (Claude), docteur en théologie, mort en 1693. Il est auteur d’un Traité de prophéties, vaticinations, prédictions et prognostications. Il a écrit aussi sur la baguette divinatoire et sur les sibylles.
Communisme, doctrine qui nie le péché originel, et par conséquent les démons ; qui déclare, d’après Jean-Jacques Rousseau, l’homme né parfait ; qui met tout en commun, qui donne à l’homme et à la femme tous les droits. C’est le résumé d’une foule d’hérésies et le procédé le plus sûr pour ramener l’homme à l’état sauvage. Les apotactiles, les bézards, les vaudois, les hussites et une foule d’autres sectes ont prêché cette doctrine sans pouvoir l’établir.
Compitales, fêtes qu'on célébrait dans les carrefours en l'honneur des dieux Lares ou Pénates, et de Mania, ou la Folie, mère des Lares. Les ministres de cette fête étaient les affranchis et les esclaves. Ces derniers jouissaient de la liberté durant la solennité. Du temps des rois de Rome, on y sacrifiaient des enfants, parce que l'oracle avait ordonné qu'on immolât têtes pour têtes; c'est à dire pour la santé et la prospérité des gens de chaque famille. Mais Brutus, après l'expulsion des Tarquins abolit cet usage impie, et fit substituer des têtes d'ail et de pavot, interprétant plus raisonnablement les paroles de l'oracle. Durant la célébration de ces fêtes, chaque famille plaçait à l'entrée de sa maison la statue de la déesse Mania, et suspendait des figures de bois au-dessus des portes. Dans les carrefours, on mettait autant de poteaux qu'il y avait d'esclaves, et autant d'images qu'il y avait de personnes libres dans les familles. Les esclaves, au lieu de figures d'hommes, offraient des balles de laines. Auguste ordonna de couronner et d'orner de fleurs deux fois l'an les statues des Lares placées dans les carrefours. Cette fête était mobile. On en proclamait le jour tous les ans. C'était aussi le nom des dieux eux-mêmes qu'on y invoquait.    
Comtes de l’enfer, démons d’un ordre supérieur dans la hiérarchie infernale, et qui commandent de nombreuses légions. On les évoque à toute heure du jour, pourvu que ce soit dans un lieu sauvage que les hommes n’aient pas coutume de fréquenter .
Conclamation, cérémonie romaine, qui consistait à appeler à grands cris l'individu qui venait de mourir, afin d'arrêter l'âme fugitive ou de la réveiller, si elle était encore attachée au corps. Les cadavres ainsi appelés se nommaient conclamata corpora.  
Condé. On lit dans une lettre de madame de Sévigné au président du Monceau que, trois semaines avant la mort du grand Condé, pendant qu’on l’attendait à Fontainebleau, M. de Vernillon, l’un de ses gentilshommes, revenant de la chasse sur les trois heures, et approchant du château de Chantilly (séjour ordinaire du prince), vit, à une fenêtre de son cabinet, un fantôme revêtu d’une armure qui semblait garder un homme enseveli ; il descendit de cheval et s’approcha, le voyant toujours ; son valet vit la même chose et l’en avertit. Ils demandèrent la clef du cabinet au concierge ; mais ils en trouvèrent les fenêtres fermées et un silence qui n’avait pas été troublé depuis six mois. On conta cela au prince, qui en fut un peu frappé, qui s’en moqua cependant ou parut s’en moquer ; mais tout le monde sut cette histoire et trembla pour ce prince, qui mourut trois semaines après…
Condormants, sectaires qui parurent en Allemagne au treizième et au seizième siècle, et qui durent leur nom à l’usage qu’ils avaient de coucher tous ensemble, sous prétexte de charité. Ils adoraient une image de Lucifer et ils en tiraient des oracles, dans un bois voisin de Cologne. Les récits contemporains nous apprennent qu’un prêtre ayant apporté dans cette assemblée la sainte Eucharistie, l’idole se brisa en mille pièces.
Conférentes, dieux des anciens dont parle Arnobe, et qui étaient, dit Leloyer, des démons incubes.
Confucius, philosophe chinois, était né environ quatre cent cinquante an avant l'ère chrétienne. Les prêtres chinois racontent qu'aussitôt après sa naissance, deux dragons vinrent le garder de tout danger, et que toutes les étoiles s'inclinaient pour le saluer. A vingt ans il se maria; mais bientôt après il quitta sa femme, de peur qu'elle ne l'interrompit dans ses études. Après qu'il eut acquis un grand fonds de connaissances, on le pressa de prendre une place de magistrat. Mais ces fonctions ne se trouvant pas de son goût, il ouvrit une école pour l'instruction de la jeunesse, et n'eut, dit-on, pas moins de cinq mille disciples. Ce grand homme vécut dans la pratique de toutes les vertus, tant publiques que privées, jusqu'à l'âge de soixante dix ans, et mourut de chagrin en voyant la corruption de ses concitoyens. Tout l'empire pleura sa perte, et le mit au rang des dieux d'un ordre inférieur. Beaucoup de temples sont élevés à sa mémoire, et tous en forme d'obélisque ou de pyramide. Le gouverneur de chaque ville qui contient un temple est toujours le prêtre officiant, et tous les lettrés du voisinage se réunissent pour le seconder. Le soir, avant le sacrifice, ils se rassemblent et se pourvoient de riz et de toute sorte de grains. Une table est placée devant l'autel; les parfums et les feux sont préparés, et le temple est illuminé. Alors le prêtre fait choix des victimes qui doivent être offertes , en leur versant du vin sur les oreilles. Si elles ne secouent que la tête, elles sont regardées comme agréées par Confucius; sinon, elles sont toutes rejetées. Après le sacrifice, on racle les poils, et on garde le sang jusqu'au lendemain. Au chant du coq, le prêtre rallume les cierges, et remplit les encensoirs. Le chœur commence à chanter; on présente devant l'autel le vase où son le sang et le poil de la victime, qu'un ministre subalterne va ensuite enterrer dans une cour devant la chapelle. Le maître des cérémonies appelle l'âme de Confucius sur les chairs des animaux immolés; le prêtre verse le vin d'un calice sur une image humaine faite de paille. Celle de Confucius est placée sur l'autel. Après une courte prière, le peuple s'agenouille, et se relève au bout de quelques minutes. Le prêtre se lave les mains, se prosterne, et présente une pièce de soie et une coupe remplie de vin à Confucius. La soie se brule dans un poêle; le maitre des cérémonies chante: Buvons le vin de la bénédiction et du vrai bonheur. A ces mots le peuple se met à genoux, pendant qu'un ministre inférieur met entre les mains du prêtre une portion des chairs des victimes. Le reste est partagé entre les assistants, et ceux qui en goûtent sont persuadés que Confucius leur sera favorable. La dernière cérémonie consiste a reconduire au ciel l'image de Confucius, que l'on s'imagine avoir assisté au sacrifice; ce qui se fait au moyen d'une prière prononcée en chœur par les prêtres. Le sacrifice fini, le reste des chairs se distribue au peuple, qui peut l'emporter chez lui ou le manger dans le temple. On en porte aux enfants, dans l'espérance que les vertus dont sont douées ces offrandes en feront un jour des personnes célèbres; et les restes de la soie offerte à Confucius sont distribués aux jeunes filles pour en habiller leurs poupées, dans la persuasion où l'on est que tant qu'elles conservent ces précieuses reliques, elles sont à l'abri de tout danger.        
Conjurateurs, prétendus magiciens qui s'attribuaient le pouvoir de conjurer les diables et les tempêtes.
Conjuration, exorcismes, paroles et cérémonies par lesquelles on chasse les démons. Dans l’Eglise romaine, pour faire sortir le démon du corps des possédés, on emploie certaines formules ou exorcismes, des aspersions d’eau bénite, des prières et des cérémonies instituées à ce dessein . — Les personnes superstitieuses et criminelles qui s’occupent de magie abusent du mot et nomment conjuration leurs sortilèges impies. Dans ce sens la conjuration est un composé de paroles souvent sacrilèges et de cérémonies détestables ou absurdes, adoptées par les sorciers pour évoquer les démons.
On commence par se placer dans le cercle magique Voy. Cercle ; puis on récite les formules. Voici quelque idée de ces procédés. Nous les empruntons aux Grimoires.
Conjuration universelle pour les esprits. — « Moi (on se nomme), je te conjure, esprit (on nomme l’esprit qu’on veut évoquer), au nom du grand Dieu vivant, de m’apparaître en telle forme (on l’indique) ; sinon saint Michel archange, invisible, te foudroiera dans le plus profond des enfers ; viens donc (on nomme l’esprit), viens, viens, viens pour faire ma volonté. »
Conjuration d’un livre magique. — « Je vous conjure et ordonne, esprits, tous et autant que vous êtes, de recevoir ce livre en bonne part, afin que toutes les fois que nous lirons ledit livre, ou qu’on le lira étant approuvé et reconnu être en forme et en valeur, vous ayez à paraître en belle forme humaine lorsqu’on vous appellera, selon que le lecteur le jugera, dans toutes circonstances. Je vous conjure de venir aussitôt la conjuration faite, afin d’exécuter sans retardement tout ce qui est écrit et mentionné en son lieu dans ce dit livre : vous obéirez, vous servirez, enseignerez, donnerez, ferez tout ce qui est en votre puissance, en utilité de ceux qui vous ordonneront, le tout sans illusion. — Et si par hasard quelqu’un des esprits appelés parmi vous ne pouvait venir ou paraître lorsqu’il serait requis, il sera tenu d’en envoyer d’autres revêtus de son pouvoir, qui jureront solennellement d’exécuter tout ce que le lecteur pourra demander, en vous conjurant tous par les très-saints noms du tout-puissant Dieu vivant, etc. »
Conjuration des démons. — « Alerte, venez tous, esprits. Par la vertu et le pouvoir de votre roi, et par les sept couronnes et chaînes de vos rois, tous esprits des enfers sont obligés d’apparaître à moi devant ce cercle, quand je les appellerai. Venez tous à mes ordres pour faire tout ce qui est en votre pouvoir, étant recommandés ; venez donc de l’orient, midi, occident et septentrion ; je vous conjure et ordonne, par la vertu et puissance de celui qui est Dieu, etc. »
Conjuration pour chaque jour de la semaine. — Pour le lundi, à Lucifer. Cette expérience se fait souvent depuis onze heures jusqu’à douze, et depuis trois heures jusqu’à quatre. Il faudra du charbon, de la craie bénite pour faire le cercle, autour duquel on écrira : « Je te défends, Lucifer, par le nom que tu crains, d’entrer dans ce cercle. » Ensuite on récite la formule suivante : « Je te conjure, Lucifer, par les noms ineffables On, Alpha, Ya, Rey, Sol, Messias, Ingodum, etc., que tu aies à faire, sans me nuire (on désigne sa demande). »
Pour le mardi, à Nambroth. Cette expérience se fait la nuit, depuis neuf heures jusqu’à dix ; on doit donner à Nambroth la première pierre que l’on trouve, pour être reçu de lui en dignité et honneur. On procédera de la façon du lundi ; on fera un cercle autour duquel on écrira : « Obéis-moi, Nambroth, obéis-moi, par le nom que tu crains. » On récite à la suite cette formule : « Je te conjure, Nambroth, et te commande par tous les noms par lesquels tu peux être contraint et lié de faire telle chose. »
Pour le mercredi, à Astaroth. Cette expérience se fait la nuit, depuis dix heures jusqu’à onze ; on le conjure pour avoir les bonnes grâces du prince et des autres. On écrira dans le cercle : « Viens, Astaroth ; viens, Astaroth ; viens, Astaroth ; » ensuite on récitera cette formule : « Je te conjure, Astaroth, méchant esprit, par les paroles et les vertus de Dieu, etc. »
Pour le jeudi, à Acham. Cette expérience se fait la nuit, de trois heures à quatre ; il paraît en forme de roi. Il faut lui donner un morceau de pain lorsqu’on veut qu’il parte. On écrira autour du cercle : « Par le Dieu saint —, Nasim, 7, 7, H. M. A. ; » ensuite on récitera la formule qui suit : « Je te conjure, Acham ; je te commande par tous les royaumes de Dieu, agis, je t’adjure, etc. »
Pour le vendredi, à Béchet. Cette expérience se fait la nuit, de onze heures à douze ; il lui faut donner une noix. On écrira dans le cercle : « Viens, Béchet ; viens, Béchet ; viens, Béchet ; » et ensuite on dira cette conjuration : « Je te conjure, Béchet, et te contrains de venir à moi ; je te conjure derechef de faire au plus tôt ce que je veux, qui est, etc. »
Pour le samedi, à Nabam. Cette expérience se fait de nuit, de onze heures à douze, et sitôt qu’il paraît il faut lui donner du pain brûlé et lui demander ce qui lui fait plaisir. On écrira dans son cercle : « N’entre pas, Nabam ; n’entre pas, Nabam ; n’entre pas Nabam ; » et puis on récitera la conjuration suivante : « Je te conjure, Nabam, au nom de Satan, au nom de Belzébuth, au nom d’Astaroth et au nom de tous les esprits, etc. »
Pour le dimanche, à Aquiel. Cette expérience se fait la nuit, de minuit à une heure ; il demandera un poil de votre tête ; il lui faut donner un poil de renard ; il le prendra. On écrira dans le cercle : « Viens, Aquiel ; viens, Aquiel ; viens, Aquiel. » Ensuite on récitera la conjuration suivante : « Je te conjure, Aquiel, par tous les noms écrits dans ce livre, que sans délai tu sois ici tout prêt à m’obéir, etc. »
Conjuration très-forte, pour tous les jours et à toute heure du jour et de la nuit, pour les trésors cachés tant par les hommes que par les esprits. — « Je vous commande, démons qui résidez en ces lieux, ou en quelque partie du monde que vous soyez, et quelque puissance qui vous ait été donnée de Dieu et des saints anges sur ce lieu même, je vous envoie au plus profond des abîmes infernaux. Ainsi, allez tous } maudits esprits et damnés, au feu éternel qui vous est préparé et à tous vos compagnons. Si vous m’êtes rebelles et désobéissants, je vous contrains et commande par toutes les puissances de vos supérieurs démons de venir, obéir et répondre positivement à ce que je vous ordonnerai au nom de J.-C, etc. » Voy. Pierre d’Apone, etc.
Nous n’avons fait qu’indiquer ces stupidités inconcevables. Les commentaires sont inutiles. Voy. Évocations.
Conjureurs de tempêtes. Les marins superstitieux donnent ce nom à certains êtres, marins comme eux, mais en commerce avec le diable, de qui ils obtiennent le pouvoir de commander aux vents. Ce pouvoir réside dans un anneau de fer qu’ils portent au petit doigt de la main droite, et il les soumet à certaines conditions, comme de faire des voyages qui ne dépassent pas un mois lunaire, de n’être jamais à terre plus de trois jours. Si ces conditions n’ont pas été observées, on n’apaise l’esprit maître de l’anneau qu’en luttant avec lui, ce qui est périlleux, ou en jetant un homme à la mer.
Constantin. Tout le monde sait que, frappé de l’apparition d’une croix miraculeuse et de l’avis qui lui était donné qu’il vaincrait par ce signe, Constantin le Grand se convertit et mit la croix sur ses étendards.
Jusqu’au seizième siècle, aucun écrivain n’avait attaqué la vision de Constantin ; tous les monuments contemporains attestent ce miracle. Mais les protestants, voyant qu’il pouvait servir à autoriser le culte de la croix, ont entrepris d’en faire une ruse militaire… Les philosophes du dernier siècle n’ont pas manqué de copier leurs déraisonnements.
J.-B. Duvoisin, évêque de Nantes, et l’abbé de l’Estocq, docteurs en Sorbonne, ont publié des dissertations sur la vision de Constantin, qui a au moins cela pour elle qu’elle n’a été contestée qu’après plus de douze siècles par des gens intéressés à tout nier.
« Combien de remarques ne pourrait-on pas ajouter, dit Lenglet-Dufresnoy dans son Traité des visions. On peut voir ce qu’ont dit de celle-ci le savant père Pagi sur Baronius, et Tillemont dans son histoire. Ces témoignages rendus à la vérité par de tels écrivains doivent l’emporter sur les doutes des critiques à qui rien ne plaît que ce qui part de leur incrédule imagination. Volontiers pour se distinguer du commun, ils adoptent des fables qui peuvent préjudicier à quelque doctrine généralement avouée ; mais ils se gardent bien de croire des points d’histoire, appuyés sur les preuves communément reçues dans la discussion des faits historiques. »
Constantin Copronyme, empereur iconoclaste de Constantinople. Il était, dit-on, magicien ; il conjurait habilement les démons, dit Leloyer ; il évoquait les morts et faisait des sacrifices détestables et invocations du diable. Il mourut d’un feu qui le saisit par tout le corps, et dont la violence était telle qu’il ne faisait que crier .
Constellations. Il y en a douze, qui sont les douze signes du zodiaque, et que les astrologues appellent les douze maisons du soleil, savoir : le bélier, le taureau, les gémeaux, l’écrevisse, le lion, la vierge, la balance, le scorpion, le sagittaire, le capricorne, le verseau et les poissons. On les désigne très-bien dans ces deux vers techniques, que tout le monde connaît :
Sunt aries, taurus, gemini, cancer, leo, virgo,.
Libraque, scorpius, arcitenens, caper, amphora, pisces.
On dit la bonne aventure par le moyen de ces constellations. Voy. Horoscopes et Astrologie.
Contre-Charmes, charmes qu’on emploie pour détruire l’effet d’autres charmes. Quand les charmeurs opèrent sur des animaux ensorcelés, ils font des jets de sel préparés dans une écuelle avec du sang tiré d’un des animaux maléficiés. Ensuite ils récitent pendant neuf jours certaines formules. Voy. Gratianne, Amulettes, Sort, Maléfices, Ligatures, etc.
Contre-Sorciers, nom que prennent des charlatans d’un genre spécial, qui se donnent pour maîtres en fait de sorcellerie et se présentent comme ayant le pouvoir d’anéantir les maléfices. Deux hommes de ce genre ont exploité tout récemment une commune de l’Aube où ils prétendaient que l’épizootie qui y régnait n’était qu’un ensorcellement. Ils ne guérirent aucune bête et tirèrent des bonnes gens beaucoup d’écus. Le tribunal d’Arcis-sur-Aube les a condamnés à dix-huit mois de prison, le 3 juillet 1857. — Et l’on dit que nos campagnes sont en progrès, depuis qu’on y lit des journaux démolisseurs.
Convulsions. Au neuvième siècle, des personnes suspectes déposèrent dans une église de Dijon des reliques qu’elles avaient, disaient-elles, apportées de Rome, et qui étaient d’un saint dont elles avaient oublié le nom. L’évêque Théobald refusa de recevoir ces reliques sur une allégation aussi vague. Néanmoins, elles faisaient des prodiges. Ces prodiges étaient des convulsions dans ceux qui venaient les révérer. L’opposition de l’évêque fit bientôt de ces convulsions une épidémie ; les femmes surtout s’empressaient de leur donner de la vogue. Théobald consulta Amolon, archevêque de Lyon, dont il était suffragant. « Proscrivez, lui répondit l’évêque, ces fictions infernales, ces hideuses merveilles, qui ne peuvent être que des prédiges et des impostures. Vit-on jamais, aux tombeaux des martyrs, ces funestes prodiges qui, loin de guérir les malades, font souffrir les corps et troublent les esprits ?… » Cette espèce de manie fanatique se renouvela quelquefois ; elle fit grand bruit au commencement du dix-huitième siècle ; et on prit encore pour des miracles les convulsions, les contorsions et les grimaces d’une foule d’insensés. Les gens mélancoliques et atrabilaires ont beaucoup de dispositions à ces jongleries. Si, dans le temps surtout où leur esprit est dérangé, ils s’appliquent à rêver fortement, ils finissent toujours par tomber en extase, et se persuadent qu’ils peuvent ainsi prophétiser. Cette maladie se communique aux esprits faibles, et le corps s’en ressent. De là vient, ajoute Brueys , que, dans le fort de leurs accès, les convulsionnaires se jettent par terre, où ils demeurent quelquefois assoupis. D’autres fois, ils s’agitent extraordinairement ; et c’est en ces différents états qu’on les entend parler d’une voix étouffée et débiter toutes les extravagances dont leur folle imagination est remplie. Tout le monde a entendu parler des convulsions et des merveilles absurdes qui eurent lieu, dans la capitale de la France, sur le tombeau du diacre Paris, homme inconnu pendant sa vie, et trop célèbre après sa mort . La frénésie fanatique alla si loin, que le gouvernement fut obligé, en 1732, de fermer le cimetière Saint-Médard, où Paris était enterré. Sur quoi un plaisant fit ces deux vers :
         De par le roi, défense à Dieu,
         D’opérer miracle en ce lieu.
Dès lors les convulsionnaires tinrent leurs séances dans des lieux particuliers et se donnèrent en spectacle certains jours du mois. On accourait pour les voir, et leur réputation surpassa bientôt celle des bohémiens ; puis elle tomba, tuée par l’excès et le ridicule.
Copernic, astronome célèbre, mort en 1543. On dit communément que son système fut condamné par la cour de Rome : ce qui est faux et controuvé. Il vivait à Rome d’un bon canonicat et y professait librement l’astronomie. Mais voyez à ce sujet l’article Galilée.
Coq. Le coq a, dit-on, le pouvoir de mettre en fuite les puissances infernales ; et comme on a remarqué que le démon, qu’on appelle le lion d’enfer, disparaît dès qu’il voit ou entend le coq, on a répandu aussi cette opinion que le chant ou la vue du coq épouvante et fait fuir le lion. C’est du moins le sentiment de Pierre Delancre. « Mais il faut répondre à ces savants, dit M. Salgues , que nous avons des lions dans nos ménageries ; qu’on leur a présenté des coqs ; que ces coqs ont chanté, et qu’au lieu d’en avoir peur, les lions n’ont témoigné que le désir de croquer l’oiseau chanteur ; que toutes les fois qu’on a mis un coq dans la cage d’un lion, loin que le coq ait tué le lion, c’est au contraire le lion qui a mangé le coq. » On sait que tout disparaît au sabbat aussitôt que le coq chante. On cite plusieurs exemples d’assemblées de démons et de sorcières que le premier chant du coq a mises en déroute ; on dit même que ce son, qui est pour nous, par une sorte de miracle perpétuel, une horloge vivante, force les démons, dans les airs, à laisser tomber ce qu’ils portent : c’est à peu près la vertu qu’on attribue au son des cloches. Pour empêcher le coq de chanter pendant leurs assemblées nocturnes, les sorciers, instruits par le diable, ont soin de lui frotter la tête et le front d’huile d’olive, ou de lui mettre au cou un collier de sarment.
Beaucoup d’idées superstitieuses se rattachent à cet oiseau, symbole du courage et de la vigilance, vieil emblème des Gaulois. On dit qu’un jour Vitellius rendant la justice à Vienne en Dauphiné, un coq vint se percher sur son épaule ; ses devins décidèrent aussitôt que l’empereur tomberait sûrement sous un Gaulois ; et, en effet, il fut vaincu par un Gaulois de Toulouse.
On devinait les choses futures par le moyen du coq. Voy. Alectryomancie. On dit aussi qu’il se forme dans l’estomac des coqs une pierre qu’on nomme pierre alectorienne, du nom grec de l’animal. Les anciens accordaient à cette pierre la propriété de donner le courage et la force : c’est à sa vertu qu’ils attribuaient la force prodigieuse de Milon de Crotone. On lui supposait encore le don d’enrichir, et quelques-uns la regardaient comme un philtre qui modérait la soif. On pensait autrefois qu’il y avait dans le coq des vertus propres à la sorcellerie. On disait qu’avant d’exécuter ses maléfices, Léonora Galigaï ne mangeait que des crêtes de coq et des rognons de bélier qu’elle avait fait charmer. On voit dans les accusations portées contre elle qu’elle sacrifiait des coqs aux démons .
Certains juifs, la veille du kippour ou jour du pardon, chargent de leurs péchés un coq blanc qu’ils étranglent ensuite, qu’ils font rôtir, que personne ne veut manger, et dont ils exposent les entrailles sur le toit de leur maison. On sacrifiait, dans certaines localités superstitieuses, un coq à saint Christophe, pour en obtenir des guérisons. On croyait enfin que les coqs pondaient des œufs, et que, ces œufs étant maudits, il en sortait un serpent ou un basilic. « Cette superstition fut très-répandue en Suisse ; et dans une petite chronique de Bâle, Gross raconte sérieusement qu’au mois d’août 1474 un coq de cette ville, ayant été accusé et convaincu de ce crime, fut condamné à mort. Le bourgeois le brûla publiquement avec son œuf, dans un endroit nommé Kablenberg, à la vue d’une grande multitude de personnes . » Voy. Basilic, Mariage, etc.
Corail. Quelques auteurs ont écrit que le corail a la vertu d’arrêter le sang et d’écarter les mauvais génies. Marsile Ficin prétend que le corail éloigne les terreurs paniques et préserve de la foudre et de la grêle. Lucéti en donne cette raison, que le corail exhale une vapeur chaude qui, s’élevant en l’air, dissipe tout ce qui peut causer la grêle ou le tonnerre. Brown, dans ses Essais sur les erreurs populaires, dit qu’il est tenté de croire que l’usage de mettre des colliers de corail au cou des enfants, dans l’espérance de leur faire sortir les dents, a une origine , et que l’on se servait autrefois du corail comme d’une amulette ou préservatif contre les sortilèges.
Corbeau noir. Voy. Calice du sabbat.
Corde de pendu. Les gens crédules prétendaient autrefois qu’avec de la corde de pendu on échappait à tous les dangers et qu’on était heureux au jeu. On n’avait qu’à se serrer les tempes avec une corde de pendu pour se guérir de la migraine. On portait un morceau de cette corde dans sa poche pour se garantir du mal de dents. Enfin, on se sert de cette expression proverbiale, avoir de la corde de pendu, pour indiquer un bonheur constant, et les Anglais du menu peuple courent encore après la corde de pendu .
Cordeliers d’Orléans. On a fait grand bruit de l’affaire des cordeliers d’Orléans, qui eut lieu sous François Ier. Les protestants s’en emparèrent ; et d’un tort qui est assez mal établi, on fit un crime aux moines. C’était peut-être faire leur éloge que de s’étonner qu’ils ne fussent pas tous des anges. Voici l’histoire. Le seigneur de Saint — Mesmin, prévôt d’Orléans, qui donnait dans les erreurs de Luther, devint veuf. Sa femme était comme lui luthérienne en secret. Il la fit enterrer sans flambeaux et sans cérémonies. Elle n’avait pas reçu les derniers sacrements. Le gardien et le custode des cordeliers d’Orléans, indignés de ce scandale, firent cacher, dit-on, un de leurs novices dans les voûtes de l’église, avec des instructions. Aux matines, ce novice lit du bruit sous les voûtes. L’exorciste, qui pouvait bien n’être pas dans le secret, prit le rituel, et croyant que c’était un esprit, lui demanda qui il était ? Point de réponse. — S’il était muet ? — Il frappa trois coups.
On n’alla pas plus loin ce jour-là. Le lendemain et le surlendemain ; le même incident se répéta. — Fantôme ou esprit, dit alors l’exorciste, es-tu l’âme d’un tel ? — Point de réponse. — D’un tel. — Point de réponse. — On nomma successivement plusieurs personnes enterrées dans l’église. Au nom de Louise de Mareau, femme de François de Saint — Mesmin, prévôt d’Orléans, l’esprit frappa trois coups. — Es-tu dans les flammes. — Trois coups. — Es-tu damnée pour avoir partagé les erreurs de Luther ? — Trois grands coups…
Les assistants étaient dans l’effroi. On se disposait à signifier au seigneur de Saint-Mesmin l’ordre d’enlever de l’église sa luthérienne ; mais il ne se déconcerta pas. Il courut à Paris et obtint des commissaires du conseil d’État un arrêt qui condamnait huit cordeliers d’Orléans à faire amende honorable pour avoir supposé de fausses apparitions (1534).
Cette faute (s’il y a eu faute) était individuelle, et les huit condamnés, dont deux seulement étaient coupables, le gardien et le custode, furent bannis sans que personne appelât ni réclamât.
Coré, compagnon de Dathan et d’Abiron. Les mahométans, qui le confondent avec le batelier Charon, le font cousin germain de Moïse, qui, le voyant pauvre, lui enseigna l’alchimie, par le moyen de laquelle il acquit de si grandes richesses qu’il lui fallait quarante chameaux pour porter son or et son argent. Il y en a qui prétendent même que plusieurs chameaux étaient chargés seulement des clefs de ses coffres forts.
Moïse ayant ordonné aux Israélites de payer la dîme de tous leurs biens (nous suivons toujours les auteurs musulmans), Coré refusa d’obéir, se souleva même contre son bienfaiteur jusqu’à répandre sur lui des calomnies qui compromettaient son autorité parmi le peuple, si Moïse ne s’en fût plaint à Dieu, qui punit l’ingrat ; la terre l’engloutit, comme on sait, avec ses adhérents.
Corneille, le chant de cet oiseau était de mauvais présage pour celui qui commençait une entreprise, surtout dans le temps de la couvaison, c'est-à-dire avant le solstice. Il se montrait rarement dans les temples et dans les bois de Minerve. Il était sous la protection de la Concorde, dit Elien. Les anciens l'invoquaient avant le mariage. La raison qu'on en donne, c'est qu'on croyait que les corneilles, après la mort de l'un ou de l'autre couple, observaient une sorte de veuvage. Voy. Corbeau, Augures, etc. Les sorcières ont eu quelquefois des corneilles à leur service, comme on le voit dans plusieurs légendes.
Cornélius, prêtre païen de Padoue, dont parle Aulu-Gelle. Il avait des extases et son âme voyageait hors de son corps ; le jour de la bataille de Pharsale, il dit en présence de plusieurs assistants qu’il voyait une forte mêlée, désignant les vainqueurs et les fuyards ; et à la fin il s’écria tout à coup que César avait vaincu .
Cornes. Tous les habitants du ténébreux empire portent des cornes ; c’est une partie essentielle de l’uniforme infernal.
On a vu des enfants avec des cornes, et Bartholin cite un religieux du monastère de Saint-Justin qui en avait deux à la tête. Le maréchal de Lavardin amena au roi un homme sauvage qui portait des cornes. On montrait à Paris, en 1699, un Français, nommé Trouillon, dont le front était armé d’une corne de bélier . Voyez Cippus.
Dans le royaume de Naples et dans d’autres contrées, les cornes passent pour un préservatif contre les sortilèges. On a dans les maisons des cornes ornées ; et dans la rue ou dans les conversations, lorsqu’on soupçonne un sorcier, on lui fait discrètement des cornes avec les doigts pour paralyser ses intentions magiques. On pend au cou des enfants, comme ornement, une paire de petites cornes.
Cornet d’Oldenbourg. Voy. Oldenbourg.
 Cornouailles. Les habitants de ce comté disent qu’il doit son nom au petit chevalier Corinéus, qui a tué Gog et Magog, auprès de Plymouth.
Corsned, ce mot chez les Anglo-Saxons, désignait une sorte d'épreuve usitée pour rechercher et découvrir l'auteur d'un crime. Elle consistait à faire manger par l'accusé, à jeun, une once de pain ou de fromage, consacré avec beaucoup de cérémonie. Si la personne était coupable, cette nourriture devait s'arrêter dans son gosier, et l'étouffer, mais passer aisément si elle était innocente. Ce mot vient de snide, couper, ou morceau coupé; et de corse, (aujourd'hui curse), malédiction.
Corybantiasme, espèce de frénésie. Ceux qui en étaient attaqués s'imaginaient avoir toujours des fantômes devant les yeux, et avaient des tintements et des sifflements continuels dans les oreilles. Ils ne dormaient point, ou s'ils dormaient quelquefois, c'était les yeux ouverts. On nommait cette maladie du nom des Corybantes, qui passaient pour ne pas dormir. On prétendait aussi que ces malades étaient des gens que les prêtres de Cybèle avaient frappés d'épouvante et de terreur. Ce délire sanguin a été souvent jugé possession du diable par les démonomanes.
Cosingas, prince des Cerrhéniens, peuples de Thrace, et prêtre de Junon. Il s’avisa d’un singulier expédient pour réduire ses sujets rebelles. Il ordonna d’attacher plusieurs longues échelles les unes aux autres, et fit courir le bruit qu’il allait monter au ciel, vers Junon, pour lui demander raison de la désobéissance de son peuple. Alors les Thraces, superstitieux et grossiers, se soumirent à Cosingas et s’engagèrent par serment à lui rester fidèles.
Cosmas, voyageur du sixième siècle, surnommé Indicopleustès, parce qu’il avait beaucoup navigué dans l’Inde, a laissé une bizarre topographie où il établit que la terre est un carré long, le firmament un cintre supporté par des voûtes immenses. Il pose la terre sur une montagne renversée qui n’est visitée que par les astres, dans leur tour journalier. Manillon a publié ce livre curieux en 1707.
Dans ce livre, où le monde est comparé à un grand coffre, Cosmas dit, entre autres faits singuliers, que le soleil, la lune et les autres astres sont conduits chacun par un ange, et que ce sont d’autres anges qui préparent la pluie et les orages, qui distribuent le chaud, le froid, la neige, la rosée, les brouillards, etc. — Ne nous étonnons pas de ces opinions. Sous Philippe Auguste le vulgaire croyait encore que la terre était carrée.
Cosquinomancie ou Coscinomancie, sorte de divination qui se pratique au moyen d’un crible, d’un sas, ou d’un tamis. On met un crible sur des tenailles, qu’on prend avec deux doigts ; ensuite on nomme les personnes soupçonnées de larcin
Au lieu du crible, on met aussi (car ces divinations se pratiquent encore) un tamis sur un pivot, pour connaître l’auteur d’un vol ; on nomme de même les personnes soupçonnées, et le tamis tourne au nom du voleur. C’est ce qu’on appelle dans les campagnes tourner le sas. Cette superstition est surtout très-répandue dans la Bretagne . Voy. Crible.
Cossen, rocher du Fichtelberg, que les Allemands disent être le sommet du haut duquel le diable montra à Notre-Seigneur tous les royaumes de la terre.
Côte. Dieu prit une côte d’Adam pour en faire notre mère Ève. Mais il ne faut pas croire pour cela, comme fait le vulgaire, que dans les descendants d’Adam les hommes ont une côte de moins que les femmes.
Cou. On regardait chez les anciens comme un augure favorable une palpitation dans la partie gauche du cou, et comme funeste celle qui avait lieu dans la partie droite.
Couberen, dieu des richesses en Inde. C'est le septième des dieux protecteurs des huit coins du monde. Il gouverne la partie du nord. On le représente monté sur un cheval blanc, orné de panaches.
Couches. On prétendait en certains pays faire accoucher aisément les femmes en liant leur ceinture à la cloche de l’église, et en sonnant trois coups. Ailleurs, la femme en couches mettait la culotte de son mari. Voy. Aétite.
Coucou. On croit en Bretagne qu’en comptant le chant du coucou, on y trouve l’annonce de l’année précise où l’on doit se marier . S’il chante trois fois, on se mariera dans trois ans, etc.
On croit aussi, dans la plupart des provinces, que si on a de l’argent avec soi la première fois qu’on entend le chant du coucou, on en aura toute l’année. — Le coucou de Balkis, probablement la reine de Saba, est un des dix animaux que Mahomet place dans son paradis.
Coucoulampons, anges du deuxième ordre, qui, quoique matériels, selon les habitants de Madagascar, sont invisibles et ne se découvrent qu’à ceux qu’ils honorent d’une protection spéciale. Il y en a des deux sexes ; ils contractent mariage entre eux et sont sujets à la mort ; mais leur vie est bien plus longue que celle des hommes, et leur santé n’est jamais troublée par les maladies. Leur corps est à l’épreuve du poison et de tous les accidents.
Coudaïs, dieux des Tartares de l’Altaï en Sibérie. Ils sont au nombre de sept, tous géants de forme humaine, assez peu puissants et assez peu honorés.
Coudrier. Les branches de cet arbre ont servi à quelques divinations. Voy. Baguette divinatoire.
Couleurs. Pline le naturaliste nous apprend que les anciens tiraient des augures et des présages de la couleur des rayons du soleil, de la lune, des planètes, de l'air, etc. Suivant Horus, Apollon, Plutarque, Piérus, le blanc a toujours été employé pour désigner la pureté d'âme et l'abondance de lumière. Tous les ornements d'Osiris étaient blancs, et ses prêtres étaient habillés de la même couleur. Les prêtres de Jupiter, le Flamen dialis, à Rome, portaient des habits et des chapeaux blancs. Les Perses disaient que les divinités n'étaient habillés que de blanc. Les anciens Romains notaient les jours heureux avec de la craie blanche. On portait l'habit blanc aux funérailles des Césars. Plutarque observe que les Vénètes, et les habitants de la rive du Pô, étaient toujours habillés de noir, pour désigner qu'ils portaient le deuil de Phaéton. Dans Mantinée, il y avait un temple dédié à Vénus Noire, c'est-à-dire à la Pudeur. Les prêtres égyptiens ne s'habillaient de noir, que lorsqu'ils voulaient demander des grâces particulières. Les anciens peignaient en noir les cheveux de leurs statues d'albâtre.  Plusieurs travaux de la collection d'Herculanum démontrent que les anciens étaient dans l'usage de peindre en rouge les statues de Priape et de Bacchus. L'on peignait en rouge pur la face des statues de Jupiter en certains jours de fêtes.
Coumbhacarna, géant de la mythologie indienne, qui était si vorace qu’on craignait qu’il ne dévorât la terre. Il fut tué par Bama.
Coupe (divination par la), très-usitée en Égypte dès le temps de Joseph, employée encore aujourd’hui. Voy. Hydromancie.
Coups. En 1582, dit Pierre Delancre , il arriva qu’à Constantinople, à Rome et à Paris, certains démons et mauvais esprits frappaient des coups aux portes des maisons ; c’était un indice de la mort d’autant de personnes qu’il y avait de coups.
Cour infernale. Wierus et d’autres démonomanes, versés dans l’intime connaissance des enfers, ont découvert qu’il y avait là des princes, des nobles, des officiers, etc. Ils ont même compté le nombre des démons, et distingué leurs emplois, leurs dignités et leur puissance. Suivant ce qu’ils ont écrit, Satan n’est plus trop le souverain de l’enfer ; Belzébuth règne à sa place. Voici l’état actuel du gouvernement infernal :
Princes et grands dignitaires. Belzébuth, chef suprême de l’empire infernal, fondateur de l’ordre de la Mouche ; Satan, chef du parti de l’opposition. Eurynome, prince de la mort, commandeur de l’ordre de la Mouche ; Moloch, prince du pays des larmes, commandeur de l’ordre ; Pluton, prince du feu ; Léonard, grand maître des sabbats, chevalier de la Mouche ; Baalbérith, maître des alliances ; Proserpine, archidiablesse, souveraine princesse des esprits malins.
Ministères. Adramelech, grand chancelier, commandeur de l’ordre de la Mouche ; Astaroth, grand trésorier ; Nergal, chef de la police secrète ; Baal, général en chef des armées infernales, commandeur de l’ordre de la Mouche ; Léviathan, grand amiral, chevalier de la Mouche.
Ambassadeurs. Belphégor, ambassadeur en France ; Mammon, ambassadeur en Angleterre ; Bélial, ambassadeur en Turquie ; Bimmon, ambassadeur en Russie ; Thamuz, ambassadeur en Espagne ; Hutgin, ambassadeur en Italie ; Martinet, ambassadeur en Suisse, etc.
Justice. Lucifer, grand justicier ; Alastor, exécuteur des hautes œuvres.
Maison des princes. Verdelet, maître des cérémonies ; Succor-Benoth, chef des eunuques ; Chamos, grand chambellan, chevalier de la Mouche ; Melchom, trésorier payeur ; Nisroch, chef de la cuisine ; Béhémoth, grand échanson ; Dagon, grand panetier ; Mullin, premier valet de chambre.
Menus plaisirs. Kobal, directeur des spectacles ; Asmodée, surintendant des maisons de jeu ; Nybbas, grand paradiste. Antéchrist, escamoteur et nécromancien. Boguet l’appelle le singe de Dieu.
On voit que les démonomanes se montrent assez gracieux envers les habitants du noir séjour. Dieu veuille qu’après tant de rêveries ils n’aient pas mérité d’aller en leur société !
M. Berbiguier a écrit en 1821, après avoir transcrit cette liste des princes de la cour infernale ; « Cette cour a aussi ses représentants sur la terre : Moreau, magicien et sorcier à Paris, représentant de Belzébuth ; Pinel père, médecin à la Salpêtrière, représentant de Satan ; Bonnet, employé à Versailles, représentant d’Eurynome ; Bouge, associé de Nicolas, représentant de Pluton ; Nicolas, médecin à Avignon, représentant de Moloch ; Baptiste Prieur, de Moulins, représentant de Pan ; Prieur aîné, son frère, marchand droguiste, représentant de Lilith ; Étienne Prieur, de Moulins, représentant de Léonard ; Papon Lominy, cousin des Prieur, représentant de Baalbérith ; Jeanneton Lavalette, la Mansotte et la Vandeval, représentant l’archidiablesse Proserpine, qui a voulu mettre trois diablesses à mes trousses . » Voy. Berbiguier
Courils, petits démons malins, corrompus et danseurs, dont M. Gambry a trouvé la croyance établie sur les côtes du Finistère. On les rencontre au clair de la lune, sautant autour des pierres consacrées ou des monuments druidiques. S’ils vous saisissent par la main, il faut suivre leurs mouvements ; ils vous laissent exténués sur la place quand ils la quittent. Aussi, les Bretons, dans la nuit, évitent-ils avec soin les lieux habités par cette espèce de démons, genre des cobales.
On ajoute que les courils perdirent une grande partie de leur puissance à l’arrivée des apôtres du Catholicisme dans le pays. Voy. Willis.
Courma-Vataram. Les Indiens adorent sous ce nom leur dieu Vishnou, dans sa seconde incarnation, qui est celle d’une tortue.
Couronne nuptiale. Chez les habitants de l’Entlebuch, en Suisse, le jour des noces, après le festin et les danses, une femme vêtue de jaune demande à la jeune épousée sa couronne virginale, qu’elle brûle en cérémonie. Le pétillement du feu est, dit-on, de mauvais augure pour les nouveaux mariés.
Courroie de soulier. C’était un mauvais présage chez les Romains de rompre la courroie de son soulier en sortant de chez soi. Celui qui avait ce malheur croyait ne pouvoir terminer une affaire commencée et ajournait celles qu’il s’était proposé d’entreprendre.
Court de Gébelin, écrivain extravagant, venu de Lausanne à Paris au dernier siècle ; il fit, sous le titre de Monde primitif, un roman philosophique en neuf volumes in-/i°, que la livrée de Voltaire prôna parce qu’il attaquait la vérité religieuse, et qui est descendu chez les épiciers. Il se passionna pour le magnétisme, et le 13 mai 1784 il se magnétisa si bien lui-même qu’il en tomba roide mort. On lui fit cette épigraphe :
Ci-gît ce pauvre Gébelin,
Qui parlait grec, hébreu, latin.
Admirez tous son héroïsme :
Il fut martyr du magnétisme.
Courtinière. Un gentilhomme breton, nommé M. de la Courtinière, ayant reçu un jour dans son château plusieurs seigneurs ses voisins, les traita bien pendant quelques jours. Après leur départ, il se plaignit à sa femme de ce qu’elle ne leur avait pas fait assez bon visage ; il fit sans doute ces remontrances avec des paroles peu honnêtes : la femme, d’une humeur hautaine, ne répondit rien, mais elle résolut intérieurement de se venger. M. de la Courtinière s’étant couché et dormant profondément, la dame, après avoir corrompu deux de ses domestiques, leur fit égorger son mari, dont ils portèrent le corps dans un cellier. Ils y firent une fosse, l’enterrèrent, et ils placèrent sur la fosse un tonneau plein de porc salé. La dame, le lendemain, annonça que son mari était allé faire un voyage. Peu après, elle dit qu’il avait été tué dans un bois, en porta le deuil, montra du chagrin et fit faire des services dans les paroisses voisines.
Mais ce crime ne resta pourtant pas impuni : le frère du défunt, qui venait consoler sa belle-sœur et veiller à ses affaires, se promenant un jour dans le jardin du château, et contemplant un parterre de fleurs en songeant à son frère, fut pris d’un saignement de nez qui l’étonna, n’ayant jamais éprouvé cet accident. Au même instant il lui sembla voir l’ombre de M. de la Courtinière qui lui faisait signe de le suivre. Il suivit le spectre jusqu’au cellier, où il le vit disparaître. Ce prodige lui ayant donné des soupçons, il en parla à la veuve, qui se montra épouvantée. Les soupçons du frère se fortifiant de ce trouble, il fit creuser dans le lieu où il avait vu disparaître le fantôme. On découvrit le cadavre, qui fut levé et reconnu par le juge de Quimper Corentin. Les coupables, arrêtés, furent condamnés, la veuve (Marie de Sornin), à avoir la tête tranchée et tous les membres de son corps dispersés, pour être ensuite brûlés et les cendres jetées au vent ; les deux domestiques, à avoir là* main droite coupée, et après être pendus et étranglés, leurs corps aussi brûlés . — Cet événement eut lieu vers la fin du seizième siècle.
Courtisanes. Les chrétiens sont bien étonnés de voir des courtisanes servir de prêtresses dans les Indes. Ces filles, justement déshonorées chez nous, sont privilégiées là depuis l’aventure de l’une d’elles. Dévendiren, dieu du pays, alla trouver un jour cette courtisane sous la figure d’un homme, et lui promit une haute récompense si elle était fidèle ; pour l’éprouver le dieu fit le mort. La courtisane, le croyant véritablement mort, se résolut à mourir aussi dans les flammes qui allaient consumer le cadavre, malgré les représentations qu’on Lui faisait de ce qu’elle n’était pas mariée. Elle allait se mettre sur le bûcher déjà enflammé, lorsque Dévendiren se réveilla, avoua sa supercherie, prit la courtisane pour sa femme et l’emmena dans son paradis…
Coutellier, démon invoqué dans les litanies du sabbat.
Couvéra, dieu des richesses dans l’Inde, arrière-petit-fils de Brahma. C’est un lépreux difforme ; il a trois jambes. Sa bouche ne possède que huit dents, et une pièce d’or couvre un de ses yeux.
Crabançon (Jacques de). Voy. Images.
Crabes. Ces hideux petits habitants de la mer sont attachés par quelque lien aux démons des eaux, et, suivant le dire des Écossais riverains, ils dansent au sabbat des sorcières, lorsqu’il se rassemble sur la plage.
Craca, magicienne qui, au rapport de Saxon le Grammairien, changeait les viandes en pierres ou autres objets, aussitôt qu’elle les voyait posées sur une table.
Crachat. Lorsque les sorciers renoncent au diable, ils crachent trois fois à terre. Ils assurent que le diable n’a plus alors aucun pouvoir sur eux. Ils crachent encore lorsqu’ils guérissent des écrouelles et font de leur salive un remède.
Les anciens avaient l’habitude de cracher trois fois dans leur sein pour se préserver de tous charmes et fascinations. Cracher sur soi : mauvais présage. Voy. Chevillement.
Crachat de la lune. Les alchimistes appellent ainsi la matière de la pierre philosophale avant sa préparation. C’est une espèce d’eau congelée, sans odeur et sans saveur, de couleur verte, qui sort de terre pendant la nuit ou après un orage. Sa substance aqueuse est très-volatile et s’évapore à la moindre chaleur, à travers une peau extrêmement mince qui la contient. Elle ne se dissout ni dans le vinaigre, ni dans l’eau, ni dans l’esprit-de-vin ; mais si on la renferme dans un vase bien scellé, elle s’y dissout d’elle-même en une eau puante. Les philosophes hermétiques la recueillent avant le lever du soleil dans du verre ou du bois et en tirent une espèce de poudre blanche semblable à l’amidon, qui produit ensuite ou ne produit pas la pierre philosophale.
Crampe. Les morses ont sur « les babines, comme au-dessous, plusieurs soies creuses. Il n’y a point de matelot qui ne se fasse une bague de ces soies, dans l’opinion qu’elles garantissent de la crampe .
Crâne d’enfant. La cour d’assises de la Haute-Marne a jugé, en février 1857, une affaire qui puise sa cause première dans une horrible superstition. « Des cultivateurs de la commune d’Heuillez-le-Grand, dit l’acte d’accusation, vivaient dans une ferme isolée, et devaient à cet isolement même une tranquillité que rien ne semblait vouloir troubler, lorsque le 21 janvier dernier un crime horrible, unique peut-être dans les annales judiciaires, vint les jeter dans le deuil et la désolation. Le mari, Jean-Baptiste Pinot, était parti dès le matin pour le travail, et sa femme l’avait bientôt rejoint après s’être assurée toutefois que son enfant, âgé de onze mois, qui était couché dans son berceau, dormait profondément. Comme la grange où elle allait travailler n’était qu’à quelques pas de la maison d’habitation, elle n’avait pas pensé en sortant à fermer les portes à la clef.
» Le travail dura quelque temps ; la femme Pinot rentra la première pour s’assurer si l’enfant dormait encore. Quel ne fut pas son effroi lorsqu’elle s’aperçut que le berceau était vide. On fit immédiatement de vaines recherches. Ce ne fut que le lendemain, dans l’après-midi, que l’on découvrit, caché sous des gerbes de paille, dans une écurie de la ferme, le corps de l’enfant entièrement nu, affreusement mutilé. La tête en avait été détachée au moyen d’un instrument tranchant, et ne put être retrouvée. De profondes entailles, faites sur l’une des épaules, indiquaient qu’on avait eu la pensée de couper le corps en morceaux pour le faire disparaître. Le crime était constant, mais quel était l’assassin, et quel intérêt avait pu armer son bras ? La pauvre victime était âgée de onze mois à peine ; les soupçons ne tardèrent pas à se porter sur un homme qui était au service de la ferme. Ses antécédents étaient faits pour les éveiller. Voleur d’habitude depuis son enfance, il avait été condamné pour vol à deux ans de prison, et pour se soustraire aux recherches de la justice, il avait changé de nom ; il avait substitué à son nom de Vautrin celui de Morisot. Cet homme est âgé de vingt-quatre ans. Il était taciturne, recherchait l’isolement, et avait plusieurs fois donné des preuves d’une froide cruauté. A la nouvelle de la disparition de l’enfant, Vautrin avait pâli ; et au lieu de se livrer comme tous à des recherches actives, on l’avait vu morne et préoccupé, cherchant à diriger les soupçons sur un ancien domestique de son maître, qui aurait pris l’enfant pour lui couper la tête et aller avec cette tête dans les châteaux.
» Mais cet étrange propos, émis avant que personne sût si la tête de l’enfant avait été mutilée, était une révélation. Il indiquait le mobile et l’intérêt du crime. Vautrin avouait en effet le lendemain qu’il avait entendu dire que le crâne d’un enfant assassiné avait la propriété de rendre invisible celui qui le portait, et de permettre à un voleur qui s’en ferait une lanterne, de pénétrer impunément dans les habitations. Vautrin croyait à cette odieuse superstition ; ainsi s’expliquaient l’intérêt du crime et la mutilation. Vautrin fut arrêté, et l’interrogatoire qui suivit ne vint que trop confirmer les soupçons qu’on avait eus sur lui. Les investigations ont d’ailleurs fait découvrir derrière des buissons des débris. de chemise et un pantalon souillés de sang et de boue appartenant à Vautrin et reconnus par lui ; la tête de la victime a été également retrouvée dans un bois voisin, et à quelques mètres un vieux bonnet rayé ayant appartenu à l’inculpé. A l’audience, comme dans l’instruction, Vautrin se renferma dans un système complet de dénégations. Mais les dépositions des témoins étaient si accablantes, que le verdict du jury fut affirmatif sans circonstances atténuantes., En conséquence, Vautrin fut condamné à la peine de mort. »
Cranologie. Voy. Gall.
Crapaud. Les crapauds tiennent une grande place dans la sorcellerie. Les sorcières les aiment et les choient. Elles ont toujours soin d’en avoir quelques-uns, qu’elles soignent, qu’elles nourrissent et qu’elles accoutrent de livrées de velours vert, rouge ou noir. Pierre Delancre dit que les grandes sorcières sont ordinairement assistées de quelque démon, qui est toujours sur leur épaule gauche en forme de crapaud, ayant deux petites cornes en tête ; il ne peut être vu que de ceux qui sont ou qui ont été sorciers. Le diable baptise ces crapauds au sabbat. Jeannette Abadie et d’autres femmes ont révélé qu’elles avaient vu de ces crapauds habillés de velours rouge, et quelques-uns de velours noir ; ils portaient une sonnette au cou et une autre aux pattes de derrière.
Au mois de septembre 1610, un homme se promenant dans la campagne, près de Bazas, vit un chien qui se tourmentait devant un trou ; ayant fait creuser, il y trouva deux grands pots renversés l’un sur l’autre, liés ensemble à leur ouverture et enveloppés de toile ; le chien ne se calmant pas, on ouvrit les pots, qui se trouvèrent pleins de son, au dedans duquel reposait un gros crapaud vêtu de taffetas vert . C’était à coup sûr une sorcière qui l’avait mis là pour quelque maléfice.
Nous rions de ces choses à présent, mais c’étaient choses sérieuses au seizième siècle, et choses dont l’esprit ne nous est pas expliqué.
Le peuple est persuadé, dit M. Salgues , que le crapaud a la faculté de faire évanouir ceux qu’il regarde fixement, et cette assertion est accréditée par un certain abbé Rousseau, qui a publié, dans le cours du dernier siècle, quelques observations d’histoire naturelle : il prétend que la vue seule du crapaud provoque des spasmes, des convulsions, la mort même. Il rapporte qu’un gros crapaud, qu’il tenait renfermé sous un bocal, l’ayant regardé fixement, il se sentit aussitôt saisi de palpitations, d’angoisses, de mouvements convulsifs, et qu’il serait mort infailliblement si l’on n’était venu à son secours… Élien, Dioscoride, Nicandre, Etius, Gesner, ont encore écrit que l’haleine du crapaud était mortelle, et qu’elle infectait les lieux où il respire. On a cité l’exemple de deux amants qui, ayant pris de la sauge sur laquelle un crapaud s’était promené, moururent aussitôt . Mais ce sont là souvent des contes. Cependant le crapaud est en horreur chez tous les peuples, excepté sur les bords de l’Orénoque, où, pour le consoler de nos mépris, des Indiens lui rendaient les honneurs d’un culte ; ils gardaient soigneusement les crapauds sous des vases, pour en obtenir de la pluie ou du beau temps, selon leurs besoins, et ils étaient tellement persuadés qu’il dépendait de ces animaux de l’accorder, qu’on les fouettait chaque fois que la prière n’était pas exaucée .
Crapaudine, pierre qui se trouve dans la tête des crapauds ; les sorcières la recherchent pour leurs maléfices. Plusieurs écrivains assurent que c’est un objet très-rare, et si rare, que quelques uns nient l’existence de cette pierre. Cependant Thomas Brown ne croit pas le fait impossible, puisque, dit-il, tous les jours on trouve des substances pierreuses dans la tête des morues, des carpes, des gros limaçons sans coquilles. Il en est qui pensent que ces crapaudines sont des concrétions minérales que les crapauds rejettent après les avoir avalées, pour nuire à l’homme . Mais ce ne sont là encore que des contes.
Crapoulet. Voy. Zozo.
Cratéis, déesse des sorciers et des enchanteurs, mère de la fameuse Scylla.
Crédulité. Elle a ses excès, qui pourtant sont moins funestes que ceux de l’incrédulité.
Crescence, cardinal, légat du Saint-Siège au concile de Trente, qui mourut paisiblement en 1552. Jean de Chassanion, huguenot, n’aimant pas ce prince de l’Église, parce qu’il s’était élevé contre les protestants, a écrit que le diable, en forme de chien noir, était venu le voir à son dernier moment et l’avait étranglé , ce qui est un mensonge niais. Voy. Carlostad et Luther.
Crespet (Pierre), religieux célestin, mort en 1594, auteur d’un traité contre la magie intitulé Deux livres de la haine de Satan et des malins esprits contre l’homme, etc. Paris, 1590, in-8°. Cet ouvrage est rare et curieux.
Crétinisme, infirmité qui dispose quelquefois, dit-on, au vampirisme.
Crible. Parler au crible est un ancien proverbe qui signifiait faire danser un tamis par le moyen de paroles mystérieuses. Théocrite nommait les gens qui avaient ce pouvoir crible-sorciers ou sorciers du crible. « Je me suis trouvé, dit Bodin , il y a vingt ans, dans une maison à Paris où un jeune homme fit mouvoir un tamis sans y toucher, par la vertu de certaines paroles françaises, et cela devant une société, et la preuve, dit-il, que c’était par le pouvoir de l’esprit malin, c’est qu’en l’absence de ce jeune homme on essaya vainement, d’opérer en prononçant les mêmes paroles. » Voy. Cosquinomancie.
Criériens, fantômes des naufragés qui, dans l'opinion superstitieuse des habitants de l'île de Sein en Bretagne, demandent la sépulture, désespérés d'être, depuis leur mort, ballotés par les événements; lorsque l'on entend ce murmure sourd qui précède l'orage, les anciens s'écriaient: "Fermons les portes; écoutez les Criériens, le tourbillon les suit."
Crimes. Voy. Possessions.
Cristalomancie, divination par le moyen du cristal. On tirait des présages des miroirs et des vases de cristal, dans lesquels le démon faisait, dit-on, sa demeure. Le roi Childéric cherchait l’avenir dans les prismes d’un petit globe de cristal.
Les devins actuels prédisent encore par le miroir. L’anecdote suivante fera connaître leur méthode. — Un pauvre laboureur des environs de Sézanne, à qui on avait volé six cents francs, alla consulter le devin ; c’était en 1807. Le devin lui fit donner douze francs, lui mit —trois mouchoirs sur les yeux, un blanc, un noir et un bleu, lui dit de regarder dans un miroir où il faisait venir le diable et tous ceux qu’il voulait évoquer. — Que voyez-vous ? lui demanda-t-il. — Rien, répondit le paysan. Là-dessus le sorcier parla fort et longtemps ; il recommanda au bonhomme de songer à celui qu’il croyait capable de l’avoir volé, de se représenter les choses et les personnes. Le paysan se monta la tête, et, à travers les trois mouchoirs qui lui serraient les yeux, il crut voir passer dans le miroir un homme qui avait un sarrau bleu, un chapeau à grands bords et des sabots. Un moment après il crut le reconnaître, et il s’écria qu’il voyait son voleur. — Eh bien, dit le devin, vous prendrez un cœur de bœuf, et soixante-trois clous à lattes que vous planterez en croix dans ledit cœur ; vous le ferez bouillir dans un pot neuf avec un crapaud et une feuille d’oseille ; trois jours après, le voleur, s’il n’est pas mort, viendra vous rapporter votre argent, ou bien il sera ensorcelé.
Le paysan fit tout ce qui lui était recommandé. Mais son argent ne revint pas ; d’où il conclut que son voleur était ensorcelé, et il s’en frotta les mains.
Cristoval de Garalde. Voy. Marissane.
Critomancie, divination qui se pratiquait par le moyen des viandes et des gâteaux. On considérait la pâte des gâteaux qu’on offrait en sacrifice, et la farine d’orge qu’on répandait sur les victimes, pour en tirer des présages.
Crocodiles. Les Égyptiens modernes assurent que jadis les crocodiles étaient des animaux doux, et ils racontent de la manière suivante l’origine de leur férocité. Humeth, gouverneur d’Égypte sous Gisar Al-Mutacil, calife de Bagdad, ayant fait mettre en pièces l’image de plomb d’un grand crocodile (figure talismanique) que l’on avait trouvée en creusant les fondements d’un ancien temple de païens, à l’heure même de cette exécution les crocodiles sortirent du Nil, et ne cessèrent, depuis ce temps, de nuire par leur voracité . Voy. Étoiles. Pline et Plutarque témoignent que les Égyptiens connaissent, par l’endroit où les crocodiles pondent leurs œufs, jusqu’où ira le débordement du Nil. Mais il serait difficile, dit Thomas Brown, de comprendre comment ces animaux ont pu deviner un effet qui, dans ces circonstances, dépend de causes extrêmement éloignées, c’est-à-dire de la mesure des rivages dans l’Éthiopie. Les habitants de Thèbes et du lac Mœris rendaient un culte particulier aux crocodiles. Ils leur mettaient aux oreilles des pierres précieuses et des ornements d’or, et les nourrissaient de viandes consacrées. Après leur mort, ils les embaumaient et les déposaient en des urnes que l’on portait dans le labyrinthe qui servait de sépulture aux rois. Les Ombites poussaient même la superstition jusqu’à se réjouir de voir leurs enfants enlevés par les crocodiles. Mais ces animaux étaient en horreur dans le reste de l’Egypte, excepté à Tentiris ou Denderah, dont les habitants ne les redoutaient pas. Ceux qui les adoraient disaient que, pendant les sept jours consacrés aux fêtes de la naissance d’Apis, ils oubliaient leur férocité naturelle et ne faisaient aucun mal ; mais que le huitième jour, après midi, ils redevenaient furieux.
Croft (Elisabeth). Quand les Anglais apprirent que leur reine Marie Tudor, que l’on a si lâchement calomniée, allait épouser le roi d’Espagne Philippe II, ce fut parmi les réformés un grand effroi, et plusieurs intrigues surgirent pour empêcher cette union. Un certain Drack obtint d’une jeune fille nommée Elisabeth Croft, moyennant une somme d’argent, qu’elle se laisserait enfermer entre deux murs, et qu’au moyen de tuyaux dissimulés elle pourrait dire les paroles qu’on lui mettrait à l’oreille, ce qui se fit. Bientôt donc on apprit dans Londres qu’on entendait des voix qui venaient certainement du ciel, puisqu’on ne voyait absolument personne. La multitude accourut. La voix menaçait l’Angleterre des plus affreux désastres si la reine se mariait avec l’Espagnol ; elle s’élevait avec fureur contre le Pape et contre l’Église romaine, et les réformés se pâmaient d’aise. Cette imposture dura plusieurs jours sans qu’on en soupçonnât le procédé, et il n’était bruit dans Londres que de l’ange qui parlait. Mais parmi les magistrats, quelques-uns étaient encore catholiques ; ils soupçonnèrent un stratagème ; on démolit le mur d’où sortait la voix, et on découvrit Élisabeth Croft. Il ne paraît pas qu’on l’ait punie, non plus que son suborneur, parce qu’ils avaient dans la foule de nombreux partisans.
Croix. Ce saint nom, qui est la terreur de l’enfer, ne devrait pas non plus figurer ici. Mais la superstition, qui abuse de tout, ne l’a pas respecté. Il y a des croix dans toutes les formules des grimoires, et aucun sorcier ne s’est jamais vanté de commander au moindre démon sans ce signe.
Les croix que les sorcières portent au cou et à leurs chapelets, et celles qui se trouvent aux lieux où se fait le sabbat, ne sont jamais entières, comme on le voit par celles que l’on découvre dans les cimetières infestés de sorciers et dans les lieux où les sabbats se tiennent. La raison en est, disent les démonomanes, que le diable ne peut approcher d’une croix intacte.
Croix (Épreuve de la). Voy. Épreuves.
Croix (Magdeleine de la). Voy. Magdeleine.
Cromeruach, idole ,principale des Irlandais avant l'arrivée de Saint Patrice en Irlande. L'approche du saint la fit tomber, tandis que les divinités inférieures s'y enfoncèrent dans la terre jusqu'au menton. Suivant les hagiographes, en mémoire de ce miracle, on voit encore leurs têtes à fleur de terre dans la plaine de Moy-Sleuct , en Bréfin. L'idole était d'or et d'argent, et environnée de douze autres petits dieux d'airain.
 Cromniomancie, divination par les oignons. Ceux qui la pratiquaient mettaient, la veille de Noël, des oignons sur un autel. Ils écrivaient sur les oignons le nom des personnes dont on voulait avoir nouvelle. L’oignon qui germait le plus vite annonçait que la personne dont il portait le nom jouissait d’une bonne santé.
Cette divination est encore en usage dans plusieurs cantons de l’Allemagne, parmi les jeunes filles, qui cherchent à savoir ainsi qui elles auront pour époux .
Croque-Mitaine, espèce d’ogre dont on épouvante à Paris les petits enfants indociles. Aujourd’hui que ses dents sont tombées, il se contente de les mettre au cachot et de leur donner le fouet, malgré les lumières du siècle. Voy. Babau.
Crucifixion au sabbat. On lit dans les déclarations de Madeleine Bavent, de la possession de Louviers, qu’au sabbat, où elle a assisté longtemps, elle a vu crucifier plusieurs fois des hosties consacrées, attachées à une croix et dont quelques-unes ont saigné. Une certaine nuit, celle du vendredi saint au samedi saint, elle vit une sorcière apporter un enfant nouveau-né, que l’on crucifia en lui clouant à une croix noire les pieds et les mains. On lui enfonça ensuite des clous autour de la tête en forme de couronne, et on lui perça le côté. Elle ajoutait que deux hommes qui étaient venus au sabbat en novices, ayant à ce sujet témoigné quelque sentiment d’horreur, furent crucifiés eux-mêmes et mis à mort. Voy. Louviers.
Crusembourg (Guy de), alchimiste. Voy. Pierre philosophale.
Cubomancie, divination par le moyen des dés. Auguste et Tibère avaient grande confiance en cette manière de consulter le sort. Les Grecs s’en servaient aussi. C’est à peu près la même chose que l’astragalomancie. Voy. ce mot.
Cuivre. Les Lacédémoniens frappaient sur un chaudron, toutes les fois que l'un de leurs rois venait à mourir, parce que, dit le scholiaste de Théocrite, le cuivre pur, de sa nature, a la vertu de chasser les spectres et les esprits impurs.
Culte. Les démons recevaient un culte par tout l’univers avant le christianisme. Jupiter et les autres dieux n’étaient véritablement que des démons ; mais le diable a reçu un culte plus spécial de gens qui savaient bien qu’ils s’adressaient à lui et non à un dieu. Ainsi les sorciers au sabbat adorent le diable par son nom. Le culte qu’ils lui rendent consiste principalement à Lui baiser le derrière, à genoux, avec une chandelle noire à la main, et à commettre ensuite tout le contraire de ce que prescrit l’Église.
Certains peuples de l’Afrique ne rendent aucun culte à Dieu, qu’ils croient bon, et font des sacrifices au diable pour la raison contraire. Voy. Kurdes.
Cunégonde, femme de Henri II, empereur d’Allemagne. Elle fut accusée d’adultère par des calomniateurs, et se purgea de l’accusation en marchant pieds nus, sans accident, sur des socs de charrue rougis au feu. Voy. Épreuves.
Cupai, esprit malfaisant, qui, selon les Floridiens, préside dans le lieu où les crimes des méchants sont punis après leur mort, et qu'ils appellent le bas monde, par opposition avec le ciel qu'ils nomment le haut monde. Voy. Kupay.
Curdes, peuples du Levant, qui mènent une vie errante, et forment une secte particulière, également éloignée de l'islamisme et du christianisme. Ils reconnaissent l'existence de Dieu, mais ne lui rendent aucun hommage; au contraire, ils honorent le Diable, et par cette raison, préfèrent le noir à toutes les autres couleurs, parce qu'ils se figurent que le Diable est noir. C'est tout ce qu'on sait de leur culte et de leurs opinions religieuses. Voy. Kurdes.
Cureau de la Chambre, habile médecin, mort en 1669. On a de lui un Discours sur les principes de la chiromancie et de la métoposcopie. Paris, 1653, in-8°. On l’a aussi imprimé sous le titre de l’Art de connaître les hommes.
Curko, divinité des Prussiens avant leur conversion au christianisme. Elle était leur pourvoyeuse, et ils rendaient quelques honneurs à son image. Or cette image était une peau de chèvre élevée sur une perche de trois mètres et couronnée d’épis.
Curma. Du temps de saint Augustin, un paysan des environs d’Hippone, nommé Curma, mourut un matin et demeura deux ou trois jours sans sentiment. Comme on allait l’enterrer, il rouvrit les yeux et demanda ce qui se passait chez un autre paysan du voisinage qui, comme lui, se nommait Curma. On lui répondit que ce dernier venait de mourir à l’instant où lui-même était ressuscité. — Cela ne me surprend pas, dit-il ; on s’était trompé sur les noms : on vient de me dire que ce n’était pas Curma le jardinier, mais Curma le maréchal qui devait mourir. — Il raconta en même temps qu’il avait entrevu les enfers, et il mena depuis meilleure vie.
Curson. Voy. Pursan.
Curtius, fils d’un gladiateur romain. On dit qu’un spectre lui annonça ainsi sa mort : il avait accompagné en Afrique un lieutenant du gouverneur de ce pays conquis. Il vit un jour dans une galerie le spectre d’une femme de haute stature, qui lui dit qu’elle était l’Afrique, et qu’elle venait lui annoncer le bonheur. Elle l’assura qu’il aurait de grands honneurs à Rome ; qu’il reviendrait encore sur le sol africain, non plus comme valet, mais avec la qualité de commandant en chef, et qu’il y mourrait. Cette prédiction s’accomplit entièrement ; Curtius fut questeur, puis préteur ; il eut les privilèges du consulat, et fut envoyé comme gouverneur en Afrique ; mais en débarquant il se sentit frappé d’une maladie dont il mourut . Il est très-probable que ce conte a été fait après coup. Pour un autre Curtius, voy. Dévouement.
Cwes. Voy. Chien.
Cyclopes, Géants de la mythologie grecque, généralement forgeron ou bâtisseur, qui n'avait qu'un gros œil au milieu du front. 
Dans la mythologie grecque, ces géants pourvus d'un œil unique au milieu du front, apparaissent dans de nombreuses légendes, avec des généalogies et des caractéristiques diverses. Selon certains auteurs, notamment Hésiode, kuklôps signifierait d'ailleurs plutôt « qui a l'œil [parfaitement] rond » –, et le mot serait alors formé sur kuklos, « cercle » et ôps « œil ». À travers les légendes dans lesquelles ils apparaissent, on peut distinguer au moins trois sortes de cyclopes.
Dans la Théogonie d'Hésiode, les Cyclopes sont trois fils d'Ouranos (le Ciel) et de Gaia (la Terre). Ouranos, redoutant de les voir se liguer contre lui afin de le détrôner, les fit jeter dans le Tartare. Ce tyran récolta la haine qu'il avait semée: les Cyclopes apportèrent leur aide à la révolte de leurs frères les Titans, conduits par Cronos. Avec la bénédiction de Gaia, indignée du traitement que leur père réservait à ses enfants, Cronos détrôna Ouranos. Mais, devenu dieu suprême de l'Univers, Cronos, à son tour, commença à craindre que les enfants qu'il avait eus de sa sœur Gaia, devinssent dangereux pour sa suprématie, et se résolut à les dévorer : ainsi disparurent Hestia, Déméter, Hadès, Poséidon et d'autres, sauf Zeus à qui sa mère parvint à substituer une pierre enveloppée de langes, et que Cronos avala s'en s'apercevoir de la supercherie. Lorsque, devenu adulte, Zeus à son tour se révolta contre son père, il libéra les cyclopes qui, par gratitude, forgèrent la foudre, l'éclair et le tonnerre qui lui permirent de triompher de Cronos, qu'il força à restituer ses frères et sœurs.
Pour commémorer leur rôle dans ce combat, les trois cyclopes prirent les noms d'Argês (« Lumière éclatante »), Brontês (« le Tonnant ») et Stéropês (« Le Foudroyant »). À Hadès, ils offrirent un casque, et à Poséidon le trident à l'aide duquel il soulève ou apaise les ondes marines. Plus tard, ces trois cyclopes furent tués par Apollon qui ne leur pardonnait pas d'avoir fourni à Zeus la foudre à l'aide laquelle il avait frappé et tué son fils Asclépios.
Chez Homère, les cyclopes sont un peuple de pasteurs sauvages qui se distinguent non seulement par leur taille gigantesque et leur œil unique, mais aussi par la férocité de leur mœurs. Polyphème, le seul dont on connaisse le nom parce qu'il fait l'objet de l'un des plus célèbres épisodes de l'Odyssée, est le type de ces mangeurs de chair humaine, vivant solitaires dans des cavernes, sans crainte des dieux, pas même Zeus.
À l'époque alexandrine, la poésie fit des cyclopes les forgerons d'Héphaïstos, vivant sous l'Etna et fabriquant, sous la direction de leur maître, les armes des dieux et des héros. Les mythographes plaçaient les cyclopes avec les forges d'Héphaïstos, tantôt en Sicile, sous l'Etna, tantôt dans les îles volcaniques Lipari. Pyracmon (« l'Enclume ») et Acamas (« l'Infatigable »), sont deux de ces forgerons les plus souvent cités par les légendes. C'est encore à ces cyclopes qu'était attribuée la construction des cités aux murs « cyclopéens », de Mycènes ou de Tirynthe.
Certains mythographes tardifs voulurent voir dans les Cyclopes à œil unique, jetant des pierres, vomissant du feu, une personnification des volcans du bassin méditerranéen.
L'Antiquité nous a laissé de nombreuses représentations des Cyclopes, sur les vases peints. Un bas-relief antique conservé au musée Capitolin à Rome représente Vulcain travaillant à sa forge assisté de trois Cyclopes : deux frappent le fer avec lui, tandis qu'un troisième attise le feu avec un soufflet. Parmi les peintres modernes que le mythe des Cyclopes a inspiré, citons Annibal Carrache et Poussin. En littérature, le Cyclope est le titre d'une idylle de Théocrite (IIIe s. avant J.-C.) et d'un drame satyrique d'Euripide (Ve s. avant J.-C.).
personnages fabuleux qui habitaient la Sicile dans la partie qui entoure l’Etna. Ils étaient forgerons ; géants rudes et grossiers, anthropophages, ils n’avaient qu’un œil au milieu du front. Voy. l’Odyssée.
Cylindres, sortes d’amulettes circulaires que les Perses et les Égyptiens portaient au cou, et qui étaient ornées de figures et d’hiéroglyphes.
Cymbale, c’est le nom que les sorciers donnent au chaudron dans lequel ils mangent leur soupe au lard parmi les fêtes du sabbat.
Cynanthropie. Ceux qui sont attaqués de cette espèce de frénésie se persuadent qu’ils sont changés en chiens. C’est, comme la bousanthropie, une nuance de l’état de loup-garou. Voy. Loups garous.
Cynobalanes, nation imaginaire que Lucien représente avec des museaux de chien et montés sur des glands ailés.
Cynocéphale, singe que les Égyptiens nourrissaient dans leurs temples pour connaître le temps de la conjonction du soleil et de la lune. On était persuadé que, dans cette circonstance, l’animal devenu aveugle refusait toute nourriture. Son image, placée sur les clepsydres, était purement hiéroglyphique. On prétendait qu’à chaque heure du jour le cynocéphale criait très exactement. Voy. Loups garous.
Cyprien (saint). Avant de se convertir au christianisme, saint Cyprien s’occupait de magie. On voit dans ses Actes, écrits par Siméon Métaphraste, qu’il évoquait les démons, et que ce furent les épreuves qu’il fit de leur impuissance contre le simple signe de la croix qui l’amenèrent à la foi chrétienne.
Cyrano de Bergerac, écrivain remarquable du dix-septième siècle. On trouve dans ses œuvres deux lettres très-originales sur les sorciers. Nous n’avons pas besoin d’indiquer ses histoires des empires du soleil et de la lune. Il a fait aussi un voyage aux enfers ; c’est une pure plaisanterie .

                                                               D
Dabaïda. Idole des habitants de Panama. Née de race mortelle, cette femme vertueuse fut déifiée après sa mort, et appelée la mère des dieux. Quand il tonne, ou qu'il fait des éclairs, c'est, au dire de ces peuples, Dabaïda qui est fâchée. Ils brûlent des esclaves en son honneur, et se disposent à ces actes de piété par trois jours de jeûne, et par des soupirs, des gémissements, des extases, etc...  
Dactyles, génies phrygiens du genre des cabires ; ils enseignèrent aux hommes l’art de forger le fer, si on veut bien en croire la mythologie grecque.
Dactylomancie, sorte de divination qui se faisait par le moyen de quelques anneaux fondus sous l'aspect de certaines constellations, et auxquels étaient attachés des charmes, ou caractères magiques. C'est par ce genre de divination que Gygès savait se rendre invisible, en tournant le chaton de son anneau. Ammien Marcellin, parlant du successeur de Valens, que ces peuples cherchaient à deviner, dit qu'on pratiqua pour cela la dactylomancie, mais d'une manière différente, que cet historien décrit fort au long. Elle consistait à tenir un anneau suspendu par un fil au-dessus d'une table ronde, sur laquelle étaient différents caractères, avec les 24 lettres de l'alphabet. L'anneau, en sautant, se transportait sur quelques unes des lettres, et s'y arrêtait. Ces lettres, jointes ensemble, composaient la réponse qu'on demandait. Le sort fit sortir ces quatre lettres. Th, E, O, D, qui commencent le nom de Théodose, successeur de Valens. Avant l'opération, l'anneau était consacré; celui qui le tenait n'était vêtu que de toile, avait la tête rasée tout autour, et tenait en main de la verveine.
Dadjal ou Deggial, nom de l’Antéchrist chez les Chaldéens et chez les mahométans ; il signifie dans leur langue le menteur et l’imposteur par excellence.
Dagobert Ier, roi de France, mort en 638, à l’âge de trente-sept ans. Une vieille légende établit qu’après qu’il fut mort un bon ermite, nommé Jean, qui s’était retiré dans une petite île voisine des côtes de la Sicile, vit en songe, sur la mer, l’âme du roi Dagobert enchaînée dans une barque, et des démons qui la maltraitaient en la conduisant vers l’Etna, où ils devaient la précipiter. On croyait autrefois que le cratère de ce volcan était une des entrées de l’enfer, et il n’est pas encore vérifié que ce soit une erreur. L’âme appelait à son secours saint Denis, saint Maurice et saint Martin, que le roi, en son vivant, avait fort honorés, parce qu’un jour qu’il avait offensé son père ils lui avaient promis leur appui, dans une vision. Les trois saints descendirent, revêtus d’habits lumineux, assis sur un nuage brillant. Ils arrêtèrent les malins esprits, leur enlevèrent la pauvre âme et l’emportèrent. Un monument curieux, le tombeau de Dagobert, sculpté au temps de saint Louis, retrace naïvement ces circonstances. La principale façade est divisée en trois bandes. Dans la première on voit quatre démons (deux ont des oreilles d’âne) qui emmènent l’âme du roi dans une barque ; la seconde représente saint Denis, saint Maurice et saint Martin, accompagnés de deux anges, avec un bénitier ; ils chassent les démons. Sur la troisième bande, on voit l’âme qui s’enlève, et une main généreuse sort d’un nuage pour l’accueillir. Les farceurs ont glosé sur cette poésie du moyen âge, sur cette légende et sur le monument, qui est toujours dans l’église de Saint-Denis. Mais quel mal y a-t-il donc dans ces récits que l’Église n’a jamais imposés, et qui sont au moins des fleurs ? Ce qu’il y a de mal, c’est que ces fleurs tombent quelquefois devant des pourceaux.
Dagon, démon de second ordre, boulanger et grand panetier de la cour infernale. On le trouve figurant dans la possession d’Auxonne. Les Philistins l’adoraient sous la forme d’un monstre réunissant le buste de l’homme à la queue du poisson. Ils lui attribuaient l’invention de l’agriculture, qu’on a attribuée à tant d’autres. On lit dans le premier livre des Rois que, les Philistins s’étant rendus maîtres de l’arche du Seigneur, et l’ayant placée à Azot dans leur temple, où se trouvait l’idole de Dagon, on vit le lendemain cette idole mutilée, et sa tête avec ses deux mains sur le seuil de la porte. « Depuis lors, dit l’auteur sacré, les sacrificateurs de Dagon et tous ceux qui entraient dans son temple ne marchaient plus sur le seuil de cette porte. » Au Pégu on regarde Dagon comme le Dieu créateur, et on croît là que, quand les kiakias auront détruit ce monde, Dagon ou Dagoun en fera paraître un autre qui sera bien plus beau et beaucoup plus agréable.
Dahman, l'ange qui reçoit les âmes des Saints, des mains de l'ange Sserosch, pour les conduire au ciel. Chez les Persans le génie qui reçoit et protège les âmes des morts, et il les place comme elles l’ont mérité.
Dahut. Voy. Is.
Damnetus ou Damachus, loup-garou de l’antiquité. On conte qu’ayant mangé le ventre d’un petit enfant sacrifié à Jupiter Lycien en Arcadie, il fut changé en loup. Mais il reprit sa première forme au bout de dix ans. Il remporta même, depuis, le prix de la lutte aux jeux Olympiques.
Danaké. C’est le nom de l’obole que l’on plaçait chez les païens sous la langue des morts, et qu’ils donnaient à Charon pour leur passage dans sa barque.
Daniel, l’un des quatre grands prophètes. On lui attribue un traité apocryphe de l’Art des songes. Les Orientaux le regardent aussi comme l’inventeur de la géomancie,
Danis, sorcier du dernier siècle, qui fut accusé d’avoir ensorcelé un jeune homme de Noisy le Grand, en 1705. Ce fait est rapporté longuement dans l’Histoire des pratiques superstitieuses du père Lebrun, qui pense qu’il pourrait bien y avoir là de la sorcellerie. D’autres croient que le jeune homme ensorcelé n’avait que des hallucinations. Le magnétisme, dont on commence à comprendre la puissance, pourrait donner raison au père Lebrun, comme il explique maintenant beaucoup de maléfices qu’on niait, contre tous les témoignages, il n’y a pas encore trente ans.
Danse de saint Guy, danse épidémique qui gagnait au moyen âge des populations tout entières, et que les uns attribuaient à un châtiment de Dieu, les autres à l’obsession des démons ; et cela à propos d’un ménétrier qu’on voulait mettre à mort injustement, et qui amena sa délivrance en faisant danser les masses. On en chercha la guérison à Echternach, en Luxembourg, devant les reliques vénérées de saint Willibrord, et le souvenir de ce singulier phénomène y est toujours vivant. Ces danses eurent lieu au quatorzième siècle surtout. On croyait ces danseurs possédés, parce qu’ils dansaient malgré eux et qu’ils se disaient frappés souvent de visions merveilleuses. Au reste on ne les guérit que par des exorcismes.
Danse des Esprits. Olaüs Magnus, au troisième livre de son Histoire des peuples septentrionaux, écrit qu’on voyait encore de son temps, en beaucoup de ces pays-là, des esprits et fantômes dansant et sautant, principalement de nuit, au son de toutes sortes d’instruments de musique. Cette danse est appelée par les gens du pays chorea elvarum (danse des elfes). Saxon le Grammairien fait mention de ces danses fantastiques dans son Histoire de Danemark. Pomponius Mela, dans sa description de l’Ethiopie, dit qu’on a vu quelquefois, au delà du mont Atlas, des flambeaux, et entendu des flûtes et clochettes, et que le jour venu on n’y trouvait plus rien. On ajoutait que les fantômes faisaient danser ceux qu’ils rencontraient sur leur chemin, lesquels ne manquaient pas de se tenir pour avertis qu’ils mourraient bientôt. On ne rencontre plus guère de ces choses-là.
Danse des fées. On prétendait chez nos pères que les fées habitaient les forêts désertes, et qu’elles venaient danser sur la gazon au clair de lune. Voy. Fées.
Danse des géants. Merlin, voulant faire une galanterie de courtisan, fit venir, dit-on, d’Irlande en Angleterre, des rochers qui prirent la figure de géants, et s’en allèrent en dansant former un trophée pour le roi Ambrosius. C’est ce qu’on appela la danse des géants. Des écrivains soutenaient, il n’y a pas longtemps, que ces rochers dansaient encore à l’avènement des rois d’Angleterre.
Danse des morts. L’origine des danses des morts, dont on fit le sujet de tant de peintures, date du moyen âge ; elles ont été longtemps en vogue. D’abord on voyait fréquemment, pendant
le temps du carnaval, des masques qui représentaient la mort ; ils avaient le privilège de danser avec tous ceux qu’ils rencontraient en les prenant par la main, et l’effroi des personnes qu’ils forçaient de danser avec eux amusait le public. Bientôt ces masques eurent l’idée d’aller dans les cimetières exécuter leur danse en l’honneur des trépassés. Ces danses devinrent ainsi un effrayant exercice de dévotion ; elles étaient accompagnées de sentences lugubres, et l’on ne sait pourquoi alors elles prirent le nom de danses macabres. On fit des images de ces danses qui furent révérées par le peuple. Ces danses macabres se multiplièrent à l’infini au quinzième et au seizième siècle : les artistes les plus habiles furent employés à les peindre dans les vestibules des couvents et sur les murs des cimetières. La danse des morts de Bâle fut d’abord exécutée dans cette ville en 1435 par l’ordre du concile qui y était rassemblé. Ce qui l’a rendue célèbre, c’est qu’elle fut ensuite refaite par Holbein. « L’idée de cette danse est juste et vraie, disait il y a quelque temps M. Saint-Marc Girardin. Ce monde ci est un grand bal où la mort donne le branle. On danse plus ou moins de contredanses, avec plus ou moins de joie ; mais cette danse enfin, c’est toujours la mort qui la mène : et ces danseurs de tous rangs et de tous états, que sont-ils ? Des mourants à plus ou moins long terme.
» Je connais deux danses des morts, poursuit le même écrivain : l’une à Dresde, dans le cimetière au delà de l’Elbe ; l’autre en Auvergne, dans l’admirable église de la Chaise-Dieu. Cette dernière est une fresque que l’humidité ronge chaque jour. Dans ces deux danses des morts, la mort est en tête d’un chœur d’hommes d’âges et d’états divers : il y a le roi et le mendiant, le vieillard et le jeune homme, et la mort les entraîne tous après elle. Ces deux danses des morts expriment l’idée populaire de la manière la plus simple. Le génie d’Holbein a fécondé cette idée dans sa fameuse Danse des morts du cloître des dominicains à Bâle ; c’était une fresque, et elle a péri comme périssent peu à peu les fresques. Il en reste au musée de Bâle quelques débris et des miniatures coloriées. La danse d’Holbein n’est pas, comme celles de Dresde et de la Chaise-Dieu, une chaîne continue de danseurs menés par la mort ; chaque danseur a sa mort costumée d’une façon différente, selon l’état du mourant. De cette manière, la danse d’Holbein est une suite d’épisodes réunis dans, le même cadre. Il y a quarante et une scènes dans le drame d’Holbein, et dans ces quarante et une scènes une variété infinie. Dans aucun de ces tableaux vous ne trouverez la même pose, la même attitude, la même expression : Holbein a compris que les hommes ne se ressemblent pas plus dans leur mort que dans leur vie, et que, comme nous vivons tous à notre manière, nous avons tous aussi notre manière de mourir.
» Holbein costume le laid et vilain squelette sous lequel nous nous figurons la mort, et il mit le
costume de la façon du monde la plus bouffonne, exprimant, par les attributs qu’il lui donne, le caractère et les habitudes du personnage qu’il veut représenter. Chacun de ses tableaux est un chef-d’œuvre d’invention. — Il est incroyable avec quel art il donne l’expression de la vie et du sentiment à ces squelettes hideux, à ces figures décharnées. Tous ses morts vivent, pensent, respirent ; tous ont le geste, la physionomie, j’allais presque dire les regards et les couleurs de la vie.
» Holbein avait ajouté à l’idée populaire de la Danse des morts : le peintre inconnu du pont de Lucerne a ajouté aussi à la danse d’Holbein. Ce ne sont pas des peintures de prix que les peintures du pont de Lucerne ; mais elles ont un mérite d’invention fort remarquable. Le peintre a représenté, dans les triangles que forment les poutres qui soutiennent le toit du pont, les scènes ordinaires de la vie, et comment la mort les interrompt brusquement.
» Dans Holbein, la mort prend le costume et les attributs [de tous les états, montrant par là que nous sommes tous soumis à sa nécessité. Au pont de Lucerne, la mort vit avec nous. Faisons-nous une partie de campagne, elle s’habille en cocher, fait claquer son fouet ; les enfants rient et pétillent : la mère seule se plaint que la voiture va trop vite. Que voulez-vous ! c’est la mort qui conduit, elle a hâte d’arriver. Allez-vous au bal, voici la mort qui entre en coiffeur, le peigne à la main. « Hâtez-vous, dit la jeune fille, hâtez-vous ! je ne veux pas arriver trop tard. — Je ferai vite ! » Elle fait vite ; car à peine a-t-elle touché du bout de son doigt décharné le front de la danseuse, que ce front de dix-sept ans se dessèche aussi bien que les fleurs qui devaient le parer.
» Le pont de Lucerne nous montre la mort à nos côtés et partout : à table, où elle a la serviette autour du cou, le verre à la main, et porte des santés ; dans l’atelier du peintre, où, en garçon barbouilleur, elle tient la palette et broie les couleurs ; dans le jardin, où, vêtue en jardinier, l’arrosoir à la main, elle mène le maître voir si ses tulipes sont écloses ; dans la boutique, où en garçon marchand, assise sur des ballots d’étoffe, elle a l’air engageant et appelle les pratiques ; dans le corps de garde, où, le tambour en main, elle bat le rappel ; dans le carrefour, où, en faiseur de tours, elle rassemble les badauds ; au barreau, où, vêtue en avocat, elle prend des conclusions : le seul avocat (dit la légende en mauvais vers allemands placés au bas de chaque tableau) qui aille vite et qui gagne toutes ses causes ; dans l’antichambre du ministre, où, en solliciteur, l’air humble et le dos courbé, elle présente une pétition qui sera écoutée ; dans le combat, enfin, où elle court en tête des bataillons, et pour se faire suivre elle s’est noué le drapeau autour du cou… »
Danse des tables. Voy. Tables tournantes.
Danse du sabbat. Pierre Delancre assure que les danses du sabbat rendent les hommes furieux et font avorter les femmes. Le diable, dit-on, apprenait différentes sortes de danses aux sorciers de Genève. Ces danses étaient fort rudes, puisqu’il se servait de verges et de bâtons comme ceux qui font danser les animaux. Il y avait dans ce pays une jeune femme à qui le diable avait donné une baguette de fer qui avait la vertu de faire danser les personnes qu’elle touchait. Elle se moquait des juges durant son procès, et leur protestait qu’ils ne pourraient la faire mourir ; mais elle déchanta.
Les démons dansent avec les sorcières, en forme de bouc ou de tout autre animal. On danse généralement en rond au sabbat, dos à dos, rarement seul ou à deux. Il y a trois branles : le premier se nomme le branle à la bohémienne ; le second s’exécute comme celui de nos artisans dans les campagnes, c’est-à-dire en sautant toujours le dos tourné ; dans le troisième branle, on se place tous en long, se tenant par les mains et avec certaine cadence, à peu près comme dans ce qu’on appelle aujourd’hui le galop. On exécute ces danses au son d’un petit tambourin, d’une flûte, d’un violon ou d’un autre instrument que l’on frappe avec un bâton. C’est la seule musique du sabbat. Cependant des sorciers ont assuré qu’il n’y avait pas de concerts au monde mieux exécutés…
Danse du soleil. C’est une croyance encore répandue dans beaucoup de villages que le soleil danse le jour de Pâques. Mais cette gracieuse tradition populaire n’est que de la poésie, comme les trois soleils qui se lèvent sur l’horizon le matin de la Trinité.
Dante, le plus grand poète de l’Italie, mort en 1321, a fait dans sa Divina Comedia une description prodigieuse, en trente-trois chants, de l’enfer et une autre du purgatoire. Mais il ne faut chercher là qu’une grande poésie. M. E. Aroux, dans son livre intitulé l’Hérésie du Dante, a voulu démontrer que Dante était attaché à l’hérésie vaudoise, qui entraîna tant d’imaginations au treizième siècle ; c’est douteux.
Daphnéphagesmangeurs de lauriers; devins qui, avant que de rendre leurs réponses, mangeaient des feuilles de laurier, parce que, cet arbrisseau étant consacré à Apollon, ils voulaient faire croire que ce dieu les inspirait.
 Daphnomancie, divination par le laurier. On en jetait une branche dans le feu ; si elle pétillait en brûlant, c’était un heureux présage ; mais si elle brûlait sans faire de bruit, le pronostic était fâcheux.
Dards magiques. Les Lapons, qui passaient autrefois pour de grands sorciers et qui le sont à présent bien peu, lançaient, dit-on, des dards de plomb longs d’un doigt contre leurs ennemis absents, et croyaient leur envoyer avec ces dards enchantés des maladies et des douleurs violentes. Voy. Tyre.
Daroudji. C’est le nom que les Persans donnent à la troisième classe de leurs mauvais génies. Darvands, mauvais génies en Perse, opposés aux amschaspands.
Daugis, auteur peu connu d’un livre contre les sorciers intitulé Traité sur la magie, le sortilège, les possessions, obsessions et maléfices, où l’on en démontre la vérité et la réalité ; avec une méthode sûre et facile pour les discerner, et les règlements contre les devins, sorciers, magiciens, etc. Paris, in-12, 1732.
Dauphin. On ne sait pas trop sur quoi est fondée cette vieille croyance populaire, que le dauphin est l’ami de l’homme. Les anciens le connaissaient si imparfaitement, qu’on l’a presque toujours représenté avec le dos courbé en arc, tandis qu’il a le dos plat comme les autres poissons, à moins que nous ne donnions le nom de dauphin à un poisson qui ne serait pas celui des anciens. Il y a des races perdues. On trouve dans Élien et dans d’autres naturalistes des enfants qui se promènent en mer à cheval sur des dauphins apprivoisés ; ce sont de ces merveilles qui ne sont plus faites pour nous. — On sait que le dauphin est le symbole de la rapidité : et c’est dans un sens emblématique, pour rappeler qu’il faut se hâter avec prudence, qu’on a peint le dauphin entortillé à une ancre ; car il est faux que par affection pour l’homme il la conduise au fond de la mer, comme le contaient nos pères.
Dauphiné, ancienne province de France qui, dès le quatorzième siècle, attaquée dans sa foi, ainsi que les Cévennes, par diverses bandes hérétiques, accueillit rapidement le calvinisme, et lors de la révocation de l’édit de Nantes, devint le théâtre de phénomènes extraordinaires où se glissa vite la magie. Il s’éleva là des écoles de prophètes, qui, dans des extases et des transports, disaient et faisaient des choses tout à fait excentriques. En nommé Serre ou Duserre était le gouverneur et le maître de l’école de prophétie. Quelques-uns de ses élèves se firent un nom, entre autres Gabriel Astier et une jeune fille (car il y avait prophètes et prophétesses) nommée Isabelle, connue sous le nom de la belle Isabeau. Des ministres protestants se mêlaient à cet ébranlement ; Jurieu lui-même prophétisa. Il fallut envoyer des troupes pour abattre cette tempête qui devenait menaçante. Isabeau, se convertit ; et la répression, que les réformés ont fort noircie, se fit avec modération. On a appelé ces singuliers rebelles camisards, à cause de leur manière de se reconnaître dans leurs réunions secrètes : ils se mettaient une chemise par-dessus leurs habits.
David. Selon les Orientaux, ce prophète-roi se faisait obéir des poissons, des oiseaux et des pierres ; ils ajoutent que le fer qu’il tenait dans ses mains s’amollissait, et que les larmes qu’il versa pendant les quarante jours qu’il pleura son péché faisaient naître des plantes. Adam, disent les musulmans, avait donné soixante ans de la durée de sa vie pour prolonger celle de David, dont il prévoyait le règne glorieux.
David, prêtre apostat, mêlé à la possession de Louviers par ses relations avec Madeleine Bavent. Il eut une mort subite.
David Georges, vitrier de Gand, qui en 1525 se mita courir les Pays-Bas, en disant qu’il était le Messie envoyé sur la terre pour remplir le ciel, qui avait beaucoup trop de vide. On le signala comme un fou dangereux ; mais il changeait de nom pour se mettre à couvert des poursuites. Il ensorcelait les esprits, dit Delancre, tandis que les autres sorciers ensorcelaient les corps. Au bout de treize ans qu’il séjourna à Bâle, il mourut. Ses disciples furent étonnés de sa mort, car ils le croyaient immortel : cependant il leur avait prédit qu’il ressusciterait trois jours après son trépas. Ce qui n’eut pas lieu; et ses restes furent brûlés en 1559.
David Jones. Dans la mythologie des marins anglais, cet être fantastique est le démon qui commande à tous les esprits malfaisants de la mer, et qui se rend visible sous différentes formes: tantôt enveloppé dans un ouragan, tantôt sous une colonne d'eau, ou de mille autres manières, pour avertir de leur malheur les victimes dévouées à la mort. Quand leur imagination effrayée le personnifie, elle lui donne de grands yeux, trois rangées de dents aiguës, des cornes, une taille énorme, et de larges narines d'où sort un feu bleuâtre.
Deber. Des théologiens hébreux disent que Deber signifie le démon qui offense la nuit ; et Cheteb ou Chereb, celui qui offense en plein midi.
Decarabia. Voy. Carabia.
Decius (Publius). Pendant la guerre des Romains contre les Latins, les consuls Publius Decius et Manlius Torquatus, campés près du Vésuve, eurent tous deux le même songe dans la même nuit : ils virent en dormant un homme d’une figure haute, qui leur dit que l’une des deux armées devait descendre chez les ombres, et que celle-là serait victorieuse dont le général se dévouerait aux puissances de la mort.
Le lendemain les consuls, s’étant raconté leur songe, firent un sacrifice pour s’assurer encore de la volonté des dieux, et les entrailles des victimes confirmèrent ce qu’ils avaient vu. Ils convinrent donc entre eux que le premier qui verrait plier ses bataillons s’immolerait au salut de la patrie.
Quand le combat fut engagé, Decius, qui vit fléchir l’aile qu’il commandait, se dévoua, et avec lui toute l’armée ennemie aux dieux infernaux, et se précipita dans les rangs des Latins, où il reçut la mort en assurant à Rome une victoire éclatante.
Si ce double songe des consuls et les présages des victimes publiés dans les deux armées n’étaient qu’un coup de politique, le dévouement de Decius était un acte de patriotisme bien grand, même chez les Romains.
Decremps escamoteur du dernier siècle, qui publia un Traité de la magie blanche.
Dedshail, le diable chez plusieurs tribus arabes.
Dée (Jean), savant fou, né à Londres en 1527. Il s’occupa de cabale, d’alchimie et d’astrologie. La reine Élisabeth le tira de sa misère et l’appela son philosophe. Il a laissé quelques écrits que Casaubon a publiés. Mort en 1607.
Déification, l'action de mettre des hommes au rang des dieux. Les Egyptiens distinguaient deux sortes de divinités: les unes immortelles, comme le Soleil, la Lune, les Astres, les Eléments; les autres, mortelles, c'est-à-dire, les grands hommes qui, par leurs belles actions, avaient mérité les honneurs divins. On peut réduire à six ou sept classes ceux qui furent l'objet de la déification: 1° ceux à qui l'imagination des poètes a donné naissance; 2° ceux que la douleur paternelle ou filiale prit pour objet de ses regrets, et bientôt après d'un culte destiné à les adoucir; 3° les anciens rois, tels qu'Uranus, Saturne, etc.; 4° ceux qui avaient rendu à l'humanité de grands services par l'invention de quelque art nécessaire à la vie, ou par leurs conquêtes et leurs victoires; 5° les anciens fondateurs des villes; 6° ceux qui avaient découvert des pays, ou y avaient conduit des colonies, et tous ceux, en un mot, qui étaient devenus l'objet de la reconnaissance publique; 7° enfin ceux que la flatterie éleva à ce rang; et de ce nombre furent les empereurs romains, dont le sénat ordonnait l'apothéose.   Vespasien, se voyant sur le point de mourir, dit à ses amis, par une assez fine raillerie de l’adulation des Romains, qui déifiaient leurs empereurs après la mort : « Je sens que je deviens dieu. »
Deiphobe, Sybille de Cumes, fille de Glaucus, et prêtresse d'Apollon. Ovide raconte comment elle devint Sybille. Apollon, pour la rendre sensible, offrit de lui accorder tout ce qu'elle souhaiterait: elle demanda de vivre autant d'années qu'elle tenait dans la main de grains de sable qu'elle venait de ramasser, mais oublia malheureusement de demander en même temps de pouvoir conserver durant ce temps là toute la fraicheur de la jeunesse. Apollon la lui offrit pourtant si elle voulait répondre à sa tendresse; mais Deiphobe préféra l'avantage d'une chasteté inviolable, au plaisir de jouir d'une éternelle jeunesse; en sorte qu'une triste et languissante vieillesse succéda à ses belles années. Du temps d'Enée, elle avait déjà vécu sept cents ans disait-elle, et, pour remplir le nombre de ses grains de sable qui devait être la mesure de sa vie, il lui restait encore trois cents ans, après lesquels son corps, consumé et dévoré par les années, devait être presque réduit à rien, et on ne devait la reconnaître qu'à la voix que le Destin lui laisserait éternellement. Cette Sybille inspirée d'Apollon rendait ses oracles du fond d'un autre dans le temple de ce dieu. Cet antre avait cent portes, d'où sortaient autant de voix terribles qui faisaient entendre les réponses de la prophétesse . Deiphobe était aussi prêtresse d'Hécate, qui lui avait confié la garde des bois sacrés de l'Averne. C'est pour cela qu'Enée s'adresse à elle pour descendre aux Enfers. Les Romains élevèrent un temple à cette Sybille dans le lieu même où elle avait rendu ses oracles, et l'honorèrent comme une divinité. Voy. Sibylles.  
Déisme. Le déisme n’est autre chose que la religion de la nature matérielle, mais en niant tout dans le surnaturel : cette triste et froide doctrine n’explique rien, ne produit rien, ne mène à rien.
Déjections. Le médecin de Haën, dans le dernier chapitre de son Traité de la magie, dit que si l’on voit sortir de quelques parties que ce soit du corps humain, sans lésion considérable, des choses qui naturellement ne peuvent y entrer, comme des couteaux, des morceaux de verre, du fer, de la poix, des touffes de crin, des os, des insectes, de grosses épingles tordues, des charbons, etc., on doit attribuer tout cela au démon et à la magie. Voy. Excréments.
Delancre (Pierre), démonographe renommé, né à Bordeaux dans le seizième siècle. Il fut chargé d’instruire le procès de quantités de vauriens accusés de sortilèges. Dans ces travaux il demeura convaincu de toutes les abominations du sabbat et des sorciers. Il mourut à Paris vers 1630. On a de lui deux ouvrages recherchés sur ces matières.
L’incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincues, où il est amplement et curieusement traité de la vérité ou illusion du sortilège, de la fascination, de l’attouchement, du scopélisme, de la divination, de la ligature ou liaison magique, des apparitions et d’une infinité d’autres rares et nouveaux sujets, par P. Delancre, conseiller du roi en son conseil d’État. Paris, Nicolas Buon, 1612, in-4° de près de 900 pages, assez rare, dédié au roi Louis XIII, divisé en dix traités.
Dans le premier traité, l’auteur prouve que tout ce qu’on dit des sorciers est véritable. Le second, intitulé de la Fascination, démontre que les sorcières ne fascinent, en ensorcelant, qu’au moyen du diable. Par le troisième traité, consacré à l’attouchement, on voit ce que peuvent faire les sorciers par le toucher, bien plus puissant que le regard. Le traité quatrième, où il s’agit du scopélisme, nous apprend que par cette science secrète on maléficie les gens en jetant simplement des pierres charmées dans leur jardin. Le magnétisme explique aujourd’hui la plupart de ces prodiges. Le traité suivant détaille toutes les divinations. Au sixième traité, on s’instruit de tout qui tient aux ligatures. Le septième roule sur les apparitions. L’auteur, qui ne doute peut-être pas assez, en rapporte beaucoup. Il tombe, dans le huitième traité, sur les juifs, les apostats et les athées. Dans le neuvième, il s’élève contre les hérétiques, dont l’apparition dans tous les temps a produit en effet des fanatismes plus ou moins absurdes ou abominables. Il se récrie, dans le dernier traité, contre l’incrédulité et mécréance des juges en fait de sorcellerie. Le tout est suivi d’un recueil d’arrêts notables contre les sorciers.
Tableau de Vinconstance des mauvais anges et démons, où il est amplement traité de la sorcellerie et des sorciers ; livre très-curieux et très-utile, avec un discours contenant la procédure faite par les inquisiteurs d’Espagne et de Navarre à cinquante-trois magiciens, apostats, juifs et sorciers, en la ville de Logrogne, en Castille, le 9 novembre 1610; en laquelle on voit combien l’exercice de la justice en France est plus juridiquement traité et avec de plus belles formes qu’en tous autres empires, royaumes, républiques et États, par P. Delancre, conseiller du roi au parlement de Bordeaux ; Paris, Nicolas Buon, 1612, in-4° d’environ 800 pages, très-recherché, surtout lorsqu’il est accompagné de l’estampe qui représente les cérémonies du sabbat.
Cet ouvrage est divisé en six livres ; le premier contient trois discours sur l’inconstance des démons, le grand nombre des sorciers et le penchant des femmes du pays de Labourd pour la sorcellerie. Le second livre traite du sabbat en cinq discours. Le troisième roule sur la même matière et sur les pactes des sorciers avec le diable, pareillement en cinq discours. Le quatrième livre, qui contient quatre discours, est consacré aux loups garous ; le livre cinquième, en trois discours, aux superstitions et apparitions ; et le sixième, aux prêtres sorciers, en cinq discours.
Tout ce que ces ouvrages présentent de curieux tient sa place dans ce dictionnaire.
Delangle (Louis), médecin espagnol et grand astrologue. On raconte qu’il prédit au roi de France Charles VII la journée de Frémigny en 1450; il prédit aussi, selon quelques auteurs, l’emprisonnement du petit prince de Piémont, ainsi que la peste de Lyon l’année suivante. On l’accusa de superstition, quoiqu’il ne se dît qu’astrologue. Le roi le retint à quatre cents livres de pension et l’envoya pratiquer sa science à Lyon. Il fit plusieurs livres et traduisit d’espagnol en latin les Nativités, de Jean de Séville. On ajoute qu’il prévit le jour de sa mort. Il fit faire, dit-on, quinze jours d’avance son service, que l’on continua jusqu’à l’heure marquée où en effet il mourut.
Delphes (l’oracle de). Diodore de Sicile nous apprend l’origine des merveilles qu’on en a contées. Il arriva un jour que des chèvres s’étant approchées sur le Parnasse d’un trou d’où sortait une exhalaison forte, elles se mirent à danser. La nouveauté de la chose et l’ignorance où l’on était de la vertu naturelle de ces vapeurs firent croire qu’il y avait là-dessous du merveilleux, et que sans doute ce trou était la demeure de quelque dieu (ou démon), dont on ne devait pas négliger les inspirations. Il n’en fallut pas plus : on y bâtit un temple, on y institua un oracle, des prêtres, une pythie, des cérémonies. L’exhalaison qui montait à la tête de la prêtresse l’agitait violemment : c’était, comme le remarque Benjamin Binet, l’inspiration du dieu qui la saisissait. Elle parlait sans se faire comprendre : c’était le dieu qui combattait ses facultés. Elle revenait à elle même et prononçait l’oracle : c’était le dieu qui, devenu le maître, parlait par son organe. La force de l’exhalaison était quelquefois si violente qu’elle faisait mourir la pythie. Plutarque en cite un exemple.
Delrio (Martin-Antoine), né à Anvers en 1551, savant jésuite, auteur d’un livre intitulé Recherches magiques, en six livres, où il est traité soigneusement des arts curieux et des vaines superstitions ; in-4°, Louvain, 1599, souvent réimprimé. Ce livre célèbre, qui eut dans son temps beaucoup de vogue, a été abrégé et traduit en français par André Duchesne, Paris, in-4° et in-8°, 2 vol., 1611, très-recherché. L’auteur se montre généralement plus éclairé que la plupart des écrivains de son siècle. Son ouvrage est divisé en six livrés ; le premier traite de la magie en général, naturelle et artificielle, et des prestiges ; le second, de la magie infernale ; le troisième, des maléfices ; le quatrième, des divinations et prédictions ; le cinquième, des devoirs du juge et de la manière de procéder en fait de sorcellerie ; le sixième, des devoirs du confesseur et des remèdes permis ou prohibés contre la sorcellerie. En général, ces disquisitions magiques sont un recueil de faits bizarres, mêlés de raisonnements et de citations savantes.
Déluge, mythe répandu dans de nombreuses cultures. C’est aussi un des plus anciens. Il relate généralement des pluies catastrophiques et des inondations consécutives qui exterminèrent hommes et animaux à l’exception de Noé, sa famille, et d’un seul couple de chaque espèce qui allaient repeupler la Terre ensuite. Voy. Is.
Démence, Ripa la caractérise par un vieillard à cheval sur un bâton, et jouant avec un moulin de cartes comme les enfants.  Voy. Possession.
Démocrite, philosophe célèbre qui florissait en Grèce environ trois cents ans après la fondation de Rome. Les écrivains du quinzième et du seizième siècle l’ont accusé de magie ; quelques-uns lui ont même attribué un traité d’alchimie. Psellus prétend qu’il ne s’était crevé les yeux qu’après avoir soufflé tout son bien à la recherche de la pierre philosophale. La cécité de Démocrite a embarrassé bien des personnes. Tertullien dit qu’il se priva de la vue parce qu’elle était pour lui une occasion de mauvaises convoitises. Plutarque pense que c’était pour philosopher plus à son aise, et c’est le sentiment le plus répandu, quoiqu’il soit aussi dénué de fondement que les autres. Démocrite ne fut point aveugle, si l’on en croit Hippocrate, qui raconte qu’appelé parles Abdéritains pour guérir la folie prétendue de ce philosophe, il le trouva occupé à la lecture de certains livres et à la dissection de quelques animaux, ce qu’il n’eût point fait s’il eût été aveugle.
De jeunes Abdéritains, sachant que Démocrite s’était enfermé dans un sépulcre écarté de la ville pour philosopher, s’habillèrent un jour en démons avec de longues robes noires et des masques hideux ; puis ils l’allèrent trouver et se mirent à danser autour de lui ; Démocrite n’en parut pas effrayé ; il ne leva pas même les yeux de dessus son livre et continua d’écrire . Il riait de tout, nous dit-on, mais son rire était moral, et il voyait autrement que les hommes dont il se moquait. Croyons donc, avec Scaliger, qu’il était aveugle moralement, quod aliorum more oculis non uteretur.
On a dit qu’il entendait le chant des oiseaux, et qu’il s’était procuré cette faculté merveilleuse en mangeant un serpent engendré du sang mélangé de certains oisillons ; mais que n’a-t-on pas dit ! On a dit aussi qu’il commerçait avec le diable, parce qu’il vivait solitaire.
Démogorgon, adoré en Arcadie, a laissé une curieuse histoire. Il était enfoui au milieu de la terre, alors inerte, et il s’y ennuyait, car il n’avait pour compagnon que le chaos. Il s’avisa donc de se faire une petite voiture en forme de sphère ; il la lança et se mit dessus. Comme elle tournait toujours circulairement, son excursion forma le ciel. Ayant rencontré le feu en chemin, il en fit le soleil, et pièce à pièce il construisit ce monde. Voilà un des dogmes des païens.
Démon barbu. Voy. Barbu.
Démoniaques. Voy. Possédés.
Démonocratie, gouvernement des démons, influence immédiate des esprits malfaisants, religion de quelques peuplades américaines, africaines, asiatiques, sibériennes, Kamtschadales, etc., qui révèrent le diable avant tout, comme par exemple les Kurdes.
Démonographie, histoire et description de ce qui regarde les démons. On appelle démonographes les auteurs qui écrivent sur ce sujet, comme Boguet, Delancre, Leloyer, Wierus, etc.
Démonolâtrie, culte des démons. On a publié à Lyon vers 1819 un volume in-12 intitulé Superstitions et démonolâtrie des philosophes. Ce livre a été un peu bafoué, quoiqu’il contienne de très-bonnes choses et de sérieuses vérités. Il est certain que chez nous-mêmes, qui sommes si fiers de nos lumières et de nos progrès, le démon compte encore d’innombrables serviteurs. Qu’on lise les savantes pages de la Mystique divine, naturelle et diabolique de Görres, on y verra qu’aujourd’hui, au moment où ces lignes se lisent, il y a sur notre sol, dans les bas-fonds de la société, une foule de démonolâtres ou adorateurs du démon, qui lui rendent un culte ténébreux, qui se donnent et se livrent à lui et qui agissent en conséquence. C’est du reste la suite logique et constante de toutes les ères philosophiques.
Démonologie, discours et traités sur les démons. Pour la démonologie du roi Jacques, voy. ce nom. Voy. aussi Walter Scott.
Démonomancie, divination par le moyen des démons. Cette divination a lieu par les oracles qu’ils rendent ou par les réponses qu’ils font à ceux qui les évoquent.
Démonomanie, manie de ceux qui croient sans réserve à tout ce qu’on raconte sur les démons et les sorciers, comme Boguet, Leloyer, Delancre, Wierus, etc. Un ouvrage de Bodin porte le titre de Démonomanie des sorciers ; mais là ce mot signifie diablerie. Voy. Bobin.
Démons. Ce que nous savons d’exact sur les démons se borne à ce que nous en enseigne l’Église : que ce sont des anges tombés, qui, privés de la vue de Dieu depuis leur révolte, ne respirent plus que le mal et ne cherchent qu’à nuire. Ils ont commencé leur règne sinistre par la séduction de nos premiers pères ; ils continuent de lutter contre les anges fidèles qui nous protègent, et ils triomphent de nous quand nous ne leur résistons pas avec courage, oubliant de nous appuyer sur la grâce de Dieu. On ne peut nier leur existence sans tomber dans l’absurde et dans l’inexplicable. Lock, Clarke, Leibniz, Newton, toutes les têtes solides ont compris l’impossibilité de cette négation.
Nous ne pouvons faire ici un traité dogmatique sur les démons. Nous devons nous borner à rapporter les opinions bizarres et singulières auxquelles ces êtres maudits ont donné de l’intérêt. Les païens admettaient trois sortes de démons, les bons, les mauvais et les neutres. Mais ils appelaient démon tout esprit. Nous entendons par démon un ange de ténèbres, un esprit mauvais. Presque toutes les traditions font remonter l’existence des démons plus loin que la création de l’homme. La chute des anges a eu lieu en effet auparavant. Parmi les Juifs, Aben-Esra prétend qu’on doit fixer cette chute au second jour de la création. Ménassé Ben-Israël, qui suit la même opinion, ajoute qu’après leur chute, Dieu les plaça dans les nuages et leur donna le pouvoir d’habiter l’air inférieur .
Origène et quelques philosophes soutiennent que les bons et les mauvais esprits sont beaucoup plus vieux que notre monde ; qu’il n’est pas probable que Dieu se soit avisé tout d’un coup, il y a seulement six ou sept mille ans , de tout créer pour la première fois ; que les anges et les démons étaient restés immortels après la ruine des mondes qui ont précédé le nôtre, etc. Manès, ceux qu’il a copiés et ceux qui ont adopté son système font le diable presque éternel et le regardent comme le principe du mal, ainsi que Dieu est le principe du bien. Quoique faux à l’excès, ce système a encore trop de partisans. Pour nous, nous devons nous en tenir sur les démons au sentiment de l’Église catholique. Dieu avait créé les chœurs des anges. Toute cette milice céleste était pure et non portée au mal. Quelques-uns se laissèrent aller à l’orgueil ; ils osèrent se croire aussi grands que leur Créateur, et entraînèrent dans leur révolte une partie de l’armée des anges. Satan, le premier des séraphins et le plus grand de tous les êtres créés, s’était mis à la tête des rebelles. Il jouissait dans le ciel d’une gloire inaltérable et ne reconnaissait d’autre maître que L’Éternel. Une folle ambition causa sa perte ; il voulut régner sur la moitié du ciel, et siéger sur un trône aussi élevé que celui du Créateur. L’archange Michel et les anges restés dans le devoir lui livrèrent combat. Satan fut vaincu et précipité avec tous ceux de son parti, loin du ciel, dans un lieu que nous nommons l’enfer ou l’abîme, et que plusieurs opinions placent au centre enflammé de notre globe. Mais les démons habitent aussi l’air, qu’ils remplissent. Nous le lisons dans saint Paul. Saint Prosper les place dans les brouillards. Swinden a voulu démontrer qu’ils logeaient dans le soleil ; d’autres les ont relégués dans la lune. Bornons-nous à savoir qu’ils sont dans les lieux inférieurs, et que Dieu leur permet de tenter les hommes et de les éprouver. Nous connaissons la dure et incontestable histoire du péché originel, réparé, dans ses effets éternels, par la rédemption. Depuis, le pouvoir des démons, resserré dans de plus étroites limites, se borne à un rôle vil et ténébreux qui a produit pourtant de lamentables faits.
On n’a aucune donnée du nombre des démons. Wierus, comme s’il les avait comptés, dit qu’ils se divisent en six mille six cent soixante-six légions, composées chacune de six mille six cents soixante-six anges noirs ; il en réduit ainsi le nombre à quarante-cinq millions, ou à peu près, mais il y en a bien davantage. Il leur donne soixante-douze princes, ducs, marquis ou comtes. Ils ont leur large part dans le mal qui se fait ici-bas, puisque les mauvaises inspirations viennent d’eux seuls.
Selon Michel Psellus, les démons se divisent en six grandes sections. Les premiers sont les démons du feu, qui en habitent les régions ; les seconds sont les démons de l’air, qui volent autour de nous et ont le pouvoir d’exciter les orages ; les troisièmes sont les démons de la terre, qui se mêlent avec les hommes et s’occupent de les tenter ; les quatrièmes sont les démons des eaux, qui habitent la mer et les rivières, pour y élever des tempêtes et causer des naufrages ; les cinquièmes sont les démons souterrains, qui préparent les tremblements de terre, soufflent les volcans, font écrouler les puits et tourmentent les mineurs ; les sixièmes sont les démons ténébreux, ainsi nommés parce qu’ils vivent loin du soleil et ne se montrent que peu sur la terre. On ne sait trop où Michel Psellus a trouvé ces détails ; mais c’est dans ce système que les cabalistes ont imaginé les salamandres, qu’ils placent dans les régions du feu ; les sylphes qui remplissent l’air ; les ondins, ou nymphes, qui vivent dans l’eau, et les gnomes, qui sont logés dans l’intérieur de la terre.
Des doctes ont prétendu que les démons multiplient entre eux comme les hommes ; ainsi, leur nombre doit s’accroître, surtout si l’on considère la durée de leur vie, que quelques savants ont bien voulu supputer ; car il en est qui ne les font pas immortels. Hésiode leur donne une vie de six cent quatre-vingt mille quatre cents ans. Plutarque, qui ne conçoit pas bien qu’on ait pu faire l’expérience d’une si longue vie, la réduit à neuf raille sept cent vingt ans…
Ajoutons ici une remarque de Benjamin Binet, dans son Traité des dieux et des démons du paganisme : « Les anciens s’étaient imaginé que, Dieu étant esprit, il fallait que les anges et les démons fussent des corps, à cause de la distance infinie qui éloigne le Créateur de la créature. » « Il est certain, dit Tertullien, que les anges n’ont pas eu une chair qui leur fût personnelle, étant spirituels de leur nature ; et s’ils ont un corps, il convient à leur nature. (Tert., De carne Christi, cap. 6.) » Saint Macaire l’ancien pousse encore la chose plus loin en ce passage : « Chacun est corps selon sa propre nature ; en ce sens, l’ange et l’âme et le démon sont corps. « (Mac., hom. 4.)
Plutarque compare la nature des démons à celle des hommes. Il les représente sujets aux mêmes besoins, aux mêmes infirmités, se nourrissant de la fumée, de la graisse et du sang des sacrifices…
Il y a bien des choses à dire sur les démons et sur les diverses opinions qu’on s’est faites d’eux. On trouvera généralement ces choses à leurs articles dans ce dictionnaire.
Les Moluquois s’imaginent que les démons s’introduisent dans leurs maisons par l’ouverture du toit et apportent un air infect qui donne la petite vérole. Pour prévenir ce malheur, ils placent à l’endroit où passent ces démons certaines petites statues de bois pour les épouvanter, comme nous hissons des hommes de paille sur nos cerisiers pour écarter les oiseaux. Lorsque ces insulaires sortent le soir ou la nuit, temps attristé par les excursions des esprits malfaisants, ils portent toujours sur eux comme sauvegarde un oignon ou une gousse d’ail, un couteau, quelques morceaux de bois ; et quand les mères mettent leurs enfants au lit, elles ne manquent pas de mettre l’un ou l’autre de ces préservatifs sous leur tête.
Les Cingalais pour empêcher que leurs fruits ne soient volés annoncent qu’ils les ont donnés aux démons. Dès lors, personne n’ose plus y toucher.
Les Siamois ne connaissent point d’autres démons que les âmes des méchants qui, sortant des enfers où elles étaient détenues, errent un certain temps dans ce monde et font aux hommes tout le mal qu’elles peuvent. De ce nombre sont encore les criminels exécutés, les enfants mort-nés, les femmes mortes en couches et ceux qui ont été tués en duel.
À ceux qui sont assez obtus pour nier les démons, nous citerons encore Bayle, qu’on n’accusera pas de crédulité excessive. Il reconnaît lui-même l’existence des démons et les faits que l’Église leur attribue avec fondements. « Il se trouve dans les régions de l’air, dit-il, des êtres pensants, qui étendent leur empire aussi bien que leurs connaissances sur notre monde. Et comme on ne peut nier l’existence sur la terre d’êtres méchants qui font le mal et s’en réjouissent, on serait ridicule si on osait nier qu’il y ait, outre ceux-là qui ont des corps, plusieurs autres qu’on ne voit pas et qui sont encore plus malins et plus habiles que l’homme. »
Démons blancs. Voy. Femmes blanches.
Démons familiers, démons qui s’apprivoisent et se plaisent à vivre avec les hommes qu’ils aiment assez à obliger.
Un historien suisse rapporte qu’un baron de Regensberg s’était retiré dans une tour de son château de Bâle pour s’y adonner avec plus de soin à l’étude de l’Écriture sainte et aux belles-lettres. Le peuple était d’autant plus surpris du choix de cette retraite, que la tour était habitée par un démon. Jusqu’alors le démon n’en avait permis l’entrée à personne ; mais le baron était au-dessus d’une telle crainte. Au milieu de ses travaux, le démon lui apparaissait, dit-on, en habit séculier, s’asseyait à ses côtés, lui faisait des questions sur ses recherches et s’entretenait avec lui de divers objets, sans jamais lui faire aucun mal. L’historien crédule ajoute que, si le baron eût voulu exploiter méthodiquement ce démon, il en eût tiré beaucoup d’éclaircissements utiles. Voy. Bérith, Cardan, Esprits, Lutins, Farfadets, Kobold, Socrate, etc.
Démons de midi. On parlait beaucoup chez les anciens de certains démons qui se montraient particulièrement vers midi à ceux avec lesquels ils avaient contracté familiarité. Voy. Agathion. Ces démons visitent ceux à qui ils s’attachent, en forme d’hommes ou de bêtes, ou en se laissant enclore en un caractère, chiffre, fiole, ou bien en un anneau vide et creux au dedans. « Ils sont connus, ajoute Leloyer, des magiciens qui s’en servent, et, à mon grand regret, je suis contraint de dire que l’usage n’en est que trop commun. » Voy. Empuse.
Démons obsesseurs. Voy. Obsessions.
Démons possesseurs. Voy. Possessions.
Denis Anjorrand, docteur de Paris, médecin et astrologue au quatorzième siècle. Ce fut lui qui prédit la venue du prince de Galles, et qui configura d’avance par astrologie la prise du roi Jean à Poitiers. Mais on n’en tint pas compte. Néanmoins, après que la chose fut advenue, il fut grandement estimé à la cour .
Denis le Chartreux, écrivain pieux du quinzième siècle, né dans le pays de Liège. Nous ne citerons que son ouvrage Des quatre dernières fins de l’homme, où il traite du purgatoire et de l’enfer. Voy. Enfer.
Denis de Vincennes, médecin de la faculté de Montpellier et grand astrologue. Appelé au service du duc Louis d’Anjou, il fut fort expert en ses jugements particuliers, entre lesquels il en fit un audit duc, qui était gouverneur du petit roi Charles VI, au moyen duquel il trouva le trésor du roi Charles V, qui était seulement à la connaissance d’un nommé Errart de Serreuze, homme vertueux, discret et sage. Il y avait dans ce trésor, que Denis de Vincennes découvrit par son art, dix-huit millions d’or. Aucuns (attendu que ce roi avait toujours eu la guerre) disent que Jean de Meung, auteur du roman de la Rose, lui avait amassé ce trésor par la vertu de la pierre philosophale.
Dents. Il y a aussi quelques histoires merveilleuses sur les dents ; et d’abord on a vu des enfants naître avec des dents ; Louis XIV en avait deux lorsqu’il vint au monde. Pyrrhus, roi des Épirotes, avait au lieu de dents un os continu en haut de la mâchoire et un os pareil en bas. Il y avait même en Perse une race d’hommes qui apportaient ces os-là en naissant. La république des Gorgones devait être bien laide, comme dit M. Saignes, s’il est vrai que ces femmes n’avaient pour elles toutes qu’un œil et qu’une dent, qu’elles se prêtaient l’une à l’autre.
En 1691, le bruit courut en Silésie que les dents étant tombées à un enfant de sept ans, il lui en était venu une d’or. On prétendait qu’elle était en partie naturelle et en partie merveilleuse, et qu’elle avait été envoyée du ciel à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs, quoiqu’il n’y eût pas grand rapport entre cette dent et les Turcs, et qu’on ne voie pas quelle consolation les chrétiens en pouvaient tirer. Cette nouvelle occupa plusieurs savants ; elle éleva plus d’une dispute entre les grands hommes du temps, jusqu’à ce qu’un orfèvre ayant examiné la dent, il se trouva que c’était une dent ordinaire à laquelle on avait appliqué une feuille d’or avec beaucoup d’adresse : mais on commença par disputer et faire des livres, puis on consulta l’orfèvre.
On voit dans les Admirables secrets d’Albert le Grand qu’on calme le mal de dents en demandant l’aumône en l’honneur de saint Laurent. G est une superstition. — Les racines d’asperges sont, dit-on, un très-bon spécifique : séchées et appliquées sur les dents malades, elles les arrachent sans douleur. Nous ne l’avons pas éprouvé.
Dérodon (David), dialecticien du dix-septième siècle. On conte qu’un professeur, pressé par un argumentateur inconnu, lui dit, sur le point de se rendre : « Tu es le diable, ou tu es Dérodon. » Ce savant a laissé un Discours contre l’astrologie judiciaire, in-8°, 1663.
Dersail ou Detsail, sorcier du pays de Labourd, qui portait le bassin au sabbat, vers l’an 1610. Plusieurs sorcières ont avoué l’y avoir vu recevant les offrandes à la messe du sabbat ; elles ont assuré de plus qu’il employait cet argent pour les affaires des sorciers et pour les siennes.
Desbarolles (M. Adolphe), auteur d’un livre intitulé les Mystères de la main, chiromancie nouvelle, assez fantastique. Un vol. in-12 de 624 pages.
Desbordes, valet de chambre du duc de Lorraine Charles IV. Ce valet fut accusé, en 1628, d’avoir avancé la mort de la princesse Christine, mère du duc, et causé diverses maladies que les médecins attribuaient à des maléfices. Charles IV avait conçu de violents soupçons contre Desbordes, depuis une partie de chasse où il avait servi un grand dîner au duc, sans autres préparatifs qu’une petite boîte à trois étages, dans laquelle se trouvait un repas exquis. C’était peut être un autoclave. Dans une autre occasion, il s’était permis de ranimer trois pendus (car il faisait toujours tout par trois) qui, depuis trois jours, étaient attachés à trois gibets ; et il leur avait ordonné de rendre hommage au duc, après quoi il les avait renvoyés à leurs potences. On vérifia encore qu’il avait ordonné aux personnages d’une tapisserie de s’en détacher et de venir danser dans le salon… Charles IV, effrayé de ces prodiges, voulut qu’on informât contre Desbordes. On lui fit son procès et il fut condamné au feu ; mais soyez assuré qu’il y avait à la charge de cet homme autre chose que des tours-de gibecière et des tours de passe-passe.
Descartes (René), l’un des hommes célèbres du dix-septième siècle. Il fut persécuté en Hollande lorsqu’il publia pour la première fois ses opinions. Voët (Voetius), qui jouissait de beaucoup de crédit à Utrecht, l’accusa d’athéisme ; il conçut même le dessein de provoquer sa condamnation, sans lui permettre de se défendre, et, avec la mansuétude protestante, de le faire brûler à Utrecht sur un bûcher très-élevé, dont la flamme serait aperçue de toutes les Provinces-Unies…, pays assez plat pour une telle tentative. — À côté de ces fureurs peu chrétiennes, comparez l’Église romaine, qui s’est contentée de signaler les quelques erreurs de Descartes parce qu’elles sont dangereuses, et que ce danger est reconnu bien réel, puisque les philosophes séparés s’en appuient.
Déserts. C’est surtout dans les lieux déserts et abandonnés que les sorciers font leur sabbat et les démons leurs orgies. C’est dans de tels lieux que le diable se montre à ceux qu’il veut acheter ou servir. C’est là aussi qu’on a peur et qu’on voit des fantômes. Voy. Carrefours.
Desfontaines. En 1695, un certain M. Bézuel (qui depuis fut curé de Valognes), étant alors écolier de quinze ans, fit la connaissance des enfants d’un procureur nommé d’Abaquène, écoliers comme lui. L’aîné était de son âge ; le cadet, un peu plus jeune, s’appelait Desfontaines ; c’était celui des deux frères que Bézuel aimait davantage. Se promenant tous deux, en 1696, ils s’entretenaient d’une lecture qu’ils avaient faite de l’histoire de deux amis, lesquels s’étaient promis que celui qui mourrait le premier viendrait dire des nouvelles de son état au survivant. Le mort revint, disait-on, et conta à son ami des choses surprenantes. Le jeune Desfontaines proposa à Bézuel de se faire mutuellement une pareille promesse. Bézuel ne le voulut pas d’abord ; mais quelques mois après il y consentit, au moment où son ami allait partir pour Caen. Desfontaines tira de sa poche deux petits papiers qu’il tenait tout prêts, l’un signé de son sang, où il promettait, en cas de mort, de venir voir Bézuel ; l’autre, où la même promesse était écrite, fut signée par Bézuel. Desfontaines partit ensuite avec son frère, et les deux amis entretinrent correspondance. Il y avait six semaines que Bézuel n’avait reçu de lettres lorsque, le 31 juillet 1697, se trouvant dans une prairie, à deux heures après midi, il se sentit tout d’un coup étourdi et pris d’une faiblesse, laquelle néanmoins se dissipa ; le lendemain, à pareille heure, il éprouva le même symptôme ; le surlendemain il vit pendant son affaiblissement son ami Desfontaines qui lui faisait signe de venir à lui… Comme il était assis, il se recula sur son siège. Les assistants remarquèrent ce mouvement. Desfontaines n’avançant pas, Bézuel se leva enfin pour aller à sa rencontre ; le spectre s’approcha, le prit parle bras gauche et le conduisit à trente pas de là dans un lieu écarté. — « Je vous ai promis, lui dit-il, que si je mourais avant vous je viendrais vous le dire : je me suis noyé avant-hier dans la rivière, à Caen, vers cette heure-ci. J’étais à la promenade ; il faisait si chaud qu’il nous prit envie de nous baigner. Il me vint une faiblesse dans l’eau et je coulai. L’abbé de Ménil-Jean, mon camarade, plongea ; je saisis son pied ; mais, soie qu’il crût que c’était un saumon, soit qu’il voulût promptement remonter sur l’eau, il secoua si rudement le jarret qu’il me donna un grand coup dans la poitrine et me jeta au fond de la rivière, qui est là très-profonde. » Desfontaines raconta ensuite à son ami beaucoup d’autres choses. Bézuel voulut l’embrasser, mais il ne trouva qu’une ombre. Cependant son bras était si fortement tenu qu’il en conserva une douleur. Il voyait continuellement le fantôme, un peu plus grand que de son vivant, à demi nu, portant entortillé dans ses cheveux blonds un écriteau où il ne pouvait lire que le mot in… Il avait le même son de voix ; il ne paraissait ni gai ni triste, mais dans une tranquillité parfaite. Il pria son ami survivant, quand son frère serait revenu, de le charger de dire certaines choses à son père et à sa mère ; il lui demanda de réciter pour lui les sept psaumes qu’il avait eus en pénitence le dimanche précédent et qu’il n’avait pas encore récités ; ensuite il s’éloigna en disant : jusqu’au revoir, qui était le terme ordinaire dont il se servait quand il quittait ses camarades. Cette apparition se renouvela plusieurs fois. Quelques-uns l’expliqueront par les pressentiments, la sympathie, etc. L’abbé Bézuel en raconta les détails dans un dîner, en 1708, devant l’abbé de Saint-Pierre, qui en fait une longue mention dans le tome IV de ses œuvres politiques.
Desforges (Pierre-Jean-Baptiste Choudard), né à Paris en 1746, auteur plus que frivole. Dans les Mille et un souvenirs, ou Veillées conjugales, livre immoral qu’on lui attribue, il raconte plusieurs histoires de spectres qui ont été reproduites par divers recueils.
Deshoulières. Madame Deshoulières étant allée passer quelques mois dans une terre, à quatre lieues de Paris, on lui permit de choisir la plus belle chambre du château ; mais on lui en interdisait une qu’un revenant visitait toutes les nuits. Depuis longtemps madame Deshoulières désirait voir des revenants ; et, malgré les représentations qu’on lui fit, elle se logea précisément dans la chambre infestée. La nuit venue, elle se mit au lit, prit un livre selon sa coutume ; et, sa lecture finie, elle éteignit sa lumière et s’endormit. Elle fut bientôt éveillée par un bruit qui se fit à la porte, laquelle se fermait mal ; on l’ouvrit, quelqu’un entra qui marchait assez fort. Elle parla d’un ton très-décidé ; car elle n’avait pas peur. On ne lui répondit point. L’esprit fit tomber un vieux paravent et lira les rideaux avec bruit. Elle harangua encore l’âme, qui, s’avançant toujours lentement et sans mot dire, passa dans la ruelle du lit, renversa le guéridon et s’appuya sur la couverture. Ce fut là que madame Deshoulières fit paraître toute sa fermeté. — « Ah ! dit-elle, je saurai qui vous êtes !… » Alors, étendant ses deux mains vers l’endroit où elle entendait le spectre, elle saisit deux oreilles velues qu’elle eut la constance de tenir jusqu’au matin. Aussitôt qu’il fut jour, les gens du château vinrent voir si elle n’était pas morte. Il se trouva que le prétendu revenant était un gros chien, qui trouvait plus commode de coucher dans cette chambre déserte que dans la basse-cour.
Despilliers. Le comte Despilliers le père, qui mourut avec le grade de maréchal de camp de l’empereur Charles VI, n’était encore que capitaine de cuirassiers lorsque, se trouvant en quartier d’hiver en Flandre, un de ses cavaliers vint un jour le prier de le changer de logement, disant que toutes les nuits il revenait dans sa chambre un esprit qui ne le laissait pas dormir. Despilliers se moqua de sa simplicité et le renvoya. Mais le militaire revint au bout de quelques jours et répéta la même prière ; il fut encore moqué. Enfin il revint une troisième fois et assura à son capitaine qu’il serait obligé de déserter si on ne le changeait pas de logis. Despilliers, qui connaissait cet homme pour bon soldat, lui dit en jurant : — « Je veux aller cette nuit coucher avec toi et voir ce qui en est. » Sur les dix heures du soir, le capitaine se rend au logis de son cavalier. Ayant mis ses pistolets armés sur la table, il se couche tout vêtu, son épée à côté de lui. Vers minuit il entend quelqu’un qui entre dans la chambre, qui, en un instant, met le lit sens dessus dessous, et enferme le capitaine et le soldat sous le matelas et la paillasse. Après s’être dégagé de son mieux, le comte Despilliers, qui était cependant très-brave, s’en retourna tout confus et fit déloger le cavalier. Il raconta depuis son aventure, pensant bien qu’il avait eu affaire avec quelque démon. Néanmoins il se trouva, dit-on, que le lutin n’était qu’un grand singe.
Desrues, empoisonneur, rompu et brûlé à Paris en 1777, à l’âge de trente-deux ans. Il avait été exécuté depuis quinze jours lorsque tout à coup le bruit se répandit qu’il revenait toutes les nuits sur la place de Grève. On voyait un homme en robe de chambre, tenant un crucifix à la main, se promenant lentement autour de l’espace qu’avaient occupé son échafaud et son bûcher, et s’écriant d’une voix lugubre : — « Je viens chercher ma chair et mes os. » Quelques nuits se passèrent ainsi, sans que personne osât s’approcher assez pour savoir quel pouvait être l’auteur de cette farce un peu sombre. Plusieurs soldats de patrouille et de garde en avaient été épouvantés. Mais enfin la terreur cessa : un intrépide eut le courage de s’avancer sur la place ; il empoigna le spectre et le conduisit au corps de garde, où l’on reconnut que ce revenant était le frère de Desrues, riche aubergiste de Senlis, qui était devenu fou de désespoir.
Destinée. Voy. Fatalisme.
Desvignes, Parisienne qui avait, au commencement du dix-septième siècle, des attaques de nerfs dont elle voulut tirer parti pour se faire une ressource. Les uns la disaient sorcière ou possédée, les autres la croyaient prophétesse. Le père Lebrun, qui parle d’elle dans son Histoire des superstitions, reconnut, comme les médecins, qu’il y avait dans son fait une grande fourberie. Le bruit qu’elle avait fait tomba subitement.
Detsail. Voy. Dersail.
Deuil. Les premiers poètes disaient que les âmes, après la mort, allaient dans le sombre empire ; c’est peut-être conformément à ces idées, dit Saint-Foix, qu’ils crurent que le noir était la couleur du deuil. Les Chinois et les Siamois choisissent le blanc, croyant que les morts deviennent des génies bienfaisants. En Turquie, on porte le deuil en bleu ou en violet ; en gris chez les Éthiopiens ; on le portait en gris de souris au Pérou quand les Espagnols y entrèrent. Le blanc, chez les Japonais, est la marque du deuil, et le noir est celle de la joie. En Castille, les vêtements de deuil étaient autrefois de serge blanche. Les Perses s’habillaient de brun et se rasaient avec toute leur famille et tous leurs animaux. Dans la Lycie, les hommes portaient des habits de femme pendant tout le temps du deuil. Chez nous, Anne de Bretagne, femme de Louis XII, changea en noir le deuil, qui jusque là avait été porté en blanc à la cour. À Argos on s’habillait de blanc et on faisait de grands festins. À Délos on se coupait les cheveux, qu’on mettait sur la sépulture du mort. Les Égyptiens se meurtrissaient la poitrine et se couvraient le visage de boue. Ils portaient des vêtements jaunes ou feuille-morte. Chez les Romains, les femmes étaient obligées de pleurer la mort de leurs maris, et les enfants celle de leur père, pendant une année entière. Les maris ne pouvaient pleurer leurs femmes ; et les pères n’avaient droit de pleurer leurs enfants que s’ils avaient au moins trois ans. Le grand deuil des Juifs dure un an ; il a lieu à la mort des parents. Les enfants ne s’habillent pas de noir ; mais ils sont obligés de porter toute l’année les habits qu’ils avaient à la mort de leur père, sans qu’il leur soit permis d’en changer, quelque déchirés qu’ils soient. Ils jeûnent tous les ans à pareil jour. Le deuil moyen dure un mois ; il a lieu à la mort des enfants, des oncles et des tantes. Ils n’osent, pendant ce temps, ni se laver, ni se parfumer, ni se raser la barbe, ni même se couper les ongles ; ils ne mangent point en famille. Le petit deuil dure une semaine : il a lieu à la mort du mari ou de la femme. En rentrant des funérailles, l’époux en deuil se lave les mains, déchausse ses souliers et s’assied à terre, se tenant toujours en cette posture, et ne faisant que gémir et pleurer, sans travailler à quoi que ce soit jusqu’au septième jour. Ces usages n’ont lieu que chez les Juifs pur sang. Les Chinois en deuil s’habillent de grosse toile blanche, coupent leur queue et pleurent pendant trois mois. Le magistrat n’exerce pas ses fonctions ; le plaideur suspend ses procès. Les jeunes gens vivent dans la retraite, ne peuvent se marier qu’après trois années et n’écrivent qu’à l’encre bleue pendant un an. Le deuil des Caraïbes consiste à se couper les cheveux et à jeûner rigoureusement jusqu’à ce que le corps du défunt qu’ils pleurent soit pourri ; après quoi ils font la débauche pour chasser toute tristesse de leur esprit. Chez certains peuples de l’Amérique, le deuil était conforme à l’âge du mort. On était inconsolable à la mort des enfants et on ne pleurait presque pas les vieillards. Le deuil des enfants, outre sa durée, était commun, et ils étaient regrettés de tout le canton où ils étaient nés. Le jour de leur mort, on n’osait pas approcher des parents, qui faisaient un bruit effroyable dans leur maison, se livraient à des accès de fureur, hurlaient comme des désespérés, s’arrachaient les cheveux, se mordaient, s’égratignaient tout le corps. Le lendemain ils se renversaient sur un lit qu’ils trempaient de leurs larmes. Le troisième jour ils commençaient les gémissements qui duraient toute l’année, pendant laquelle le père et la mère ne se lavaient jamais. Le reste de la ville, pour compatir à leur affliction, pleurait trois fois le jour, jusqu’à ce qu’on eût porté le corps à la sépulture . Voy. Funérailles.
Deumus ou Deumo, divinité des habitants de Calicut, au Malabar. Cette divinité, qui n’est qu’un diable adoré sous le nom de Deumus, a une couronne, quatre cornes à la tête et quatre dents crochues à la bouche, qui est fort grande ; elle a le nez pointu et crochu, les pieds en pattes de coq, et tient entre ses griffes une âme qu’elle semble prête à dévorer .
Dévadi, pénitent hindou de noble race, qui avait reçu de ses dieux le privilège de rajeunir les vieillards.
Devaux, sorcier du seizième siècle, à qui Ton trouva une marque sur le dos, de la forme d’un chien noir. Lorsqu’on lui enfonçait une épingle dedans, il n’en éprouvait aucune douleur ; mais lorsqu’on se disposait à y planter l’aiguille, il se plaignait beaucoup, quoiqu’il ne vît pas celui qui portait les doigts au-dessus de la marque.
Devendiren. Voy. Courtisanes.
Devins, gens qui devinent et prédisent les choses futures. Dans un siècle aussi éclairé que le nôtre prétend l’être, il est encore des personnes qui croient aux devins ; souvent même ces personnes si crédules ont reçu une éducation qui devrait les élever au-dessus de ces préjugés vulgaires. Un plat d’argent ayant été dérobé dans la maison d’un grand seigneur, celui qui avait la charge de la vaisselle s’en alla avec un de ses compagnons trouver une vieille qui gagnait sa vie à deviner. Croyant déjà avoir découvert le voleur et recouvré le plat, ils arrivèrent de bon matin à la maison de la devineresse, qui, remarquant en ouvrant sa porte qu’on l’avait salie de boue et d’ordure, s’écria tout en colère : — « Si je connaissais le gredin qui a mis ceci à ma porte pendant la nuit, je lui rejetterais tout au nez. » Celui qui la venait consulter regardant son compagnon : — « Pourquoi, lui dit-il, allons-nous perdre de l’argent ? cette vieille nous pourrait-elle dire qui nous a volés, quand elle ne sait pas les choses qui la touchent? »
Un passage des Confessions de saint Augustin (liv. IV, chap. ii) nous donne une idée de ce que faisaient les devins de son temps. — « J’ai un souvenir bien distinct, dit-il, quoiqu’il y ait longtemps que la chose soit arrivée, qu’ayant eu dessein de disputer un prix de poésie qui se donnait publiquement à celui qui avait le mieux réussi, un certain homme qui faisait le métier de devin voulut traiter avec moi pour me faire remporter le prix. Saisi d’horreur pour les sacrifices abominables que les gens de cette profession offraient aux démons, je le renvoyai au plus loin et lui fis dire que, quand la couronne dont il s’agissait ne se devrait jamais flétrir, quand même ce serait une couronne d’or, je ne consentirais jamais que, pour me la procurer, il en coûtât la vie à une mouche. »
Aujourd’hui, chez nous, dans beaucoup de départements encore, les jeunes villageois que le recrutement militaire menace dans la plus sainte des libertés vont trouver les devins pour obtenir un heureux numéro au tirage. L’Irlande a toujours des devineresses. Elles font la médecine, et disent surtout la bonne aventure ; elles tordent pour cela un écheveau mystique qu’il faut descendre dans la carrière à chaux, au bord de laquelle la curieuse demande : « Qui tient ? » Elle attend la réponse avec grande inquiétude. La devineresse explique si c’est un prétendant ou un démon. Ces femmes connaissent le lieu où quatre sources se réunissent. C’est là qu’à une époque mystérieuse de l’année elles trempent la chemise qui doit ensuite être déployée devant le feu, à minuit, au nom de Belzébuth, pour être retournée avant le matin par l’image de l’époux destiné à celle qui consulte cette voix du sort. Elles font tenir le peigne de la main gauche à une jeune fille qui porte en même temps de la droite une pomme à sa bouche, pour voir son futur adjuré dans une glace. On ôte pendant cette opération tout instrument de fer de la maison ; car sans cela, au lieu d’un beau jeune homme avec une bague au doigt, la curieuse verrait un corps sans tête venir à elle armé d’une broche ou d’un fourgon.
Voy. Cartomancie, Main, Prédictions, et cent autres moyens de deviner.
Dévouement, mouvement de ceux qui se dévouent ou sort de ceux qu’on dévoue. Les histoires grecque et romaine fournissent beaucoup de traits de dévouement. Nous ne rappellerons pas ici le dévouement de Decius (Voy. ce mot), ni celui de Codrus, ni tant d’autres. Il y avait aussi des villes où l’on donnait des malédictions à un homme pour lui faire porter tous les maux publics que le peuple avait mérités. Valère-Maxime rapporte l’exemple d’un chevalier romain, nommé Curtius, qui voulut attirer sur lui-même tous les malheurs dont Rome était menacée. La terre s’était épouvantablement entrouverte au milieu du marché ; on crut qu’elle ne reprendrait son premier état que lorsqu’on verrait quelque action de dévouement extraordinaire. Le jeune chevalier monte à cheval, fait le tour de la ville à toute bride, et se jette dans le précipice que l’ouverture de la terre avait produit, et qu’on vit se refermer ensuite presque en un moment. On lit dans Servius, sur Virgile, qu’à Marseille, avant le christianisme, dès qu’on apercevait quelque commencement de peste, on nourrissait un pauvre homme des meilleurs aliments ; on le faisait promener par toute la ville en le chargeant hautement de malédictions, et on le chassait ensuite, afin que la peste et tous les maux sortissent avec lui. Les Juifs dévouaient un bouc pour la rémission de leurs péchés. Voy. Azazel.
Voici des traits plus modernes : un inquisiteur, en Lorraine, ayant visité un village devenu presque désert par une mortalité, apprit qu’on attribuait ce fléau à une femme ensevelie, qui avalait peu à peu le drap mortuaire dont elle était enveloppée. On lui dit encore que le fléau de la mortalité cesserait lorsque la morte, qui avait dévoué le village, aurait avalé tout son drap. L’inquisiteur, ayant rassemblé le conseil, fit creuser la tombe. On trouva que le suaire était déjà avalé et digéré. À ce spectacle, un archer tira son sabre, coupa la tête au cadavre, le jeta hors de la tombe et la peste cessa. Après une enquête exacte, on découvrit que cette femme avait été adonnée à la magie et aux sortilèges. Au reste, cette anecdote convient au vampirisme. Voy. Envoûtement et Vampires.
Dia, nom que les Sibériens donnent à l'une de leurs principales divinités, et que l'on voit sur leurs médailles, ou Numismata sacra. Une de ces médailles, trouvée dans une chapelle voisine de la rivière Kemschik, est placée dans le cabinet impérial de Pétersbourg. L'image gravée sur l'un des côtés, se partage en trois figures humaines vers l'extrémité supérieure, et se termine en une seule et même figure humaine vers l'extrémité inférieure. Cette idole a les jambes croisées et parait être assise sur un siège élevé. Un arc couché au pied caractérise la royauté et la puissance. Ce siège peut représenter une urne ou un puits, pour faire entendre que la divinité soutenue par ses propres forces, et renfermée en elle-même, en unité et en trinité, est assise sur le néant, au milieu de l'abîme. C'est l'idée générale que ces peuples paraissent avoir de l'être qu'ils adorent. Une des trois personnes de la figure occupe le devant. Sa taille et sa force supérieures à celles des deux autres, son visage plus mâle, son air plus âgé, sa tête plus grosse, plus élevée, et couverte d'une grande mitre, semblent annoncer une sorte de prééminence. Ses bras, garnis de bracelets, sont croisés en avant; elle a l'air pensif, et se montre un peu de profil, les yeux tournés vers la personne qui est à sa droite. Celle-ci a le visage plus jeune et l'air plus animé que les deux autres. Sa tête est couverte d'un petit bonnet rond, et ses deux bras garnis de bracelets, sont tournés du même côté. Sa main droite plus élevée tient un cœur enflammé, symbole de son amour pour les mortels; et sa gauche, un sceptre couché dans l'attitude d'un cerf vigilant. La figure à gauche a l'air plus vieux et plus pensif. Dans sa main droite, elle a un miroir, peut-être pour signifier qu'elle découvre ce qui se passe dans le cœur de l'homme, et dans sa gauche, une tige garnie de feuilles et de fleurs, où l'on croit reconnaître le lotus si renommé dans les mythologies de la Grèce, de l'Egypte et de l'Inde. Ainsi, la première dont sortent les deux autres, paraît être le créateur; la seconde, la force, l'amour et le commandement; et la troisième, la providence de cette espèce de Trinité. Strahlenberg, qui donne la description de cette médaille dans la table V de sa Description de Sibérie, dit qu'elle est en terre cuite, qu'on en trouve un grand nombre dans les anciens tombeaux de cette contrée, que le Dalai-Lama en distribue de pareilles aux Kalmouks et aux Mungals, qui les placent dans les endroits de leurs maisons et de leurs temples où ils font leurs prières. Cette image, au reste, ressemble beaucoup à celle de Pussa, du Tangut, et du Xaca, du Japon.
Diable. C’est le nom général que nous donnons à toute espèce de démons. Il vient d’un mot grec qui désigne Satan, précipité du ciel. Mais on dit le diable lorsqu’on parle d’un esprit malin, sans le distinguer particulièrement. On dit le diable pour nommer spécialement l’ennemi des hommes.
On a fait mille contes sur le diable. Citons-en un.
Un chartreux étant en prières dans sa chambre sent tout à coup une faim non accoutumée, et aussitôt il voit entrer une femme, laquelle n’était qu’un diable. Elle s’approche de la cheminée, allume le feu et, trouvant des pois qu’on avait donnés au religieux pour son dîner, les fricasse, les met dans l’écuelle et disparaît. Le chartreux continue ses prières, puis il demande au supérieur s’il peut manger les pois que le diable a préparés. Celui-ci répond qu’il ne faut jeter aucune chose créée de Dieu, pourvu qu’on la reçoive avec actions de grâces. Le religieux mangea les pois, et assura qu’il n’avait jamais rien mangé qui fut mieux préparé.
Nous ne dirons rien de ce petit trait, qui est rapporté sans doute en manière de rire par le cardinal Jacques de Vitry. Mais voici d’autres histoires qui font voir qu’on a pris quelquefois pour le diable des gens qui n’étaient pas de l’autre monde. Un marchand breton s’embarqua pour le commerce des Indes, et laissa à sa femme le soin de sa maison. Cette femme était sage ; le mari ne craignit pas de prolonger le cours de son voyage et d’être absent plusieurs années. Or, un jour de carnaval, la dame, voulant pourtant s’égayer un peu, donna à ses parents et à ses amis une petite fête qui devait être suivie d’une collation. Lorsqu’on se mit au jeu, un masque habillé en procureur, ayant des sacs de procès à la main, entra et proposa à la dame de jouer quelques pistoles avec elle ; elle accepta le défi et gagna ; le masque présenta encore plusieurs pièces d’or qu’il perdit sans dire mot. Quelques personnes ayant voulu jouer contre lui perdirent ; il ne se laissait gagner que lorsque la dame jouait. On lit d’injurieux soupçons sur la cause qui l’engageait à perdre. — Je suis le démon des richesses, dit alors le masque en sortant de ses poches plusieurs bourses pleines de louis. Je joue tout cela, madame, contre tout ce que vous avez gagné. La dame trembla à cette proposition et refusa le défi en femme prudente. Le masque lui offrit cet or sans le jouer ; mais elle ne voulut pas l’accepter. Cette aventure commençait à devenir extraordinaire. Une dame âgée, qui se trouvait présente, vint à s’imaginer que ce masque pouvait bien être le diable. Cette idée se communiqua à l’assemblée, et comme on disait à demi-voix ce qu’on pensait, le masque, qui l’entendit, se mit à parler plusieurs langues pour les confirmer dans cette opinion ; puis il s’écria tout à coup qu’il était venu de l’autre monde pour venir prendre une dame qui s’était donnée à lui, et qu’il ne quitterait point la place qu’il ne se fut emparé d’elle, quelque obstacle qu’on voulût y apporter… Tous les yeux se fixèrent sur la maîtresse du logis. Les gens crédules étaient saisis de frayeur, les autres à demi épouvantés ; la dame de la maison se mit à rire. Enfin le faux diable leva son masque, et se fit reconnaître pour le mari. Sa femme jeta un cri de joie en le reconnaissant. — J’apporte avec moi l’opulence, dit-il. Puis se tournant vers les joueurs : Vous êtes des dupes, ajouta-t-il ; apprenez à jouer. Il leur rendit leur argent, et la fêle devint plus vive et plus complète.
Un vieux négociant des Etats-Unis, retiré du commerce, vivait paisiblement de quelques rentes acquises par le travail. Il sortit un soir pour toucher douze cents dollars qui lui étaient dus. Son débiteur, n’ayant pas davantage pour le moment, ne lui paya que la moitié de la somme.
En rentrant chez lui, il se mit à compter ce qu’il venait de recevoir. Mais, pendant qu’il s’occupait de ce soin, il entend quelque bruit, lève les yeux, et voit descendre de sa cheminée dans sa chambre le diable en personne. Il était en costume : tout son corps, couvert de poils rudes et noirs, avait six pieds de haut. De grandes cornes surmontaient son front, accompagnées d’oreilles pendantes ; il avait des pieds fourchus, des griffes au lieu de mains, une queue, un museau comme on n’en voit point, et des yeux comme on n’en voit guère.
À la vue de ce personnage, le vieux marchand eut le frisson. Le diable s’approcha et lui dit : — Mes affaires vont mal, je suis le diable ; il faut que tu me donnes sur l’heure douze cents dollars, si tu ne veux pas que je t’emporte en enfer. — Hélas ! répondit le négociant, je n’ai pas ce que vous me demandez…… — Tu mens, interrompit brusquement le diable ; je sais que tu viens de les recevoir à l’instant. — Dites que je devais les recevoir ; mais on ne m’en a pu donner que six cents. Si vous voulez me laisser jusqu’à demain, je promets de vous compter la somme…
Eh bien, ajouta le diable en prenant les six cents dollars, après un moment de réflexion, j’y consens ; mais que demain, à dix heures du soir, je trouve ici les six cents autres, ou je t’entraîne sans miséricorde. Surtout que personne, si tu tiens à la vie, ne soit instruit de notre entrevue. — Après avoir dit ces mots, le diable sortit par la porte. — Le lendemain matin, le négociant, qui était un méthodiste calme, alla trouver un vieil ami, et le pria de lui prêter six cents dollars. Son ami lui demanda s’il en était bien pressé. — Oh ! oui, très-pressé ; il me les faut avant la nuit. Il y va de ma parole et peut-être d’autre chose. — Mais n’avez-vous pas reçu hier une somme ? — J’en ai disposé. — Cependant je ne vous connais aucune affaire qui nécessite absolument de l’argent. — Je vous dis qu’il y va de ma vie. Le vieil ami, étonné, demande l’éclaircissement d’un pareil mystère. On lui répond que le secret ne peut se trahir. — Considérez, dit-il au négociant effaré, que personne ne nous écoute ; dites-moi votre affaire : je vous prêterai les six cents dollars. — Sachez donc que le diable est venu me voir ; qu’il faut que je lui donne douze cents dollars ; que je n’ai pu hier lui en remettre que six cents, et qu’il me faut les six cents autres. — L’ami ne répliqua plus ; il savait l’imagination de ce pauvre ami facile à effrayer. Il tira de son coffre la somme qu’on lui demandait, et la prêta de bonne grâce ; mais à huit heures du soir il se rendit chez le vieux marchand. — Je viens vous faire société, lui dit-il, et attendre avec vous le diable que je ne serais pas fâché de voir. Le négociant répondit que c’était impossible, ou qu’ils s’exposeraient à être emportés tous les deux. Après des débats, il permit que son ami attendît l’événement dans un cabinet voisin. À dix heures précises, un bruit se fit entendre dans la cheminée, le diable paraît dans son costume de la veille. Le vieillard se met en tremblant à compter les écus. En même temps, l’homme du cabinet entra. — Es-tu bien le diable ? dit-il à celui qui demandait de l’argent… — Puis, voyant qu’il ne se pressait pas de répondre, et que son ami frissonnait, grelottait et tremblotait, il tira de sa poche deux longs pistolets, et, les présentant à la gorge du diable, il s’écria : — Je veux savoir si tu es à l’épreuve du feu…… Le diable recula, cherchant à gagner la porte. — Fais-toi bien vite connaître ou tu es mort… — Le démon se hâta de se démasquer et de mettre bas son costume infernal. On trouva sous ce déguisement un voisin du bon marchand, qui faisait quelquefois des dupes et qu’on n’avait pas encore soupçonné. Il fut jugé comme escroc, et le négociant apprit par là que le diable n’est pas le seul qui soit disposé à nous nuire.
Voici une autre aventure où la coquinerie a voulu se cacher sous le masque du diable. Elle a eu lieu il n’y a que quelques années. Toute la ville de Brunn était en émoi ; les rues étaient encombrées. Les jeunes gens riaient ; les vieillards et les femmes pleuraient, se signaient et appelaient à leur aide tous les saints. Cinq gendarmes conduisaient à la prison le diable même. Tête surmontée de deux cornes, et flanquée d’oreilles de bouc, corps velu, à jambes de cheval, à pieds fourchus, et ce Lucifer penaud se laissait conduire à la geôle. Voici dans quelles circonstances. Au village de Dernou, une paysanne, Marie Hert, venait d’accoucher ; pendant qu’elle se trouvait seule dans sa chambre, elle entendit un bruit semblable à un cliquetis de chaînes, puis à l’instant même s’approcha de son lit le diable que nous venons de décrire, et qui lui dit : « Donnez-moi votre enfant nouveau-né ou les cent florins que vous avez en pièces neuves de vingt-quatre kreulzers ! » La pauvre femme intimidée indiqua au diable l’endroit où se trouvait cette somme ; le diable s’en empara et disparut.
Le jour venu, Marie Hert fit appeler son curé, et lui raconta ce qui lui était arrivé ; elle ajouta que les cent florins que le diable lui avait enlevés, elle les avait économisés sou par sou. Le bon curé lui demanda si elle n’avait dit à personne qu’elle possédât les cent florins ; elle lui répondit qu’elle n’avait confié ce secret qu’à sa sage-femme. « Alors, dit le curé, il y a peut-être un moyen d’arracher au diable votre argent. Voici ce que vous devez faire : racontez votre aventure de la nuit à votre sage-femme, et dites-lui qu’il est fort heureux que le diable ignorât que vous eussiez encore cinquante florins en bonne monnaie blanche, car autrement il vous aurait forcé à les lui livrer aussi. Si le diable revient chez vous, ne craignez rien ; je placerai dans le voisinage de votre maison un exorciste qui l’empêchera de faire le moindre mal à vous et aux vôtres. » Ce conseil, Marie Hert le suivit. Elle fit la communication dont il s’agissait à la sage-femme. Dans la même nuit, le diable lui fit une nouvelle visite, mais cette fois il n’eut pas le temps de lui demander de l’argent, car, au moment où il ouvrait la porte de la chambre, l’exorciste, c’est-à-dire un des gendarmes, le saisit par le collet. Ce prétendu diable était le mari de la sage-femme.
Encore une historiette sur les idées qu’on se fait du diable :
Rich, célèbre arlequin de Londres, sortant un soir de la comédie, appela un fiacre, et lui dit de le conduire à la taverne du Soleil, sur le marché de Clarri. À l’instant où le fiacre était près de s’arrêter, Rich s’aperçut qu’une fenêtre de la taverne était ouverte, et ne fit qu’un saut de la portière dans la chambre. Le cocher descend, ouvre son carrosse, et est bien surpris de n’y trouver personne. Après avoir bien juré, suivant l’usage, contre celui qui l’avait ainsi escroqué, il remonte sur son siège, tourne et s’en va. Rich épie l’instant où la voiture repassait vis-à-vis la fenêtre, et d’un saut se remet dedans. Alors il crie au cocher qu’il se trompe et qu’il a passé la taverne. Le cocher, tremblant, retourne de nouveau, et s’arrête encore à la porte. Rich descend de voiture, gronde beaucoup cet homme, tire sa bourse et veut le payer. « À d’autres ! monsieur le diable, s’écria le cocher, je vous connais bien ; vous voudriez m’empaumer ; gardez votre argent. » À ces mots, il fouette et se sauve à toute bride.
Nous nous représentons souvent le diable comme un monstre noir : les nègres lui attribuent la couleur blanche. Au Japon, les partisans de la secte de Sintos sont persuadés que le diable n’est que le renard. En Afrique le diable est généralement respecté. Les nègres de la Côte-d’Or n’oublient jamais, avant de prendre leur repas, de jeter à terre un morceau de pain qui est destiné pour le mauvais génie. Dans le canton d’Auté, ils se le représentent comme un géant d’une prodigieuse grosseur, dont la moitié du corps est pourrie, et qui cause infailliblement la mort par son attouchement ; ils n’oublient rien de ce qui peut détourner la colère de ce monstre. Ils exposent de tous côtés des mets pour lui. Presque tous les habitants pratiquent une cérémonie bizarre et extravagante, par laquelle ils prétendent chasser le diable de leurs villages ; huit jours avant cette cérémonie, on s’y prépare par des danses et des festins ; il est permis d’insulter impunément les personnes même les plus distinguées. Le jour de la cérémonie arrivé, le peuple commence dès le matin à pousser des cris horribles ; les habitants courent de tous côtés comme des furieux, jetant devant eux des pierres et tout ce qu’ils trouvent sous leurs mains ; les femmes furètent dans tous les coins de la maison, et récurent toute la vaisselle, de peur que le diable ne se soit fourré dans une marmite ou dans quelque autre ustensile. La cérémonie se termine quand on a bien cherché et qu’on s’est bien fatigué ; alors on est persuadé que le diable est loin.
Les habitants des îles Philippines se vantent d’avoir des entretiens avec le diable. Ils racontent que quelques-uns d’entre eux, ayant hasardé de parler seuls avec lui, avaient été tués par ce génie malfaisant ; aussi se rassemblent-ils en grand nombre lorsqu’ils veulent conférer avec le diable. Les insulaires des Maldives mettent tout en usage lorsqu’ils sont malades pour se rendre le diable favorable. Ils lui sacrifient des coqs et des poules.
Le diable nous est singulièrement dépeint par le pape saint Grégoire, dans sa Vie de saint Benoit. Un jour que le saint allait dire ses prières à l’oratoire de Saint-Jean, sur le mont Cassin, il rencontra le diable sous la forme d’un vétérinaire, avec une fiole d’une main et un licou de l’autre. Le texte disait : In mulo medici specie ; par l’introduction d’une virgule qui décompose le sens : In mulo, medici specie, un copiste fit du diable ainsi déguisé un docteur monté sur sa mule, comme cheminaient les docteurs en médecine avant l’invention des carrosses, et un tableau de cet épisode ayant été exécuté d’après ce texte corrompu, Satan a été souvent représenté avec la robe doctorale et les instruments de la profession en croupe sur sa monture.
Une autre fois, on dénonça à saint Benoît la conduite légère d’un jeune frère appartenant à l’un des douze monastères affiliés à la règle du réformateur. Ce moine ne voulait ou ne pouvait prier avec assiduité ; à peine s’était-il mis à genoux, qu’il se levait et allait se promener. Saint Benoît ordonna qu’on le lui amenât au mont Cassin, et là, lorsque le moine, selon son habitude, interrompit ses devoirs et sortit de la chapelle, le saint vit un petit diable noir qui le tirait de toutes ses forces par le pan de sa robe.
Parmi les innombrables épisodes de l’histoire du diable dans les Vies des Saints, quelques-uns sont plus bizarres, quelques autres plus effrayants. Saint Antoine vit Satan dresser sa tête de géant au-dessus des nuages, et étendre ses larges mains pour intercepter les âmes des morts qui prenaient leur vol vers le ciel. Parfois le diable est un véritable singe, et sa malice ne s’exerce qu’en espiègleries. C’est ainsi que, pendant des années, il se tint aux aguets pour troubler la piété de sainte Gudule. Toutes ses ruses avaient été vaines, lorsque enfin il se résolut à un dernier effort. C’était la coutume de cette noble et chaste vierge de se lever au chant du coq et d’aller prier à l’église, précédée de sa servante portant une lanterne. Que fit le père de toute malice ? il éteignit la lanterne en soufflant des­ sus. La sainte eut recours à Dieu, et, à sa prière, la mèche se ralluma ; miracle de la foi qui suffit pour renvoyer le malin honteux et confus.
Il n’est pas sans exemple que le diable se laisse tromper par les plus simples artifices, et une équivoque suffit souvent pour le rendre dupe dans ses marchés avec les sorciers ; comme lorsque Nostradamus obtint son secours à condi­tion qu’il lui appartiendrait tout entier après sa mort, soit qu’il fût enterré dans une église, soit qu’il fût enterré dehors. Mais Nostradamus ayant ordonné par testament que son cercueil fût dé­ posé dans la muraille de la sacristie, son corps y repose encore, et il n’est ni dans l’église ni dehors.
Le vieil Heywood a rédigé en vers une nomenclature curieuse de tous les petits démons de la superstition populaire ; il y comprend les farfadets, les follets, les alfs ou elfes, les Robin Goodfellows, et ces lutins que Shakespeare a don­ nés pour sujets à Oberon et à Titania. On a prouvé que le roi ou la reine de féerie n’est autre que Satan lui-même, n’importe son déguise­ ment. Voy. Puck et tous les lutins.
On trouvera peut-être un peu de frivolité dans tout ce qui vient d’être dit ici sur le diable. Mais ce livre n’est pas un livre de théologie. Les lec­teurs chrétiens savent que ce diable, dont saint Louis ne prononçait jamais le nom et qui est à tout propos dans la bouche de nous tous, cet esprit de malice noire, que nous citons souvent pour avoir l’air de nous en jouer, est le plus per­fide, le plus cruel et le plus implacable de nos ennemis ; « qu’il rôde autour de nous cherchant qui dévorer ». Si nous l’avons traité ici d’une manière trop légère, c’est par mépris ; ce qui l’offense, comme l’a remarqué saint François de Sales, et ce même saint conseille à ceux qui se trouvent circonvenus de lui ou des siens de re­pousser ces misérables en les nommant de sobriquets qui les humilient.
On a publié à Amsterdam une Histoire du diable, 2 volumes in-12, qui est une espèce de mauvais roman, où les aventures du diable sont plus que médiocrement accommodées à la fantaisie de l’auteur. M. Frédéric Soulié a prodigué dans les Mémoires du diable beaucoup de talent à faire un livre, qui aurait pu être fort singulier et fort piquant si l’auteur avait respecté les mœurs. Voy. Démons.
Diable de mer. « Grand bruit parmi les matelots ; on a crié tout d’un coup : Voilà le diable, il faut l’avoir. Aussitôt tout s’est réveillé, tout a pris les armes. On ne voyait que piques, harpons et mousquets ; j’ai couru moi-même pour voir le diable, et j’ai vu un grand poisson qui ressemble à une raie, hors qu’il a deux cornes comme un taureau. Il a fait quelques caracoles, toujours accompagné d’un poisson blanc qui, de temps en temps, va à la petite guerre et vient se remettre sous le diable. Entre ses deux cornes, il porte un petit poisson gris, qu’on appelle le pilote du diable, parce qu’il le conduit et le pique quand il voit du poisson ; et alors le diable part comme un trait. Je vous conte tout ce que je viens de voir . »
Diablerets, montagnes de Suisse qui ont reçu ce nom parce que dans la contrée on les croit habitées intérieurement par des diables. Les bonnes gens disent que c’est un faubourg de l’enfer.
Diables bleus. On appelle ainsi les hallucinations. Voy. ce mot.
Diamant. La superstition lui attribuait des ver­ tus merveilleuses contre le poison, la peste, les terreurs paniques, les insomnies, les prestiges et les enchantements. Il calmait la colère et entrete­nait l’union entre les époux, ce qui lui avait fait donner le nom de pierre de réconciliation. Il avait en outre cette propriété talismanique de rendre invincible celui qui le portait, pourvu que, sous la planète de Mars, la figure de ce dieu ou celle d’Hercule surmontant l’hydre y fût gravée. On a été jusqu’à prétendre que les diamants en en­gendraient d’autres ; et Ruérus parle sérieusement d’une princesse de Luxembourg qui en avait d’héréditaires, lesquels en produisaient d’autres en certains temps . — Enfin les savants du seizième siècle croyaient qu’on pouvait amollir le diamant avec du sang de bouc
Diambiliche, monseigneur le diable, nom du diable dans l'île de Madagascar; il y est plus révéré que Zanhar, nom de Dieu, et c'est à lui que le prêtre offre les prémices des sacrifices.
Diave. C’est le nom du diable dans les îles Maldives. On lit dans le voyage de Pyrard de Laval, imprimé en 1615, que les habitants de ces îles se figuraient alors la terre comme un grand plateau flottant dans l’espace, entouré d’un im­mense rempart de cuivre qui le protège contre l’envahissement des eaux. Ils croyaient que toutes les nuits le diable cherchait à percer ce rempart, et que quand il y serait parvenu ce serait le der­ nier déluge et la fin du monde. Aussi tous ces ha­bitants se levaient avant le jour pour prier Dieu d’empêcher le diable.
Dibasson, sorcière arrêtée à vingt-cinq ans, avec Marie de la Raide. Elle allait au sabbat et disait que le sabbat est un vrai paradis.
Dicke (Alice), jeune Anglaise de Wincauton dont parle Glanvill. Elle avait un esprit familier qui lui suçait un peu de sang tous les soirs.
Didier, imposteur bordelais du sixième siècle, qui parut vers ce temps-là dans la ville de Tours. Il se vantait de communiquer avec saint Pierre et saint Paul ; il assurait même qu’il était plus puissant que saint Martin et se disait égal aux apôtres. Comme il avait su gagner le peuple, on lui amenait de tous côtés des malades à guérir ; et voici, par exemple, comment il traitait les paralytiques. Il ordonnait qu’on étendît le malade à terre, puis il lui faisait tirer les membres si fort que quelquefois il en mourait ; s’il guérissait, c’était un miracle. Didier n’était pourtant qu’un magicien et un sorcier, comme dit Pierre Delancre ; car si quelqu’un disait du mal de lui en secret, il le lui reprochait lorsqu’il le voyait ; « ce qu’il ne pouvait savoir que par le moyen du démon qui lui allait révéler tout ce qui se passait. » Pour mieux tromper le public, il avait un capuchon et une robe de poil de chèvre. Il était sobre devant le monde ; mais lorsqu’il se retrouvait en son particulier, il mangeait tellement qu’un homme n’aurait pu supporter la viande qu’il avalait. Enfin ses fourberies ayant été découvertes, il fut arrêté et chassé de la ville de Tours ; et on n’entendit plus parler de lui.
Didron, savant archéologue qui a publié récemment une curieuse Histoire du diable.
Didyme. Voy. Possédés de Flandre.
Diémats. Petites estampes chargées de caractères, que les guerriers de l'île de Java portent comme des talismans, et avec lesquelles ils se croient invulnérables; persuasion qui ajoute à leur intrépidité.
Dieux. On lit dans Tite-Live (IV, 30) : « Les édiles sont chargés de veiller à ce qu’aucun dieu ne soit reçu à Rome, s’il n’est Romain et adoré à la romaine… »
Digby (Le chevalier), original anglais du dix-septième siècle, connu sous le nom du Docteur sympathique. Il avait le secret d’une poudre sympathique avec laquelle il guérissait les malades sans les voir et donnait la fièvre aux arbres. Cette poudre, composée de rognures d’ongles, d’urine ou de cheveux du malade et placée dans un arbre, communiquait, disait-il, la maladie à l’arbre.
Digonnet. C’est, de nos jours, le dieu d’une secte de béguins qui descend des manichéens et des anabaptistes. Ce dieu est vivant et M. Daniel Wurth a donné de lui, dans le journal la Patrie, une notice si curieuse que nous croyons devoir la rapporter ici :
« Jean-Baptiste Digonnet est né à Tence (Haute-Loire) ; il fut successivement maçon, scieur de long et sabotier. Un chef de la secte des momiers lui ayant rempli la tête d’idées mystiques, il abandonna ses travaux et se livra au vagabondage. Arrêté en 1845, conduit dans les prisons de Moulins, puis rendu à la liberté, il continua sa vie errante pendant plusieurs mois. Arrêté de nouveau l’année suivante, il fut incarcéré dans la maison d’arrêt de Saint-Étienne, où se trouvait un jeune béguin de Saint-Jean-Bonnefond qui, l’entendant citer à tout propos des passages de la Bible, lui confia que depuis longtemps les habitants de cette commune attendaient le Dieu prédit par les Écritures.
» Digonnet se promit de tirer parti de cette confidence. Peu de temps après, ayant recouvré sa liberté, il se rendit à Saint-Jean-Bonnefond, où il exécuta son projet. Les béguins crurent à sa divinité et le surnommèrent leur petit bon dieu. À partir de cette époque, de fréquentes réunions de béguins eurent lieu dans cette commune. Dans ces réunions Digonnet prêchait la religion à sa manière, et par suite de son ascendant sur les hommes et surtout sur les femmes, se livrait à des actes d’une immoralité si profonde que la décence ne permet pas de les raconter. Arrêté au milieu de ses fidèles, il subit diverses condamnations et fut détenu plusieurs fois dans des maisons d’aliénés. S’étant évadé de celle d’Aurillac le 7 juillet 1848, il revint à Saint-Jean-Bonnefond, où la gendarmerie le saisit de nouveau pour l’emprisonner à Montbrison.
» Ce fut dans cette dernière ville que je le vis. Digonnet est de petite taille ; il a le regard terne et sans aucune expression ; son front ne présente aucun indice d’intelligence ; ses joues et le dessous de ses yeux sont colorés d’une teinte bleuâtre et par endroits légèrement violacée ; un tic nerveux balance continuellement sa tête sur ses épaules, et lorsqu’il débite ses lamentations ridicules, on voit de temps à autre passer entre les trois dents jaunes qui lui restent une petite chique, qu’il parait sucer avec un sentiment de délicieuse volupté.
» Ce fut un de mes amis, commis greffier au tribunal de Montbrison, qui me procura l’avantage de voir ce divin vieillard et qui voulut bien le prier de me faire connaître les diverses condamnations qu’il avait déjà subies. — N’ayant jamais passé en jugement, répondit-il, je n’ai pas encore subi de condamnation. Des brigands, il est vrai, m’ont fait emprisonner pour étouffer ma parole ; mais je n’ai point été jugé et ne le serai jamais en ce monde, parce que ne relevant que du Père, la justice des hommes ne peut arriver jusqu’à moi !…
— Qu’appelez-vous donc le Père ? lui demandai-je, après lui avoir entendu prononcer ce mot pour la seconde fois. — Le Père ! s’écria-t-il, c’est Dieu !… c’est le Tout-Puissant qui m’a envoyé sur la terre pour annoncer aux hommes que les temps sont proches et que le châtiment sera terrible ! — Mais, murmura en souriant mon compagnon, vous n’êtes donc que prophète ?… Je croyais que vous étiez dieu ? — Je suis dieu et prophète tout à la fois, me répondit-il d’une voix lente. Je suis le premier des sept élus qui sont répandus sur la terre. Il m’a mis au-dessus d’eux parce que j’avais une foi plus forte que leur foi, et en ceci il a agi comme un père de famille, qui ayant sept enfants en aimerait un plus que les autres, parce que dans celui-là il aurait reconnu des qualités dont les autres seraient dépourvus. »
» En ce moment, j’avoue que j’éprouvais un certain plaisir à écouter ce vieillard, fou pour les uns, fripon pour les autres. Le voyant assez bien disposé à me répondre, je me préparais à l’interroger longuement ; mais j’avais compté sans mon hôte, c’est-à-dire sans mon ami, qui, voulant taquiner un peu son prophète, comme il l’appelait, s’écria tout à coup : — Mais, père Digonnet, dites moi donc pourquoi vous êtes si bien vêtu, vous qui défendez le luxe à vos fidèles ?… Savez-vous qu’il n’y a pas à Paris de plus beaux par-dessus que le vôtre ; qu’on n’y voit rien d’aussi coquet que cette calotte de velours brodée d’or qui orne votre tête ; que ce superbe gilet noir brodé comme votre calotte ; que cette chemise si fine, si blanche… si…
— Je sais tout cela, interrompit Digonnet sans se fâcher du ton railleur de mon compagnon ; je porte ces vêtements parce que pour me les donner les béguins s’appauvrissent, ce qui les empêche de penser au superflu… Pour moi, je vous assure que je ne tiens pas à ces beaux habits. J’en ai de toutes les façons. Mes béguins m’ont donné une culotte où il y a pour plus de douze mille francs d’or en broderies. Tenez, voyez ces attaches, continua-t-il en déboutonnant son gilet pour me montrer de superbes bretelles marquées à ses initiales ; eh bien, j’en ai encore de plus belles… Mais, ajouta-t-il en faisant un geste des plus comiques, ça me coupe horriblement les épaules… j’aimerais mieux n’en pas avoir. »
» Mon ami se mordit les lèvres pour ne pas rire ; quant à moi, je me hâtai de demander à Digonnet à quel âge il avait été inspiré. — À cinquante-cinq ans, me répondit-il ; je ne devais l’être qu’à soixante, mais le Père m’a avancé de cinq années, à cause des iniquités qui se commettent sur la terre.
— Comme dieu, comme prophète, vous devez avoir le don des miracles ? — Oui ! — Ainsi, si vous le vouliez, vous sortiriez à l’instant de cette prison ? — Non pas ! Descendu sur la terre pour y accomplir un sacrifice, je dois tout souffrir sans me plaindre. Les portes de cette prison seraient ouvertes que je n’en sortirais pas avant l’ordre du Père. Oh ! je suis d’une garde facile maintenant ; mais quand le moment sera venu, les geôliers auront beau fermer leurs portes, tirer leurs verrous, je m’ouvrirai un passage invisible dans les murs épais qui m’entourent, et quittant la laide carcasse dans laquelle je suis incarné, j’irai rejoindre le Père.
— On dit, je crois, que vous fabriquez une échelle pour vous faciliter cette ascension. — Ce sont les brigands qui disent ces absurdités… Est-ce que la puissance du Père ne suffira pas pour me faire traverser l’espace et m’y soutenir ?… Est-ce que le soleil, est-ce que la lune, est-ce que les étoiles ont eu besoin d’une échelle pour monter au firmament ? Est-ce que la puissance du Père n’est pas infinie ? Est-ce que je ne puis pas ce que je veux, moi ! » Le petit dieu des béguins prononça ces dernières paroles avec un ton d’animation qui, malgré sa mauvaise prononciation et quelques liaisons hasardées, ne manquait pas d’une certaine poésie. Son visage s’était fortement empourpré, et ne voulant pas sans doute s’entretenir plus longtemps avec nous, il rentra dans sa chambre sans ajouter un seul mot.
» Maintenant si, abandonnant le côté comique de ce monomane, on se prend à penser qu’au dix-neuvième siècle il peut encore se rencontrer des populations assez crédules pour se laisser prendre aux absurdes prédications d’un individu sans intelligence, sans apparence même, on est saisi d’un sentiment de tristesse amère, et l’on se demande en tremblant s’il est vrai que la civilisation ait chassé le fanatisme et l’ignorance du fond de nos campagnes ? »
Dindarte (Marie), jeune sorcière de Sare, dans les Basses-Pyrénées. Elle confessa avoir été souvent au sabbat. Quand elle se trouvait seule et que ses voisines étaient absentes, le diable lui donnait un onguent dont elle se frottait, et sur-le-champ elle se transportait par les airs. Elle voyageait ainsi la nuit du 27 septembre 1609 ; on l’aperçut et on la prit le lendemain. Elle confessa aussi avoir mené des enfants au sabbat, lesquels se trouvèrent marqués de la marque du diable. On lui demanda si on pouvait faire éveillé le voyage du sabbat. Elle répondit qu’on n’y allait qu’après avoir dormi, et que quelquefois il suffisait d’avoir fermé un œil pour s’enlever.
Dinscops, sorcière et sibylle du pays de Clèves, dont parle Bodin en son quatrième livre. Elle ensorcelait et maléficiait tous ceux vers qui elle étendait la main. On la brûla ; et quand sa main sorcière et endiablée fut bien cuite, tous ceux qu’elle avait frappés de quelque mal revinrent en santé…
Dioclétien. N’étant encore que dans les grades inférieurs de l’armée, il réglait un jour ses comptes avec une cabaretière de Tongres, dans la Gaule Belgique. Comme cette femme, qui était druidesse, lui reprochait d’être avare : « Je serai plus généreux, lui dit-il en riant, quand je serai empereur. — Tu le seras, répliqua la druidesse, quand tu auras tué le sanglier. » Dioclétien, étonné, sentit l’ambition s’éveiller dans son âme et chercha sérieusement à presser l’accomplissement de cette prédiction, qui nous a été conservée par Vopiscus. Il se livra particulièrement à la chasse du sanglier. Cependant il vit plusieurs princes arriver au trône sans qu’on songeât à l’y élever ; et il disait sans cesse : « Je tue bien les sangliers ; mais les autres en ont le profit. » Il avait été consul et il occupait des fonctions importantes. Quand Numérien eut été tué par son beau-père, Arius Aper, toutes les espérances de Dioclétien se réveillèrent : l’armée le porta au trône. Le premier usage qu’il fit de son pouvoir fut de tuer lui-même de son épée le perfide Aper, dont le nom est celui du sanglier, en s’écriant qu’il venait enfin de tuer le sanglier fatal. — On sait que Dioclétien fut ensuite un des plus cruels persécuteurs de l’Église. Il était philosophe.
Diocres. Voy. Chapelle du damné.
Diodore de Catane, magicien dont le peuple de Catane garda longtemps le souvenir. C’était le plus grand sorcier de son temps ; il fascinait tellement les personnes qu’elles se persuadaient être changées en bêtes : il faisait voir en un instant aux curieux ce qui se passait dans les pays les plus éloignés. Comme on l’eût arrêté en qualité de magicien, il voulut se faire passer pour faiseur de miracles. Il se fit donc transporter par le diable de Catane à Constantinople, et de Constantinople à Catane en un jour, ce qui lui acquit tout d’un coup parmi le peuple une grande réputation ; mais ayant été pris malgré son habileté et sa puissance, on le jeta en un feu ardent où il fut brûlé. Le peuple de Catane, qui ne l’a pas oublié, l’appelle Liodore.
Dion de Syracuse. Étant une nuit couché sur son lit, éveillé et pensif, il entendit un grand bruit, et se leva pour voir ce qui pouvait le produire. Il aperçut au bout d’une galerie une femme de haute taille, hideuse comme les Furies, qui balayait sa maison. Il fit appeler aussitôt ses amis et les pria de passer la nuit auprès de lui. Mais le spectre ne reparut plus. — Quelques jours après le fils de Dion se précipita d’une fenêtre et se tua. Sa famille fut détruite en peu de temps, et, « par manière de dire, ajoute Leloyer, balayée et exterminée de Syracuse, comme la Furie, qui n’était qu’un diable, avait semblé l’en avertir par le balai ».
Dionysio dal Borgo, astrologue italien qui professait la théologie à l’université de Paris au treizième siècle. Villani conte (livre X) qu’il prédit juste la mort de Castruccio, tyran de Pistoie.
Diopite, bateleur, né à Locres, qui, après avoir parcouru la Grèce, se présenta sur le théâtre de Thèbes pour y faire des tours. Il avait sur le corps deux peaux de bouc, l’une remplie de vin et l’autre de lait, par le moyen desquelles il faisait sortir de ces liqueurs par sa bouche, si bien qu’on l’a mis au rang des sorciers.
Discours. Discours des esprits follets, publié dans le Mercure galant de 1680. — Discours épouvantable d’une étrange apparition de démons en la maison d’un gentilhomme en Silésie, in-8°, Lyon, par Jean Gazeau, 1609, brochure de 7 pages. — Discours sur la vanité des songes, et sur l’opinion de ceux qui croient que ce sont des pressentiments. Voy. Songes, etc.
Disputes. L’abominable Henri VIII avait une telle passion pour l’argumentation, qu’il ne dédaigna pas d’argumenter avec un pauvre argumentateur nommé Lambert. Une assemblée extraordinaire avait été convoquée à Westminster pour juger des coups. Le roi, voyant qu’il avait affaire à forte partie, et ne voulant pas avoir le dernier, donna à Lambert le choix d’être de son avis ou d’être pendu. C’est ainsi qu’un dey d’Alger, faisant un cent de piquet avec son vizir, lui disait : « Joue cœur, ou je t’étrangle. » Lambert ne joua pas cœur ; il fut étranglé. Nous citons cette anecdote parce que l’abominable Henri VIII était assurément possédé du diable.
Diti, et son œuf. Voy. Garuda.
Dives. Les Persans nomment ainsi les mauvais génies ; ils en admettent de mâles et de femelles et disent qu’avant la création d’Adam Dieu créa les Dives ou génies mâles et leur confia le gouvernement du monde pendant sept mille ans ; après quoi, les Péris ou génies femelles leur succédèrent et prirent possession de l’univers pour deux autres mille ans, sous l’empire de Gianben-Gian, leur souverain ; mais ces créatures étant tombées en disgrâce pour leur désobéissance, Dieu envoya contre eux Éblis, qui, étant d’une plus noble nature, et formé de l’élément du feu, avait été élevé parmi les anges. Éblis, chargé des ordres divins, descendit du ciel et fit la guerre contre les Dives et les Péris, qui se réunirent pour se défendre ; Éblis les défit et prit possession de ce globe, lequel n’était encore habité que par des génies. Éblis ne fut pas plus sage que ses prédécesseurs ; Dieu, pour abattre son orgueil, fit l’homme et ordonna à tous les anges de lui rendre hommage. Sur le refus d’Éblis, Dieu le dépouilla de sa souveraineté et le maudit. Ce ne sont là, comme on voit, que des altérations de l’Écriture sainte.
Divinations. Il y en a plus de cent sortes. Voy. Alectryomancie, Alphitomancie, Astragalomancie, Astrologie, Botanomancie, Cartoman­cie, Catoptromancie, Chiromancie, Cristallomancie, Cranologie, Daphnomancie, Gastromancie, Hydromancie, Lampadomancie, Métoposcopie, Mimique, Nécromancie, Onomancie, Ornithoman­cie, Physiognomonie, Pyromancie, Rabdomancie, Théomancie, etc., etc., etc. Cicéron réduit toute la divination à deux espèces, dont l’une était naturelle et l’autre artificielle (Cicero, De divin., lib. i). La première se faisait par une émotion de l’esprit qui, étant saisi d’une espèce de fureur, prédisait les choses à venir. Tel était l’esprit qui animait la Pythie sur le trépied. La divination artificielle se faisait par l’observation de signes et de circonstances naturelles dans les sujets que l’on savait destinés à prédire l’avenir. À cette seconde espèce appartenait l’astrologie, les augures, les auspices, les sortilèges et les prodiges.
Djilbéguenn, magicien tartare dont le souvenir est vivace encore en Sibérie. Il brillait dans les temps héroïques ; et on raconte de lui de grandes merveilles. Il se montrait quelquefois sous la figure d’un monstre à neuf têtes. Il était monté sur un bœuf à trente cornes lorsqu’il coupa la tête de Comdaï-Mirguenn. Il entendait le langage de toutes les bêtes. À la suite de beaucoup d’actions atroces, il est allé en enfer et n’en est pas revenu.
Dobie, esprit familier dans le comté d’York en Angleterre. On donne cet esprit à toute famille qui porte le nom de Dobie. C’est, dit-on, le spectre d’un ancêtre qui s’attache à quelques-uns de ses descendants.
Docètes, hérétiques du premier siècle qui niaient l’incarnation et qui soutenaient que Noire Seigneur était trop pur pour avoir pris une chair humaine. Saint Jérôme écrit à ce sujet que le sang du Sauveur fumait encore dans la Judée, lorsqu’on se mit à enseigner que son corps n’avait été qu’un fantôme. Ils doivent leur nom de Docètes à un mot grec qui signifie apparence et qui explique leur système que Jésus avait simplement paru un homme.
Docks. Voy. Alfares.
Dodone, ville d'Epire célèbre par son oracle, sa forêt et sa fontaine. En voici l'origine, selon la fable. Jupiter ayant fait présent à sa fille Thébé de deux colombes qui avaient le don de la parole, elles s'envolèrent un jour de Thèbes, en Egypte, pour aller, l'une en Libye, fonder l'oracle de Jupiter Ammon, et l'autre en Epire, dans la forêt de Dodone, où elle s'arrêta, et apprit aux habitants du pays que l'intention de Jupiter était qu'il eût un oracle en ce lieu. Cette fable est fondée sur l'équivoque du mot peleiai, qui veut dire également colombes et vieilles femmes. Dans la forêt de Dodone, une fontaine du même nom coulait au pied d'un chêne. La prêtresse en interprétait le murmure. Mais cet oracle éprouva dans la suite quelques changements: on s'avisa de suspendre en l'air des vases d'airain auprès d'une statue de même métal, aussi suspendue, et qui tenait à la main un fouet d'airain à plusieurs cordes mobiles. Le vent venant à mettre cette figure en mouvement, elle frappait les vases qui s'entrechoquaient, et rendaient un son sur la durée et les variétés duquel on annonçait l'avenir; de là le proverbe l'airain de Dodone, pour désigner un babillard. Enfin, c'étaient les chênes de la forêt de Dodone qui rendaient des oracles; c'est-à-dire, que les prêtres se tenaient cachés dans le creux de ces arbres pour donner leurs réponses; et comme le respect tenait les consultants à une certaine distance de l'oracle, ils ne pouvaient s'apercevoir de cette supercherie.
Hérodote raconte ainsi l’origine des oracles de Dodone. Deux colombes noires, selon les habitants de la contrée, vinrent dans le pays ; furie s’abattit sur un chêne et dit d’une voix humaine qu’il fallait bâtir sous ce chêne un temple à Jupiter : ce qui eut lieu ; et le chêne rendit des oracles. Hérodote explique ensuite que ces deux colombes étaient deux prêtresses égyptiennes. La seconde de ces colombes se rendit en Libye, où elle institua le culte de Jupiter Ammon.
Dogdo, ou Dodo, et encore Dodu. Voy. Zoroastre.
Doigt, les Romains l'avaient mis sous la protection de Minerve. C'était du bout du doigt que l'on prenait dans l'acerra les parfums, pour les jeter sur le feu. Le Janus consacré par Numa marquait, par l'arrangement de ses doigts, trois cent cinquante -quatre jours, pour signifier qu'il présidait à l'année, composée alors de ce nombre de jours, parce qu'elle était lunaire.
 Dans le royaume de Macassar, si un malade est à l’agonie, le prêtre idolâtre lui prend la main et lui frotte doucement le doigt du milieu, afin de favoriser par cette friction un chemin à l’âme, qui sort toujours, selon eux, par par le bout du doigt.
Les Turcs mangent habituellement le riz avec les doigts ; ils n’emploient pour cela que le pouce, l’index et le médius ; ils sont persuadés que le diable mange avec les deux autres doigts.
Dans certaines contrées de la Grèce moderne, on se croit ensorcelé quand on voit quelqu’un étendre la main en présentant les cinq doigts.
Doigt annulaire. C’est une opinion reçue que le quatrième doigt de la main gauche a une vertu cordiale ; que cette vertu vient d’un vaisseau, d’un nerf ou d’une veine qui lui est communiquée par le cœur, et, par cette raison, qu’il mérite préférablement aux autres doigts l’honneur de porter l’anneau. Levinus Lemnius assure que ce vaisseau singulier est une artère, et non pas un nerf, ni une veine, ainsi que le prétendent les anciens. Il ajoute que les anneaux qui sont portés à ce doigt influent sur le cœur. Dans les évanouissements, il avait coutume de frotter ce doigt, pour tout médicament. Il dit encore que la goutte l’attaque rarement, mais toujours plus tard que les autres doigts, et que la fin est bien proche quand il vient à se nouer.
Dojartzabal, jeune sorcière de quinze à seize ans qui confessa, vers 1609, avoir été menée au sabbat par une autre sorcière, laquelle était détenue en prison ; ce que celle-ci niait, disant qu’étant attachée à de grosses chaînes de fer et surveillée, elle ne pouvait être sortie de son cachot ; et que, si elle en était sortie, elle n’y serait pas rentrée. La jeune personne expliqua toutefois que, comme elle était couchée près de sa mère, cette sorcière l’était venue chercher sous la forme d’un chat…, pour la transporter au sabbat, et que, malgré leurs fers, les sorcières peuvent aller à ces assemblées, bien que le diable n’ait pas moyen de les délivrer des mains de la justice. Elle assura encore que le diable, qui la faisait enlever ainsi d’auprès de sa mère, mettait en sa place une figure qui lui ressemblait. Cette prétendue sorcière, qui n’exerçait probablement qu’une petite vengeance, si elle n’était pas en proie à quelque illusion, ne fut pas châtiée.
Dolers, démon invoqué dans les litanies du sabbat.
Domfront (Guérin de), fils de Guillaume de Bellême, seigneur de Domfront, ayant traitreusement fait couper la tête à son ennemi endormi chez lui, fut, dit-on, étouffé par le diable.
Domingina-Maletana, sorcière qui, dans une joute qu’elle fit avec une autre sorcière, sauta sans se blesser du haut de la montagne de la Rhune, qui borne les trois royaumes de France, d’Espagne et de Navarre, et gagna le prix.
Dominique. Voy. Hallucinations.
Domitien. Un jour qu’il donnait un festin aux sénateurs de Rome, à l’occasion de son triomphe sur les Daces, Domitien, qui avait de singuliers caprices, les fit entrer dans une salle qu’il avait fait tendre en noir, et qui était éclairée par des lampes sépulcrales. Chaque convive se trouva placé vis-à-vis d’un cercueil, sur lequel il vit son nom écrit… Une troupe d’enfants barbouillés de noir représentait une danse des ombres infernales. La danse finie, ils se dispersèrent, chacun auprès du convive qu’il devait servir. Les mets furent les mêmes que ceux que l’on offrait aux morts dans les cérémonies funèbres. Un morne silence régnait dans cette assemblée. Domitien parlait seul ; il ne racontait que des histoires sanglantes et n’entretenait les sénateurs que de mort. Les convives sortirent enfin de la salle du festin et furent accompagnés chacun à leur maison par des hommes vêtus de noir, armés et silencieux. — À peine respiraient-ils, que l’empereur les fit redemander ; mais c’était pour leur donner la vaisselle qu’on avait servie devant eux et à chacun celui de ces petits esclaves qui les avaient servis. C’était bien là un plaisir de tyran.
Domovoï, esprits de ténèbres chez les Russes. On les chasse par l’eau de la Neva, bénite le jour de l’Épiphanie.
Donatistes, sectateurs de Donat, qui dominaient et ne pardonnaient rien. Dans leurs fureurs contre les catholiques, qui admettent à la réconciliation ceux qui sont tombés, les donatistes attaquaient partout les fidèles enfants de l’Église, les assommaient, brûlaient leurs maisons et leurs églises. « Ils commencent leurs massacres au chant de l’Alléluia, disent les récits contemporains ; ni l’âge, ni l’innocence n’obtiennent grâce à leurs yeux ; quand ils veulent bien faire miséricorde, ils tuent d’un seul coup. » Leur schisme, élevé au commencement du quatrième siècle, dura une centaine d’années. Les procédés des donatistes ont été renouvelés par les Albigeois, puis par les hussites, par les luthériens et par les calvinistes. Les camisards entraient dans cette voie, si on ne les eût pas arrêtés.
Doni (Antoine-François), Florentin, né en 1503 ; il y a des choses bizarres dans ses Mondes célestes, terrestres et infernaux, volume in-4°, dont on a une vieille traduction française.
Doppet (François-Amédée), membre du conseil des Cinq-Cents, auteur d’un Traité théorique et pratique du magnétisme animal ; Turin, 1784, un vol. in-8° ; d’une Oraison funèbre de Mesmer, avec son testament, Genève, 1785, in-8° ; d’une Médecine occulte ou Traité de la magie naturelle et médicinale, 1785, in-4°.
Dorâch-y-Rhibyn, fée sinistre du pays de Galles. Elle vient frotter ses ailes de cuir contre les vitres pour annoncer la mort de quelqu’un. Elle appelle le malade par un long cri lamentable.
Dorée (Catherine), sorcière du dix-septième siècle, qui fut brûlée vive pour avoir tué son enfant par ordre du diable ; elle jetait des poudres et guérissait les ensorcelés en leur mettant un pigeon sur l’estomac. Barbe Dorée, autre sorcière, était parente de Catherine.
Dormants. L’histoire des sept Dormants est encore plus fameuse chez les Arabes que chez les chrétiens. Mahomet l’a insérée dans son Koran, et les Turcs l’ont embellie.
Sous l’empire de Decius, l’an de notre ère 250, il y eut une grande persécution contre les chrétiens. Sept jeunes gens, attachés au service de l’empereur, ne voulant pas désavouer leur croyance et craignant les supplices, se réfugièrent dans une caverne située à quelque distance d’Éphèse. Par une grâce particulière, ils y dormirent d’un sommeil profond pendant deux cents ans. Les mahométans assurent que, durant ce sommeil, ils eurent des révélations surprenantes, et qu’ils apprirent en songe tout ce que pourraient savoir des hommes qui auraient employé un pareil espace de temps à étudier assidument.
Leur chien, ou du moins celui d’un d’entre eux, les avait suivis dans leur retraite ; il mit à profit, aussi bien qu’eux, le temps de son sommeil. Il devint le chien le plus instruit du monde.
Sous le règne de Théodose le jeune, l’an de Notre-Seigneur 450, les sept Dormants se réveillèrent et entrèrent dans la ville d’Éphèse, croyant n’avoir fait qu’un bon somme ; mais ils trouvèrent tout bien changé. Il y avait longtemps que les persécutions contre le christianisme étaient finies ; des empereurs chrétiens occupaient les deux trônes impériaux d’Orient et d’Occident. Les questions des frères et l’étonnement qu’ils témoignèrent aux réponses qu’on leur fit surprirent tout le monde. Ils contèrent naïvement leur histoire Le peuple, frappé d’admiration, les conduisit à l’évêque, celui-ci au patriarche et le patriarche à l’empereur. Ces sept Dormants révélèrent les choses du monde les plus singulières, et en prédirent qui ne l’étaient pas moins. Ils annoncèrent entre autres l’avènement de Mahomet, l’établissement et les succès de sa religion, comme devant avoir lieu deux cents ans après son réveil.
Quand ils eurent satisfait la curiosité de l’empereur, ils se retirèrent de nouveau dans leur caverne et y moururent tout de bon : on montre encore cette grotte auprès d’Éphèse.
Quant à leur chien Kratim ou Katmir, il acheva sa carrière et vécut autant qu’un chien peut vivre, en ne comptant pour rien les deux cents ans qu’il avait dormi en compagnie de ses maîtres. C’était un animal dont les connaissances surpassaient celles de tous les philosophes, les savants et les beaux esprits de son siècle ; aussi s’empressait-on de le fêter et de le régaler ; et les musulmans le placent dans le paradis de Mahomet, entre l’âne de Balaam et celui qui portait Notre-Seigneur le jour des Rameaux.
Cette historiette a tout l’air d’une contrepartie de la fable d’Épiménides de Crète, qui, s’étant endormi sur le midi dans une caverne en cherchant une de ses brebis égarée, ne se réveilla que quatre-vingt-sept ans après, et se remit à chercher ses brebis comme s’il n’eût dormi qu’un peu de temps.
Delrio parle d’un paysan qui dormit un automne et un hiver sans se réveiller
Dosithée, magicien de Samarie, contemporain de Simon le Magicien ; il se présentait comme étant le vraie Messie, et il parvint à séduire la foule par des prestiges, des enchantements et des tours d’adresse. Il menait avec lui trente disciples, autant qu’il y avait de jours dans le mois, et n’en voulait pas plus. Il avait admis à sa suite une femme qu’il appelait la Lune. Il judaïsait, et le point capital de sa doctrine consistait, pour ceux qu’il entraînait, à passer le jour du sabbat dans l’immobilité la plus complète.
Double. On croit en Écosse qu’un homme peut être double, c’est-à-dire qu’il peut être vu à la fois en deux lieux différents, qu’il peut lui-même, en certaines occasions, voir sa doublure devant lui. Cette doublure n’est qu’une ombre, à la vérité. Eh bien, nous pouvons avoir le même avantage en nous plaçant devant une glace. — Voy. Flaxbinder.
Dourga, monstrueuse divinité des Indiens. Voy. Fêtes religieuses de l’Inde.
Dourlet (Simone). Voy. Possédées de Flandre.
Douze, c’est un nombre heureux. Les apôtres étaient douze, dit Césaire d’Heisterbach, parce que le nombre douze est composé de quatre fois trois, ou de trois fois quatre. Ils ont été élus douze ajoute-t-il, pour annoncer aux quatre coins du monde la foi de la sainte Trinité. Les douze apôtres, dit-il encore, sont les douze signes du zodiaque, les douze mois de l’année, les douze heures du jour, les douze étoiles de la couronne de l’épouse. Les douze apôtres sont encore les douze fils de Jacob, les douze fontaines du désert, les douze pierres du Jourdain, les douze bœufs de la mer d’airain, les douze fondements de la Jérusalem céleste.
Drac, nom qu'on donne, en Languedoc, aux esprits follets. "L'idée qu'on se forme des Dracs, dit M. Astruc, dans ses Mémoires pour servir à l'Histoire naturelle du Languedoc, c'est que se sont des esprits follets, capricieux, inquiets, ordinairement malfaisants. Les meilleurs d'entre eux se plaisent du moins à faire des malices et des tours de page. On croit pourtant qu'ils prennent certaines gens en amitié, et qu'ils leur rendent d'assez grands services. Du reste, on leur attribue le pouvoir de se rendre invisible ou de se montrer sous telle forme qu'il leur plaît, etc."
Démon du rang des princes de l’enfer. Il se montra à Faust en manière de flamme bleue, avec une queue rougeâtre.
Drack, lutin du midi de la France. Dans certaines contrées, ce n’est, qu’un follet malin qui prend toutes sortes de formes et fait toutes sortes d’espiègleries. Dans d’autres, c’est un ogre. Voy. Ogres.
Draconites ou Dracontia. Pierre fabuleuse que Pline et quelques naturalistes anciens ont placée dans la tête du dragon. Pour se la procurer, il fallait l’endormir avant de lui couper la tête.
Dragon. Les dragons ont fait beaucoup de bruit ; et, parce que nous n’en voyons plus, les sceptiques les ont niés : mais Cuvier et les géologues modernes ont reconnu que les dragons avaient existé. C’est seulement une race perdue. C’étaient des sortes de serpents ailés. Philostrate dit que, pour devenir sorciers et devins, les Arabes mangeaient le cœur ou le foie d’un dragon volant. On montre auprès de Beyrouth le lieu où saint Georges tua un monstrueux dragon ; il y avait sur ces lieux, consacrés par le courage de saint Georges, une église qui ne subsiste plus. Il est fait mention de plusieurs dragons dans les légendes ; quelques-uns peuvent être des allégories où par le dragon il faut entendre le démon que les saints ont vaincu. Le diable, en effet, porte souvent le nom d’ancien dragon, et quelquefois il a pris la forme de cet animal merveilleux : c’est ainsi qu’il se montra à sainte Marguerite. On dit que le dragon dont parle Possidonius couvrait un arpent de terre, et qu’il avalait, comme une pilule, un cavalier tout armé ; mais ce n’était encore qu’un petit dragon en comparaison de celui qu’on découvrit dans l’Inde, et qui, suivant Maxime de Tyr, occupait cinq arpents de terrain.
Les Chinois rendent une espèce de culte au dragon. On en voit sur leurs vêtements, dans leurs livres, dans leurs tableaux. Ils le regardent comme le principe de leur bonheur ; ils s’imaginent qu’il dispose des saisons et fait à son gré tomber la pluie et gronder le tonnerre. Ils sont persuadés que tous les biens de la terre ont été confiés à sa garde, et qu’il fait son séjour ordinaire sur les montagnes élevées.
Le dragon était aussi très-important chez nos aïeux ; et tous nos contes de dragons doivent remonter à une haute antiquité. Voici la chronique du dragon de Niort. Un soldat avait été condamné à mort pour crime de désertion ; il apprit qu’à Niort, sa patrie, un énorme dragon faisait depuis trois mois des ravages, et qu’on promettait bonne récompense à celui qui pourrait en délivrer la contrée. Il se présente ; on l’admet à combattre le monstre, et on lui promet sa grâce s’il parvient à le détruire. Couvert d’un masque de verre et armé de toutes pièces, l’intrépide soldat va à l’antre obscur où se tient le monstre ailé, qu’il trouve endormi. Réveillé par une première blessure, il se lève, prend son essor et vole contre l’agresseur. Tous les spectateurs se retirent, lui seul reste et l’attend de pied ferme. Le dragon tombe sur lui et le terrasse de son poids ; mais au moment qu’il ouvre la gueule pour le dévorer, le soldat saisit l’instant de lui enfoncer son poignard dans la gorge. Le monstre tombe à ses pieds. Le brave soldat allait recueillir les fruits de sa victoire, lorsque, poussé par une fatale curiosité, il ôta son masque pour considérer à son aise le redoutable ennemi dont il venait de triompher. Déjà il en avait fait le tour, quand le monstre, blessé mortellement, et nageant dans son sang, recueille des forces qui paraissaient épuisées, s’élance subitement au cou de son vainqueur et lui communique un venin si malfaisant qu’il périt au milieu de son triomphe. — On voyait encore, il y a peu de temps, dans le cimetière de l’hôpital de Niort, un ancien tombeau d’un homme tué par le venin du serpent. Est-ce aussi une allégorie ?
À Mons, on vous contera l’histoire du dragon qui dévastait le Hainaut, lorsqu’il fut tué par le vaillant Gilles de Chin, en 1132. Et que direz-vous du dragon de Rhodes, qui n’est certainement pas un conte Voy. Trou du château de Carnoët.
Dragon rouge. Le dragon rouge, ou l’art de commander les esprits célestes, aériens, terrestres, infernaux, avec le vrai secret de faire parler les morts, de gagner toutes les fois qu’on met aux loteries, de découvrir les trésors cachés, etc., etc., in-18, 1521.
On a réimprimé très-fréquemment ce fatras absurde, dont on trouvera les plus curieuses élucubrations à leur place, dans ce dictionnaire.
Drames. Le théâtre n’a pas négligé les merveilleuses ressources que lui offraient les démons, les follets, les revenants, la magie et les sciences occultes. De nos jours on a fait les Sept châteaux du Diable, les Pilules du Diable, la Part du Diable ; on a même mis en vaudeville les Mémoires du Diable, de M. Soulié. L’Esprit follet, de Collé ; le Spectre, de Séraminis ; celui d’Hamlet ; les Sorcières, de Macbeth ; la Sylphide, le Magicien du Pied de mouton, et une foule d’autres données sont prises, comme Robin des bois, le Chasseur rouge, Trilby, le Vampire, les Wilis, etc., etc., du vaste répertoire de prodiges qui alimentent les livres de démonologie.
Drapé. On donne à Aigues-Mortes le nom de Lou Drapé à un cheval fabuleux, qui est la terreur des enfants, qui les retient un peu sous l’aile de leurs parents, et réprime la négligence des mères. On assure que quand Lou Drapé vient à passer, il ramasse sur son dos, l’un après l’autre, tous les enfants égarés ; et que sa croupe, d’abord de taille ordinaire, s’allonge, au besoin, jusqu’à contenir cinquante et cent enfants qu’il emporte on ne sait où.
Drawcansir, lutin matamore qui, chez les Anglais, gourmande les rois, disperse les armées et sème le désordre partout. C’est probablement ce que les anciens appelaient la terreur panique.
Drépano. L’esprit de Drépano a aussi sa célébrité : il faisait grand bruit, jetait des pierres qui ne blessaient pas, lançait en l’air les ustensiles de ménage sans rien briser, et chantait des chansons scandaleuses, le tout sans se montrer. Quand le maître de la maison où il hantait revenait de quelque course trempé par la pluie, il l’annonçait avant que personne le vît, et pressait la famille d’allumer un grand feu. C’était un démon obsesseur qui ne réussit pas ; car les habitants de la maison se conduisirent en chrétiens, ce qui suffit souvent.
Driff, nom donné à la fameuse pierre de Buttler, si vantée par Van-Helmont; on la nommait aussi Periapton salutis magneticum. On la regardait comme propre à attirer le venin, elle était, dit-on, composée d'usnéa ou de la mousse formée sur des têtes de mort, de sel marin, de vitriol cuivreux, empâté avec de la colle de poisson. On a poussé le merveilleux jusqu'à prétendre qu'il suffisait de goûter cette pierre du bout de la langue, pour être guéri des maladies les plus redoutables.
Drolles. Les drolles sont des démons ou lutins qui, dans certains pays du Nord, prennent soin de panser les chevaux, font tout ce qu’on leur commande et avertissent des dangers. Voy. Farfadets, Bérith, Kobold, etc.
Drouva, roi de l’Hindoustan, qui régna vingt-six mille ans, on ne sait où, et qui laissa trois enfants : Karpagatarou, Kouraga et Kourkala ; ce qui est peu pour une si longue vie.
Drows. C’est le nom qu’on donne aux duergars dans les îles Orcades.
Drude (la), cauchemar femelle qui, en forme d’une vieille furie, paraît serrer la gorge d’une personne endormie. Pline l’appelle Malum dæmoniacum.
Druides, prêtres des Gaulois. Ils enseignaient la sagesse et la morale aux principaux personnages de la nation. Ils disaient que les âmes circulaient éternellement de ce monde ci dans l’autre ; c’est-à-dire que ce qu’on appelle la mort est l’entrée dans l’autre monde, et ce qu’on appelle la vie en est la sortie pour revenir dans ce monde ci.
Les druides d’Autun attribuaient une grande vertu à l’œuf de serpent ; ils avaient pour armoiries dans leurs bannières : d’azur à la couchée de serpents d’argent, surmontée d’un gui de chêne garni de ses glands de sinople. Le chef des druides avait une clef pour symbole.
Druidesses. Dans la petite île de Sena, aujourd’hui Sein, vis-à-vis la côte de Quimper, il y avait un collège de druidesses que les Gaulois appellent Senes (prophétesses). Elles étaient au nombre de neuf, gardaient une perpétuelle virginité, rendaient des oracles et avaient le pouvoir de retenir les vents et d’exciter les tempêtes ; elles pouvaient aussi prendre la forme de toute espèce d’animaux, guérir les maladies les plus invétérées et prédire l’avenir. Elles exerçaient un sacerdoce. Il y avait d’autres druidesses qui se mariaient ; mais elles ne sortaient qu’une fois dans l’année, et ne passaient qu’un seul jour avec leurs maris. Voy. aussi Dioclétien, Velléda, etc.
Druses, nom d'une peuplade du mont Liban, dont la religion est ignorée. Elle adore un veau et n’est ni chrétienne ni musulmane. Ella a, dit le Catéchisme des Druses, mérité ce nom en adoptant les lois sacrées qu'il a plu à Hakem-Bamvilla, connu sous le nom de Muhammed Ben Ismaël, de lui donner; de sorte que Druse est celui qui a signé le pacte, qui en exécute scrupuleusement les conditions, et qui a juré obéissance et soumission aux ordres d'Hakem; ce mot vient de la racine arabe ders, et par corruption, Druse. Druse est, à proprement parler, celui qui fait une étude des livres sacrés du prophète Hamzah, dont le but est l'adoration d'Hakem.
Drusus. Chargé par l’empereur Auguste du commandement de l’armée romaine qui faisait la guerre en Allemagne, Drusus se préparait à passer l’Elbe, après avoir déjà remporté plusieurs victoires, lorsqu’une femme majestueuse lui apparut et lui dit : — « Où cours-tu si vite, Drusus ? Ne seras-tu jamais las de vaincre ? Apprends que tes jours touchent à leur terme… » Drusus troublé tourna bride, fit sonner la retraite et mourut au bord du Rhin. On vit en même temps deux chevaliers inconnus qui faisaient caracoler leurs chevaux autour des tranchées du camp romain, et on entendit aux environs des plaintes et des gémissements de femmes ; ce qui n’est pas merveille dans une déroute.
Drutes. Les drutes sont des sorcières qui suivent Holda avec leurs quenouilles. Voy. Holda.
Dryden (Jean), célèbre poète anglais, mort en 1707. On rapporte qu’il tirait aux dés le jour de la naissance de ses enfants, pour deviner s’il aurait un garçon ou une fille ; et sa prédiction relative au sexe de son fils Charles se réalisa ; ce qui n’est pas fort étonnant. Voy. Astragalomancie.
Dsigofk, partie de l’enfer japonais où les méchants sont tourmentés suivant le nombre ou la qualité de leurs crimes. Leurs supplices ne durent qu’un certain temps, au bout duquel leurs âmes sont renvoyées dans ce monde, pour animer les animaux impurs dont les vices s’accordent avec ceux dont ces âmes s’étaient souillées. De là elles passent successivement dans les corps des animaux plus nobles, jusqu’à ce qu’elles rentrent dans des corps humains, où elles peuvent mériter ou démériter sur nouveaux frais.
Dualisme. Il y a des tremblements de terre, des tempêtes, des ouragans, des débordements de rivières, des maladies pestilentielles, des bêtes venimeuses, des animaux féroces, des hommes naturellement méchants, perfides et cruels. Or, un être bienfaisant, disaient les dualistes, ne peut être l’auteur du mal. Donc il y a deux êtres, deux principes, l’un bon, l’autre mauvais, également puissants, coéternels, et qui ne cessent point de se combattre. Si l’on réfléchit sur le dualisme, dit Saint-Foix, je crois qu’on le trouvera encore plus absurde que l’idolâtrie.
Les Lapons disent que Dieu, avant de produire la terre, se consulta avec l’esprit malin, afin de déterminer comment il arrangerait chaque chose. Dieu se proposa donc de remplir les arbres de moelle, les lacs de lait, et de charger les plantes et les arbres de tous les plus beaux fruits. Par malheur, un plan si convenable à l’homme déplut à l’esprit malin, qui fit toutes sortes de niches ; et il en résulta que Dieu n’établit pas les choses aussi bien qu’il l’aurait voulu… Un certain Ptolomée soutenait que le grand Être avait deux femmes ; que, par jalousie, elles se contrariaient sans cesse, et que le mal, tant dans le moral que dans le physique, venait uniquement de leur mésintelligence, l’une se plaisant à gâter, à changer ou à détruire tout ce que faisait l’autre. Les manichéens ont adopté le système des deux principes. Bardesane, les Appellistes et une foule d’autres chefs de secte les ont dans cette voie précédés ou suivis. La vérité et le sens commun ont toujours repoussé ces absurdes suppositions. Les luttes du bien et du mal nous sont exposées dans leur réalité par la doctrine de l’Église catholique.
Duende. Le Duende, lutin espagnol, correspond au Gobelin normand et au Tomtegobbe suédois. Duende, selon Cobaruvias, est une contraction de dueno de casa, maître de la maison. Ce farfadet espagnol a été cité de tout temps pour la facilité de ses métamorphoses.
Duergars. Les diables nains ou duergars de la Scandinavie sont de la même famille que les elfes de la nuit. Ils assistent à la mort de la dame de la maison qu’ils hantent et la gardent la nuit. Les doctrines Scandinaves disent que leurs dieux les ont fait naître en foule du cadavre d’Imer, et leur ont infusé toutes les sciences et tous les arts. Les Norvégiens attribuent la forme régulière et le poli des pierres cristallisées aux travaux de ces petits habitants de la montagne dont l’écho n’est autre chose que leur voix. Cette personnification poétique a donné naissance à un mètre particulier en Islande, appelé le galdralag, ou le lai diabolique, dans lequel le dernier vers de la première stance termine toutes les autres.
Dufay (Charles-Jérôme de Cisternay), alchimiste, quoique homme de guerre. Il s’occupait du grand œuvre ; et il dépensa beaucoup d’argent à la recherche de la pierre philosophale. Il mourut en 1723.
Duffo ou Duffus, roi d’Écosse. Pendant une maladie de ce prince, on arrêta plusieurs sorciers de son royaume qui rôtissaient, auprès d’un petit feu, une image faite à la ressemblance du roi, sortilège qui, selon leurs confessions, causait le mal du monarque. En effet, après leur arrestation, la santé de Duffus se rétablit.
Dulot (Jacques), magicien. Voy. Marigny.
Dumons (Antoine), sorcier du dix-septième siècle, accusé de fournir des chandelles au sabbat pour l’adoration du diable.
Duncanius, abbé de Liebenthal, qui, au douzième siècle, lit un pacte avec le diable pour l’érection d’un immense édifice et crut jouer le malin. Mais le diable lui avait laissé un livre de conjurations au moyen duquel tout était possible. L’abbé osa s’en servir ; il fit des choses prodigieuses, entra dans les voies de l’orgueil, tomba dans les vices, et, au bout de quinze ans, devint la proie de Satan, qui l’emporta. Sa légende a été écrite par Henry Zschokke.
Dupleix (Scipion), conseiller d’État et historiographe de France, mort en 1661. Parmi ses ouvrages très-remarquables, on peut voir la Cause de la veille et du sommeil, des songes, de la vie et de la mort. Paris, 1615, in-12 ; Lyon, 1620, in-8°.
Durandal est le nom de l’épée mythique qui a appartenu au chevalier Roland (736-778), personnage de la littérature médiévale et de la Renaissance.
La mort de Roland à Roncevaux dans une embuscade tendue par des Vascons est racontée dans la Chanson de Roland (où les Vascons sont remplacés par les Sarrasins).
C'est dans la geste du roi, composée au Xe siècle, que l'on retrouve la Chanson de Roland. Ami d'Olivier, frère de sa fiancée la belle Aude, Roland est comte de la Marche de Bretagne, et surtout neveu de Charlemagne. Quand ce dernier passe les Pyrénées pour aller lutter contre les Sarrasins en Navarre, Roland commande l'arrière-garde qu'attaquent les Sarrasins au col de Roncevaux, à la suite de la trahison de Ganelon. Roland et ses hommes résistent jusqu'au dernier. Blessé à mort, il sonne enfin dans son olifant, appelant Charlemagne à son secours. La légende veut que Roland ait tenté de casser sur un rocher son épée Durandal pour qu'elle ne tombe pas aux mains des Sarrasins, mais c'est le rocher qui se brisa, ouvrant la brèche de Roland.
Roland eut alors appelé l'archange Michel à l'aide, puis lancé son épée vers la vallée. Celle-ci traversa alors miraculeusement plusieurs centaines de kilomètres avant de se ficher dans le rocher de Notre-Dame de Rocamadour.
La légende veut que Durandal ait été donnée à Charlemagne, alors qu'il était aux vallons de Maurienne, par un ange de Dieu, afin qu'il la remette à un comte capitaine. Charlemagne en ceignit alors Roland.
Durer (Albert), peintre illustre, né à Nuremberg en 1471, mort en 1528, avec la gloire assez rare d’avoir laissé beaucoup de chefs-d’œuvre où son pinceau, son crayon et son burin n’ont jamais offensé en rien la religion ni les mœurs. On raconte de lui une vision que nous rapporterons ici :
« Albert, le pieux artiste, rêvait quelque nouveau chef-d’œuvre ; il voulait se surpasser lui-même ; mais le génie de l’homme a ses limites que jamais il ne peut franchir sans se perdre dans les abîmes du monde intellectuel. Pendant une belle nuit d’été, il avait commencé et recommencé l’esquisse des quatre évangélistes. Il voulait retracer les traits de ces hommes inspirés qui furent trouvés dignes de devenir les historiens de l’Homme-Dieu. Mais rien de ce que sa main produisait ne rendait à son gré les traits qui se peignaient dans son âme. C’était à Nuremberg. La nuit était superbe, la lune éclairait de sa magique lumière les églises de Saint-Sébald et de Saint-Laurent. Des milliers d’étoiles brillaient à la voûte céleste au-dessus de cette ville silencieuse et de ses rues désertes. « Dieu, s’écria Albert, a permis à des hommes de transformer ici des débris de rochers en bâtiments magnifiques, pleins d’harmonie dans leur ensemble et dans toutes leurs parties, élevant majestueusement leurs tours vers le ciel, et il ne me permettrait pas à moi de rendre sur la toile et en son honneur les portraits de ses saints envoyés, portraits que cependant je porte en mon âme ! » Albert se sent ému ; ses mains se rejoignent pour prier ; et en ce moment l’église de Saint-Sébald se colore de feu et de flamme ; des nuages bleus forment le fond sur lequel se dessinent les figures imposantes des quatre évangélistes. « Oh ! voilà, dit-il, les traits que j’ai en vain cherchés, qui échappaient à mon art débile ! » Il court à sa toile abandonnée, il saisit ses pinceaux et bientôt l’esquisse est terminée. Il ne sera pas difficile au grand artiste d’achever dignement son œuvre.
» Durer croyait et voyait. Voilà pourquoi il sut créer des chefs-d’œuvre d’une si pure spiritualité. Beaucoup de ceux qui voulurent marcher sur ses traces échouèrent souvent, non parce que le talent leur manquait, mais parce qu’ils n’avaient pas sa foi naïve et forte. Le ciel et ses merveilles restèrent cachés pour eux, derrière les sombres nuages du monde matériel. »
Duses, démons de la nuit qui effrayent les Allemands par une sorte de cauchemar.
Duvernois. Voy. Rolande.
Dysers, déesses des anciens Celtes, que l’on supposait employées à conduire les âmes des héros au palais d’Odin, où ces âmes buvaient de la bière dans des coupes faites des crânes de leurs ennemis.
Dythican, démon prince qui se montra au docteur Faust sous la forme d’une perdrix colossale, avec le cou moucheté de vert.
Dzivogeon, femmes étranges, du genre des esprits élémentaires. Elles habitent plusieurs montagnes de la Russie.

                                                                      E
Eatuas ou Atouas, dieux subalternes des Tahitiens, enfants de leur divinité suprême Taroataihetoomoo et du rocher Tepapa, qui, à leur tour, engendrèrent le premier homme. Ces dieux, de race inférieure, sont en très grand nombre et des deux sexes. Les hommes adorent les dieux mâles, et les femmes les dieux femelles. Ils ont chacun des temples auxquels des personnes d'un sexe différent ne sont pas admises, quoiqu'ils en aient aussi d'autres où les hommes et les femmes peuvent entrer. Les hommes font les fonctions de prêtres pour les deux sexes; mais chaque sexe à les siens, et ceux qui officient pour les hommes, n'officient point ordinairement pour les femmes, et réciproquement. Le nom d'Eatua est aussi donné à des oiseaux, tels que le héron pour les uns, le martin-pêcheur pour les autres, auxquels les Tahitiens et les insulaires leurs voisins font une attention particulière. Ils ne les tuent point, et ne leur font aucun mal; mais il ne leur rendent aucune espèce de culte, et paraissent n'avoir à leur égard que des idées superstitieuses relatives à la bonne ou mauvaise fortune; telles que le peuple parmi nous en a sur le rouge-gorge et l'hirondelle.
Les Otahitiens croient que le grand Eatua lui-même est sujet au pouvoir des génies inférieurs à qui il a donné l'existence; qu'ils le dévorent souvent, mais qu'il a le pouvoir de se recréer.       
Eau, presque tous les anciens peuples ont fait une divinité de cet élément, qui, suivant quelques philosophes, était le principe de toutes choses. C'est au respect qu'il inspirait qu'on attribue  l'usage où étaient les dieux, de jurer par le Styx, et l'importance de ce serment. De tous les éléments, c'est celui que les Guèbres respectent le plus après le feu. Le Sadder, un de leurs livres sacrés, leur recommande de ne point employer d'eau la nuit à aucun usage, ou, si c'est une nécessité indispensable, de s'en servir avec de grands ménagements. Le même livre leur enjoint de ne jamais mettre sur le feu un pot entièrement plein d'eau, de peur que, lorsque l'eau viendra à bouillir, il n'en tombe une partie dans le feu. Cet élément est l'unique objet du culte des habitants de Cibola, sur les côtes septentrionales de l'Amérique. Quelques uns d'entre eux dirent à Fr. Vasquez qu'ils adoraient l'eau à cause qu'elle fait croître les grains et les autres aliments, ce qui montre qu'elle est l'unique soutien de notre vie. Les modernes, qui l'ont personnifiée, la peignent sous les traits d'une femme nue, assise ou sur un nuage, ou sur un lieu élevé, parce que les hauteurs sont le dépôt où se forment les rivières. Couronnée de roseaux, qui font aussi l'ornement de son trône, elle tient dans la main droite un sceptre, le trident de Neptune, et s'appuie de la gauche sur une urne d'où l'eau coule en abondance. Des coquillages de diverses formes et couleurs, un enfant qui soulève des rets, annoncent sa merveilleuse fécondité. On exprime quelquefois cet élément par une Naïade coiffée de feuilles de jonc, qui tient une urne d'où sort l'eau, et qui a un dauphin à ses pieds.
Les cabalistes peuplent l’eau d’ondins et de nymphes. Voy. ces mots.
Eau amère (Épreuve de l’). Elle avait lieu ainsi chez les anciens Juifs : lorsqu’un homme soupçonnait sa femme en mal, il demandait qu’elle se purgeât selon la loi. Le juge envoyait les parties à Jérusalem, au grand consistoire, composé de soixante vieillards. La femme était exhortée à bien regarder sa conscience, avant de se soumettre au hasard de boire les eaux amères. Si elle persistait à dire qu’elle était nette de péché, on la menait à la porte du Saint des saints, et on la promenait afin de la fatiguer et de lui laisser le loisir de songer en elle-même. On lui donnait alors un vêtement noir. Un prêtre était chargé d’écrire son nom et toutes les paroles qu’elle avait dites ; puis se faisant apporter un pot de terre, il versait dedans avec une coquille la valeur d’un grand verre d’eau ; il prenait de la poudre du tabernacle, avec du jus d’herbes amères, raclait le nom écrit sur le parchemin et le donnait à boire à la femme, qui, si elle était coupable, aussitôt blêmissait ; les yeux lui tournaient et elle ne tardait pas à mourir ; mais il ne lui arrivait rien si elle était innocente.
Eau ardente, renommée chez les sorciers d’autrefois. Elle prenait feu au contact d’une allumette enflammée : ce que fait l’eau-de-vie à présent.
Eau bénite. C’est une coutume aussi ancienne que l’Église et de tradition apostolique , de bénir par des prières, des exorcismes et des cérémonies, l’eau dont on fait des aspersions sur les fidèles et sur les choses qui sont à leur usage. Par cette bénédiction, l’Église demande à Dieu de purifier du péché ceux qui s’en serviront, d’écarter d’eux les embûches de l’ennemi du salut et les fléaux de ce monde . Dans les constitutions apostoliques, l’eau bénite est appelée un moyen d’expier le péché et de mettre en fuite le démon.
On se sert aussi au sabbat d’une eau particulière, que l’on ose appeler eau bénite. Le sorcier qui fait les fonctions sacrilèges qu’on appelle la messe du sabbat est chargé d’en asperger les assistants .
Eau bouillante (Épreuve de l’). On l’employait autrefois pour découvrir la vérité dans les tortures qu’on appelait témérairement jugements de Dieu. L’accusé plongeait la main dans un vase plein d’eau bouillante, pour y prendre un anneau suspendu plus ou moins profondément. Ensuite on enveloppait la main du patient avec un linge sur lequel le juge et la partie adverse apposaient leurs sceaux. Au bout de trois jours on les levait ; s’il ne paraissait point de marque de brûlure, l’accusé était renvoyé absous.
Eau d’ange. Pour faire de bonne eau d’ange, ayez un grand alambic dans lequel vous mettez les drogues suivantes : benjoin, quatre onces ; styrax, deux onces ; santal citrin, une once ; clous de girofle, deux drachmes ; deux ou trois morceaux d’iris de Florence ; la moitié d’une écorce de citron ; deux noix muscades ; cannelle, demi-once ; deux pintes de bonne eau de roche ; chopine d’eau de fleurs d’orange ; chopine d’eau de mélilot ; vous mettez le tout dans un alambic bien scellé et vous distillez au bain-marie. Cette distillation sera une eau d’ange exquise , ainsi nommée parce que la recette en fut enseignée par un ange… Elle guérit beaucoup de maladies, disent ses prôneurs.
Eau froide (Épreuve de l’). Elle était fort en usage au neuvième siècle et s’étendait non-seulement aux sorciers et aux hérétiques, mais encore à tout accusé dont le crime n’était pas évident. Le coupable ou prétendu tel était jeté, la main droite liée au pied gauche, et la main gauche liée au pied droit, dans un bassin ou dans une grande cuve pleine d’eau, sur laquelle on priait pour qu’elle ne pût supporter un criminel : de façon que celui qui n’enfonçait pas était déclaré innocent.
Eau lustrale. Eau commune dans laquelle, chez les peuples païens, on éteignait un tison ardent tiré du foyer des sacrifices. Quand il y avait un mort dans une maison, on mettait à la porte un grand vase rempli d’eau lustrale, apportée de quelque maison où il n’y avait point de mort. Tous ceux qui venaient à la maison en deuil s’aspergeaient de cette eau en sortant. — Les druides employaient l’eau lustrale à chasser les maléfices.
Eau verte. On lit dans Delancre que les sorciers composaient de son temps une eau verte, dont le contact donnait la mort. Voy. Poisons.
Ébérard, archevêque de Trêves, mort en 1067. Ayant menacé les Juifs de les chasser de sa ville, si dans un certain temps qu’il leur accorda pour se faire instruire, ils n’embrassaient pas le christianisme, ces misérables, qui se disaient réduits au désespoir, subornèrent un sorcier qui, pour de l’argent, leur baptisa du nom de l’évêque une image de cire, à laquelle ils attachèrent des mèches et des bougies ; ils les allumèrent le samedi saint, comme le prélat allait donner le baptême. Pendant qu’il était occupé à cette sainte fonction, la statue étant à moitié consumée, Ébérard se sentit extrêmement mal ; on le conduisit dans la sacristie, où (dit la chronique) il expira bientôt après .
Éblis, nom que les mahométans donnent au diable. Ils disent qu’au, moment de la naissance de leur prophète, le trône d’Éblis fut précipité au fond de l’enfer et que les idoles des gentils furent renversées.
Ébroin. On lit ceci dans le B. Jacques de Varasc (legenda exiv) : — Une petite troupe de pieux cénobites regagnait de nuit le monastère. Ils arrivèrent au bord d’un grand fleuve et s’arrêtèrent sur le gazon pour se reposer un instant. Bientôt ils entendirent plusieurs rameurs qui descendaient le fleuve avec une grande impétuosité. L’un des moines leur demanda qui ils étaient : « Nous sommes des démons, répondirent les rameurs, et nous emportons aux enfers l’âme d’Ébroïn, maire du palais, qui tyrannisa la France et qui abandonna le monastère de Saint-Gai pour rentrer dans le monde. »
Ébron, démon honoré à Tournay, du temps de Clovis. On ne voyait que sa tête, qui se remuait pour répondre à ses dévots. Il est cité parmi les démons dans le roman de Godefroid de Bouillon, vieux poème dont l’auteur était du Hainaut.
Écho. Presque tous les physiciens ont attribué la formation de l’écho à une répercussion de son, semblable à celle qu’éprouve la lumière quand elle tombe sur un corps poli. L’écho est donc produit par le moyen d’un ou de plusieurs obstacles qui interceptent le son et le font rebrousser en arrière. Il y a des échos simples et des échos composés. Dans les premiers, on entend une simple répétition du son, dans les autres on l’entend une, deux, trois, quatre fois et davantage. Il en est qui répètent plusieurs mots de suite les uns après les autres ; ce phénomène a lieu toutes les fois qu’on se trouve à une distance de l’écho telle qu’on ait le temps de prononcer plusieurs mots avant que la répétition du premier soit parvenue à l’oreille. Dans la grande avenue du château de Villebertain, à deux lieues de Troyes, on entend un écho qui répète deux fois un vers de douze syllabes. Quelques échos ont acquis une sorte de célébrité. On cite celui de la vigne de Simonetta, qui répétait quarante fois le même mot. A Woodstock, en Angleterre, il y en avait un qui répétait le même son jusqu’à cinquante fois. A quelques lieues de Glasgow, en Écosse, il se trouve un écho encore plus singulier. Un homme joue un air de trompette de huit à dix notes ; l’écho les répète fidèlement, mais une tierce plus bas et cela jusqu’à trois fois, interrompues par un petit silence.
Il y eut des gens assez simples pour chercher des oracles dans les échos. Les écrivains du dernier siècle nous ont conservé quelques dialogues de mauvais goût sur ce sujet : — Un amant : Dis-moi, cruel amour, mon bonheur est-il évanoui ? L’écho : Oui. — L’amant : Tu ne parles pas ainsi quand tu séduis nos cœurs, et que tes promesses les entraînent dans de funestes engagements. L’écho : Je mens. — L’amant : Par pitié, ne ris pas de ma peine. Réponds— moi, me reste-t-il quelque espoir ou non ? L’écho : — Non. — L’amant : Eh bien, c’en est fait, tu veux ma mort, j’y cours. L’écho : Cours. — L’amant : La contrée, instruite de tes rigueurs, ne sera plus assez insensée pour dire de toi un mot d’éloges. L’écho : Déloge.
Les anciens Écossais croyaient que l’écho était un esprit qui se plaisait à répéter les sons. Les païens en avaient fait une nymphe. Voy. Lavisari.
Eckart (Le fidèle). Ce héros d’une tradition allemande vivait à la cour d’un duc de Bourgogne de la première dynastie. Dans un combat il sauva ce duc en exposant sa vie. Le prince reconnaissant le combla de faveurs et lui donna le nom de fidèle que la tradition lui maintient. Mais les courtisans, jaloux de son influence, parvinrent à le faire tomber en disgrâce. Le duc de Bourgogne le bannit et lui enleva ses deux fils, dont il n’eut plus de nouvelles qu’au bout de plusieurs années. Alors il apprit que l’ingrat prince avait fait périr ses deux fils, voulant anéantir sa race, et qu’il était lui-même en danger. Or il y avait dans un canton de l’Helvétie, qui reconnaissait alors l’autorité de ce duc, une montagne dite la Montagne de Freya (la Vénus des Germains). Un mystérieux joueur de guitare en sortait de temps en temps, et il tirait de sa guitare des sons d’une magie si puissante qu’ils entraînaient les passants dans une caverne dont on ne les voyait, plus sortir. Le fidèle Eckart s’était retiré non loin de là et connaissait ce sortilège. Un jour le duc de Bourgogne, égaré à la chasse où il avait perdu son cheval, se traînait épuisé dans le bois qui servait de refuge au fidèle Eckart. Le vieux serviteur eut pitié de son prince malgré son crime ; il le porta sur ses épaules à une cabane où il reçut des soins ; là il fut reconnu par le duc, qui lui rendit ses bonnes grâces et le nomma tuteur de ses fils. Il s’acquitta dignement de ses devoirs sans quitter sa retraite. Un soir qu’il se promenait avec eux, le joueur de guitare parut et les entraîna. Mais Eckart était avec eux : il combattit et mit en fuite les mauvais génies qui voulaient s’emparer des jeunes princes, les écarta de la caverne de Freya, et craignant que ce danger se renouvelât pour eux, il se dévoua à rester devant l’entrée du repaire infernal pour en repousser tous ceux qui y seraient attirés ; il y est encore, mais on ne le voit pas.
Éclairs. On rendait autrefois une espèce de culte aux éclairs, en faisant du bruit avec la bouche ; et les Romains honoraient sous le nom de Papysma une divinité champêtre, pour qu’elle en préservât les biens de la terre. Les Grecs de l’Orient les redoutent beaucoup.
Éclipses. C’était une opinion générale chez les païens que les éclipses de lune procédaient de la vertu magique de certaines paroles par lesquelles on arrachait la lune du ciel, et on l’attirait vers la terre pour la contraindre à jeter sur les herbes une écume qui les rendait plus propres aux sortilèges des enchanteurs. Pour délivrer la lune de son tourment et pour éluder la force du charme, on empêchait qu’elle n’en entendît les paroles en faisant un bruit horrible.
Une éclipse annonçait ordinairement de grands malheurs, et on voit souvent dans l’antiquité des armées refuser de se battre à cause d’une éclipse. Au Pérou, quand le soleil s’éclipsait, les gens du pays disaient qu’il était fâché contre eux et se croyaient menacés d’un grand malheur. Ils avaient encore plus de crainte dans l’éclipsé de lune. Ils la croyaient malade lorsqu’elle paraissait noire ; ils comptaient qu’elle mourrait infailliblement si elle achevait de s’obscurcir ; qu’alors elle tomberait du ciel, qu’ils périraient tous et que la fin du monde arriverait. Ils en avaient une telle frayeur, qu’aussitôt qu’elle commençait à s’éclipser ils faisaient un bruit terrible avec des trompettes, des cornets et des tambours ; ils fouettaient des chiens pour les faire aboyer, dans l’espoir que la lune, qui avait de l’affection pour ces animaux, aurait pitié de leurs cris et s’éveillerait de l’assoupissement que sa maladie lui causait. En même temps, les hommes, les femmes et les enfants la suppliaient, les larmes aux yeux et avec de grands cris, de ne point se laisser mourir, de peur que sa mort ne fut cause de leur perte universelle. Tout ce bruit ne cessait que quand la lune reparaissant ramenait le calme dans les esprits épouvantés.
Les Talapoins prétendent que quand la lune s’éclipse, c’est un dragon qui la dévore ; et que quand elle reparaît, c’est le dragon qui rend son dîner. Dans les vieilles mythologies germaniques, deux loups poursuivaient sans cesse le soleil et la lune ; les éclipses étaient des luttes contre ces monstres. Les Européens, crédules aussi, regardaient autrefois les éclipses comme des signes fâcheux, une éclipse de soleil qui eut lieu le 13 août 1664 fut annoncée comme l’avant-coureur d’un déluge semblable à celui qui était arrivé du temps de Noé ou plutôt d’un déluge de feu qui devait amener la fin du monde. Cette prédiction épouvanta tellement les masses qu’un curé de campagne (c’est un petit conte que nous rapportons) ne pouvant suaire à confesser tous ses paroissiens, qui craignaient de mourir dans cette circonstance, et sachant que tout ce qu’il pourrait leur dire de raisonnable à cet égard ne prévaudrait pas contre les prédictions fâcheuses, fut contraint de leur annoncer au prône qu’ils ne se pressassent pas tant, et que l’éclipsé avait été remise à quinzaine .
Dans les Indes on est persuadé, quand le soleil ou la lune s’éclipse, qu’un certain démon aux griffes noires les étend sur l’astre dont il veut se saisir ; pendant ce temps on voit les rivières couvertes de têtes d’Indiens qui croient soulager l’astre menacé en se tenant dans l’eau jusqu’au cou, et jetant sans relâche avec leurs mains de l’eau au nez du soleil ou de la lune. Les Lapons sont convaincus aussi que les éclipses de lune sont l’ouvrage des démons. Les Chinois prétendaient, avant l’arrivée des missionnaires jésuites, qui les éclairèrent, que les éclipses étaient occasionnées par un mauvais génie, lequel cachait le soleil de sa main droite et la lune de sa main gauche. Cependant cette opinion n’était pas générale, puisque quelques-uns d’entre eux disaient qu’il y avait au milieu du soleil un grand trou, et que, quand la lune se rencontrait vis-à-vis, elle devait naturellement être privée de lumière. Dieu, disent les Persans, tient le soleil enfermé dans un tuyau qui s’ouvre et se ferme au bout par un volet. Ce bel œil du monde éclaire l’univers et l’échauffé par ce trou ; et quand Dieu veut punir les hommes par la privation de la lumière, il envoie l’ange Gabriel fermer le volet, ce qui produit les éclipses. Mais Dieu est si bon qu’il n’est jamais fâché longtemps.
Les Mandingues, nègres mahométans de l’intérieur de l’Afrique, attribuent les éclipses de lune à un chat gigantesque qui met sa patte entre la lune et la terre ; et pendant tout le temps que dure l’éclipsé, ils ne cessent de chanter et de danser en l’honneur de Mahomet. Les Mexicains effrayés jeûnaient pendant les éclipses. Les femmes se maltraitaient, et les filles se tiraient du sang des bras. Ils s’imaginaient que la lune avait été blessée par le soleil pour quelque querelle de ménage.
On racontait des habitants de l’Arcadie qu’ils étaient tellement ignorants qu’au moment d’une éclipse ils éventrèrent un âne qu’ils accusaient d’avoir mangé la lune, parce que l’image de la lune avait disparu dans l’eau où l’âne buvait à l’instant où l’éclipsé avait eu lieu.
Écregores, pères des géants, suivant un livre apocryphe d’Énoch. Les anges qu’il nomme ainsi s’assemblèrent sur le mont Hémon, du temps du patriarche Jared, et s’engagèrent par des anathèmes à ne se point séparer qu’ils n’eussent enlevé les filles des hommes.
Écriture. Art de juger les hommes par l’écriture, d’après Lavater. Tous les mouvements de notre corps reçoivent leurs modifications du tempérament et du caractère. Le mouvement du sage n’est pas celui de l’idiot, le port et la démarche diffèrent sensiblement du colérique au flegmatique, du sanguin au mélancolique.
De tous les mouvements du corps, il n’en est point d’aussi variés que ceux de la main et des doigts, et de tous les mouvements de la main et des doigts, les plus diversifiés sont ceux que nous faisons en écrivant. Le moindre mot jeté sur le papier, combien de points, combien de courbes ne renferme-t-il point !… Il est évident encore, poursuit Lavater, que chaque tableau, que chaque figure détachée, et aux yeux de l’observateur et du connaisseur, chaque trait conservent et rappellent l’idée du peintre. — Que cent peintres, que tous les écoliers d’un même maître dessinent la même figure, que toutes ces copies ressemblent à l’original de la manière la plus frappante, elles n’en auront pas moins chacune un caractère particulier, une teinte et une touche qui les feront distinguer. Si l’on est obligé d’admettre une expression caractéristique pour les ouvrages de peinture, pourquoi voudrait-on qu’elle disparût entièrement dans les dessins et dans les figures que nous traçons sur le papier ? Chacun de nous a son écriture propre, individuelle et inimitable, ou qui du moins ne saurait être contrefaite que très-difficilement et très-imparfaitement. Les exceptions sont en trop petit nombre pour détruire la règle. Cette diversité incontestable des écritures ne serait-elle point fondée sur la différence réelle du caractère moral ?
On objectera que le même homme, qui pourtant n’a qu’un seul et même caractère, peut diversifier son écriture. Mais cet homme, malgré son égalité de caractère, agit ou du moins paraît agir souvent de mille manières différentes. De même qu’un esprit doux se livre quelquefois à des emportements, de même aussi la plus belle main se permet dans l’occasion une écriture négligée ; mais alors encore celle-ci aura un caractère tout à fait différent du griffonnage d’un homme qui écrit toujours mal. On reconnaîtra la belle main du premier jusque dans sa plus mauvaise écriture, tandis que l’écriture la plus soignée du second se ressentira toujours de son barbouillage. Cette diversité de l’écriture d’une seule et même personne ne fait que confirmer la thèse ; il résulte de là que la disposition d’esprit où nous nous trouvons influe sur notre écriture. Avec la même encre, avec la même plume et sur le même papier, l’homme façonnera tout autrement son écriture quand il traite une affaire désagréable, ou quand il s’entretient cordialement avec son ami. Chaque nation, chaque pays, chaque ville a son écriture particulière, tout comme ils ont une physionomie et une forme qui leur sont propres . Tous ceux qui ont un commerce de lettres un peu étendu pourront vérifier la justesse de cette remarque. L’observateur intelligent ira plus loin, et il jugera déjà du caractère de son correspondant sur la seule adresse (j’entends l’écriture de l’adresse, car le style fournit des indices plus positifs encore), à peu près comme le titre d’un livre nous fait connaître souvent la tournure d’esprit de l’auteur. Une belle écriture suppose nécessairement une certaine justesse d’esprit, et en particulier l’amour de l’ordre. Pour écrire avec une belle main, il faut avoir du moins une veine d’énergie, d’industrie, de précision et de goût, chaque effet supposant une cause qui lui est analogue. Mais ces gens dont l’écriture est si belle et si élégante, la peindraient peut-être encore mieux, si leur esprit était plus cultivé et plus orné. On distingue dans l’écriture la substance et le corps des lettres, leur forme et leur arrondissement, leur hauteur et leur longueur, leur position, leur liaison, l’intervalle qui les sépare, l’intervalle qui est entre les lignes, la netteté de récriture, sa légèreté ou sa pesanteur. Si tout cela se trouve dans une parfaite harmonie, il n’est nullement difficile de découvrir quelque chose d’assez précis dans le caractère fondamental de l’écrivain.
Une écriture de travers annonce un esprit faux, dissimulé, inégal. Il y a la plupart du temps une analogie admirable entre le langage, la démarche et l’écriture. Des lettres inégales, mal jointes, mal séparées* mal alignées, et jetées en quelque sorte séparément sur le papier, dénotent un naturel flegmatique, lent, peu ami de l’ordre et de la propreté. Une écriture plus liée, plus suivie, plus énergique et plus ferme accuse plus de vie, plus de chaleur, plus de goût. Il y a des écritures qui signalent la lenteur d’un homme lourd et d’un esprit pesant. Une écriture bien formée, bien arrondie, promet de l’ordre, de la précision et du goût. Une écriture extraordinairement soignée annonce plus de précision et de fermeté, mais peut-être moins d’esprit. Une écriture lâche dans quelques-unes de ses parties, serrée dans quelques autres, puis longue, puis étroite, puis soignée, puis négligée, laisse entrevoir un caractère léger, incertain et flottant. Une écriture lancée, des lettres jetées pour ainsi dire d’un seul trait, et qui dénotent la vivacité de l’écrivain, désignent un esprit ardent, du feu et des caprices. Une écriture un peu penchée sur la droite et bien coulante annonce de l’activité et de la pénétration. Une écriture bien liée, coulante et presque perpendiculaire, promet de la finesse et du goût. Une écriture originale et hasardée d’une certaine façon, sans méthode, mais belle et agréable, porte l’empreinte du génie, etc.
Il est inutile d’observer combien, avec quelques remarques judicieuses, ce système est plein de témérités et d’exagérations. Voy. Mimique et Physiognomonie.
Écrouelles. Delancre dit que ceux qui naissent légitimement septièmes mâles, sans mélanges de filles, ont le don inné de guérir les écrouelles en les touchant. Les anciens rois d’Angleterre, suivant certains auteurs, avaient ce pouvoir , mais d’une autre source. Quand Jacques II fut reconduit de Rochester à Whitehall, on proposa de lui laisser faire quelque acte de royauté, comme de toucher les écrouelles. Il ne se présenta personne. On attribua aussi aux rois de France le don d’enlever les écrouelles par l’imposition des mains, accompagnée du signe de la croix. Louis XIII en 1639 toucha à Fontainebleau douze cents scrofuleux, et les mémoires du temps attestent que plusieurs furent guéris. On fait remonter cette prérogative jusqu’à Clovis. Voy. Lancinet, Crachat, Gréatrakes, etc.
Écume. On a remarqué que beaucoup de possédés écument de la bouche comme les chiens enragés. Une jeune fille que l’on amena à saint Vincent Ferrier, rendait par la bouche et par le nez une écume qui prenait successivement plusieurs nuances .
Ecureuils. Les chasseurs des monts Oural ont pour la chasse de l’écureuil une superstitieuse idée qu’on ne peut déraciner. Ils ne cherchent dans toute la journée les écureuils qu’au haut des sapins rouges, si le premier tué le matin s’est trouvé sur un arbre de cette espèce ; et ils sont fermement convaincus qu’ils en chercheraient en vain ailleurs. Si c’est au contraire sur un sapin sylvestris qu’ils ont aperçu leur premier écureuil, ils ne porteront leurs regards que sur cette sorte d’arbres pendant tout le jour de la chasse.
Edda, livre qui contient les dogmes, la religion, etc., des Scandinaves et des autres peuples du Nord.
Edeline ou Adeline (Guillaume), docteur en théologie du quinzième siècle, prieur des Carmes de Saint-Germain en Laye. Il fut exposé et admonesté publiquement à Évreux pour s’être donné au diable, afin de satisfaire ses passions mondaines. Il avoua, sans y être poussé par la torture, qu’il s’était transporté au sabbat achevai sur un balai  ; que de sa bonne volonté il avait fait hommage à l’ennemi, qui était là sous la forme d’un mouton ; qu’il lui avait alors baisé brutalement sous la queue son derrière en signe de révérence et d’hommage  Ce sabbat n’était composé que de Vaudois. Le jour du jugement étant arrivé, il fut conduit en place publique, ayant une mitre de papier sur la tête ; l’inquisiteur l’engagea à se repentir et lut la sentence qui le condamnait à la prison, au pain et à l’eau. « Lors ledit maître Guillaume commença à gémir et à condouloir de son méfait, criant merci à Dieu, à l’évêque et à justice . » Quinzième siècle.
Edris, nom que les musulmans donnent à Enoch ou Hénoch, sur lequel ils ont forgé diverses traditions. Dans les guerres continuelles que se faisaient les enfants de Seth et de Caïn, Hénoch, disent-ils, fut le premier qui introduisit la coutume de faire des esclaves. Il avait reçu du ciel, avec le don de science et de sagesse, trente volumes remplis des connaissances les plus abstraites ; lui-même en composa beaucoup d’autres, aussi peu connus que les premiers. Dieu l’envoya aux Caïnites pour les ramener dans la bonne voie. Mais ceux-ci ayant refusé de l’écouter, il leur fit la guerre et réduisit leurs femmes et leurs enfants en esclavage. Les Orientaux lui attribuent l’invention de la couture et de l’écriture , de l’astronomie, de l’arithmétique, et encore plus particulièrement de la géomancie. On dit de plus qu’il fut la cause innocente de l’idolâtrie. Un de ses amis, affligé de son enlèvement, forma de lui, par l’instigation du démon, une représentation si vivement exprimée, qu’il s’entretenait des jours entiers avec elle, et lui rendait des hommages particuliers, qui peu à peu dégénérèrent en superstition. Voy. Hénoch.
Effrontés, hérétiques qui parurent dans la première moitié du seizième siècle. Ils niaient le Saint-Esprit, pratiquaient diverses superstitions, rejetaient le baptême et le remplaçaient par une cérémonie qui consistait à se racler le front avec un clou jusqu’à effusion de sang, puis à le panser avec de l’huile. C’est cette marque qui leur restait au front qui leur a fait donner leur nom d’effrontés.
Égérie, nymphe qui seconda Numa Pompilius dans son projet de civiliser les Romains. Les démonomanes en ont fait un démon succube, et les cabalistes un esprit élémentaire, une ondine selon les uns, une salamandre selon les autres, qui la disent fille de Vesta. Voy. Zoroastre et Numa.
Égipans, démons que les païens disaient habiter les bois et les montagnes, et qu’ils représentaient comme de petits hommes velus, avec des cornes et des pieds dé chèvre. Les anciens parlent de certains monstres de Libye, auxquels on donnait le même nom ; ils avaient un museau de chèvre avec une queue de poisson : c’est ainsi qu’on représente le capricorne. On trouve cette même figure dans plusieurs monuments égyptiens et romains.
Égithe, sorte d’épervier boiteux, dont une idée bizarre avait répandu l’opinion chez les anciens que sa rencontre était du plus heureux présage pour les nouveaux mariés.
Église (l’) et les Sorciers. Les pauvres êtres accusés de sorcellerie n’ont jamais été traités par l’Église avec les cruautés des juges laïques. Voy. l’article Sorciers, à la fin.
Élaïs, une des filles d’Anios, d’Élée, magicienne qui changeait en huile tout ce qu’elle touchait.
Élasticité. Il y a des pierres élastiques et des grès flexibles. Une poutre en marbre, qui fait l’étonnement des curieux à la cathédrale de Lincoin, est élastique . De telles raretés ont passé autrefois pour œuvres de féerie.
Éléazar, magicien, Juif de nation, qui attachait au nez des possédés un anneau où était enchâssée une racine dont Salomon se servait, et que l’on présume être la squille . À peine le démon l’avait-il flairée qu’il jetait le possédé par terre et l’abandonnait. Le magicien récitait ensuite des paroles que Salomon avait laissées par écrit ; et, au nom de ce prince, il défendait au démon de revenir dans le même corps ; après quoi il remplissait une cruche d’eau et commandait audit démon de la renverser. L’esprit malin obéissait ; ce signe était la preuve qu’il avait quitté son gîte.
Éléazar de Garniza, auteur hébreu qui a laissé divers ouvrages dont plusieurs ont été imprimés et d’autres sont restés manuscrits. On distingue de lui un Traité de l’âme, cité par Pic de la Mirandole dans son livre contre les astrologues, et un Commentaire cabalistique sur le Pentateuque.
Éléments. Les éléments sont peuplés de substances spirituelles, selon les cabalistes. Le feu est la demeure des salamandres ; l’air, celle des sylphes ; les eaux, celle des ondins ou nymphes, et la terre, celle des gnomes. Il est certain que les éléments, l’air surtout, sont abondamment peuplés de démons et d’esprits, et que les puissances de l’air ne le laissent pas vide.
Éléphant. On a dit des choses merveilleuses de l’éléphant. On lit encore dans de vieux livres qu’il n’a pas de jointures, et que, par cette raison, il est obligé de dormir debout, appuyé contre un arbre ou contre un mur ; que s’il tombe, il ne peut se relever. Cette erreur a été accréditée par Diodore de Sicile, par Strabon et par d’autres écrivains. Pline conte aussi que l’éléphant prend la fuite lorsqu’il entend un cochon : et, en effet, on a vu en 1769 qu’un cochon ayant été introduit dans la ménagerie de Versailles, son grognement causa une agitation si violente à un éléphant qui s’y trouvait qu’il eût rompu ses barreaux si l’on n’eût retiré aussitôt l’animal immonde. Mien assure qu’on a vu un éléphant qui avait écrit des sentences entières avec sa trompe, et même qui avait parlé. Christophe Acosta assure la même chose . Dion Cassius prête à cet animal des sentiments religieux. Le matin, dit-il, il salue le soleil de sa trompe ; le soir il s’agenouille ; et quand la nouvelle lune paraît sur l’horizon, il rassemble des fleurs pour lui en composer un bouquet. On sait que les éléphants ont beaucoup de goût pour la musique ; Arrien rapporte qu’il y en a eu un qui faisait danser ses camarades au son des cymbales. On vit à Rome des éléphants danser la pyrrhique et exécuter des sauts périlleux sur la corde… Enfin, avant les fêtes données par Germanicus, douze éléphants en costume dramatique exécutèrent un ballet en action. On leur servit ensuite une collation ; ils prirent place avec décence sur des lits qui leur avaient été préparés. Les éléphants mâles étaient revêtus de la toge ; les femelles de la tunique. Ils se comportèrent avec toute l’urbanité de convives bien élevés, choisirent les mets avec discernement et ne se firent pas moins remarquer par leur sobriété que par leur politesse .
Au Bengale l’éléphant blanc a les honneurs de la divinité ; il ne mange jamais que dans la vaisselle de vermeil. Lorsqu’on le conduit à la promenade, dix personnes de distinction portent un dais sur sa tête. Sa marche est une espèce de triomphe, et tous les instruments du pays l’accompagnent. Les mêmes cérémonies s’observent lorsqu’on le mène boire. Au sortir de la rivière, un seigneur de la cour lui lave les pieds dans un bassin d’argent.
Voici sur l’éléphant blanc des détails plus étendus : « Un Européen, établi à Calcutta depuis deux ans, écrivait dernièrement au Sémaphore de Marseille une lettre dont le passage suivant rappelle une des plus étranges superstitions des peuples de l’Inde :
« Je vous envoie le récit que vient de me faire M. Smithson, voyageur anglais, arrivé tout récemment de Juthia, capitale du royaume de Siam. M. Smithson m’a beaucoup amusé aux dépens de ces Siamois qui continuent toujours à adorer leurs éléphants blancs. Depuis plusieurs mois, la tristesse était à la cour et parmi tous les habitants de Juthia : un seul éléphant blanc avait survécu à une espèce de contagion qui s’était glissée dans les écuries sacrées. Le roi fit publier à son de trompe qu’il donnerait dix esclaves, autant d’arpents de terre qu’un éléphant pourrait en parcourir dans un jour, et une de ses filles en mariage à l’heureux Siamois qui trouverait un autre éléphant blanc. — M. Smithson avait pris à son service, pour lui faire quelques commissions dans la ville, un pauvre hère borgne, bossu, tout exténué de misère, qui s’appelle Tungug-Poura. Ce Tungug-Poura avait touché le cœur compatissant du voyageur anglais, qui l’avait fait laver, habiller, et le nourrissait dans sa cuisine. Tungug, malgré sa chétive et stupide apparence, nourrissait une vaste ambition dans sa chemise de toile, son unique vêtement ; il entendit la proclamation de l’empereur de Siam et vint, d’un air recueilli, se présenter à M. Smithson, qui rit beaucoup en l’entendant lui déclarer qu’il allait chercher un éléphant blanc, et qu’il était décidé à mourir s’il ne trouvait pas l’animal sacré. Tungug-Poura ne faisait pas sur M. Smithson l’effet d’un chasseur bien habile : les éléphants blancs se trouvent en très-petit nombre dans des retraites d’eaux et de bois d’un accès difficile. Mais rien ne put changer la résolution de Tungug, qui, serrant avec reconnaissance une petite somme d’argent dont son maître le gratifia, partit avec un arc, des flèches et une mauvaise paire de pistolets. — M. Smithson, que je vais laisser parler, me disait donc l’autre soir : « Cinq mois après, je me réveillai au bruit de tous les tambours de l’armée du roi ; un tintamarre affreux remplissait la ville. Je m’habille et descends dans la rue, où des hommes, des femmes, des enfants couraient en poussant des cris de joie. Je m’informai de la cause de tous ces bruits ; on me répondit que l’éléphant blanc arrivait. Curieux d’assister à la réception de ce grand et haut personnage, je me rendis à la porte de la ville que précède une place immense entourée d’arbres et de canaux ; la foule la remplissait. Sous un vaste dais, des officiers richement vêtus attendaient le monarque, qui a bientôt paru avec tous ses ministres et ses esclaves. On agitait devant lui un vaste éventail de plume. — L’éléphant sacré, arrivé la veille, avait passé la nuit sous une tente magnifique dont j’apercevais les banderoles. Peu après les gongs, les tambours, les cymbales retentirent avec leurs sons aigres et perçants. J’étais assez commodément placé. Un cortège de talapoins commença à défiler ; ces prêtres avaient l’air grave et s’avançaient lentement. Une triple rangée de soldats entourait le noble animal, qui avait un air maladif et marchait difficilement. — On cria à mes côtés : Voilà celui qui l’a pris. — Je regardai et vis un petit homme borgne et bossu qui tenait un des nombreux rubans dorés passés au cou de l’éléphant ; cet homme était mon domestique, Tungug-Poura. Le voilà donc gendre du roi. Il vint me voir un jour en palanquin et me parut fort content de sa nouvelle position. L’éléphant blanc qui a fait sa fortune se présenta à lui à cinquante journées de marche de Juthia, dans un marais où il était couché, abattu par une fièvre à laquelle les animaux de cette espèce sont sujets ; car leur couleur blanche est, comme on sait, le résultat d’une maladie. Tungug-Poura s’approcha de l’éléphant, le nettoya, versa de l’eau sur les plaies et les boutons du dos, et prodigua tellement ses soins et ses caresses à l’intelligente bête que celle-ci lécha Tungug de sa trompe et se mit à le suivre avec la docilité d’un petit chien. Tungug est ainsi parvenu, favorisé d’abord par un hasard presque inespéré, à s’emparer d’un éléphant blanc. Le pauvre bossu a maintenant des esclaves et possède la princesse dont le nom signifie en langue siamoise les yeux de la nuit. »
Éléphant-Dieu. Voy. Kosaks.
Elfdal, vallée des Elfes dans la Suède. Là on faisait subir des épreuves aux enfants qu’on voulait initier au sabbat. On les menaçait de les jeter dans des fondrières s’ils refusaient de renoncer à Dieu. Dans les procédures qui eurent lieu contre eux, plusieurs de ces enfants déclarèrent que souvent un ange blanc s’en venait au devant d’eux et leur défendait de faire ce que le démon leur demandait.
Elfes, génies Scandinaves. On croit aux bords de la Baltique qu’il y a un roi des Elfes, lequel règne à la fois sur l’île de Stern, sur celle de Mœ et sur celle de Rugen. Il a un char attelé de quatre étalons noirs. Il s’en va d’une île à l’autre en traversant les airs ; alors on distingue très-bien le hennissement de ses chevaux, et la mer est toute noire. Ce roi a une grande armée à ses ordres ; ses soldats ne sont autre chose que les grands chênes qui parsèment l’île. Le jour ils sont condamnés à vivre sous une écorce d’arbre ; mais la nuit ils reprennent leur casque et leur épée et se promènent fièrement au clair de la lune. Dans les temps de guerre, le roi les assemble autour de lui. On les voit errer au-dessus de la côte, et alors malheur à celui qui tenterait d’envahir le pays  ! La tradition des bons et des mauvais anges est sensible dans les fictions de l’Edda. Snorro Sterlason nous apprend que les elfes de la lumière, dont Ben Johnson a fait les esprits blancs de ses masques, séjournent dans Alf-Heim (demeure des Elfes), le palais du ciel, tandis que les swart elfs, elfs de la nuit, habitent les entrailles de la terre. Les premiers ne seront pas sujets à la mort ; car les flammes de Surtur ne les consumeront pas, et leur dernière demeure sera Vid-Blain, le plus haut ciel des bienheureux ; mais les swart elfs sont mortels et sujets à toutes les maladies, quels que soient d’ailleurs leurs attributs. — Les Islandais modernes considèrent aussi le peuple Elfe comme formant une monarchie, ou du moins ils le font gouverner par un vice-roi absolu qui, tous les ans, se rend en Norvège avec une députation de pucks (lutins), pour y renouveler son serment d’hommage-lige au souverain seigneur qui réside dans la mère patrie. Il est évident que les Islandais croient que les elfs sont, comme eux, une colonie transplantée dans l’île . Voy. Danses des esprits.
Elfland, le pays, l’île, le royaume des fées et des Elfes. Les fées et les Elfes, qui sont les fées du Nord, enlèvent quelquefois les enfants et les emportent dans l’Elfland pour le peupler. Quelques hommes faits y ont été transportés aussi, lorsqu’ils s’étaient endormis sur quelque montagne hantée par les fées ou les Elfes. Voy. Erceldoune.
Elf-Roi, le roi des Elfes. Voy. Nain-Laurin.
Elie, les Mages de Perse prétendent que Zoroastre, leur maître, a été un des disciples du prophète Elie, ou du moins que leurs ancêtres ont été instruits par les disciples des deux prophètes Elie et Elisée. Cette fable est fondée sur ce qu'Elie fit tomber le feu du ciel, et sur ce qu'il fut enlevé sur un chariot de feu, élément que les Mages regardent comme le principal objet de leur culte. Ils l’appellent Khizzer.
Élie de Worms, rabbin juif allemand, qui passait au treizième siècle pour un magicien très-habile.
Éligor, démon, le même qu’Abigor. Voy. Abigor.
Élinas, roi d’Albanie, père de Mélusine. Voy. Mélusine.
Élingsor. Dans le poème de Perceval, c’est un magicien qui descend de la famille de Virgile. Il est né dans la Calabre ; il est initié à la magie par des Juifs. Il bâtit sur une montagne un palais enchanté où l’on voit un lit qui fuit devant celui qui veut y monter et qui lui lance des flèches s’il y parvient. C’est un vieux conte populaire qui remonte au temps où les Sarrasins occupaient la Sicile et une partie du pays de Naples.
Élixir de vie. L’élixir de vie n’est autre chose, selon le Trévisan, que la réduction de la pierre philosophale en eau mercurielle ; on l’appelle aussi or potable. Il guérit toutes sortes de maladies et prolonge la vie bien au delà des bornes ordinaires. L’élixir parfait au rouge change le cuivre, le plomb, le fer et tous les métaux en or plus pur que celui des mines. L’élixir parfait au blanc, qu’on appelle encore huile de talc, change tous les métaux en argent très-fin.
Voici la recette d’un autre élixir de vie. Pour faire cet élixir, prenez huit livres de suc mercuriel ; deux livres de suc de bourrache, tiges et feuilles ; douze livres de miel de Narbonne ou autre, le meilleur du pays ; mettez le tout à bouillir ensemble un bouillon pour l’écumer ; passez-le par la chausse à hypocras et clarifiez le. Mettez à part infuser, pendant vingt-quatre heures, quatre onces de racine de gentiane coupée par tranches dans trois chopines de vin blanc, sur des cendres chaudes, agitant de temps en temps ; vous passerez ce vin dans un linge sans l’exprimer ; mettez cette colature dans lesdits sucs avec le miel, faisant bouillir doucement le tout et cuire en consistance de sirop ; vous le ferez rafraîchir dans une terrine vernissée, ensuite le déposerez dans des bouteilles que vous conserverez en un lieu tempéré, pour vous en servir, en en prenant tous les matins une cuillerée. Ce sirop prolonge la vie, rétablit la santé contre toutes sortes de maladies, même la goutte, dissipe la chaleur des entrailles ; et quand il ne resterait dans le corps qu’un petit morceau de poumon et que le reste serait gâté, il maintiendrait le bon et rétablirait le mauvais ; il guérit les douleurs d’estomac, la sciatique, les vertiges, la migraine et généralement les douleurs internes. Ce secret a été donné par un pauvre paysan de Calabre à celui qui fut nommé par Charles-Quint pour général de cette armée navale qu’il envoya en Barbarie. Le bonhomme était âgé de cent trente-deux ans, à ce qu’il assura à ce général, lequel était allé loger chez lui, et, le voyant d’un si grand âge, s’était informé de sa manière de vivre et de celle de plusieurs de ses voisins, qui étaient presque tous âgés comme lui .
On conte qu’un médecin charlatan apporta un jour à l’empereur de la Chine Li-kon-pan un élixir merveilleux et l’exhorta à le boire, en lui promettant que ce breuvage le rendrait immortel. Un ministre qui était présent, ayant tenté inutilement de désabuser le souverain, prit la coupe et but la liqueur. Li-kon-pan, irrité de cette hardiesse, condamna à mort le mandarin, qui lui dit d’un air tranquille : « Si ce breuvage donne l’immortalité, vous ferez de vains efforts pour me faire mourir ; et s’il ne la donne pas, auriez-vous l’injustice de me faire mourir pour un si frivole larcin ? » Ce discours calma l’empereur, qui loua la sagesse et la prudence de son ministre.
Éloge de l’enfer, ouvrage critique, historique et moral ; nouvelle édition ; la Haye, 1759, 2 vol. in-12, fig. — C’est un livre satirique très-pesamment écrit, dans un esprit très-médiocre.
Élossite, pierre qui a la vertu de guérir les maux de tête. On ne sait pas trop où elle se trouve.
Elpide, médecin qui vivait sous Théodoric, roi des Ostrogoths. Sa maison était hantée par des lutins qui lui jetaient souvent des pierres. Saint Césaire, d’Arles, étant venu à Ravenne, purifia cette maison avec de l’eau bénite, et dès lors elle ne fut plus infestée.
Elspeth-Rule, sorcière écossaise qui florissait en 1708. Elle était signalée comme faisant mourir ceux qui la priaient et guérissant ceux qui la maltraitaient.
Elxai ou Elcesai, chef des elcésaïtes, hérétique du deuxième siècle, qui faisait du Saint-Esprit une femme, et qui proposait une liturgie dont les prières étaient des jurements absurdes.
Emaguinguilliers, race de Géants, serviteurs d'Yamen, dieu de la mort, sont chargés de tourmenter les méchants dans les Enfers.
 Embarrer. Voy. Ligatures.
Embungala, un des Gangas ou prêtre du Congo. Il passe, chez les noirs de ces contrées, pour un si grand sorcier, qu'il peut, d'un coup de sifflet, faire venir devant lui qui bon lui semble, s'en servir comme d'un esclave, et le vendre même, s'il le juge à propos.
Emeraude, la superstition a longtemps attribué à cette pierre des vertus miraculeuses, telles entre autres, que celles d'empêcher les symptômes du mal caduc, et de se briser lorsque le mal était trop violent pour qu'elle pût le vaincre; de hâter l'enfantement, lorsqu'on l'attachait à la cuisse de la femme en travail. Enfin, la poudre de la franche émeraude arrêtait la dysenterie et remédiait aux morsures des animaux venimeux.
Les peuples de la vallée de Manta au Pérou adoraient une émeraude grosse comme un œuf d'autruche. On la montrait les jours de grande fête, et les Indiens accouraient de toutes parts pour voir leur déesse, et pour lui offrir des émeraudes. Les prêtres et les Caciques donnaient à entendre que la déesse était bien aise qu'on lui présentât ses filles, et par ce moyen, ils en amassèrent une grande quantité. Les Espagnols, au temps de la conquête du Pérou, trouvèrent toutes les filles de la déesse; mais les Indiens cachèrent si bien la mère qu'on n'a jamais pu savoir où elle était.
 Emma, fille de Richard II, duc de Normandie. Cette princesse épousa Ethelred, roi d’Angleterre, et en eut deux fils dont l’un régna après la mort de son père : c’est saint Édouard. Ce prince écouLait avec déférence les pieux avis de sa mère ; mais un ambitieux que l’histoire peint sous d’assez laides couleurs, Godwin, comte de Kent, qui était son ministre, et qui voyait avec peine son autorité partagée avec Emma, chercha à perdre cette princesse ; il l’accusa de différents crimes, et il eut l’adresse de faire appuyer son accusation par plusieurs seigneurs, mécontents comme lui du pouvoir d’Emma. Le roi dépouilla sa mère de toutes ses richesses. La princesse eut recours à Alvin, évêque de Winchester, son parent. Le comte de Kent, voulant écarter un protecteur aussi puissant, et ne reculant pas devant les moyens les « plus infâmes, accusa la princesse d’un commerce coupable avec ce prélat : cette odieuse accusation, appuyée impudemment par les ennemis de la princesse et du saint évêque, fit impression sur l’esprit d’Édouard : il eut la faiblesse de mettre sa mère en jugement ; elle fut condamnée à se purger par l’épreuve du feu. La coutume de ce temps-là en Angleterre voulait que l’accusé passât nu-pieds sur neuf contres de charrue rougis au feu ; et la condamnation portait qu’Emma ferait sur ces coutres neuf pas pour elle-même et cinq pour l’évêque de Winchester. Elle employa en prières la nuit qui précéda cette périlleuse épreuve ; puis raffermie, elle marcha sur les neuf coutres, au milieu de deux évoques, habillée comme une simple bourgeoise et les jambes nues jusqu’aux genoux. Le feu ne lui fit aucun mal ; de sorte que son innocence fut reconnue.
Émodès, l’un des démons qui possédaient Madeleine de la Palud.
Émole, génie que les basilidiens invoquaient dans leurs cérémonies magiques.
Empuse, démon de midi. Aristophane, dans sa comédie des Grenouilles, le représente comme un spectre horrible, qui prend diverses formes, de chien, de femme, de bœuf, de vipère, qui a le regard atroce, un pied d’âne et un pied d’airain, une flamme autour de la tête, et qui ne cherche qu’à faire du mal. Les paysans grecs et russes ont conservé des idées populaires attachées à ce monstre ; ils tremblent au temps des foins et des moissons à la seule pensée de l’Empuse, qui, dit-on, rompt bras et jambes aux faucheurs et aux moissonneurs, s’ils ne se jettent la face en terre lorsqu’ils l’aperçoivent. On dit même en Puissie que l’Empuse et les démons de midi, qui sont soumis à cet horrible fantôme, parcourent quelquefois les rues à midi en habits de veuve et rompent les bras à ceux qui osent les regarder en face. Le moyen de conjurer l’Empuse et de s’en faire obéir chez les anciens, c’était de lui dire les plus grandes injures. Chacun a ses goûts.
Énarque. Il revint de l’autre monde (ou d’une syncope) après avoir passé plusieurs jours en enfer, et raconta à Plutarque lui-même tout ce qui concernait Pluton, Minos, Éaque, les Parques, etc.
Encelade, géant redoutable, fils de Tartare ou du Titan, et de la Terre. Voyant les dieux victorieux, il prenait la fuite, lorsque Minerve l'arrêta en lui opposant la Sicile, et Jupiter le couvrit du poids énorme de l'Etna. C'est lui dont l'haleine embrasée exhale les feux que lance le volcan: lorsqu'il essaie de se retourner, il fait trembler la Sicile, et une épaisse fumée obscurcit l'air d'alentour. C’est là cette mythologie que Boileau admirait.
Encens. « En la région Sachalite, qui n’est autre que le royaume de Tartas, l’encens qui s’y recueillait se mettait à grands monceaux en certaine place, non loin du port où les marchands abordaient. Cet encens n’était gardé de personne, parce que le lieu était assez gardé des démons ; et ceux qui abordaient près de la place n’eussent osé, en cachette ni ouvertement, prendre un seul grain d’encens et le mettre en leur navire sans la licence et permission expresse du prince ; autrement leurs navires étaient retenus parla puissance secrète des démons, gardiens de l’encens et ne pouvaient se mouvoir ni partir du port. »
Enchantements. On entend par enchantement l’art d’opérer des prodiges par des paroles chantées ; mais on a beaucoup étendu le sens de ce mot.
On voyait, au rapport de Léon l’Africain, tout au haut des principales tours de la citadelle de Maroc, trois pommes d’or d’un prix inestimable, si bien gardées par enchantement, que les rois de Fez n’y ont jamais pu toucher, quelques efforts qu’ils aient faits. Ces pommes d’or ne sont plus.
Marc Paul conte que les Tartares, ayant pris huit insulaires de Zipangu, avec qui ils étaient en guerre, se disposaient à les décapiter ; mais ils n’en purent venir à bout, parce que ces insulaires portaient au bras droit, entre cuir et chair, une petite pierre enchantée qui les rendait insensibles au tranchant du cimeterre : de sorte qu’il fallut les assommer pour les faire mourir. Voy. Paroles magiques, Charme, Fascination, Tour enchantée, etc.
On entend souvent par enchantement quelque chose de merveilleux. Les arts ont aussi produit des enchantements, mais naturels, et regardés comme œuvre de magie par ceux-là seuls qui attribuent à la magie tout ce qui est extraordinaire. — M. Van Estin, dit Decremps dans sa Magie blanche dévoilée, nous fit voir son cabinet de machines. Nous entrâmes dans une salle bien éclairée par de grandes fenêtres pratiquées dans le dôme. — Vous voyez, nous dit-il, tout ce que j’ai pu rassembler de piquant et de curieux en mécaniques. Cependant nous n’apercevions de tous côtés que des tapisseries sur lesquelles étaient représentées des machines utiles, telles que des horloges, des pompes, des pressoirs, des moulins à vent, des vis d’Archimède, etc.
— Toutes ces pièces ont apparemment beaucoup de valeur, dit en riant M. Hill ; elles peuvent récréer un instant la vue ; mais il paraît qu’elles ne produiront jamais de grands effets par leurs mouvements. M. Van Estin répondit par un coup de sifflet. Aussitôt les quatre tapisseries se lèvent et disparaissent ; la salle s’agrandit et nos yeux éblouis voient ce que l’industrie humaine a inventé de plus étonnant. D’un côté des serpents qui rampent, des fleurs qui s’épanouissent, des oiseaux qui chantent ; de l’autre, des cygnes qui nagent, des canards qui mangent et qui digèrent, des orgues jouant d’elles-mêmes, et des automates qui touchent du clavecin.
M. Van Estin donna un second coup de sifflet, et tous les mouvements furent suspendus.
Un instant après nous vîmes un canard nageant et barbotant dans un vase, au milieu duquel était un arbre. Plusieurs serpents rampaient autour du tronc et allaient successivement se cacher dans les feuillages. Dans une cage voisine étaient deux serins qui chantaient en s’accompagnant, un homme qui jouait de la flûte, un autre qui dansait, un petit chasseur et un sauteur chinois, tous artificiels et obéissant au commandement. Voy. Brioché, etc.
Enchiridion. Voy. Léon III.
Encre. Divination par la goutte d’encre. Voy. Harvis.
Endor (Pythonisse d’). Voy. Pythonisse.
Énergumène. On appelle énergumènes ceux qui sont possédés du démon. Voy. Possession.
Enfants. Croirait-on que des savants en démence et des médecins sans clientèle ont recherché les moyens de s’assurer du sexe d’un enfant qui n’était pas né, et qu’on a fait autour de ce thème absurde des livres niais qui trouvent de niais lecteurs ? Voy. Sexe.
Enfants du diable. Voy. Gambions.
Enfants volés par les fées. On prétend dans le Nord que les fées enlèvent quelquefois les enfants qui leur plaisent et leur substituent de petits monstres nés d’elles. Pour les forcer à rendre l’enfant qu’elles ont pris, on expose l’enfant substitué sur une pelle et on le tourmente cruellement. En Danemark la mère chauffe le four et met l’enfant sur la pelle en menaçant de le lancer dans la flamme, ou bien elle le fouette avec des verges, elle le jette dans la rivière. En Suède et en Irlande on l’expose à la porte sur une pelle. Quelquefois on lui fait boire une potion de coquilles d’œufs. Dans le Glossaire provincial de Grose, on voit la mère d’un enfant volé casser une douzaine d’œufs et placer les vingt-quatre demi-coquilles devant l’enfant substitué, qui s’écrie : J’avais sept ans quand on me mit en nourrice, quatre ans se sont passés depuis, et je n’ai jamais vu de petits pots aussi blancs. » Le changement d’un enfant est toujours fait avant le baptême. Le moyen de prévenir ce malheur est de faire une croix sur la porte et sur le berceau, de mettre un morceau de fer auprès de l’enfant, de laisser une lumière allumée. En Thuringe on suspend au mur les culottes du père . En Écosse on attribue le même crime de rapt aux elfes, et quand un enfant est sourd, muet, aveugle ou contrefait, ou le croit substitué.
Les sorcières, ce que les procédures ont établi, enlevaient aussi des enfants, ou pour les affilier au diable ou pour les lui sacrifier. Voy. Elfdal.
Enfants dans la divination. Voy. Harvis.
Enfers, lieux inférieurs où les méchants subissent après leur mort le châtiment dû à leurs crimes. Nier qu’il y ait des peines et des récompenses après le trépas, c’est nier l’existence de Dieu, puisqu’il ne peut être que nécessairement juste. Mais les tableaux que certains poètes et d’autres écrivains nous ont faits des enfers ont été souvent les fruits de l’imagination. On doit croire ce que l’Église enseigne, sans s’égarer dans des détails que Dieu n’a pas jugé à propos de révéler. Les anciens et la plupart des modernes placent les enfers au centre de la terre. Le docteur Swinden, dans ses recherches sur le feu de l’enfer, prétend que l’enfer est dans le soleil, parce que le soleil est le feu perpétuel. Quelques-uns ont ajouté que les damnés entretiennent ce feu dans une activité continuelle, et que les taches qui paraissent dans le disque du soleil après les grandes catastrophes ne sont produites que par l’encombrement.
Il serait très-long de rapporter les sentiments des différents peuples sur l’enfer . Les Druses disent que tout ce qu’on mangera dans les enfers aura un goût de fiel et d’amertume, et que les damnés porteront sur la tête, en signe d’une éternelle réprobation, un bonnet de poil de cochon d’un pied et demi de long.
Ce que nous savons positivement, c’est que l’enfer a été fait pour les démons et pour ceux qui les suivent.
Enflure. L’enflure du corps est un symptôme de la possession. Un moine fut possédé au couvent de l’abbé Baithin, successeur de saint Colomban, en Écosse. Il était tout enflé. L’abbé offrit pour lui le saint sacrifice, le fit amener dans l’église et chassa le démon. Au moment où le démon sortit, l’enflure disparut tout à coup et la peau parut collée sur les os. Souvent l’enflure est mobile et passe d’une partie du corps à une autre, affectant diverses formes.
Engagements du sabbat. L’initié s’oblige par d’horribles serments à faire tout le contraire de ce que prescrit l’Église, à détruire tout ce qui est sacré, à séduire au moins une fois par mois un chrétien pour l’attacher au démon, à lui amener des enfants, en un mot à reculer devant tout ce qui est bien et à faire avec zèle tout ce qui est réprouvé. Ces excès ont été avoués dans presque toutes les procédures.
Engastrimisme, art des ventriloques. On l’attribuait autrefois à la magie.
Engastrimithes ou Engastrimandres, devins dont les ventres prophétiques prononçaient des oracles.
Prêtresses d'Apollon, rendaient les oracles sans remuer les lèvres. Les ventriloques de nos jours en ont donné une idée suffisante. Voy. Ventriloque, Cécile, etc.
Engelbrecht (Jean), visionnaire allemand, mort en 1642. Il était protestant et d’un naturel si mélancolique qu’il tenta souvent de s’ôter la vie. Un soir, vers minuit, il lui sembla que son corps était transporté, et il arriva à la porte de l’enfer où régnait une obscurité profonde, et d’où s’exhalait une puanteur à laquelle il n’y a rien à comparer sur la terre. De là il fut conduit en paradis. Quand il en eut goûté les délices, un ange le renvoya sur la terre, et il raconta sa vision. Il en eut d’autres ; il entendit pendant quarante nuits une musique céleste si harmonieuse qu’il ne put s’empêcher d’y joindre sa voix. Parcourant la basse Saxe, il prêchait, disait-il, comme il en avait reçu l’ordre d’en haut. Un jour qu’il racontait ses extases, il dit qu’il avait vu les âmes des bienheureux voltiger autour de lui, sous la forme d’étincelles, et que voulant se mêlera leur danse,
il avait pris le soleil d’une main et la lune de l’autre. Ces absurdités ne l’empêchèrent pas de faire des prosélytes parmi les réformés. Il a laissé divers volumes : 1° Véritable vue et histoire du ciel, Amsterdam, 1690, in-4° : c’est le récit de son excursion en enfer et en paradis ; 2° Mandat et ordre divin et céleste délivrés par la chancellerie céleste, Brème, 1625, in-4° ; cet écrit manque dans le recueil intitulé Œuvres, visions et révélations de Jean Engelbrecht, Amsterdam, 1680.
Énigme. On lit dans de vieilles histoires de Naples que, sous le règne de Robert Guiscard, on trouva une statue qui avait eu la tête dorée, et sur laquelle était écrit : Aux calendes de mai, quand le soleil se lèvera, j’aurai la tête toute d’or. Robert chercha longtemps à deviner le sens de cette énigme ; mais ni lui ni les savants de son royaume ne purent la résoudre. Un prisonnier de guerre sarasin promit de l’interpréter si on lui accordait la liberté sans rançon. Il avertit donc le prince d’observer aux premiers jours de mai l’ombre de la tête de la statue au lever du soleil, et de faire bêcher la terre à l’endroit où tomberait cette ombre. Robert suivit ce conseil et trouva de grands trésors, qui lui servirent dans ses guerres d’Italie. Il récompensa le Sarasin, non seulement en lui accordant la liberté, mais en lui donnant de bonnes sommes.
Il y a beaucoup d’énigmes dans les divinations. On peut voir le traité des énigmes du père Ménestrier, de la compagnie de Jésus, intitulé la Philosophie des images énigmatiques, où il est traité des énigmes, hiéroglyphes, oracles, prophéties, sorts, divinations, loteries, talismans, songes, centuries de Nostradamus, et de la baguette. Lyon, 1694, in-12.
Enlèvement. Nous ne parlons ici que de ceux qui ont été enlevés par le diable. Une Allemande avait contracté l’habitude de jurer et de dire des mots de corps de garde. Elle fut bientôt prise pour modèle par quelques femmes de son pays, et il fallut un exemple qui arrêtât le désordre. Un jour qu’elle prononçait avec énergie ces paroles qui sont tristes, surtout dans la bouche d’une femme : Que le diable m’emporte !… le diable arriva en hussard et l’emporta . On lit en beaucoup de livres qu’un certain comte de Mâcon, homme violent et impie, exerçait une espèce de tyrannie contre les ecclésiastiques et contre ce qui leur appartenait, sans se mettre en peine de cacher ni de colorer ses violences. Un jour qu’il était assis dans son palais, bien accompagné, on y vit entrer un inconnu à cheval, qui s’avança jusqu’auprès du comte, et lui dit : — Suivez-moi, j’ai à vous parler : — Le comte suit l’étranger, entraîné par un pouvoir surnaturel. Lorsqu’il arrive à la porte, il trouve un cheval, préparé, le monte et il est transporté dans les airs, criant d’une voix terrible à ceux qui étaient présents : — À moi ! au secours !… On le perdit de vue, et on ne put douter que le diable ne l’eût emporté . Dans la même ville, il y eut un bailli qui fut aussi enlevé par le diable à l’heure de son dîner et porté trois fois autour de Mâcon, à la vue de tous les habitants, qui assurent ne l’avoir pas vu revenir . Ce fait est raconté par un protestant. Voy. Agrippa, Carlostad, Gabrielle d’Estrées, Luther, etc., etc.
Ennoïa, la suprême intelligence chez quelques disciples de Simon le Magicien. Voy. Ménandre.
Énoch. Voy. Hénoch.
Enrico, comte allemand qui reparut en fantôme. Voy. Armées prodigieuses.
Enrôleurs de Satan. Ceux qui s’engagent au diable s’obligent à lui amener des recrues ; comme il se fait au reste dans toute société secrète. Voy. Engagements.
Ensalmadores. Voy. Saludadores.
Ensoph, dieu suprême de la cabale juive. Il est caché dans les plus profonds abîmes de l’être. Il est tout, et pourtant il n’est rien de ce qui est. C’est lui qui a tout créé par Menra, qui est son verbe. Et Menra a produit les trois grands séphiroths ; de ces trois sont sortis les séphiroths inférieurs. Ensoph s’est manifesté dans les dix sphères qui composent l’univers ; ses émanations s’étendent sur les quatre mondes, depuis les esprits les plus hauts jusqu’à la matière la plus infime. Dans ces émanations se trouvent diverses séries d’esprits ou démons que l’on rencontre partout ; des esprits particuliers sont chargés de surveiller les soixante-dix peuples. De ces esprits, les uns sont des esprits de lumière qui ont pour chef suprême Jézer-Job ; les autres sont des esprits de ténèbres qui obéissent à Jézer-Hara. Trois intelligences supérieures, Métraton, Sandalphon et Acatries, président les phalanges des bons esprits, qui se partagent en dix chœurs et ont pour séjours les trois cieux et les sept planètes. Le chef des esprits mauvais est Samaël ou Satan, qui a pour lieutenants Asmodée et Bédargon, et pour ministres les Schédim, les Sayrim, les Malache-Chabbalah. Ces mauvais esprits ou démons ont domicile dans les sept régions de l’enfer. Les esprits de la nature (sans doute les fées, les elfes, les follets et toutes les espèces de ce genre), sont dispersés entre les bons et les mauvais esprits des séjours invisibles. Ils pullulent dans notre atmosphère et se montrent à l’occasion .
Ensorcellement. Bien des gens se sont crus ensorcelés, qui n’étaient que le jouet de quelque hallucination. On lisait ce fait dans le Journal des Débats du 5 mars 1841. — « Il y a trois jours, M. Jacques Coquelin, demeurant rue du Marché Saint-Jean, n° 21, à Paris, logé au troisième étage, rentrait chez lui vers onze heures du soir, la tête échauffée par le vin. Arrivé sur le palier du deuxième étage, il se croit dans son domicile ; il se déshabille tranquillement, jette une à une ses bardes par une large fenêtre donnant sur la cour et que dans son ivresse il prend pour son alcôve ; puis il se fait un bonnet de nuit avec sa cravate, et n’ayant plus que sa chemise sur le corps il se lance lui-même par la fenêtre, croyant se jeter sur son lit… Ce ne fut que le lendemain vers six heures du matin que les autres habitants de la maison s’aperçurent de ce malheureux événement. Le corps de l’infortuné Coquelin était étendu sans mouvement sur les dalles de la cour. Pourtant cet homme, âgé seulement de vingt-sept ans et doué d’une grande force physique, n’était pas mort, quoique son corps fût horriblement mutilé. Transporté chez lui, il vécut deux jours encore ; mais son état était désespéré, et il expira après soixante heures des plus cruelles souffrances. » — Dans d’autres temps ou dans d’autres pays, on eût vu là un ensorcellement. Voy. toutefois Sortilèges, Paroles, Bergers, etc., etc.
Enterrés vivants. Voy. Vampire, à la fin.
Enthousiastes. On a donné ce nom à certains sectaires qui, étant agités du démon, se croyaient inspirés.
Énus. Voy. Gunem.
Envie (L’), péché capital qui réjouit le démon, parce qu’il offense Dieu.
Envoûtement. Les sorciers font, dit-on, la figure en cire de leurs ennemis, la piquent, la tourmentent, la fondent devant le feu, afin que les originaux vivants et animés ressentent les mêmes douleurs. C’est ce que l’on appelle envoûter, du nom de la figure, vols ou voult. Voy. Vols.
Éon de l’Étoile. Dans le douzième siècle, un certain Éon de l’Étoile, gentilhomme breton, abusant de la manière dont on prononçait ces paroles : Per eum qui venturus est (on prononçait per Eon), prétendit qu’il était le fils de Dieu qui doit venir juger les vivants et les morts, se donna pour tel, eut des adhérents qu’on appela Éoniens, et qui se mirent, comme tous les novateurs, à piller les églises et les monastères.
Éons. Selon les gnostiques, les Éons sont les êtres vivants et intelligents que nous appelons des esprits. Les Grecs les nommaient démons ; ce mot a le même sens. Ces Éons prétendus étaient ou des attributs de Dieu personnifiés, ou des mots hébreux Lires de l’Écriture, ou des mots barbares forgés à discrétion. Ainsi de Pléroma, la plénitude ou la divinité, sortaient Sophia, la sagesse ; Nous, l’intelligence ; Sigé, le silence ; Logos, le verbe ; Achamoth, la prudence, etc. L’un de ces Éons avait formé le monde, l’autre avait gouverné les Juifs et fabriqué leur loi, un troisième était venu parmi les hommes sous le nom de Fils de Dieu ou de Jésus-Christ. Il n’en coûtait rien pour les multiplier ; les uns étaient mâles et les autres femelles, et de leurs mariages il était sorti une nombreuse famille. Les Éons étaient issus de Dieu par émanation et par nécessité de nature. Les inventeurs de ces rêveries disaient encore que l’homme a deux âmes, l’une sensitive qu’il a reçue des Éons, et l’autre intelligente et raisonnable que Dieu lui a donnée pour réparer les bévues des Éons maladroits .
Épaule de mouton. Giraud, cité par M. Gautrel, dans son mémoire sur la part que les Flamands prirent à la conquête de l’Angleterre par les Normands, dit que les Flamands qui vinrent en Angleterre connaissaient l’avenir et le passé par l’inspection de l’épaule droite d’un mouton, dépouillée de la viande non rôtie, mais cuite à l’eau : « Par un art admirable et vraiment prophétique, ajoute le même écrivain, ils savent les choses qui dans le moment même se passent loin d’eux ; ils annoncent avec la plus grande certitude, d’après certains signes, la guerre et la paix, les massacres et les incendies, la maladie et la mort du roi. C’est à tel point qu’ils prévirent un an auparavant le bouleversement de l’État après la mort de Henri Ier, vendirent tous leurs biens et échappèrent à la ruine en quittant le royaume avec leurs richesses. » — Pourtant on voit dans les historiens du temps que ce fait avancé par Giraud n’est pas exact, et qu’il arriva au contraire à ces Flamands beaucoup de choses qu’ils n’avaient pas prévues.
Éphialtes ou Hyphialtes, Éphélès, nom grec du cauchemar. Les Éoliens donnaient ce nom à une sorte de démons incubes qui étouffent .
Épicure. « Qui pourrait ne pas déplorer le sort d’Épicure, qui a le malheur de passer pour avoir attaché le souverain bien aux plaisirs des sens, et dont à cette occasion on a flétri la mémoire ? Si l’on fait réflexion qu’il a vécu soixante dix ans, qu’il a composé plus d’ouvrages qu’aucun des autres philosophes, qu’il se contentait de pain et d’eau, et que quand il voulait dîner avec Jupiter, il n’y faisait ajouter qu’un peu de fromage, on reviendra bientôt de cette fausse prévention. Que l’on consulte Diogène Laërce, on trouvera dans ses écrits la vie d’Épicure, ses lettres, son testament, et l’on se convaincra que les faits que l’on avance contre lui sont calomnieux. Ce qui a donné lieu à cette erreur, c’est que l’on a mal pris sa doctrine ; en effet, il ne faisait pas consister la félicité dans les plaisirs du corps, mais dans ceux de l’âme, et dans la tranquillité que selon lui on ne peut obtenir que de la sagesse et de la vertu . » Voilà ce que disent quelques critiques combattus par d’autres.
Épidémies démoniaques. Voy. Bourignon, Orphelines d’Amsterdam, Kentorp, etc.
Épilepsie. Les rois d’Angleterre ne guérissaient pas seulement les écrouelles ; ils bénissaient encore des anneaux qui préservaient de la crampe et du mal caduc. Cette cérémonie se faisait le vendredi saint. Le roi, pour communiquer aux anneaux leur vertu salutaire, les frottait entre ses mains. Ces anneaux, qui étaient d’or ou d’argent, étaient envoyés dans toute l’Europe comme des préservatifs infaillibles ; il en est fait mention dans différents monuments anciens . Il y a d’autres moyens naïfs de traiter l’épilepsie, qui n’obligent pas à passer la mer. On croyait en guérir chez nos aïeux en attachant au bras du malade un clou tiré d’un crucifix. La même cure s’opérait en lui mettant sur la poitrine ou dans la poche les noms des trois mages, Gaspar, Balthazar, Melchior. Cette recette est indiquée dans des livres anciens :
Gaspar fert myrrham, Unis Melchior, Balthazar aurum,
Hœc tria qui secum portabit nomina regum
Solvitur a morbo, Christi a pietate, caduco.
Mais il y a encore bien d’autres remèdes. Le Journal du Cateau publiait dernièrement, sous le titre d’une tradition suédoise, les faits que voici : « Dans ce pays de Suède que j’habite depuis peu, la peine de mort consiste en la décollation par le moyen d’une hache, et à cet effet la tête du patient est posée sur un billot devant lequel on creuse une fosse où la tête tombe après avoir été coupée, et où l’on jette aussi le corps du supplicié ; après quoi on la remplit de manière qu’il n’en reste aucune trace à la surface du sol. Or, il existe parmi le peuple suédois une croyance déplorable ; à savoir, que le sang d’une personne décapitée, pris comme médicament interne, guérit radicalement l’épilepsie ; et ce qui est encore plus déplorable, c’est que l’autorité, d’après un usage immémorial, permette ou tolère que les spectateurs des exécutions recueillent ce sang. Dans une exécution qui a eu lieu ces jours-ci, après que la tête du criminel eut été séparée du corps, une paysanne d’un âge mûr, atteinte du haut mal, se précipita vers le lieu du supplice avec un morceau de pain à la main, pour le tremper dans le sang qui jaillissait du cadavre ; mais au moment où elle allait consommer cet acte, elle fut frappée d’une attaque de sa cruelle maladie, et elle tomba roide morte dans la fosse où venait de rouler la tête ensanglantée. Cet effet a produit sur l’opinion égarée un grand mouvement. La foule semblait frappée de terreur. Alors l’autorité, profitant de cette épouvante, s’est empressée de faire comprendre au public, par des affiches qui défendent à l’avenir un pareil usage, combien Dieu le réprouvait, puisqu’il le punissait de mort subite et faisait tomber les deux cadavres dans la même fosse. »
Épona, déesse des écuries chez les Romains. Son image était honorée dans les étables. Elle avait eu pour père Fulvius Stellus et pour mère une jument.
Époques diaboliques. On donna ce nom aux temps déplorables où la recrudescence des sorciers a produit le plus d’horreurs. Les manichéens albigeois ont présenté au treizième siècle une de ces époques sinistres. Le seizième siècle a vu renaître dans la guerre des paysans, dans les atrocités des premiers anabaptistes et ailleurs, une de ces époques. La guerre de trente ans, dont le héros était un manichéen affilié aux sociétés infernales, a failli jeter l’Europe dans la barbarie. Les triomphes de la philosophie séparée se sont presque toujours clos par un retour aux choses de Satan. Les Etats-Unis sont aujourd’hui avec leur spiritisme à une de ces époques que nous signalons.
Épreuves. L’épreuve gothique qui servait à reconnaître les sorciers a beaucoup de rapport avec la manière judicieuse que le peuple emploie pour s’assurer si un chien est enragé ou ne l’est pas. La foule se rassemble et tourmente autant que possible le chien qu’on accuse de rage. Si l’animal dévoué se défend et mord, il est condamné d’une voix unanime d’après ce principe, qu’un chien enragé mord tout ce qu’il rencontre. S’il tâche au contraire de s’échapper et de fuir à toutes jambes, l’espérance de salut est perdue sans ressource ; on sait de reste qu’un chien enragé court avec force et tout droit devant lui sans se détourner. La sorcière soupçonnée était plongée dans l’eau, les mains et les pieds fortement liés ensemble. Surnageait-elle, on l’enlevait aussitôt pour la précipiter dans un bûcher comme convaincue d’être criminelle, puisque l’eau des épreuves la rejetait de son sein. Enfonçait-elle, son innocence était dès lors irréprochable ; mais cette justification lui coûtait la vie .
Il y avait bien d’autres épreuves. Celle de la croix consistait généralement, pour les deux adversaires, à demeurer les bras étendus devant une croix, celui qui s’y tenait le plus longtemps gagnait sa cause. Mais le plus souvent les épreuves judiciaires se faisaient autrefois par l’eau ou le feu. Voy. Eau bouillante, Cercueil, Fer chaud, Ordalie, etc.
Épreuves du Sabbat. Voy. Elfdal.
Érard, vieillard de Césarée, dont la fille fut ensorcelée par un valet lui-même possédé. Saint Basile les délivra .
Erceldoune. Les aventures merveilleuses de Thomas d’Erceldoune sont l’une des plus vieilles légendes de fées que l’on connaisse. Thomas d’Erceldoune, dans le Lauderdale, surnommé le Rimeur, parce qu’il avait composé un roman poétique sur Tristan et Yseult, roman curieux comme l’échantillon de vers anglais le plus ancien qu’on sache exister, florissait sous le règne d’Alexandre III d’Écosse. Ainsi que d’autres hommes de talent à cette époque, Thomas fut soupçonné de magie. On disait aussi qu’il avait le don de prophétiser, parce qu’il était entré un jour, dans le royaume des fées .
Erèbe, fils du Chaos et de la Nuit, père de l'Ether et du Jour, fut métamorphosé en fleuve, et précipité dans les Enfers, pour avoir secouru les Titans. Il se prend aussi pour une partie de l'Enfer et pour l'Enfer même. Il y avait un sacerdoce particulier pour les âmes qui étaient dans l'Erèbe.
Ergenna, devin d’Étrurie dans l’antiquité.
Eric au chapeau venteux. On lit dans Hector de Boèce que le roi de Suède Éric ou Henri, surnommé le Chapeau venteux, faisait changer les vents, en tournant son bonnet ou chapeau sur sa tête, pour montrer au démon avec qui il avait fait pacte de quel côté il les voulait ; et le démon était si exact à donner le vent que demandait ; le signal du bonnet, qu’on aurait pu en toute sûreté prendre le couvre-chef royal pour une girouette.
Erichtho, sorcière qui, dans la guerre entre César et Pompée, évoqua un mort lequel prédit toutes les circonstances de la bataille de Pharsale .
Erles, esprits ou génies qui donnent la peur en Allemagne. Goethe a fait sur eux une ballade.
Erleursortok, le diable au Groenland. Il est toujours aux aguets, et il se jette sur toute âme qui s’échappe de sa prison mortelle ; habituellement il la dévore, car il a toujours faim.
Erlik ou Erlig. Les Kalmouks croient que tout désastre leur est causé par un mauvais génie nommé Erlik ou le diable, qui, avec son nez en trompe, flaire les mourants. Dès qu’un malade n’offre plus d’espoir, les guéloungs (leurs prêtres) ont recours à l’expédient du rachat, en présentant à l’Erlik, qui s’obstine à ne pas se montrer, une poupée d’argile comme offrande. Pour conserver la vie d’un kan ou de quelque autre chef important, si l’opiniâtreté de la maladie prouve clairement que l’Erlik est décidé à s’emparer du malade, on cherche parmi ses subordonnés un individu qui, par attachement, soit disposé à se sacrifier pour lui. Des exemples d’un pareil dévouement ne sont pas rares chez les Kalmouks. Celui qui se détermine à sauver des griffes de l’Erlik un chef atteint d’une affection mortelle reçoit le nom, les habillements les plus riches et l’armure complète du malade ; on tâche de lui donner extérieurement la plus grande ressemblance avec lui ; il monte son cheval favori, couvert d’une selle brillante ; et aux sons guerriers de la trompette et d’autres instruments, escorté par le peuple et les guéloungs qui font les prières prescrites pour un tel cas, il est conduit autour de l’houroul (temple de l’idole), et puis on le poursuit à grands cris comme un andyne (exclu). L’andyne peut cependant se naturaliser dans un autre oulousse (village) ; il peut même s’y marier ; mais il conserve le nom d’andyne et le transmet à ses enfants. Toutefois cet usage se perd, et on substitue des andynes d’argile ou de farine aux andynes vivants. — Indépendamment de ces artifices, les guéloungs se servent d’autres expédients. Dans le but de satisfaire leur avidité, ils réussissent quelquefois à persuader au malade que son âme s’est déjà séparée du corps, et qu’il faut attribuer aux derniers efforts de sa force vitale ce qui lui reste encore de connaissance et de respiration. Cependant ils lui laissent l’espoir qu’il est possible de réunir son âme à son corps, alors que l’infortuné offre tout ce qu’il possède pour prolonger ses jours. Le guéloung semble faire des efforts pour rappeler l’âme, d’abord en faisant entendre le son d’instruments à vent ; puis il sort de la kibithé (tente), fait des signes à l’âme qui s’enfuit et l’invite en lui criant : « Reviens sur tes pas, si tu ne veux être dévorée par les loups. » Le malade, flottant entre la crainte et l’espérance, demande le résultat de ces efforts, et le guéloung répond : « Tout va bien ; l’âme se montre déjà dans le lointain et semble disposée à revenir. » Il continue ainsi à flatter son malade jusqu’à sa mort ou jusqu’à son rétablissement. Dans ce dernier cas il le félicite de l’heureux retour de son âme ; mais si l’événement est contraire, il assure aux parents du défunt que l’âme était sur le point de revenir, quand le méchant Erlik employa un artifice inattendu qu’il raconte en détail.
Si dans une maladie grave un homme tombe dans le délire et prononce des paroles inintelligibles, les assistants ne manquent pas de croire que l’Erlik le tourmente et veut lui ravir son âme. Alors ils font non-seulement dans la kibithé, mais aussi au dehors, un bruit effroyable ; ceux qui se trouvent auprès du malade s’arment de tout ce qui leur tombe sous les mains, courent de tous les côtés en jetant de grands cris, frappent l’air et s’efforcent de chasser le mauvais génie, encouragés d’ailleurs par l’exemple et les exhortations des guéloungs.
Erlik-Khan, prince des enfers ; il a une tête de buffle ornée de cornes et un collier de crânes autour du cou. Quelquefois il prend une tête d’homme, car il en a deux à son usage. Quand il fait l’homme, il tient dans l’une de ses quatre au pays mains un sceptre surmonté d’une tête de mort. Sa femme s’appelle Samorindo ou Samoundo.
Éroconopes, peuples imaginaires que Lucien représente comme d’habiles archers, montés sur des moucherons monstres.
Érocordacès, autre peuple imaginaire que le même auteur représente combattant avec des raves en guise de flèches.
Eromantie, une des six espèces de divination pratiquées chez les Perses par le moyen de l'air. Ils s'enveloppaient la tête avec une serviette, exposaient à l'air un vase rempli d'eau, et proféraient à voix basse l'objet de leurs vœux. Si l'eau venait à bouillonner, c'était un pronostic heureux qui assurait l'accomplissement des désirs exprimés.
Érotylos, pierre fabuleuse dont Démocrite et Pline après lui vantent la propriété pour la divination.
Erouniakcha. Dans la mythologie hindoue, c’est un fils de Diti, mère des génies malfaisants. Un jour il prit le monde et le jeta dans la mer. Nous ne chargeons pas, nous copions. Vishnou irrité revêtit pour le combattre la forme d’un sanglier ; ce qui est sa troisième incarnation. Il éventra le fils de Diti et remit le monde à sa place. Voilà des dogmes !
Erreurs populaires. Lorsque le Dante publia son Enfer, la simplicité de son siècle le reçut comme une véritable narration de sa descente dans les sombres manoirs. À l’époque où l’utopie de Thomas Morus parut pour la première fois, elle occasionna une plaisante méprise. Ce roman poétique donne le modèle d’une république imaginaire dans une île qui est supposée avoir été nouvellement découverte en Amérique. Comme c’était le siècle, dit Granger, Budé et d’autres écrivains prirent le conte pour une histoire véritable et regardèrent comme une chose importante qu’on envoyât des missionnaires dans cette île. — Ce ne fut que longtemps après la publication des Voyages de Gulliver, par Swift, qu’un grand nombre de ses lecteurs demeurèrent convaincus qu’ils étaient fabuleux .
Érus ou Er, fils de Zoroastre. Platon assure qu’il sortit de son tombeau douze jours après avoir été brûlé sur un bûcher, et qu’il conta beaucoup de choses sur le sort des bons et des méchants dans l’autre monde.
Escalibor, épée merveilleuse du roi Arthus.
Escamotage. On l’a pris quelquefois pour la sorcellerie ; le diable, dit Leloyer, s’en est souvent mêlé. Delrio (liv. II, quest.) rapporte qu’on punit du dernier supplice, à Trêves, une sorcière très-connue qui faisait venir le lait de toutes les vaches du voisinage en un vase placé dans le mur. Sprenger assure pareillement que certaines sorcières se postent la nuit dans un coin de leur maison, tenant un vase devant elles ; qu’elles plantent un couteau ou tout autre instrument dans le mur ; qu’elles tendent la main pour traire, en invoquant le diable, qui travaille avec elles à traire telle ou telle vache qui paraît la plus grasse et la mieux fournie de lait ; que le démon s’empresse de presser les mamelles de la vache et de porter le lait dans l’endroit où se trouve la sorcière, qui l’escamote aussi. Dans nos villages, les escamoteurs ont encore le nom de sorciers. Mais il y a mieux qu’eux :
« Faisant route de Bombay à Pounah (en 1839), dit M. Théodore Pavie , je m’arrêtai à Karli pour visiter le temple souterrain creusé dans la colline qui fait face au village ; et pendant la chaleur du jour je me reposais sous l’ombrage des cocotiers, si beaux en ce lieu, quand je vis s’avancer, au bruit d’instruments discordants, une bande d’Hindous. L’un d’eux tenait dans chaque main une cobra-capella, la plus terrible espèce de serpents dont l’Inde puisse se vanter, et en outre il portait en sautoir un énorme boa. Arrivé près de moi, le jongleur jeta ses serpents à terre, les ht courir, irrita les cobras, qui découlaient leurs anneaux d’une manière effrayante, embrassa son boa ; puis il se prit à les faire danser tous les trois au son d’un flageolet singulier qui se touchait comme une vielle, bien qu’il fût formé d’une calebasse. Pendant ce temps, ses acolytes avaient disposé tout leur établissement sur la poussière; le tambourin rassemblait les enfants du village, et bientôt se forma un cercle considérable de spectateurs de dix ans et au-dessous : les plus petits nus, les autres portant une ceinture, et tous accroupis dans l’attente des grandes choses qui se préparaient.
» Ce jongleur avait toute la volubilité d’expressions d’un saltimbanque européen. Il s’exprimait très-clairement, en bon hindoustani, bien qu’il se trouvât en pays mahratte; mais le public semblait n’y rien perdre, tant ses gestes et ses gambades étaient inintelligibles. D’abord il posa par terre une marionnette, soldat portant le sabre et l’arc. À l’entendre, c’était un sipahi, un grand chasseur, un tueur de lions, de tigres, de gazelles… Bientôt, à son commandement, la marionnette lança une flèche et renversa le but disposé devant elle, non pas une fois, mais à plusieurs reprises, à la satisfaction évidente de la jeune assemblée.
» Ce n’était là qu’un préambule, les bagatelles de la porte ! Le jongleur prit une poignée de blé noir (djouari), la mit dans un manteau ; puis, quand on eut bien secoué le manteau, bien vanné le grain, il se trouva changé en un beau riz blanc, pur, prêt à faire un karry. Je n’y avais rien compris, et je commençais à rentrer dans mes habitudes de crédulité lorsque l’escamoteur ambulant étala une seconde marionnette longue de six pouces au plus et de la grosseur du poignet. Cette informe poupée épouvanta grandement la partie la plus naïve du public ; mais quelle ne fut pas la surprise générale quand de ce morceau de bois caché sous un mouchoir sortirent successivement jusqu’à quatre gros pigeons ! Ils devaient y être contenus d’avance, à moins de sortilège… Quant à moi, j’aurais eu peine à y introduire quatre moineaux. Notre jongleur accompagnait ses tours de mantras (prières magiques) et traçait des cercles avec sa baguette. Mais il avait sur ses confrères d’Europe un avantage, ou plutôt une supériorité bien marquée ; car il opérait sur le sol, sans table ni gobelets, et complètement nu, sauf le turban et la ceinture que les Hindous ne quittent jamais : donc, pas de manches, pas de gibecière. Son cabinet consistait en quelques mauvais paniers de bambou, destinés à porter les serpents qu’il escamotait aussi et faisait paraître et disparaître avec une telle adresse que le plus fin n’y eût rien compris. Ainsi d’un mouchoir déroulé, secoué et mis au vent comme un pavillon, je le vis faire sortir une de ces cobras laissée dans un panier près de moi, à une très-grande distance du lieu où il se trouvait ; en sorte que, voyant le nid de l’animal entièrement vide, je soupçonnai qu’il s’était frayé un chemin sous terre.
» Cependant les tours de magie continuaient sans interruption. Le jongleur tenait à la main une cruche aussi impossible à vider que le tonneau des Danaïdes l’était à remplir : il versait l’eau à terre, la jetait dans son oreille et la rendait par la bouche, s’administrait des douches sur la tête, et toujours le vase était plein jusqu’au bord. Ensuite il tira de son sac une paire de pantoufles de bois plus larges que la plante de ses pieds. Après bien des discours et des charges, il finit par faire adhérer à ses talons nus ces semelles très-polies, et fit plus de gambades avec de telles chaussures que n’en pourraient faire à l’Opéra de jolis petits pieds chaussés d’élégants escarpins. Tantôt il s’élevait en l’air ; tantôt il frappait la pantoufle sur la terre, de manière à la faire tomber ; mais jamais elle ne glissait. Ce fut encore là une chose inexplicable pour moi ; car il n’avait appliqué à ses pieds aucune substance collante, et il pouvait à volonté lâcher ces pantoufles unies comme la glace.
» Enfin la séance se termina par une expérience plus surprenante encore que, par cette raison sans doute, notre magicien gardait pour la dernière. L’un des joueurs de tambourins, grand garçon d’une belle taille, se laissa attacher les pieds, lier les mains derrière le cou et enfermer dans un filet à poissons bien serré par une douzaine de nœuds. Dans cet état, après l’avoir promené autour du cercle des spectateurs, on le conduisit près d’un panier de deux pieds de haut sur quatorze pouces de large. « — Voulez-vous que je le jette dans l’étang ? demanda le chef de bande. C’est un vaurien ; le voilà bien lié ; l’occasion est bonne : j’ai envie de m’en défaire ! »
» Et l’auditoire crédule se tournait déjà du côté de cette pièce d’eau ombragée d’arbres magnifiques et creusée au bas de la pagode pour les ablutions et les besoins du village. — Non, dit en s’interrompant le jongleur, après une minute de réflexion ; je vais l’escamoter, l’envoyer… où vous voudrez : à Pounah, à Dehli, à Ahmed-Nagar, à Bénarès !
» Et sur-le-champ il enleva le patient, toujours incarcéré dans son filet, et le plaça au fond du panier, en rabattant le couvercle sur sa tête ; il s’en fallait de plus de trois pieds que les bords se joignissent. On jeta un manteau sur le tout.
» Insensiblement le volume diminua, s’affaissa ; on vit voler en l’air le filet et les cordes qui attachaient le jeune Hindou ; puis le panier se ferma de lui-même, et une voix qui semblait sortir des nues cria : — Adieu !
» — Il est parti pour Ahmed-Nagar, il est envolé ; Our-Gaya ! Our-Gaya ! répéta le jongleur avec transport ; il ne saurait tenir dans un aussi petit espace (et cela paraissait physiquement impossible). Je vais donc attacher le panier et prendre congé de l’assemblée.
» Le paquet fut ficelé ; il ne restait plus qu’à le mettre sur le dos du buffle destiné à porter les bagages de la troupe. — Un instant ! reprit subitement le jongleur ; si pourtant il était dans le panier ! Qui sait ? — Et là-dessus, tirant un long sabre, il traversa le panier presque par le milieu… Le sang coula en abondance… l’anxiété était à son comble… lorsque tout à coup le couvercle se lève de nouveau, et d’un bond le grand garçon saute hors de sa niche frais et dispos, sans la moindre égratignure !
» Ce tour est simple, très simple, dira-t-on ; mais se débarrasser des cordes et du filet, se cacher dans un si petit espace, y rester un quart d’heure sans broncher, et de telle façon que le sabre ne puisse rencontrer quelque membre à entamer, ce sont là des prodiges de dextérité, de souplesse et de patience que l’on ne peut concevoir, surtout quand on les a vus.
» Après ce nec plus ultra de la science, les jongleurs firent leurs paquets et se mirent en marche vers Nagapour, leur patrie. Je les vis se perdre dans la foule de bœufs chargés que des troupes de mahrattes, tribus ambulantes traînant avec eux armes et bagages, femmes et enfants, conduisent dans l’intérieur. La foule se dispersa peu à peu . »
Escargots. On ne voit nulle part que ces honnêtes créatures aient jamais figuré au sabbat. Mais il paraît qu’elles ont aussi leur côté mystérieux, et qu’elles pourraient, quand les études dont s’occupent les savants auront abouti, faire concurrence au télégraphe électrique. On a donc proposé en 1850 un procédé qui se mûrit, c’est la boussole pasilalinique-sympathique. Si vous trouvez ce nom bizarre, l’agent de cette boussole ne l’est pas moins ; c’est l’escargot. Deux amis séparés par de grandes distances se seront munis chacun d’un escargot de même espèce, les auront magnétisés ensemble pour établir la sympathie ; puis l’ami resté à Paris chargera son escargot des nouvelles qu’il veut transmettre à son ami installé à Pékin, et ce dernier répondra de la même manière ; par quels moyens faciles ? nous l’ignorons ; mais en mars de la présente année, les journaux disaient qu’on était à la veille de résultats satisfaisants, et les spiriles affirment que cette découverte se rattache à ce que nos pères appelaient la magie naturelle. Un Américain prétend même que les escargots magnétisés parleront, ou bien un esprit, de ceux qui tiennent aux tables, pourra parler pour eux.
Eschyle, tragique grec à qui on avait prédit qu’il mourrait de la chute d’une maison, ce qui fit qu’il s’alla loger en pleine campagne ; mais le conte ajoute qu’un aigle qui portait une tortue entre ses griffes la laissa tomber sur la tête chauve du poète, pensant que ce fût un rocher, et la prédiction s’accomplit.
Esdras, pour les écrits cabalistiques qu’on lui attribue, voy. Pic de la Mirandole.
Eskthirnir, daim monstrueux des mythologies Scandinaves. C’est de ses cornes que s’échappent les fleuves qui circulent sur la terre.
Espagnet (Jean d’), philosophe hermétique, qui a fait deux traités intitulés, l’un Enchiridion de la physique l’établie, l’autre Secret de la philosophie hermétique ; encore lui conteste-t-on ce dernier, que l’on attribue à un inconnu qui se faisait appeler le Chevalier Impérial . Le Secret de la philosophie renferme la pratique du grand œuvre, et l’Enchiridion la théorie physique sur laquelle repose la transmutabilité des métaux. D’Espagnet est encore auteur de la préface qui précède le Traité de l’inconstance des démons de Pierre Delancre. On lit dans cette préface que les sorcières ont coutume de voler les petits enfants pour les consacrer au démon.
Espagnol (Jean l’), docteur en théologie, grand prieur de Saint-Rémi de Reims, auteur d’un livre intitulé Histoire notable de la conversion des Anglais, etc., in-8°, Douai, 1614 — La vingtième annotation, qui commence à la page 206 et va jusqu’à la page 306, est un traité sur les apparitions des esprits, où avec des choses passables et médiocres on trouve de bonnes observations.
Esprits. Les anciens ont cru que les esprits, qu’ils appelaient démons ou génies, étaient des demi-dieux. Chaque nation, dit Apulée, même chaque famille et chaque homme, a son esprit qui le guide et qui veille sur sa conduite. Tous les peuples avaient du respect pour eux et les Romains les révéraient. Ils n’assiégeaient les villes et n’entreprenaient leurs guerres qu’après que leurs prêtres avaient invoqué le génie du pays. Caligula même fit punir publiquement quelques-uns de ceux qui les avaient maudits . Des philosophes se sont imaginé que les âmes des morts, dès qu’elles étaient séparées de leurs corps, erraient incessamment sur la terre. Ce sentiment leur paraissait d’autant plus vraisemblable, qu’ils se vantaient de voir des spectres auprès des tombeaux, dans les cimetières et dans les lieux où l’on avait tué quelques personnes. « Les esprits, dit Wecker, sont les seigneurs de l’air ; ils peuvent exciter les tempêtes, rompre les nues et les transporter où ils veulent avec de grands tourbillons, enlever l’eau de la mer, en former la grêle et tout ce que bon leur semble. »
Il y a dans l’intérieur de l’Amérique septentrionale des peuplades sauvages qui croient que lorsqu’un homme est enterré sans qu’on place auprès de lui tout ce qui lui a appartenu, son esprit revient sous forme humaine, et se montre sur les arbres les plus près de sa maison armé d’un fusil ; on ajoute qu’il ne peut jouir du repos qu’après que les objets qu’il réclame ont été déposés dans sa tombe. Les Siamois admettent une multitude d’esprits répandus dans l’air ; leur puissance est fort grande et ils sont très-malfaisants. On trace certaines paroles magiques sur des feuilles de papier pour se prémunir contre leur malice. Lorsqu’on prépare une médecine, on garnit le bord du vase d’un grand nombre de ces papiers, de peur que les esprits n’emportent la vertu des remèdes. Les auteurs cabalistiques prétendent que les esprits sont des créatures matérielles, composées de la substance la plus pure des éléments ; que plus cette matière est subtile, plus ils ont de pouvoir et d’action. Ces auteurs en distinguent de deux sortes, de supérieurs et d’inférieurs : les supérieurs sont ou célestes ou aériens ; les inférieurs sont ou aquatiques ou terrestres. Ceux qui ont cru que ces esprits étaient des créatures matérielles les ont assujettis à la mort comme les hommes. Cardan dit que les esprits qui apparurent à son père lui firent connaître qu’ils naissaient et qu’ils mouraient comme nous ; mais que leur vie était plus longue et plus heureuse que la nôtre.
Voici de petits traits d’esprits : Guillaume de Paris écrit que, l’an 1447, il y avait un esprit à Poitiers dans la paroisse de Saint-Paul, lequel rompait vitres et verrières et frappait à coups de pierres sans blesser personne . Caesarius raconte que la fille d’un prévôt de Cologne était si tourmentée d’un esprit malin qu’elle en devint frénétique. Le père fut averti de faire aller sa fille au delà du Rhin et de la changer de lieu, ce qu’il fit. L’esprit fut obligé d’abandonner la fille, mais il battit tant le père qu’il en mourut trois jours après . Cet esprit pouvait bien être un corps. — Au commencement du règne de Charles IV, dit le Bel, l’esprit d’un bourgeois mort depuis quelques années parut sur la place publique d’Arles en Provence ; il rapportait des choses merveilleuses de l’autre monde. Le prieur des jacobins d’Arles, homme de bien, pensa que cet esprit pouvait être un démon déguisé. Il se rendit sur la place ; soudain l’esprit découvrit qui il était et pria qu’on le tirât du purgatoire. Ayant ainsi parlé, il disparut, et comme on pria pour son âme, il ne fut oncques vu depuis .
En 1750 un officier du prince de Conti, étant couché dans le château de l’Ile-Adam, sentit tout à coup enlever sa couverture. Il la retire ; on renouvelle le manège tant qu’à la fin l’officier ennuyé jure d’exterminer le mauvais plaisant, met l’épée à la main, cherche dans tous les coins et ne trouve rien. Étonné, mais brave, il veut avant de conter son aventure éprouver encore le lendemain si l’importun reviendra. Il s’enferme avec soin, se couche, écoute longtemps et finit par s’endormir. Alors on lui joue le même tour que la veille. Il s’élance du lit, renouvelle ses menaces et perd son temps en recherches. La crainte s’empare de lui ; il appelle un frotteur qu’il prie de coucher dans sa chambre, sans lui dire pour quel motif. Mais l’esprit, qui avait fait son tour, ne paraît plus. La nuit suivante il se fait accompagner du frotteur, à qui il raconte ce qui lui est arrivé, et ils se couchent tous deux. Le fantôme vient bientôt, éteint la chandelle qu’ils avaient laissée allumée, les découvre et s’enfuit. Comme ils avaient entrevu cependant un monstre difforme, hideux et gambadant, le frotteur s’écria que c’était le diable et courut chercher de l’eau bénite. Mais au moment qu’il levait le goupillon pour asperger la chambre, l’esprit le lui enlève et disparaît… Les deux champions poussent des cris ; on accourt, on passe la nuit en alarmes, et le matin on aperçoit sur le toit de la maison un gros singe qui, armé du goupillon, le plongeait dans l’eau de la gouttière et en arrosait les passants.
En 1210 un bourgeois d’Épinal, nommé Hugues, fut visité par un esprit qui faisait des choses merveilleuses, et qui parlait sans se montrer. On lui demanda son nom et de quel lieu il venait. Il répondit qu’il était l’esprit d’un jeune homme de Clérentine, village à sept lieues d’Épinal, et que sa femme vivait encore. Un jour Hugues ayant ordonné à son valet de seller son cheval et de lui donner à manger, le valet différa de faire ce qu’on lui commandait ; l’esprit fit son ouvrage au grand étonnement de tout le monde. Un autre jour Hugues, voulant se faire saigner, dit à sa fille de préparer des bandelettes. L’esprit alla prendre une chemise neuve dans une autre chambre, la déchira par bandes et vint la présenter au maître en lui disant de choisir les meilleures. Un autre jour la servante du logis ayant étendu du linge dans le jardin pour le faire sécher, l’esprit le porta au grenier et le plia plus proprement que n’aurait pu faire la plus habile blanchisseuse. Ce qui est remarquable, c’est que pendant six mois qu’il fréquenta cette maison, il n’y lit aucun mal à personne et ne rendit que de bons offices, contre l’ordinaire de ceux de son espèce. Voy. Hecdekin.
Sur la fin de l’année 1746 on entendit comme des soupirs qui partaient d’un coin de l’imprimerie du sieur Lahard, l’un des conseillers de la ville de Constance. Les garçons de l’imprimerie n’en firent que rire d’abord. Mais dans les premiers jours de janvier on distingua plus de bruit qu’auparavant. On frappait rudement contre la muraille, vers le même coin où l’on avait d’abord entendu des soupirs ; on en vint jusqu’à donner des soufflets aux imprimeurs et à jeter leurs chapeaux par terre. L’esprit continua son manège pendant plusieurs jours, donnant des soufflets aux uns, jetant des pierres aux autres ; en sorte que les compositeurs furent obligés d’abandonner ce coin de l’imprimerie. Il se fit alors beaucoup d’autres tours, dans lesquels les expériences de la physique amusante entrèrent probablement pour beaucoup, et enfin cette farce cessa sans explication. Voy. Revenants, Apparitions, Drolles, etc.
Voici l’histoire d’un esprit qui fut cité en justice : — En 1761 un fermier de Southams, dans le comté de Warwick (Angleterre), fut assassiné en revenant chez lui. Le lendemain un voisin vint trouver la femme de ce fermier et lui demanda si son mari était rentré ; elle répondit que non et qu’elle en était dans de grandes inquiétudes. — Vos inquiétudes, répliqua cet homme, ne peuvent égaler les miennes, car comme j’étais couché cette nuit sans être encore endormi, votre mari m’est apparu, couvert de blessures et m’a dit qu’il avait été assassiné par son ami John Dick et que son cadavre avait été jeté dans une marnière. La fermière alarmée fit des perquisitions. On découvrit dans la marnière le corps blessé aux endroits que le voisin avait désignés. Celui que le revenant avait accusé fut saisi et mis entre les mains des juges, comme violemment soupçonné de meurtre. Son procès fut instruit à Warwick ; les jurés l’auraient condamné aussi témérairement que le juge de paix l’avait arrêté, si lord Raymond, le principal juge, n’avait suspendu l’arrêt. — Messieurs, dit-il aux jurés, je crois que vous donnez plus de poids au témoignage d’un revenant qu’il n’en mérite. Quelque cas qu’on fasse de ces sortes d’histoires, nous n’avons aucun droit de suivre nos inclinations particulières sur ce point. Nous formons un tribunal de justice, et nous devons nous régler sur la loi ; or je ne connais aucune loi existante qui admette le témoignage d’un revenant, et quand il y en aurait une qui l’admettrait, le revenant ne paraît pas pour faire sa déposition. Huissier, ajouta-t-il, appelez le revenant. Ce que l’huissier fit par trois fois sans que le revenant parût. — Messieurs, continua lord Raymond, le prisonnier qui est à la barre est, suivant le témoignage de gens irréprochables, d’une réputation sans tache, et il n’a point paru dans le cours des informations qu’il y ait eu aucune espèce de querelle entre lui et le mort. Je le crois absolument innocent, et comme il n’y a aucune preuve contre lui, ni directe ni indirecte, il doit être renvoyé. Mais par plusieurs circonstances qui m’ont frappé dans le procès, je soupçonne fortement la personne qui a vu le revenant d’être le meurtrier, auquel cas il n’est pas difficile de concevoir qu’il ait pu désigner la place, les blessures, la marnière et le reste sans aucun secours surnaturel ; en conséquence de ces soupçons, je me crois en droit de la faire arrêter jusqu’à ce que l’on fasse de plus amples informations. — Cet homme fut effectivement arrêté ; on fit des perquisitions dans sa maison ; on trouva les preuves de son crime, qu’il avoua lui-même à la fin, et il fut exécuté aux assises suivantes.
Esprits élémentaires. Les cabalistes, qui s’obstinent à ne reconnaître que quatre éléments : l’air, le feu, l’eau et la terre, peuplent ces éléments d’esprits divers. Les salamandres habitent le feu ; les sylphes, l’air ; les gnomes, la terre ; l’eau est le séjour des ondins ou nymphes. Voy. ces mots. Les cabalistes, cherchant les mystères du grand œuvre dans toutes les figures, les trouvent jusque dans les cartes. Suivant ces doctes, les carreaux sont les salamandres ; les cœurs, les sylphes ; les trèfles, les ondins, et les piques, les gnomes.
Esprits familiers. Scaliger, Cecco d’Ascoli, Cardan et plusieurs autres visionnaires ont eu, comme Socrate, des esprits familiers. Bodin dit avoir connu un homme qui était toujours accompagné d’un esprit familier, lequel lui donnait un petit coup sur l’oreille gauche quand il faisait bien et le tirait par l’oreille droite quand il faisait mal. Cet homme était averti de la même façon si ce qu’il voulait manger était bon ou mauvais, s’il se trouvait avec un honnête homme ou avec un coquin, etc. C’était très-avantageux.
Esprits follets. Voy. Feux follets.
Esprits frappeurs. Depuis les précédentes éditions de ce livre, des faits nouveaux sont venus jeter de grandes lumières sur les esprits. Tout le monde sait aujourd’hui qu’on peut les évoquer par divers procédés, et notamment au moyen de tables qu’ils animent. Ces tables dès lors frappent, tournent, s’agitent, marchent, gesticulent et répondent aux questions. C’est aux États-Unis que Dieu a permis d’abord ces manifestations. Elles ont éclaté bientôt partout, comme pour confirmer ces paroles de saint Paul, que nous vivons entourés des puissances de l’air contre lesquelles nous avons à lutter. Les consciencieux ouvrages de M. Eudes de Mirville et de M. des Mousseaux ont parfaitement donné l’histoire de ces nouveaux prodiges. Mais leurs savants écrits ne peuvent pas être mis indifféremment dans toutes les mains. Il y a danger à se jouer avec les démons, et quoique les esprits frappeurs et parleurs se donnent quelquefois pour de bons anges ou pour des âmes d’honnêtes défunts, il ne faut pas s’y tromper. On voit dans saint Thomas que souvent les esprits se font passer pour des âmes dont ils prennent frauduleusement le nom, afin de ne pas effrayer tout d’abord . Aussi l’Église catholique a-t-elle partout défendu ces coupables tentatives qui appellent les démons.
Sur ces faits nouveaux qui déconcertent la science humaine, voici le jugement d’un savant médecin, publié dans la Revue médicale :
« En ma qualité de chrétien, je crois sur la parole de l’Évangile que la foi, cette force de l’homme par excellence, peut faire qu’un mûrier planté sur une rive du fleuve, aille se planter sur l’autre rive. Je crois, sur la parole de saint Paul, qu’il y a des puissances répandues dans l’air, des esprits, des intelligences intermédiaires dont Dieu, le diable et l’homme peuvent provoquer l’intervention, pour produire dans le monde physique des phénomènes dont le physicien aura le droit d’être fort étonné… Quant à la question spéciale du fait réalisé, la quantité, et dans cette quantité la qualité des témoins qui l’attestent, me paraît suffisante pour obliger à l’admettre. Les tables ont donc tourné et parlé. Mais après la question de réalité vient pour moi la question de l’utilité des tables tournantes au beau milieu du dix-neuvième siècle. Selon moi, si un fait comme celui-là n’était pas utile, il aurait beau être possible, il ne se serait pas réalisé. Je crois donc qu’à l’époque où des corps bruts et inertes ont exécuté des mouvements et reproduit des signes d’intelligence, il y avait utilité à ce que cela eût lieu ainsi. Je ne sais pas, ignorant que je suis, tout ce à quoi pouvaient servir ces manifestations ; mais je sais que, lorsqu’elles ont paru, la science selon nos savants n’existait que pour et par l’observation : la science était l’observation même et l’observation sensuelle la plus grossière ! L’intelligence avait failli, dans ces temps de lumière menteuse, devenir inutile et superflue… Je connais des savants de la veille qui n’osent plus prononcer le mot observation depuis qu’ils ont observé des tables tournantes. Le fait était donc utile pour le rétablissement des droits de l’intelligence. En un mot, je crois que les tables ont tourné pour la mystification des savants, qui avaient dégradé la science jusqu’à la réduire à ce qu’ils appelaient l’observation sensuelle… »
Voici un fait très-singulier et en même temps assez remarquable pour donner à réfléchir au lecteur ; il est raconté par M. de Mirville dans son livre sur la Question des esprits : « M. le baron de N***, occupant une position officielle et considérable dans un des ministères de Paris, en nous permettant, à M. des Mousseaux et à nous, de raconter les faits qui vont suivre, a bien voulu y joindre la permission de le nommer verbalement. Nous rappelant parfaitement ses expressions, nous croyons pouvoir les reproduire avec la plus grande fidélité. — Nourri, nous dit-il, ou plutôt saturé de tout le scepticisme du dix-huitième siècle, doublé au dix-neuvième de celui que je tenais de ma propre nature, j’avais et j’aurais défié tous les prédicateurs du monde de pratiquer la moindre brèche a une pareille forteresse… Mais arrivèrent les tables ; les manier, les écouter et deviner tout le mystère ne fut pas long pour moi. Vous dire quelle révolution cette conviction nouvelle opéra dans mon esprit serait une chose impossible. Dès le premier instant, j’entrevis à quelles extrémités tout cela devait infailliblement me conduire, et je ne le cachai pas à ces convertisseurs d’un nouveau genre. — Savez-vous bien, leur disais-je, que vous travaillez contre vous ? Savez-vous que vous me mènerez tout droit à confesse ? — Non, non, répondirent-ils. — Mais si, si. — Non. — Si. — Non, je t’en empêcherai bien. — Et comment pensez-vous vous y prendre ? — Tu le verras. Le fait est que je remportai la victoire et que j’allai tout droit à ce qui les révoltait tant. Mais à partir de ce moment, leur vengeance fut atroce : je devins leur table à mon tour ; ils s’emparèrent de moi et l’identification fut complète. Je ne pensais plus par moi-même ; ce n’était plus moi qui parlais ; je souffrais tous les tourments de l’enfer et littéralement j’étais fou ou plutôt possédé. Mon désespoir était extrême, et je ne sais ce que tout cela fût devenu, sans la grande et prudente vertu du directeur que je m’étais donné. Grâce à lui, à la paix, à l’obéissance, au redoublement de prière et de confiance dans lesquels il avait su me maintenir, la possession disparut, et le dernier de ces cruels hôtes me quitta en me disant : — Adieu, tu l’emportes, mais nous te retrouverons sur ton lit et à l’heure de la mort ; c’est là que nous sommes tout-puissants. Depuis lors, messieurs, je me regarde comme sauvé, et suis le plus heureux des hommes. Néanmoins, un jour, je voulus encore essayer de tirer d’eux quelques vérités et peut-être quelque bien. — Donnez-nous, leur disais-je, quelque idée de la bonté divine. — Comment le voudrais-tu, puisqu’elle est infinie ? — Elle est infinie, et cependant tu souffres, malheureux ! — Cruellement… — Et toujours ? — Toujours… — Mais, misérable comme tu parais l’être, et Dieu étant bon comme tu le dis, si tu essayais de le fléchir !… Qui sait ? — Tu demandes encore là une chose absolument impossible. — Et pourquoi ? — Il ne saurait me pardonner, puisque je ne le veux pas ? — Et s’il te proposait l’anéantissement complet, accepterais-tu ? Après quelque hésitation, l’un des esprits répond : — Oui, parce que l’être est le seul bien que je tienne encore de lui, et qu’alors, ne lui devant plus rien, je serais quitte envers lui. Quant à l’autre : — Non, je n’accepterais pas, dit-il, parce que je n’aurais plus la consolation de le haïr. — Tu hais donc bien !… — Si je hais ! Mais mon nom est : la haine. Je hais tout ; je me hais moi-même… Quant à l’authenticité du récit, nous ferons remarquer pour la dernière fois que la permission de nommer équivaut à l’acte de signer. »
Ce qui doit sembler prodigieux à tout esprit qui n’est pas détraqué, c’est que les pays protestants voient s’élever dans leur sein le culte des esprits à la hauteur d’une religion. Les démons, qui ont déjà des temples à Genève, à New-York et ailleurs, se flatte sans doute de ramener le paganisme au sein des sociétés que les philosophes ont égarées. C’est du reste la fin et la clôture de toutes les époques de philosophie.
Citons encore un petit trait fort original, rapporté dans le journal français de New-York :
« Un jeune homme, fiancé à une jeune fille de Bordentown, où il demeurait, mourut vendredi dernier. Les deux promis et leurs familles étaient les uns et les autres de fermes croyants dans l’existence et les manifestations des esprits, ce qui leur suggéra l’idée la plus bizarre dont on ait entendu parler. Il fut résolu d’un commun accord que le mariage ne serait pas suspendu par la mort du futur, mais que son esprit, dégagé de l’enveloppe terrestre, serait néanmoins uni à l’esprit incarné dans le corps de la fiancée.
» Dimanche, en effet, la cérémonie a été célébrée entre la jeune fille, pleine de vie et de jeunesse, et le cadavre inanimé de son adorateur, dont l’esprit avait guidé ces absurdes prescriptions.
» Heureusement cette momerie impie ne saurait avoir d’effet qu’autant que la survivante le trouvera bon, car il n’est pas de loi au monde qui reconnaisse un pareil mariage. Lors donc que la première exaltation sera calmée, elle sera libre encore de reconnaître efficacement que, si l’union des esprits a quelque chose de séduisant, c’est surtout lorsqu’ils ont des corps animés pour leur servir d’intermédiaires. » Voy. Drépano, Hudemullen, Spiritisme, Tables tournantes, Wesley, Bortisme, etc.
Esséniens, secte célèbre parmi les Juifs. Les Esséniens avaient des superstitions particulières. Leurs devins prétendaient connaître l’avenir par l’étude des livres saints faite avec certaines préparations. Ils y trouvaient même la médecine et toutes les sciences, par des combinaisons cabalistiques.
Esterelle, fée. Voy. Fées.
Étang de la vie. Au sortir du pont où se fait la séparation des élus et des réprouvés, les docteurs persans font descendre les bienheureux dans cet étang dont les eaux sont blanches et douces comme le miel. Pour la commodité des âmes, il y a tout le long de l’étang des cruches en forme d’étoiles, toujours pleines de cette eau ; les fidèles en boiront avant d’entrer dans le paradis, parce que c’est l’eau de la vie éternelle, et que si l’on en boit seulement une goutte, on n’a plus rien à désirer.
Éternité. Boèce définit l’éternité : l’entière, parfaite et complète possession d’une manière d’exister, sans commencement, sans fin, sans aucune succession. Le latin est plus rapide : Interminabilis vitæ tota simul et perfecta possessio. L’éternité n’a point de parties qui se succèdent ; elle ne va point par le présent du passé au futur, comme fait le temps ; elle est un présent continuel. Voilà pourquoi, comme le remarquent les théologiens, Dieu dit en parlant de lui-même : Ego sum qui sum. L’éternité n’appartient qu’à Dieu ; elle ne peut être communiquée à aucune créature, puisque ce qui est créé a un commencement. Mais pourtant on dit l’éternité, pour désigner la vie future des intelligences créées, vie qui n’aura point de fin. Dans ce sens il y aura dans le ciel l’éternité de bonheur pour les justes et dans l’enfer l’éternité de peines pour les réprouvés. C’est un dogme que les cerveaux impies ont combattu, mais qu’ils n’ont pu ébranler ; et saint Thomas d’Aquin en a démontré la nécessité équitable.
Éternuement. On vous salue quand vous éternuez, pour vous marquer, dit Aristote, qu’on honore votre cerveau, le siège du bon sens et de l’esprit. Cette politesse s’étend jusque chez les peuples que nous traitons de barbares. Quand l’empereur du Monomotapa éternuait, ses sujets en étaient avertis par un signal convenu, et il se faisait des acclamations générales dans tous ses États. Le père Famien Strada prétend que, pour trouver l’origine de ces salutations, il faut remonter jusqu’à Prométhée ; que cet illustre contrefacteur de Jupiter, ayant dérobé un rayon solaire dans une petite boîte pour animer sa statue, le lui insinua dans les narines comme une prise de tabac, ce qui la fit éternuer aussitôt. Les rabbins soutiennent que c’est à Adam qu’il faut faire honneur du premier éternuement. Dans l’origine des temps, c’était, dit-on, un mauvais pronostic et le présage de la mort. Cet état continua jusqu’à Jacob, qui, ne voulant pas mourir pour cause aussi légère, pria Dieu de changer cet ordre de choses ; et c’est de là qu’est venu, selon ces docteurs, l’usage de faire des souhaits heureux quand on éternue. On a trouvé une autre raison de cette politesse ; c’est que, sous le pontificat de saint Grégoire le Grand, il y eut en Italie une sorte de peste qui se manifestait par des éternuements ; tous les pestiférés éternuaient ; on se recommanda à Dieu, et c’est de là qu’est venue l’opinion populaire que la coutume de se saluer tire son origine d’une maladie épidémique qui emportait ceux dont la membrane pituitaire était stimulée trop vivement.
En général l’éternuement chez les anciens était pris tantôt en bonne, tantôt en mauvaise part, suivant les temps, les lieux et les circonstances. Un bon éternuement était celui qui arrivait depuis midi jusqu’à minuit, et quand la lune était dans les signes du Taureau, du Lion, de la Balance, du Capricorne et des Poissons ; mais s’il venait de minuit à midi, si la lune était dans le signe de la Vierge, du Verseau, de l’Écrevisse, du Scorpion ; si vous sortiez du lit ou de la table, c’était alors le cas de se recommander à Dieu . L’éternuement, quand on l’entendait à sa droite, était regardé chez les Grecs et les Romains comme un heureux présage. Les Grecs, en parlant d’une belle personne, disaient que les amours avaient éternué à sa naissance. Les Siamois admettent un enfer. Ils disent que, dans cet affreux séjour, il y a des juges qui écrivent sûr un grand livre tous les péchés des hommes, que leur chef est continuellement occupé à parcourir ce recueil, et que les personnes dont il lit l’article ne manquent jamais d’éternuer au même instant. De là, disent-ils, est venue la coutume de souhaiter une longue vie ou l’assistance divine à ceux qui éternuent. Lorsque le roi de Sennaar éternuait, ses courtisans lui tournaient le dos, en se donnant de la main une claque sur la fesse droite.
Étienne. Un homme qui s’appelait Étienne avait la mauvaise habitude de parler à ses gens comme s’il eût parlé au diable, ayant toujours le diable à la bouche. Un jour qu’il revenait de voyage, il appela son valet en ces termes : — Viens ça, bon diable, tire-moi mes chausses. À peine eût-il prononcé ces paroles qu’une griffe invisible délia ses caleçons, fit tomber ses jarretières et descendit ses chausses jusqu’aux talons. Étienne, effrayé, s’écria : — Retire-toi, Satan, ce n’est pas toi, mais bien mon domestique que j’appelle. Le diable se retira sans se montrer, et maître Étienne n’invoqua plus ce nom .
Pour un autre Étienne, Voy. Guido.
Etna, célèbre montagne de Sicile, qui jette feu et flammes. Les poètes y ont placé les forges de Vulcain et l'atelier des Cyclopes. Les anciens se servaient des feux du mont Etna pour présager l'avenir; car ils jetaient dans le gouffre des cachets d'or ou d'argent, et toutes sortes de victimes. Si le feu les dévorait, le présage était heureux, et funeste si elles étaient rejetées.
Le christianisme chassa de l’Etna et des îles de Lipari Vulcain, les Cyclopes et les Géants. Mais les démons se mirent à leur place ; et quand on institua la fête des morts, afin d’enlever au purgatoire et de rendre au paradis une foule d’âmes souffrantes, on entendit, comme le raconte un saint ermite, des bruits affreux dans l’Etna et des détonations étourdissantes dans les îles voisines. C’était Satan et toute sa cour, Satan et tout son peuple de démons qui hurlaient de désespoir et redemandaient à grands cris les âmes que la nouvelle foi venait de leur ravir .
Ethnophrones, hérétiques du septième siècle, qui joignaient au christianisme les superstitions païennes, l’astrologie, les augures, les expiations, les jours heureux et malheureux, les divinations diverses.
Etoiles, les étoiles sont employées sur les anciens monuments comme des symboles de félicité et de déification. Les anciens croyaient les astres animés et immortels. L'étoile qu'on voit sur les médailles de Jules César est le symbole de sa déification; ou peut-être est-ce l'étoile de Vénus, dont il se disait issu.
 Mahomet dit que les étoiles stables et les étoiles qui filent sont les sentinelles du ciel ; elles empêchent les diables d’en approcher et de connaître les secrets de Dieu. Les Romains voyaient des divinités dans les étoiles. Les Étéens observaient, un certain jour de l’année, le lever de l’étoile Sirius : si elle paraissait obscure, ils croyaient qu’elle annonçait la peste.
Étraphill, l’un des anges des musulmans. Il se tient toujours debout : c’est lui qui embouchera la trompette pour annoncer le jour du jugement.
Étrennes. Dans les temps reculés, chez nos pères, loin de se rien donner mutuellement dans les familles le premier jour de l’an, on n’osait même rien prêter à son voisin. Mais chacun mettait à sa porte des tables chargées de viandes pour les passants. On y plaçait aussi des présents superstitieux pour les esprits. Peut-être était-ce un reste de ce culte que les Romains rendaient, le premier jour de l’année, aux divinités qui présidaient aux petits cadeaux d’amis. Quoi qu’il en soit, l’Église fut obligée, sous Charlemagne, d’interdire les présents superstitieux que nos ancêtres déposaient sur leurs tables. Les canons donnent à ces présents le nom d’étrennes du diable.
Etteilla. On a publié sous ce nom déguisé, qui est l’anagramme d’Alliette, plusieurs traités de cartomancie.
Eubius, auteur d’un livre intitulé Apparitions d’Apollonius, ou Démonstration des apparitions d’aujourd’hui, in-4°, Amsterdam, 1735 (en latin).
Eucharistie. « L’épreuve par l’Eucharistie se faisait en recevant la communion. Ainsi Lothaire, roi de Lotharingie, jura, en recevant la communion de la main du pape Adrien II, qu’il avait renvoyé Valdrade, sa concubine ; ce qui était faux. Comme Lothaire mourut un mois après, en 868, sa mort fut attribuée à ce parjure sacrilège. Cette épreuve fut supprimée par le pape Alexandre II . »
Euchites. Voy. Satanaki.
Eumèces, caillou fabuleux, ainsi nommé de sa forme oblongue, et que l’on disait se trouver dans la Bactriane. On lui attribuait la vertu d’apprendre à une personne endormie ce qui s’était passé pendant son sommeil, si elle avait dormi avec cette pierre posée sur sa tête.
Eurynome, un des dieux infernaux, se nourrissait, dit-on, de la chair des morts. Selon Pausanias, il avait une statue dans le temple de Delphes, où il était représenté d'une couleur noirâtre, assis sur une peau de vautour, et montrant les dents comme un affamé.
démon supérieur, prince de la mort, selon quelques démonomanes. Il a de grandes et longues dents, un corps effroyable tout rempli de plaies, et pour vêtement une peau de renard.
Évangile de saint Jean. On croit dans les campagnes que celui qui porte sur soi l’Évangile de saint Jean, In principio erat Verbum, écrit sur du parchemin vierge, et renfermé dans un tuyau de plume d’oie, le premier dimanche de l’année, une heure avant le lever du soleil, sera invulnérable et se garantira de quantité de maux . Voy. Cléidomangie.
Ève. Les musulmans et les talmudistes lui donnent, comme à notre premier père, une taille d’une lieue . Voy. Adam et une singulière facétie au mot Paniers.
Évêque marin. On lit dans la Grande Chronique des Pays-Bas, sous l’année 1433, qu’on pécha cette année-là dans la mer du Nord un poisson qui avait la forme d’un homme mal dégrossi, une mitre en tête formée d’écaillés, et les nageoires disposées de manière à présenter la ressemblance des autres ornements d’un évêque qui officie. On ajoute qu’il se pouvait dresser sur ses pieds, qu’il se laissait toucher sans témoigner d’effroi ; mais qu’il manifestait un extrême désir de retourner à la mer. Aldovrandus, dans son livre des poissons, décrit un être tout semblable à celui que la Grande Chronique des Pays-Bas appelle l’évêque marin. Est-ce un conte ? est-ce un phénomène ?
Évocations. Celui qui veut évoquer le diable lui doit le sacrifice d’un chien, d’un chat ou d’une poule, à condition que ces trois animaux soient sa propriété. Il jure ensuite fidélité et obéissance éternelles et reçoit une marque au moyen de laquelle il jouit d’une puissance absolue sur trois esprits infernaux, l’un de la terre, l’autre de la mer, le troisième de l’air . On se flatte de faire venir le diable en lisant certaines formules du Grimoire. Voy. Conjurations. — Deux chevaliers de Malte avaient un esclave qui se vantait de posséder le secret d’évoquer les démons et de les obliger à découvrir les choses cachées. On le conduisit dans un vieux château où l’on soupçonnait des trésors enfouis. L’esclave descendit dans un souterrain, fit ses évocations : un rocher s’ouvrit, et il en sortit un coffre. Il tenta plusieurs fois de s’en emparer ; mais il n’en put venir à bout, parce que le coffre rentrait dans le rocher dès qu’il s’en approchait. Il vint dire aux chevaliers ce qui lui arrivait et demanda un peu de vin pour reprendre des forces. On lui en donna. Quelque temps après, comme il ne revenait point, on alla voir ce qu’il faisait ; on le trouva étendu mort, ayant sur toute sa chair des coups de canif représentant des croix. Les chevaliers portèrent son corps au bord de la mer et l’y précipitèrent avec une pierre au cou . — Sur l’évocation des âmes, voy. Nécromancie, Tables tournantes, etc.
Exael, le dixième des premiers anges. Il apprit aux hommes, selon le livre d’Enoch, l’art de fabriquer les armes et les machines de guerre, les ouvrages d’or et d’argent qui plaisent aux femmes ; il leur enseigna l’usage des pierres précieuses et du fard.
Exagération. Il y en a beaucoup dans la plupart des juges laïques qui ont écrit sur les sorciers et qui ont vu trop généralement des crimes où il n’y avait souvent que démence ou maladie. Cependant le mal diabolique, malum dœmoniacum, était si répandu à certaines époques qu’il est permis de leur trouver là des excuses. Les juges ecclésiastiques ont pourtant toujours été beaucoup plus indulgents. Voy., à la fin de l’article Sorciers, les prescriptions de la cour romaine, et comparez-les au code des sorciers de Boguet.
Excommunication. Il y a eu quelquefois des abus de la part des hommes dans l’usage des excommunications ; et on est parti de là pour crier contre ces excommunications, qui ont rendu cependant de si grands services à la société dans des siècles barbares. Mais on ne trouverait pas facilement dans toute l’histoire un excommunié frappé régulièrement par le saint-siège qui ait prospéré jusqu’au bout . On lit dans les Menées des Grecs, au 16 octobre, « qu’un religieux du désert de Scélé, ayant été excommunié par son supérieur pour quelque désobéissance, sortit du désert et vint à Alexandrie, où il fut arrêté par le gouvernement de la ville, dépouillé du saint habit, puis vivement sollicité de sacrifier aux faux dieux. Le solitaire résista généreusement ; il fut tourmenté en diverses manières, jusqu’à ce qu’enfin on lui tranchât la tête ; on jeta son corps hors de la ville. Les chrétiens l’enlevèrent la nuit, et l’ayant enveloppé de linceuls l’enterrèrent dans l’église comme martyr. Mais pendant le saint sacrifice de la messe le diacre ayant crié tout haut à l’ordinaire : « Que les catéchumènes et ceux qui ne communient pas se retirent », on vit tout à coup le tombeau s’ouvrir de lui-même et le corps du martyr se retirer dans le vestibule de l’église. Après la messe il rentra de lui-même dans son sépulcre. Un pieux vieillard ayant prié pendant trois jours apprit par révélation que ce religieux avait encouru l’excommunication pour avoir désobéi à son supérieur, et qu’il demeurait lié jusqu’à ce que ce même supérieur lui eût donné l’absolution. On alla donc au désert ; on en amena le supérieur, qui fit ouvrir le cercueil du martyr et lui donna l’absolution ; après quoi il demeura en paix dans son tombeau . » C’est là un fait merveilleux que nous ne prétendons pas donner comme fréquent.
Dans le second concile de Limoges, tenu en 1031, l’évêque de Cahors raconte une aventure qui lui était particulière et qu’il présenta comme toute récente : « Un chevalier de notre diocèse, dit ce prélat, ayant été tué dans l’excommunication, je ne voulus pas céder aux prières de ses amis, qui me suppliaient vivement de lui donner l’absolution : je voulais en faire un exemple, afin que les autres fussent touchés de crainte ; il fut enterré par quelques gentilshommes, sans cérémonies ecclésiastiques et sans l’assistance des prêtres, dans une église dédiée à saint Pierre. Le lendemain matin on trouva son corps hors de terre et jeté au loin de son tombeau, qui était demeuré entier, et sans aucune marque qui prouvât qu’on y eût touché. Les gentilshommes qui l’avaient enterré n’y trouvèrent que les linges où il avait été enveloppé ; ils l’enterrèrent une seconde fois et couvrirent la fosse d’une énorme quantité de terre et de pierres. Le lendemain ils trouvèrent de nouveau le corps hors du tombeau, sans qu’il parût qu’on y eût travaillé. La même chose arriva jusqu’à cinq fois. Enfin ils enterrèrent l’excommunié comme ils purent, loin du cimetière, dans une terre profane ; ce qui remplit les seigneurs voisins d’une si grande terreur qu’ils vinrent tous demander la paix . »
Jean Bromton raconte dans sa chronique que saint Augustin, apôtre de l’Angleterre, ayant dit devant tout le peuple, avant de commencer la messe : « Que nul excommunié n’assiste au saint sacrifice ! » on vit sortir aussitôt de l’église un mort qui était enterré depuis longues années. Après la messe, saint Augustin, précédé de la croix, alla demander à ce mort pourquoi il était sorti. Le défunt répondit qu’il était mort dans l’excommunication. Le saint pria cet excommunié de lui dire où était enterré le prêtre qui avait porté contre lui la sentence. On s’y transporta. Augustin conjura le prêtre de se lever : il le fit ; à la demande du saint évêque, il donna l’absolution à l’excommunié, et les deux morts retournèrent dans leurs tombeaux. » Les Grecs schismatiques croient que les corps excommuniés ne pourrissent pas en terre, mais qu’ils s’y conservent noirs et puants.
En Angleterre, le tribunal des doctors commons excommunie encore ; et, en 1837, il a frappé de cette peine un marchand de pain d’épices, nommé Studberry, pour avoir dit une parole injurieuse à un autre paroissien, dans une sacristie anglicane. Voy. Interdit.
Excréments. On sait que le dalaï-lama, chef de la religion des Tartares indépendants, est regardé comme un dieu. Ses excréments sont conservés comme des choses vénérables. Après qu’on les a fait sécher et réduire en poudre, on les renferme dans des boîtes d’or enrichies de pierreries, et on les envoie aux plus grands princes. Son urine est un élixir propre à guérir toute espèce de maladie. Dans le royaume de Bhoutan, on fait sécher également les plus grossières déjections du roi, et après les avoir renfermées dans de petites boites, on les vend dans les marchés pour saupoudrer les viandes. Voy. Déjections, Fiente, Tanchelm, Vache, etc.
Exorcisme, conjuration, prière à Dieu et commandement fait au démon de sortir du corps des personnes possédées. Souvent il est seulement destiné à les préserver du danger. On regarde quelquefois exorcisme et conjuration comme synonymes ; cependant la conjuration n’est que la formule par laquelle on commande au démon de s’éloigner ; l’exorcisme est la cérémonie entière . — Les gens qui s’occupent de magie ont aussi leurs exorcismes pour évoquer et renvoyer. Voy. Conjurations.
Voici une légende bizarre sur un exorcisme : on lit dans Césaire d’Heisterbach que « Guillaume, abbé de Sainte-Agathe, au diocèse de Liège, étant allé à Cologne avec deux de ses moines, fut obligé de tenir tête à une possédée. Il fit à l’esprit malin des questions auxquelles celui-ci répondit comme il lui plut. Le diable faisant autant de mensonges que de réponses, l’abbé s’en aperçut et le conjura de dire la vérité ; il obéit. Il apprit au bon abbé comment se portaient plusieurs défunts dont il voulait savoir des nouvelles. Un des frères qui l’accompagnaient voulut lier conversation avec le diable.
— Tais-toi, lui dit l’esprit malin, tu as volé hier douze sous à ton abbé ; ces douze sous sont maintenant dans ta ceinture. — L’abbé, ayant entendu ces choses, voulut bien en donner l’absolution à son moine ; après quoi il ordonna au diable de quitter la possédée.
» — Où voulez-vous que j’aille ? demanda le démon. — Je vais ouvrir ma bouche, répondit l’abbé, tu entreras dedans, si tu peux. — Il y fait trop chaud, répliqua le diable ; vous avez communié. — Eh bien ! mets-toi ici. Et l’abbé, qui était gai, tendait son pouce. — Merci, vos doigts sont sanctifiés. — En ce cas, vas où tu voudras, mais pars. — Pas si vite, répliqua le diable ; j’ai permission de rester ici deux ans encore…
» L’abbé dit alors au diable : — Montre-toi a nos yeux dans ta forme naturelle. — Vous le voulez ? — Oui. — Voyez.
» En même temps la possédée commença de grandir et de grossir d’une manière effroyable. En deux minutes elle était déjà haute comme une tour de trois cents pieds ; ses yeux devinrent ardents comme des fournaises et ses traits épouvantables. Les deux moines tombèrent évanouis ; l’abbé, qui seul avait conservé du courage, adjura le diable de rendre à la possédée la taille et la forme qu’elle avait d’abord. Il obéit encore et dit à Guillaume : — Vous faites bien d’être pur : car nul homme ne peut, sans mourir, me voir tel que je suis, s’il est souillé. » Voy. Pactes, Possessions, etc.
Expiation. Les anciens Arabes coupaient l’oreille à quelque animal et le lâchaient au travers des champs en expiation de leurs péchés.
— Un juif, dit Saint-Foix, s’arme d’un couteau, prend un coq, le tourne trois fois autour de sa tête et lui coupe la gorge en lui disant : — Je te charge de mes péchés ; ils sont à présent à toi : tu vas à la mort, et moi je suis rentré dans le chemin de la vie éternelle.
Extases. L’extase (considérée comme crise matérielle) est un ravissement d’esprit, une suspension des sens causée par une forte contemplation de quelque objet extraordinaire et surnaturel. Les mélancoliques peuvent avoir des extases. Saint Augustin fait mention d’un prêtre qui paraissait mort à volonté et qui resta mort, très-involontairement sans doute, dans une de ses expériences. S’il fit le mort, il le fit bien. Ce prêtre se nommait Prétextât ; il ne sentait rien de ce qu’on lui faisait souffrir pendant son extase.
Les démonomanes appellent l’extase un transport en esprit seulement, parce qu’ils reconnaissent le transport en chair et en os, par l’aide et assistance du diable. Une sorcière se frotta de graisse, puis tomba pâmée sans aucun sentiment ; et trois heures après elle retourna en son corps, disant nouvelles de plusieurs pays qu’elle ne connaissait point, lesquelles nouvelles furent par la suite avérées . Le magnétisme fait tout cela.
Cardan dit avoir connu un homme d’église qui tombait sans vie et sans haleine toutes les fois qu’il le voulait. Cet état durait ordinairement quelques heures ; on le tourmentait, on le frappait, on lui brûlait les chairs sans qu’il éprouvât aucune douleur. Mais il entendait confusément, et comme à une distance très-éloignée, le bruit qu’on faisait autour de lui. Cardan assure encore qu’il tombait lui-même en extase à sa volonté ; qu’il entendait alors les voix sans y rien comprendre, et qu’il ne sentait aucunement les douleurs.
Le père de Prestantius, après avoir mangé un fromage maléficié, crut qu’étant devenu cheval il avait porté de très-pesantes charges, quoique son corps n’eût pas quitté le lit ; et l’on regarda comme une extase produite par sortilège ce qui n’était qu’un cauchemar causé par une indigestion.
« Saint Augustin distingue deux sortes d’extases , l’une naturelle et l’autre surnaturelle, et cite comme appartenant à la première l’exemple d’un prêtre nommé Restitut, de l’église de Talama. Toutes les fois qu’on imitait devant lui la voix d’un homme qui se plaint, il perdait l’usage de ses sens et devenait semblable à un mort ; de sorte qu’on pouvait le piquer, le pincer ou même le brûler sans qu’il le sentît. Sa respiration s’arrêtait. Cependant, si on lui parlait sur un ton élevé, il lui semblait, disait-il, entendre des voix lointaines . » Les extases naturelles sont généralement périodiques ou amenées par des causes spéciales. L’extase surnaturelle est à son tour de deux sortes : L’extase chrétienne et l’extase diabolique. De la première on peut voir beaucoup de faits dans la vie des saints. L’autre est souvent exposée dans les procédures de ces malheureux qui ont abandonné la cité de Dieu pour entrer dans la cité du diable. C’était souvent dans des extases que les sorcières assistaient au sabbat. Bodin raconte dans sa Démonomanie qu’en 1571 une sorcière emprisonnée à Bordeaux ayant avoué qu’elle allait au sabbat toutes les semaines, le magistrat Bélot la pria d’y aller devant lui. Elle répondit qu’elle n’en avait pas le pouvoir. Il la mit donc en liberté. Aussitôt elle s’oignit tout le corps d’un onguent dont l’effet fut tel qu’elle tomba comme morte. Le magistrat ne la quitta point. Elle revint à elle au bout de cinq heures et raconta beaucoup de choses toutes actuelles des lieux qu’elle avait parcourus. On fit prendre sur-le-champ des informations, et les déclarations de la sorcière furent trouvées véritables. — Les âmes des somnambules magnétisés font la même chose. Ce qui est la preuve de l’existence des âmes, à part des corps qu’elles occupent. Voy. Elfdal.
Ézéchiel. Les musulmans disent que les ossements desséchés que ranima le prophète Ézéchiel étaient les restes de la ville de Davardan, que la peste avait détruite et qu’il releva par une simple prière.

                                                                             F
Faal, les chrétiens de Saint-Jean d'Acre donnent ce nom à un recueil d'observations astrologiques dont ils font beaucoup de cas, et qu'ils consultent dans presque toutes les occasions importantes de la vie.
Faber (Albert-Othon), médecin de Hambourg au dix-septième siècle ; il a écrit quelques rêveries sur l’or potable.
Faber (Abraham) ; de simple soldat, il devint maréchal de France, et il s’illustra sous Louis XIV. C’était alors si extraordinaire qu’on l’accusa de devoir ses succès à un commerce avec le diable. Ce qui a pu donner lieu à cette prévention, c’est qu’il croyait à l’astrologie judiciaire.
Fabre (Pierre-Jean), médecin de Montpellier, qui fit faire des pas à la chimie au commencement du dix-septième siècle. Il y mêlait un peu d’alchimie. Il a écrit sur cette matière et sur la médecine spagirique. Son plus curieux ouvrage est l’Alchimiste chrétien (Alchimista christianus), in-8° ; Toulouse, 1632. Il a publié aussi l’Hercules piochymicus, Toulouse, 1634, in-8°, livre où il soutient que les travaux d’Hercule ne sont que des emblèmes qui couvrent les secrets de la philosophie hermétique.
Fabricius (Jean-Albert), bibliographe allemand, né à Leipzig en 1668. Il y a des choses curieuses sur les superstitions et les contes populaires de l’Orient dans son recueil des livres apocryphes que l’Église a repoussés de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Fadhel-ben-Sahal, vizir du calife Almamon, était aussi grand astrologue, et on cite de lui des horoscopes et des prévisions surprenantes, si elles sont vraies. Il est certain que sa prudence habile tira souvent son maître d’embarras .
Faim diabolique. Il y a des possédés chez lesquels le démon s’est plu à produire une faim insatiable. Brognoli délivra un enfant qui mangeait sans s’arrêter du matin au soir et ne pouvait se rassasier. Gorres, au chap.. xx du livre VII de sa Mystique, cite beaucoup d’exemples de cette faim enragée, entre autres un enfant qui buvait d’un seul coup un seau d’eau. Ce qui est digne de remarque, c’est que ces affreuses maladies n’ont jamais été guéries que par l’exorcisme.
Fairfax (Edouard), poète anglais du seizième siècle, auteur d’un livre intitulé la Démonologie, où il parle de la sorcellerie avec assez de crédulité.
Fairfolks, espèce de farfadets qui se montrent en Écosse, et qui sont à peu près nos fées.
Fairies. C’est le nom qu’on donne aux fées en Angleterre.
Fakir. Voy. Faquir.
Fakone, lac du Japon, où les habitants placent une espèce de limbes habités par tous les enfants morts avant l’âge de sept ans. Ils sont persuadés que les âmes de ces enfants souffrent quelques supplices dans ce lieu-là, et qu’elles y sont tourmentées jusqu’à ce qu’elles en soient rachetées par les passants. Les bonzes vendent des papiers sur lesquels sont écrits les noms de Dieu. Comme ils assurent que les enfants éprouvent allégement lorsqu’on jette ces papiers sur l’eau, on en voit les bords du lac couverts. — Il est aise de reconnaître dans ces usages des traditions altérées de l’Église.
Falcon. L’annaliste allemand Archenolz, mort en 1812, raconte ce qui suit, dans son Tableau de l’Angleterre, publié à Paris en 1788 : « Il y a à Londres un homme extraordinaire qui depuis trente ans est célèbre dans les annales ca » balistiques. Il se nomme Caïn Chenul Falk, et il est connu généralement sous le nom de docteur Falcon. Un certain comte de Ranzow, mort depuis peu au service de France comme maréchal de camp, assure dans ses mémoires cabalistiques, magiques, etc., avoir vu ce Falk dans le pays de Brunswick, sur une des terres de son père, en présence de beaucoup de personnes connues, qu’il nomme toutes et qu’il prend à témoin de la vérité de ce qu’il avance. (Il évoquait les esprits.) Falk s’est-il servi dans cette opération de la méthode de Schropfer ? Je n’en sais rien, ce qu’il y a de certain, c’est que cet homme vit actuellement à Londres. Lorsqu’il sort, ce qui arrive très-rarement, il est toujours revêtu d’un long talar, qui va très-bien avec sa longue barbe et sa figure sérieuse et intéressante. Il est actuellement âgé de soixante-dix ans à peu près. Je ne me donnerai pas la peine de rapporter, ici toutes les choses incroyables et extraordinaires qu’on raconte de ce vieillard… » Voy. Schopfer.
Falconet (Noël), médecin, mort en 1734. Nous ne citerons de ses ouvrages que ses Lettres et ses remarques sur l’or prétendu potable ; elles sont assez curieuses.
Fanatisme. L’Église l’a toujours condamné, comme elle condamne tous les excès. Les actes de fanatisme des conquérants du nouveau monde étaient commis par des scélérats, contre lesquels le clergé s’élevait de toutes ses forces. On peut le voir dans la vie et dans les écrits de Barthélemi de Las Casas. Les écrivains philosophes ont souvent appelé fanatisme ce qui ne l’était pas. Ils se sont trompés ou ils ont trompé lorsque, par exemple, ils ont attribué le massacre politique de la Saint-Barthélemy à la religion, qui y fut étrangère ; lorsqu’ils ont défendu les fanatiques des Cévennes, qui exterminaient tout autour d’eux, etc.
Il y a eu très-souvent du fanatisme outré dans les hérésies et même dans la sorcellerie. Sous le règne de Louis XII, un écolier de l’université de Paris, persuadé que la religion d’Homère était la bonne, arracha la sainte hostie des mains d’un prêtre qui la consacrait et la foula aux pieds. Voilà du fanatisme. Les Juifs en ont fourni de nombreux exemples, et un très-grand fanatisme distingue beaucoup de philosophes modernes. « Il y a un fanatisme politique, un fanatisme littéraire, un fanatisme guerrier, un fanatisme philosophique . » On a nommé d’abord fanatiques les prétendus devins qui rendaient leurs oracles dans les temples, fana. Aujourd’hui on entend par fanatisme tout zèle aveugle.
Fannius (Gaius), historien qui mourut de peur en composant un ouvrage contre Néron. Il en avait terminé trois livres, et il commençait le quatrième, lorsque Néron, dont il avait l’imagination remplie, lui apparut en songe, et, après avoir parcouru les trois premiers livres de son ouvrage, se retira sans toucher au quatrième qui était en train. Ce rêve frappa Fannius ; il crut y voir que son ouvrage ne serait pas achevé, et il mourut en effet peu après.
Fantasmagoriana, titre d’un recueil de contes populaires, où les apparitions et les spectres jouent les premiers rôles. Ces contes prolixes sont, pour la plupart, traduits de l’allemand, 2 vol. in-12 ; Paris, 1812.
Fantasmagorie, étymologiquement « l’art de faire parler les fantômes en public », consiste à la fin du XVIIIe siècle à projeter et à animer sur un écran de toile ou de fumée des tableaux miniatures peints sur des plaques de verre ou bien gravés sur un support opaque.
Héritière de la lanterne magique dont la technique ne cesse de s’améliorer depuis le XVIIe siècle, cette forme de spectacle connaît un énorme succès au tournant des Lumières.
D’une petite peinture ou gravure de facture assez grossière au départ, naît, par la fantasmagorie, une image « mouvementée », un tableau lumineux dont les dimensions peuvent varier considérablement. La possibilité d’animer et d’agrandir ou de rapetisser une image par des manipulations optiques marque une étape dans l’évolution de la notion de tableau.
Transposé de la peinture à la rhétorique et à l’esthétique à la faveur de doctrines anciennes encore vivaces à la fin de l’Ancien Régime, comme l’ut pictura poesis, le tableau a, en fin de compte, investi tous les champs de la représentation. Qu’il soit écrit ou iconique, interprété sur une scène ou projeté sur un écran, il a pour principale fonction de catalyser les émotions du spectateur. La « théorie de l’effet » formulée par l’abbé Dubos, puis prolongée par Diderot, traduit bien cet impératif en rajeunissant le précepte aristotélicien de terreur et de pitié, ainsi que la pragmatique classique contenue dans le triple credo « instruire, plaire et toucher ». En cherchant à provoquer pareillement les réactions sensibles de leur public, les expérimentateurs du tournant des Lumières, amuseurs publics et charlatans, mécaniciens et physiciens, transforment leurs démonstrations en spectacles à part entière.
Cette confusion, entre les finalités respectives des arts et des sciences, reflète la difficulté des nouveaux savoirs à s’affranchir de leurs origines ethniques pour se constituer en domaine exotérique. Le statut de l’expérience scientifique est incertain, ramené du côté du jeu, du sensationnel, comme le prouve l’habitude déjà ancienne d’accoler aux noms de sciences les termes « amusements », « récréations », « divertissements » et les épithètes correspondantes, ce que montre le titre de l'essai de Robertson : Mémoires récréatifs, scientifiques et anecdotiques d’un physicien-aéronaute.
Fantômes, esprits ou revenants de mauvais augure, qui effrayaient fort nos pères, quoiqu’ils sussent bien qu’on n’a aucunement peur des fantômes, si l’on tient dans sa main de l’ortie avec du millefeuille . Les Juifs prétendent que le fantôme qui apparaît ne peut reconnaître la personne qu’il doit effrayer, si elle a un voile sur le visage ; mais quand cette personne est coupable, ils croient, au rapport de Buxtorf, que le masque tombe, afin que l’ombre puisse la voir et la poursuivre. Des fantômes sont venus quelquefois annoncer la mort ; un spectre se présenta pour cela aux noces du roi d’Écosse, Alexandre III, qui mourut peu après. Camerarius rapporte que de son temps on voyait quelquefois dans les églises des fantômes sans tête, vêtus en moines et en religieuses, assis dans les stalles des vrais moines et des sœurs qui devaient bientôt mourir. — Un chevalier espagnol avait osé concevoir une passion criminelle pour une religieuse. Une nuit qu’il traversait l’église du couvent dont il s’était procuré la clef, il vit des cierges allumés et des prêtres, qui lui étaient inconnus, occupés à célébrer l’office des morts autour d’un tombeau. Il s’approcha de l’un d’eux et demanda pour qui on faisait le service. « Pour vous, » lui dit le prêtre. Tous les autres lui firent la même réponse ; il sortit effrayé, monta à cheval, s’en retourna à sa maison, et deux chiens l’étranglèrent à sa porte.
Une dame voyageant dans une chaise de poste fut surprise par la nuit près d’un village où l’essieu de sa voiture s’était brisé. On était en automne, l’air était froid et pluvieux ; il n’y avait point d’auberge dans le village ; on lui indiqua le château. Comme elle en connaissait le maître, elle n’hésita pas à s’y rendre. Le concierge alla la recevoir, et lui dit qu’il y avait au château dans ce moment beaucoup de monde qui était venu célébrer une noce, et qu’il allait informer le seigneur de son arrivée. La fatigue, le désordre de sa toilette et le désir de continuer son voyage engagèrent la voyageuse à prier le concierge de ne point déranger son maître. Elle lui demanda seulement une chambre. Toutes étaient occupées, à l’exception d’une seule, dans un coin écarté du château, qu’il n’osait lui proposer à cause de son délabrement ; mais elle lui dit qu’elle s’en contenterait, pourvu qu’on lui fît un bon lit et un bon feu. Après qu’on eut fait ce qu’elle désirait, elle soupa légèrement, et s’étant bien réchauffée, elle se mit au lit. Elle commençait à s’endormir, lorsqu’un bruit de chaînes et des sons lugubres la réveillèrent en sursaut. Le bruit approche, la porte s’ouvre, elle voit, à la clarté de son feu, entrer un fantôme couvert de lambeaux blanchâtres ; sa figure pâle et maigre, sa barbe longue et touffue, les chaînes qu’il portait autour du corps, tout annonçait un habitant d’un autre monde. Le fantôme s’approche du feu, se couche auprès tout de son long, se tourne de tous côtés en gémissant, puis, à un léger mouvement qu’il entend près du lit, il se relève promptement et s’en approche. Quelle amazone eût bravé un tel adversaire ? Quoique notre voyageuse ne manquât pas de courage, elle n’osa l’attendre, se glissa dans la ruelle du lit, et, avec une agilité dont la frayeur rend capables les moins légères, elle se sauve en chemise à toutes jambes, enfile de longs et obscurs corridors, toujours poursuivie par le terrible fantôme, dont elle entend le frottement des chaînes contre la muraille. Elle aperçoit enfin une faible clarté, et, reconnaissant la porte du concierge, elle y frappe et tombe évanouie sur le seuil. Il vient ouvrir, la fait transporter sur son lit et lui prodigue tous les secours qui sont en son pouvoir. Elle raconta ce qui lui était arrivé. Hélas ! s’écria le concierge, notre fou aura brisé sa chaîne et se sera échappé ! Ce fou était un parent du maître du château, qu’on gardait depuis plusieurs années. Il avait effectivement profité de l’absence de ses gardiens, qui étaient à la noce, pour détacher ses chaînes, et le hasard avait conduit ses pas à la chambre de la voyageuse, qui en fut quitte pour une grande peur . Voy. Apparitions, Visions, Hallucinations, Esprits, Revenants, Spectres, Deshoulières, etc., etc.
Fantôme volant. On croit, dans la Basse Bretagne, entendre dans les airs, lorsqu’il fait un orage, un fantôme volant qu’on accuse de déraciner les arbres et de renverser les chaumières. Voy. Voltigeur hollandais.
Fapisia, herbe fameuse chez les Portugais, qui l’employaient comme un excellent spécifique pour chasser les démons .
Faquir ou Fakir. Il y a dans l’Inde des fakirs qui sont d’habiles jongleurs. On lit ce qui suit dans l’ouvrage de M. Osborne, intitulé la Cour et le camp de Rundjet-Sing : « À la cour de ce prince indien, la mission anglaise eut l’occasion de voir un personnage appelé spécialement le Fakir, homme enterré et ressuscité, dont les prouesses avaient fait du bruit dans les provinces du Punjaub. Ce Fakir est en grande vénération parmi les Sikhs, à cause de la faculté qu’il a de s’enterrer tout vivant pendant un temps donné. Nous avions ouï raconter de lui tant d’histoires, que notre curiosité était excitée. Depuis plusieurs années, il fait le métier de se laisser enterrer. Le capitaine Wade me dit avoir été témoin d’une de ses résurrections, après un enterrement de quelques mois. La cérémonie préliminaire avait eu lieu en présence de Rundjet-Sing, du général Ventura et des principaux sirdars. Les préparatifs avaient duré plusieurs jours, on avait arrangé un caveau tout exprès. Le Fakir termina ses dispositions finales en présence du souverain ; il se boucha avec de la cire les oreilles, le nez et tous les autres orifices par lesquels l’air aurait pu entrer dans son corps. Il n’excepta que la bouche. Cela fait, il fut déshabillé et mis dans un sac de toile, après qu’il se fut retourné la langue pour fermer le passage de la gorge, et qu’il se fut posé dans une espèce de léthargie ; le sac fut fermé et cacheté du sceau de Rundjet-Sing et déposé dans une boîte de sapin, qui, fermée et scellée également, fut descendue dans le caveau. Par-dessus on répandit et on foula de la terre, on sema de l’orge et on plaça des sentinelles permanentes.
» Il paraît que le maharajah, très-sceptique sur cette mort, envoya deux fois des gens fouiller la terre, ouvrir le caveau et visiter le cercueil. On trouva chaque fois le Fakir dans la même position et avec tous les signes d’une suspension de vie. Au bout de dix mois, terme fixé, le capitaine Wade accompagna le maharajah pour assister à l’exhumation : il examina attentivement par lui-même l’intérieur de la tombe ; il vit ouvrir les serrures, briser les sceaux et porter la boîte ou cercueil au grand air. Quand on en tira le Fakir, les doigts posés sur son artère et sur son cœur ne purent percevoir aucune pulsation. La première chose qui fut faite pour le rappeler à la vie, et la chose ne se fit pas sans peine, fut de ramener sa langue à sa place naturelle. Le capitaine Wade remarqua que l’occiput était brûlant, mais le reste du corps très-frais et très-sain. On l’arrosa d’eau chaude, — et au bout de deux heures le ressuscité était aussi bien que dix mois auparavant.
» Il prétend faire dans son caveau les rêves les plus délicieux : aussi redoute-t-il d’être réveillé de sa léthargie. Ses ongles et ses cheveux cessent de croître : sa seule crainte est d’être entamé par des vers ou des insectes ; c’est pour s’en préserver qu’il fait suspendre au centre du caveau la boîte où il repose. Ce Fakir eut la maladroite fantaisie de faire l’épreuve de sa mort et de sa résurrection devant la mission anglaise, lorsqu’elle arriva à Lahore. Mais les Anglais, avec une cruelle méfiance, proposèrent de lui imposer quelques précautions de plus : ils montrèrent des cadenas à eux appartenant, et parlèrent de mettre au tombeau des factionnaires européens. Le Fakir fit d’abord de la diplomatie ; il se troubla et finalement refusa de se soumettre aux conditions britanniques. Rundjet-Sing se fâcha. — Je vois bien, dit le Fakir au capitaine Osborne, que vous voulez me perdre, et que je ne sortirai pas vivant de mon tombeau. Le capitaine, ne désirant pas du tout avoir à se reprocher la mort du pauvre charlatan, renonça à l’épreuve. » Voy. Jamambuxes.
Farfadets, esprits, lutins ou démons familiers, que les personnes simples croient voir ou entendre la nuit. Quelques-uns se montrent sous des figures d’animaux ; le plus grand nombre restent invisibles. Ils passent généralement pour rendre de bons offices. Des voyageurs content que les Indes sont pleines de ces esprits bons ou mauvais, et qu’ils ont un commerce habituel avec les hommes du pays.
Voici l’histoire d’un farfadet : En l’année 1221, vers le temps des vendanges, le frère cuisinier d’un monastère de Cîteaux chargea deux serviteurs de garder les vignes pendant la nuit. Un soir, l’un de ces deux hommes, ayant grande envie de dormir, appela le diable à haute voix et promit de le bien payer s’il voulait garder la vigne à sa place. Il achevait à peine ces mots, qu’un farfadet parut. — Me voici prêt, dit-il à celui qui l’avait demandé. Que me donneras-tu si je remplis ta charge ? — Je te donnerai un panier de raisin, répondit le serviteur, et du bon, à condition que tu veilleras jusqu’au matin. — Le farfadet accepta l’offre ; et le domestique rentra à la maison pour s’y reposer. Le frère cuisinier, qui était encore debout, lui demanda pourquoi il avait quitté la vigne ? — Mon compagnon la garde, répondit-il, et il la gardera bien. — Va, va, reprit le cuisinier, qui n’en savait pas davantage, ton compagnon peut avoir besoin de toi. — Le valet n’osa répliquer et sortit ; mais il se garda bien de paraître dans la vigne. Il appela l’autre valet, lui conta le procédé dont il s’était avisé ; et tous deux, se reposant sur la bonne garde du lutin, entrèrent dans une petite grotte qui était près de là et s’y endormirent. Les choses se passèrent aussi bien qu’on pouvait l’espérer ; le farfadet fut fidèle à son poste jusqu’au matin, et on lui donna le panier de raisin promis. — Ainsi finit le conte . Voy. Berbiguier, Bérith, Esprits, Feux follets, Hecdekin, Orthon, etc.
Farfarelli. C’est le nom qu’on donne aux farfadets en Italie.
Farmer (Hugues), théologien anglican, mort en 1787. On a de lui un Essai sur les démoniaques du Nouveau Testament, 1775, où il cherche à prouver, assez gauchement, que les maladies attribuées à des possessions du démon sont l’effet de causes naturelles, et non l’effet de l’action de quelque malin esprit.
Fascination, espèce de charme qui fait qu’on ne voit pas les choses telles qu’elles sont. Un bohémien sorcier, cité par Boguet, changeait des bottes de foin en pourceaux, et les vendait comme tels, en avertissant toutefois l’acheteur de ne laver ce bétail dans aucune eau. Un acquéreur de la denrée du bohémien, n’ayant pas suivi ce conseil, vit, au lieu de pourceaux, des bottes de foin nager sur l’eau où il voulait décrasser ses bêtes.
Delrio conte qu’un certain magicien, au moyen d’un certain arc et d’une certaine corde tendue à cet arc, tirait une certaine flèche, faite d’un certain bois, et faisait tout d’un coup paraître devant lui un fleuve aussi large que le jet de cette flèche. Et d’autres rapportent qu’un sorcier juif, par fascination, dévorait des hommes et des charretées de foin, coupait des têtes et démembrait des personnes vivantes, puis remettait tout en bon état.
Dans la guerre du duc Vladislav contre Grémozislas, duc de Bohême, une vieille sorcière dit à son beau-fils, qui suivait le parti de Vladislav, que son maître mourrait dans la bataille, avec la plus grande partie de son armée, et que, pour lui, il pouvait se sauver du carnage en faisant ce qu’elle lui conseillerait ; c’est-à-dire, qu’il tuât le premier qu’il rencontrerait dans la mêlée ; qu’il lui coupât les deux oreilles, et les mît dans sa poche ; puis qu’il fît, avec la pointe de son épée, une croix sur la terre entre les pieds de devant de son cheval, et qu’après avoir baisé cette croix il se hâtât de fuir. Le jeune homme, ayant accompli toutes ces choses singulières, revint sain et sauf de la bataille où périrent Vladislav et le plus grand nombre de ses troupes. Mais en rentrant dans la maison de sa marâtre, ce jeune guerrier trouva sa femme, qu’il chérissait uniquement, percée d’un coup d’épée, expirante et sans oreilles…
Mais beaucoup et la plupart des fascinations ne sont généralement que des tours d’adresse. On lit dans les Aventures de Till l’espiègle des fascinations de ce genre. Un jour, dans une foire, il paria avec un grand seigneur que, sur un signe magique qu’il allait faire, une marchande de faïence briserait toute sa boutique, ce qui eut lieu. Mais il avait payé d’avance les pots cassés. Il joua un autre tour semblable en payant un festin, au moyen de son chapeau, qu’il disait magique, et qu’il faisait pirouetter sur son doigt pour solder l’addition. Le dîner pareillement se trouvait payé d’avance.
Les femmes maures s’imaginent qu’il y a des sorciers qui fascinent par leur seul regard, et tuent les enfants. Cette idée leur est commune avec les anciens Romains, qui honoraient le dieu Fascinus, à qui l’on attribuait le pouvoir de garantir les enfants des fascinations et maléfices. Voy. Yeux, Zilon, Prestiges, etc.
Fatalisme, doctrine de ceux qui reconnaissent une destinée inévitable. Si quelqu’un rencontre un voleur, les fatalistes disent que c’était sa destinée d’être tué par un voleur. Ainsi cette fatalité a assujetti le voyageur au fer du voleur, et a donné longtemps auparavant au voleur l’intention et la force, afin qu’il eût, au temps marqué, la volonté et le pouvoir de tuer celui-ci. Et si quelqu’un est écrasé par la chute d’un bâtiment, le mur est tombé parce que cet homme était destiné à être enseveli sous les ruines de sa maison Dites plutôt qu’il a été enfoui sous les ruines parce que le mur est tombé . Où serait la liberté des hommes, s’il leur était impossible de se soustraire à une fatalité aveugle, à une destinée inévitable ? Est-il rien de plus libre que de se marier, de suivre tel ou tel genre de vie ? Est-il rien de plus fortuit que de périr par le fer, de se noyer, d’être malade ?… L’homme vertueux, qui parvient par de grands efforts à vaincre ses passions, n’a donc plus besoin de s’étudier à bien faire, puisqu’il ne peut être vicieux ?… C’est un peu la détestable doctrine de Calvin.
Faunes, dieux rustiques inconnus aux Grecs. On les distingue des satyres et sylvains, quoiqu’ils aient aussi des cornes de chèvre ou de bouc, et la forme d’un bouc depuis la ceinture jusqu’en bas. Mais ils ont les traits moins hideux, une figure plus gaie que celle des satyres, et moins de brutalité. D’anciens Pères les regardent comme des démons incubes  ; et voici l’histoire qu’en donnent les docteurs juifs : « Dieu avait déjà créé les âmes des faunes et des satyres, lorsqu’il fut interrompu par le jour du sabbat, en sorte qu’il ne put les unir à des corps, et qu’ils restèrent ainsi de purs esprits et des créatures imparfaites. Aussi, ajoutent-ils, ces esprits craignent le jour du sabbat, et se cachent dans les ténèbres jusqu’à ce qu’il soit passé ; ils prennent quelquefois des corps pour épouvanter les hommes. Mais ils sont sujets à la mort. Cependant ils peuvent approcher si près des intelligences célestes, qu’ils leur dérobent quelquefois la connaissance de certains événements futurs, ce qui leur a fait produire des prophéties, au grand étonnement des amateurs. »
Faust (Jean), célébrité allemande dans la magie. Il brilla au commencement du seizième siècle. Un génie plein d’audace, une curiosité indomptable, un immense désir de savoir, telles étaient, disent ses panégyristes, ses qualités prononcées. Il apprit la médecine, la jurisprudence, la théologie ; il approfondit la science des astrologues ; quand il eut épuisé les connaissances naturelles, il se jeta dans la magie. — On l’a confondu souvent avec Faust, l’associé de Gutenberg dans l’invention de l’imprimerie ; on sait que quand les premiers livres imprimés parurent, on cria à la sorcellerie ; on soutint qu’ils étaient l’ouvrage du diable ; et sans la protection de Louis XI et de la Sorbonne, l’imprimerie en naissant était étouffée à Paris.
Mais l’histoire de Faust ne sera jamais bien connue dans ses détails intimes. Ceux qui l’ont vu poétiquement le font naître à Weimar, ou à Anhalt, ou dans la Souabe, ou dans la Marche de Brandebourg. On ne peut guère trouver rien de positif sur cet homme que dans Trithème et dans Melanchthon. Il était né à Gundling, dans le Wurtemberg, à la fin du quinzième siècle. Son père était un paysan ; il avait des parents riches à Wittemberg ; il y alla, y fit ses études et connut là Luther, Melanchthon et plusieurs autres philosophes avancés. On voit, dit Philippe Camerarius, qu’il alla, à dix-neuf ans, étudier la magie à Cracovie, où l’on donnait alors des leçons de sciences occultes. Il reparut ensuite, se disant le chef des nécromanciens, le premier astrologue, le second dans la magie, dans la chiromancie et les autres divinations. Ayant hérité alors des biens considérables que laissait un oncle qu’il avait à Wittemberg, il se livra sans frein à la débauche et s’adonna entièrement à l’évocation des esprits et aux sortilèges. Il se procura tous les livres magiques, prit des leçons d’un célèbre cristallomancien (Christophe Kayllinger), et rechercha tous les arts défendus. On dit qu’il se vanta de faire d’aussi grands miracles que le Christ. Ce qui paraît incontestable, c’est qu’à vingt-sept ans il conjura le démon et fit avec lui un pacte qui devait durer vingt-quatre ans, au bout desquels il s’obligeait à livrer son âme. Il reçut pour serviteur assidu le démon Méphistophélès, et dès lors il fit tout ce qu’il voulut. De graves historiens rapportent les fascinations étonnantes qu’il produisit à la cour de l’empereur Maximilien et à la cour de Charles-Quint. Il prétendait que les armées impériales lui devaient toutes leurs victoires, Melanchthon, qui le connaissait personnellement, le peint comme la bête la plus immonde, le cloaque des hôtes de l’enfer, chassé de partout par les magistrats. Il raconte qu’ayant tenté de voler, comme Simon le magicien, il fut à demi écrasé en tombant. Au terme de son pacte, il fut étranglé par le démon, auprès de Rimlich, et l’écrivain que nous citons parle de cette fin horrible comme d’un fait notoire.
Dans l’étude publiée par M. François Hugo sur le Faust anglais (Revue française du 10 mai 1858), Faust est l’imprimeur. Le Parlement de Paris le tient emprisonné, mais il s’évade et gagne Mayence. Il évoque le diable, qui paraît sous diverses formes, de dragon, de griffon, d’étoile, de poutre de feu, enfin de moine gris. Il s’accorde avec lui et va le visiter en enfer. Sa visite lui est rendue assez vite, et sept princes de l’enfer arrivent chez lui : Belzebub, habillé en bœuf ; Lucifer en homme couleur des glands du chêne rouge ; Astaroth en serpent, avec deux petits pieds jaunes ; Satan en âne, avec une queue de chat ; Anabry en chien noir et blanc, avec des oreilles de quatre aunes ; Dythican en perdrix ; Drac en flamme bleue, avec une queue rouge ; Bélial en éléphant, riche d’une trompe démesurée.
On a recueilli, sous le nom de triple ban de l’enfer de Faust, une sorte de rituel infernal qui donne des formules de la dernière stupidité pour évoquer toute espèce de démons. On y voit qu’il faut écrire des sommations à comparaître sur du papier noir avec du sang de corbeau. Voy. {{DIv|Pactes. — Wagner, disciple de Faust, Videman et plusieurs autres, ont écrit l’histoire de Faust. Goethe en a fait un poème singulier .
Fechner (Jean), auteur d’un traité latin sur la pneumatique, ou doctrine des esprits selon les plus célèbres philosophes de son temps. Breslau, in-12, 1698.
Fécondité. De graves écrivains affirment que le vent produit des poulains et des perdrix. Varron dit qu’en certaines saisons le vent rend fécondes les juments et les poules de Lusitanie. Virgile, Pline, Columelle, ont adopté ce conte, et le mettent au nombre des faits constamment vrais, quoiqu’on n’en puisse dire la raison. On a soutenu autrefois beaucoup d’impertinences de ce genre, qui aujourd’hui sont reconnues des erreurs. On a publié un arrêt donné en 1537 par le parlement de Grenoble, qui aurait reconnu la fécondité d’une femme produite par la seule puissance de l’imagination. Cet arrêt supposé n’est qu’une assez mauvaise plaisanterie.
Fécor, compagnon d’Anarazel. Voy. ce mot.
Fées. Si les histoires des génies sont anciennes dans l’Orient, la Bretagne a peut-être le droit de réclamer les fées et les ogres. Nos fées ou fades (fatidicœ) sont assurément les druidesses de nos pères. Chez les Bretons, de temps immémorial, et dans tout le reste des Gaules, pendant la première race des rois francs, on croyait généralement que les druidesses pénétraient les secrets de la nature, et disparaissaient du monde visible. Elles ressemblaient en puissance aux magiciennes des Orientaux. On en a fait des fées. On disait qu’elles habitaient au fond des puits, au bord des torrents, dans des cavernes sombres. Elles avaient le pouvoir de donner aux hommes des formes d’animaux, et faisaient quelquefois dans les forêts les mêmes fonctions que les nymphes du paganisme. Elles avaient une reine qui les convoquait tous les ans en assemblée générale, pour punir celles qui avaient abusé de leur puissance et récompenser celles qui avaient fait du bien.
Dans certaines contrées de l’Écosse, on dit que les fées sont chargées de conduire au ciel les âmes des enfants nouveau-nés, et qu’elles aident ceux qui les invoquent à rompre les maléfices de Satan. On voit dans tous les contes et dans les vieux romans de chevalerie, où les fées jouent un très-grand rôle, que, quoique immortelles, elles étaient assujetties à une loi qui les forçait à prendre tous les ans, pendant quelques jours, la forme d’un animal, et les exposait, sous cette métamorphose, à tous les hasards, même à la mort, qu’elles ne pouvaient recevoir que violente. On les distinguait en bonnes et méchantes fées ; on était persuadé que leur amitié ou leur haine décidait du bonheur ou du malheur des familles. À la naissance de leurs enfants, les Bretons avaient grand soin de dresser dans une chambre écartée une table abondamment servie, avec trois couverts, afin d’engager les mères ou fées à leur être favorables, à les honorer de leur visite, et à douer le nouveau-né de quelques qualités heureuses. Ils avaient pour ces êtres mystérieux le même respect que les premiers Romains pour les carmentes, déesses tutélaires des enfants, qui présidaient à leur naissance, chantaient leur horoscope et recevaient des parents un culte.
On trouve des fées chez tous les anciens peuples du Nord, et c’était une opinion partout adoptée que la grêle et les tempêtes ne gâtaient pas les fruits dans les lieux qu’elles habitaient. Elles venaient le soir, au clair de la lune, danser dans les prairies écartées ; elles se transportaient aussi vite que la pensée partout où elles souhaitaient, à cheval sur un griffon, ou sur un chat d’Espagne, ou sur un nuage. On assurait que, par un caprice de leur destin, les fées étaient aveugles chez elles et avaient cent yeux dehors. Frey remarque qu’il y avait entre les fées, comme parmi les hommes, inégalité de moyens et de puissance. Dans les romans de chevalerie et dans les contes on voit souvent une bonne fée vaincue par une méchante qui a plus de pouvoir.
Les cabalistes ont aussi adopté l’existence des fées, mais ils prétendent qu’elles sont des sylphides, ou esprits de l’air. On vit, sous Charlemagne et sous Louis le Débonnaire, une multitude de ces esprits, que les légendaires appelèrent des démons, les cabalistes des sylphes, et nos chroniqueurs des fées. Corneille de Kempen assure que, du temps de Lothaire, il y avait en Frise quantité de fées qui séjournaient dans les grottes, autour des montagnes, et qui ne sortaient qu’au clair de la lune. Olaüs Magnus dit qu’on en voyait beaucoup en Suède de son temps. « Elles ont pour demeure, ajoute-t-il, des antres obscurs dans le plus profond des forêts ; elles se montrent quelquefois, parlent à ceux qui les consultent, et s’évanouissent subitement. » On voit dans Froissart qu’il y avait également une multitude de fées dans l’île de Céphalonie ; qu’elles protégeaient le pays contre tout méchef, et qu’elles s’entretenaient familièrement avec les femmes de l’île. Les femmes blanches de l’Allemagne sont encore des fées ; mais celles-là étaient presque toujours dangereuses.
Leloyer conte que les Écossais avaient des fées, ou fairs, ou fairfolks, qui venaient la nuit dans les prairies. Ces fées paraissent être les striges, ou magiciennes, dont parle Ausone. Hector de Boèce, dans ses Annales d’Ecosse, dit que trois de ces fées prophétisèrent à Banquo, chef des Stuarts, la grandeur future de sa maison. Shakespeare, dans son Macbeth, en a fait trois sorcières. Il reste beaucoup de monuments de la croyance aux fées : telles sont ces grottes du Chablais qu’on appelle les grottes des fées. On n’y aborde qu’avec peine. Chacune des trois grottes a, dans le fond, un bassin dont l’eau passe pour avoir des vertus miraculeuses. L’eau qui distille dans la grotte supérieure, à travers le rocher, a formé, sous la voûte, la figure d’une poule qui couve ses poussins. À côté du bassin on voit un rouet, ou tour à filer, avec la quenouille. Les femmes des environs, dit un écrivain du dernier siècle, prétendent avoir vu autrefois, dans l’enfoncement, une femme pétrifiée au-dessus du rouet. Aussi on n’osait guère approcher de ces grottes ; mais depuis que la figure de la femme a disparu on est devenu moins timide. Auprès de Ganges, en Languedoc, on montre une autre grotte des fées, ou grottes des demoiselles, dont on fait des contes merveilleux. On voit à Merlingen, en Suisse, une citerne noire qu’on appelle le puits de la fée. Non loin de Bord-Saint-Georges, à deux lieues de Chambon, on respecte encore les débris d’un vieux puits qu’on appelle aussi le puits des fées ou fades, et sept bassins qu’on a nommés les creux des fades. On voit près de là, sur la roche de Beaune, deux empreintes de pied humain : l’une est celle du pied de saint Martial, l’autre appartient, suivant la tradition, à la reine des fées, qui, dans un moment de fureur, frappa si fortement le rocher de son pied droit qu’elle en laissa la marque. On ajoute que, mécontente des habitants du canton, elle tarit les sources minérales qui remplissaient les creux des fées, et les fit couler à Évaux, où elles sont encore. On voyait près de Domremy l’arbre des fées : Jeanne d’Arc fut même accusée d’avoir eu des relations avec les fées qui venaient danser sous cet arbre.
On remarque dans la petite île de Concourie, à une lieue de Saintes, une haute butte de terre qu’on appelle le Mont des fées. La Bretagne est pleine de vestiges semblables : plusieurs fontaines y sont encore consacrées à des fées, lesquelles métamorphosent en or. en diamant, la main des indiscrets qui souillent l’eau de leurs sources  Le mail d’Amiens, appelé aujourd’hui promenade de la Hautoye, était autrefois le mail des fées.
Le comte d’Angeweiller épousa une fée, comme le rapporte Tallemant des Réaux ; elle lui donna un gobelet, une cuiller et une bague, trois merveilleux objets qui restèrent dans sa famille comme gages de bonheur. On lit aussi dans la légende de saint Armentaire, écrite en l’an 1300, quelques détails sur la fée Esterelle, qui vivait auprès d’une fontaine où les Provençaux lui apportaient des offrandes. Elle donnait des breuvages enchantés aux femmes. Le monastère de Notre-Dame de l’Esterel était bâti sur le lieu qu’avait habité cette fée. Mélusine était encore une fée ; il y avait dans son destin cette particularité, qu’elle était obligée tous les samedis de : prendre la forme d’un serpent dans la partie inférieure de son corps. La fée qui épousa le seigneur d’Argouges, au commencement du quinzième siècle, l’avait, dit-on, averti de ne jamais parler de la mort devant elle ; mais un jour qu’elle s’était fait longtemps attendre, son mari, impatienté, lui dit qu’elle serait bonne à aller chercher la mort. Aussitôt la fée disparut en laissant les traces de ses mains sur les murs, contre lesquels elle frappa plusieurs fois de dépit. C’est depuis ce temps que la noble maison d’Arj gouges porte dans ses armes trois mains posées en pal, et une fée pour cimier. L’époux de Mélusine la vit également disparaître pour n’avoir, pu vaincre la curiosité de la regarder à travers la porte dans sa métamorphose du samedi La reine des fées est Titania, épouse du roi ; Obéron, qui a inspiré à Wieland un poème célèbre en Allemagne.
Felgenhaver (Paul), visionnaire allemand du dix-septième siècle. Il se vantait d’avoir reçu de Dieu la connaissance du présent, du passé et de l’avenir ; il prêchait un esprit astral, soumis aux régénérés (ses disciples), lequel esprit astral est celui qui a donné, dit-il, aux prophètes et aux apôtres le pouvoir d’opérer des prodiges et de chasser les démons. Ayant été mis en prison à cause de quelque scandale qu’il avait causé, il composa un livre où il prouvait là divinité de sa mission par ses souffrances. Il y raconte une révélation dont le Seigneur, à ce qu’on disait, l’avait favorisé. Ses principaux ouvrages sont :
Chronologie ou efficacité des années du monde, sans désignation du lieu d’impression, 1620, in-4°. Il prétend y démontrer que le monde est de deux cent trente-cinq ans plus vieux qu’on ne le croit : que Jésus-Christ est né l’an ! |235 de la création : et il trouve de grands mystères dans ce nombre, parce que le double septénaire y est contenu . Or, le monde ne pouvant pas subsister plus de six mille ans, il n’avait plus, en 1620, à compter que sur une durée de cent quarante-cinq ans. Le jugement dernier était très-proche, et Dieu lui en avait révélé l’époque, qui était 1765. 2° Miroir des temps, dans lequel, indépendamment des admonitions adressées à tout le monde, on expose aux yeux ce qui a été et ce qui est parmi tous les États écrit par la grâce de Dieu et par l’inspiration du Saint-Esprit…, 1620, in-A° ; 3° Postillon ou Nouveau calendrier et pronosticon-astrologico-propheticum, présenté à tout l’univers et à toutes les créatures, 1636, in-12 (en allemand). Felgenhaver, en résumé, nous paraît avoir été un rival de Matthieu Laensberg.
Femmes. Il y eut une doctrine adoptée par quelques hérétiques, que les femmes étaient des brutes, mulieres non esse homines. Les prélats, au second concile de Mâcon, foudroyèrent cette extravagance, qui venait des rabbins. Nous ne rapporterons pas ici toutes les mille et une erreurs qu’on a débitées contre les femmes. Delancre et Bodin assurent qu’elles sont bien plus aptes que les hommes à la sorcellerie, et que c’est une terrible chose qu’une femme qui s’entend avec le diable. D’anciens philosophes disent aussi que la présence des femmes en certains jours fait tourner le lait, ternit les miroirs, dessèche les campagnes, engendre des serpents et rend les chiens enragés. Les philosophes sont bien niais.
Femmes blanches. Quelques-uns donnent le nom de femmes blanches aux sylphides, aux nymphes et à des fées qui se montraient en Allemagne, protégeant les enfants et s’intéressant à quelques fa milles. D’autres entendent par là certains fantômes qui causent plus de peur que de mal. Il y a une sorte de spectres peu dangereux, dit Delrio, qui apparaissent en femmes toutes blanches dans les bois et les prairies ; quelquefois même on les voit dans les écuries, tenant des chandelles de cire allumées dont elles laissent tomber des gouttes sur le toupet et le crin des chevaux, qu’elles peignent et qu’elles tressent ensuite fort proprement ; ces femmes blanches, ajoute le même auteur, sont aussi nommées sibylles et fées. En Bretagne, des femmes blanches, qu’on appelle lavandières ou chanteuses de nuit, lavent leur linge en chantant, au clair de la lune, dans les fontaines écartées ; elles réclament l’aide des passants pour tordre leur linge et cassent le bras à qui les aide de mauvaise grâce.
Érasme parle d’une femme blanche célèbre en Allemagne et dont voici le conte : — « La chose qui est presque la plus remarquable dans notre Allemagne, dit-il, est la femme blanche, qui se fait voir quand la mort est prête à frapper à la porte de quelque prince, et non-seulement en Allemagne, mais aussi en Bohême. En effet, ce spectre s’est montré à la mort de la plupart des grands de Neuhaus et de Rosemberg, et il se montre encore aujourd’hui. Guillaume Slavata, chancelier de ce royaume, déclare que cette femme ne peut être retirée du purgatoire tant que le château de Neuhaus sera debout. Elle y apparaît non-seulement quand quelqu’un doit mourir, mais aussi quand il se doit faire un mariage ou qu’il doit naître un enfant ; avec cette différence que quand elle apparaît avec des vêtements noirs, c’est signe de mort ; et, au contraire, un témoignage de joie quand on la voit tout en blanc. Gerlanius témoigne aussi avoir ouï dire au baron d’Ungenaden, ambassadeur de l’empereur à la Porte, que cette femme blanche apparaît toujours en habit noir lorsqu’elle prédit en Bohême la mort de quelqu’un de la famille de Rosemberg. Le seigneur Guillaume de Rosemberg s’étant allié aux quatre maisons souveraines de Brunswick, de Brandebourg, de Bade et de Pernstein, l’une après l’autre, et ayant fait pour cela de grands frais, surtout aux noces de la princesse de Brandebourg, la femme blanche s’est rendue familière à ces quatre maisons et à quelques autres qui leur sont alliées. À l’égard de ses manières d’agir, elle passe quelquefois très-vite de chambre en chambre, ayant à sa ceinture un grand trousseau de clefs dont elle ouvre et ferme les portes aussi bien de jour que de nuit. S’il arrive que quelqu’un la salue, pourvu qu’on la laisse faire, elle prend un ton de voix de femme veuve, une gravité de personne noble, et, après avoir fait une honnête révérence de la tête, elle s’en va. Elle n’adresse jamais de mauvaises paroles à personne ; au contraire, elle regarde tout le monde avec modestie et avec pudeur. Il est vrai que souvent elle s’est fâchée, et que même elle a jeté des pierres à ceux à qui elle a entendu tenir des discours inconvenants tant contre Dieu que contre son service ; elle se montre bonne envers les pauvres et se tourmente fort quand on ne les aide pas à sa fantaisie. Elle en donna des marques lorsque, après que les Suédois eurent pris le château, ils oublièrent de donner aux pauvres le repas de bouillie qu’elle a institué de son vivant. Elle mena si grand charivari que les soldats qui y faisaient la garde ne savaient où se cacher. Les généraux mêmes ne furent pas exempts de ses importunités, jusqu’à ce qu’enfin un d’eux rappelât aux autres qu’il fallait faire de la bouillie et la distribuer aux pauvres ; ce qui ayant été accompli, tout fut tranquille. » Voy. Fées.
Femmes-cygnes. Il y a des femmes-cygnes dans les légendes Scandinaves : ce sont des ondines ; mais elles ont quelque chose d’humain, quoiqu’elles ne soient pas de l’espèce, tandis que chez les Tartares de l’Altaï ce sont probablement des démons. On en voit une se déguiser en renard noir pour égarer les héros. Il paraît qu’elles sont au nombre de quarante. Un jour trente de ces femmes se métamorphosèrent en un seul loup-garou. Quelquefois elles concentrent leur quarante perfidies pour constituer une seule femme-cygne dont la malice est alors effroyable. Pour se défatiguer, elle avale du sang trois fois plein sa main, après quoi elle peut courir quarante ans sans désemparer .
Femmes vertes. Les Écossais donnent ce nom à des fées qui paraissent, aux lieux déserts, habillées de robes vertes éclatantes.
Fenris, loup monstrueux, fils de Loke, devenu si fort, qu'il rompait les chaînes de fer et les liens les plus étroits. Enfin un nain fabriqua pour lui un cordon souple et uni, où il se laissa prendre par les dieux, espérant le rompre avec la même facilité. Mais ses efforts ne firent que serrer le nœud fatal, dont les dieux firent passer le bout par le milieu d'un grand rocher plat, qu'ils enfoncèrent dans les entrailles de la terre. Depuis ce temps, il pousse d'horribles hurlements; et l'écume sort sans cesse de sa bouche avec tant d'abondance, qu'elle forme un fleuve, qu'on nomme Vam (les vices). Mais ce monstre doit rompre ses chaînes au crépuscule des dieux, c'est-à-dire à la fin du monde, et dévorer le soleil. On reconnaîtra sans doute dans ce loup l'emblème du mauvais principe, ou de quelque puissance ennemie de la nature.
Fer chaud (épreuve du). Celui qui voulait se justifier d’une accusation, ou prouver la vérité d’un fait contesté, et que l’on condamnait pour cela à l’épreuve du fer chaud, était obligé de porter à neuf ou douze pas une barre de fer rouge pesant environ trois livres. Cette épreuve se faisait aussi en mettant la main dans un gantelet de fer sortant de la fournaise, ou en marchant sur du fer rougi. Voy. Emma. Un mari de Didymotèque, soupçonnant la fidélité de sa femme, lui proposa d’avouer son crime ou de prouver son innocence par l’attouchement d’un fer chaud. Si elle avouait, elle était morte ; si elle tentait l’épreuve, elle craignait d’être brûlée. Elle eut recours à l’évêque de Didymotèque, prélat recommandable ; elle lui avoua sa faute en pleurant et promit de la réparer. L’évêque, assuré de son repentir, et sachant que le repentir vrai restitue l’innocence, lui dit qu’elle pouvait sans crainte se soumettre à l’épreuve. Elle prit un fer rougi au feu, fit trois fois le tour d’une chaise, l’ayant toujours à la main ; et le mari fut pleinement rassuré. Ce trait eut lieu sous Jean Cantacuzène.
Sur la côte du Malabar, l’épreuve du fer chaud était aussi en usage. On couvrait la main du criminel d’une feuille de bananier, et l’on y appliquait un fer rouge ; après quoi le surintendant des blanchisseurs du roi enveloppait la main de l’accusé avec une serviette trempée dans de l’eau de riz ; il la liait avec des cordons ; puis le roi appliquait lui-même son cachet sur le nœud. Trois jours après on déliait la main et on déclarait le prévenu innocent, s’il ne restait aucune marque de brûlure ; mais s’il en était autrement, il était envoyé au supplice. — Au reste, l’épreuve du fer chaud est fort ancienne ; car il en est question dans l’Electre de Sophocle.
Ferdinand IV, dit l’Ajourné, roi de Castille et de Léon, né en 1285. Ayant condamné à mort deux frères que l’on accusait d’avoir assassiné un seigneur castillan au sortir du palais, il voulut que la sentence fût exécutée, quoique les accusés protestassent de leur innocence et quoiqu’il n’y eût aucune preuve solide contre eux. Alors, disent les historiens de ce temps, les deux frères, en montant le rocher du haut duquel ils devaient être précipités, ajournèrent Ferdinand à comparaître dans trente jours au tribunal du juge des rois ; et, précisément trente jours après, le roi, s’étant retiré après le diner pour dormir, fut trouvé mort dans son lit. Voy. Ajournement.
Fernand (Antoine), jésuite espagnol, auteur d’un commentaire assez curieux sur les visions et révélations de l’Ancien Testament, publié en 1617.
Ferragus, géant dont parle la Chronique de l’archevêque Turpin. Il avait douze pieds de haut et la peau si dure qu’aucune lance ou épée ne la pouvait percer. Il fut vaincu par l’un des preux de Charlemagne.
Ferrier (Auger), médecin et astrologue, auteur d’un livre peu connu intitulé Jugements d’astronomie sur les nativités, ou horoscopes, in-16, qu’il dédia à la reine Catherine de Médicis. — Auger Ferrier a laissé encore un petit traité latin, De somniis, imprimé à Lyon en 1549, avec le traité d’Hippocrate sur les insomnies.
Féry (Jeanne), jeune fille de Sore, sur la Sambre, qui, ayant été maudite par son père, fut obsédée d’un démon dès l’âge de quatre ans. Il lui donnait du pain blanc et des pommes et faisait qu’elle ne sentait pas les coups qu’on lui appliquait comme châtiment. Lorsqu’elle fut grande, il la démoralisa peu à peu ; il lui fit signer un papier où elle renonçait à son baptême, à l’Église et au Christ. Elle avala ensuite ce papier dans une orange, et, livrée au démon, elle commit tous les péchés imaginables, profanations, sacrilèges, blasphèmes, abominations. Elle était transportée aux réunions diaboliques, où elle adora plusieurs démons ; elle en nomma quelques-uns dans sa confession : l’un s’appelait Charme, un autre Ninus, un autre Esprit de Sang, un autre Béléal, etc. Lorsqu’elle eut vingt-cinq ans, on remarqua à beaucoup de signes qu’elle était possédée. L’archevêque de Cambrai, Louis de Berlaimont, la fit exorciser. Mais ces exorcismes, où de grandes horreurs furent révélées, durèrent près de deux ans ; et une foule de témoignages très-graves ne permettent pas de contester cette histoire, dont les détails nombreux sont reproduits par Gôrres au livre VIII de sa Mystique, chap. XII. La malheureuse Jeanne fut délivrée enfin par la protection spéciale de sainte Marie Madeleine qu’elle invoquait ardemment.
Festins du sabbat. Le sel n’y paraît jamais. Le pain n’est pas fait de farine de blé, mais de farine de pois. Les viandes sont de la chair de chien ou de chat volé. Si elle est en putréfaction, c’est un régal. On mange des cadavres d’enfants. En quelques lieux, les habitués du sabbat ont déterré le corps d’un des leurs décédé et l’ont mangé à toutes sauces. Dans les procès des sorciers, on voit des sorcières convaincues d’avoir mis à la broche des enfants dérobés. On ne boit que des liqueurs. Le vin, l’huile, le sel et tout ce que l’Église bénit est exclu dans ces hideuses fêtes.
Fêtes dans l’Inde. Nous donnons ici une idée du culte public en un pays où les Anglais, depuis cent ans, auraient porté la lumière s’ils étaient restés catholiques : c’est la fête que les Hindous célèbrent au commencement d’octobre, en l’honneur de la déesse Dourga, épouse de Siva, appelée aussi Bhâvanâ, et de sa fille Cali, née de son œil, appelée encore Mohakali, la noire, la grande noire, et Roudrani, la mère des larmes. Cette fête est l’une des plus magnifiques, des plus coûteuses et des plus populaires du culte hindou. Voici les détails que donne, à propos de ces cérémonies religieuses, l’India, de J.-Th. Stocqueler :
Les préliminaires seuls prennent plus de temps que l’adoration, qui dure cependant trois jours.
Pendant toute cette période, les affaires sont suspendues, et chacun se livre sans mesure au plaisir et à la gaieté. Le premier jour on donne la vue et l’existence à l’idole destinée à devenir l’objet de la vénération générale. Un brahmes en acquitte en touchant les joues, les yeux, la poitrine et le front de la divinité, en disant : « Puisse l’âme de Dourga être longtemps heureuse dans ce corps ! » D’autres cérémonies, ainsi que l’immolation d’un grand nombre de bestiaux, tels que des bisons, des moutons, des chèvres, etc., succèdent à celle-là. La chair et le sang des victimes sont offerts en holocauste aux images de la déesse et des divinités qui l’entourent. Les cérémonies et les sacrifices qui s’accomplissent le deuxième et le troisième jour sont presque semblables à ceux du premier. À la fin, lorsque tous les animaux ont été immolés, la multitude se couvre de boue et de sang coagulé, puis danse avec frénésie au lieu même où elle s’est prosternée. Le lendemain des fêtes, l’idole est dépouillée de ses pouvoirs par le même brahme qui l’en avait revêtue.
Cette statue, l’une des plus révoltantes qu’on puisse imaginer, représente Dourga ou Cali, personnifiant la mort : c’est une horrible femme très-noire, quelquefois bleue, qui tient d’une de ses quatre mains un cimeterre, de l’autre une tête de géant qu’elle a saisie par les cheveux ; de la troisième, étendue tout ouverte, elle semble bénir, et de la quatrième elle défend d’avoir peur. Ses boucles d’oreilles sont deux squelettes ; son collier une rangée de crânes. Sa langue tombe jusqu’au bas de son menton, en témoignage de la honte qu’elle éprouve en s’apercevant que, dans sa fureur indomptable, elle a foulé aux pieds son mari Siva. Des têtes de géants coupées entourent sa taille d’une ceinture, et ses nattes tombent jusque sur ses talons. Comme elle a bu le sang des géants qu’elle a tués pendant le combat, ses sourcils ont pris la couleur du breuvage qui l’a désaltérée, et un ruisseau vermeil, de la même nature, s’échappe de sa poitrine ; ses yeux sont rouges comme ceux d’un ivrogne ; elle est debout, un pied sur la poitrine de son mari, l’autre sur sa cuisse.
Cette statue est placée par les prêtres sur une estrade de bambous et transportée, accompagnée d’une foule immense, au bruit des tambours, des cornets et d’autres instruments hindous, sur la rive du fleuve sacré ; on la précipite dans les flots, en présence d’un concours de tous rangs et de toutes conditions, tandis que les prêtres invoquent la déesse et lui demandent la vie, la santé et la prospérité, la suppliant, elle, leur mère universelle, comme ils disent, de retourner momentanément dans ses domaines, pour revenir plus tard au milieu d’eux.
Pendant ces trois jours d’adoration, les maisons des riches Hindous sont splendidement illuminées la nuit, et ouvertes le jour à tout venant.
Mais tout n’est pas fini : le jour suivant on apporte des villages, souvent fort éloignés du fleuve, des idoles que l’on vient y jeter, et le tumulte, la confusion qui règnent alors sont indescriptibles. Les statues exhibées en pareille occasion sont faites de foin, de morceaux de bois, d’argile, et quelques-unes atteignent dix à douze pieds de haut.
Ces fêtes absorbent des sommes immenses ; une partie, et c’est la plus considérable, est distribuée en aumônes, employées à nourrir et à vêtir les prêtres et les mendiants ; le reste est consacré aux réjouissances publiques et à enrichir les bayadères qui dansent devant la déesse.
Les Anglais n’ont jamais porté la lumière dans ces hideuses ténèbres ; et ils n’ont rien fait pour empêcher ces abominations.
Fétiches, divinités des nègres de Guinée. Ces divinités varient : ce sont des animaux desséchés, des branches d’arbres, des arbres mêmes, des montagnes, ou toute autre chose. Ils en ont de petits qu’ils portent au cou ou au bras, souvent des coquillages. Ils honorent un arbre qu’ils appellent l’arbre des fétiches ; ils placent au pied une table couverte de vin de palmier, de riz et de millet. — Cet arbre est un oracle que l’on consulte dans les occasions importantes ; il ne manque jamais de faire connaître sa réponse par l’organe d’un chien noir, qui est le diable, selon nos démonographes. — Un énorme rocher nommé Tabra, qui s’avance dans la mer en forme de presqu’île, est le grand fétiche du cap Corse. On lui rend des honneurs particuliers, comme au plus puissant des fétiches. — Au Congo, personne ne boit sans faire une oblation à son principal fétiche, qui est souvent une défense d’éléphant.
Nous empruntons ce qui suit à la Revue coloniale:
« Dans les deux Guinées règne partout un affreux fétichisme, avec un cortège de superstitions ridicules, dégradantes et parfois cruelles. La métempsycose, la polygamie, le divorce, les sacrifices humains et même souvent l’anthropophagie sont consacrés par la religion.
» Pour comprendre la force et l’influence des idées et des pratiques superstitieuses de ces peuples, il est bon de faire observer qu’elles font partie intégrante de leur état social, et que les fétichistes, pas plus que les mahométans, n’établissent de distinction entre l’ordre politique et l’ordre religieux. Chez eux les idées et les pratiques religieuses sont l’essence de leur état social. Aussi le culte de leurs fétiches ou génies protecteurs se révèle partout, dans la vie publique comme dans la vie individuelle. Ainsi il y a le fétiche du royaume, celui du village, celui de la famille, celui de l’individu.
» C’est au nom du fétiche que les chefs gouvernent, qu’ils jugent les litiges, qu’ils règlent le commerce et même l’usage des aliments. C’est au nom du fétiche que le maître exerce sur son esclave son droit de vie et de mort, et que la chair humaine devient l’aliment de l’homme. C’est au fétiche supposé irrité qu’on immole des victimes humaines pour l’apaiser.
» Les formes sous lesquelles le fétiche est honoré varient selon les pays. Tantôt c’est sous la figure d’un animal, tel que le lézard, le cheval, l’hyène, le tigre, le vautour et plus souvent le serpent ; tantôt c’est sous la forme d’un arbre ou d’une plante dont l’espèce devient sacrée ; tantôt, enfin, c’est sous l’image d’une statuette de bois à figure humaine. »
Feu. Plusieurs nations ont adoré cet élément. En Perse, on faisait des enclos fermés de murailles et sans toit, où l’on entretenait du feu. Les grands y jetaient des essences et des parfums. Quand un roi de Perse était à l’agonie, on éteignait le feu dans les villes principales du royaume, pour ne le rallumer qu’au couronnement de son successeur. Certains Tartares n’abordent jamais les étrangers qu’ils n’aient passé entre deux feux pour se purifier ; ils ont bien soin de boire la face tournée vers le midi, en l’honneur du feu. Les Jagous, peuple de Sibérie, croient qu’il existe dans le feu un être qui dispense le bien et le mal ; ils lui offrent des sacrifices perpétuels.
On sait que, selon les cabalistes, le feu est l’élément des Salamandres. Voy. ce mot.
Parmi les épreuves superstitieuses qu’on appelait jugements de Dieu, l’épreuve du feu ne doit pas être oubliée. Voy. Fer chaud, Eau bouillante, etc.
Feu de la Saint-Jean. En 1634, à Quimper, en Bretagne, les habitants mettaient encore des sièges auprès des feux de joie de la Saint-Jean, pour que leurs parents morts pussent en jouir à leur aise. — On réserve, en ce pays, un tison du feu de la Saint-Jean pour se préserver du tonnerre. Les jeunes filles, pour être sûres de se marier dans l’année, sont obligées de danser autour de neuf feux de joie dans cette même nuit : ce qui n’est pas difficile, car ces feux sont tellement multipliés dans la campagne qu’elle paraît illuminée. On conserve ailleurs la même opinion qu’il faut garder des tisons du feu de Saint-Jean comme d’excellents préparatifs qui, de plus, portent bonheur. — À Paris, autrefois, on jetait deux douzaines de petits chats (emblèmes du diable sans doute) dans le feu de la Saint-Jean  parce qu’on était persuadé que les sorciers faisaient leur grand sabbat cette nuit-là. — On disait aussi que la nuit de la Saint-Jean était la plus propre aux maléfices, et qu’il fallait recueillir alors le trèfle à quatre feuilles, et toutes les autres herbes dont on avait besoin pour les sortilèges.
Feu grégeois. Du terrible feu grégeois et de la manière de le composer. « Ce feu est si violent qu’il brûle tout ce qu’il touche, sans pouvoir être éteint, si ce n’est avec de l’urine, de fort vinaigre ou du sable. On le compose avec du soufre vif, du tartre, de la sarcocole, de la picole, du sel commun recuit, du pentréole et de l’huile commune ; on fait bien bouillir le tout, jusqu’à ce qu’un morceau de toile qu’on aura jeté dedans soit consumé ; on le remue avec une spatule de fer. Il ne faut pas s’exposer à faire cette composition dans une chambre, mais dans une cour ; parce que si le feu prenait, on serait très-embarrassé pour l’éteindre . » Ce n’est sans doute pas là le feu grégeois d’Archimède.
Feu Saint-Elme, ou Feu Saint-Germain, ou Feu Saint-Anselme. Le prince de Radziwill, dans son Voyage de Jérusalem, parle d’un feu qui parut plusieurs fois au haut du grand mât du vaisseau sur lequel il était monté ; il le nommait feu Saint-Germain ; d’autres, feu Saint-Elme, et feu Saint-Anselme. Les païens attribuaient ce prodige à Castor et Pollux, parce que quelquefois il paraît double. Les physiciens disent que ce n’est qu’une exhalaison enflammée. Mais les anciens croyaient y voir quelque chose de surnaturel et de divin .
Feux follets. On appelle feux follets, ou esprits follets, ces exhalaisons enflammées que la terre, échauffée par les ardeurs de l’été, laisse échapper de son sein, principalement dans les longues nuits de l’Avent ; et, comme ces flammes roulent naturellement vers les lieux bas et les marécages, les paysans, qui les prennent pour de malins esprits, s’imaginent qu’ils conduisent au précipice le voyageur égaré que leur éclat éblouit, et qui prend pour guide leur trompeuse lumière. Olaüs Magnus dit que les voyageurs et les bergers de son temps rencontraient des esprits follets qui brûlaient tellement l’endroit où ils passaient qu’on n’y voyait plus croître ni herbe ni verdure . Chez les Russes et chez les Polonais, les feux follets sont les âmes des morts.
Un jeune homme, revenant de Milan pendant une nuit fort noire, fut surpris en chemin par un orage ; bientôt il crut apercevoir dans le lointain une lumière et entendre plusieurs voix à sa gauche ; peu après il distingua un char enflammé qui accourait à lui, conduit par des bouviers dont les cris répétés laissaient entendre ces mots : Prends garde à toi ! Le jeune homme épouvanté pressa son cheval ; mais plus il courait, plus le char le serrait de près. Enfin, après une heure de course, il arriva, en se recommandant à Dieu de toutes ses forces, à la porte d’une église où tout s’engloutit. Cette vision, ajoute Cardan, était le présage d’une grande peste qui ne tarda pas à se faire sentir, accompagnée de plusieurs autres fléaux. Cardan était enfant lorsqu’on lui raconta cette histoire, de sorte qu’il peut aisément l’avoir dénaturée. Le jeune homme qui eut la vision n’avait que vingt ans ; il était seul, il avait éprouvé une grande frayeur. Quant à la peste qui suivit, elle était occasionnée, aussi bien que l’exhalaison, par une année de chaleurs extraordinaires. Voy. Elfs, Jack of Lantern, etc.
Un des habitants de Cardigan, en Ecosse, eut une vision de follets qui ne paraît pas tant une illusion. Elle est rapportée par Barter, dans son livre De la certitude des esprits. S’étant réveillé une nuit après minuit sonné, il vit entrer successivement, un à un, dans sa chambre, douze feux follets qui avaient forme de femmes portant de petits enfants. Sa chambre en était parfaitement éclairée. Les follets, après avoir dansé, s’assirent autour d’un tapis et parurent se disposer à souper. Ils l’invitèrent même à venir manger avec eux ; et comme il priait pendant cette vision, une voix lui dit de n’avoir pas peur. Au bout de quatre heures la vision disparut. Celui qui l’avait eue jura qu’il était bien éveillé et qu’il n’était pas le jouet d’une illusion. C’était un homme de bon sens et qui méritait confiance.
Féval (Paul), auteur de la belle légende intitulée la Femme blanche des marais, de la Fée des grèves et Du fils du diable. 1846. Ce dernier ouvrage est moins recommandable.
Fèves. Pythagore défendait à ses élèves de manger des fèves, légume pour lequel il avait une vénération particulière, parce qu’elles servaient à ses opérations magiques et qu’il savait bien qu’elles étaient animées. On dit qu’il les faisait bouillir ; qu’il les exposait ensuite quelques nuits à la lune, jusqu’à ce qu’elles vinssent à se convertir en sang, dont il se servait pour écrire sur un miroir convexe ce que bon lui semblait. Alors, opposant ces lettres à la face de la lune quand elle était pleine, il faisait voir à ses amis éloignés, dans le disque de cet astre, tout ce qu’il avait écrit sur son miroir… Pythagore avait puisé ses idées sur les fèves chez les Égyptiens, qui ne touchaient pas à ce légume, s’imaginant qu’il servait de refuge à certaines âmes, comme les oignons servaient de logement à certains dieux. On conte qu’il aima mieux se laisser tuer par ceux qui le poursuivaient que de se sauver à travers un champ de fèves. C’est du moins une légende borgne très-répandue. Quoi qu’il en soit, on offrait chez les anciens des fèves noires aux divinités infernales.
Il y avait en Égypte, aux bords du Nil, de petites pierres faites comme des fèves, lesquelles mettaient en fuite les démons. N’étaient-ce pas des fèves pétrifiées ? Festus prétend que la fleur de la fève a quelque chose de lugubre, et que le fruit ressemble exactement aux portes de l’enfer… Dans l’ Incrédulité et mécréance du sortilège pleinement convaincue, page 263, Delancre dit qu’en promenant une fève noire, avec les mains nettes, par une maison infestée, et la jetant ensuite derrière le dos en faisant du bruit avec un pot de cuivre et priant neuf fois les fantômes de fuir, on les force de vider le terrain. Les jeunes filles de Venise pratiquaient avec des fèves noires une divination qui n’est pas encore passée de mode. Quand on veut savoir de plusieurs cœurs quel sera le plus fidèle, on prend des fèves noires, on leur donne à chacune le nom d’un des jeunes gens par qui on est recherchée, on les jette ensuite sur le carreau : la fève, qui se fixe en tombant, annonce le cœur certain ; celles qui s’écartent avec bruit sont des poursuivants volages.
Fey, nom que l’on donne en Écosse à toute personne que l’on croit ensorcelée.
Fian, docteur en médecine, qui, selon les procédures, était associé ou affilié aux sorcières du temps du roi Jacques. Voy. Jacques.
Fiard (l’abbé), auteur de Lettres philosophiques sur la magie, du livre intitulé la France trompée par les démonolâtres, d’un autre intitulé les Précurseurs de l’Antéchrist, d’un autre intitulé Superstitions et prestiges des philosophes ou les démonolâtres du siècle de lumières, mort à Paris en 1818. On l’a beaucoup critiqué, parce qu’il voyait dans les ennemis de Dieu des serviteurs du diable. C’est pourtant conforme à l’adage divin : qui n’est pas pour moi est contre moi. Il disait que Voltaire était un démon ; mais Thomas l’a dit avant lui.
Ficino (Marsile), philosophe florentin, né en 1433. Un jour qu’il disputait avec Michel Mercati, son disciple, sur l’immortalité de l’âme, comme ils ne s’entendaient pas, ils convinrent que le premier qui partirait du monde en viendrait donner des nouvelles à l’autre. Peu après ils se séparèrent. Un soir que Michel Mercati, bien éveillé, s’occupait de ses études, il entendit le bruit d’un cheval qui venait en toute hâte à sa porte, et en même temps la voix de Marsile Ficino qui lui criait : — Michel, rien n’est plus vrai que ce qu’on dit de l’autre vie. — Michel Mercati ouvrit la fenêtre et vit son maître Ficino, monté sur un cheval blanc, qui s’éloignait au galop. Il lui cria de s’arrêter ; mais Marsile Ficino continua sa course jusqu’à ce qu’on ne le vit plus. Le jeune homme, stupéfait, envoya aussitôt chez Ficino et apprit qu’il venait d’expirer.
Marsile Ficino a publié sur l’astrologie, sur l’alchimie, sur les apparitions et sur les songes, divers ouvrages devenus rares.
Fidélité. On lit dans Les admirables secrets d’Albert le Grand qu’en mettant un diamant sur la tête d’une femme qui dort, on connaît si elle est fidèle ou infidèle ; parce que, si elle est infidèle, elle s’éveille en sursaut et de mauvaise humeur ; si, au contraire, elle est fidèle, elle a un réveil gracieux. Le Petit Albert dit qu’on peut être bien sûr de la fidélité d’une femme, quand on lui a fait manger de la moelle de l’épine du dos d’un loup.
Fien (Thomas), Anversois, auteur d’un livre curieux sur les effets prodigieux de l’imagination, De viribus imaginationis, Londres, 1657.
Fientes. Des vertus et propriétés de plusieurs sortes de fientes. — « Comme l’homme est la plus noble créature, ses excréments ont aussi une propriété particulière pour guérir plusieurs maladies. Dioscoride et Galien en font cas et assurent qu’ils enlèvent les maux de gosier ou esquinancies. Voici la manière de les préparer. On donnera à manger à un jeune homme de bon tempérament des lupins pendant trois jours et du pain bien cuit, où il y aura du levain et du sel ; on lui fera boire du vin clairet, et on gardera les excréments qu’il rendra après trois jours de ce régime. On les mêlera avec autant de miel, et on les fera boire et avaler comme de l’opiat, ou bien, si le malade n’est pas ragoûté d’un tel condiment, on les appliquera comme un cataplasme : le remède est infaillible. » Nous ne dirons pas s’il est agréable.
Fiente de chien. — « Si on enferme un chien et qu’on ne lui donne pendant trois jours que des os à ronger, on ramassera sa fiente, qui, séchée et réduite en poudre, est un admirable remède contre la dysenterie. On prendra des cailloux de rivière qu’on fera chauffer ; ensuite on les jettera dans un vaisseau plein d’urine, dans lequel on mettra un peu de cette fiente de chien réduite en poudre ; on en donnera à boire au malade deux fois la journée, pendant trois jours, sans qu’il sache ce qu’on lui donne… Cette fiente est aussi un des meilleurs dessiccatifs pour les vieux ulcères malins et invétérés… »
Fiente de loup. — « Comme on sait que cet animal dévore souvent les os avec tel chair de sa proie, on prendra les os que l’on trouvera parmi sa fiente, parce que, pilés bien menus, bus dans du vin, c’est un spécifique contre la colique. »
Fiente de bœuf et de vache. — « La fiente de bœuf et de vache, récente et nouvelle, enveloppée dans des feuilles de vigne ou de chou, et chauffée dans les cendres, guérit les inflammations causées par les plaies. La même fiente apaise la sciatique. Si on la mêle avec du vinaigre, elle a la propriété de faire suppurer les glandes scrofuleuses et écrouelles. Galien dit qu’un médecin de Mysie guérissait toutes sortes d’hydropisies en mettant sur l’enflure de la fiente chaude de vache. Cette fiente aussi appliquée sur la piqûre des mouches à miel, frelons et autres, en enlève aussitôt la douleur. »
Fiente de porc. — « Cette fiente guérit les crachements de sang. On la fricasse avec autant de crachats de sang du malade, y ajoutant du beurre frais, et on la lui donne à avaler (s’il en a le courage). »
Fiente de chèvre. — « La fiente de chèvre a la vertu de faire suppurer toutes sortes de tumeurs. Galien guérissait fort souvent ces tumeurs et les duretés des genoux, mêlant cette fiente avec de la farina d’orge et de l’oxycrat, et l’appliquant en forme de cataplasme sur la dureté ; elle est admirable pour les oreillons, mêlée avec du beurre frais et de la lie d’huile de noix. Ce secret semblera ridicule ; mais il est véritable, car on a guéri plus de vingt personnes de la jaunisse, leur faisant boire tous les matins, pendant huit jours, à jeun, cinq petites crottes de chèvre dans du vin blanc… »
Fiente de brebis. — « Il ne faut jamais prendre cette fiente par la bouche comme celle des autres animaux, mais l’appliquer extérieurement sur le mal : elle a les mêmes propriétés que la fiente de chèvre. Elle guérit toutes sortes de verrues, de furoncles durs et de clous, si on la détrempe avec du vinaigre, et qu’on l’applique sur la douleur. »
Fiente des pigeons ramiers et des pigeons domestiques. — « Pour les douleurs de l’os ischion, la fiente des pigeons ramiers ou domestiques est admirable, étant mêlée avec de la graine de cresson d’eau ; et lorsqu’on veut faire mûrir une tumeur ou une fluxion, on peut user d’un cataplasme dans lequel entre une once de cette fiente, deux drachmes de graine de moutarde et de cresson, une once d’huile distillée de vieilles tuiles. Il est sûr que plusieurs personnes ont été guéries par cette fiente, mêlée avec de l’huile de noyaux de pêches. » Galien dit que la fiente d’oie est inutile à cause de son âcreté ; mais on est certain qu’elle guérit aussi de la jaunisse, lorsqu’on la détrempe dans du vin blanc et qu’on en boit pendant neuf jours. « Dioscoride dit que la fiente de poule ne peut être efficace que pour guérir de la brûlure, lorsqu’elle est mêlée avec de l’huile rosat ; mais Galien et Éginette assurent que, jointe avec de l’oxymel, cette fiente apaise la suffocation et soulage ceux qui ont mangé des champignons, car elle fait vomir tout ce qui embarrasse le cœur. Un médecin du temps de Galien guérissait la colique avec cette fiente, détrempée d’hypocras fait de miel et de vin. La fiente de souris, mêlée avec du miel, fait revenir le poil lorsqu’il est tombé, pourvu qu’on en frotte l’endroit avec cette mixtion… »
« Pour conserver la beauté, voici un secret très-important au beau sexe : c’est une manière de faire le fard. On prendra de la fiente de petits lézards, du tartre de vin blanc, de la raclure de corne de cerf, du corail blanc et de la farine de riz, autant de l’un que de l’autre ; on broiera le tout dans un mortier, bien menu, on le fera tremper ensuite dans de l’eau distillée d’une semblable quantité d’amandes, de limaces de vigne ou de jardin, et de fleurs de bouillon-blanc, après cela on y mêlera autant de miel blanc, et l’on broiera encore le tout ensemble. Cette composition doit être conservée dans un vase d’argent ou de verre, et l’on s’en servira pour se frotter le visage et les mains … » Voilà, convenez-en, une singulière pharmacopée.
Fièvre. Quelques personnes croient encore se guérir de la fièvre en buvant de l’eau bénite la veille de Pâques ou la veille de la Pentecôte. En Flandre, on croyait autrefois que ceux qui sont nés un vendredi ont reçu de Dieu le pouvoir de guérir la fièvre .
Figuier (M. Louis), auteur d’études curieuses sur le merveilleux dans les temps modernes. Trop sceptique.
Figures du diable. Le diable change souvent de formes, selon le témoignage de quantité de sorcières. Marie d’Aguerre confessa qu’il sortait en figure de bouc d’une cruche placée au milieu du sabbat. Françoise Secrétain déclara qu’il avait la mine d’un grand cadavre. D’autres sorcières ont dit qu’il se faisait voir sous les traits d’un tronc d’arbre, sans bras et sans pieds, assis dans une chaire, ayant cependant quelque forme de visage humain. Mais plus généralement c’est un bouc ayant deux cornes par devant et deux par derrière. Lorsqu’il n’a que trois cornes, on voit une espèce de lumière dans celle du milieu, laquelle sert à allumer les bougies noires du sabbat. Il a encore une manière de bonnet ou chapeau au-dessus des cornes. Il s’est montré aussi en squelette.
On a prétendu que le diable se présente souvent sous l’accoutrement d’un homme qui ne veut pas se laisser voir clairement, et qui a le visage rouge de feu . D’autres disent qu’il a deux visages à la tête, comme Janus. Delancre rapporte que, dans les procédures de la Tournelle, on l’a représenté en grand lévrier noir, et parfois ressemblant à un bœuf d’airain couché à terre. Il prend encore la forme d’un dragon, ou bien c’est un gueux qui porte les livrées de la misère, dit Leloyer. D’autres fois il abuse de la figure des prophètes ; et, du temps de Théodose, il prit celle de Moïse pour noyer les Juifs de Candie, qui comptaient, selon ses promesses, traverser la mer à pied sec . Le commentateur de Thomas Walsingham rapporte que le diable sortit du corps d’un diacre schismatique sous la figure d’un âne, et qu’un ivrogne du comté de Warwick fut longtemps poursuivi par un esprit malin déguisé en grenouille. Leloyer cite quelque part un démon qui se montra à Laon sous la figure d’une mouche ordinaire. Ces métamorphoses diverses que se donnent les démons pour se faire voir aux hommes sont multipliées à l’infini. Quand ils apparaissent avec un corps d’homme, on les reconnaît à leurs pieds de bouc ou de canard, à leurs griffes et à leurs cornes, qu’ils peuvent bien cacher en partie, mais qu’ils ne déposent jamais entièrement.
Cesarius d’Heisterbach ajoute à ce signalement qu’en prenant la forme humaine, le diable n’a ni dos ni derrière, de sorte qu’il se garde de montrer ses talons. (Miracul. lib. III.) Les Européens représentent ordinairement le diable avec un teint noir et brûlé ; les nègres au contraire soutiennent que le diable a la peau blanche. Un officier français se trouvant au dix-septième siècle dans le royaume d’Ardra, en Afrique, alla faire une visite au chef des prêtres du pays. Il aperçut dans la chambre du pontife une grande poupée blanche et demanda ce qu’elle représentait. On lui répondit que c’était le diable. — Vous vous trompez, dit bonnement le Français, le diable est noir. — C’est vous qui êtes dans l’erreur, répliqua le vieux prêtre ; vous ne pouvez pas savoir aussi bien que moi quelle est la couleur du diable : je le vois tous les jours, et je vous assure qu’il est blanc comme vous . Voy. à leurs articles particuliers les principaux démons. Voy. aussi Formes.
Fil de la Vierge. Les bonnes gens croient que ces flocons blancs cotonneux qui nagent dans l’atmosphère et descendent du ciel sont des présents que la sainte Vierge nous fait, et que c’est de sa quenouille céleste qu’elle les détache. Ils annoncent le beau temps. Le physicien Lamarck prétend que ce ne sont pas des toiles d’araignées ni d’autres insectes fileurs, mais des filaments atmosphériques qui se remarquent dans les jours qui n’ont pas offert de brouillard. Selon le résultat des observations de ce savant, le fil de la Vierge n’est qu’un résidu des brouillards dissipés, et en quelque sorte réduits et condensés par l’action des rayons solaires, « de sorte qu’il ne nous faudrait qu’une certaine suite de beaux soleils et de brouillards secs pour approvisionner nos manufactures et nous fournir un coton tout filé, beaucoup plus beau que celui que nous tirons des pays chauds . »
Filiat-Chout-Chi, dieu des Kamtschadales, père de Touïta.
Filles du diable. Voy. Mariage du diable.
Fin du monde. Hérodote a prédit que le monde durerait 10, 800 ans ; Dion, qu’il durerait 13, 984 ans ; Orphée, 120, 000 ; Cassander, 1, 800, 000. Il serait peut-être mieux de croire à ces gens-là, dont les prédictions ne sont pas encore démenties, qu’à une foule de prophètes, maintenant réputés sots dans les annales astrologiques. Tels furent Aristarque, qui prédisait la débâcle générale du genre humain en l’an du monde 3384 ; Darétès en l’an 5552 ; Arnauld de Villeneuve, en l’an de Notre-Seigneur 1395 ; Jean Hilten, Allemand, en 1651. L’Anglais Wistons, explicateur de l’Apocalypse, qu’il voulait éclaircir par la géométrie et l’algèbre, avait conclu, après bien des supputations, que le jugement dernier aurait lieu en 1715, ou au plus tard en 1716. On nous a donné depuis bien d’autres frayeurs. Le 18 juillet 1816 devait être le dernier jour. M. de Krudener l’avait remis à 1819, M. de Libenstein à 1823, M. de Sallmard-Montfort à 1836, et d’autres prophètes, sans plus de succès, au 6 janvier 1840. Attendons ; mais si nous sommes sages, tenons-nous prêts.
Non loin d’Avignon et, village qui est auprès de Villefranche en Languedoc, est un petit monticule situé au milieu d’une des plus fertiles plaines de l’Europe ; au haut de ce monticule sont placées les pierres de Naurause, c’est-à-dire deux énormes blocs de granit qui doivent avoir été transportés là du temps des druides. Or, il faut que vous sachiez (tous les gens du pays vous le diront) que quand ces deux pierres viendront à se baiser, ce sera le signal de la fin du monde. Les vieilles gens disent que depuis un siècle elles se sont tellement rapprochées qu’un gros homme a tout au plus entre elles le passage libre, tandis qu’il y a cent ans un homme à cheval y passait sans difficulté. Voy. Bernard de Thuringe, Felgenhaver, Éclipses, etc.
Finnes. On lit dans Albert Krantz que les Finnes ou Finlandais sont sorciers, qu’ils ont le pouvoir de connaître l’avenir et les choses cachées ; qu’ils tombent en extase ; que, dans cet état, ils font de longs voyages sans que leur corps se déplacent qu’à leur réveil ils racontent ce qu’ils ont vu, apportant en témoignage de la vérité une bague, un bijou que leur âme a pris en voyageant dans les pays éloignés. Delancre dit que ces sorciers du Nord vendent les vents, dans des outres, aux navigateurs, lesquels se dirigent alors comme ils veulent. Mais un jour un maladroit, qui ne savait ce que contenaient ces outres, les ayant crevées, il en sortit une si furieuse tempête que le vaisseau y périt. Olaüs Magnus rapporte que certains de ces magiciens vendaient aux navigateurs trois nœuds magiques serrés avec une courroie. En dénouant le premier de ces nœuds, on avait des vents doux et favorables ; le second en élevait de plus véhéments ; le troisième excitait les plus furieux ouragans.
Finskgalden, espèce de magie en usage chez les Islandais ; elle a été apportée en Islande par un magicien du pays, qui avait fait à ce dessein un voyage en Laponie. Elle consiste à maîtriser un esprit, qui suit le sorcier sous la forme d’un ver ou d’une mouche, et lui fait opérer des merveilles.
Fioravanti (Léonard), médecin, chirurgien et alchimiste du seizième siècle. On remarque parmi ses ouvrages, qui sont nombreux, le Résumé des secrets qui regardent la médecine, la chirurgie et l’alchimie . Venise, 1571, in-8°, 1666 ; Turin, 1580.
Fiorina. Voy. Florine.
Fischer (Gertrude). M. l’abbé David, du diocèse de Liège, a conté l’histoire de cette fille, à la suite d’un récit très-remarquable intitulé le Million de l’usurière : « L’histoire d’une personne nommée Gertrude, fille de Fischer, bourgeois de Lubus, qui vivait au seizième siècle, prouve que l’amour de l’argent nous dispose quelquefois à recevoir les influences du démon. Gertrude n’avait qu’à prendre quelqu’un par son habit, ou par sa manche, ou par sa barbe, pour être sûre d’attraper toujours de l’argent ; puis elle le mettait aussitôt dans sa bouche, le mâchait et l’avalait, si on ne l’en empêchait. Plusieurs habitants de sa ville natale ont conservé longtemps des pièces de monnaie qui leur étaient venues d’elle. Son contemporain, le trop fameux docteur Martin Luther, fut consulté sur l’état de Gertrude. Il conseilla de la conduire au sermon et de prier Dieu pour elle. Les pasteurs protestants n’ayant rien pu pour la soulager, le père de Gertrude Fischer s’adressa à un prêtre catholique, qui reconnut en elle une véritable possession du démon de l’avarice, et la délivra par l’exorcisme. Gertrude servit, après sa guérison, comme domestique dans une maison où l’on n’eut qu’à se louer de sa conduite.
» Voici comment Gertrude avait été séduite par le démon. Elle était tourmentée du désir de posséder de l’or et de l’argent. Une nuit elle entend pendant son sommeil une voix qui lui dit : — De grandes richesses te seront données ; lève-toi. Gertrude obéit et voit devant elle un homme qui lui dit : — Si tu veux être mon esclave, tu posséderas tous mes trésors qui sont dans la terre. Elle avait eu l’imprudence de répondre, poussée par l’avarice : — Qui que tu sois, tu es mon maître. — Tout à coup l’apparition avait pris une forme terrible, et Gertrude était possédée. L’histoire de cette fille offre des circonstances bizarres qu’il est inutile de raconter . Qu’on sache seulement qu’avant que le démon, chassé de son corps par les prières de l’Église, l’eût définitivement quittée, elle exerçait sur les métaux une attraction inimaginable. Gardons-nous (Jonc de l’avarice, qui, corroborée par des influences sataniques, peut nous attirer le même sort. »
Flade, recteur de l’université de Trêves, grand ennemi des sorciers, en fit brûler plusieurs ; après quoi, reconnu sorcier lui-même et vendu aux démons que ses cruautés servaient, il fut brûlé publiquement lui-même dans sa ville, en l’an 1586. Temps et pays de réforme !
Flaga, fée malfaisante des Scandinaves.
Quelques-uns disent que ce n’était qu’une magicienne qui avait un aigle pour monture.
Flambeaux. Trois flambeaux allumés dans la même chambre sont un présage de mort. Ayez donc soin d’en avoir deux ou quatre.
Flamel (Nicolas), célébrité du quatorzième siècle. On ne sait précisément ni la date ni le lieu de sa naissance, que l’on suppose avoir eu lieu à Paris ou à Pontoise. Il fut écrivain public aux charniers des Innocents, poêle, peintre, architecte. De pauvre qu’il était, il devint extrêmement riche, et on attribua sa fortune au bonheur qu’il avait eu de trouver la pierre philosophai. Les uns disent qu’elle lui fut révélée par un esprit dont on ne déclare pas l’espèce ; Quelques-uns les autres qu’il la dut à une certaine prière cabalistique que plusieurs curieux ont récitée sans profit, et qu’il parvint à changer le cuivre en or.
Dans un livre que M. Auguste Vallet, de l’École des chartes, a analysé, Flamel conte qu’il trouva, à force d’aides et d’application, le secret du grand œuvre. Il devint riche à cinq millions, qui en valaient plus de cinquante d’aujourd’hui. Mais ce ne sont là que des fables. L’abbé Vilain a démontré que Flamel était un simple bourgeois qui devint riche par le travail opiniâtre, et qui fit de bonnes œuvres. Toutefois bien des amateurs voient encore en lui le plus habile des philosophes hermétiques ; et il se trouve des gens, même de nos jours, qui croient que, grâce à la pierre philosophale, qui est aussi l’élixir de vie, Nicolas Flamel n’est pas mort.
Voici toutefois sa légende : « Une nuit, dit-on, pendant son sommeil, un ange lui apparut, tenant un livre assez remarquable, couvert de cuivre bien ouvragé, les feuilles d’écorce déliée, gravées d’une très-grande industrie, et écrites avec une pointe de fer. Une inscription en grosses lettres dorées contenait une dédicace faite à la gent des Juifs, par Abraham le Juif, prince, prêtre, astrologue et philosophe. — Flamel, dit l’ange, vois ce livre auquel tu ne comprends rien : pour bien d’autres que toi il resterait inintelligible ; mais tu y verras un jour ce que tout autre n’y pourrait voir. — À ces mots Flamel tend les mains pour saisir ce présent précieux ; mais l’ange et le livre disparaissent, et il voit des flots d’or rouler sur leur trace. Il se réveilla ; et le songe tarda si longtemps à s’accomplir, que son imagination s’était beaucoup refroidie, lorsqu’un jour, dans un livre qu’il venait d’acheter en bouquinant, il reconnut l’inscription du même livre qu’il avait vu en songe, la même couverture, la même dédicace et le même nom d’auteur. Ce livre avait pour objet la transmutation métallique, et les feuillets étaient au nombre de vingt et un, « qui font la mystérieuse combinaison cabalistique de trois fois sept. Nicolas se mit à étudier ; et, ne pouvant comprendre les figures, il fit un vœu, disent les conteurs hermétiques ? pour posséder l’interprétation d’icelles, qu’il n’obtint pourtant que d’un rabbin. Le pèlerinage à Saint-Jacques, qui était son vœu, eut lieu aussitôt ; Flamel en revint tout à fait illuminé. Et voici, selon les mêmes conteurs, la prière qu’il avait faite pour obtenir l’intelligence : — « Dieu tout-puissant, éternel, père de la lumière, de qui viennent tous les biens et tous les dons parfaits, j’implore votre miséricorde infinie ; laissez-moi connaître votre éternelle sagesse ; c’est elle qui environne votre trône, qui a créé et fait, qui conduit et conserve tout. Daignez me l’envoyer du ciel, votre sanctuaire, et du trône de votre gloire, afin qu’elle soit et qu’elle travaille en moi ; car c’est elle qui est la maîtresse de tous les arts célestes et occultes, qui possède la science et l’intelligence de toutes choses. Faites qu’elle m’accompagne dans toutes mes œuvres ; que par son esprit j’aie la véritable intelligence ; que je procède infailliblement dans l’art noble auquel je me suis consacré, dans la recherche de la miraculeuse pierre des sages que vous avez cachée au monde, mais que vous avez coutume au moins de découvrir à vos élus ; que ce grand œuvre que j’ai à faire ici-bas je le commence, je le poursuive et je l’achève heureusement ; que, content, j’en jouisse à toujours. Je vous le demande par Jésus-Christ, la pierre céleste, angulaire, miraculeuse et fondée de toute éternité, qui commande et règne avec vous , etc. »
Cette prière eut tout son effet, puisque Flamel convertit d’abord du mercure en argent, et bientôt du cuivre en or. Il ne se vit pas plutôt en possession de la pierre philosophale qu’il voulut que des monuments publics attestassent sa piété et sa prospérité. Iï n’oublia pas aussi de faire mettre partout ses statues et son image, sculptées, accompagnées d’un écusson où une main tenait une écritoire en forme d’armoirie. Il fit graver, de plus, le portrait de sa femme, Pernelle, qui l’accompagna dans ses travaux alchimiques.
Flamel fut enterré dans l’église de Saint-Jacques de la Boucherie, à Paris. Après sa mort, plusieurs personnes se sont imaginé que toutes les sculptures allégoriques de cette église étaient autant de symboles cabalistiques qui renfermaient un sens qu’on pouvait mettre à profit. Sa maison, vieille rue de Marivaux, n° 16, passa dans leur imagination pour un lieu où l’on devait trouver des trésors enfouis : un ami du défunt s’engagea, dans cet espoir, à la restaurer gratis ; il brisa tout et ne trouva rien.
D’autres ont prétendu que Flamel n’était pas mort, et qu’il avait encore mille ans à vivre : il pourrait même vivre plus, en vertu du baume universel qu’il avait découvert. Quoi qu’il en soit, le voyageur Paul Lucas affirme, dans une de ses relations, avoir parlé à un derviche ou moine turc, qui avait rencontré Nicolas Flamel et sa femme s’embarquant pour les Indes.
On ne s’est pas contenté de faire de Flamel un adepte, on en a fait un auteur. En 1561, cent quarante-trois ans après sa mort, Jacques Gohorry publia, in-18, sous le titre de Transformation métallique, trois traités en rythme française : la Fontaine des amoureux des sciences ; les Remontrances de nature à l’alchimiste errant, avec la réponse, par Jean de Meung, et le Sommaire philosophique attribué à Nicolas Flamel. On met aussi sur son compte le Désir désiré, ou Trésor de philosophie, autrement le Livre des six paroles, qui se trouve avec le Traité du soufre, du Cosmopolite, et l’œuvre royale de Charles VI, Paris, 1618, 1629, in-8°. On le fait encore auteur du Grand éclaircissement de la pierre philosophale pour la transmutation de tous métaux, in-8°, Paris, 1628. L’éditeur promettait la Joie parfaite de moi, Nicolas Flamel, et de Pernelle, ma femme, ce qui n’a point paru. On a donné enfin la Musique chimique, opuscule très-rare, et d’autres fatras qu’on ne recherche plus.
Au résumé, Flamel était un homme laborieux qui sut acquérir de la fortune en travaillant avec les juifs, et comme il en fit mystère, on l’attribua à des moyens merveilleux. L’abbé de Villars métamorphose Flamel, dans le Comte de Gabalis, en un chirurgien qui commerçait avec les esprits élémentaires. On a débité sur lui mille contes singuliers ; et de nos jours un chercheur de dupes, ou peut-être un plaisant, répandit en mai 1818, dans les cafés de Paris, une espèce d’avertissement où il déclarait qu’il était le fameux Nicolas Flamel qui recherchait la pierre philosophale au coin de la rue Marivaux, à Paris, il y a plus de quatre cents ans ; qu’il avait voyagé dans tous les pays du monde, et qu’il prolongeait sa carrière depuis quatre siècles par le moyen de l’élixir de vie qu’il avait le bonheur de posséder. Quatre siècles de recherches l’avaient rendu, disait-il, très-savant et le plus savant des alchimistes. Il faisait de l’or à volonté. Les curieux pouvaient se présenter chez lui, rue de Cléry, n° 22, et y prendre une inscription qui coûtait trois cent mille francs, moyennant quoi ils seraient initiés aux secrets du maître, et se feraient sans peine un million huit cent mille francs de rente.
Flaque (Louis-Eugène), sorcier jugé à Amiens en 1825. On l’accusa d’escroqueries à l’aide d’opérations magiques et cabalistiques, de complicité avec Boury, teinturier, logé rue des Hautes Cornes, audit Amiens, et encore avec François Russe, laboureur de Conti. — Au mois de mars 1825, la cour royale d’Amiens confirma un jugement par lequel il appert que les trois individus susnommés ont, par des manœuvres frauduleuses, persuadé à des particuliers l’existence d’un pouvoir mystérieux surnaturel ; sur quoi, et pour en user, l’un de ces crédules particuliers remit à Boury la somme de cent quatre-vingt-douze francs ; Boury présenta le consultant à un individu déguisé en démon, dans le bois de Naours. Le démon promit au particulier huit cent mille francs, qui n’arrivèrent jamais. Boury, Flaque et Russe n’en gardèrent pas moins les cent quatre-vingt-douze francs ; mais le bailleur les poursuivit. Boury fut condamné à quinze mois de prison, Flaque et Russe aune année, à l’amende de cinquante francs, et au remboursement des frais, etc.
Voici ce qu’on apprit dans les débats. Boury exerçait l’état de chirurgien dans la commune de Mirvaux ; n’étant pas toujours heureux dans ses cures, il persuadait à ses malades que l’on avait jeté un sort sur eux ; il leur conseillait de chercher un devin plus savant que lui ; cependant il se faisait payer et se retirait. Ces escroqueries n’étaient que le prélude de facéties plus graves. En 1820, le charron Louis Pâque, ayant besoin d’argent, se rendit à Amiens ; là il en emprunta à un menuisier. Boury, qui sut la chose, dit qu’il procurerait de l’argent à meilleur compte, moyennant quelques avances. Le charron alla le trouver ; Boury lui déclara que le meilleur moyen d’avoir des fonds était de se vendre au diable" ; et voyant que Pâque ne reculait pas à une telle proposition, il lui demanda deux cents francs pour assembler le conseil infernal ; Louis Pâque les donna. Boury s’arrangea de façon à toucher ainsi pour frais préliminaires sept à huit mille francs. Enfin il fut convenu qu’en donnant encore quatre louis, Pâque obtiendrait cent mille francs ; malheureusement il s’était fort dépouillé ; il n’en put donner que deux. Il partit néanmoins avec Boury, Flaque, le chef sorcier, et un sieur de Noyencourt, pour le bois de Saint-Gervais. Boury tira d’une de ses poches un papier écrit qu’il fit tenir aux assistants, chacun par un coin. Il était minuit. Flaque fit aussitôt trois conjurations. Le diable ne parut pas. Noyencourt et Boury dirent alors que le diable était occupé ce jour-là ; on prit un autre rendez-vous au bois de Naours. Pâque à cet autre rendez-vous mena sa fille avec lui ; pauvre fille ! Mais Boury lui avait dit qu’il fallait que son premier-né assistât à l’opération. Flaque et Boury appelèrent le diable en latin. Le diable enfin parut. Il avait une redingote rouge-bleuâtre, un chapeau galonné. Il portait un sabre. Sa taille était d’environ cinq pieds six pouces. Le nom de ce démon était Robert, et celui du valet qui l’accompagnait Saday. Boury dit au diable : — Voici un homme que je te présente ; il désire avoir quatre cent mille francs pour quatre louis, peux-tu les lui donner ? — Le diable répondit : — Il les aura. — Pâque lui présenta l’argent ; et le diable lui fit faire le tour du bois en quarante-cinq minutes, avec Boury et Flaque, avant de bailler les quatre cent mille francs. L’un des sorciers perdit même un de ses souliers dans la course. Pâque, à son détour, aperçut une table et des chandelles dessus ; il poussa un cri : — Tais-toi, lui dit Flaque, ton cri a tout perdu ; l’affaire est manquée. — Le stupide charron s’enfuit à travers le bois ; puis reprenant courage, il revint devant le diable, qui lui dit : — Scélérat, tu as traversé le bois au lieu d’en faire le tour. Retire-toi sans te retourner, ou je te tords le cou…
Mais ce n’était pas fini. Une autre opération eut encore lieu dans le même bois ; quand Pâque cette fois demanda l’argent, le diable lui dit : — Adresse-toi au bureau. — C’était un buisson… Comme il n’y avait rien dans ce buisson, le démon promit que la somme se trouverait le lendemain dans la cave même du charron ; Pâque s’y rendit le lendemain, avec sa femme et celle du bonhomme qui avait donné les cent quatre-vingt-douze francs pour la première affaire. Mais néant encore ; et pour surcroît, Boury, qu’ils prenaient à partie, les menaça de se plaindre au procureur du roi… Pâque reconnut qu’il était trompé, et se retira avec son argent perdu… Nous sommes cependant dans le dix-neuvième siècle, et nous avons les lumières du dix-huitième !…
Flauros, grand général aux enfers. Il se fait voir sons la figure d’un terrible léopard. Lorsqu’il prend la forme humaine, il porte un visage affreux, avec des yeux enflammés. Il connaît le passé, le présent et l’avenir, soulève tous les démons ou esprits contre ses ennemis les exorcistes, et commande vingt légions .
Flavia-Veneria-Bessa, femme qui fit bâtir une chapelle en l’honneur des anciens monarques de l’enfer, Pluton et Proserpine, par suite d’un avertissement qu’elle avait eu en songe .
Flavin, auteur d’un ouvrage intitulé l’État des âmes trépassées, in-8°, Paris, 1579.
Flaxbinder. Le professeur Hanov, bibliothécaire à Dantzig, après avoir combattu les apparitions et les erreurs des différents peuples touchant les revenants et les spectres, raconte toutefois le fait suivant :
« Flaxbinder, plus connu sous le nom de Johannes de Curiis, passa les années de sa jeunesse dans l’intempérance et la débauche. Un soir, tandis qu’il se plongeait dans l’ivresse des plus sales plaisirs, sa mère vit un spectre qui ressemblait si fort, par la figure et la contenance, à son fils qu’elle le prit pour lui-même. Ce spectre était assis près d’un bureau couvert de livres, et paraissait profondément occupé à méditer et à lire tour à tour. Persuadée qu’elle voyait son fils, et agréablement surprise, elle se livrait à la joie que lui donnait ce changement inattendu, lorsqu’elle entendit dans la rue la voix de ce même Flaxbinder, qui lui semblait être dans la chambre. Elle fut horriblement effrayée. On le serait à moins. Cependant ayant observé que celui qui jouait le rôle de son fils ne parlait pas, qu’il avait l’air sombre, hagard et taciturne, elle conclut que ce devait être un spectre ; et, cette conséquence redoublant sa terreur, elle se hâta de faire ouvrir la porte au véritable Flaxbinder. Il entre, il approche ; le spectre ne se dérange pas. Flaxbinder, pétrifié à ce spectacle, forme, en tremblant, la résolution de s’éloigner du vice, de renoncer à ses désordres, d’étudier enfin et d’imiter le fantôme. À peine a-t-il conçu ce louable dessein que le spectre sourit d’une manière un peu farouche, comme font les savants, ferme les livres et s’envole… »
Flèches. Voici une divination qui se pratique chez les Turcs par le moyen des flèches. S’ils doivent aller à la guerre, entreprendre un voyage, ou acheter quelque marchandise, ils prennent quatre flèches qu’ils dressent en pointe l’une contre l’autre, et qu’ils font tenir par deux personnes, c’est-à-dire par quatre mains ; puis ils mettent sur un coussin une épée nue devant eux, et lisent un certain chapitre du Koran. Alors les flèches se battent durant quelque temps, et enfin les unes montent sur les autres. Si, par exemple, les victorieuses ont été nommées chrétiennes (car dans les divinations relatives à la guerre ils appellent deux de ces flèches les Turcs, et donnent aux deux autres le nom de leur ennemi), c’est signe que les chrétiens vaincront ; si autrement, c’est une marque du contraire  Voy. Bélomancie.
Fleurs. On a eu aussi des idées mystérieuses sur les fleurs. On donnait des vertus à leurs pétales, surtout quand ils sont au nombre de cinq. On croyait guérir la fièvre quotidienne avec un pétale, la fièvre tierce avec trois, la fièvre quarte avec quatre.
Flins, idole des anciens Vandales qui habitaient la partie de la Germanie appelée aujourd'hui la Lusace. Ce mot, en saxon, signifie pierre. Cette déité était sous la forme d'une grosse pierre qui représentait la mort couverte d'un long drap, tenant un bâton à la main, et une peau de lion sur les épaules. Ces peuples croyaient que cette divinité devait leur rendre la vie après la mort.
Florent de Villiers. Voy. Villiers.
Florimond de Rémond, conseiller au parlement de Bordeaux, mort en 1602. Il s’était jeté dans la réforme de Calvin. Les révélations d’une possédée qu’il vit exorciser le firent rentrer dans l’Église. Il a écrit sur l’Antéchrist et sur les hérésies, et ses ouvrages présentent de précieuses recherches. Mais les protestants qu’il avait désertés se sont efforcés de l’amoindrir.
Florine, Fiorina et Florinde, nom d’un démon familier qui, au rapport de Pic de la Mirandole, fréquenta longtemps un sorcier nommé Pinet.
Floron, démon familier de Cecco d’Ascoli. Il est de l’ordre des chérubins damnés.
Flotilde. Ce personnage est inconnu ; mais ses Visions ont été conservées. On les trouve dans le Recueil de Duchesne .
Flots. Gambry parle d’un genre de divination assez curieux, qui se pratique dans les environs de Plougasnou : des devins interprètent les mouvements de la mer, les flots mourants sur la plage, et prédisent l’avenir d’après cette inspection .
Fluide. « Cette force souveraine, et simple ou composée, que le vulgaire nomme fluidique, elle est nommée ; donc elle existe, cette force ! elle fonctionne ; elle est connue de toute antiquité. Verrons-nous se former et naître d’elle, — on nous le dit, — le lien qui noue le magnétisme à la magie, l’âme au corps, notre personne à d’autres esprits que le nôtre, nos âmes et ces esprits enfin aux êtres divers de la création, avec lesquels je ne sais quelle nécessité de nature les oblige à communiquer  ? » Des hommes sérieux pensent que le fluide nerveux est l’agent qui met les hommes en communication avec les esprits. Voy. Magnétisme, Panthéisme, Esprits frappeurs, Spiritisme, etc.
Fo ou Foé, l’un des principaux dieux des Chinois. Il naquit dans les Indes, environ mille ans avant notre ère. Sa mère, étant enceinte de lui, songea qu’elle avalait un éléphant blanc, conte qui peut-être a donné lieu aux honneurs que les rois indiens rendent aux éléphants de cette couleur. Il finit ses jours à soixante-dix-neuf ans. Les bonzes assurent qu’il est né huit mille fois, et qu’il a passé successivement dans le corps d’un grand nombre d’animaux avant de s’élever à la divinité. Aussi est-il représenté dans les pagodes sous la forme d’un dragon, d’un éléphant, d’un singe, etc. Ses sectateurs l’adorent comme le législateur du genre humain.
Focalor, général aux enfers. Il se montre sous les traits d’un homme ayant des ailes de griffon. Sous cette forme il tue les bourgeois et les jette dans les flots. Il commande à la mer, aux vents, et renverse les vaisseaux de guerre. Il espère rentrer au ciel dans mille ans ; mais il se trompe. Il commande à trente légions, et obéit en rechignant à l’exorciste .
Foi. Un ministre suisse de la secte des dissidents méthodistes, persuadé que tout est possible à la foi et à l’esprit de Dieu, deux grâces qu’il se flattait vaniteusement de posséder, se vanta en 1832 qu’il marcherait sur le lac de Constance. Le résultat de cette épreuve insensée a été ce qu’on pouvait prévoir, sans que cette étrange confiance ait pu s’ébranler dans le cœur de celui qui s’y livrait. Il en tira la conséquence que sa foi était trop faible, que son cœur n’avait pas assez ressenti l’efficacité de l’esprit de Dieu ; et il remit à l’année suivante de recommencer sa tentative. Cette seconde épreuve faite en 1833 s’est terminée comme la première. Le ministre a pris un bain  ; et il a pu apprendre là 1° que la foi vraie ne s’amuse pas à tenter Dieu ; 2° qu’il ne se fait pas de miracles dans les branches séparées de l’Église. Voy. Raison.
Folgar, fête des nègres du Sénégal, avec les âmes de leurs parents. Voy. Lézards.
Folie. Voy. Possession.
Follet. Voy. Feux follets, Lutins, Farfadets, etc.
Fong-Chwi, opération mystérieuse qui se pratique en Chine dans la disposition des édifices, et surtout des tombeaux. Si quelqu’un bâtit par hasard dans une position contraire à ses voisins, et qu’un coin de sa maison soit opposé au côté de celle d’un autre, c’est assez pour faire croire que tout est perdu. Il en résulte des haines qui durent aussi longtemps que l’édifice. Le remède consiste à placer dans une chambre un dragon ou quelque autre monstre de terre cuite, qui jette un regard terrible sur le coin de la fatale maison, et qui repousse ainsi toutes les influences qu’on en peut appréhender. Les voisins qui prennent cette précaution contre le danger ne manquent pas chaque jour de visiter plusieurs fois le magot chargé de veiller à leur défense. Ils brûlent de l’encens devant lui, ou plutôt devant l’esprit qui le gouverne, et qu’ils croient sans cesse occupé de ce soin.
Fong-Onhang, oiseau fabuleux auquel les Chinois attribuent à peu près les mêmes propriétés qu’au phénix. Les femmes se parent d’une figure de cet oiseau, qu’elles portent en or, en argent ou en cuivre, suivant leurs richesses et leurs qualités.
Fonséca (le P. Pierre de). Dans sa métaphysique estimée il établit que les âmes des saints, qui reviennent en ce monde, peuvent prendre un corps et le rendre visible.
Fontaines. On prétend encore dans la Bretagne que les fontaines bouillonnent quand le prêtre chante la préface le jour de la Sainte-Trinité . Voy. Hydromancie. Il y avait au château de Coucy, en Picardie, une fontaine appelée Fontaine de la Mort, parce qu’elle se tarissait lorsqu’un seigneur de Coucy devait mourir.
Fontenelle. Son Histoire des oracles est loin d’être exacte. File a été réfutée par le P. Baltus. Ses Entretiens sur la pluralité des mondes sont un jeu d’esprit.
Fontenettes (Charles), auteur d’une Dissertation sur une fille de Grenoble qui depuis quatre ans ne boit ni mange, 1737, in-4°, prodige qu’on attribuait au diable, et dont Fontenettes explique les causes moins ténébreuses.
Foray ou Morax. Voy. Morax.
Forças, Forras ou Furcas, chevalier, grand président des enfers ; il apparaît sous la forme d’un homme vigoureux, avec une longue barbe et des cheveux blancs ; il est monté sur un grand cheval et tient un dard aigu. Il connaît les vertus des herbes et des pierres précieuses ; il enseigne la logique, l’esthétique, la chiromancie, la pyromancie et la rhétorique. Il rend l’homme invisible, ingénieux et beau parleur. Il fait retrouver les choses perdues ; il découvre les trésors, et il a sous ses ordres vingt-neuf légions de démons .
Force. Milon de Crotone n’eut pas seul une force prodigieuse. Louis de Boufïlers, surnommé le Fort, au quatorzième siècle, possédait une force et une agilité extraordinaires, s’il faut en croire les récits du temps. Quand il avait croisé ses deux pieds, il était impossible de le faire avancer ou reculer d’un pas. Il brisait sans peine un fer à cheval ; et lorsqu’il saisissait un taureau par la queue, il l’entraînait où il voulait. Il enlevait un cheval et l’emportait sur ses épaules. On l’a vu souvent, armé de toutes pièces, sauter à cheval sans s’appuyer et sans mettre le pied dans l’étrier. Sa vitesse à la course n’était pas moins remarquable, puisqu’il dépassait le cheval d’Espagne le plus léger, dans un espace de deux cents pas. Un certain Barsabas, qui servait au commencement du dix-huitième siècle dans les armées françaises, emporta un jour, devant Louis XIV, un cheval chargé de son cavalier. Il alla trouver une autre fois un maréchal ferrant ; il lui donna un fer de cheval à forger. Celui-ci s’étant un peu éloigné, Barsabas prit l’enclume et la cacha sous son manteau. Le maréchal se retourne bientôt pour battre le fer ; il est tout étonné de ne plus trouver son enclume, et bien plus surpris encore de voir cet officier la remettre sans difficulté à sa place. Un Gascon, que Barsabas avait offensé dans une compagnie, lui proposa un duel : — Très-volontiers, lui répondit Barsabas ; touchez là. — Il prit la main du Gascon, et la lui serra si fort que tous les doigts en furent écrasés. Il le mit ainsi hors d’état de se battre. Le maréchal de Saxe était de même calibre. — Dans les anciens jours, on regardait comme favorisés par le diable les gens doués d’une force extraordinaire.
Forêts. Les forêts sombres sont des lieux où, comme dit Leloyer , les diables se mêlent avec les sorciers. Ces diables y font leurs orgies commodément sous la feuillée, et il n’y a pas de lieux où ils se rendent plus volontiers visibles.
Formes du diable. « Le démon, quand il veut approcher de l’homme, prend diverses formes, à l’exception de celles de l’agneau et, de la colombe que Dieu semble lui avoir interdites. Il prend souvent la forme du bouc. S’il veut se rendre familier, il prend celle d’un chat ou d’un chien ; celle d’un cheval, s’il veut emporter quelqu’un ; celle d’une souris ou d’une fouine, s’il faut passer par un lieu étroit ; celle d’un bourdon, s’il veut empêcher de parler ; celles d’un loup, d’un vautour, d’un renard, d’un hibou, d’une araignée, d’un dragon, s’il prétend effrayer. Quelquefois il prend une tête d’homme sur un corps de bête. Les coqs alors le devinent et s’en effrayent. Sil paraît en homme, la contrefaçon ne peut jamais être parfaite ; il est donc toujours sale, puant, laid ; son nez est incorrect ; ses yeux sont enfoncés, ses mains et ses pieds ont des griffes ; il boite d’une jambe quand il ne boite pas des deux. Sa voix semble sortir d’une pierre creuse ou d’un tonneau … »
M. Didron, en tête de sa curieuse Histoire du diable (Histoire archéologique), fait remarquer que « dans l’Inde le diable, avec ses formes monstrueuses, ne se compose que de membres confus d’animaux féroces ou perfides ; il a généralement plusieurs têtes et plusieurs bras. En Occident, le diable a le plus souvent la forme humaine, mais laide et repoussante. » Le savant archéologue induit de l’Apocalypse que le chef des démons est Satan ; il est représenté par saint Jean avec sept têtes, dix cornes, sept couronnes et une queue immense. Il a deux lieutenants : l’un, qui règne sur les mers, a pareillement sept têtes, dix cornes et dix couronnes, trois de plus que le maître, avec un corps de léopard, des pieds d’ours et une queue de lion ; l’autre, qui règne sur la terre, estime bête à deux cornes qui n’a que le nom de la Bête. Les démons subalternes ont d’autres formes de bêtes monstrueuses. Voy. Figures.
Fornéus, marquis infernal, semblable à un monstre marin. Il instruit l’homme dans les plus hautes affaires, fait du bien à ses amis et du mal à ses ennemis ; il a sous son pouvoir vingt-neuf légions de Trônes et d’Anges .
Forras. Voy. Forças.
Fortes-épaules. Le peuple de Dijon croit à l’existence d’une espèce de lutin de ce nom qui porte des fardeaux, et qui rappelle le Forte-échine de madame d’Aulnoy, dans le conte du Chevalier Fortuné.
Fosite. Saint Willibrord, au septième siècle, apôtre des Frisons, jeté par une tempête dans une petite île des côtes de la Frise, l’île d’Alemand, appelée alors Fositeland , vit avec douleur que ces pauvres peuples adoraient là le démon P’osite, qui donnait son nom au pays. Il y recevait un culte étendu. On regardait comme impie et sacrilège quiconque aurait osé tuer les animaux qui y vivaient, manger quelque chose de ce qu’elle produisait, et parler en puisant de l’eau à une fontaine qui y était. Le saint voulut détromper ces peuples, aveuglés d’une superstition si grossière. Il fit tuer quelques animaux que lui et ses compagnons mangèrent ; et il baptisa trois enfants dans la fontaine, en prononçant à haute voix les paroles prescrites par l’Église. Les insulaires s’attendaient à voir les saints punis de mort ; mais ils durent reconnaître que leur dieu Fosite ne pouvait rien contre eux. Le roi frison, Radbod, furieux de l’audace des missionnaires, ordonna de tirer au sort trois jours de suite et trois fois chaque jour, déclarant qu’il ferait périr celui sur qui le sort tomberait. Il tomba sur un compagnon du saint, qui fut sacrifié à la superstition, et mourut martyr de la vérité. Mais il ne tomba jamais sur saint Willibrord.
Fossoyeur. Dans beaucoup de villages peu avancés, les bonnes gens ont une certaine peur du fossoyeur ; on le croit en communication avec les morts ; et on n’ose pas trop l’aller visiter la nuit ; les âmes des corps qu’il a mis en terre pourraient vaguer autour de sa demeure. — On oublie trop que la fonction de fossoyeur doit être entourée, quand elle est dignement remplie, de respect et non de crainte, et que dans les catacombes elle était un des ordres mineurs établis par l’Église. Les fossoyeurs préparaient les tombes ; ils prenaient soin des vases où l’on recueillait le sang des martyrs, et des lampes qui éclairaient les saintes funérailles.
Foudre. L’empereur Auguste gardait soigneusement une peau de veau marin pour se mettre à l’abri de la foudre. — Tibère portait dans la même vue une couronne de laurier. — Quand la foudre partait de l’orient, et que, n’ayant fait qu’effleurer quelqu’un, elle retournait du même côté, c’était le signe d’un bonheur parfait. Les Grecs modernes chassent les chiens et les chats quand il tonne, parce que leur présence est censée attirer la foudre sur les maisons.
Fougère. « Personne n’ignore les mauvaises et diaboliques façons dont on se sert pour cueillir la fougère aux maléfices. Le 23 juin, veille de la Saint-Jean-Baptiste, après un jeûne de quarante jours, plusieurs sorciers, conduits par Satan, recueillent pendant cette nuit la graine de cette herbe, qui n’a ni tige, ni fleur, ni semence, et qui renaît de la même racine ; qui plus est, le malin se joue de ces misérables sorciers en leur apparaissant cette nuit-là, au milieu des tempêtes, sous quelques formes monstrueuses, pour les épouvanter davantage. Ils croient s’en défendre par leurs exorcismes, par les cercles et caractères qu’ils font sur la terre autour d’eux ; ensuite ils mettent une nappe neuve de fin lin ou de chanvre sous la fougère qu’ils croient voir fleurir en une heure, pour en recevoir, la graine. Ils la plient dans un taffetas ou dans un parchemin vierge, et la gardent soigneusement pour deviner les songes et faire paraître les esprits. Le démon, par ses malices et menteries, leur persuade que cette semence n’est pas seulement propre à deviner, et que si on met de l’or ou de l’argent dans la bourse où l’on doit garder la semence de fougère, le nombre en sera doublé le jour suivant. Si l’événement n’a pas lieu, les magiciens vous accuseront de mauvaise foi, ou ils diront que vous avez commis quelque crime, tant nous nous laissons aller à ces abominables impostures de Satan . » Des sorciers anglais prétendaient avoir un secret par lequel, au moyen de la graine de fougère, ils se rendaient invisibles.
Foulques. Au temps de la guerre des Albigeois, vivait un méchant comte Foulques, lequel avait la coutume détestable de jurer et maugréer. Un jour qu’étant à cheval, il blasphémait furieusement, il fut jeté à bas de sa monture et ne se releva point. On pensa qu’il avait été assommé par le diable, son grand ami.
Fourberies. Voy. Sorciers, Sabbat, etc. — Voy. aussi les divers imposteurs.
Fourmis, les Thessaliens honoraient ces insectes, dont ils croyaient tirer leur origine; et la vanité des Grecs aimait mieux rapporter leur origine aux fourmis de la forêt d'Egine, que de reconnaître qu'ils étaient des colonies de peuples étrangers.   La fourmi était un attribut de Cérès ; elle fournissait matière aux observations des augures.
Fourner (Catherine). Voy. Possédées de Flandre.
Fous. On sait le respect superstitieux que les musulmans ont pour les fous. Ils les croient des saints. Voy. Possession.
Francs-maçons. Les francs-maçons font remonter leur origine jusqu’au temps de Salomon et l’entourent de contes merveilleux. C’est un ordre qui paraît avoir pris naissance en Angleterre, et qui avait pour but dans le principe la construction des églises. Maintenant ce goût de maçonnerie est purement allégorique, et il a bien changé de destination : former le cœur, régler l’esprit, rappeler le bon ordre, voilà, disent les maçons, ce qu’on entend par le compas et l’équerre. Mais la vérité est que la franc-maçonnerie, comme société secrète, créée au commencement du dernier siècle par un Anglais, lord Montague, n’est autre chose que le protestantisme parvenu à l’état d’indifférence, et une sourde conspiration contre le Catholicisme. — Quand la franc-maçonnerie, qui détruit à présent, construisait, il n’y avait qu’un seul grand maître, qui résidait en Angleterre ; aujourd’hui chaque pays a le sien. Les assemblées des maçons se nomment communément loges. Une loge doit être au moins composée de sept membres. Le président de la loge porte le nom de vénérable. Il a au-dessous de lui deux surveillants, qui font exécuter les règlements de l’ordre. — Dans les assemblées solennelles, chaque frère a un tablier de peau ou de soie blanche, dont les cordons sont blancs aussi et d’étoffe pareille à celle du tablier ; les apprentis le portent tout uni, les compagnons l’entourent des couleurs de la loge, les maîtres y font broder une équerre, un compas, deux colonnes et les divers ornements de l’ordre. Les maîtres portent aussi un cordon bleu, auquel pendent une équerre et un compas. — Dans les repas, les lumières doivent être en triangle ; la table servie a trois, cinq, sept, neuf couverts et plus, suivant le nombre des convives, mais toujours en nombre impair. Tous les termes qu’on y emploie sont empruntés de l’artillerie, comme ceux qu’on emploie dans les travaux sont empruntés de l’architecture. On porte la première santé au prince à qui on obéit, la seconde au grand maître, la troisième au vénérable de la loge. On boit ensuite aux surveillants, aux nouveaux reçus et à tous les frères. — Le fils d’un franc-maçon est Loufton ; il peut être reçu à quatorze ans. Le fils d’un profane (celui qui n’est pas franc-maçon) ne peut l’être qu’à vingt et un ans. Entre plusieurs signes mystérieux qui se voient dans les loges, on remarque au milieu de Y étoile flamboyante, un G, première lettre de God (en anglais Dieu). — Il y a dans la maçonnerie trois principaux grades. Il faut être apprenti avant d’être compagnon, et compagnon avant d’être maître. Les maîtres n’entrent en loge qu’avec le geste de l’horreur , et cela en mémoire de la mort d’Adoniram ou Hiram, dont on raconte diversement l’histoire. — Cette histoire ou ce conte n’est que pour amuser les niais. On peut appeler ainsi ceux qui se parent des trois grades dont nous venons de parler, et qui ne sont pas initiés aux grands secrets réservés aux dignitaires supérieurs. — Les uns vous diront que dans ce récit il s’agit de Hiram, roi de Tyr, qui fit alliance avec Salomon, et lui fut d’un grand secours pour la construction du temple. — D’autres content que ce Hiram était un excellent ouvrier en or, en argent et en cuivre ; qu’il était fils d’un Tyrien et d’une femme de la tribu de Nephtali  ; que Salomon le fit venir de Tyr pour travailler aux ornements du temple, comme on le voit au quatrième livre des Rois ; qu’entre autres ouvrages, il construisit, à l’entrée du temple, deux colonnes de cuivre, qui avaient chacune dix-huit coudées de haut et quatre de diamètre ; qu’il donna le nom de Jahin à l’une, près de laquelle on payait les apprentis, et le nom de Booz à l’autre, près de laquelle on payait les compagnons, etc. Mais voici l’histoire d’Adoniram  ou de Hiram, suivant l’opinion la plus commune chez les francs-maçons. Ils prétendent qu’elle a été puisée dans le Talmud, où on lit que le vénérable Hiram donna l’habit et le caractère de maçon à Salomon, qui se fit honneur de le porter.
Adoniram, que Salomon avait chargé de diriger les travaux de son temple, avait un si grand nombre d’ouvriers à payer, qu’il ne pouvait les connaître tous. Pour ne pas risquer de payer l’apprenti comme le compagnon, et le compagnon comme le maître, il convint avec les maîtres de mots et d’attouchements qui serviraient à les distinguer de leurs subalternes, et donna pareillement aux compagnons des signes de reconnaissance qui n’étaient point connus des apprentis. — Trois compagnons, peu satisfaits de leur paye, formèrent le dessein de demander le mot de maître à Adoniram, dès qu’ils pourraient le trouver seul, ou de l’assassiner s’il ne voulait pas le leur dire. Ils l’attendirent un soir dans le temple, et se postèrent, l’un au nord, l’autre ail midi, le troisième à l’orient. Adoniram étant entré seul par la porte de l’occident, et voulant sortir par celle du midi, un des trois compagnons lui demanda le mot de maître, en levant sur lui le marteau qu’il tenait à la main. Adoniram lui dit qu’il n’avait pas reçu le mot de maître de cette façon-là. Aussitôt le compagnon lui porta sur la tête un coup de marteau. Le coup n’ayant pas été assez violent pour le renverser, Adoniram s’enfuit vers la porte du nord, où il trouva le second, qui lui en fit autant. Cependant ce second coup lui laissant encore quelques forces, il tenta de sortir par la porte de l’orient, où le troisième, après lui avoir fait la même demande que les deux premiers, acheva de l’assommer. Les assassins enfouirent le corps sous un tas de pierres, et quand la nuit fut venue, ils le transportèrent sur un monticule où ils l’enterrèrent ; et, afin de pouvoir reconnaître l’endroit, ils plantèrent une branche d’acacia sur la fosse. — Salomon, ayant été sept jours sans voir Adoniram, ordonna à neuf maîtres de le chercher. Ces neuf maîtres exécutèrent fidèlement l’ordre. Après de longues et vaines recherches, trois d’entre eux, qui se trouvaient fatigués, s’étant assis par hasard à l’endroit où Adoniram avait été enterré, l’un, des trois arracha machinalement la branche d’acacia, et s’aperçut que la terre, en cet endroit, avait été remuée depuis peu. Les trois maîtres, curieux d’en savoir la cause, se mirent à fouiller et trouvèrent le corps d’Adoniram. Alors ils appelèrent les autres, et ayant tous reconnu leur chef, dans la pensée que quelques compagnons pouvaient bien avoir commis le crime, et qu’ils avaient peut-être tiré d’Adoniram le mot de maître, ils le changèrent sur-le-champ , et allèrent rendre compte à Salomon de cette aventure. Ce prince en fut touché ; il ordonna à tous les maîtres de transporter le corps d’Adoniram dans le temple, où on l’enterra en grande pompe. Pendant la cérémonie, tous les maîtres portaient des tabliers et des gants de peau blanche, pour marquer qu’aucun d’eux n’avait souillé ses mains du sang de leur chef. ;
Telle est l’histoire d’Adoniram. — L’ordre des francs-maçons a des prétentions à la gravité, quoiqu’il soit pétri et nourri de ridicules. Ce serait peu s’il n’avait pas en religion de pernicieuses tendances. Aussi le Saint-Siège, par quatre actes différents, a-t-il formellement condamné la franc-maçonnerie. Les mystérieuses jongleries de leurs loges leur ont donné la réputation de sorciers dans les campagnes. — Outre les ordres de chevalerie qu’ils ont créés pour leur amusement, il y a chez eux plusieurs schismes, et on citerait beaucoup de sociétés secrètes de ce genre plus ou moins absurdes. Les mopses, en Allemagne, étaient des francs-maçons qui avaient pour emblème un bouledogue. Une autre secte s’appelle l’ordre de la liberté, et ceux-là regardent Moïse comme leur fondateur. Les chevaliers prussiens font remonter leur origine à la tour de Babel ; d’autres à Noé.
On ne reçoit les femmes chez les francs-maçons que dans les loges dites d’adoption, loges où l’on fait bals et festins. On change alors les mots et les signes d’argot, pour ne pas exposer les secrets de l’ordre. — Insulte de plus aux femmes .
Frank (Christian), visionnaire qui mourut en 1590 ; il changea souvent de religion, ce qui le fit surnommer la Girouette. Il croyait la religion japonaise meilleure que les autres, parce qu’il avait lu que ses ministres avaient des extases.
Frank (Sébastien), autre visionnaire du seizième siècle, sur la vie duquel on a peu de données positives, quoiqu’il ait dans son temps excité l’attention du public. Il donna en 1531 un traité de l’Arbre de la science du bien et du mal, dont Adam a mangé la mort, et dont encore aujourd’hui tous les hommes la mangent. Le péché d’Adam n’est selon lui qu’une allégorie, et l’arbre que la personne, la volonté, la science, la vie d’Adam. Frank mourut en 1545.
On a encore de lui une traduction allemande de l’Eloge de la folie, par Érasme ; le Traité de la vanité des sciences, et l’Éloge de l’âne, traduits d’Agrippa en allemand ; Paradoxa ou Deux cent quatre-vingts discours miraculeux, tiré de l’Écriture sainte, Ulm, 1533, in-8°. Témoignage de l’Écriture sur les bons et les mauvais anges, 1535, in-8°, etc. N’était-il pas le père du précédent ?
Franzotius, auteur d’un ouvrage intitulé : De la divination des anges, in-4°, Francfort ou Venise, 1632.
Frappeurs. On cite dans le pays de Galles des esprits dits frappeurs qui habitent les mines. Louis Merris a écrit deux lettres sur ces esprits dans le troisième volume du Gentleman s magazine. Ces esprits ont peu de rapports avec ceux qui parlent aujourd’hui par les tables. Voy. Esprits frappeurs.
Fratricelles, ramas de vagabonds qui formaient au treizième et au quatorzième siècle une société occulte, opposée à l’Église, mais alliée à ceux qu’on appelait vaudois ou sorciers. Ils avaient des orgies, où hommes et femmes se jetaient de main en main un enfant jusqu’à ce qu’il fût mort. Celui entre les mains duquel il expirait, on le proclamait grand prêtre. Il brûlait l’enfant mort ; quand il était réduit en cendres, il noyait ces cendres dans du vin et faisait boire cette potion à tous ceux qui voulaient être initiés.
Frayeur. Piron racontait souvent qu’il avait environ dix ans lorsqu’un soir d’hiver, soupant en famille chez son père, on entendit des cris affreux qui partaient de chez un tonnelier voisin ; on alla voir ce que c’était. Un petit garçon, transi de peur, conduisit les curieux dans la chambre d’où venaient les cris, qui redoublèrent bientôt. — Ah ! messieurs, dit le tonnelier tremblant, couché en travers sur son lit, daignez au plus tôt faire appeler un chirurgien, car je sens que je n’ai pas longtemps à vivre. — Le père de Piron, après avoir chargé un domestique de remplir les intentions du prétendu malade, s’étant approché de lui, et l’ayant interrogé sur la cause de sa maladie : — Vous voyez, mon cher voisin, répondit le tonnelier, l’homme le plus misérable ! Ah ! maudite femme ! on m’avait bien dit que ses liaisons avec la plus détestable sorcière de la Bourgogne ne tarderaient guère à m’être fatales… — Ces propos faisant soupçonner que la tête de cet homme était dérangée, on attendit que le chirurgien fût arrivé. — Monsieur, s’écria le tonnelier lorsqu’il le vit entrer, j’implore votre secours, je suis un homme mort ! — Sachons d’abord, lui dit le chirurgien, de quoi il s’agit. — Ah ! faut-il que je sois forcé, en vous disant d’où partent mes douleurs, de déshonorer ma femme même ! répondit le pauvre homme. Mais elle le mérite, et, dans mon état, je n’ai plus rien à ménager. Apprenez donc qu’en rentrant chez moi ce soir, après avoir passé deux heures au plus chez le marchand de vin du coin, ma femme, qui me croit toujours ivre, m’ayant trop poussé à bout, je me suis vu forcé, pour pouvoir me coucher en paix, d’être un peu rude à son égard ; sur quoi, après m’avoir menacé de sa vengeance, elle s’est sauvée du logis ; je me suis déshabillé pour gagner mon lit ; mais au moment d’y monter… Dieu ! la méchante créature ! une main, pour ne pas dire une barre de fer, plus brûlante qu’un tison, est tombée sur ma fesse droite, et la douleur que j’en ai ressentie, jointe à la peur qui m’a saisi, m’a fait manquer le cœur, au point que je ne crois pas y survivre !… Mais vous en riez, je crois ? Eh bien, messieurs, voyez si toute autre main que celle de Lucifer même put jamais appliquer une pareille claque ! Au premier aspect de la plaie, de sa noirceur et des griffes qui semblaient y être imprimées, la plupart des assistants furent saisis, et le petit Piron voulut se sauver. Mais on rassura le malade sur les idées qu’il avait conçues, tant contre sa femme que contre la prétendue sorcière ; le chirurgien lui appliqua les remèdes convenables : on le laissa un peu dans son effroi, ce qui le corrigea légèrement de son ivrognerie. Ce remède avait été employé par la femme (au moyen d’un parent qu’elle avait fait cacher dans la maison) pour corriger l’intempérance du tonnelier. Voici une autre anecdote assez connue : Un homme, couché dans une hôtellerie, avait pour voisinage, sans qu’il le sût, une compagnie de chèvres et de boucs ; une cloison fort mince et ouverte par plusieurs trous les séparait de son appartement. Notre homme, très-fatigué, s’était couché sans examiner son gîte et dormait depuis deux heures d’un sommeil tranquille, lors qu’il fut troublé par la visite d’un bouc, son voisin, qui avait profité d’une grande ouverture pour le venir voir. Le bruit de ses sabots éveilla aisément notre voyageur, qui fut fort inquiet et prit l’animal pour un voleur de nuit ; le bouc, après plusieurs tours de chambre, vint au lit et mit les deux pieds dessus. Le pauvre homme, en ce moment, balançant entre le choix d’une prompte retraite ou d’une attaque vigoureuse, prit le parti de se saisir du voleur prétendu. Ses pieds, qui les premiers se présentent à lui, l’intriguent ; mais il est bien plus surpris, lorsque mettant sa main sur la face pointue de cet animal, il y trouve une grande barbe, et plus haut des cornes. Persuadé alors que ce ne pouvait être que le diable, il sauta de son lit tout troublé, et passa le reste de la nuit à genoux, en prières et dans une continuelle frayeur. Le jour, qui dissipa enfin les ténèbres, fit voir à cet homme son prétendu diable.
Frédéric Barberousse. On croit en Allemagne qu’il n’est pas mort, mais endormi dans un souterrain du vieux château de Kiffhausen, devant une table de marbre, que sa barbe, qui pousse toujours, a déjà enveloppée de trois tours. Il apparaît quelquefois sur sa montagne, et il est l’objet de beaucoup de légendes .
Frêne. Cet arbre passe, dans le Nord, pour avoir une vertu qui éloigne les esprits malfaisants.
Fribourg. M. Lucien Brun, dans un piquant récit, a conté comment un jour le vieux Conrad de Blumenthal, alors bourgmestre de Fribourg en Brisgaw, ayant dit à propos des privilèges de sa ville que l’on entamait, cette imprudente parole : — Je veux que Satan nous emporte et avec nous la moitié de notre bonne cité, si dès hier je n’y ai mis quelque ordre ! — C’était une bravade. Deux démons, qui l’entendaient sans être vus, enlevèrent aussitôt la moitié de Fribourg en Brisgaw et s’en allèrent la poser sur le flanc d’une montagne de la vieille Helvétie. — Telle est l’origine de Fribourg en Suisse .
Frisson des cheveux. On disait autrefois, dans certaines provinces, que le frisson des cheveux annonçait la présence ou le passage d’un démon.
Front. Divination par les rides du front. C’est la métoposcopie.
Cardan publia au seizième siècle un traité de Métoposcopie, dans lequel jl fait connaître au public une foule de découvertes curieuses. Le front, dit-il, est de toutes les parties du visage la plus importante et la plus caractéristique ; un physionomiste habile peut, sur l’inspection du front seul, deviner les moindres nuances du caractère d’un homme. En général, un front très-élevé, avec un visage long et un menton qui se termine en pointe, est l’indice de la nullité des moyens. Un front très-osseux annonce un naturel opiniâtre et querelleur. Si ce front est aussi très-charnu, il est le signe de la grossièreté. Un front carré, large, avec un œil franc sans effronterie, indique du courage uni à la sagesse. Un front arrondi et saillant par le haut, qui descend ensuite perpendiculairement sur l’œil, et qui paraît plus large qu’élevé, annonce du jugement, de la mémoire, de la vivacité, mais un cœur froid. Des rides obliques au. front, surtout si elles se trouvent parallèles, annoncent un esprit soupçonneux. Si ces rides parallèles sont presque droites, régulières, pas très-profondes, elles promettent du jugement, de la sagesse, un esprit net. Un. front qui serait bien ridé dans sa moitié supérieure, et sans rides dans sa moitié inférieure, serait l’indice de quelque stupidité. Les rides ne se prononcent qu’avec les années. Mais avant de paraître, elles existent dans la conformation du front ; le travail quelquefois les marque dans l’âge tendre. Il y a au front sept rides ou lignes principales qui le traversent d’une tempe à l’autre. La planète de Saturne préside à la première, c’est-à-dire la plus haute ; Jupiter préside à la seconde ; Mars préside à la troisième ; le Soleil à la quatrième ; Vénus à la cinquième ; Mercure à la sixième ; la Lune à la septième, qui est la dernière, la plus basse et la plus voisine des sourcils. Si ces lignes sont petites, tortueuses, faibles, elles annoncent un homme débile et dont la vie sera courte. Si elles sont interrompues, brisées, inégales, elles amènent des maladies, des chagrins, des misères ; également marquées, disposées avec grâce ou prononcées fortement, c’est l’indice d’un esprit juste et l’assurance d’une vie longue et heureuse. Remarquons cependant que chez un homme à qui le travail ou des revers ont sillonné le front de rides profondes, on ne peut plus tirer de ce signe les mêmes conséquences ; car alors ces lignes étant forcées, ce n’est plus que l’indice de la constance. Quand la ligne de Saturne n’est pas marquée, on peut s’attendre à des malheurs que l’on s’attirera par imprudence. Si elle se brise au milieu du front, c’est une vie agitée. Prononcée fortement, c’est une heureuse mémoire, une patience sage. La ride de Jupiter, quand elle est brisée, présage qu’on fera des sottises. Si elle n’est pas marquée, esprit faible, inconséquent, qui restera dans la médiocrité. Si elle se prononce bien, on peut espérer les honneurs et la fortune. La ligne de Mars brisée promet un caractère inégal. Si elle ne paraît point, c’est un homme doux, timide et modeste. Fortement prononcée, elle contient de l’audace, de la colère, de l’emportement. Quand la ligne du Soleil manque tout à fait, c’est le signe de l’avarice. Brisée et inégale, elle dénote un bourru maussade et avare, mais qui a de meilleurs moments. Fortement prononcée, elle annonce de la modération, de l’urbanité, du savoir-vivre, un penchant à la magnificence. La ride de Vénus fortement prononcée est le signe d’un homme porté aux plaisirs. Brisée et inégale, cette ride promet des retours sur soi-même. Si elle n’est presque pas marquée, la complexion est froide. La ride de Mercure bien prononcée donne de l’imagination, les inspirations poétiques, l’éloquence Brisée, elle n’amène plus que l’esprit de conversation, le ton de la société. Si elle ne paraît pas du tout, caractère nul. Enfin la ride de la Lune, lorsqu’elle est très-apparente, indique un tempérament froid, mélancolique. Inégale et brisée, elle promet des moments de gaieté entremêlés de tristesse. Si elle manque tout à fait, c’est l’enjouement et la bonne humeur. L’homme qui a une croix sur la ride de Mercure se consacrera aux lettres et aux sciences. Deux lignes parallèles et perpendiculaires sur le front annoncent qu’on se mariera deux fois, trois fois si ces lignes sont au nombre de trois, quatre fois si elles sont au nombre de quatre, et toujours ainsi. Une figure qui aura la forme d’un C, placée au haut du front sur la ligne de Saturne, annonce une grande mémoire. Ce signe était évident sur le front d’un jeune Corse dont parle Muret, qui pouvait retenir en un jour et répéter sans effort dix-huit mille mots barbares qu’il n’entendait pas. Un C sur la ligne de Mars présage la force du corps. Ce signe était remarquable sur le front du maréchal de Saxe, qui était si robuste qu’il cassait des barres de fer aussi aisément qu’un paysan ordinaire casse une branche d’arbre ou un bâton de bois blanc. Un C sur la ligne de Vénus promet de mauvaises affaires. Un C sur la ligne de Mercure annonce un esprit mal fait, un jugement timbré. Un C entre les deux sourcils, au-dessous de la ride de la Lune, annonce un naturel prompt à s’emporter, une humeur vindicative. Les hommes qui portent cette figure sont ordinairement des duellistes, des boxeurs. Les époux qui ont le front chargé de ce signe se battent en ménage…
Ces aphorismes sont bien hardis. Celui qui aura entre les deux sourcils, sur la ligne de la Lune, la figure d’un X, est exposé à mourir au champ d’honneur dans une grande bataille. Celui qui porte au milieu du front, sur la ligne du Soleil, une petite figure carrée ou un triangle,’fera fortune sans peine. Si ce signe est à droite, il promet une succession. S’il est à gauche, il annonce des biens mal acquis. Deux lignes partant du nez et se recourbant des deux côtés sur le front, au-dessus des yeux, annoncent des procès. Si ces lignes sont au nombre de quatre et qu’elles se recourbent deux à deux sur le front, on peut craindre d’être un jour prisonnier de guerre et de gémir captif sur un sol étranger… Les figures rondes sur la ligne de la Lune annoncent des maladies aux yeux. Si vous avez dans la partie droite du front, sur la ligne de Mars, quelque figure qui ressemble à un Y, vous aurez des rhumatismes. Si cette figure est au milieu du front, craignez la goutte. Si elle est à gauche, toujours sur la ligne de Mars, vous pourrez bien mourir d’une goutte remontée. La figure du chiffre 3 sur la ligne de Saturne annonce des coups de bâton ; sur la ligne de Jupiter, un emploi lucratif ; sur la ligne de Mars, commandement d’un corps d’armée dans une bataille, mais le commandant sera fait prisonnier dans le combat. Sur la ligne du Soleil, ce signe annonce quelque accident qui vous fera perdre le tiers de votre fortune. Sur la ride de Vénus, disgrâces dans le ménage. Sur la ligne de Mercure, elle fait un avocat. Enfin, sur la ligne de la Lune, la figure du chiffre 3 annonce à celui qui la porte qu’il mourra malheureusement, s’il ne réprime sa passion pour le vol. La figure d’un V sur la ligne de Mars annonce qu’on sera soldat et qu’on mourra caporal. La figure d’un H sur la ligne du Soleil ou sur celle de Saturne est le présage qu’on sera persécuté pour des opinions politiques. La figure d’un P est le signe, partout où elle paraît, d’un penchant à la gourmandise qui pourra faire faire de grandes fautes. Nous terminerons ce petit traité par la révélation du signe le plus flatteur : c’est celui qui a une ressemblance plus ou moins marquée avec la lettre M. En quelque partie du front, sur quelque ride que cette figure paraisse, elle annonce le bonheur, les talents, une conscience calme, la paix du cœur, une heureuse aisance, l’estime générale et une bonne mort. Toutes bénédictions que je vous souhaite.
Frothon. On lit dans Albert Krantz que Frothon, roi de Danemark, fut tué par une sorcière transformée en vache. Ce roi croyait à la magie et entretenait à sa cour une insigne sorcière qui prenait à son gré la forme des animaux. Elle avait un fils aussi méchant qu’elle, avec qui elle déroba les trésors du roi, et se retira ensuite. Frothon, s’étant aperçu du larcin et ayant appris que la sorcière et son fils s’étaient absentés, ne douta plus qu’ils n’en fussent coupables. Il résolut d’aller dans la maison de la vieille. La sorcière, voyant entrer le roi chez elle, eut recours aussitôt à son art, se changea en vache et son fils en bœuf. Le roi s’étant baissé pour contempler la vache plus à son aise, pensant bien que c’était la sorcière, la vache se rua avec impétuosité sur lui et lui donna un si grand coup dans les flancs qu’elle le tua sur-le-champ .
Fruit défendu. Voy. Tabac, Pomme d’Adam, etc.
Fruitier. Celui qui fait le fromage et le beurre dans le Jura est le docteur du canton. On l’appelle le fruitier ; il est sorcier, comme de juste. La richesse publique est dans ses mains ; il peut à volonté faire avorter les fromages, et en accuser les éléments. Son autorité suffit pour ouvrir ou fermer en ce pays les sources du Pactole ; on sent quelle considération ce pouvoir doit lui donner, et quels ménagements on a pour lui ! Si vous ajoutez à cela qu’il est nourri dans l’abondance, et qu’une moitié du jour il n’a rien à faire qu’à songer au moyen d’accaparer encore plus de confiance ; qu’il voit tour à tour, en particulier, les personnes de chaque maison, qui viennent faire le beurre à la fruiterie ; qu’il passe avec elles une matinée tout entière ; qu’il peut les faire jaser sans peine, et par elles apprendre, sans même qu’elles s’en doutent, les plus intimes secrets de leurs familles ou de leurs voisins ; si vous pesez bien toutes ces circonstances, vous ne serez point étonné d’apprendre qu’il est presque toujours sorcier, au moins devin ; qu’il est consulté quand on a perdu quelque chose, qu’il prédit l’avenir, qu’il jouit enfin dans le canton d’un crédit très-grand, et que c’est l’homme qu’on appréhende le plus d’offenser .
Fume-Bouche, démon invoqué, nous ne savons à quel titre, dans les litanies du sabbat.
Fumée. Dans toutes les communes du Finistère, on voit à chaque pas, dit Cambry, des usages antérieurs à la religion catholique. Quand un individu va cesser d’être, on consulte la fumée. S’élève-t-elle avec facilité, le mourant doit habiter la demeure des bienheureux. Est-elle épaisse, il doit descendre dans les antres du désespoir, dans les cavernes de l’enfer. — C’est une espèce de proverbe en Angleterre que la fumée s’adresse toujours à la plus belle personne. Et quoique cette opinion ne semble avoir aucun fondement dans la nature, elle est pourtant fort ancienne. Victorin et Casaubon en ont fait la remarque, à l’occasion d’un personnage d’Athénée, où un parasite se dépeint ainsi : — « Je suis toujours le premier arrivé aux bonnes tables, d’où quelques-uns se sont avisés de m’appeler soupe. Il n’y a point de porte que je n’ouvre comme un bélier ; semblable à un fouet, je m’attache à tout, et, comme la fumée, je me lie toujours à la plus belle . » On dit en Champagne que la fumée du foyer, quand elle s’échappe, s’adresse aux plus gourmands.
Fumée (Martin), sieur de Génillé ; il a publié, comme traduit d’Athénagore, un roman dont il est l’auteur, intitulé Du vrai et parfait amour. Tout insipide qu’est ce roman, Fumée trouva le moyen de le faire rechercher des adeptes alchimistes, par diverses allusions, et surtout par un passage curieux où, sous le voile de l’allégorie, il peint la confection du grand œuvre. Ce passage, devenu célèbre chez les enfants de l’art, se trouve à la page 345 de l’édition de 1612, moins rare que la première, ainsi que dans l’Harmonie mystique de David Laigneau, Paris, 1636, in-8°.
Fumigations. Quelques doctes pensent que les bonnes odeurs chassent les démons, gens qui puent et qui ne peuvent aimer, comme a dit une grande sainte. Les exorcistes emploient diverses fumigations pour chasser les démons ; les magiciens les appellent également par des fumigations de fougère et de verveine ; mais ce ne sont que des cérémonies accessoires.
Funérailles. Voy. Deuil.
Furcas (le même que Forças). Voy. ce nom.
Furfur, comte aux enfers. Il se fait voir sous la forme d’un cerf avec une queue enflammée ; il ne dit que des mensonges, à moins qu’il ne soit enfermé dans un triangle. Il prend souvent la figure d’un ange, parle d’une voix rauque et entretient l’union entre les maris et les femmes. Il fait tomber la foudre, luire les éclairs et gronder le tonnerre dans les lieux où il en reçoit l’ordre. Il répond sur les choses abstraites. Vingt-six légions sont sous ses ordres .
Furies, divinités infernales imaginées comme les ministres de la vengeance des dieux contre les méchants, et chargées d'exécuter sur eux les sentences des juges de l'enfer.
Fusely (Henri), célèbre artiste anglais. Il ressemblait un peu à nos peintres de l’école romantique : il affectionnait les sujets hideux et sauvages. C’est pour cela, sans doute, qu’il aimait beaucoup la mythologie barbare des Scandinaves : il l’a prouvé par plusieurs tableaux, la Descente d’Odin au Nastrund ; Lock, dieu des jours noirs, dévorant des victimes humaines, etc. Fusely avait tant de prédilection pour son Thor combattant le serpent, qu’il le présenta à l’Académie royale, comme son tableau d’admission. Il était embarrassé quand il avait à peindre la beauté tranquille ou les grâces paisibles. Dans les sujets chrétiens, il introduisait toujours Satan ou Lucifer. Son goût pour les sujets effrayants était si connu de ses confrères qu’ils l’avaient surnommé le peintre ordinaire du diable. Il en riait lui-même en causant avec eux. — C’est vrai, disait-il, le diable a souvent posé pour moi, et si j’avais pu le rendre comme je l’ai vu, j’aurais surpassé Michel-Ange, et vous seriez tous morts de peur et d’admiration.

                                                                                       G
Gaap (autrement dit Tap). . Dans la guerre de  Sicile, entre Octave et Sextus Pompée, un des gens d’Octave, nommé Gabinius, ayant été fait < prisonnier, eut la tête coupée. Un loup emporta cette tête ; on l’arracha au loup, et sur le soir on entendit ladite tête qui se plaignait et demandait à parler à quelqu’un. On s’assembla autour ; alors la bouche de cette tête dit aux assistants qu’elle était revenue des enfers pour révéler à Pompée : des choses importantes. Pompée envoya aussitôt ; un de ses lieutenants, à qui le mort déclara que ledit Pompée serait vainqueur. La tête chanta ensuite dans un poème les malheurs qui menaçaient Rome ; après quoi elle se tut, à ce que disent Pline et Valère Maxime.
Si ce trait a quelque fondement, c’était sans doute une fourberie exécutée au moyen d’un ventriloque, et imaginée pour relever le courage des troupes. Mais elle n’eut point de succès : Sextus Pompée, vaincu et sans ressource, s’enfuit en Asie, où il fut tué par les gens de Marc-Antoine.
Gabinius, est un homme politique et un général romain né sans doute vers 100 av .J.-C. et mort à Salone en 47 av .J.-C.
En tant que tribun de la plèbe, il fait adopter la Lex Gabinia, qui donne à Pompée les pouvoirs extraordinaires pour lutter contre les pirates en 67 av .J.-C.. De concert avec Clodius Pulcher, alors qu'il est consul, il fait exiler Cicéron en 58 av .J.-C.. L'année suivante il est nommé proconsul en Syrie et sort vainqueur d'un affrontement avec le roi de Judée Aristobule II qu'il remplace par Hyrcan II. Puis il passe en Égypte, outrepassant les ordres du sénat romain, et rétablit le roi Ptolémée XII sur le trône en échange d'une indemnité d'environ 10 000 talents.
En Syrie, il dénonce les méthodes honteuses et usurières des publicains, qu'il livre aux populations juives et de Syrie. Il couvre les massacres de Ptolémée XII de retour au pouvoir (55 av .J.-C.) mais se voit accusé lors de son retour à Rome de concussion et de lèse-majesté publique. Sur les instances de Pompée, c'est Cicéron qui le défend mais sans parvenir à le faire acquitter du deuxième chef d'inculpation, tant les chevaliers gardent de la rancune de son action durant son mandat en Syrie. Il est alors exilé mais est rappelé par Jules César en 49 av .J.-C. et envoyé comme légat en Illyrie, où il meurt en 47 av .J.-.C.
Gabino, démon de l’espèce de Kleudde ; il se montre le plus souvent sous la peau du cheval sauvage, très-redouté dans le pays de Vannes.
Gabkar, ville fabuleuse, située dans le désert habité par les Génies.
Gabriel (Gilles) a écrit au dix-septième siècle un essai de la morale chrétienne comparée à la morale du diable : Specimina moralis christianœ et moralis diabolicœ in praxi. Bruxelles, 1675, in-12.
Gabrielle. Dans le Vexin français, le bourgeois qui a quatre filles et veut avoir un garçon nomme la dernière Gabrielle ; charme qu’il croit de nature à lui amener infailliblement un fils.
Gabrielle d’Estrées, maîtresse de Henri IV, morte en 1599. Elle cherchait à épouser le roi et se trouvait logée dans la maison de Zamet, riche financier de ce temps. Comme elle se promenait dans les jardins, elle fut frappée d’une apoplexie foudroyante. On la porta chez sa tante, madame de Sourdis. Elle eut une mauvaise nuit ; le lendemain elle éprouva des convulsions qui la firent devenir toute noire : sa bouche se contourna, et elle expira horriblement défigurée. On parla diversement de sa mort ; plusieurs en chargèrent le diable ; on publia qu’il l’avait étranglée ; et au fait il en était bien capable.
Gabrielle de P., auteur de l’Histoire des fantômes et des démons qui se sont montrés parmi les hommes, in-12, 1819, et du Demoniana, ou Anecdotes sur les apparitions de démons, de lutins et de spectres, in-18, 1820.
Gaetch, fils de Touita, dieu des morts chez les Kamtschadales. Voy. Lézards.
Gaffarel (Jacques), hébraïsant et orientaliste, né à Mannes en Provence en 1601, mort en 1681. Ses principaux ouvrages sont : Mystères secrets de la cabale divine, défendus contre les paradoxes des sophistes, Paris, 1625, in-4°. Curiosités inouïes sur la sculpture talismanique des Persans, l’horoscope des patriarches et la Lecture des Étoiles. Paris, 1629, in-8°. Index de 19 cahiers cabalistiques dont s’est servi Jean Pic de la Mirandole. Paris, 1651, in-8°. Histoire universelle du monde souterrain, contenant la description des plus beaux antres et des plus rares grottes, caves, voûtes, cavernes et spèlonques de la terre. Le prospectus de ce dernier ouvrage fut imprimé à Paris, 1666, in-folio de 8 feuillets : il est très-rare. Quant au livre, il ne parut pas, à cause de la mort de l’auteur. On dit que c’était un monument de folie et d’érudition. Il voyait des grottes jusque dans l’homme, dont le corps présente mille cavités ; il parcourait les cavernes de l’enfer, du purgatoire et des limbes, etc. Ce savant avait été bibliothécaire du cardinal de Richelieu.
Gaïlan, Les Arabes appellent ainsi une espèce de démon des forêts qui tue les hommes et les animaux.
Gaillard (François). Voy. Coirières.
Gaius, aveugle guéri miraculeusement, du temps d'Antonin. Esculape l'avertit, dans un songe, de venir devant son autel, de s'y prosterner, de passer ensuite de la droite à la gauche, de poser ses cinq doigts sur l'autel, de lever la main, et de la mettre sur ses yeux. Il obéit, et recouvra la vue en présence du peuple, qui applaudit avec transport à cette pieuse supercherie.
Galachide ou Garachide, pierre noirâtre, à laquelle des auteurs ont attribué plusieurs vertus merveilleuses, celle entre autres de garantir celui qui la tenait des mouches et autres insectes. Pour en faire épreuve, on frottait un homme de miel pendant l’été, et on lui faisait porter cette pierre dans la main droite : quand cette épreuve réussissait, on reconnaissait que la pierre était véritable. On prétendait aussi qu’en la portant dans sa bouche, on découvrait les secrets des autres.
Galdarkraftigans, sorciers des Anglo-Saxons, qui liaient ou déliaient par des chants magiques appelés Galdra. Ce chant vient d’Odin.
Galien, Le plus grand médecin des temps passés après Hippocrate. On lui attribue un Traité des enchantements, et les médecins empiriques ont souvent abusé de son nom.
Galigaï ( Léonora), épouse du maréchal d’Ancre Concino Concini, qui fut tué par la populace en 1617. On la crut sorcière ; et en effet elle s’occupait de sciences occultes et de charmes. On publia que par ses maléfices elle avait ensorcelé la reine ; surtout lorsqu’on eut trouvé chez elle trois volumes pleins de caractères magiques, cinq rouleaux de velours destinés à dominer les esprits des grands, des amulettes qu’elle se mettait au cou, des agnus que l’on prit pour des talismans, car elle mêlait les choses saintes aux abominations magiques, et une lettre que Léonora avait ordonné d’écrire à une sorcière nommée Isabelle. Il fut établi au procès que le maréchal et sa femme se servaient pour envoûter d’images de cire qu’ils gardaient dans de petits cercueils ; qu’ils consultaient des magiciens, des astrologues et des sorciers ; qu’ils en avaient fait venir de Nancy pour sacrifier des coqs aux démons, et que dans ces cérémonies Galigaï ne mangeait que des crêtes de coqs et des rognons de bélier qu’elle faisait charmer auparavant. Elle fut encore convaincue de s’être fait exorciser par un certain Matthieu de Montanay, charlatan sorcier. Sur ses propres aveux, dit-on, elle eut la tête tranchée, en place de Grève à Paris, et fut brûlée en 1617. Cependant le président Courtin ! lui demandant par quel charme elle avait ensorcelé la reine, elle répondit fièrement : « Mon sortilège a été le pouvoir que les âmes fortes ont sur les âmes faibles. »
Galilée. Les protestants, copiés par les jansénistes, ont beaucoup déclamé contre la prétendue persécution qu’essuya Galilée à cause de ses découvertes astronomiques. On a fait fracas de ce qu’on appelle sa condamnation au tribunal de l’inquisition romaine. Mais il est prouvé, il est constant, il est avéré, il est établi, depuis longtemps déjà, qu’on en impose effrontément dans ces récits infidèles : ce qui n’empêche pas les écrivailleurs de les répéter toujours, et les peintres ignorants de déshonorer leurs pinceaux par ces mensonges. Galilée ne fut pas censuré comme astronome, mais comme mauvais théologien. Il voulait expliquer la Bible. — Ses découvertes, à l’appui du système de Copernic, ne lui eussent pas fait plus d’ennemis qu’à cet autre savant. Ce fut son entêtement à vouloir concilier, à sa manière, la Bible et Copernic, qui le fit rechercher par l’inquisition. En même temps que lui, vivaient à Rome un grand nombre d’hommes célèbres, et le Saint-Siège n’était pas entouré d’ignorants. En 1611, pendant son premier voyage dans la capitale du monde chrétien, Galilée fut admiré et comblé d’honneurs par les cardinaux et les grands seigneurs auxquels il montra ses découvertes. Lorsqu’il y retourna, en 1615, le cardinal Delmonte lui traça le cercle savant dans lequel il devait se renfermer. Mais son ardeur et sa vanité l’emportèrent. « Il exigeait, dit Guichardin, que le Pape et le Saint-Office déclarassent le système de Copernic fondé sur la Bible. » Il écrivit à ce sujet mémoires sur mémoires. Paul V, fatigué de ses instances, accorda que cette controverse fût jugée dans une congrégation. Malgré tout l’emportement qu’y mit Galilée, il ne fut point intéressé dans le décret rendu par la congrégation, qui déclara seulement que le système de Copernic ne paraissait pas s’accorder avec les expressions de la Bible. Avant son départ, il eut une audience très-gracieuse du Pape ; et Bellarmin se borna, sans lui interdire aucune hypothèse astronomique, à lui interdire ses prétentions théologiques.
Quinze ans après, en 1632, sous le pontificat d’Urbain VIII, Galilée imprima ses célèbres dialogues Delle due massime système del mondo, avec une permission et une approbation supposées. Personne ne réclama. Il fit reparaître ses mémoires écrits en 1616, où il s’efforçait d’ériger la rotation du globe sur son axe en question de dogme. Ses bravades le firent citer à Rome. Il y arriva le 3 février 1633. Il ne fut point logé à l’inquisition, mais au palais de l’envoyé de Toscane. Un mois après, il fut mis, — non dans les prisons de l’inquisition, — comme tant de menteurs l’ont écrit, mais dans l’appartement du fiscal. Au bout de dix-huit mois, s’étant rétracté, c’est-à-dire ayant renoncé à sa conciliation de Copernic et de la sainte Bible, seule question qui fût en cause, il s’en retourna dans sa patrie. Voici ce qu’il écrivait en 1633, au P. Bécénéri, son disciple : — « Le pape me croyait digne de son estime. Je fus logé dans le délicieux palais de la Trinité-du-Mont. Quand j’arrivai au Saint-Office, deux pères dominicains m’invitèrent très-honnêtement à faire mon apologie. J’ai été obligé de rétracter mon opinion en bon catholique. Pour me punir, on m’a défendu les dialogues, et congédié après cinq mois de séjour à Rome. Comme la peste régnait à Florence, on m’a assuré pour demeure le palais de mon meilleur ami, monseigneur Piccolomini, archevêque de Sienne ; j’y ai joui d’une pleine tranquillité. Aujourd’hui je suis à ma campagne d’Arcêtre, où je respire un air pur auprès de ma chère patrie [1]. » Néanmoins les philosophes rebelles continueront à faire de Galilée une victime de la superstition et du fanatisme. On citera le conte de Galilée en prison, écrivant sur la muraille, autour d’un cercle, e pur si muove ; « et pourtant elle tourne ! » Comme si jamais on lui eût interdit d’avancer cela. On consacrera cette malice absurde par la peinture et la gravure ; et on citera avec emphase la même fausseté malveillante illustrée par les beaux vers de Louis Bacine, dans le poème de la Religion : Tant il est difficile de déraciner une erreur passionnée ! Dans tout cela, nous ne jugeons pas le système de Galilée, sur lequel il n’est pas impossible que le dernier mot ne soit pas dit. On vient de retrouver les manuscrits de Galilée, que l’on avait dit brûlés par l’inquisition. Que ne peut-on retrouver, à l’usage des ennemis de l’Église, la bonne foi !
Gall (Jean-Joseph), né vers 1775 dans le Wurtemberg, mort à Montrouge, près Paris, en 1828, inventeur d’une science qui juge le caractère et les dispositions des hommes sur l’inspection des protubérances du crâne. Cette science était chez lui le résultat de longues études sur un grand nombre de crânes d’hommes et d’animaux. On l’appelle crânologie et phrénologie. Comme Gall est mort après cinq jours d’idiotisme, où il ne put témoigner d’aucun sentiment religieux, on l’a accusé de matérialisme ; et on a jeté cette même injure à son système, un peu aventureux.
Nous ne voyons pas cependant, comme quelques-uns l’ont dit, que la crânologie consacre le matérialisme, ni qu’elle consolide les funestes principes de la fatalité. Nous sommes persuadé au contraire que les dispositions prétendues innées se modifient par l’éducation religieuse, surtout par rapport aux mœurs. Dans les arts on dit bien que le génie est inné : c’est peut-être vrai en partie seulement, car il n’y a pas de génie brut qui ait produit des chefs-d’œuvre. Les grands poètes et les grands peintres ne sont pourtant devenus grands qu’à force de travail. Le génie, a dit Buffon, c’est la patience ; et Socrate, né vicieux, est devenu homme de bien. Avant Gall et Spurzheim, son élève, les vieux physiologistes n’avaient jeté que des idées vagues sur la crânologie, ou crânoscopie, ou phrénologie, qui est l’art de juger les hommes au moral par la conformation du crâne et ses protubérances. Gall et Spurzheim en firent un système qui, à son apparition, divisa le public en deux camps, comme c’est l’usage ; les uns admirèrent et applaudirent ; les autres doutèrent et firent de l’opposition. Peu à peu on reconnut des vérités dans les inductions crânologiques des deux Allemands. Le système devint une science ; la médecine légale y recourut ; aujourd’hui il y a des chaires de crânologie, et peut-être que cette science, dont on avait commencé par rire, deviendra un auxiliaire de la procédure criminelle.
On a soutenu fréquemment que l’âme a son siège dans le cerveau. Dans toute l’échelle de la création, la masse du cerveau et des nerfs augmente en raison de la capacité pour une éducation plus élevée. La gradation, pour ne parler ici que matériellement, a lieu jusqu’à l’homme, qui, parmi tous les êtres créés, roi de la création, est susceptible du plus haut degré d’ennoblissement, et à qui Dieu a donné le cerveau le plus parfait et proportionnellement le plus grand. Il y a dans certains animaux certaines dispositions innées. Il y a immensément de ces dispositions dans l’homme, que peut-être on n’aurait jamais dû comparer à ce qui n’a pas comme lui la raison. L’histoire nous offre plusieurs grands hommes qui, dès leur tendre jeunesse, ont eu un penchant décidé pour tel art ou telle science. La plupart des grands peintres et des poêles distingués se sont livrés aux beaux-arts par cette inclination et sont devenus fameux quelquefois malgré leurs parents. Ces dispositions peuvent être développées et perfectionnées par l’éducation ; mais elle n’en donne pas le germe, car les premiers indices de ces talents commencent à se montrer quand les enfants ne sont pas encore propres à une éducation proprement dite.
Dans le règne animal, toutes les espèces ont des inclinations qui leur sont particulières : la cruauté du tigre, l’industrie du castor, l’adresse de l’éléphant, sont dans chaque individu de ces espèces, sauf quelques variations accidentelles. L’homme n’est pas ainsi restreint dans une spécialité.
De même donc qu’il y a des dispositions innées, de même il existe autant d’organes rassemblés et placés les uns près des autres dans le cerveau, qui est le mobile des fonctions supérieures de la vie. Ces organes s’expriment sur la surface du cerveau par des protubérances. Plus ces protubérances sont grandes, plus on doit s’attendre à de grandes dispositions. Ces organes, exprimés à la surface du cerveau, produisent nécessairement des protubérances à la surface extérieure du crâne, enveloppe du cerveau depuis sa première existence dans le sein maternel. Cette thèse au reste n’est applicable qu’aux cerveaux sains en général, les maladies pouvant faire des exceptions. Mais il ne faut pas, comme a fait Gall, l’appliquer aux vertus et aux vices, qui seraient sans mérite si les bosses du crâne les donnaient. Ce serait admettre une fatalité matérielle. S’il est vrai qu’un voleur ait la protubérance du vol, c’est son mauvais penchant qui, peu à peu, a fait croître la protubérance en agissant sur le cerveau. Mais la protubérance antérieure n’est pas vraie.
Voici une notice rapide de tout ce système : L’instinct de propagation se manifeste par deux éminences placées derrière l’oreille immédiatement au-dessus du cou. Cet organe est plus fortement développé chez les mâles que chez les femelles. L’amour des enfants est dans la plus étroite union avec ces organes. Aussi la protubérance qui le donne est-elle placée auprès de celle qui indique l’instinct de la propagation. Elle s’annonce par deux éminences sensibles derrière la tête, au-dessus de la nuque, à l’endroit où se termine la fosse du cou. Elle est plus forte chez les femelles que chez les mâles ; et si on compare les crânes des animaux, on le trouvera plus prononcé dans celui du singe que dans tout autre. L’organe de l’amitié et de la fidélité est placé dans la proximité de celui des enfants ; il se présente des deux côtés par deux protubérances arrondies, dirigées vers l’oreille. On le trouve dans les chiens, surtout dans le barbet et le basset. L’organe de l’humeur querelleuse se manifeste de chaque côté par une protubérance demi-globulaire, derrière et au-dessus de l’oreille. On le trouve bien prononcé chez les duellistes. L’organe du meurtre s’annonce de chaque côté par une protubérance placée au-dessus de l’organe de l’humeur querelleuse, en se rapprochant vers les tempes. On le trouve chez les animaux carnivores et chez les assassins. L’organe de la ruse est indiqué de chaque côté par une éminence qui s’élève au-dessus du conduit extérieur de l’ouïe, entre les tempes et l’organe du meurtre. On le rencontre chez les fripons, chez les hypocrites, chez les gens dissimulés. On le voit aussi chez de sages généraux, d’habiles ministres et chez des auteurs de romans ou de comédies, qui conduisent finement les intrigues de leurs fictions. L’organe du vol se manifeste de chaque côté par une protubérance placée au haut de la tempe, de manière à former un triangle avec le coin de l’œil et le bas de l’oreille. On le remarque dans les voleurs et dans quelques animaux. Il est très-prononcé au crâne de la pie. L’organe des arts forme une voûte arrondie à côté de l’os frontal, au-dessous de l’organe du vol ; il est proéminent sur les crânes de Raphaël, de Michel-Ange et de Rubens. L’organe des tons et de la musique s’exprime par une protubérance à chaque angle du front, au-dessous de l’organe des arts. On trouve ces deux protubérances aux crânes du perroquet, de la pivoine, du corbeau et de tous les oiseaux mâles chantants ; on ne les rencontre ni chez les oiseaux et les animaux à qui ce sens manque, ni même chez les hommes qui entendent la musique avec répugnance. Cet organe est d’une grandeur sensible chez les grands musiciens, tels que Mozart, Gluck, Haydn, Viotti, Boieldieu, Rossini, Meyerbeer, etc. L’organe de l’éducation se manifeste par une protubérance au bas du front, sur la racine du nez, entre les deux sourcils. Les animaux qui ont le crâne droit, depuis l’occiput jusqu’aux yeux, comme le blaireau, sont incapables d’aucune éducation ; et cet organe se développe de plus en plus dans le renard, le lévrier, le caniche, l’éléphant et l’orang-outang, dont le crâne approche un peu des têtes humaines mal organisées. L’organe du sens des lieux se manifeste extérieurement par deux protubérances placées au-dessus de la racine du nez, à l’os intérieur des sourcils. Il indique en général la capacité de concevoir les distances, le penchant pour toutes les sciences et arts où il faut observer, mesurer et établir des rapports d’espace : par exemple, le goût pour la géographie. Tous les voyageurs distingués ont cet organe, comme le prouvent les bustes de Cook, de Colomb et d’autres. On le trouve aussi chez les animaux errants. Les oiseaux de passage l’ont plus ou moins, selon le terme plus ou moins éloigné de leurs migrations. Il est très-sensible au crâne de la cigogne. C’est par la disposition de cet organe que la cigogne retrouve l’endroit où elle s’est arrêtée l’année précédente, et que, comme l’hirondelle, elle bâtit tous les ans son nid sur la même cheminée. L’organe du sens des couleurs forme de chaque côté une protubérance au milieu de l’arc des sourcils, immédiatement à côté du sens des lieux. Lorsqu’il est porté à un haut degré, il forme une voûte particulière. C’est pour cela que les peintres ont toujours le visage plus jovial, plus réjoui, que les autres hommes, parce que leurs sourcils sont plus arqués vers le haut. Cet organe donne la manie des fleurs et le penchant à réjouir l’œil parla diversité des couleurs qu’elles offrent. S’il est lié avec l’organe du sens des lieux, il forme le paysagiste. Il paraît que ce sens manque aux animaux, et que leur sensibilité à l’égard de certaines couleurs ne provient que de l’irritation des yeux. L’organe du sens des nombres est placé également au-dessus de la cavité des yeux, à côté du sens des couleurs, dans l’angle extérieur de l’os des yeux. Quand il existe à un haut degré, il s’élève vers les tempes un gonflement qui donne à la tête une apparence carrée. Cet organe est fortement exprimé sur un buste de Newton, et, en général, il est visible chez les grands mathématiciens. Il est ordinairement lié aux têtes des astronomes avec l’organe du sens des lieux. L’organe de la mémoire a son siège au-dessus de la partie supérieure et postérieure de la cavité des yeux. Il presse les yeux en bas et en avant. Beaucoup de comédiens célèbres ont les yeux saillants par la disposition de cet organe. Le sens de la méditation se manifeste par un renflement du crâne, environ un demi-pouce sous le bord supérieur du front. On le trouve au buste de Socrate et à plusieurs penseurs. L’organe de la sagacité se manifeste par un renflement oblong au milieu du front. L’organe de la force de l’esprit se manifeste par deux protubérances demi-circulaires, placées au-dessous du renflement de la méditation et séparées par l’organe de la sagacité. On le trouve dans Lesage, Boileau, Cervantès, etc. L’organe de la bonhomie se manifeste par une élévation oblongue partant de la courbure du front vers le sommet de la tête, au-dessus de l’organe de la sagacité. On le trouve au mouton, au chevreuil et à plusieurs races de chiens. L’organe de la piété vraie ou fausse se manifeste par un gonflement au-dessus de l’organe de la bonhomie. L’organe de l’orgueil et de la fierté se manifeste par une protubérance ovale au haut de l’occiput. L’organe de l’ambition et de la vanité se manifeste par deux protubérances placées au sommet de la tête et séparées par l’organe de la fierté. L’organe de la prudence se manifeste par deux protubérances placées à côté des protubérances de l’ambition, sur les angles postérieurs du crâne. Enfin, l’organe de la constance et de la fermeté se manifeste par une protubérance placée derrière la tête, au-dessous de l’organe de la fierté.
Ce système du docteur Gall a eu, comme on l’a dit, de nombreux partisans, mais il n’a guère eu moins d’ennemis. Quelques-uns l’ont comparé aux rêveries de certains physionomistes, quoiqu’il ait, en apparence du moins, un fondement moins chimérique. On a vu cent fois le grand homme et l’homme ordinaire se ressembler par les traits du visage, et jamais, dit-on, le crâne du génie ne ressemble à celui de l’idiot. Peut-être le docteur Gall a-t-il voulu pousser trop loin sa doctrine, et on peut s’abuser en donnant des règles invariables sur des choses qui ne sont pas toujours constantes. Un savant de nos jours a soutenu, contre le sentiment du docteur Gall, que les inclinations innées n’existaient pas dans les protubérances du crâne, puisqu’il dépendrait alors du bon plaisir des sages-femmes de déformer les enfants, et de les modeler, dès leur naissance, en idiots ou en génies ; mais le docteur Gall trouve cette objection risible, parce que, quand même on enfoncerait le crâne par exemple à un endroit où se trouve un organe précieux, cet organe comprimé se rétablirait peu à peu de lui-même, et parce que le cerveau résiste à toute pression extérieure par l’élasticité des tendres filets, et qu’aussi longtemps qu’il n’a pas été écrasé ou totalement détruit, il fait une répression suffisante. Cependant Blumenbach écrit que les Caraïbes pressent le crâne de leurs enfants avec une certaine machine, et donnent à la tête la forme propre à ce peuple. Les naturalistes placent aussi les qualités de l’esprit, non dans les protubérances, mais dans la conformation du crâne, et plusieurs prétendent qu’un soufflet ou une pression au crâne de Corneille venant de naître en eût pu faire un imbécile. On voit d’ailleurs des gens qui perdent la raison ou la mémoire par un coup reçu à la tête. Au surplus, le docteur Fodéré parle, dans sa Médecine légale, de voleurs et de fous sur le crâne desquels on n’a point remarqué les protubérances du vol ni celles de la folie. Ajoutons que le crâne de Napoléon Ier avait des bosses qui ont fort intrigué les phrénologistes.
Gamahé ou Camaieu, espèce de talisman qui consiste dans des images ou des caractères naturellement gravés sur certaines pierres, auxquels la superstition a fait attribuer de grandes vertus, parce qu’elle les croit produits par l’influence des esprits. Gaffarel dit qu’Albert le Grand avait une de ces pierres, sur laquelle était un serpent qui possédait cette admirable vertu d’attirer les autres serpents lorsqu’on la plaçait dans le lieu où ils venaient. D’autres pierres, ajoute t-il, guérissent les morsures et chassent les venins. Georges Agricola rapporte qu’on voit des. Gamahés de la forme de quelques parties du corps, ou de quelques plantes, et qui ont des vertus merveilleuses ; ainsi celles qui représentent du sang arrêtent les pertes, etc.
Gamoulis, esprits qui, selon les habitants du Kamtchatka, produisent les éclairs, en se lançant dans leurs querelles les tisons à demi consumés qui ont chauffé leurs huttes. Lorsqu’il tombe de la pluie, ce sont les Gamoulis qui rejettent le superflu de la boisson.
Gamygyn, grand marquis des enfers. C’est un puissant démon. On le voit sous la forme d’un petit cheval. Mais dès qu’il prend celle d’un homme, il a une voix rauque et discourt sur les arts libéraux. Il fait paraître aussi devant l’exorciste les âmes qui ont péri dans la mer, et celles qui souffrent dans cette partie du purgatoire qui est appelée Cartagra (c’est-à-dire affliction des âmes). Il répond clairement à toutes les questions qu’on lui fait ; il reste auprès de l’exorciste jusqu’à ce qu’il ait exécuté tout ce qu’on lui ordonne ; cependant là-bas, trente légions lui sont soumises .
Gandillon (Pierre), sorcier de la Franche-Comté, qui fut brûlé vers 1610, pour avoir couru la nuit en forme de lièvre .
Gandreid, sorte de magie en usage chez les Islandais, laquelle magie donne la faculté de voyager dans les airs ; elle est, dit-on, d’invention nouvelle, quoique le nom en soit connu depuis des temps reculés. Mais on attribuait autrefois les cavalcades aériennes au diable et à de certains esprits. Les Islandais prétendent aujourd’hui que ce sont des sorcières montées sur des côtes de cheval et des tibias, en guise de manche à balais, qui se promènent par les airs. Les sorcières de basse Saxe et du duché de Brunswick se mettent à califourchon sur la même monture ; et tous les autres ossements qui se trouvent dans la campagne se pulvérisent à l’approche de l’un de ces cavaliers nocturnes. L’art de préparer leur équipage consiste dans une courroie d’une espèce de cuir qu’ils appellent Gandreid-Jaum, sur laquelle ils impriment leurs runes ou caractères magiques.
Ganelon. Voy. Guinefort.
Ganga-Gramma, démon femelle que les Indiens craignent beaucoup, et par conséquent auquel ils rendent de grands honneurs. Il a une seule tête et quatre bras ; il tient dans la main gauche une petite jatte, et dans la droite une fourchette à trois pointes. On le mène en procession sur un char avec beaucoup de pompe ; quelquefois il se trouve des fanatiques qui se font écraser par dévotion sous ses roues. Les boucs sont les victimes ordinaires qu’on lui immole. Dans les maladies ou dans quelque autre danger, il se trouve des Indiens qui font vœu, s’ils en réchappent, de pratiquer en l’honneur de Ganga Granma la cérémonie suivante. On leur enfonce dans la peau du dos des crochets, par le moyen desquels on les élève en l’air ; là ils font quelques tours d’adresse, comme des entrechats, en présence des spectateurs. Il se trouve des femmes simples et crédules, à qui l’on persuade que cette cérémonie est agréable à Ganga-Gramma, et qu’elle ne cause aucune douleur. Lorsqu’elles la sentent, il n’est plus temps de s’en dédire, elles sont déjà en l’air, et les cris des assistants étouffent leurs plaintes. Une sorte de pénitence, toujours en l’honneur du même démon, consiste à se laisser passer une ficelle dans la chair, et à danser pendant que d’autres personnes tirent cette ficelle. La nuit qui suit la fête de Ganga Gramma, on lui sacrifie un buffle dont on recueille le sang dans un vase ; on le place devant l’idole, et l’on assure que le lendemain il se trouve vide. Des auteurs disent qu’autrefois, au lieu d’un buffle, on immolait une victime humaine.
Ganguy (Simone), dite la petite mère, sorcière, amie de Madeleine Bavent. Il ne paraît pas qu’elle ait été brûlée.
Ganipotes, loups garous de la Saintonge. Voy. Lycanthropie.
Ganna, devineresse germaine, qui avait succédé à Velléda, vierge comme elle, et comme elle rendant des oracles. Ganna fit un voyage à Rome, où elle reçut de grands honneurs de Domitien.
Gantière, sorcière. En 1582, le parlement de Paris confirma la sentence de mort du bailli de la Ferté contre la femme Gantière. Elle avouait que la Lofarde l’avait transportée au sabbat ; que le diable l’avait marquée ; qu’il était vêtu d’un habit jaune ; qu’il lui avait donné huit sous pour payer sa taille ; mais que, de retour dans son logis, elle ne les avait plus trouvés dans son mouchoir.
Garandier, démon invoqué dans les litanies du sabbat.
Garcia (Marie), femme de Madrileschos, près de Tolède, qui, ayant mangé une orange qu’une autre femme lui avait donnée, devint possédée et fut tourmentée sept ans par une légion de démons. Elle fut exorcisée enfin ; le démon qui la dominait, sommé de dire son nom, répondit qu’il s’appelait Asmodée, et qu’il était logé chez cette femme avec plusieurs autres. On leur demanda un signe de leur soumission ; ils répondirent que la veille ils avaient enlevé quelques pièces de monnaie d’argent chez la sœur du prêtre qui les forçait à sortir, parce que cette femme, ne les ayant pas retrouvées, les avait données au diable. On signifia aux démons de rapporter immédiatement ces pièces ; aussitôt la possédée tendit le cou et les vomit. Ces faits eurent lieu le 14 octobre 1609, devant une foule d’assistants.
Garde des troupeaux. Voy. Troupeaux.
Gardemain (Marie). Voy. Glocester.
Gargantua, héros populaire de taille gigantesque, dont la légende ne s’accorde pas avec le roman de Rabelais. Quoique son histoire ne soit qu’un conte bleu, on montre aux environs d’Aigues-Mortes la vieille tour de Gargantua ; et on n’ose en approcher la nuit, de peur d’être happé par un bras de vingt-cinq mètres.
Gargouille. « Que vous dire de la gargouille de Rouen ? Il est certain que tous les ans le chapitre métropolitain de cette ville présentait au parlement, le jour de l’Ascension, un criminel qui obtenait sa grâce, en l’honneur de saint Romain et de la gargouille. La tradition portait qu’à l’époque où saint Romain occupait le siège épiscopal de Rouen, un dragon, embusqué à quelque distance de la ville, s’élançait sur les passants et les dévorait. C’est ce dragon qu’on appelle la gargouille. Saint Romain, accompagné d’un criminel condamné à mort, alla attaquer le monstre jusque dans sa caverne ; il l’enchaîna et le conduisit sur la place publique, où il fut brûlé, à la grande satisfaction des diocésains . » On a contesté cette légende en niant les dragons, dont les géologues actuels reconnaissent pourtant que l’existence a été réelle. Il se peut toutefois que ce dragon soit ici une allégorie. Des historiens rapportent que, du temps de saint Romain, la ville de Rouen fut menacée d’une inondation ; que ce saint prélat eut le bonheur de l’arrêter par ses soins et par ses prières. Voilà l’explication toute simple du miracle de la gargouille. Ce mot, dans notre vieille langue, signifie irruption, bouillonnement de l’eau. Des savants auront rendu le mot hydra par celui de dragon.
Garibaut (Jeanne), sorcière. Voy. Grenier et Pierre Labourant.
Garinet (Jules), auteur de l’Histoire de la magie en France, Paris, 1818, in-8°. On trouve à la tête de cet ouvrage curieux une description du sabbat, une dissertation sur les démons, un discours sur les superstitions qui se rattachent à la magie chez les anciens et chez les modernes. Beaucoup de faits intéressants mériteraient à ce livre une nouvelle édition ; mais l’auteur, fort jeune lorsqu’il le publia, lui a donné une teinte philosophique et peu morale que son esprit élevé et ses vastes études doivent lui faire désapprouver aujourd’hui. Une nouvelle édition serait donc recherchée.
Garnier (Gilles), loup-garou, condamné à Dôle, sous Louis XIII, comme ayant dévoré plusieurs enfants. On le brûla vif, et son corps, réduit en cendres, fut dispersé au vent. Henri Camus, docteur en droit et conseiller du roi, exposa que « Gilles Garnier avait pris dans une vigne une jeune fille de dix ans, l’avait tuée et occise, l’avait traînée jusqu’au bois de la Serre, et que, non content d’en manger, il en avait apporté à sa femme ; qu’un autre jour étant en forme de loup (travestissement horrible qu’il prenait sans doute pour sa chasse), il avait également tué et dévoré un jeune garçon, à une lieue de Dôle, entre Grédisans et Monotée ; qu’en sa forme d’homme et non de loup il avait pris un autre jeune garçon de l’âge de douze à treize ans, et qu’il l’avait emporté dans le bois pour l’étrangler… . » C’est sans doute le même que Germar.
Garniza. Voy. Éléazar.
Garosmancie. Voy. Gastromancie.
Garuda, oiseau fabuleux, qu'on représente souvent avec la tête d'un beau jeune homme, orné d'un collier blanc, et le corps d'un aigle. Il sert de monture à Vishnou, comme l'aigle en servait à Jupiter. Les Indiens lui rendent les honneurs divins. Ils racontent qu'il naquit d'un œuf que sa mère Diti avait pondu cinq cents ans avant qu'il commençât d'éclore. Il est toujours peint sur les armes et les étendards de Vishnou, et il a sa chapelle dans les temples de ce dieu. Sonnerat prétend que c'est l'aigle de Pondichéry de Brisson. Les Européens le nomme Miote. Il a la tête et le cou blanc, et le reste du corps rougeâtre. Dans certains temples, comme à Tiricatchicondon, les brahmes leur donnent à manger, et les ont habitués à venir chercher leur nourriture à des heures réglées: ils les appellent au bruit de deux plats de cuivre qu'ils frappent l'un contre l'autre.
Gaspard, démon qui servait Héliodore. Voyez ce mot.
Gastrocnémie, pays imaginaire dont parle Lucien, où les enfants étaient portés dans le gras de la jambe, d'où ils étaient extraits au moyen d'une incision.
Gastromancie ou Garosmancie, divination qui se pratiquait en plaçant entre plusieurs bougies allumées des vases de verre ronds et pleins d’eau claire ; après avoir invoqué et interrogé les démons à voix basse, on faisait regarder attentivement la superficie de ces vases par un jeune garçon ou par une jeune femme ; puis on lisait la réponse sur des images tracées par la réfraction de la lumière dans les verres. Cagliostro employait cette divination.
Une autre espèce de gastromancie se pratiquait par le devin qui répondait sans remuer les lèvres, en sorte qu’on croyait entendre une voix aérienne. Le nom de cette divination signifie divination par le ventre ; aussi, pour l’exercer, il faut être ventriloque, ou possédé, ou sorcier. | Dans le dernier cas, on allume des flambeaux ! autour de quelques verres d’eau limpide, puis on agite l’eau en invoquant un esprit qui ne tarde pas à répondre d’une voix grêle dans le ventre du sorcier en fonction. Les charlatans trouvant dans les moindres choses des moyens sûrs d’en imposer au peuple et de réussir dans leurs fourberies, la ventriloquie doit être pour eux d’un grand avantage. Un marchand de Lyon, étant un jour à la campagne avec son valet, entendit une voix qui lui ordonnait, de la part du ciel, de donner une partie de ses biens aux pauvres, et de récompenser son serviteur. Il obéit et regarda comme miraculeuses les paroles qui sortaient du ventre de son domestique. On savait si peu autrefois ce que c’était qu’un ventriloque, que les plus grands personnages attribuaient toujours ce talent à la présence des démons. Photius, patriarche de Constantinople, dit dans une de ses lettres : « On a entendu le malin esprit parler dans le ventre d’une personne, et il mérite bien d’avoir l’ordure pour logis. »
Gâteau des rois. La part des absents, quand on partage le gâteau des rois, se garde précieusement ; dans certaines maisons superstitieuses, elle indique l’état de la santé de ces personnes absentes par sa bonne conservation ; une maladie, par des taches ou des ruptures.
Gâteau triangulaire de Saint-Loup. Le personnes superstitieuses font ce gâteau le 29 juillet, avant le lever du soleil ; il est composé de pure farine de froment, de seigle et d’orge, pétrie avec trois œufs et trois cuillerées de sel, en forme triangulaire. On le donne, par aumône, au premier pauvre qu’on rencontre, pour rompre les maléfices.
Gauchelin, prêtre du onzième siècle, qui eut une vision célèbre. C’était une immense troupe de défunts faisant leur pénitence et conduits par des démons. Elle a été conservée par Orderic Vital.
Gaufridi (Louis-Jean-Baptiste), curé de Marseille qui, infidèle à ses devoirs, tomba dans le désordre et se fit sorcier vers la fin du seizième siècle. On raconte que le diable lui apparut un jour, pendant qu’il lisait un livre de magie ; ils entrèrent en conversation et firent connaissance. Le prêtre se livra au diable par un pacte en règle, à condition qu’il lui donnerait le pouvoir de suborner et de séduire en soufflant au visage. Le diable y consentit d’autant plus volontiers, qu’il trouvait dans ce marché un double avantage. L’apostat s’éprit de la fille d’un gentilhomme, Madeleine de la Palud, dont l’histoire est devenue célèbre. Mais bientôt la demoiselle effrayée se retira dans un couvent d’ursulines. Gaufridi furieux y envoya, disent les relations du temps, une légion de démons ; la sorcellerie du prêtre fut prouvée. Un arrêt du parlement de Provence le condamna au feu, en avril 1611.
Gauric (Luc), astrologue napolitain, né en 1476. Selon Mezeray et le président de Thou, il annonça positivement que le roi Henri II serait tué dans un duel et mourrait d’une blessure à l’œil ; ce qui fut vrai. Catherine de Médicis avait en Luc Gauric la confiance la plus entière. Bentivoglio, seigneur de Bologne, le condamna à cinq tours d’estrapade, pour avoir eu la hardiesse de lui prédire qu’il serait chassé de ses États ; ce qui n’était pas difficile à prévoir, vu la disposition des esprits qui détestaient ce seigneur. Gauric mourut en 1558, âgé de quatre-vingt-deux ans. On a de lui une Description de la sphère céleste, publiée dans ses œuvres, Bâle, 1575, 3 vol. in-folio. On y trouve aussi un Éloge de l’astrologie. — On attribue à son frère Pomponius Gauric un livre dans lequel on traite de la physiognomonie, de l’astrologie naturelle, etc.  ; mais il ne paraît pas que cet ouvrage soit de Pomponius, il serait plutôt de Luc. Le Traité astrologique de Luc Gauric  est un livre assez curieux. Pour prouver la vérité de l’astrologie, il dresse l’horoscope de tous les personnages illustres, dont il a pu découvrir l’heure de la naissance ; il démontre que tout ce qui leur est arrivé se trouvait prédit dans leur horoscope, — comme si on n’y trouvait pas tout ce qu’on veut !
Gaurie, génie ou lutin que la superstition des villageois bas bretons croit voir danser autour des amas de pierres, ou monuments druidiques, désignés dans la langue des anciens insulaires par le mot chiorgaur, que l’on a traduit par ceux-ci : chorea gigantum, ou danse des géants, mais qu’il serait peut-être plus exact d’entendre chorea Gauriorum, danse des Gauries.
Gauthier (Jean), alchimiste. Charles IX, trompé par ses promesses, lui fit donner, pour faire de l’or, cent vingt mille livres, et l’adepte se mit à l’ouvrage. Mais après avoir travaillé huit jours ; il se sauva avec l’argent du monarque : on courut à sa poursuite, on l’attrapa, et il fut pendu.
Gauthier, conspirateur écossais. Voy. Walter.
Gauthier de Bruges. On conte que ce cordelier, nommé évêque par le pape Nicolas III, et déposé par Clément V, appela à Dieu de cette déposition et demanda qu’en l’inhumant on lui mît son acte d’appel à la main. Quelque temps après sa mort, le pape Clément V, étant venu à Poitiers, et se trouvant logé au couvent des cordeliers, désira visiter les restes de celui qu’il avait déposé ; on ajoute qu’il se fit ouvrir le tombeau, et qu’il fut effrayé en voyant Gauthier de Bruges agitant son acte d’appel d’une main desséchée . » Conte imaginé par les ennemis du Pape.
Gayot de Pitaval, Lyonnais, auteur de la compilation des Causes célèbres, ouvrage indigeste. Mort en 1743. Nous ne le citons que pour faire remarquer l’esprit léger, mais hostile, dans lequel, à propos de la possession de Loudun, il a admis tous les mensonges de Saint-Aubin. Voy. ce nom.
Gazardiel, ange qui, selon le Talmud, préside à l’Orient, afin d’avoir soin que le soleil se lève et de l’éveiller s’il ne se levait pas.
Gaze (Théodore de), propriétaire d’une ferme dans la Campanie, au seizième siècle ; il la faisait cultiver par un fermier. Comme ce bonhomme travaillait un jour dans un champ, il découvrit un vase rond où étaient enfermées les cendres d’un mort. Aussitôt il lui apparut un spectre qui lui commanda de remettre en terre le même vase avec ce qu’il contenait, sinon qu’il ferait mourir son fils aîné. Le fermier ne tint compte de ces menaces, et peu de jours après son fils aîné fut trouvé mort dans son lit. Quelque temps plus tard, le même spectre lui apparut, lui réitérant le même commandement, et le menaça de faire mourir son second fils. Le laboureur avertit de tout cela Théodore de Gaze, qui vint lui-même à sa métairie et fit remettre le tout à sa place : sachant bien’, dit Leloyer, qu’il fait mauvais jouer avec les morts…
Gaziel, démon chargé de la garde des trésors souterrains, qu’il transporte d’un lieu à un autre pour les soustraire aux hommes. C’est lui qui ébranle les fondements des maisons et fait souffler des vents accompagnés de flammes. Quelquefois il forme des danses qui disparaissent tout à coup ; il inspire la terreur par un grand bruit de cloches et de clochettes ; il ranime les cadavres, mais pour un moment. Anarazel est son compagnon.
Géants. Les géants de la fable avaient le regard farouche et effrayant, de longs cheveux, une grande barbe, des jambes et des pieds de serpent, et quelques-uns cent bras et cinquante-têtes. Homère représente les Aloïdes, géants remarquables, comme étant d’une taille si prodigieuse qu’à l’âge de neuf ans ils avaient neuf coudées de grosseur, trente-six de hauteur, et croissaient chaque année d’une coudée de circonférence et d’un mètre de haut. Les talmudistes assurent qu’il y avait des géants dans l’arche. Comme ils y tenaient beaucoup de place, on fut obligé, disent-ils, de faire sortir le rhinocéros, qui suivit l’arche à la nage. Aux noces de Charles le Bel, roi de France, on vit une femme de Zélande d’une taille extraordinaire, auprès de qui les hommes les plus hauts paraissaient des enfants ; elle était si forte, qu’elle enlevait de chaque main deux tonneaux de bière, et portait aisément huit hommes sur une poutre . Il est certain qu’il y a eu de tout temps des hommes d’une taille et d’une force au-dessus de l’ordinaire. On trouva au Mexique des os d’hommes trois fois aussi grands que nous, et, dit-on, dans l’île de Crète un cadavre de quarante-cinq pieds… Hector de Boèce dit avoir vu les restes d’un homme qui avait quatorze pieds. En 1693, il y avait à Lekerké un homme assez maigre, nommé Guerrit Baastrausée, pêcheur de son métier, qui avait huit pieds du Rhin de hauteur et qui pesait cinq cents livres. Pour la force, nous citerons Milon de Crotone, tant de fois vainqueur aux jeux Olympiques ; ce Suédois qui, sans armes, tua dix soldats armés ; ce Milanais qui portait un cheval chargé de blé ; ce Barsabas qui, du temps de Louis XIV, enlevait un cavalier avec son équipage et sa monture ; ces géants et ces hercules qu’on montre tous les jours au public. Mais la différence qu’il y a entre eux et le reste des hommes est petite, si on compare leur taille réelle à la taille prodigieuse que les traditions donnent aux anciens géants.
Geber, roi des Indes et grand magicien, auquel on attribue un traité absurde du rapport des sept planètes aux sept noms de Dieu, et quelques autres opuscules inconnus .
Gedi, pierre merveilleuse qui, dans l’opinion des Gètes, avait la vertu, lorsqu’on la trempait dans l’eau, de changer l’air et d’exciter des vents et des pluies orageuses. On ne connaît plus la forme de cette pierre.
Geilana, duchesse de Franconie, ayant ordonné le meurtre de saint Kilian, fut, aussitôt après le crime, possédée d’un démon.
Geillis Duncane, sorcière anglaise qui guérissait certaines maladies par l’aide d’un démon, comme elle le déclara. Le roi Jacques la fit arrêter.
Geiralda, sorcière. Voy. Kalta.
Gello ou Gilo, c’était une fille qui avait la manie d’enlever les petits enfants. On dit même que parfois elle les mangeait, et qu’elle emporta un jour le petit empereur Maurice ; mais qu’elle ne put lui faire aucun mal, parce qu’il avait sur lui des amulettes. Son fantôme errait dans l’île de Lesbos, où, comme elle était jalouse de toutes les mères, elle faisait mourir dans leur sein les enfants qu’elles portaient, un peu avant qu’ils fussent à terme . On voit que c’était l’épouvantail du sixième siècle. Elle n’était pas seule.
Gellons, compagnons de Gello en Grèce. Ces esprits pénètrent dans les appartements quoique les portes en soient fermées et y enlèvent les enfants. Voyez aussi Géludes.
Gellone (vallée de). Voy. Pie.
Geloscopie, Espèce de divination qui se tire du rire. On prétend acquérir ainsi la connaissance du caractère d’une personne, et de ses penchants bons ou mauvais. Un rire franc n’annonce certainement pas une âme fausse, et on peut se défier quelquefois d’un rire forcé. Voy. Physiognomonie.
Géludes, sorcières-vampires de l’Orient. Saint Jean Damascène parle de ces monstres qui entraient dans les maisons malgré serrures et verrous, suçaient le sang des enfants ou les enlevaient pour manger leur foie. Mais il cite ces propos comme croyances erronées.
Gématrie. C’est une des divisions de la cabale chez les Juifs. Elle consiste à prendre les lettres d’un mot hébreu pour des chiffres ou nombres arithmétiques, et à expliquer chaque mot par la valeur arithmétique des lettres qui le composent. Selon d’autres, c’est une interprétation qui se fait par la transposition des lettres.
Gemma (Cornélius), savant professeur de Louvain, auteur d’un livre intitulé Des caractères divins et des choses admirables , publié à Anvers, chez Christophe Plantin, architypographe du roi ; 1575, in-12. C’est un tableau des merveilles de la nature dont l’auteur a profondément saisi la marche et le but. Il y a des réflexions admirables, exprimées avec un langage de sentiment qui touche autant qu’il instruit le lecteur.
Génération. Voy. Enfants.
Gengues, devins japonais qui font profession de découvrir les choses cachées et de retrouver les choses perdues. Ils habitent des huttes perchées sur le sommet des montagnes et sont tous extrêmement laids. Il leur est permis de se marier, mais seulement avec de ? femmes de leur caste et de leur secte. Un voyageur prétend que le signe caractéristique de ces devins est une corne qui leur pousse sur la tête. Il ajoute qu’ils sont tous vendus au diable qui leur souffle leurs oracles ; quand leur bail est fini, le diable leur ordonne de l’attendre sur une certaine roche. À midi, ou plus souvent vers le soir, il passe au milieu de l’assemblée ; sa présence cause une vive émotion. Une force irrésistible entraîne alors ces malheureux, qui sont précipités à sa suite et ne reparaissent plus…
Géniane, pierre fabuleuse à laquelle on attribuait la vertu de chagriner les ennemis de ceux qui la portaient. On pouvait de très-loin, en frottant sa pierre, vexer de toute façon les amis dont on avait à se plaindre, et se venger sans se compromettre. Les doctes n’indiquent pas où se trouve cette pierre curieuse.
Génies. La tradition des anges, parvenue altérée chez les païens, en a fait des, génies. Chacun avait son génie. Un magicien d’Égypte avertit Marc-Antoine que son génie était vaincu par celui d’Octave ; et Antoine intimidé se retira vers Cléopâtre . Néron, dans Britannicus, dit en parlant de sa mère :
 Mon génie étonné tremble devant le sien.
Les borborites, hérétiques des premiers siècles de l’Église, enseignaient que Dieu ne peut être l’auteur du mal ; que, pour gouverner le cours du soleil, des étoiles et des planètes, il a créé une multitude innombrable de génies, qui ont été, qui sont et seront toujours bons et bienfaisants ; qu’il créa l’homme indifféremment avec tous les autres animaux, et que l’homme n’avait que des pattes comme les chiens ; que la paix et la concorde régnèrent sur la terre pendant plusieurs siècles, et qu’il ne s’y commettait aucun désordre ; que malheureusement un génie prit l’espèce humaine en affection, lui donna des mains, et que voilà l’origine et l’époque du mal. L’homme alors se procura des forces artificielles, se fabriqua des armes, attaqua les autres animaux, fit des ouvrages surprenants ; et l’adresse de ses mains le rendit orgueilleux ; l’orgueil lui inspira le désir de la propriété et la vanité de posséder certaines choses à l’exclusion des autres ; les querelles et les guerres commencèrent ; la victoire fit des tyrans et des esclaves, des riches et des pauvres. Il est vrai, ajoutent les borborites, que si l’homme n’avait jamais eu que des pattes, il n’aurait pas bâti des villes, ni des palais, ni des vaisseaux ; qu’il n’aurait pas couru les mers ; qu’il n’aurait pas inventé l’écriture, ni composé des livres ; et qu’ainsi les connaissances de son esprit ne se seraient point étendues. Mais aussi il n’aurait éprouvé que les maux physiques et corporels, qui ne sont pas comparables à ceux d’une âme agitée par l’ambition, l’orgueil, l’avarice, par les inquiétudes et les soins qu’on se donne pour élever une famille, et par la crainte de l’opprobre, du déshonneur, de la misère et des châtiments. Aristote observe que l’homme n’est pas supérieur aux animaux parce qu’il a une main, mais qu’il a une main parce qu’il est supérieur aux animaux.
Les Arabes ne croient pas qu’Adam ait été le premier être raisonnable qui ait habité la terre, mais seulement le père de tous les hommes actuellement existants. Ils pensent que la terre était peuplée avant ! a création d’Adam par des êtres d’une espèce supérieure à la nôtre ; que dans la composition de ces êtres, créés de Dieu comme nous, il entrait plus de feu divin et moins de limon. Ces êtres, qui ont habité la terre pendant plusieurs milliers de siècles, sont les génies, qui ensuite furent renvoyés dans une région particulière, mais d’où il n’est pas impossible de les évoquer et de les voir paraître encore quelquefois, par la force des paroles magiques et des talismans. Il y a deux sortes de génies, ajoutent-ils, les péris, ou génies bienfaisants, et les dives, ou génies malfaisants. Gian-ben-gian, du nom de qui ils furent appelés ginnes ou génies, est le plus fameux de leurs rois. Le Ginnistan est un pays de délices et de merveilles, où ils ont été relégués par Taymural, l’un des plus anciens rois de Perse. Ce sont encore là des vestiges altérés de l’ancienne tradition.
Les Chinois ont des génies qui président aux eaux, aux montagnes ; et chacun d’eux est honoré par des sacrifices solennels. — Voy. Fées, Anges, Esprits, etc.
Génirade, médecin matérialiste, ami de saint Augustin et très-connu à Carthage pour sa grande capacité. Il doutait qu’il y eût un autre monde que celui-ci. Mais une nuit il vit en songe un jeune homme qui lui dit : — Suivez-moi. — Il le suivit et se trouva dans une ville où il entendit une mélodie admirable. Une autre fois il vit le même jeune homme qui lui dit : — Me connaissez-vous ? — Fort bien, lui répondit-il. — Et d’où me connaissez-vous ? — Génirade lui raconta ce qu’il lui avait fait voir dans la ville où il l’avait conduit. Le jeune homme ajouta : — Est-ce en songe ou éveillé que vous avez vu tout cela ? — C’est en songe, répondit le médecin. Le jeune homme dit : — Où est à présent votre corps ? — Dans mon lit. — Savez-vous bien que vous ne voyez rien à présent des yeux du corps ? — Je le sais. — Quels sont donc les yeux par lesquels vous me voyez ?… Comme le médecin hésitait et ne savait que répondre, le jeune homme lui dit encore : — De même que vous me voyez et m’entendez, à présent que vos yeux sont fermés et vos sens engourdis, ainsi après votre mort vous vivrez, vous verrez, vous entendrez, mais des yeux de l’esprit. Ne doutez donc plus. — Génirade conclut que si l’âme pouvait voyager ainsi dans le sommeil, elle n’était donc pas liée à la matière ; et il se convertit.
Gennadius, patriarche de Constantinople. Allant à son église, il rencontra un spectre hideux. Il reconnut que c’était le diable, le conjura et entendit une voix qui lui dit : — Je t’avertis, Gennadius, que durant ta vie je ne pourrai nuire plus que toi à l’Église grecque ; mais après ta mort je la ruinerai. — Le patriarche se mit à genoux, pria pour son Église, et mourut peu après . Ceci se passait tandis que Mahomet II faisait la conquête de l’empire.
Geoffroi d’Iden, chevalier du treizième siècle, qui fut tué dans une guerre injuste au diocèse de Mâcon, et qui revint, deux mois après, réclamer des prières. Il se montra deux fois à deux personnes différentes, portant encore saignante l’énorme blessure qui lui avait donné la mort ; et il obtint ce qu’il demandait. Ces faits, dont toute la contrée ne put douter, sont rapportés par Pierre le Vénérable .
Géomancie ou Géomance, espèce de divination qui se pratiquait, tantôt en traçant par terre des lignes ou des cercles, sur lesquels on croyait pouvoir deviner ce qu'on avait envie d'apprendre; tantôt en faisant au hasard, par terre ou sur le papier, plusieurs points sans garder aucun ordre, les figures que le hasard formait alors fondaient un jugement sur l'avenir; tantôt en observant les fentes et les crevasses qui se font naturellement à la surface de la terre, d'où sortaient, disait-on, des exhalaisons prophétiques , comme de l'antre de Delphes.
 Gérard. C’est le nom, à ce qu’on croit, de l’architecte qui entreprit la somptueuse basilique de Cologne. Plusieurs traditions se rattachent à cet immense édifice. Selon les unes, le diable en aurait fait le plan et l’aurait offert à Gérard, moyennant un pacte qui lui eût livré son âme. L’architecte aurait d’une main saisi le plan, et de l’autre, armée d’une relique de sainte Ursule, il aurait mis le diable en fuite. Mais en se retirant violemment le diable avait arraché du plan la portion la plus importante ; ce qui fit que le monument n’a pu être achevé. Selon d’autres traditions, Gérard était avancé dans l’érection de sa cathédrale au point où nous la voyons, lorsqu’il paria orgueilleusement avec le diable qu’il aurait achevé sa grande tour avant que lui, Satan, eût terminé le grand aqueduc de Trêves à Cologne, qu’il avait entrepris. Mais le diable gagna le pari, et Gérard humilié se précipita du haut de sa tour, dont personne jusqu’ici n’a entrepris l’achèvement.
Gérard le Diable, garnement du treizième siècle, enfant de grande maison à Gand. La sinistre histoire de ce possédé, de son fils Gérard le Maure et de la tour rouge est établie dans les Légendes infernales.
Gérardine (Rose), pauvre femme de la Lorraine qui fut arrêtée comme sorcière en 1856. Elle confessa qu’on l’avait emmenée au sabbat malgré elle, qu’on l’avait cruellement battue parce qu’elle se refusait à faire le mal qui lui était prescrit ; et elle montrait les traces des plaies qu’elle avait reçues. Elle ne fut pas punie.
Gerbert. Voy. Sylvestre II.
Géréahs. planètes que les habitants de Ceylan croient occupées par autant de déités arbitres de leur sort. Ils leur attribuent le pouvoir de rendre leurs favoris heureux, en dépit des dieux et des diables. Ils forment autant d'images d'argile qu'ils supposent de divinités mal disposées, et leur donnent des figures monstrueuses. Le festin qui se donne en cette occasion est accompagné de tambours. Les danses suivent jusqu'au point du jour; les images sont jetées sur les grands chemins, et les restes du festin sont abandonnés au peuple.
Germanicus, général romain qui fut empoisonné par Plancine. On ne dit pas si ce fut par des parfums ou par un poison plus direct, ou par des maléfices ; mais ce qui est certain, dit Tacite, c’est que l’on trouva dans sa demeure des ossements et des cendres de morts arrachés aux tombeaux, et le nom de Germanicus écrit sur une lame de plomb qu’on avait dévouée à l’enfer .
Germar (Gilles), infâme coquin, né à Lyon et arrêté à Dôle pour ses crimes, à travers les guerres de la réforme. Il avoua, sans y être contraint, qu’un jour, habillé en loup-garou, il avait, dans le bois de la Serre près de Dôle, étranglé une jeune fille et qu’après avoir mangé la chair de ses bras et de ses jambes, il en avait porté à sa femme qui partageait ses goûts ; qu’un mois après il avait, sous la même forme de loup-garou, tué une jeune fille pour la manger pareillement, mais qu’il en avait été empêchée par l’arrivée de trois personnes, à l’aspect desquelles il s’était enfui ; que quinze jours plus tard, dans la vigne de Grédisans, il avait tué un enfant et en avait mangé aussi la chair des bras et des jambes ; enfin que, cette fois en sa forme d’homme et non plus en loup-garou, il avait tué un enfant de douze à treize ans dans le bois de Pérouze et qu’il se disposait à le manger lorsqu’on l’avait arrêté. Cet anthropophage fut condamné au feu .
Géroldseck, l’un des vieux manoirs des bords du Rhin. Sous ses ruines sont ensevelis Wittich, Siegfried et d’autres chevaliers bandits des plus mauvais jours du moyen âge, attendant le jugement dernier.
Gerson (Jean Charlier de), chancelier, pieux et savant, de l’université de Paris, mort en 1429, auteur de l’Examen des esprits, où l’on trouve des règles pour discerner les fausses révélations des véritables ; auteur aussi de l’Astrologie réformée, qui eut un grand succès. Nous ne parlons pas ici de ses ouvrages de piété.
Gert (Berthomine de), sorcière de la ville de Préchac en Gascogne, qui confessa vers 1608 que, lorsqu’une sorcière revenant du sabbat était tuée dans le chemin, le diable avait l’habitude de prendre sa figure, et de la faire reparaître et mourir dans son logis pour la tenir en bonne réputation. Mais si celui qui l’a tuée a quelque bougie ou chandelle de cire sur lui, et qu’il en fasse une croix sur la morte, le diable ne peut, malgré toute sa puissance, la tirer de là, et par conséquent est forcé de l’y laisser .
Gervais, archevêque de Reims, mort en 1067, dont on conte cette aventure. Un chevalier normand qui le connaissait, voulant, pour le besoin de son âme, aller à Rome visiter les tombeaux des saints apôtres, passa par Reims, où il demanda à l’archevêque sa bénédiction, puis il reprit son chemin, dont il s’était écarté. Il arriva à Rome et fit ses oraisons. Il voulut ensuite aller au mont Saint-Ange. Dans son chemin, il rencontra un ermite qui lui demanda s’il connaissait Gervais, archevêque de Reims ; à quoi le voyageur répondit qu’il le connaissait. — Gervais est mort, reprit l’ermite. — Le Normand demeura stupéfait ; il pria l’inconnu de lui dire comment il savait cette nouvelle. L’ermite lui répondit, qu’ayant passé la nuit en prière dans sa cellule, il avait entendu le bruit d’une foule de gens qui, marchaient le long de son corridor en faisant beaucoup de bruit ; qu’if avait ouvert sa fenêtre, et demandé où ils allaient ; que l’un d’eux lui avait répondu : Nous sommes les anges de Satan ; nous venons de Reims. Nous emportions l’âme de Gervais ; mais à cause de ses bonnes œuvres, on vient de nous l’enlever, ce qui nous fâche rudement. Le pèlerin remarqua le temps et le jour où il avait appris tout cela, et de retour à Reims, il trouva que l’archevêque Gervais était mort à la même heure.
Geyseric, démoniaque goth, dont l’âme fut emportée par le diable en enfer après que son corps eut crevé, comme ceux de Bucer et d’Arius, pendant qu’il était au lit .
Ghilcul ou Gilgoul. métempsycose ou transmigration des âmes en d’autres corps. Parmi les Juifs modernes, plusieurs croient à ce dogme. Ceux qui y tiennent ne sont point regardés comme hérétiques. Ils prétendent trouver la preuve de leur système dans quelques passages de L'Ecclésiaste et du livre de Job. Selon une de leurs traditions, le prophète Élie avait été auparavant Phinéès, fils d’Aaron.
Ghirardelli (Corneille), franciscain, né à Bologne vers la fin du seizième siècle. Il étudia l’astrologie et la métoposcopie ; on connaît de lui des discours astrologiques, des almanachs comme celui de Matthieu Laensberg, enfin la Céphalonie physionomique, avec cent têtes dessinées et des jugements sur chaque figure, lesquels jugements sont renfermés en un sonnet rehaussé d’un distique ; in-4°, 1630.
Gholes. La croyance aux vampires, aux gholes, aux lamies, qui sont à peu près le même genre de spectres, est répandue de temps immémorial chez les Arabes, chez les Perses, dans la Grèce moderne et dans tout l’Orient. Les Mille et une Nuits et plusieurs autres contes arabes roulent sur cette matière, et maintenant encore cette terrible superstition porte l’épouvante dans plusieurs contrées de la Grèce moderne et de l’Arabie. Les gholes sont du sexe féminin. On en cite des histoires qui remontent jusqu’au dixième siècle et même jusqu’au règne d’Haroun al Raschid. Elles mangent la chair humaine et boivent le sang, comme les loups garous plutôt que comme les vampires, car elles n’ont pas toujours besoin d’être mortes pour se livrer à leurs festins funèbres. Quand la chair vivante leur manque, elles vont dans les cimetières déterrer les cadavres frais. Ces traditions doivent être fondées sur des faits sinistres.
On voit aussi dans les contes orientaux une espèce de vampire qui ne peut conserver son odieuse vie qu’en avalant de temps en temps le cœur d’un jeune homme : ces contes prouvent que les horribles idées du vampirisme sont anciennes en Arabie.
Ghoolée-Beenban, vampire, ou lamie ou ghole. Les Afghans croient que chaque solitude, chaque désert de leur pays est habité par un démon, qu’ils appellent le Ghoolée-Beenban ou le spectre de la solitude. Us désignent souvent la férocité d’une tribu en disant qu’elle est sauvage comme le démon du désert.
Giall, fleuve des enfers Scandinaves ; on le passe sur un pont appelé Giallar.
Gian-ben-Gian. Voy. Génies.
Gibel, c’est l’Etna, montagne volcanique au sommet de laquelle se trouve un cratère d’où l’on entend lorsqu’on prête l’oreille des gémissements et un bouillonnement effroyable. Les Grecs jetaient dans ce soupirail des vases d’or et d’argent, et regardaient comme un bon présage que la flamme ne les repoussât pas ; ils pensaient apaiser par là les dieux de l’enfer, dont ils croyaient que cette ouverture était une des entrées .
Gilbert, démon dont parle Olaüs Magnus. Il se montrait chez les Ostrogoths et il avait enchaîné dans une caverne le savant Catillus, nécromancien suédois qui l’avait insulté .
Gilles de Chin, chevalier célèbre par sa force et son courage, est regardé comme le vainqueur d’un dragon terrible qui désolait les environs de Mons dans le Hainaut. On montre la tête du dragon à l’hôtel de ville de Mons, et on voyait à l’abbaye de Saint-Ghislain l’épitaphe de Gilles de Chin ; mais elle a disparu avec la vieille église.
Gilles de Vailladoros. Voy. Vailladoros.
Gilo. Voy. Gello.
Gimi ou Gimin, génies que les musulmans croient d’une nature mitoyenne entre l’ange et l’homme. Ce sont nos esprits follets.
Ginguérers, cinquième tribu des géants ou génies malfaisants chez les Orientaux.
Ginnes, génies femelles chez les Persans, qui les disent maudites par Salomon, et formées d’un feu liquide et bouillonnant avant la création de l’homme.
Ginnistan, pays imaginaire, où les génies soumis à Dieu et à Salomon, font leur résidence, au dire des Persans.
Ginnungagap, nom de l’abîme, partie de l’enfer chez les Scandinaves.
Gioerninca-Vedur. Les Islandais appellent de ce nom le pouvoir magique d’exciter des orages et des tempêtes, et de faire périr des barques et des bâtiments en mer. Cette idée superstitieuse appartient autant à la magie moderne qu’à l’ancienne. Les ustensiles que les initiés emploient sont très-simples : par exemple une bajoue de tête de poisson sur laquelle ils peignent ou gravent différents, caractères magiques, entre autres la tête du dieu Thor, de qui ils ont emprunté cette espèce de magie. Le grand art consiste à n’employer qu’un ou deux caractères, et tout leur secret est que les mots Thor hafot ou hafut puissent être lus devant eux ou en leur absence, sans être compris de ceux qui ne sont pas admis à la connaissance de ces mystères.
Giourtasch, pierre mystérieuse que les Turcs orientaux croient avoir reçue de main en main de leurs ancêtres en remontant jusqu’à Japhet, fils de Noé, et qu’ils prétendent avoir la vertu de leur procurer de la pluie quand ils en ont besoin.
Girard (Jean-Baptiste), jésuite né à Dole en 1680. Les ennemis de la société de Jésus n’ont négligé aucun effort pour le présenter comme un homme de scandale. Ils l’ont accusé d’avoir séduit une fille nommée Catherine Cadière, et sur ce thème ils ont bâti tous les plus hideux romans. Cette li !  ! e, folle ou malade, sembla possédée dans les idées du temps ou le fut peut être, et on dut l’enfermer aux Ursulines de Brest. Sur quelques divagations qu’elle débita, un procès fut intenté par le parlement d’Aix. Mais toutes choses examinées et pesées, il fallut se borner à rendre Catherine Cadière à sa famille. On ne put pas même trouver moyen d’impliquer le père Girard dans cette affaire comme coupable, quoiqu’on eût ameuté trois partis violents contre lui, les jansénistes, le parlement et les philosophes. — Ce qui n’a pas empêché les écrivains antireligieux de faire revivre sur son compte des calomnies condamnées. On a rassemblé ces calomnies en six gros volumes. L’avocat janséniste François Richer les a concentrées dans ses Causes célèbres avec une férocité haineuse qui fait peine. Fréron, dans l’Année littéraire 1772, t. II, p. 250, a pulvérisé, preuves en main, cet échafaudage d’odieux mensonges. Ce qui n’a pas empêché une tête obtuse dans son fiel de les republier de nos jours en une brochure in-8° intitulée Détails historiques sur le père Girard, jésuite, et mademoiselle Cadière de Toulon, imprimée à Nîmes, chez Rallivet et Fabre, 1844. Au résumé, la Cadière était une coquine, le père Girard un saint et ses calomniateurs des faussaires .
Girtanner, docteur de Gcettingue qui a annoncé que, dans le dix-neuvième siècle, tout le monde aurait le secret de la transmutation des métaux ; que chaque chimiste saurait faire de l’or ; que les instruments de cuisine seraient d’or et d’argent, ce qui contribuera beaucoup, dit-il, à prolonger la vie, qui se trouve aujourd’hui compromise par les oxydes de cuivre, de plomb et de fer que nous avalons avec notre nourriture . Les bons chimistes actuels partagent cet avis.
Gitanos, mot espagnol, qui veut dire Égyptiens. Voy. Bohémiens.
Giwon, divinité japonaise. Les habitants croient qu'elle veille particulièrement à la conservation de leur vie, et qu'elle peut les préserver de tout accident fâcheux, comme des chutes, des mauvaises rencontres, des maladies, et surtout de la petite vérole. Aussi ont -ils coutume de placer sur la porte de leurs maisons l'image de cette divinité.
Glanvil, curé anglican d’Abbey-Church à Bath, mort en 1680. On lui attribue un traité des Visions et apparitions, in-8°, Londres, 1700 ; mais il est certainement auteur d’un ouvrage intitulé Considérations philosophiques touchant l’existence des sorciers et la sorcellerie, 1666, in-4°.
Glaphyra, épouse d’Alexandre, fils de cet effroyable Hérode, qu’on a appelé Hérode le Grand. Cette princesse, ayant perdu Alexandre, se maria avec Archélaos, son beau-frère, et mourut la nuit même de ses noces, l’imagination troublée par la vision de son premier époux, qui semblait lui reprocher ses secondes noces avec son frère .
Glasialabolas. Voy. Caacrinolaas.
Gleditch. Voy. Hallucinations.
Glocester. Sous Henri VI, les ennemis de la duchesse de Glocester, voulant la perdre, l’accusèrent d’être sorcière. On prétendit qu’elle avait eu des entretiens secrets avec Roger Bolingbroke, soupçonné de nécromancie, et Marie Gardemain, réputée sorcière. On déclara que ces trois personnes réunies avaient, à l’aide de cérémonies diaboliques, placé sur un feu lent une effigie du roi faite en cire, dans l’idée que les forces de ce prince s’épuiseraient à mesure que la cire fondrait, et qu’à sa totale dissolution la vie de Henri VI serait terminée. Cette accusation s’accrédita sans peine. Tous trois furent déclarés coupables, et ni le rang ni l’innocence ne purent les sauver. La duchesse fut condamnée à un emprisonnement perpétuel, Roger Bolingbroke pendu et Marie Gardemain brûlée dans Smithfield .
Glubbdubdrib. Ile des sorciers dans les voyages de Gulliver. Swift y fait des contes très-piquants.
Gnomes, esprits élémentaires amis de l’homme, composés des plus subtiles parties de la terre, dont ils habitent les entrailles, selon les cabalistes. — La terre, disent-ils, est presque jusqu’au centre remplie de gnomes, gens de petite stature, gardiens des trésors, des mines et des pierreries. Ils aiment les hommes, sont ingénieux et faciles à gouverner. Ils fournissent aux cabalistes tout l’argent qui leur est nécessaire et ne demandent guère, pour prix de leurs services, que la gloire d’être commandés. Les gnomides, leurs femmes, sont petites, mais agréables, et vêtues d’une manière fort curieuse . Les gnomes vivent et meurent à peu près comme les hommes ; ils ont des villes et se rassemblent en sociétés. Les cabalistes prétendent que ces bruits qu’on entendait, au rapport d’Aristote, dans certaines îles, où pourtant on ne voyait personne, n’étaient autre chose que les réjouissances et les fêtes de noces de quelque gnome. Ils ont une âme mortelle ; mais ils peuvent se procurer l’immortalité en contractant des alliances avec les hommes. Voy. Incubo, Cabale, Pygmées, Nains, Gobelins, Kobold, etc.
Gnostiques, hérétiques qui admettent une foule de génies producteurs de tout le monde. Leur nom signifie illuminés ; ils l’avaient pris parce qu’ils se croyaient plus éclairés que les autres hommes. Ils parurent au premier et au deuxième siècle, principalement dans l’Orient. Ils honoraient, parmi les génies, ceux qu’ils croyaient avoir rendu au genre humain les bons offices les plus importants. Ils disaient que le génie qui avait appris aux hommes à manger le fruit de l’arbre de la science du bien et du mal avait fait pour nous quelque chose de très-signalé… Ils l’honoraient sous la figure qu’il avait prise, et tenaient un serpent enfermé dans une cage : lorsqu’ils célébraient leurs mystères, ils ouvraient la cage et appelaient le serpent, qui montait sur une table où étaient les pains, et s’entortillait alentour. C’est ce qu’ils appelaient leur eucharistie… Les gnostiques, auxquels se rattachaient les basilidiens, les ophites, les simoniens, les carpocratiens, etc., tentèrent contre le Catholicisme de grands efforts. Leur serpent, non plus que les autres, n’y put faire qu’user ses dents. Voy. Tête de Bophomet, Éons, etc.
Goap, roi des démons de midi. On peut l’évoquer de trois heures du matin à midi, et de neuf heures du soir à minuit .
Gobbino. Voy. Imagination.
Gobelins, espèce de lutins domestiques qui se retirent dans les endroits cachés de la maison, sous des tas de bois. On les nourrit des mets les plus délicats, parce qu’ils apportent à leurs maîtres du blé volé dans les greniers d’autrui. Ils sont de l’espèce des cobales. On dit que la manufacture des Gobelins à Paris doit son nom à quelques follets qui, dans l’origine, venaient travailler avec les ouvriers et leur apprendre à faire de beaux tapis. C’est d’eux, ajoute-t-on, qu’on tient le secret des riches couleurs.
Les Normands regardent les Gobelins comme les bons génies des campagnes. S’ils sont irrités cependant, ils entrent dans les maisons et changent les enfants, mettant le fils d’un prince dans le berceau d’un fils de mendiant et celui-ci dans le berceau royal.
On appelait Gobelin ce démon d’Évreux que saint Taurin expulsa, mais qui, ayant montré un respect particulier au saint exorciste, obtint la permission de ne pas retourner en enfer, et continua de hanter la ville sous diverses formes, à condition qu’il se contenterait de jouer des tours innocents aux bons chrétiens de l’Eure. Mais le Gobelin d’Évreux semble s’être ennuyé de ses espiègleries depuis quelques années, et il a rompu son ban pour aller tourmenter les habitants de Caen. L’un de ces derniers hivers, les bourgeois de la bonne ville de Guillaume le Bâtard furent souvent effrayés de ses apparitions. Il s’était affublé d’une armure blanche et se grandissait jusqu’à pouvoir regarder à travers les fenêtres des étages les plus élevés. Un vieux général rencontra ce diable importun dans une impasse et le défia, mais Gobelin lui répondit : — Ce n’est pas de toi que j’ai reçu ma mission, ce n’est pas à toi que je dois en rendre compte. Le général ayant insisté, six diables blancs de la même taille sortirent tout à coup de terre, et le général jugea prudent de battre en retraite devant le nombre. Le journal du département rendit justice à son courage ; mais le général n’eut pas moins besoin de se faire saigner par le docteur Vastel. Voy. Lutins, Follets, Kobold, etc.
Gobineau de Montluisant, gentilhomme chartrain qui cherchait la pierre philosophale. Il voyait toute la science hermétique exposée dans les sculptures qui décorent le portail de Notre-Dame de Paris. Le Père éternel et les deux anges qui sont auprès de lui représentent, dit-il, le Créateur tirant du néant le souffre incombustible et le mercure de vie, figurés par ces deux anges. Une figure a sous ses pieds un dragon volant qui mort sa queue ; elle n’est pas autre chose que la pierre philosophale, composée de deux substances, la fixe et la volatile. La gueule du dragon dénote le sel fixe qui, par sa siccité, dévore le volatile que désigne la queue glissante de l’animal. Une autre figure a sous ses pieds un chien et une chienne qui s’entre-mordent. C’est encore la lutte de l’humide et du sec, etc. Le savant abbé Lebœuf a vu ces figures avec d’autres yeux. La statue qui foule aux pieds le dragon est Jésus-Christ vainqueur du démon ; l’autre, qui a au-dessous d’elle un chien et une chienne, représente le même Jésus-Christ écrasant le péché et l’hérésie, etc.
Gobs, lutins écossais du genre des Gobelins.
Gobes. On appelle gobes, dans la campagne, des boules sphériques que l’on trouve quelquefois dans l’estomac des animaux ruminants, et qui sont formées de poils avalés spontanément, mêlés de fourrages et agglutinés par lés sucs gastriques. On persuaderait difficilement à la plupart des gens de la campagne que ces boules ne sont pas l’effet d’un sort .
Godeslas, meunier du diocèse de Maëstricht, qui se raillait des Croisés et du saint sépulcre, et qui fut emporté par le diable .
Godwin, comte de Kent. Voy. Emma.
Godwin, écrivain anglais qui a publié la Vie des nécromanciens, ou histoire des personnages
les plus célèbres auxquels on a attribué, dans les différents âges, une puissance surnaturelle.
Goethe, auteur du drame de Faust, qui a fait un si grand bruit. M. François Hugo a démontré que le fond de ce poème appartient à Marlowe, poète anglais, antérieur à Goethe de deux siècles.
Goétie, art d'évoquer les esprits malfaisants. Nuit obscure, cavernes souterraines à la proximité des tombeaux, ossements de morts, sacrifices de victimes noires, herbes magiques, lamentations, gémissements, sacrifices de jeunes enfants, dans les entrailles desquels on cherchait l'avenir, tels étaient les accessoires de cet art ridicule et funeste, dont l'unique objet était de séduire le peuple, d'exciter les passions déréglées, et de porter au crime.
Quand on s’adresse aux puissances de la lumière, c’est la théurgie.
Il y a dans le magnétisme des faits qui tiennent de la goétie et d’autres qui sont de la théurgie. — La goétie est la magie noire des temps antiques, et la théurgie leur magie blanche.
Goffe (Marie), femme de Rochester, qui se sentant mourir témoigna un ardent désir de revoir ses enfants, dont elle était éloignée de quelques lieues. C’était le 3 juin 1691. On lui fit comprendre qu’elle ne pouvait être transportée ; ce qui l’affligea vivement. À deux heures du matin, le 4 juin, elle eut une sorte d’extase qui la mit auprès de ses enfants. Elle sortit de son évanouissement au point du jour, toute joyeuse de les avoir revus ; et ce qui est singulier, c’est que la bonne qui gardait les enfants avait vu avec surprise leur mère assise en silence sur leur lit à l’heure même où elle était évanouie, à quatre lieues de là. La pauvre mère mourut ce même jour.
Goguis, démons de forme humaine qui accompagnent les pèlerins du Japon dans leurs voyages, les font entrer dans une balance et les contraignent de dire leurs péchés. Si les pèlerins taisent une de leurs fautes dans cet examen, les diables font pencher la balance, de sorte qu’ils ne peuvent éviter de tomber dans un précipice où ils se rompent tous les membres .
Gohorry (Jacques), écrivain alchimiste assez ignoré.
Goitres. Les Arabes prétendent guérir cette infirmité avec des amulettes. Le docteur Abernethy, que l’on consultait sur la manière de dissiper un goitre, répondit : « Je crois que le meilleur topique serait de siffler… »
Goldner. On lit dans la Chronique de Thorn, en Prusse, que le fils d’un marchand de cette ville, nommé Goldner, avait un enfant obsédé par un esprit frappeur. Cet esprit se montrait quelquefois en forme de bouc, de chevreuil ou d’autre animal, battait l’enfant et le tourmentait de plusieurs manières ; ce qui dura trois mois de l’année 1665.
Gomory, puissant duc des enfers ; il apparaît sous la forme d’une femme ; il a une couronne ducale sur ta tête, et il est monté sur un chameau. Il répond sur le présent, le passé et l’avenir ; il fait découvrir les trésors cachés ; il commande à vingt-six légions .
Gonderic, roi des Vandales, qui fut, à l’exemple de Geyseric et de Bucer, éventré par le diable, et dont l’âme, selon les chroniqueurs, fut conduite en enfer .
Gonin. Les Français d’autrefois donnaient le nom de maître gonin à leurs petits sorciers, charmeurs, escamoteurs et faiseurs de tours de passe-passe .
Gontran. Helinand conte qu’un soldat nommé Gontran, de la suite de Henry, archevêque de Reims, s’étant endormi en pleine campagne après le dîner, comme il dormait la bouche ouverte, ceux qui l’accompagnaient, et qui étaient éveillés, virent sortir de sa bouche une bête blanche semblable à une petite belette, qui s’en alla droit à un ruisseau assez près de là. Un homme d’armes, la voyant monter et descendre le bord du ruisseau pour trouver un passage, tira son épée et en fit un petit pont sur lequel elle passa et courut plus loin… Peu après, on la vit revenir, et le même homme d’armes lui fit de nouveau un pont de son épée. La bête passa une seconde fois et s’en retourna à la bouche du dormeur, où elle rentra… Il se réveilla alors ; et comme on lui demandait s’il n’avait point rêvé pendant son sommeil, il répondit qu’il se trouvait fatigué et pesant, ayant fait une longue course et passé deux fois sur un pont de fer. Mais ce qui est plus merveilleux, c’est qu’il alla par le chemin qu’avait suivi la belette ; qu’il bêcha au pied d’une petite colline et qu’il déterra un trésor que son âme avait vu en songe. Le diable, dit Wierus, se sert souvent de ces machinations pour tromper les hommes et leur faire croire que l’âme, quoique invisible, est corporelle et meurt avec le corps ; car beaucoup de gens ont cru que cette bête blanche était l’âme de ce soldat, tandis que c’était une imposture du diable…
Goo, épreuve par le moyen de pilules de papier que les jammabos, fakirs du Japon, font avaler aux personnes soupçonnées d’un vol ou de quelque autre délit. Ce papier est rempli de caractères magiques et de représentations d’oiseaux noirs ; le jammabos y met ordinairement son cachet. Le peuple est persuadé que si celui qui prend cette pilule est coupable, il ne peut la digérer et souffre cruellement jusqu’à ce qu’il confesse son crime. Voy. Khomano-Goo.
Goodwin. Voy. Parris.
Gœrres, auteur contemporain d’un très-savant livre, qui a pourtant quelques erreurs : La Mystique divine, naturelle et diabolique.
Gorson, l’un des principaux démons, roi de l’Occident ; il est visible le matin à neuf heures .
Gouffres. On en a souvent fait des objets d’effroi. Sur une montagne voisine de Villefranche, on trouve trois gouffres ou étangs considérables, qui sont toujours le théâtre des orages ; les habitants du pays croient que le diable est au fond, et qu’il ne faut qu’y jeter une pierre pour qu’il s’élève aussitôt sur ces étangs une tempête.
Gougou. « Champlain, à la fin de son premier voyage au Canada, en 1603, raconte que « proche de la baie des Chaleurs, tirant au sud, » est une île où fait résidence un monstre épouvantable que les sauvages appellent Gougou. » Le Canada avait son géant, comme le cap des Tempêtes avait le sien. Homère est le véritable père de ces inventions ; ce sont toujours les chameau cyclopes, Charybde et Scylla, ogres ou gougous. »
Goul, espèce de larves ou sorcières vampires qui répondent aux empuses des anciens. C’est la même chose que ghole.
Goule (la grande). C’est un énorme dragon que l’on promenait à Poitiers aux processions des Rogations. On l’appelait la bonne sainte vermine ; ce qui est assez singulier ; car elle représentait le démon, que la foi chrétienne avait détrôné. Il en était ainsi de la Chair Salée de Troyes, de la Graouilli de Metz, de la Gargouille de Rouen, du Dragon de saint Marcel à Paris, de la Tarasque à Tarascon.
Gouleho, génie de la mort chez les habitants des îles des Amis. Il gouverne un royaume sombre où se rendent les âmes.
Gourmandise (la), péché capital, odieux au Ciel et à la terre, et qui envoie aux enfers beaucoup de recrues. Elle a un autre effet, qui suffirait peut-être aux matérialistes pour les faire hésiter devant elle : c’est qu’elle amène brusquement le triomphe de cet âpre squelette que nous appelons la mort.
Goyon. Voy. Matignon.
Graa, sorte d’immortelle (plante) que les Islandais employaient autrefois à la magie, et qui servait aussi à écarter les sorciers.
Grains bénits. On se sert encore dans les campagnes (et cette coutume est désapprouvée par l’Église comme superstitieuse) de certains grains dits bénits qui ont la propriété de délivrer les possédés par l’attouchement, d’éteindre les incendies et les embrasements, de garantir du tonnerre, d’apaiser les tempêtes, de guérir la peste, la fièvre, la paralysie ; de délivrer des scrupules, des inquiétudes d’esprit, des tentations contre la foi, du désespoir, des magiciens et des sorciers .
Grains de blé, divination du jour de Noël. Dans plusieurs pays du Nord, on fait, le jour de Noël, une cérémonie qui ne doit pas manquer d’apprendre au juste combien on aura de peine à vivre dans le courant de l’année. Les paysans surtout pratiquent cette divination. On se rassemble auprès d’un grand feu, on fait rougir une plaque de fer ronde, et, lorsqu’elle est brûlante, on y place douze grains de blé sur douze points marqués à la craie, auxquels on a donné les noms des douze mois de l’année. Chaque grain qui brûle annonce disette et cherté dans le mois qu’il désigne ; et si tous les grains disparaissent, c’est le signe assuré d’une année de misères. Triste divination !
Graisse des sorciers. On assure que le diable se sert de graisse humaine pour ses maléfices. Les sorcières se frottent de cette graisse pour aller au sabbat par la cheminée ; mais celles de France croient qu’en se mettant un balai entre les jambes, elles sont transportées sans graisse ni onguent. Celles d’Italie ont toujours un bouc à la porte pour les transporter. Gralon. Voy. Is.
Grandier (Urbain). L’histoire de cet homme n’est guère connue du public que par le livre du calviniste Saint-Aubin, qui l’a écrite sous le titre d’Histoire des diables de Loudun, et qui avait intérêt, dans l’esprit de sa secte, à travestir les faits. Son livre, on le reconnaît aujourd’hui, n’est qu’un pamphlet menteur et calomnieux. Grandier était malheureusement un prêtre plus dissipé, comme le disent les récits du temps, que sa condition ne le comportait. Il avait donc là un titre aux sympathies des ennemis de l’Église romaine. Il y avait depuis sept ans à Loudun un couvent d’ursulines, que Grandier voulut séduire. Il ensorcela les religieuses, comme on disait alors ; on dirait aujourd’hui il les magnétisa, au moyen de Heurs charmées qu’il leur fit parvenir ; et ces saintes filles devinrent possédées et frénétiques. Les phénomènes que produit le magnétisme sous nos yeux expliquent bien des faits que les dissidents et les philosophes ont traités d’absurdes, et qu’on ne peut plus révoquer en doute. Une procédure fut entamée, suivie avec beaucoup d’ordre, de lenteur et de sagesse. Grandier, en prison, composait ou fredonnait des chansons. Il fut condamné à mort. On s’est récrié contre cette sentence et on a gémi à propos de son exécution. Mais le magnétisme et les tables tournantes ont produit ou produiront des crimes, qui seront, aussi bien que ceux de Grandier, du ressort des cours prévôtales ou des cours d’assises. Voy. Loudun.
Grando Une légende citée par Görres parle d’un vampire nommé Grando, qui inquiéta assez longtemps les habitants de la Carniole. On le trouva tout rouge, longtemps après sa mort. Son visage fit les mouvements du rire lorsqu’on le découvrit, et il bâilla comme pour respirer l’air frais. On lui présenta un crucifix ; aussitôt il versa des larmes. Après qu’on eut prié pour le repos de son âme, on eut recours à l’expédient qui délivre des vampires, on lui coupa la tête ; il poussa un cri, se tourna et se tordit comme s’il eût été vivant et remplit tout le cercueil de son sang…
Grange du diable. On voit encore à la ferme d’Hamelghem, qui appartient à M. d’Hoogsvorth, et qui est tenue par M. Sterckx, frère de l’archevêque de Malines, ferme dépendante de la commune d’Osselt, entre Meysse et Ophem, à une bonne lieue de Vilvorde, à trois lieues de Bruxelles ; en allant par Laeken, on voit, dis-je, dans cette ferme une grange, qui passe pour la plus vaste du pays, mais qui en est assurément la plus remarquable, et qu’on appelle la Grange du Diable (Duyvel’s dak).
Il n’y a presque pas de province où l’on ne montre, dans quelque ferme écartée, une grange mal famée qu’on appelle la Grange du diable. Par suite d’un pacte avec un paysan dans l’embarras, c’est toujours le diable qui l’a bâtie en une nuit, et partout le chant du coq l’a fait fuir avant qu’il eût gagné son pari ; car il y a un trou qui n’est pas couvert, ou quelque autre chose qui manque à toutes ces granges. On en cite plusieurs qui sont fameuses.
Granson. Paul Diacre (Hist. Longob.) raconte ceci : Deux seigneurs lombards, nommés Aldon et Granson, ayant déplu à Cunibert, roi de Lombardie, ce prince résolut de les faire mourir. Il s’entretenait de ce projet avec son favori, lorsqu’une grosse mouche vint se planter sur son front et le piqua vivement ; Cunibert chassa l’insecte, qui revint à la charge, et qui l’importuna jusqu’à le mettre dans une grande colère. Le favori, voyant son maître irrité, ferma la fenêtre pour empêcher l’ennemi de sortir et se mit à poursuivre la mouche, pendant que le roi tira son poignard pour la tuer. Après avoir sué bien longtemps, Cunibert joignit l’insecte fugitif, le frappa ; mais il ne lui coupa qu’une patte, et la mouche disparut. — Au même instant Aldon et Granson, qui étaient ensemble, virent apparaître devant eux une espèce d’homme qui semblait épuisé de fatigue et qui avait une jambe de bois. Cet homme les avertit du projet du roi Cunibert, leur conseilla de fuir et s’évanouit tout aussitôt. Les deux seigneurs rendirent grâces à l’esprit de ce qu’il faisait pour eux ; après quoi ils s’éloignèrent comme l’exigeaient les circonstances.
Grasvitnir, dragon Scandinave qui épouvante le monde de ses sifflements dans les tempêtes.
Gratarole (Guillaume), médecin du seizième siècle, mort en 1568. Il est auteur d’un ouvrage intitulé Observations des différentes parties du corps de l’homme pour juger de ses facultés morales . Bâle, 1554, in-8. Il a composé aussi sur l’Antéchrist un ouvrage que nous ne connaissons pas ; enfin, des traités sur l’alchimie et sur l’art de faire des almanachs.
Gratianne (Jeannette), habitante de Sibour ou Siboro, au commencement du dix-septième siècle. Accusée de sorcellerie à l’âge de seize ans, elle déposa qu’elle avait été menée au sabbat ; qu’un jour le diable lui avait arraché un bijou de cuivre qu’elle portait au cou ; ce bijou avait la forme d’un poing serré, le pouce passé entre les doigts, ce que les femmes du pays regardaient comme un préservatif contre toute fascination et sortilège. Aussi le diable ne le put emporter, mais le laissa près de la porte. Elle assura aussi qu’en revenant un jour du sabbat, elle avait vu le diable en forme d’homme noir, avec six cornes sur la tête, une queue au derrière, deux visages, etc. ; que, lui ayant été présentée, elle en avait reçu une grosse poignée d’or ; qu’il l’avait fait renoncer à son Créateur, à la sainte Vierge, à tous les saints et à tous ses parents …
Gratidia, devineresse qui trompa Pompée, comme le rapporte Horace : car lui ayant demandé l’issue de la guerre de Pharsale, elle l’assura qu’il serait victorieux ; néanmoins il fut vaincu.
Gratoulet, insigne sorcier qui apprenait le secret d’embarrer ou nouer l’aiguillette, et qui s’était vendu à Belzébuth. Il donna des leçons de sorcellerie à Pierre Aupetit, condamné en 1598.
Greatrakes (Valentin), empirique qui fit du bruit en Angleterre dans le dix-septième siècle ; il était né en Irlande en 1628. On ignore la date de sa mort. Il remplit de brillants emplois, mais il avait la tête dérangée. En 1662, il lui sembla entendre une voix lui dire qu’il avait le don de guérir les écrouelles ; il voulut en user et se crut même appelé à traiter toutes les maladies : ce qui lui attira une grande célébrité. Cependant une sentence de la cour de l’évêque de Lismore lui défendit de guérir. Sa méthode consistait à appliquer les mains sur la partie malade et à faire de légères frictions de haut en bas ; était ce du magnétisme ? Il touchait même les possédés, qui tombaient dans des convulsions aussitôt qu’ils le voyaient ou l’entendaient parler. Plusieurs écrivains se moquèrent de lui. Saint-Évremond écrivit contre la folle confiance qu’on lui accordait. Mais Greatrakes a eu des défenseurs, et Deleuze, dans son Histoire du magnétisme animal, l’a présenté sous un jour qui fait voir que c’était en effet un magnétiseur.
Green (Christine), Anglaise du dix-septième siècle, citée par Glanvil. Elle avait un esprit familier qui vivait avec elle sous la forme d’un hérisson, et lui suçait tous les matins un peu de sang pour lui donner des extases.
Grégoire le Thaumaturge (saint). Voy. Idoles.
Grégoire VII ( saint), l’un des plus grands papes, sauva l’Europe au onzième siècle. Comme il fit de grandes choses pour l’unité, il eut des ennemis dans tous les hérétiques, et en dernier lieu dans les protestants, qui l’accusèrent de magie et même de commerce avec le diable. Leurs mensonges furent stupidement répétés par les catholiques. Ce saint pape vient d’être bien vengé ; car l’histoire, qui lui rend justice enfin, est écrite par un protestant (Voigt) .
Greillmeil, sorcier. Voy. Jacques Ier.
Grêle. Chez les Romains, lorsqu’une nuée paraissait disposée à se résoudre en grêle, on immolait des agneaux ; ou, par quelque incision à un doigt, on en faisait sortir du sang dont la vapeur, montant jusqu’à la nuée, l’écartait ou la dissipait entièrement : ce que Sénèque réfute comme une folie .
Grenier (Jean), loup-garou qui florissait vers l’an 1600. Accusé d’avoir mangé des enfants, par Jeanne Garibaut et par d’autres, quoiqu’il eût à peine quinze ans, il avoua qu’il était fils d’un prêtre noir (prêtre du sabbat), qui portait une peau de loup , et qui lui avait appris le métier. On le condamna à servir toute sa vie dans un couvent, où il se convertit. Voy. Poirier et Pierre Larourant.
Grenouille. On n’ignore pas cet admirable secret des paysans, que la grenouille des buissons, coupée et mise sur les reins, fait tellement uriner, que les hydropiques en sont guéris Voy. Messie des Juifs, Tremblement de terre, etc.
Des philosophes allemands ont prétendu, à force de profondes recherches, établir que nous descendons de la grenouille, qui, peu à peu, s’est perfectionnée : ce qu’elle ne fait pourtant plus. Et Lavater a fait graver un tableau pour montrer qu’au moyen d’une vingtaine de transitions légères, une tête de crapaud devient une tête d’Apollon…
Grésili, l’un des démons qui possédaient Louise Capelle, compagne de Madeleine de la Palud.
Grey-Meil, Anglaise qui remplissait au sabbat les fonctions de portière, dans la procédure d’Agnès Sampson, dirigée par le roi Jacques.
Griffon. Brown assure qu’il y a des griffons, c’est-à-dire des animaux mixtes qui par devant ressemblent à l’aigle et par derrière au lion, avec des oreilles droites, quatre pieds et une large queue. Des traditions du moyen âge donnaient au griffon l’aigle pour père et la louve pour mère.
Grigri, démon familier que l’on voit chez les Américains, et surtout dans les forêts du Canada et de la Guinée.
Grillandus (Paul), Castillan, auteur d’un traité des Maléfices (De malejiciis), publié à Lyon en 1555 ; de traités des sortilèges, des lamies, delà torture, etc. ; Lyon, 1536, et de quelques autres ouvrages de ce genre. Il conte quelque part qu’un avocat, ayant été noué par un puissant maléfice que nul art de médecine ne pouvait secourir, eut recours à un magicien qui lui fit prendre, avant de dormir, une certaine potion, et lui dit de ne s’effrayer de rien. À onze heures et demie de la nuit, survint un violent orage accompagné d’éclairs ; l’avocat crut d’abord que la maison lui tombait sur le dos ; il entendit bientôt de grands cris, des gémissements, et vit dans sa chambre une multitude de personnes qui se meurtrissaient à coups de poing et à coups de pied, et se déchiraient avec les ongles et les dents ; il reconnut une certaine femme d’un village voisin, qui avait la réputation de sorcière, et qu’il soupçonnait de lui avoir donné son mal ; elle se plaignait plus que tous et s’était elle-même déchiré la face et arraché les cheveux. Ce mystère dura jusqu’à minuit, après quoi le maître sorcier entra ; tout disparut ; il déclara au malade qu’il était guéri : ce qui fut vrai .
Grillon. Dans beaucoup de villages, et surtout en Angleterre, on regarde les grillons qui animent le foyer à la campagne, et qui chantent si joyeusement la nuit, comme de petits esprits familiers d’une nature bienveillante, qui empruntent leur forme exiguë pour échapper aux malices humaines. Beaucoup de villageois se figurent que leur présence porte bonheur dans la famille et qu’on ne les tue pas impunément. Aussi, en général, ne voit-on pas d’un bon œil le pied brutal qui les écrase. « Toute la tribu des grillons se compose de puissants esprits, bien que cela soit ignoré des gens qui ont affaire à eux ; et il n’est pas dans le monde invisible de voix plus gentilles et plus sincères à qui on puisse se fier davantage ou dont les conseils soient plus dévoués et plus sûrs que les voix qu’empruntent ces esprits de l’âtre et du foyer pour s’adresser à l’espèce humaine . »
Grimaldi. Sous le règne de Louis le Débonnaire, il y eut dans toute l’Europe une maladie épidémique qui s’étendit sur les troupeaux. Le bruit se répandit dans le peuple que Grimaldi, duc de Bénévent, ennemi de Charlemagne, avait occasionné ce dégât en faisant répandre de tous côtés une poudre meurtrière par ses affidés. On arrêta un grand nombre de malheureux soupçonnés de ce crime ; la crainte et la torture leur firent confesser qu’ils avaient en effet répandu cette poudre qui faisait mourir les troupeaux. Saint Agobard, archevêque de Lyon, prit leur défense et démontra que nulle poudre n’avait la vertu d’infecter l’air ; et qu’en supposant même que tous les habitants de Bénévent, hommes, femmes, jeunes gens, vieillards et enfants, se fussent dispersés dans toute l’Europe, chacun suivi de trois chariots de cette poudre, ils n’auraient jamais pu causer le mal qu’on leur attribuait.
Grimalkin. C’est le nom que les sorcières anglaises donnent au démon lorsqu’il vient au sabbat sous la figure d’un chat.
Grimoire. Tout le monde sait qu’on fait venir le diable en lisant le Grimoire ; mais il faut avoir soin, dès qu’il paraît, de lui jeter quelque chose à la tête, une savate, une souris, un chiffon, autrement on risque d’avoir le cou tordu. Le terrible petit volume connu sous le nom de Grimoire, autrefois tenu secret, était brûlé très-justement dès qu’il était saisi. Nous donnerons ici quelques notes sur les trois Grimoires les plus connus
Grimoire du pape Honorius, avec un recueil des plus rares secrets ; sous la rubrique de Rome, 1670, in-16, orné de figures et de cercles. Les cinquante premières pages ne contiennent que des conjurations. Voy. Conjurations et Évocations. — Dans le Recueil des plus rares secrets, on trouve celui qui force trois demoiselles à venir danser le soir dans une chambre. Il faut que tout soit lavé dans cette chambre ; qu’on n’y remarque rien d’accroché ni de pendu ; qu’on mette sur la table une nappe blanche, trois pains de froment, trois sièges, trois verres d’eau ; on récite ensuite une certaine formule de conjuration , et les trois personnes qu’on veut voir viennent, se mettent à table et dansent ; mais au coup de minuit tout disparaît. On trouve dans le même livre beaucoup de bêtises de ce genre que nous rapportons en leur lieu.
Grimorium verum, vel probatissimœ Salomonis claviculœ rabbini Hebraici, in quibus tum naturalia, tum supernaturalia sécréta, licet abditissima, inpromptu apparent, modo operator pernecessaria et contenta facial ; sciât tamcn opportet dœmonum potentiel duntaxat peragantur : traduit de l’hébreu, par Plaingière, avec un recueil de secrets curieux. A. Memphis, chez Alibeck l’Égyptien, 1517, in-16 {sic omnia) ; et sur le revers du titre : Les véritables clavicules de Salomon, à Memphis, chez Alibeck l’Égyptien, 1517.
Le grand Grimoire avec la grande clavicule de Salomon, et la magie noire ou les forces infernales du grand Agrippa, pour découvrir les trésors cachés et se faire obéir à tous les esprits ; suivis de tous les arts magiques, in-18, sans date ni nom de lieu. Ces deux grimoires contiennent, comme l’autre, des secrets que nous donnons ici aux divers articles qu’ils concernent.
Voici une anecdote sur le Grimoire : — Un petit seigneur de village venait d’emprunter à son berger le livre du Grimoire avec lequel celui-ci se vantait de forcer le diable à paraître. Le seigneur, curieux de voir le diable, se retira dans sa chambre et se mit à lire les paroles qui obligent l’esprit de ténèbres à se montrer.
Au moment où il prononçait avec agitation ces syllabes niaises qu’il croyait puissantes, la porte, qui était mal fermée, s’ouvre brusquement : le diable paraît, armé de ses longues cornes et tout couvert de poils noirs… Le curieux seigneur perd connaissance et tombe mourant de peur sur le carreau, en faisant le signe de la croix. Il resta longtemps sans que personne vînt le relever. Enfin il rouvrit les yeux et se retrouva avec surprise dans sa chambre. Il visita les meubles pour voir s’il n’y avait rien de dégradé : un grand miroir qui était sur une chaise se trouvait brisé ; c’était l’œuvre du diable. Malheureusement pour la beauté du conte, on vint dire un instant après à ce pauvre seigneur que son bouc s’était échappé et qu’on l’avait repris devant la porte de cette même pièce où il avait si bien représenté le diable. Il avait vu dans le miroir un bouc semblable à lui et avait brisé la glace en voulant combattre son ombre .
Grisgris, nom de certains fétiches chez les Maures d’Afrique, qui les regardent comme des puissances subalternes. Ce sont de petits billets sur lesquels sont tracées des figures magiques ou des pages du Koran en caractères arabes ; ces billets sont vendus assez cher, et les habitants les croient des préservatifs assurés contre tous les maux. Chaque gris-gris a sa forme et sa propriété. Voy. Goo.
Grisou. Le feu grisou est un gaz qui s’enflamme spontanément ou par occasion dans les mines de houille, et qui produit souvent de grands désastres. — Beaucoup de mineurs regardent le grisou comme un lutin de méchante espèce.
Grœnjette. Il y a sur les côtes de la Baltique, comme dans la plupart des contrées montagneuses de l’Europe, des chasseurs défunts, condamnés pour leurs méfaits à courir éternellement à travers les marais et les taillis. Les habitants du Sternsklint entendent souvent le soir les aboiements des chiens de Grœnjette ; ils le voient passer dans la vallée, le chasseur réprouvé, la pique à la main ; et ils déposent devant leur porte un peu d’avoine pour son cheval, afin que dans ses courses il ne foule pas aux pieds leurs moissons . Voy. Veneur.
Gros-Jacques, sorcier. Voy. Boguet.
Grospetter. Voy. Laghernard.
Grossesse. On a cru longtemps à Paris qu’une femme enceinte qui se regarde dans un miroir croit voir le diable : fable autorisée par la peur qu’eut de son ombre une femme grosse, dans le temps qu’elle s’y mirait, et persuadée par son accoucheur qui lui dit qu’il était toujours dangereux de se regarder enceinte. On assure aussi qu’une femme grosse qui regarde un cadavre aura un enfant pâle et livide . Dans certains cantons du Brésil, aucun mari ne tue d’animal durant la grossesse de sa femme, dans l’opinion que le fruit qu’elle porte s’en ressentirait. Voy. {{DIv|Imagination. On ignore encore le motif pour lequel certaines églises particulières refusèrent longtemps la sépulture aux femmes qui mouraient enceintes ; c’était sans doute pour engager les femmes à redoubler de soins envers leurs enfants. Un concile tenu à Rouen en 1074 a ordonné que la sépulture en terre sainte ne fût nulle part refusée aux femmes enceintes ou mortes pendant l’accouchement.
Grosse-Tête (Robert), évêque de Lincoln, auquel Gouvérus donne une androïde comme celle d’Albert le Grand.
Gruau de la Barre, un des nombreux prétendants que nous avons vus réclamer le trône de Louis XVI, en prenant sans peur le nom de Louis XVII, a fait imprimer en 1840 un volume in-12 intitulé Révélations sur les erreurs de l’Ancien Testament. Il débute ainsi :
« Londres, 1840, le mercredi 5 février.
» Moi, Charles-Louis, duc de Normandie, qui écris ceci, j’ai reconnu que la sainte volonté de l’Éternel, le Tout-Puissant, est infaillible ; et que Dieu, selon son incomparable sagesse, dans l’intérêt du salut des mortels de cette terre, a voulu se servir de l’orphelin du Temple, fils du roi-martyr de France et de Marie-Antoinette, pour répandre dans le monde entier la lumière de la véritable doctrine céleste qui déjà avait été renouvelée, dans son temps, par l’ange de la face de l’Éternel, notre Seigneur Jésus-Christ. J’atteste et je confesse devant Dieu et devant l’univers qu’en accomplissant ce devoir qui m’est commandé, je ne fais rien de moi-même ; mais que je suis guidé par l’ange du Tout-Puissant, qui me parle visiblement en esprit et en vérité. J’atteste et je confesse encore que cet ange est celui qui m’a dicté et fait écrire la Doctrine céleste. »
Or, cette doctrine céleste, dictée par un ange au duc de Normandie, n’est autre chose que la négation de tout l’Ancien Testament, pour établir l’éternité de la matière et un stupide panthéisme tiré des plus absurdes écarts de Pigault-Lebrun, de Dupuis, de d’Holbach et de Voltaire. Ce livre a été publié à Paris par le docteur Charles de Cosson, seulement en sa première partie. En 1841, une deuxième et une troisième partie ont paru réunies en un autre volume in-12, sous le titre de Salomon le Sage, fils de David, sa renaissance sur cette terre et révélation céleste publié par M. Gruau de la Barre, ancien procureur du roi. Deuxième et troisième partie, faisant suite à la première, intitulée Révélations sur les erreurs de l’Ancien Testament. Si le duc de Normandie a démoli l’histoire de nos origines, M. Gruau de la Barre la reconstruit. Il fait créer le monde avec cent soixante-douze paradis, par l’éternel Esprit-Saint. La terre subit six révolutions avant d’être propre à recevoir des hommes pour habitants. Alors l’éternel Esprit-Saint forme Lithamana, son premier né, et crée toutes les âmes, leur donnant la connaissance du bien et du mal. Il crée aussi les anges, parmi lesquels il y a bientôt un séditieux qu’on appelle Lisathama. L’éternel Esprit-Saint met les âmes créées dans des corps qui peuplent la terre ; il chasse du ciel Lisathama et ses adhérents, qui vont tenter les hommes et les font tomber. Caïn tue Abel ; mais pourtant Caïn est bon au fond et fait une grande pénitence. Toute l’histoire sainte est travestie ensuite de la manière la plus prolixe et dans un but que nous ne pouvons apercevoir.
Guacharo. Dans la montagne de Tuméréquiri, située à quelque distance de Cumaná, se trouve la caverne de Guacharo, fameuse parmi les Indiens. Elle est immense et sert d’habitation à des milliers d’oiseaux nocturnes dont la graisse donne l’huile de guacharo. Il en sort une assez grande rivière ; on entend dans l’intérieur le cri lugubre de ces oiseaux, cri que les Indiens attribuent aux âmes qu’ils croient forcées d’entrer dans cette caverne pour passer dans l’autre monde. Ce séjour ténébreux, disent-ils, leur arrache les gémissements plaintifs qu’on entend au dehors. Les Indiens du gouvernement de Cumaná, non convertis à la fui, ont encore du respect pour cette opinion. Parmi ces peuples, jusqu’à deux cents lieues de la caverne, descendre au Guacharo est synonyme de mourir.
Guayotta, mauvais génie que les habitants de l’île Ténériffe opposent à Achguaya-Xerac, qui est chez eux le principe du bien.
Gudeman (bon homme). C’est le nom d’un esprit redouté en Ecosse, auquel les laboureurs croient devoir laisser un de leurs champs qu’ils ne cultivent jamais.
Guecuba, esprit du mal chez les Araucans. Voy. Toqui.
Gueldre. On trouve ce récit dans les historiens hollandais :« Un monstre affreux, d’une grandeur prodigieuse, ravageait la campagne, dévorant les bestiaux et les hommes mêmes ; il empoisonnait le pays de son souffle empesté. Deux braves gens, Wichard et Lupold, entreprirent de délivrer la contrée d’un fléau si terrible, et y réussirent. Le monstre, en mourant, jeta plusieurs fois un soupir qui semblait exprimer le mot ghelre. Les deux vainqueurs voulurent qu’en mémoire de leur triomphe, la ville qu’ils bâtirent prît le nom de Ghelre, dont nous avons fait Gueldre.
Guérin (Pierre). Voy. Illuminés.
Gui de chêne, plante parasite qui s’attache au chêne, et qui était regardée comme sacrée chez les druides. Au mois de décembre, qu’on appelait le mois sacré, ils allaient la cueillir en grande cérémonie. Les devins marchaient les premiers en chantant, puis le héraut venait, suivi de trois druides portant les choses nécessaires pour le sacrifice. Enfin paraissait le chef des druides, accompagné de tout le peuple ; il montait sur le chêne, coupait le gui avec une faucille d’or, le plongeait dans l’eau lustrale et criait : « Au gui de l’an neuf (ou du nouvel an). »
On croyait que l’eau charmée ainsi par le gui de chêne était très-efficace contre le sortilège et guérissait de plusieurs maladies. Voy. Gutheyl. Dans plusieurs provinces on est persuadé que si on pend le gui de chêne à un arbre avec une aile d’hirondelle, tous les oiseaux s’y rassembleront de deux lieues et demie.
Guibert de Nogent, abbé de Nogent-sous Coucy, au diocèse de Laon (onzième siècle), homme savant, qui a écrit, sous le nom de Gesta Dei per Francos, l’histoire des premières croisades. Il y a dans ses écrits plusieurs petits faits qui établissent les relations des vivants avec les morts.
Guido. Un seigneur nommé Guido, blessé à mort dans un combat, apparut autrefois tout armé à un prêtre nommé Étienne ou Stéphane, et le chargea de commissions qui devaient, en réparant quelques-unes de ses fautes, abréger son purgatoire. Cette histoire est rapportée par Pierre le Vénérable .
Guillaume, domestique de Mynheer Clatz, gentilhomme du duché de Juliers, au quinzième siècle. Ce Guillaume fut possédé du diable et demanda pour exorciste un pasteur hérétique nommé Bartholomée Panen, homme qui se faisait payer pour chasser le diable, et qui, dans cette circonstance, fut penaud. Comme le démoniaque pâlissait, que son gosier enflait et qu’on craignait qu’il ne fût suffoqué entièrement, l’épouse du seigneur Clatz, dame pieuse, ainsi que toute sa famille, se mit à réciter la prière de Judith. Guillaume alors se prit à vomir, entre autres débris, la ceinture d’un bouvier, des pierres, des pelotons de fil, du sel, des aiguilles, des lambeaux de l’habit d’un enfant, des plumes de paon que huit jours auparavant il avait arrachées de la queue du paon même. On lui demanda la cause de son mal. Il répondit que, passant sur un chemin, il avait rencontré une femme inconnue qui lui avait soufflé au visage, et que tout son mal datait de ce moment. Cependant, lorsqu’il fut rétabli, il nia le fait, et ajouta que le démon l’avait forcé à faire cet aveu, et que toutes ces matières n’étaient pas dans son corps ; mais qu’à mesure qu’il vomissait, le démon changeait ce qui sortait de sa bouche’…
Guillaume de Carpentras, astrologue qui fit, pour le roi René de Sicile et pour le duc de Milan, des sphères astrologiques sur lesquelles on tirait les horoscopes. Il en fit une pour le roi Charles VIII à qui elle coûta douze cents écus ; cette sphère, contenant plusieurs utilités, était fabriquée de telle manière que tous les mouvements des planètes, à toute heure de jour et de nuit, s’y pouvaient trouver ; il l’a, depuis, rédigée par écrit en tables astrologiques .
Guillaume le Roux, fils de Guillaume le Conquérant, et tyran de l’Angleterre dans le onzième siècle. C’était un prince abominable, sans foi, sans mœurs, blasphémateur et cruel. Il fit beaucoup de mal à l’Église, chassa l’archevêque de Cantorbéry et ne voulut point que ce siège fût rempli de son vivant, afin de profiter des revenus qui y étaient attachés. Il laissa les prêtres dans la misère et condamna les moines à la dernière pauvreté. Il entreprit des guerres injustes et se fit généralement détester. Un jour qu’il était à la chasse (en l’année 1100, dans la quarante-quatrième de son âge et la treizième de son règne), il fut tué d’une flèche lancée par une main invisible. Pendant qu’il rendait le dernier soupir, le comte de Cornouailles, qui s’était un peu écarté de la chasse, vit un grand bouc noir et velu, qui emportait un homme défiguré et percé d’un trait de part en part… Le comte, troublé de ce spectacle, cria pourtant au bouc de s’arrêter, et lui demanda qui il était, qui il portait, où il allait ? Le bouc répondit : — « Je suis le diable ; j’emporte Guillaume le Roux, et je vais le présenter au tribunal de Dieu, où il sera condamné pour sa tyrannie ; et il viendra avec nous  . »
Guillaume de Paris. Il est cité par les démonographes pour avoir fait des statues parlantes, à l’exemple de Roger Bacon, chose qui ne peut avoir lieu que par les opérations diaboliques . Naudé a réfuté cette imputation.
Guillaume III, comte de la comté de Bourgogne. C’était un bandit sans vergogne et un bourreau sans pitié. Un jour que, chargé de crimes et de sacrilèges, il était en orgie, un inconnu le fit demander pour lui offrir un beau cheval. Dès qu’il l’eut monté, il fut emporté et disparut. L’inconnu était le diable qui venait prendre son bien .
Guillemin, esprit familier de Michel Verdung, avec l’aide duquel il pouvait courir aussi vite qu’il le voulait.
Guinefort. C’est le nom d’un chien que les fabliaux du moyen âge ont illustré. Ce chien, ayant sauvé un enfant qu’un serpent voulait dévorer, fut tué par son maître, qui, lui voyant la gueule ensanglantée, crut qu’il avait étranglé son enfant ; suivant une autre version, il périt dans le combat avec le serpent. Le maître éclairé lui fit un petit tombeau ; ce qui était imprudent ; car, dans la suite, des paysans trompés prirent ce tombeau pour celui d’un saint et invoquèrent saint Guinefort. Le P. Bourbon, dans une mission qu’il fit au pays de Lyon et en Auvergne, fit tomber cette superstition, qui certainement n’était qu’une suggestion du diable. Ce chien, appelé Guinefort dans le Lyonnais, s’appelait Ganelon en Auvergne .
Guivre, monstre qu’on ne trouve que dans les bestiaires du moyen âge et que les artistes ont reproduit. M. Paulin Paris a établi qu’il ne faut pas confondre la Guivre avec la Vouivre ; la Guivre n’est qu’un griffon ou une hydre que l’on voit figurer sur quelques vieux monuments.
Gullets ou Bonasses, démons qui servent les hommes dans la Norvège, et qui se louent pour peu de chose. Ils pansent les chevaux, les étrillent, les frottent, les brident, les sellent, dressent leurs crins et leurs queues, comme le meilleur palefrenier : ils font même les plus viles fonctions de la maison. Voy. Bérith, Hecdekin, etc.
Gunem, appelé aussi iEnus, soldat anglais qui, après avoir servi sous le roi Etienne, se trouvant chargé de bien des crimes, s’en alla en Irlande, décidé à faire sa pénitence dans le purgatoire de Saint-Patrice. Il y subit diverses douleurs qu’il accepta en expiation, s’en revint soulagé et mena depuis une vie exemplaire.
Gurme, chien redoutable, espèce de Cerbère de l’enfer des Celtes. Pendant l’existence du monde, ce chien est attaché à l’entrée d’une caverne ; mais au dernier jour il doit être lâché, attaquer le dieu Tyr ou Thor, et le tuer. C’est le même que le loup Fenris.
Gusandal (vallée de lumière). En Suède, où la magie est en plein mouvement, de nos jours, on donne ce nom au carrefour où se fait le sabbat.
Gusoyn, grand-duc aux enfers. Il apparaît sous la forme d’un chameau. Il répond sur le présent, le passé, l’avenir, et découvre les choses cachées. Il augmente les dignités et affermit les honneurs. Il commande à quarante-cinq légions.
Gustaph. Voy. Zoroastre.
Gutheyl ou Guthyl, nom sous lequel les Germains vénéraient le gui de chêne. Ils lui attribuaient des vertus merveilleuses, particulièrement contre l’épilepsie, et le cueillaient avec les mêmes cérémonies que les Gaulois. Dans certains endroits de la haute Allemagne, cette superstition s’est conservée, et les habitants sont encore aujourd’hui dans l’usage de courir de maison en maison et de ville en ville, en criant : « Guthey ! Guthey ! » — Des Septentrionaux s’imaginaient qu’un homme muni du gui de chêne non-seulement ne pouvait être blessé, mais était sûr de blesser tous ceux contre lesquels il lançait une flèche. C’est à cause de ces vertus magiques, attribuées au gui de chêne, qu’on l’appelle en Alsace Marentakein, c’est-à-dire arbrisseau des spectres.
Guymond de la Touche, poète dramatique et philosophe du dernier siècle. Il était allé le 11 février 1760 chez une sorcière, à Paris, dans le dessein de rire, car il ne croyait à rien. Il fut frappé pourtant de l’appareil mystérieux qui entourait la sorcière et de l’attention grave que lui prêtaient les assistants. Sa curiosité fut piquée. Dans l’instant où, un peu troublé, il s’approchait d’une jeune fille à qui on enfonçait des épingles dans la gorge : — « Vous êtes bien empressé, lui dit la sorcière, à vous éclairer de ce qu’on fait ici. Puisque vous êtes si curieux, apprenez que vous mourrez dans trois jours. » — Ces paroles dites avec solennité firent sur Guymond de la Touche, qui ne croyait à rien, une impression telle qu’il se retira chez lui bouleversé, se mit au lit et mourut en effet trois jours après, le 14 février 1760 .
Gymnosophistes, philosophes indiens, qui vivaient dans une grande retraite, faisant profession de renoncer à toutes sortes de voluptés pour s'adonner à la contemplation des merveilles de la nature. Ils allaient nus la plupart du temps, peut-être à cause de la chaleur excessive de leur climat. On en distinguait deux sectes principales, les brâhmanes et les heslobiens. Les gymnosophistes croyaient l'immortalité de l'âme et la métempsychose et se piquaient de donner des conseils désintéressés aux princes et aux magistrats. Lorsqu'ils devenaient vieux et infirmes, ils se jetaient dans un bûcher, trouvant une sorte d'ignominie à se laisser accabler par les maladies et les années. Un d'eux, Calanus, se brûla ainsi lui-même en présence d'Alexandre. Outre ceux des Indes, il y en avait en Afrique, sur une montagne d'Ethiopie, assez près du Nil, qui vivaient sans communauté et en vrais solitaires. Apollonius de Tyane en fut assez mal reçu, parce qu'on les avait avertis qu'il arrivait à eux prévenu en faveur de la sagesse indienne.
Chez les démonomanes, les gymnosophistes sont des magiciens qui obligeaient les arbres à s’incliner et à parler aux gens comme des créatures raisonnables. Tespesion, l’un de ces sages, ayant commandé à un arbre de saluer Apollonius, il s’inclina, et, rabaissant le sommet, de sa tête et ses branches les plus hautes, il lui fit des compliments d’une voix distincte, mais féminine, « ce qui surpasse la magie naturelle . »
Gyromancie, sorte de divination qui se pratiquait en marchant eu rond, ou en tournant autour d’un cercle, sur la circonférence duquel étaient tracées des lettres. À force de tourner on s’étourdissait jusqu’à se laisser tomber, et de l’assemblage des caractères qui se rencontraient aux divers endroits où l’on avait fait des chutes, on tirait des présages pour l’avenir. Voy. Alectryomancie.

                                                                                 H
Haagenti, grand président aux enfers. Il paraît sous la figure d’un taureau avec des ailes de griffon. Lorsqu’il se montre portant face humaine, il rend l’homme habile à toutes choses ; il enseigne en perfection fart de transmuer tous les métaux en or, et de faire d’excellent vin avec de l’eau claire. Il commande trente-trois légions.
Habondia, reine des fées, des femmes blanches, des bonnes, des sorcières, des larves, des furies et des harpies, comme l’assure Pierre Delancre en son livre de l’Inconstance des démons.
Haborym, démon des incendies, appelé aussi Aym. Il porte aux enfers le titre de duc ; il se montre à cheval sur une vipère, avec trois têtes, l’une de serpent, l’autre d’homme, la troisième de chat. Il tient à la main une torche allumée. Il commande vingt-six légions. Quelques-uns disent que c’est le même que Ranm ; ce qui nous paraît au moins douteux.
Haceldama ou Hakeldama, qui signifie héritage ou portion de sang. Ce mot est devenu commun à toutes les langues du Christianisme, depuis le récit sacré qui nous apprend qu’après que Judas se fut pendu, les prêtres juifs achetèrent, des trente pièces d’argent qu’ils lui avaient données pour trahir Notre-Seigneur, un champ qui fut destiné à la sépulture des étrangers, et qui porta le nom d’Haceldama. On montre encore ce champ aux étrangers. Il est petit et couvert d’une voûte sous laquelle on prétend que les corps qu’on y dépose sont consumés dans l’espace de trois à quatre heures.
Hack, démon cité dans les Clavicules dites de Salomon, comme un des plus puissants chefs de l’enfer.
Hakelberg. « L’origine du nom de Woden ou Odin se révèle par la racine étymologique de l’anglo-saxon Woodin, qui signifie le féroce ou le furieux. Aussi l’appelle-t-on dans le Nord le chasseur féroce, et en Allemagne Groden’sheer ou Woden’sheer. Woden, dans le duché de Brunswick, se retrouve sous le nom du chasseur Hakelberg . »
Hakkims, médecins qui guérissent par charmes, en Perse.
Hakkin. Voy. Haouin.
Haleine. Une haleine forte et violente est la marque d’un grand esprit, dit un savant, et au contraire, ajoute-t-il, une haleine faible est la marque d’un tempérament usé et d’un esprit débile…
Hallucination. Walter Scott, dans sa Démonologie, voit la plupart des apparitions comme de véritables hallucinations. Il a raison quelquefois. Mais il ne faut pas faire de cette explication un système, à la manière des esprits qui veulent tout comprendre, dans un monde où nous sommes environnés de tant de choses que nous ne comprenons pas. C’est une hallucination épidémique ou un singulier mirage, que l’exemple qu’il cite de l’Écossais Patrick Walker, si, en effet, il n’y avait là que les phénomènes d’une aurore boréale. — « En l’année 1686, aux mois de juin et de juillet, dit l’honnête Walker, plusieurs personnages encore vivants peuvent attester que, près du bac de Crosford, à deux milles au-dessous de Lanark, et particulièrement aux Mains, sur la rivière de la Clyde, une grande foule de curieux se rassembla plusieurs fois après midi pour voir une pluie de bonnets, de chapeaux, de fusils et d’épées ; les arbres et le terrain en étaient couverts ; des compagnies d’hommes armés marchaient en l’air le long de la rivière, se ruaient les unes contre les autres, et disparaissaient pour faire place à d’autres bandes aériennes. Je suis allé là trois fois consécutivement dans l’ quelquefois midi, et j’ai observé que les deux tiers des témoins avaient vu, et que l’autre tiers n’avait rien vu. Quoique je n’eusse rien vu moi-même, ceux qui voyaient avaient une telle frayeur et un tel tremblement, que ceux qui ne voyaient pas s’en apercevaient bien. Un gentilhomme, tout près de moi, disait : — Ces damnés sorciers ont une seconde vue ; car le diable m’emporte si je vois quelque chose ! — Et, sur-le-champ, il s’opéra un changement dans sa physionomie. Il voyait… — Plus effrayé que les autres, il s’écria : — Vous tous qui ne voyez rien, ne dites rien ; car je vous assure que c’est un fait visible pour tous ceux qui ne sont pas aveugles. — Ceux qui voyaient ces choses-là pouvaient décrire les espèces de batterie des fusils, leur longueur et leur largeur, et la poignée des épées, les ganses des bonnets, etc. »
Ce phénomène singulier, auquel la multitude croit, bien que seulement les deux tiers eussent vu, peut se comparer, ajoute Walter Scott, à l’action de ce plaisant qui, se posant dans l’attitude de l’étonnement, les yeux fixés sur le lion de bronze bien connu qui orne la façade de l’hôtel de Northumberland dans le Strand à (Londres), attira l’attention de ceux qui le regardaient en disant : — Par le ciel, il remue !… il remue de nouveau ! — et réussit ainsi, en peu de minutes, à faire obstruer la rue par une foule immense : les uns s’imaginant avoir effectivement aperçu le lion de Percy remuer la queue, les autres attendant pour admirer la même merveille.
De véritables hallucinations sont enfantées par une funeste maladie, que diverses causes peuvent faire naître. Leur source la plus fréquente est produite par les habitudes d’intempérance de ceux qui, à la suite d’excès de boisson, contractent ce que le peuple nomme les diables bleus, sorte de spleen ou désorganisation mentale. Les joyeuses illusions que, dans les commencements, enfante l’ivresse, s’évanouissent avec le temps et dégénèrent en impressions d’effroi. Le fait qui va suivre fut raconté à l’auteur par un ami du patient. Lu jeune homme riche, qui avait mené une vie de nature à compromettre à la fois sa santé et sa fortune, se vit obligé de consulter un médecin. Une des choses dont il se plaignait le plus était la présence habituelle d’une suite de fantômes habillés de vert, exécutant dans sa chambre une danse bizarre, dont il était forcé de supporter la vue, quoique bien convaincu que tout le corps de ballet n’existait que dans son cerveau.
— Le médecin lui prescrivit un régime ; il lui recommanda de se retirer à la campagne, d’y observer une diète calmante, de se lever de bonne heure, de faire un exercice modéré, d’éviter une trop grande fatigue. Le malade se conforma à cette prescription et se rétablit.
Un autre exemple d’hallucinations est celui de M. Nicolaï, célèbre libraire de Berlin. Cet homme ne se bornait pas à vendre des livres, c’était encore un littérateur ; il eut le courage moral d’exposer à la Société philosophique de Berlin le récit de ses souffrances, et d’avouer qu’il était sujet à une suite d’illusions fantastiques. Les circonstances de ce fait peuvent être exposées très-brièvement, comme elles l’ont été au public, attestées par les docteurs Ferriar, Hibbert et autres qui ont écrit sur la démonologie. Nicolaï fait remonter sa maladie à une série de désagréments qui lui arrivèrent au commencement de 1791. L’affaissement d’esprit occasionné par ces événements fut encore aggravé par ce fait, qu’il négligea l’usage de saignées périodiques auxquelles il était accoutumé ; un tel état de santé créa en lui la disposition à voir des groupes de fantômes qui se mouvaient et agissaient devant lui, et quelquefois même lui parlaient. Ces fantômes n’offraient rien de désagréable à son imagination, soit par leur forme, soit par leurs actions ; et le visionnaire possédait trop de force d’âme pour être saisi, à leur présence, d’un sentiment autre que celui de la curiosité, convaincu qu’il était, pendant toute la durée de l’accès, que ce singulier effet n’était que la conséquence de sa mauvaise santé, et ne devait sous aucun autre rapport être considéré comme sujet de frayeur. Au bout d’un certain temps, les fantômes parurent moins distincts dans leurs formes, prirent des couleurs moins vives, s’affaiblirent aux yeux du malade, et finirent par disparaître entièrement.
Un malade du docteur Gregory d’Édimbourg, l’ayant fait appeler, lui raconta dans les termes suivants ses singulières souffrances : — J’ai l’habitude, dit-il, de dîner à cinq heures ; et lorsque six heures précises arrivent, je suis sujet à une visite fantastique. La porte de la chambre, même lorsque j’ai eu la faiblesse de la verrouiller, ce qui m’est arrivé souvent, s’ouvre tout à coup : une vieille sorcière, semblable à celles qui hantaient les bruyères de Forrès, entre d’un air menaçant, s’approche, se pose devant moi, mais si brusquement, que je ne puis l’éviter, et alors me donne un violent coup de sa béquille ; je tombe de ma chaise sans connaissance, et je reste ainsi plus ou moins longtemps. Je suis tous les jours sous la puissance de cette apparition. Quelquefois la vieille est une daine qui, en parure de bal, me fait des mines. — Le docteur demanda au malade s’il avait jamais invité quelqu’un à être avec lui témoin d’une semblable visite. Il répondit que non. Son mal était si particulier, on devait si naturellement l’imputer à un dérangement mental qu’il lui avait toujours répugné d’en parler à qui que ce fut. — Si vous le permettez, dit le docteur, je dînerai avec vous aujourd’hui tête cà tête, et nous verrons si votre méchante vieille viendra troubler notre société. Le malade accepta avec gratitude. Ils dînèrent, et le docteur, qui supposait l’existence de quelque maladie nerveuse, employa le charme de sa brillante conversation à captiver l’attention de son hôte, pour l’empêcher de penser à l’heure fatale qu’il avait coutume d’attendre avec terreur. Il réussit d’abord. Six heures arrivèrent sans qu’on y fît attention. Mais à peine quelques minutes étaient-elles [écoulées que le monomane s’écria d’une voix troublée : — Voici la sorcière ! — et, se renversant sur sa chaise, il perdit connaissance. Le médecin lui tira un peu de sang, et se convainquit que cet accident périodique, dont se plaignait le malade, était une tendance à l’apoplexie. Le fantôme à la béquille était simplement une sorte de combinaison analogue à celle dont la fantaisie produit le dérangement appelé éphialte, ou cauchemar, ou toute autre impression extérieure exercée sur nos organes pendant le sommeil.
Un autre exemple encore me fut ci lé, dit Walter Scott, par le médecin qui avait été dans le cas de l’observer. Le malade était un honorable magistrat, lequel avait conservé entière sa réputation d’intégrité, d’assiduité et de bon sens. — Au moment des visites du médecin, il en était réduit à garder la chambre, quelquefois le lit ; cependant, de temps à autre, appliqué aux affaires, de manière que rien n’indiquait à un observateur superficiel la moindre altération dans ses facultés morales ; aucun symptôme ne faisait craindre une maladie aiguë ou alarmante ; mais la faiblesse du pouls, l’absence de l’appétit, le constant affaiblissement des esprits, semblaient prendre leur origine dans une cause cachée que le malade était résolu à taire. Le sens obscur des paroles de cet infortuné, la brièveté et la contrainte de ses réponses aux questions du médecin, le déterminèrent à une sorte d’enquête. Il eut recours à la famille : personne ne devinait la cause du mal. L’état des affaires du patient était prospère ; aucune perte n’avait pu lui occasionner un chagrin ; aucun désappointement dans ses affections ne pouvait se supposer à son âge ; aucune idée de remords ne s’alliait à son caractère. Le médecin eut donc recours avec le monomane à une explication ; il lui parla de la folie qu’il y avait à se vouer à une mort triste et lente, plutôt que de dévoiler la douleur qui le minait. Il insista sur l’atteinte qu’il portait à sa réputation, en laissant soupçonner que son abattement pût provenir d’une cause scandaleuse, peut-être même trop déshonorante pour être pénétrée ; il lui fit voir qu’ainsi il léguerait à sa famille un nom suspect et terni. Le malade frappé exprima le désir de s’expliquer franchement avec le docteur, et, la porte de la chambre fermée, il entreprit sa confession en ces termes :
« Vous ne pouvez comprendre la nature de mes souffrances, et votre zèle ni votre habileté ne peuvent m’apporter de soulagement. La situation où je me trouve n’est pourtant pas nouvelle, puisqu’on la retrouve dans le célèbre roman de Lesage. Vous vous souvenez sans doute de la maladie dont il y est dit que mourut le duc d’Olivarès : l’idée qu’il était visité par une apparition, à l’existence de laquelle il n’ajoutait aucunement foi ; mais il en mourut néanmoins, vaincu et terrassé par son imagination. — Je suis dans la même position ; la vision acharnée qui me poursuit est si pénible et si odieuse, que ma raison ne suffit pas à combattre mon cerveau affecté : bref, je suis victime d’une maladie imaginaire. »
Le médecin écoutait avec anxiété.
« Mes visions, reprit le malade, ont commencé il y a deux ou trois ans. Je me trouvais de temps en temps troublé par la présence d’un gros chat qui entrait et sortait sans que je pusse dire comment, jusqu’à ce qu’enfin la vérité me fût démontrée, et que je me visse forcé à ne plus le regarder comme un animal domestique, mais bien comme un jeu, qui n’avait d’existence que dans mes organes visuels en désordre, ou dans mon imagination déréglée. Jusque-là je n’avais nullement pour cet animal l’aversion absolue de ce brave chef écossais qu’on a vu passer par les différentes couleurs de son plaid lorsque par hasard un chat se trouvait dans un appartement avec lui. Au contraire, je suis ami des chats, et je supportais avec tranquillité la présence de mon visiteur imaginaire, lorsqu’un spectre d’une grande importance lui succéda. Ce n’était autre chose que l’apparition d’un huissier de la cour. Ce personnage, avec la bourse et l’épée, une veste brodée et le chapeau sous le bras, se glissait âmes côtés, et, chez moi ou chez les autres, montait l’escalier devant moi, comme pour m’annoncer dans un salon, puis se mêlait à la société, quoiqu’il fût évident que personne ne remarquait sa présence, et que seul je fusse sensible aux chimériques honneurs qu’il me voulait rendre. Cette bizarrerie ne produisit pas beaucoup d’effet sur moi : cependant elle m’alarma à cause de l’influence qu’elle pouvait avoir sur mes facultés. Après quelques mois, je n’aperçus plus le fantôme de l’huissier. Il fut remplacé par un autre, horrible à la vue, puisque ce n’est autre chose que l’image de la mort elle-même, un squelette. Seul ou en compagnie, la présence de ce fantôme ne m’abandonne jamais. En vain je me suis répété cent fois que ce n’est qu’une image équivoque et l’effet d’un dérangement dans l’organe de ma vue ; lorsque je me vois, en idée à la vérité, le compagnon d’un tel fantôme, rien n’a de pouvoir contre un pareil malheur, et je sens que je dois mourir victime d’une affection aussi mélancolique, bien que je ne croie pas à la réalité du spectre qui est devant mes veux. »
Le médecin affligé fit au malade, alors au lit, plusieurs questions. « Ce squelette, dit-il, semble donc toujours là ? — Mon malheureux destin est de le voir toujours. — Je comprends ; il est, à l’instant même, présent à votre imagination ? — Il est présent à l’instant même. — Et dans quelle partie de votre chambre le voyez-vous ? — Au pied de mon lit ; lorsque les rideaux sont entrouverts, il se place entre eux et remplit l’espace vide. — Aurez-vous assez de courage pour vous lever et pour vous placer à l’endroit qui vous semble occupé, afin de vous convaincre de la déception ? »
Le pauvre homme soupira et secoua la tête d’une manière négative. « Eh bien, dit le docteur, nous ferons l’expérience une autre fois. »
Alors il quitta sa chaise aux côtés du lit ; et se plaçant entre les deux rideaux entr’ouverts, indiqués comme la place occupée par le fantôme, il demanda si le spectre était encore visible, a Non entièrement, dit le malade, parce que voire personne est entre lui et moi ; mais j’aperçois sa tête par-dessus vos épaules. »
Le docteur tressaillit un moment, malgré sa philosophie, à une réponse qui affirmait d’une manière si précise que le spectre le touchait de si près. Il recourut à d’autres moyens d’investigation, mais sans succès. Le malade tomba dans un marasme encore plus profond ; il en mourut, et son histoire laissa un douloureux exemple du pouvoir que le moral a sur le physique, lors même que les terreurs fantastiques ne parviennent pas à absorber l’intelligence de la personne qu’elles tourmentent.
Rapportons encore, comme fait attribué à l’hallucination, la célèbre apparition de Maupertuis à un de ses confrères, professeur de Berlin. Elle est décrite dans les Actes de la Société royale de Berlin, et se trouve rapportée par M. Thiébaut dans ses Souvenirs de Frédéric le Grand. Il est essentiel de prévenir que M. Gleditch, à qui elle est arrivée, était un botaniste distingué, professeur de philosophie naturelle, et regardé comme un homme d’un caractère sérieux, simple et tranquille. Peu de temps après la mort de Maupertuis, M. Gleditch, obligé de traverser la salle dans laquelle l’académie tenait ses séances, ayant quelques arrangements à faire dans le cabinet d’histoire naturelle qui était de son ressort, aperçut en entrant dans la salle l’ombre de M. de Maupertuis, debout et fixe dans le premier angle à main gauche et ses yeux braqués sur lui. Il était trois heures de l’après-midi. Le professeur de philosophie en savait trop sur sa physique pour supposer que son président, mort à Bâle dans la famille de Bernouilli, serait revenu à Berlin en personne. Il ne regarda la chose que comme une illusion provenant du dérangement de ses organes. Il continua de s’occuper de ses affaires sans s’arrêter plus longtemps à cet objet. Mais il raconta cette vision à ses confrères, les assurant qu’il avait vu une figure aussi bien formée et aussi parfaite que M. de Maupertuis lui-même aurait pu la présenter.
Voici un autre petit fait : Un prince, s’étant imaginé qu’il était mort, ne voulut plus prendre de nourriture, quelque chose qu’on lui dît pour lui persuader qu’il vivait. Cette diète hors de raison faisait craindre avec justice des suites fâcheuses, et l’on commençait à perdre toute espérance, lorsqu’un des principaux officiers s’avisa de faire habiller trois valets de chambre en sénateurs romains, tels qu’on les voit représenter sur les théâtres, et les fit placer à une table garnie d’excellents mets, qu’il fit dresser dans la chambre où le prince était couché : le prince voyant cet appareil demanda qui étaient ces étrangers ? « Ce sont, dit l’officier, Alexandre, César et Pompée. — Comment ! répliqua le prince, ils sont morts, et les morts ne mangent point. — Il est vrai, répondit-il, qu’ils sont morts, mais ils mangent de bon appétit. — Si cela est, dit le prince, qu’on me mette mon couvert, je veux manger avec eux. » Ce mort d’imagination se leva, mangea avec ses illustres convives, et cette invention de son officier lui fit recouvrer la santé du corps et de l’esprit qui était en grand danger .
Halphas, grand comte des enfers. Il paraît sous la forme d’une cigogne, avec une voix bruyante. Il bâtit des villes, ordonne les guerres et commande vingt-six légions . C’est peut-être le même que Malphas.
Haltias. Les Lapons donnent ce nom aux vapeurs qui s’élèvent des lacs, et qu’ils prennent pour les esprits auxquels est commise la garde des montagnes.
Hamlet, prince de Danemark, à qui apparut le spectre de son père pour demander une vengeance dont il se chargea. Shakespeare a illustré cette sombre histoire. On montre toujours sur une colline voisine d’Elseneur la tombe d’Hamlet, que des croyances peureuses entourent et protègent.
Hammerlein. C’est le nom que donnait au démon qui le dominait un possédé cité par Brognoli dans son Alexiacon, Cet homme ne put être délivré.
Handel, célèbre musicien saxon. Se trouvant en 1700 à Venise, dans le temps du carnaval, il joua de la harpe dans une mascarade. Il n’avait alors que seize ans, mais son nom dans la musique était déjà très-connu. Dominique Scarlatti, habile musicien d’alors sur cet instrument, l’entendit et s’écria : « Il n’y a que le Saxon Handel ou le diable qui puisse jouer ainsi… »
Hanneton. Il y a dans la Cafrerie une sorte de hanneton qui porte bonheur quand il entre dans une hutte. On lui sacrifie des brebis. S’il se pose sur un nègre, le nègre en devient tout fier.
Hannon, général carthaginois qui voulut passer pour un dieu. Afin d'y parvenir il apprit à plusieurs sortes d'oiseaux à répéter, Hannon est un dieu; puis il leur donna la liberté pour aller répandre de tous côtés cette nouvelle. Mais les oiseaux oublièrent leur leçon, et Hannon se vit frustré dans ses folles espérances.
Hantise, fréquentation. Le mot hanter est toujours pris en mauvaise part : « Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. » Les maisons où paraissent des démons s’appellent des maisons hantées. Sous le titre de la Maison hantée, le comte Yermolof a écrit avec beaucoup de charme une tradition de Moscou. Cette maison avait été habitée par un alchimiste qui évoquait les esprits élémentaires. Une salamandre la hantait, et on disait que depuis qu’elle avait brûlé quelques-uns des évocateurs, elle gémissait tous les jours à minuit, sans qu’on vît jamais rien et sans qu’on pût rien découvrir dans la chambre où l’alchimiste avait opéré.
Hapi. Voy. Apis.
Haquart. Rémi, dans sa Démonologie, rapporte qu’une sorcière nommée Françoise Haquart, condamnée au feu en 1587, avait livré sa fille Jeanne au démon lorsqu’elle n’avait encore que sept ans. Une femme chrétienne se chargea de cette enfant, et pour la protéger contre le démon, elle la mit coucher entre deux pieuses servantes. Mais, à la vue de tous les voisins, elle fut enlevée et resta longtemps suspendue en l’air, pendant que les servantes criaient : « Seigneur Jésus, sauvez-nous. » Elle resta huit jours sans prendre aucun aliment, et on ne la délivra que par l’exorcisme.
Haquin. Les anciennes histoires Scandinaves font mention d’un vieux roi de Suède, nommé Haquin, qui commença à régner au troisième siècle et ne mourut qu’au cinquième, âgé de deux cent dix ans, dont cent quatre-vingt-dix de règne. Il avait déjà cent ans lorsque, ses sujets s’étant révoltés contre lui, il consulta l’oracle d’Odin qu’on révérait auprès d’Upsal. Il lui fut répondu que s’il voulait sacrifier le seul fils qui lui restait, il vivrait et régnerait encore soixante ans. Il y consentit, et ses dieux lui tinrent parole. Bien plus, sa vigueur se ranima à l’âge de cent cinquante ans ; il eut un fils à nouveau et successivement cinq autres, depuis cent cinquante ans jusqu’à cent soixante. Se voyant près d’arriver à son terme, il tâcha encore de le prolonger ; et les oracles lui répondirent que s’il sacrifiait l’aîné de ses enfants, il régnerait encore dix ans ; il le fit. Le second lui valut dix autres années de règne, et ainsi de suite jusqu’au cinquième. Enfin il ne lui restait plus que celui-là ; il était d’une caducité extrême, mais il vivait toujours ; ayant voulu sacrifier encore ce dernier rejeton de sa race, le peuple, lassé du monarque et de sa barbarie, le chassa du trône ; il mourut, et son fils lui succéda. Delancre dit que ce monarque était grand sorcier, et qu’il combattait ses ennemis à l’aide des éléments. Par exemple il leur envoyait de la pluie ou de la grêle.
Haridi, serpent honoré à Akhmin, ville d’Égypte. Il y a quelques siècles qu’un derviche nommé Haridi y mourut ; on lui éleva un tombeau, surmonté d’une coupole, au pied de la montagne ; les peuples vinrent lui adresser des prières. Un autre derviche profita de la crédulité des bonnes gens, et leur dit que Dieu avait fait passer l’esprit du défunt dans le corps d’un serpent. Il en avait apprivoisé un de ceux qui sont communs dans la Thébaïde et qui ne font pas de mal ; ce reptile obéissait à sa voix. Le derviche mit à l’apparition de son serpent tout l’appareil du charlatanisme ; il éblouit le vulgaire et prétendit guérir toutes les maladies. Quelques succès lui donnèrent la vogue. Ses successeurs n’eurent pas de peine à soutenir une imposture lucrative ; ils s’enrichirent en donnant à leur serpent l’immortalité et poussèrent l’impudence jusqu’à en faire un essai public ; le serpent fut coupé en morceaux en présence de l’émir, et déposé sous un vase pendant deux heures. À l’instant où le vase fut levé, les serviteurs du derviche eurent sans doute l’adresse d’en substituer un semblable ; on cria au prodige, et l’immortel Haridi acquit un nouveau degré de considération.
Paul Lucas raconte que, voulant s’assurer des choses merveilleuses que l’on racontait de cet animal, il fit pour le voir le voyage d’Akhmin ; qu’il s’adressa à Assan-Bey, lequel fit venir le derviche avec le serpent ou l’ange, car tel est le nom qu’on lui donnait, et que ce derviche tira de son sein en sa présence l’animal merveilleux. C’était, ajoute-t-il, une couleuvre de médiocre grosseur et qui paraissait fort douce.
Haro, famille noble d’Espagne, qui prétend descendre d’une fée.
Harold-Germson, roi de Norvège qui, voulant châtier l’Islande, envoya un habile et savant troldman (magicien) espionner le pays après avoir étudié ses abordages. Le troldman, pour n’être pas deviné, se changea en baleine, et nagea vers l’Islande. Il vit venir à lui dans une nacelle un Islandais qui, étant aussi magicien, le reconnut sous son déguisement ; le prétendu batelier siffla ; et les ladwaiturs, génies protecteurs de l’Islande, dûment avertis, s’élancèrent en formes de dragons et firent tomber sur la baleine une trombe de venin. Le troldman déguisé s’échappa et courut dans un autre site sous la forme d’un énorme oiseau. Le magicien islandais l’attaqua avec une pique ; l’oiseau blessé tomba ; le troldman en sortit encore et se métamorphosa en un taureau monstrueux ; c’était auprès de Bridafort ; échouant de nouveau, il reparut en géant ; mais toujours sans succès ; et Harold-Germson ne put avoir les renseignements qu’il voulait.
Tout ce récit nous vient d’une saga due à un vieux barde idolâtre, et c’est une altération de la vérité. Il s’agit là des efforts que firent les rois Scandinaves Olof Triggvason et Harald ou Harold-Germson pour convertir l’Islande au christianisme. Ce ne furent pas des magiciens, mais des missionnaires qu’ils y envoyèrent ; et il fallut des efforts immenses pour établir dans cette île sauvage un peu de christianisme, qui depuis est tombé, avec celui des autres pays du Nord, dans le luthéranisme, tout en conservant ses magiciens ou sorciers, qui florissent encore de nos jours.
Harpe. Chez les Calédoniens, lorsqu’un guerrier célèbre était exposé à un grand péril, les harpes rendaient d’elles-mêmes un son lugubre et prophétique ; souvent les ombres des aïeux du guerrier en pinçaient les cordes. Les bardes alors commençaient un chant de mort, sans lequel aucun guerrier n’était admis dans le palais de nuages, et dont l’effet était si salutaire que les fantômes retournaient dans leur demeure pour y recevoir avec empressement et revêtir de ses armes fantastiques le héros décédé.
Harppe. Thomas Bartholin, qui écrivait au XVIIe siècle, raconte, après une ancienne magicienne nommée Landela, dont l'ouvrage n'a jamais été imprimé, un trait qui doit être du XIIIe siècle ou du XIVe.
Un homme du nord qui se nommait Harppe, étant à l'article de la mort, ordonna à sa trois de le faire enterrer tout debout, devant la porte de sa cuisine, afin qu'il ne perdit pas tout à fait l'odeur des ragoûts qui lui étaient chers, et qu'il pût voir à son aise ce qui se passerait dans sa maison. La veuve exécuta docilement et fidèlement ce que son mari lui avait commandé.
Quelques semaines après la mort de Harppe, on le vit souvent apparaître sous la forme d'un fantôme hideux qui tuait les ouvriers et molestait tellement les voisins, que personne n'osait plus demeurer dans le village. Un paysan, nommé Olaüs Pa, fut assez hardi pour attaquer ce vampire. Il lui porta un grand coup de lance, et laissa la lance dans la plaie. Le spectre disparut, et le lendemain Olaüs fit ouvrir le tombeau du mort. Il trouva sa lance dans le corps de Harppe au même endroit, où il avait frappé le fantôme.
Le cadavre n'était pas corrompu: on le tira de terre, on le brûla, on jeta ses cendres à la mer, et on fut délivré de ses funestes apparitions. « Le corps de Harppe, dit ici Dom Calmet (si l'on admet la vérité de ce fait), était donc réellement sorti de terre lorsqu'il apparaissait. Ce corps devait être palpable et vulnérable, puisqu'on trouva la lance dans la plaie. Comment sortit-il de son tombeau, et y comment y rentra-t-il? C'est la difficulté. Car, qu'on ait trouvé la lance et la blessure sur son corps, cela ne doit pas surprendre, puisqu'on assure que les sorciers qui se métamorphosent en chiens, en loups garous, en chats, etc., portent dans leurs corps humains les blessures qu'ils ont reçues aux mêmes parties des corps dont ils se sont revêtus, et dans lesquels ils apparaissent. »
Le plus croyable sur cette histoire peu avérée est que c'est un conte.
Harvilliers (Jeanne), sorcière des environs de Compiègne, au commencement du seizième siècle. Dans son procès, elle raconta que sa mère l’avait présentée au diable dès l’âge de douze ans ; que c’était un grand nègre vêtu de noir ; qu’il arrivait, quand elle le voulait, botté, éperonné et ceint d’une épée ; qu’elle seule le voyait, ainsi que son cheval, qu’il laissait à la porte. — La mère de Jeanne avait été brûlée comme sorcière. Elle, qui du reste avait commis d’autres crimes, fut également brûlée, à l’âge de cinquante ans, le dernier jour d’avril de l’année 1578 .
Harvis. C’est le nom qu’on donne aux sorciers de l’Égypte moderne.
« De tout temps, dit M. Théodore Pavie, l’Égypte a eu des sorciers. Les devins qui luttèrent contre Moïse firent tant de prodiges, qu’il fallut au législateur des Hébreux la puissance invincible dont Jéhovah l’avait doué pour triompher de ses ennemis. La cabalistique, la magie, les sciences occultes, importées par les Arabes en Espagne, puis dans toute l’Europe, où déjà elles avaient paru sous d’autres formes à la suite des barbares venus d’Orient par le Nord, n’étaient que des tentatives pour retrouver ces pouvoirs surnaturels, premier apanage de l’homme, alors qu’il commandait aux choses de la création en les appelant du nom que la voix de l’Éternel leur avait imposé. Désormais, soit que les lumières de la vérité, plus répandues, rendent moins faciles les expériences des sorciers dégénérés, soit que l’homme en avançant dans les siècles perde peu à peu ce reste d’empire sur la matière, qu’il cherche aujourd’hui à dompter par l’analyse des lois auxquelles elle obéit, toujours est-il que la magie est une science perdue ou considérée comme telle. L’Égypte cependant prétend en avoir conservé la tradition ; et les devins du Caire jouissent encore, sur les bords du Nil, d’une réputation colossale. Il ne s’agit pas pour eux précisément de jeter des sorts, de prédire des malheurs ; ils n’ont pas la seconde vue du Tyrol ou de l’Écosse ; leur science consiste à évoquer, dans le creux de la main d’un enfant pris au hasard, telle personne éloignée dont le nom est prononcé dans l’assemblée, et de la faire dépeindre par ce même enfant, sans qu’il l’ait jamais vue, sous des traits impossibles à méconnaître. Le plus célèbre des harvis a eu l’honneur de travailler devant plusieurs voyageurs européens, dont les écrits ont été lus avec avidité, et il a généralement assez bien réussi pour que sa gloire n’ait eu rien à souffrir de ces rencontres périlleuses. Voir cet homme, assister à une séance de magie, juger par mes propres yeux de l’état de la sorcellerie en Orient, ces trois désirs me tentaient violemment : l’occasion s’en présenta.
» C’était au Caire, dans une des hôtelleries de cette capitale de l’Égypte. À la suite de quelques discussions qui s’étaient élevées entre nous au sujet du grand harvi, il fut unanimement résolu de le faire appeler. La table était presque toute composée d’Anglais. Vers la fin du dîner, le sorcier arriva. Il entre, fait un léger signe de tête, et va s’asseoir au coin du divan, dans le fond du salon. Bientôt, après avoir accepté le café et la pipe, comme chose due à son importance, il se recueille, tout en parcourant l’assemblée d’un regard scrutateur. Le devin est né à Alger ; sa physionomie n’a rien de gracieux, son œil est perçant et peu ouvert ; sa barbe grisonnante laisse voir une bouche petite, à lèvres minces et serrées ; ses traits, plus fins que ceux d’un Égyptien, n’ont pas non plus le calme impassible et sauvage du Bédouin ; il est grand, fier, dédaigneux, et se pose en homme supérieur. Tandis que nous achevions de fumer, celui-ci son chibouk, celui-là son narguilé, le harvi, immobile dans son coin, cherchait à lire sur nos visages le degré de croyance que nous étions disposés à lui accorder ; puis tout à coup il tira de sa poche un calam (sorte de plume) et de l’encre, demanda un réchaud, et se mit à écrire ligne à ligne, sur un long morceau de papier, de mystérieuses sentences. Dès qu’il eut jeté dans le feu quelques-unes de ces lignes, déchirées successivement, le charme commençant à opérer, un enfant fut introduit. C’était un Nubien de sept à huit ans, esclave au service de l’un de nos convives, récemment arrivé de son pays, noir comme l’encre du harvi, et affublé du plus simple costume turc.
Le sorcier prit la main de l’enfant, y laissa tomber une goutte du liquide magique, l’étendit avec sa plume de roseau, et abaissant la tête du patient sur ses doigts, de manière qu’il ne pût rien voir, il le plaça dans un coin de l’appartement, près de lui, le dos tourné à l’assemblée.
— Lady K… ! s’écria le plus impétueux des spectateurs. — Et l’enfant, après avoir hésité quelques instants, prit la parole d’une voix faible.
— Que vois-tu ? lui demanda son maître, tandis que le harvi, de plus en plus sérieux, marmottait des vers magiques, tout en brûlant ses papiers, dont il tira une grande poignée de dessous sa robe. — Je vois, répondit le petit Nubien ; je vois des bannières, des mosquées, des chevaux, des cavaliers, des musiciens, des chameaux…
— Toutes choses qui n’ont rien à faire avec Lady K…, me dit tout bas un esprit fort. — Shouf ta’ib ! Shouf ta’ib ! regarde bien ! criait le spectateur qui voulait évoquer lady K… L’enfant se taisait, balbutiait ; puis il déclara qu’il voyait une personne. — Est-ce une dame, un monsieur ? — Une dame ! — Le harvi s’aperçut à nos regards qu’il avait déjà converti à moitié les plus incrédules. — Et comment est cette dame ?
— Elle est belle, reprit l’enfant, bien vêtue et bien blanche ; elle a un bouquet à la main ; elle est près d’un balcon, et regarde un beau jardin.
— On dirait que ce négrillon a vu quelquefois les portraits de Lawrence, dit le maître de l’esclave à son voisin ; il a deviné juste, et pourtant jamais rien de semblable ne s’est présenté à ses yeux. — Et puis, reprit l’enfant après quelques secondes, car il parlait lentement et par mots entrecoupés, cette belle dame a trois jambes ! L’effort que fit le harvi pour ne pas anéantir le négrillon d’un coup de poing se trahit par un sourire forcé. Il lui répéta avec une douceur contrainte, une grâce pleine de rage : — Shouf ta’ib ! regarde bien ! L’enfant tremblait ; toutefois il affirma que le personnage évoqué dans le creux de sa main avait trois jambes.
» Aucun de nous ne put se rendre compte de l’illusion ; mais on fit retirer le petit nègre, qui fut remplacé par un autre en tout semblable. Durant cette interruption, le sorcier avait marmotté bon nombre de phrases magiques et brûlé force papiers. L’assemblée fumait, le café circulait sans cesse : l’animation allait croissant. On convint d’évoquer cette fois sir F. S…, facile à reconnaître, puisqu’il a perdu un bras. Le nouveau négrillon prit la place du premier, abaissa de même sa tête sur la goutte d’encre, et l’on fit silence. — Sir F. S… ! dit une voix dans l’assemblée, et l’enfant répéta, syllabe par syllabe, ce nom tout à fait barbare pour lui. Ainsi que son prédécesseur, il déclara voir des chevaux, des chameaux, des bannières et des troupes de musiciens : c’est le prélude ordinaire, le chaos qui se débrouille avant que la lumière magique de la goutte d’encre éclaire le personnage demandé. Le harvi ne comprend ni le français, ni l’anglais, ni l’italien ; mais, habitué à lire dans les regards du public, il devina qu’on lui proposait un sujet marqué par quelque signe particulier. Jadis on lui avait demandé de faire paraître Nelson, à qui, comme chacun sait, il manquait un bras et une jambe, et il avait rencontré juste, grâce à la célébrité du héros. Cette fois, il eut vent de quelque tour de ce genre ; aussi, après bien des réponses confuses, l’enfant s’écria : — Je vois un monsieur ! c’est un chrétien, il n’a pas de turban : son habit est vert… Je ne vois qu’un bras ! À ces mots, nous échangeâmes un sourire, comme des gens qui s’avouent vaincus : il fallait croire à la magie… Mais mon voisin l’esprit fort, après avoir fait bouillonner l’eau de son narguilé avec un bruit effroyable, regarda le harvi. Je remarquai que notre pensée avait été mal interprétée par le devin, et qu’il chancelait dans son affirmation, supposant que nous avions ri de pitié. Il demanda donc à l’enfant : — Tu ne vois qu’un bras ? Et l’autre ? L’enfant ne répondit pas, et il se fit un grand silence. On entendit les petits papiers s’enflammer plus vivement sur le réchaud. — L’autre bras, reprit le négrillon… je le vois : ce monsieur le met devant son dos, et il tient un gant de cette main !… »
Ainsi le harvi qui opéra devant M. Th. Pavie ne fut pas heureux ou ne fut pas adroit . M. Léon de Laborde avait été plus favorisé ; car voici un fragment curieux qu’il a publié en 1833 dans la Revue des deux mondes, et qu’on retrouve dans ses Commentaires géographiques sur la Genèse.
« L’Orient, cet antique pays, ce vieux berceau de tous les arts et de toutes les sciences, fut aussi et de tout temps le domaine du savoir occulte et des secrets puissants qui frappent l’imagination des peuples. J’étais établi au Caire depuis plusieurs mois (1827), quand je fus averti un matin par lord Prudhoe qu’un Algérien, sorcier de son métier, devait venir chez lui pour lui montrer un tour de magie qu’on disait extraordinaire. Bien que j’eusse alors peu de confiance dans la magie orientale, j’acceptai l’invitation ; c’était d’ailleurs une occasion de me trouver en compagnie fort agréable. Lord Prudhoe me reçut avec sa bonté ordinaire et cette humeur enjouée qu’il avait su conserver au milieu de ses connaissances si variées et de ses recherches assidues dans les contrées les plus difficiles à parcourir. Un homme grand et beau, portant turban vert et benisch de même couleur, entra : c’était l’Algérien. Il laissa ses souliers sur le bout du tapis, alla s’asseoir sur un divan et nous salua tous, à tour de rôle, de la formule en usage en Égypte. Il avait une physionomie douce et affable, un regard vif, perçant, je dirai même accablant, et qu’il semblait éviter de fixer, dirigeant ses yeux à droite et à gauche plutôt que sur la personne à laquelle il parlait ; du reste, n’ayant rien de ces airs étranges qui dénotent des talents surnaturels et le métier de magicien. Habillé comme les écrivains ou les hommes de loi, il parlait fort simplement de toutes choses et même de sa science, sans emphase ni mystère, surtout de ses expériences, qu’il faisait ainsi en public et qui semblaient à ses yeux plutôt un jeu, à côté de ses autres secrets qu’il ne faisait qu’indiquer dans la conversation. On lui apporta la pipe et le café, et pendant qu’il parlait, on fit venir deux enfants sur lesquels il devait opérer.
» Le spectacle alors commença. Toute la société se rangea en cercle autour de l’Algérien, qui fit asseoir un des enfants près de lui, lui prit la main et sembla le regarder attentivement. Cet enfant, fils d’un Européen, était âgé de onze ans et parlait parfaitement l’arabe. Achmed, voyant son inquiétude au moment où il tirait de son écritoire sa plume de jonc, lui dit : — N’aie pas peur, enfant, je vais t’écrire quelques mots dans la main, tu y regarderas, et voilà tout. L’enfant se remit de sa frayeur, et l’Algérien lui traça dans la main un carré, entremêlé bizarrement de lettres et de chiffres, versa au milieu une encre épaisse et lui dit de chercher le reflet de son visage. L’enfant répondit qu’il le voyait. Le magicien demanda un réchaud qui fut apporté sur-le-champ ; puis il déroula trois petits cornets de papier qui contenaient différents ingrédients, qu’il jeta en proportion calculée sur le feu. Il l’engagea de nouveau à chercher dans l’encre le reflet de ses yeux, à regarder bien attentivement, et à l’avertir dès qu’il verrait paraître un soldat turc balayant une place. L’enfant baissa la tête ; les parfums pétillèrent au milieu des charbons : et le magicien, d’abord à voix basse, puis l’élevant davantage, prononça une kyrielle de mots dont à peine quelques-uns arrivèrent distinctement à nos oreilles. — Le silence était profond ; l’enfant avait les yeux fixés sur sa main ; la fumée s’éleva en larges flocons, répandant une odeur forte et aromatique. Achmed, impassible, semblait vouloir stimuler de sa voix, qui de douce devenait saccadée, une apparition trop tardive, quand tout à coup, jetant sa tête en arrière, poussant des cris et pleurant amèrement, l’enfant nous dit, à travers les sanglots qui le suffoquaient, qu’il ne voulait plus regarder, qu’il avait vu une figure affreuse ; il semblait terrifié. L’Algérien n’en parut point étonné, il dit simplement : — Cet enfant a eu peur, laissez-le ; en le forçant, on pourrait lui frapper trop vivement l’imagination.
» On amena un petit Arabe au service de la maison et qui n’avait jamais vu ni rencontré le magicien ; peu intimidé de tout ce qui venait de se passer, il se prêta gaiement aux préparatifs et fixa bientôt ses regards dans le creux de sa main, sur le reflet de sa figure, qu’on apercevait même de côté, vacillant dans l’encre. — Les parfums recommencèrent à s’élancer en fumée épaisse, et les formules parlées en un chant monotone, se renforçant et diminuant par intervalles, semblaient devoir soutenir son attention : — Le voilà, s’écria-t-il, et nous remarquâmes l’émotion soudaine avec laquelle il porta ses regards sur le centre des signes magiques. — Comment est-il habillé ? — Il a une veste rouge brodée d’argent, un turban et des pistolets à sa ceinture. — Que fait-il ? — Il balaye une place devant une grande tente riche et belle ; elle est rayée de rouge et de vert avec des boules d’or en haut. — Regarde qui vient à présent ? — C’est le sultan suivi de tout son monde. Oh ! que c’est beau !… Et l’enfant regardait à droite et à gauche, comme dans les verres d’une optique dont on cherche à étendre l’espace. — Comment est son cheval ? — Blanc, avec des plumes sur la tête. — Et le sultan ? — Il a une barbe noire, un benisch vert.
» Ensuite l’Algérien nous dit : Maintenant, messieurs, nommez la personne que vous désirez faire paraître ; ayant soin seulement de bien articuler les noms, afin qu’il ne puisse pas y avoir d’erreur. Nous nous regardâmes tous, et, comme toujours, dans ce moment personne ne retrouva un nom dans sa mémoire. — Shakespeare, dit enfin le major Félix, compagnon de voyage de lord Prudhoe. — Ordonnez au soldat d’amener Shakespeare, dit l’Algérien. — Amène Shakespeare ! cria l’enfant d’une voix de maître. — Le voilà ! ajouta-t-il après le temps nécessaire pour écouter quelques-unes des formules inintelligibles du sorcier. Notre étonnement serait difficile à décrire, aussi bien que la fixité de notre attention aux réponses de l’enfant. — Comment est-il ? — Il porte un benisch noir ; il est tout habillé de noir, il a une barbe. — Est-ce lui ? nous demanda le magicien d’un air fort naturel, vous pouvez d’ailleurs vous informer de son pays, de son âge. — Eh bien, où est-il né ? dis-je. — Dans un pays tout entouré d’eau. Cette réponse nous étonna encore davantage. — Faites venir Cradock, ajouta lord Prudhoe avec cette impatience d’un homme qui craint de se fier trop facilement à une supercherie. Le caouas (soldat turc) l’amena. — Comment est-il habillé ? — Il a un habit rouge, sur sa tête un grand tarbousch noir, et quelles drôles de bottes ! je n’en ai jamais vu de pareilles : elles sont noires et lui viennent par-dessus les jambes.
» Toutes ces réponses dont on retrouvait la vérité sous un embarras naturel d’expressions qu’il aurait été impossible de feindre, étaient d’autant plus extraordinaires qu’elles indiquaient d’une manière évidente que l’enfant avait sous les yeux des choses entièrement neuves pour lui. Ainsi, Shakespeare avait le petit manteau noir de l’époque, qu’on appelait benisch, et tout le costume de couleur noire qui ne pouvait se rapporter qu’à un Européen, puisque le noir ne se porte pas en Orient, et en y ajoutant une barbe que les Européens ne portent pas avec le costume franc, c’était une nouveauté aux yeux de l’enfant. Le lieu de sa naissance, expliqué par un pays tout entouré d’eau, est à lui seul surprenant. Quant à l’apparition de M. Cradock, qui était alors en mission diplomatique près du pacha, elle est encore plus singulière ; car le grand tarbousch noir, qui est le chapeau militaire à trois cornes, et ces bottes noires qui se portent par-dessus la culotte, étaient des choses que l’enfant avouait n’avoir jamais vues auparavant ; et pourtant elles lui apparaissaient.
» Nous fîmes encore apparaître plusieurs personnes ; et chaque réponse, au milieu de son irrégularité, nous laissait toujours une profonde impression. Enfin le magicien nous avertit que l’enfant se fatiguait ; il lui releva la tête, en lui appliquant ses pouces sur les yeux et en prononçant des paroles mystérieuses ; puis il le laissa. L’enfant était comme ivre : ses yeux n’avaient point une direction fixe, son front était couvert de sueur ; tout son être semblait violemment attaqué. Cependant il se remit peu à peu, devint gai, content de ce qu’il avait vu ; il se plaisait à le raconter, à en rappeler toutes les circonstances, et y ajoutait des détails comme à un événement qui se serait réellement passé sous ses yeux.
» Mon étonnement avait surpassé mon attente ; mais j’y joignais une appréhension plus grande encore ; je craignais une mystification, et je résolus d’examiner par moi-même ce qui, dans ces apparitions, en apparence si réelles et certainement si faciles à obtenir, appartenait au métier de charlatan, et ce qui pouvait résulter d’une influence magnétique quelconque. Je me retirai dans le fond de la chambre, et j’appelai Bellier, mon drogman. Je lui dis de prendre à part Achmed et de lui demander si, pour une somme d’argent, qu’il fixerait, il voulait me dévoiler son secret ; à la condition, bien entendu, que je m’engagerais à le tenir caché de son vivant. — Le spectacle terminé, Achmed, tout en fumant, s’était mis à causer avec quelques-uns des spectateurs, encore surpris de son talent ; puis après il partit. J’étais à peine seul avec Bellier, que je m’informai de la réponse qu’il avait obtenue. Achmed lui avait dit qu’il consentait à m’apprendre son secret.
» Le lendemain nous arrivâmes à la grande mosquée El-Ahzar, près de laquelle demeurait Achmed l’Algérien. Le magicien nous reçut poliment et avec une gaieté affable ; un enfant jouait près de lui : c’était son fils. Peu d’instants après, un petit noir d’une bizarre tournure nous apporta les pipes. La conversation s’engagea. Achmed nous apprit qu’il tenait sa science de deux cheiks célèbres de son pays et ajouta qu’il ne nous avait montré que bien peu de ce qu’il pouvait faire. — Je puis, dit-il, endormir quelqu’un sur-le-champ, le faire tomber, rouler, entrer en rage, et au milieu de ses accès le forcer de répondre à mes demandes et de me dévoiler tous ses secrets. Quand je le veux aussi, je fais asseoir la personne sur un tabouret isolé, et, tournant autour avec des gestes particuliers, je l’endors immédiatement ; mais elle reste les yeux ouverts, parle et gesticule comme dans l’état de veille.
» Nous réglâmes nos conditions ; il demanda quarante piastres d’Espagne et le serment sur le Koran de ne révéler ce secret à, personne. La somme fut réduite à trente piastres ; et le serment fait ou plutôt chanté, il fit monter son petit garçon et prépara, pendant que nous fumions, tous les ingrédients nécessaires à son opération. Après avoir coupé dans un grand rouleau un petit morceau de papier, il traça dessus les signes à dessiner dans la main et les lettres qui y ont rapport ; puis, après un moment d’hésitation, il me le donna. J’écrivis la prière que voici sous sa dictée : « Anzilou-Aiouha-el-DjenniAiouha-el-Djennoun-Anzilou-Bettakki-Matalahoutouhou-Aleikoum-Taricki-Anzilou-Taricky. » — Les trois parfums sont : « Takeh-Mabachi, — Ambar-Indi. — Kousombra-Djaou. »
» L’Algérien opéra sur son enfant devant moi. Ce petit garçon en avait une telle habitude que les apparitions se succédaient sans difficulté. Il nous raconta des choses fort extraordinaires, et dans lesquelles on remarquait une originalité qui ôtait toute crainte de supercherie. J’opérai le lendemain devant Achmed avec beaucoup de succès, et avec toute l’émotion que peut donner le pouvoir étrange qu’il venait de me communiquer. À Alexandrie je fis de nouvelles expériences, pensant bien qu’avec cette distance je ne pourrais avoir de doute sur l’absence d’intelligence entre le magicien et les enfants que j’employais, et, pour en être encore plus sûr, je les allai chercher dans les quartiers les plus reculés ou sur les routes, au moment où ils arrivaient de la campagne. J’obtins des révélations surprenantes, qui toutes avaient un caractère d’originalité encore plus extraordinaire que ne l’eût été celui d’une vérité abstraite. Une fois entre autres, je fis apparaître lord Prudhoe, qui était au Caire, et l’enfant, dans la description de son costume, se mit à dire : — Tiens, c’est fort drôle, il a un sabre d’argent. Or, lord Prudhoe était le seul peut-être en Égypte qui portât un sabre avec un fourreau de ce métal. De retour au Caire, je sus qu’on parlait déjà de ma science, et un matin, à mon grand étonnement, les domestiques de M. Msarra, drogman du consulat de France, vinrent chez moi pour me prier de leur faire retrouver un manteau qui avait été volé à l’un d’eux. Je ne commençai cette opération qu’avec une certaine crainte. J’étais aussi inquiet des réponses de l’enfant que les Arabes qui attendaient le recouvrement de leur bien. Pour comble de malheur, le caouas ne voulait pas paraître, malgré force parfums que je précipitais dans le feu, et les violentes aspirations de mes invocations aux génies les plus favorables : enfin il arriva et, après les préliminaires nécessaires, nous évoquâmes le voleur. Il parut. Il fallait voir les têtes tendues, les bouches ouvertes, les yeux fixes de mes spectateurs, attendant la réponse de l’oracle, qui en effet nous donna une description de sa figure, de son turban, de sa barbe : — C’est Ibrahim, oui, c’est lui, bien sûr ! — s’écria-t-on de tous côtés ; et je vis que je n’avais plus qu’à appuyer mes pouces sur les yeux de mon patient, car ils m’avaient tous quitté pour courir après Ibrahim. Je souhaite qu’il ait été coupable, car j’ai entendu vaguement parler de quelques coups de bâton qu’il reçut à cette occasion… »
Hasard. Le hasard, que les païens appelaient la Fortune, a toujours eu un culte étendu, quoiqu’il ne soit rien par lui-même. Les joueurs, les guerriers, les coureurs d’aventures, ceux qui cherchent la fortune dans les roues de la loterie, dans l’ordre des cartes, dans la chute des dés, dans un tour de roulette, ne soupirent qu’après le hasard ! Qu’est-ce donc que le hasard ? Un événement fortuit amené par l’occasion ou par des causes qu’on n’a pas su prévoir, heureux pour les uns, malheureux pour les autres. « Un Allemand sautant en la ville d’Agen sur le gravier, l’an 1597, au saut de l’Allemand, mourut tout roide au troisième saut. Admirez le hasard, la bizarrerie et la rencontre du nom, du saut et du sauteur, dit gravement Delancre : Un Allemand saute au saut de l’Allemand, et la mort, au troisième saut, lui fait faire le saut de la mort… » On voit qu’au seizième siècle même on trouvait aussi des hasards merveilleux dans les jeux de mots.
Hasparius-Eubedi. Saint Augustin cite cet homme de son diocèse comme ayant eu sa maison infestée par les esprits malins. Un prêtre qu’il envoya l’en délivra .
Hatchy. Voy. Hrachich.
Hatton II, surnommé Bonose, usurpateur du siège archiépiscopal de Mayence ; il vivait en 1074. Il avait refusé de nourrir les pauvres dans un temps de famine, et avait même fait brûler une grange pleine de gens qui lui demandaient du pain : il périt misérablement. On rapporte que cet intrus, étant tombé malade dans une tour qui est située en une petite île sur les bords du Rhin, y avait été visité de tant de rats, qu’il fut impossible de les chasser. Il se lit transporter ailleurs, dans l’espoir d’en être délivré, mais les rats, s’étant multipliés, le suivirent à la nage, le joignirent et le dévorèrent. Poppiel II, roi de Pologne, souillé de crimes, fut pareillement dévoré par les rats.
Haussy (Marie de), sorcière du seizième siècle, qu’une autre sorcière déclara dans sa confession avoir vue danser au sabbat avec un sorcier de la paroisse de Faks, lequel adorait le diable .
Hécate, diablesse qui préside aux rues et aux carrefours. Elle est chargée, aux enfers, de la police des chemins et de la voie publique. Elle a trois visages : le droit de cheval, le gauche de chien, le mitoyen de femme. Delrio dit : « Sa présence fait trembler la terre, éclater les feux et aboyer les chiens. » Hécate, chez les anciens, était aussi la triple Hécate : Diane sur la terre, Proserpine aux enfers, la lune dans le ciel. Ce sont, au dire des astronomes, les trois phases de la lune.
Hécatonchires, nom des trois géants Cottus, Briarée et Gygès, fils du Ciel et de la Terre, qui avaient chacun cinquante têtes et cent bras. Le Ciel n'en put supporter la vue, et, à mesure qu'ils naquirent, les cacha dans les sombres demeures de la Terre, et les chargea de chaînes. Jupiter, dans la suite, par le conseil de la Terre, les remit en liberté. Aussi combattirent-ils pour lui avec une vivacité que les Titans ne purent soutenir; et les couvrant à chaque instant de trois cents pierres qui partaient à la fois de leurs mains, ils les poussèrent jusqu'au fond du Tartare, et les y enfermèrent dans des cachots d'airain. La nuit se répandit trois fois alentour, et Jupiter en confia la garde aux Hécatonchires.    
Hecla. Les Islandais prétendaient autrefois que l’enfer était dans leur île, et ils le plaçaient dans le gouffre du mont Hecla. Ils croyaient aussi que le bruit produit par les glaces, quand elles se choquent et s’amoncellent sur leurs rivages, vient des cris des damnés tourmentés par un froid excessif, et qu’il y a des âmes condamnées à geler éternellement, comme il y en a qui brulent dans des feux éternels.
Cardan dit que cette montagne est célèbre par l’apparition des spectres et des esprits. Il pense avec Leloyer  que c’est dans cette montagne de l’Hecla que les âmes des sorciers sont punies après leur mort.
Hecdekin ou Hodeken. En l’année 1130, un démon que les Saxons appelaient Hecdekin ou Hodeken, c’est-à-dire l’esprit au bonnet, à cause du bonnet dont il était coiffé, vint passer quelques mois dans la ville d’Hildesheim, en basse Saxe. L’évêque d’Hildesheim en était aussi le souverain. En raison de ces deux titres, le démon crut devoir s’attacher à sa maison. Il se posta donc dans le palais et s’y lit bientôt connaître avantageusement, soit en se montrant avec complaisance à ceux qui avaient besoin de lui, soit en disparaissant avec prudence lorsqu’il devenait importun, soit en faisant des choses remarquables et difficiles. — Il donnait de bons conseils dans les affaires diplomatiques, portait de l’eau à la cuisine et servait les cuisiniers. La chose s’est passée dans le douzième siècle les mœurs étaient alors plus simples qu’aujourd’hui.
Il fréquentait donc la cuisine et le salon ; et les marmitons, le voyant de jour en jour plus familier, se divertissaient en sa compagnie. — Mais un soir un d’eux se porta contre lui aux injures, quelques-uns disent même aux voies de fait. Le démon en colère s’alla plaindre au maître d’hôtel, de qui il ne reçut aucune satisfaction; alors il crut pouvoir se venger. Il étouffa le marmiton, en assomma quelques autres, rossa le maître d’hôtel, et sortit de la maison pour n’y plus reparaître .
Héhugaste, sylphide qui se familiarisait avec l’empereur Auguste. Les cabalistes disent qu’Ovide fut relégué à Tomes pour avoir surpris Auguste en tête-à-tête avec elle ; que la sylphide fut si piquée de ce que ce prince n’avait pas donné d’assez bons ordres pour qu’on ne la vît point, qu’elle l’abandonna pour toujours .
Hékacontâlithos. Pierre qui en renferme soixante autres diverses, que les troglodytes offraient au diable dans leurs sorcelleries.
Héla, fille d’Angerbode et reine des trépassés chez les anciens Germains. Son gosier, toujours ouvert, ne se remplissait jamais. Elle avait le même nom que l’enfer. La mythologie Scandinave donne le pouvoir de la mort à Héla, qui gouverne les neuf mondes du Niflheim. Ce nom signifie mystère, secret, abîme. Selon la croyance populaire des paysans de l’antique Cimbrie, Héla répand au loin la peste et laisse tomber tous les fléaux de ses terribles mains en voyageant la nuit sur le cheval à trois pieds de l’enfer (Helhest). Héla et les loups de la guerre ont longtemps exercé leur empire en Normandie. Cependant, lorsque les hommes du Nord de Hastings devinrent les Normands de Rollon, ils semblent n’avoir pas perdu le souvenir de leurs vieilles superstitions aussi rapidement que celui de leur langue maternelle. D’Héla naquit Hellequin, nom dans lequel il est facile de reconnaître HelaKïon, la race d’Héla déguisée sous l’orthographe romaine. Ce fut le fils d’Héla que Richard Sans peur, fils de Robert le Diable, duc de Normandie, rencontra chassant dans la forêt. Le roman raconte qu’Hellequin était un cavalier qui avait dépensé toute sa fortune dans les guerres de Charles-Martel contre les Sarrasins païens. La guerre finie, Hellequin et ses fils, n’ayant plus de quoi soutenir leur rang, se jetèrent dans de mauvaises voies. Devenus de vrais bandits, ils n’épargnaient rien ; leurs victimes demandèrent vengeance au ciel, et leurs cris furent entendus. Hellequin tomba malade et mourut ; ses péchés l’avaient mis en danger de damnation éternelle : heureusement ses mérites comme champion de la foi contre les païens lui servirent. Son bon ange plaida pour lui, et obtint qu’en expiation de ses derniers crimes, la famille d’Hellequin errerait après sa mort, gémissante et malheureuse, tantôt dans une forêt, tantôt dans une autre, n’ayant d’autres distractions que la chasse au sanglier, mais souvent poursuivie elle-même par une meute d’enfer, punition qui durera jusqu’au jugement dernier.
Hélène ou Oléine, reine des Adiabénites, dont le tombeau se voyait à Jérusalem, non sans artifice, car on ne pouvait l’ouvrir et le fermer qu’à certain jour de l’année. Si on l’essayait dans un autre temps, tout était rompu .
Hélène ou Sélène, native de Tyr, et concubine de Simon le magicien, qui la disait descendue du ciel, où elle avait créé les anges qui l'avaient retenue. C'était cette même Hélène qui avait causé la guerre de Troie; ou plutôt cette guerre n'était que le récit allégorique d'une autre guerre allumée par sa beauté entre les anges qui avaient créé le monde, et qui s'étaient entre-tués , sans qu'elle eût souffert aucun mal.
Hélénéion, plante que Pline fait naître des larmes d’Hélène auprès du chêne où elle fut pendue, et qui avait la vertu d’embellir les femmes et de rendre gais ceux qui en mettaient dans leur vin.
Helgafell, montagne et canton d’Islande, qui a joui longtemps d’une grande réputation dans l’esprit des Islandais. Lorsque des parties plaidaient sur des objets douteux, et qu’elles ne pouvaient s’accorder, elles s’en allaient à Helgafell pour y prendre conseil : on s’imaginait que tout ce qui s’y décidait devait avoir une pleine réussite. Certaines familles avaient aussi la persuasion qu’après leur mortelles devaient revenir habiter ce canton. La montagne passait pour un lieu saint. Personne n’osait la regarder qu’il ne se fût lavé le visage et les mains.
Helhest, cheval à trois pieds de l’enfer. Voy. Héla.
Hélias. « Apparition admirable et prodigieuse arrivée à Jean Hélias, le premier jour de l’an 1623, au faubourg Saint-Germain à Paris. » — C’est un gentilhomme qui conte  : « Étant allé le dimanche, premier jour de l’année 1623, sur les quatre heures après midi à Notre-Dame, pour parler à M. le grand pénitencier sur la conversion de Jean Hélias, mon laquais, ayant décidé d’une heure pour le faire instruire, parce qu’il quittait son hérésie pour embrasser la vraie religion, je m’en fus passer le reste du jour chez M. de Sainte-Foy, docteur en Sorbonne, et me retirai sur les six heures. Lorsque je rentrai, j’appelai mon laquais avant de monter dans ma chambre ; il ne me répondit point. Je demandai s’il n’était pas à l’écurie ; on ne m’en sut rien dire. Je montai, éclairé d’une servante ; je trouvai les deux portes fermées, les clefs sur les serrures. En entrant dans la première chambre, j’appelai encore mon laquais, qui ne répondit point ; je le trouvai à demi couché auprès du feu, la tête appuyée contre la muraille, les yeux et la bouche ouverts ; je crus qu’il avait du vin dans la tête ; et, le poussant du pied, je lui dis : — Levez-vous, ivrogne ! — Lui, tournant les yeux sur moi : — Monsieur, me dit-il, je suis perdu ; je suis mort ; le diable tout à l’heure voulait m’emporter. — Il poursuivit qu’étant entré dans la chambre, ayant fermé les portes sur lui et allumé le feu, il s’assit auprès, tira son chapelet de sa poche et vit tomber de la cheminée un gros charbon ardent entre les chenets. Aussitôt on lui dit : — Eh bien, vous voulez donc me quitter ? — Croyant d’abord que c’était moi qui parlais, il répondit : — Pardonnez-moi, monsieur, qui vous a dit cela ? — Je l’ai bien vu, dit le diable ; vous êtes allé tantôt à l’église. Pourquoi voulez-vous me quitter ? je suis bon maître ; tenez, voilà de l’argent ; prenez en tant qu’il vous plaira. — Je n’en veux point, répondit Hélias. Le diable, voyant qu’il refusait son argent, voulut lui faire donner son chapelet. — Donnez-moi ces grains que vous avez dans la main, dit-il, ou bien jetez-les au feu. Mon laquais répondit : — Dieu ne commande point cela ; je ne veux pas vous obéir. Alors le diable se montra à lui ; et voyant qu’il était tout noir, Hélias lui dit : — Vous n’êtes pas mon maître, car il porte une fraise blanche et du clinquant à ses habits. Au même instant, il lit le signe de la croix et le diable incontinent disparut… »
Était-ce une hallucination ?
Héliodore, magicien qui se donna au démon et que quelques-uns croient être le même que Diodore ; il fit à Catane des prodiges que la Sicile raconte encore. On le compare à Simon le magicien, à Virgile et aux plus célèbres enchanteurs. Comme Faust était servi par Méphistophélès, Héliodore était servi par un autre démon nommé Gaspard. Il faisait accepter des pierres pour de l’or. Il voyageait sur un cheval qui était un démon. Il fascinait ceux qui voulaient l’arrêter en prenant une figure et des formes qui n’étaient pas les siennes. On lit dans la vie de saint Léon, traduite du grec en 1826, qu’un jour l’impudent magicien, entrant dans la basilique où saint Léon célébrait les saints mystères, annonça que, par son charme, il allait le faire danser avec tous ses prêtres. Mais le saint descendit de l’autel, le lia de son étole et le conduisit à un bûcher préparé, où il resta avec lui jusqu’à ce que cet homme vendu au diable fût réduit en cendres.
Héliogabale, empereur de Rome ; il s’occupait de nécromancie, quoiqu’il méprisât toute religion. Bodin assure qu’il allait au sabbat et qu’il y adorait le diable.
Héliotrope. On donnait ce nom à une pierre précieuse, verte et tachetée ou veinée de rouge, à laquelle les anciens ont attribué un grand nombre de vertus fabuleuses, comme de rendre invisibles ceux qui la portaient.
L’héliotrope, plante qui suit, dit-on, le cours du soleil, a été aussi l’objet de plusieurs contes populaires.
Hellequin, fils d’Héla. Pour sa légende, Voy. Héla.
Helsingeland, contrée de la Suède qui a une femme blanche. On dit qu’elle ne fait que du bien. On l’appelle la dame de l’Helsingeland .
Hennisseur (Le), lutin flamand, ainsi nommé à cause de son cri qui est celui d’un cheval en hilarité.
Hénoch. Les rabbins croient qu’Hénoch, transporté au ciel, fut reçu au nombre des anges, et que c’est lui qui est connu sous les noms de Métraton et de Michel, l’un des premiers princes du ciel, lequel tient, registre des mérites et des péchés des Israélites. Ils ajoutent qu’il eut Dieu et Adam pour maîtres. Saint Jude, dans son Épître, parlant de plusieurs chrétiens mal convertis, dit « C’est d’eux qu’Hénoch, qui a été le septième depuis Adam, a prophétisé en ces termes : — Voilà le seigneur qui va venir avec la multitude de ses saints pour exercer son jugement sur tous les hommes, et pour convaincre tous les impies. »
Les chrétiens orientaux tiennent qu'il est le Mercure Trismégiste des Egyptiens.
Le Livre d’Hénoch, tel que nous l’avons, passe pour apocryphe et n’est probablement pas celui que cite saint Jude.
Henri III, fils de Catherine de Médicis ; il était infatué de superstitions. Ses contemporains le représentent comme sorcier. Dans un des pamphlets qu’on répandit contre lui, on lui reproche d’avoir tenu au Louvre des écoles de magie et d’avoir reçu en présent des magiciens un esprit familier nommé Terragon (voyez ce mot), du nombre des soixante esprits nourris à l’école de Soliman. Cette accusation de sorcellerie est, diton, ce qui mit le poignard dans les mains de Jacques Clément. Les ennemis de ce mauvais prince avaient tenté auparavant de le faire mourir en piquant ses images en cire, ce qui s’appelait envoûter.
Voici l’extrait d’un pamphlet intitulé les Sorcelleries de Henri de Valois et les oblations qu’il faisait au diable dans le bois de Vincennes, Didier Millot, 1589, pamphlet qui parut quelques mois avant l’assassinat de Henri III :« Henri de Valois, d’Épernon et les autres mignons faisaient quasi publiquement profession de sorcellerie, étant commune à la cour entre iceux et plusieurs personnes dévoyées de la religion catholique ; on a trouvé chez d’Épernon un coffre plein de papiers de sorcellerie, auxquels il y avait divers mots hébreux, chaldaïques, latins et plusieurs caractères inconnus, des rondeaux ou cernes, desquels alentour il y avait diverses ligures et écritures ; même des miroirs, onguents ou drogues, avec des verges blanches, lesquels semblaient être de coudrier, que l’on a incontinent brûlés pour l’horreur qu’on en avait. On a encore trouvé dernièrement au bois de Vincennes deux satyres d’argent, de la hauteur de quatre pieds. Ils étaient au-devant d’une croix d’or, au milieu de laquelle on avait enchâssé du bois de la vraie croix de Notre Seigneur Jésus-Christ. Les politiques disent que c’étaient des chandeliers. Ce qui fait croire le contraire, c’est que dans ces vases, il n’y avait point d’aiguille qui passât pour y mettre un cierge ou une petite chandelle. Ces monstres diaboliques ont été vus par messieurs de la ville. Outre ces deux diables, on a trouvé une peau d’enfant, laquelle avait été corroyée, et sur icelle y avait aussi plusieurs mots de sorcellerie et divers caractères… » Le fait est que les Valois s’occupaient de sciences occultes. On fit l’anagramme du nom de Henri III : Henri de Valois, où l’on trouve Vilain Hérode.
Henri III, empereur d’Allemagne. Étant encore très-jeune, Henri III obtint d’un clerc une petite canule d’argent avec laquelle les enfants s’amusent à jeter de l’eau. Pour l’engager à lui faire ce modique présent, il avait promis à ce clerc que, dès qu’il serait monté sur le trône, il ne manquerait pas de le faire évêque. C’était à une époque où le saint-siège ne cessait de travailler à éteindre la simonie, fréquente surtout en Allemagne. Henri devint empereur en 1139 ; il se souvint de sa parole et l’exécuta. Mais il ne tarda guère à tomber dans une fâcheuse maladie ; il fut trois jours à l’extrémité sans aucun sentiment. Un faible mouvement du pouls fit juger seulement qu’il y avait encore quelque lueur d’espérance de le ramener à la vie. Le prince recouvra en effet la santé. Aussitôt il fit appeler ce prélat, qu’il avait fait si précipitamment évêque, et, de l’avis de son conseil, il le déposa. Afin de justifier un jugement aussi bizarre, il assura que, pendant les trois jours de sa léthargie, les démons se servaient de cette même canule d’argent, qui avait été le prix de l’évêché, pour lui souffler un feu si violent que notre feu élémentaire ne saurait lui être comparé. Ce fait singulier est rapporté par Guillaume de Malmesbury, historien du douzième siècle.
Henri IV, empereur d’Allemagne, l’un des monstres de l’histoire. Excommunié, il eut une mort misérable . Son fils, Henri V, marcha sur ses traces.
Henri IV, roi d’Angleterre. Il poursuivit les sorciers ; mais il encouragea d’autres philosophes. Au rapport d’Evelyn, dans ses Numismata, Henri IV fut réduit à un tel degré de besoin par ses folles dépenses, qu’il chercha à remplir ses coffres avec les secours de l’alchimie. L’enregistrement de ce singulier projet contient les protestations les plus solennelles et les plus sérieuses de l’existence et des vertus de la pierre philosophai, avec des encouragements à ceux qui s’occuperont de sa recherche, et leur affranchissement de toute espèce de contrariétés de la part des statuts et prohibitions antérieures. On avait prédit à ce roi Henri IV qu’il mourrait à Jérusalem. Il se garda bien d’y aller. Mais il tomba malade subitement dans l’abbaye de Westminster et y mourut dans une chambre appelée Jérusalem.
Henri VIII. Le Néron de l’Angleterre servait le diable, aussi bien que Luther, Calvin et consorts.
Henri IV, roi de France. On fit une recherche assez curieuse sur le nombre quatorze relativement à Henri IV. Il naquit quatorze siècles, quatorze décades, et quatorze ans après l’ère chrétienne. Il vint au monde le 14 décembre et mourut le 14 mai. Il a vécu quatre fois quatorze ans, quatorze semaines, quatorze jours. Enfin, dans son nom de Henri de Bourbon ; il y a quatorze lettres.
Henri le Lion. C’est le duc Henri de Brunswick, qui partit à la croisade vers la fin du douzième siècle, et fut jeté en revenant dans une île déserte, où un lion s’attacha à lui. Il y avait sept ans qu’il soupirait là après sa patrie, lorsque le diable se présenta à ses regards, offrant de le remettre dans son palais, s’il voulait lui vendre son âme, marché qu’il accepta. Il fut donc reporté chez lui en un clin d’œil, lui et son lion. Mais on ajoute qu’il disparut en 1195, emporté par la même voie qui l’avait tiré du désert. — C’est une calomnie, et le lion un conte .
Hépatoscopie ou Hiéroscopie, divination qui avait lieu par l’inspection du foie des victimes dans les sacrifices, chez les Romains. Quelques sorciers modernes cherchaient aussi l’avenir dans les entrailles des animaux. Ces animaux étaient ordinairement ou un chat, ou une taupe, ou un lézard, ou une chauve-souris, ou un crapaud, ou une poule noire. Voy. Aruspices.
Héra. C’est en Westphalie une bonne fée qui parcourt les airs entre Noël et l’Épiphanie, répandant sur la terre l’abondance et le bonheur.
Héraïde. Voy. Hermaphrodites.
Herbadilla. Autrefois, il y avait à la place du lac de Grand-Lieu en Bretagne un vallon délicieux et fertile qu’ombrageait la forêt de Vertou. Ce fut là que se réfugièrent les plus riches citoyens de Nantes, et qu’ils sauvèrent leurs trésors de la rapacité des légions de César. Ils y bâtirent une cité qu’on nomma Herbadilla, à cause de la beauté des prairies qui l’environnaient. Le commerce centupla leurs richesses; mais en même temps le luxe charria jusqu’au sein de leurs murs les vices des Romains. Ils provoquèrent le courroux du ciel. Un jour que saint Martin de Vertou, fatigué de ses courses apostoliques, se reposait près d’Herbadilla, à l’ombre d’un chêne, une voix Lui cria : Fidèle confesseur de la foi, éloigne-toi de la cité pécheresse. Saint Martin s’éloigne, et soudain jaillissent, avec un bruit affreux, des eaux jusqu’alors inaperçues, et qui faisaient éruption d’une caverne profonde. Le vallon où s’élevait la Babylone des Bretons fut tout à coup submergé. À la surface de cette onde sépulcrale vinrent aboutir par milliers des bulles d’air, derniers soupirs de ceux qui expiraient dans l’abîme. Pour perpétuer le souvenir du châtiment, Dieu permet que l’on entende encore au fond de cet abîme les cloches de la ville engloutie, et que l’orage y vive familièrement. Auprès est une île au milieu de laquelle s’élève une pierre en forme d’obélisque. Cette pierre ferme l’entrée du gouffre qui a vomi les eaux du lac, et ce gouffre est la prison d’un géant formidable qui pousse d’horribles rugissements. C’est une légende.
À quatre lieues de cet endroit, vers l’est, on trouve une grande pierre qu’on appelle la vieille de Saint-Martin ; car il est non de savoir que cette pierre, qui pour bonne raison garde figure humaine, fut jadis une femme véritable, laquelle, s’étant retournée malgré la défense en sortant de la ville d’Herbadilla, fut transformée en statue . Voy. Is.
Herbe de coq. Les habitants de Panama vantent beaucoup une herbe qu’ils appellent herbe de coq, et dont ils prétendent que l’application est capable de guérir sur-le-champ un poulet à qui l’on aurait coupé la tête, en respectant une seule vertèbre du cou. Des voyageurs sollicitèrent en vain ceux qui faisaient ce récit de leur montrer l’herbe ; ils ne purent l’obtenir, quoiqu’on leur assurât qu’elle était commune : d’où l’on doit conclure que ce n’est qu’un conte populaire .
Herbe d’or. Voy. Baaras.
Herbe maudite. Les paysans normands croient qu’il existe une fleur qu’on appelle l’herbe maudite : celui qui marche dessus ne cesse de tourner dans un même cercle, et il s’imagine qu’il continue son chemin, sans avancer d’un pas au delà du lieu où l’herbe magique l’a enchaîné.
Herbe qui égare. Il y a, dit-on aussi, dans le Périgord, une certaine herbe qu’on ne peut fouler sans s’égarer ensuite de manière à ne plus retrouver son chemin. Cette herbe, qui n’est pas connue, se trouvait abondamment aux environs du château de Lusignan, bâti par Mél usine ; ceux qui marchaient dessus erraient dans de longs circuits, s’efforçaient en vain de s’éloigner, et se retrouvaient dans l’enceinte redoutée jusqu’à ce qu’un guide préservé de l’enchantement les remît dans la bonne voie.
Herbourt, famille de la grande Pologne dont on a cru que les membres sont changés en oiseaux lorsqu’ils meurent.
Hérésies. Celui qui étudiera un peu attentivement l’origine des diverses hérésies reconnaîtra que tous les rebelles qui les ont fondées étaient évidemment possédés, d’une manière plus ou moins patente, par quelqu’un de ces anges insurgés qui sont devenus les démons. Ajoutons qu’aucun de ces pervers n’a quitté ce monde par une mort douce.
Hérenberg (Jean — Christophe), auteur de Pensées philosophiques et chrétiennes sur les vampires, 1733.
Hermaphrodites. Longtemps avant Antoinette Bourignon, qui soutint cette singulière thèse au dix-septième siècle, il s’était élevé, sous le pontificat d’Innocent III, une secte de novateurs qui enseignait qu’Adam était à sa naissance homme et femme tout à la fois. Pline assure qu’il existait en Afrique, au delà du désert de Zara, un peuple d’androgynes. — Les lois romaines mettaient les hermaphrodites au nombre des monstres, et les condamnaient à mort. Tite-Live et Eutrope rapportent qu’il naquit auprès de Rome, sous le consulat de Claudius Néron, un enfant pourvu des deux sexes ; que le sénat, effrayé de ce prodige, décréta qu’il fallait le noyer. On enferma l’enfant dans un coffre ; on l’embarqua sur un bâtiment et on le jeta en pleine mer. Leloyer parle longuement d’une femme de Macédoine, nommée Héraïde, qui se maria comme femme, et devint homme ensuite dans une absence de son mari. C’était, dans les vieilles opinions, un hermaphrodite. Mais on ne voit plus d’hermaphrodites aujourd’hui. Les hermaphrodites, dans les contes plus anciens, avaient les deux sexes, deux têtes quatre bras et quatre pieds. Les dieux, dit Platon, avaient d’abord formé l’homme avec deux corps et les deux sexes. Ces hommes doubles étaient d’une force si extraordinaire qu’ils résolurent de faire la guerre aux dieux. Jupiter irrité les partagea pour les affaiblir ; et Apollon seconda le père des dieux dans l’exécution de ses volontés. Voy. Polycrite.
Hermeline, démon familier qui s’appelait aussi Hermione et Hermelinde, et qui fréquenta quarante ans Benedetto Berna, dont François Pic de la Mirandole rapporte lui-même l’histoire. « Cet homme, dit-il, buvait, mangeait, parlait avec son démon, qui l’accompagnait partout sans qu’on le vît ; de sorte que le vulgaire, ne pouvant comprendre le mystère de ces choses, se persuadait qu’il était fou. » Le vulgaire n’avait peut-être pas tort.
Hermès. On vous dira qu’il a laissé beaucoup de livres merveilleux, qu’il a écrit sur les démons et sur l’astrologie. C’est lui qui a décidé que, comme il y a sept trous à la tête, il y a aussi sept planètes qui président à ces trous, savoir : Saturne et Jupiter aux deux oreilles, Mars et Vénus aux deux narines, le soleil et la lune aux deux yeux, et Mercure à la bouche.
Hermialites ou Hermiens, disciples d’un hérétique du deuxième siècle, nommé Hermas ; ils honoraient l’Univers-Dieu, disant à la fois que ce monde est Dieu et que ce monde est l’enfer.
Hermione. Voy. Hermeline.
Hermolao Barbaro, savant du quinzième siècle, qu’on accusa, selon Bodin, d’avoir invoqué le diable pour obtenir l’intelligence de quelques passages difficiles d’Aristote.
Hermotime. On sait que Cardan et une foule d’autres se vantaient de faire voyager leur âme sans que le corps fût de la partie. L’âme d’Hermotime de Glazomène s’absentait de son corps lorsqu’il le voulait, parcourait les pays éloignés, et racontait à son retour des choses surprenantes. Apparemment que Hermotime eut des ennemis. Un jour que son âme était allée en course, et que son corps était comme de coutume semblable à un cadavre, ses ennemis le brûlèrent et ôtèrent ainsi à l’âme le moyen de rentrer dans son étui. Mais, dans d’autres versions, Hermotime est un vampire. Voy. Huet.
Hérodiade. On dit en Catalogne que la danseuse homicide d’Hérode, l’infâme Salomé, fille d’Hérodiade, ayant longtemps couru le monde, se noya dans le Ségré, fleuve qui passe à Lérida, et cause de temps en temps des dévastations. Les bonnes femmes ajoutent qu’Hérode y est enseveli avec elle.
D’autres traditions noient Salomé dans un lac glacé sur lequel elle dansait ; ce qu’elle n’avait cessé de faire depuis son affreuse aventure. La glace se creva sous ses pieds, et, se refermant pendant qu’elle s’enfonçait, lui trancha la tête.
Ce lac est en Suisse, et cette tête danse toujours. Mais peu de gens la peuvent voir. D’autres font noyer cette malheureuse dans le Rhône.
Héron, ermite qui, après avoir passé plus de cinquante ans clans les déserts de la Thébaïde, se laissa persuader par le diable, sous la figure d’un ange, de se jeter dans un puits, attendu que, comme il était en bonne grâce avec Dieu, il ne se ferait point de mal. Il ajouta foi, dit Leloyer, aux paroles du diable, et, se précipitant d’un lieu élevé, dans la persuasion que les anges le soutiendraient, il tomba dans le puits, d’où on le retira disloqué ; il mourut trois jours après .
Hertha, ancienne divinité des Germains, dont la statue était placée sur un chariot couvert, dans un bois appelé Castum Nemus. Elle avait à son service un prêtre, qui seul avait le privilège de l'aborder. Tacite rapporte que cette déesse, lorsqu'elle avait envie de se promener, le disait à son prêtre, qui ne manquait pas d'en faire part à la nation. On attelait deux génisses à son char, et on la promenait de tous côtés. Le peuple, durant ce temps, se livrait à la joie et à la bonne chère. Lorsque la déesse témoignait, par quelque signe, vouloir s'en retourner, le prêtre la ramenait dans son bocage. On croit que c'était la Terre que les Germains révéraient sous ce nom.
femme blanche honorée dans la Poméranie, où elle fait croître l’herbe dans les prairies et remplit les greniers.
Hervilliers (Jeanne). C’est la même que Jeanne Harvilliers.
Hèse (Jean de), voyageur du quinzième siècle, qui a parcouru l’Asie et vu des merveilles, hommes à tête de chien, poissons à face humaine, pygmées, sauvages qui n’ont qu’un œil, etc. M. de Reiffenberg a donné une curieuse analyse de ce voyage singulier, dans le Recueil encyclopédique belge.
Heure. Voy. Minuit. Anges ou démons des heures. Voy. Pierre d’Apone.
Hexagone, habitant de l’île de Chypre, qui vivait très-bien avec les serpents. Il en donna la preuve en se faisant jeter dans une cuve pleine de serpents, lesquels, loin de lui faire aucun mal, l’enlaçaient d’une manière caressante et le léchaient de leurs langues en lui faisant de bons yeux.
Hibou, oiseau de mauvais augure. On le regarde vulgairement comme le messager de la mort ; et les personnes superstitieuses qui perdent quelque parent ou quelque ami se ressouviennent toujours d’avoir entendu le cri du hibou. Sa présence, selon Pline, présage la stérilité. Son œuf, mangé en omelette, guérit, dit-on, de l’ivrognerie.
Cet oiseau est mystérieux, parce qu’il recherche la solitude, qu’il hante les clochers, les tours et les cimetières. On redoute son cri, parce qu’on ne l’entend que dans les ténèbres ; et, si on l’a vu quelquefois sur la maison d’un mourant, il y était peut-être attiré par l’odeur cadavéreuse, ou par le silence qui régnait dans cette maison. Un philosophe arabe, se promenant dans la campagne avec un de ses disciples, entendit une voix détestable qui chantait un air plus détestable encore. — Les gens superstitieux, dit-il, prétendent que le chant du hibou annonce la mort d’un homme ; si cela était vrai, le chant de cet homme annoncerait la mort d’un hibou. Cependant si le hibou est regardé comme un mauvais présage chez les gens de la campagne, quand on le voit perché sur le haut d’une maison, il est aussi regardé comme d’un bon augure quand il vient se réfugier dans un colombier. Les anciens Francs condamnaient à une forte amende quiconque tuait ou volait le hibou qui s’était réfugié dans le colombier de son voisin . Il y détruisait les souris et les rats ; et c’est une grande maladresse aux laboureurs de tuer le hibou.
On ne peut passer sous silence ses vertus.
Si l’on met son cœur avec son pied droit sur une personne endormie, elle dira aussitôt ce qu’elle aura fait et répondra aux demandes qu’on lui adressera ; de plus, si on met les mêmes parties de cet oiseau sous les aisselles, les chiens ne pourront aboyer après la personne qui les portera ; et enfin, si on pend son foie à un arbre, tous les oiseaux se rassembleront dessus .
Hiérarchie. Agrippa disait qu’il y avait autant de mauvais anges que de Dons, qu’il y en
avait neuf hiérarchies de bons et neuf de mauvais. Wierus, son disciple, a fait l’inventaire de la monarchie de Satan, avec les noms et surnoms de soixante-douze princes et de plusieurs millions de diables, nombres fantastiques, qui ne sont appuyés sur d’autres raisons que sur la révélation de Satan même. Voy. Cour infernale.
Hiéroglyphes. Les Égyptiens avaient beaucoup d’idées superstitieuses, s’il faut les juger par leurs hiéroglyphes. Ils expriment le sexe masculin par un vautour, dit un ancien, parce que tous les vautours sont femelles, et que le vent seul féconde leurs œufs ; ils représentaient le cœur par deux drachmes, parce que le cœur d’un enfant d’un an ne pèse que deux gros. Une femme qui n’avait qu’un enfant, ils la figuraient par une lionne, parce que cet animal ne fait qu’un petit (du moins ils le croyaient de la sorte). Ils indiquaient l’avortement par un cheval qui donne un coup de pied à un loup, parce que, disaient-ils, une cavale avorte si elle marche sur les traces d’un loup , etc. M. Champollion donne d’autres explications.
Hiéromnénon, pierre que les anciens employaient dans leurs divinations, mais dont ils ne nous ont laissé aucune description.
Hiéroscopie. Voy. Hépatoscopie.
Himmemberg, contrée du paradis d’Odin. On y arrivait par un pont lumineux, qui est l’arc en ciel.
Hipokindo, mot qui, prononcé d’une certaine façon, charme les serpents et les empêche de nuire. Paracelse en parle.
Hipparchus. On lui attribue un ouvrage intitulé le Livre des esprits.
Hippocrate, père de la médecine. Les légendes du moyen âge font de lui un grand magicien, et lui prêtent des aventures dans le genre de celles qu’elles attribuent à Virgile . On met sous son nom un Traité des songes dont on recherche les éditions accompagnées des Commentaires de Jules-César Scaliger ; in-8°, Guesne, 1610 ; et un autre livre intitulé les Aspects des étoiles.
Hippogriffe, animal fabuleux, composé du cheval et du griffon, que l’Arioste et les autres romanciers donnent quelquefois pour monture aux héros des romans de chevalerie.
Hippomane, excroissance charnue que les poulains apportent à la tête en naissant, et que la mère mange aussitôt. Les anciens donnaient le nom à hippomane à certains philtres, parce qu’on prétend qu’il y entrait de cette excroissance.
Hippomane est aussi le nom d’une herbe qui fait entrer les chevaux en fureur lorsqu’ils la broutent . — On raconte qu’une cavale de bronze, placée auprès du temple de Jupiter Olympien, faisait hennir les chevaux comme si elle eût été vivante, vertu qui lui était communiquée par l’hippomane qu’on avait mêlée avec le cuivre en la fondant. Voy. Philtres.
Hippomancie, divination des Celtes. Ils formaient leurs pronostics sur le hennissement et le trémoussement de certains chevaux blancs, nourris aux dépens du public dans des forêts consacrées, où ils n’avaient d’autre couvert que les arbres. On les faisait marcher immédiatement après le char sacré. Le prêtre et le roi ou chef du canton observaient tous leurs mouvements, et en tiraient des augures auxquels ils donnaient une ferme confiance, persuadés que ces animaux étaient confidents du secret des dieux, tandis qu’ils n’étaient eux-mêmes que leurs ministres. Les Saxons tiraient aussi des pronostics d’un cheval sacré, nourri dans le temple de leurs dieux, et qu’ils en faisaient sortir avant de déclarer la guerre à leurs ennemis. Quand le cheval avançait le pied droit, l’augure était favorable ; sinon, le présage était mauvais, et ils renonçaient à leur entreprise.
Hippomyrmèces, peuple imaginaire, placé par Lucien dans le globe du soleil. C’étaient des hommes montés sur des fourmis ailées, qui couvraient deux arpents de leur ombre, et qui combattaient de leurs cornes.
Hippopodes, peuple fabuleux qui avait des pieds de cheval, et que les anciens géographes placent au nord de l’Europe.
Hirigoyen, sorcier du commencement du dix-septième siècle, que l’on a vu danser au sabbat avec le diable, qu’il adorait .
Hirondelles. Plutarque cite l’histoire d’un nommé Bessus qui avait tué son père et dont on ignorait le crime. Étant un jour près d’aller à un souper, il prit une perche avec laquelle il abattit un nid d’hirondelles. Ceux qui le virent en furent indignés et lui demandèrent pourquoi il maltraitait ainsi ces pauvres oiseaux. Il leur répondit qu’il y avait assez longtemps qu’elles lui criaient qu’il avait tué son père. Toutes stupéfaites de cette réponse, ces personnes la rapportèrent au juge, qui ordonna de prendre Bessus et de le mettre à la torture. Il avoua son crime et fut pendu . Brown, dans son Essai sur les erreurs populaires, dit que l’on craint de tuer les hirondelles, quoiqu’elles soient incommodes, parce qu’on est persuadé qu’il en résulterait quelque malheur. Élien nous apprend que les hirondelles étaient consacrées aux dieux Pénates, et que par cette raison on s’abstenait de les tuer. On les honorait, dit-il, comme les hérauts du printemps, et à Rhodes on avait une espèce de chant pour célébrer le retour des hirondelles.
Histoire. Il y a dans la bibliographie infernale beaucoup d’histoires prodigieuses publiées sans nom d’auteur. Nous n’en citerons que quelques-unes : « Histoire d’une apparition, avec des réflexions qui prouvent la difficulté de savoir la vérité sur le retour des esprits ; in-8° ; Paris, chez Saugrin, 1722, brochure de 24 pages. — Histoire prodigieuse nouvellement arrivée à Paris, d’une jeune fille agitée d’un esprit fantastique, in-8°. — Histoire du diable, in-12 ; Amsterdam, 1729, 2 vol. ; et Rouen, 1730, 2 vol. — Histoire miraculeuse advenue en la Rochette, ville de Maurienne en Savoie, d’une jeune fille ayant été enterrée dans un jardin en temps de peste, l’espace de quinze ans, par lequel son esprit est venu rechercher ses os par plusieurs évidents signes miraculeux ; in-8°, Lyon. — Histoire remarquable d’une femme décédée depuis cinq ans, laquelle est revenue trouver son mari, et parler à lui au faubourg Saint-Marcel ; Paris, 1618, etc. » Voy. Apparitions.
Hocque. Après l’édit de 1682 pour la punition des maléfices, la race des sorciers malfaisants diminua sensiblement en France. Mais il restait encore dans la Brie, aux environs de Paris, une cabale de bergers qui faisaient mourir les bestiaux, attentaient à la vie des hommes, commettaient plusieurs autres crimes et s’étaient rendus formidables à la province. Il y en eut enfin d’arrêtés ; le juge de Pacy instruisit le procès, et par les preuves il parut évident que tous ces maux étaient commis par maléfices et sortilèges.
Les sorts et les poisons dont ces bandits se servaient pour faire mourir les bestiaux consistaient dans une composition qu’ils avouèrent au procès, et qui est rapportée dans les factums, mais remplie de sacrilèges, d’impiétés, d’abominations et d’horreurs, en même temps que de poisons. Us mettaient cette composition dans un pot de terre, et l’enterraient ou sous le seuil de la porte des étables aux bestiaux, ou dans le chemin par où ils passaient ; et tant que ce sort demeurait en son lieu, ou que celui qui l’avait posé était en vie, la mortalité ne cessait point ; c’est ainsi qu’ils s’en expliquèrent dans leurs interrogatoires.
Une circonstance singulière de leur procès fit croire qu’il y avait un vrai pacte entre eux et le diable pour commettre tous ces maléfices. Ils avouèrent qu’ils avaient jeté des sorts sur les bestiaux du fermier de la terre de Pacy, près de Brie-Comte-Robert, pour venger l’un d’eux que ce fermier avait chassé et mis hors de son service. Us firent le récit exact de leur composition ; mais jamais aucun d’eux ne voulut découvrir le lieu où ils avaient enterré le sort, et on ne savait, après de semblables aveux, d’où pouvait venir leur réticence sur ce dernier fait. Le juge les pressa de s’en expliquer ; ils dirent que s’ils découvraient ce lieu, et qu’on levât le sort, celui qui l’avait posé mourrait à l’instant.
L’un de leurs complices, nommé Étienne Hocque, moins coupable que les autres, et qui n’avait été condamné qu’aux galères, était à la chaîne dans les prisons de la Tournelle. On gagna un autre forçat nommé Béatrix, qui était attaché avec lui. Ce dernier, à qui le seigneur de Pacy avait fait tenir de l’argent, fit un jour tant boire Hocque qu’il l’enivra, et en cet état le mit sur le chapitre du sort de Pacy. Il tira de lui le secret qu’il n’y avait qu’un berger nommé Bras-de-Fer, qui demeurait près de Sens, qui pût lever le sort par ses conjurations.
Béatrix, profitant de ce commencement de confidence, engagea le vieux berger à écrire à son fils une lettre par laquelle il lui mandait d’aller trouver Bras-de-Fer, pour le prier de lever le sort, et lui défendait surtout de dire à Bras-de-Fer qu’il fût condamné et emprisonné, ni que c’était lui, Hocque, qui avait posé ce sort.
Cette lettre écrite, Hocque s’endormit. Mais à son réveil, les fumées du vin étant dissipées, et réfléchissant sur ce qu’il avait fait, il poussa des cris et des hurlements épouvantables, se plaignant que Béatrix l’avait trompé et qu’il serait cause de sa mort. Il se jeta en même temps sur lui et voulut l’étrangler, ce qui excita les autres forçats contre Béatrix, en sorte qu’il fallut que le commandant de la Tournelle vînt avec ses gardes pour apaiser ce désordre et tirer Béatrix de leurs mains.
Cependant la lettre fut envoyée au seigneur, qui la fit remettre à son adresse. Bras-de-Fer vint à Pacy, entra dans les écuries, et, après avoir fait des figures et des imprécations, il trouva effectivement le sort qui avait été jeté sur les chevaux et sur les vaches ; il le leva et le jeta au feu, en présence du fermier et de ses domestiques. Mais à l’instant il parut chagrin, témoigna du regret de ce qu’il venait de faire et dit que le diable lui avait révélé que c’était Hocque, son ami, qui avait posé le sort en cet endroit, et qu’il était mort à six lieues de Pacy, au moment où ce sort venait d’être levé…
En effet, par les observations qui furent faites au château de la Tournelle, il y a preuve qu’au même jour et à la même heure où Bras-de-Fer avait commencé à lever le sort, Hocque, qui était un homme des plus forts et des plus robustes, était mort en un instant dans des convulsions étranges, et se tourmentant comme un possédé, sans vouloir entendre parler de Dieu ni de confession…
Bras-de-Fer avait été pressé de lever aussi le sort jeté sur les moutons, mais il dit qu’il n’en ferait rien, parce qu’il venait d’apprendre que ce sort avait été posé par les enfants de Hocque, et qu’il ne voulait pas les faire mourir comme leur père. Sur ce refus, le fermier eut recours aux juges du lieu. Bras-de-Fer, les deux fils et la fille de Hocque furent arrêtés avec deux autres bergers, leurs complices, nommés Jardin et le Petit-Pierre ; leur procès instruit, Bras-de-fer, Jardin et le Petit-Pierre furent condamnés à être pendus et brûlés, et les trois enfants de Hocque bannis pour neuf ans…
Hodeken. Voy. Hecdekix.
Hoffmann. Célèbre auteur allemand de contes nocturnes ou fantastiques, et d’autres écrits, où le surnaturel a une place très-originale.
Holda. La holda était, chez les anciens Gaulois, une espèce de sabbat nocturne, où des sorciers faisaient leurs orgies avec des démons transformés en danseuses. Voy. {{DIv|Bensozia. On parle encore en Allemagne de holda, la bonne fJeuse (sorte de fée qui remplace, dans les opinions populaires, une divinité antique). Elle visite sans être vue la maison du laboureur, elle charge de laine les fuseaux des ménagères diligentes et répand l’abondance autour d’elle . Mais dans d’autres contrées, holda est la reine des sorcières.
Hollandais errant. C’est un vaisseau fantastique qui apparaît, dit-on, dans les parages du cap de Bonne-Espérance. Ce vaisseau déploie toutes ses voiles lorsque aucun navire n’oserait en risquer une seule. On est partagé d’opinions sur la cause de ce prodige ; d’après la version la plus répandue, c’était, dans l’origine, un navire richement chargé à bord duquel se commit un horrible forfait. La peste s’y déclara, et les coupables errèrent vainement de port en port, offrant leur riche cargaison pour prix d’un asile. On les repoussait partout, de peur de la contagion. Les matelots disent que la Providence, pour perpétuer le souvenir de ce châtiment, permet que le Hollandais cirant apparaisse encore dans ces mers où la catastrophe eut lieu. Cette apparition est considérée comme un mauvais augure par les navigateurs .
Le Hollandais errant, sujet de beaucoup de traditions, s’appelle aussi le Voltigeur hollandais.
Hollere, magicien danois qui s’était acquis, au treizième siècle, la réputation d’un homme à miracles, et qui n’était qu’un sorcier adroit. Pour passer la mer, il se servait d’un os gigantesque, marqué de quelques charmes et caractères magiques. Sur ce singulier esquif, il traversait l’Océan comme s’il eût été aidé de voiles et poussé par les vents. Il fut maltraité par les autres sorciers, ses envieux, qui l’obligèrent à quitter le pays .
Holzhauser (Barthélémy), pieux allemand, né en 1613, célèbre par des visions sur lesquelles nous ne saurions nous prononcer  et qui sont admises comme respectables. Sa vie a été publiée, en 1836, par M. l’abbé Tresvaux, qui l’avait traduite de l’Italien.
Homme. Il paraît qu’il n’y a que l’homme à qui la nature ait donné une figure droite et la faculté de contempler les cieux. Seul parmi les animaux il a l’épine du dos et l’os de la cuisse en ligne droite. C’est un fait, dit Aristote, que si l’homme est le seul à qui il arrive des illusions nocturnes, c’est parce qu’il n’y a proprement que lui qui se couche sur le dos, c’est-à-dire de manière que l’épine et la cuisse fassent une ligne droite, et que l’une et l’autre, avec les bras, soient parallèles à l’horizon. Or, les animaux ne peuvent pas se coucher ainsi : quoique leur épine soit parallèle à l’horizon, leurs épaules sont détournées et forment deux angles.
Lisez Hérodote, Plutarque et autres historiens, vous verrez qu’il existe des contrées fabuleuses où les hommes ont une tête de dogue ou de bichon, des pays où ils n’ont qu’un œil, d’autres où ils n’ont qu’un pied, sur lequel ils sautent, de sorte que quand ils veulent courir, ils sont obligés de se mettre deux et de se tenir par le bras ; d’autres enfin où ils n’ont point de tête, etc.
Homme noir. L’homme noir qui promet aux pauvres de les faire riches s’ils veulent se donner à lui, n’est autre que le diable. — On lit ce qui suit dans la Légende dorée : — Un chevalier qui dépensait sa fortune en libéralités, devint pauvre et tomba dans une grande tristesse. Occupé de ses chagrins, il s’égara dans une solitude ; il y vit un homme noir, d’une taille haute, monté sur un beau cheval. Ce cavalier lui demanda la cause de sa douleur, et quand il l’eut apprise, il lui dit :« Si vous voulez me rendre hommage, je vous donnerai plus de richesses que vous n’en avez perdu. » Le chevalier promit à l’étranger de faire ce qu’on exigerait. « Eh bien ! reprit le diable (car c’était lui), retournez à votre maison, vous trouverez dans tel endroit de grandes sommes d’or et une quantité de pierres précieuses. Quant à l’hommage que j’attends de vous, c’est que vous ameniez votre femme ici dans un an. » Le chevalier s’engagea, regagna sa maison, trouva les trésors indiqués, reprit son habitude de largesses, et à la fin de l’année, il songea à tenir ce qu’il avait promis. Il appela sa femme. « . Vous allez monter à cheval et venir avec moi, lui dit-il, nous avons un voyage à faire. » C’était une dame pieuse, qui avait grande dévotion à la sainte Vierge. Elle fit sa prière et suivit son mari sans demander où il la conduisait. Après avoir marché une heure, les deux époux rencontrèrent une église. La dame voulant y entrer, descendit de cheval ; son mari l’attendit à la porte. À peine fut-elle dans l’église qu’elle s’endormit ; la sainte Vierge ayant pris sa figure, rejoignit le chevalier et partit avec lui au rendez-vous. Lorsqu’ils arrivèrent au lieu désigné, le démon y parut avec fracas. Mais en apercevant la dame que le chevalier lui amenait, il trembla. Homme perfide, s’écria-t-il, est-ce ainsi que tu devais reconnaître mes bienfaits ? Je t’avais prié de m’amener ta femme, et tu viens ici avec la mère de Dieu, qui va me renvoyer aux enfers ! » Le diable dut en effet se retirer. Le chevalier éperdu se jeta à genoux devant Notre-Dame, et retourna à l’église où sa femme dormait encore. Les deux époux rentrèrent chez eux ; ils se dépouillèrent des richesses qu’ils tenaient du diable ; mais ils n’en furent pas plus pauvres, parce qu’ils reconnurent que les biens matériels ne sont pas les vraies richesses .
Le père Abram rapporte l’anecdote suivante, dans son histoire manuscrite de l’université de Pont-à-Mousson : « Un jeune garçon de bonne famille, mais peu fourni d’argent, se mit à servir dans l’armée parmi les valets. De là ses parents l’envoyèrent aux écoles ; mais ne s’accommodant pas de l’assujettissement que demandent les études, il résolut de retourner à son premier genre de vie. En chemin il rencontra un homme vêtu de soie noire, mais de mauvaise mine, qui lui demanda où il allait et pourquoi il avait l’air triste ? — Je suis, ajouta-t-il, en état de vous mettre à votre aise, si vous voulez vous donner à moi. Le jeune homme, croyant qu’il parlait de l’engager à son service, lui demanda un moment pour y penser. Mais, commençant à se défier des magnifiques promesses que l’étranger lui faisait, il le considéra de plus près, et ayant remarqué qu’il avait le pied gauche fendu comme celui d’un bœuf, il fut saisi de frayeur, fit le signe de la croix et invoqua le nom de Jésus. Le spectre s’évanouit. Trois jours après, la même figure lui apparut de nouveau et lui demanda s’il avait pris sa résolution ? Le jeune homme répondit qu’il n’avait pas besoin de maître. L’homme noir jeta à ses pieds une bourse pleine d’écus, dont quelques-uns paraissaient d’or et nouvellement frappés. Dans la même bourse il y avait une poudre que le spectre disait très-subtile. Il lui donna ensuite des conseils abominables et l’exhorta à renoncer à l’usage de l’eau bénite et à l’adoration de l’hostie. Le jeune homme eut horreur de ces propositions ; il fit le signe de la croix sur son cœur, et en même temps il se sentit jeté si rudement contre terre qu’il y demeura une demi-heure. S’étant relevé, il retourna chez ses parents, fit pénitence et changea de conduite. Les pièces qui paraissaient d’or et nouvellement frappées, ayant été mises au feu, ne se trouvèrent être que du cuivre. » Ainsi, bonnes gens, défiez-vous de l’homme noir.
Homme rouge, — démon des tempêtes. « La nuit, dans les affreux déserts des côtes de la Bretagne, près Saint-Paul-de-Léon , des fantômes hurlants parcourent le rivage. L’homme rouge en fureur commande aux éléments et précipite dans les ondes le voyageur qui trouble ses secrets et la solitude qu’il aime. » On a cru un moment dans le peuple qu’un petit homme rouge mystérieux avait apparu à Napoléon Ier pour lui annoncer ses revers.
Hongrois. Voy. Ogres.
Honorius. Voy. Grimoire.
Hopkins, juge anglais qui, du temps de Charles Ier, fit mourir une multitude de malheureuses accusées de sorcellerie. Il continua ses fonctions sous le long parlement, et Grey rapporte qu’il possédait une liste de trois mille personnes suppliciées en ce temps-là, le plus grand nombre par ce juge qui se croyait doué d’un talent sans pareil pour deviner les sorcières. Jamais l’Église catholique n’eût souffert ces abominations. Cet homme faisait avouer, par des tortures de cinq à six jours, tout ce qu’il voulait.
Nous empruntons quelques détails sur lui à de curieuses recherches publiées par le Droit :
« Un certain Matthew Hopkins fut nommé rechercheur de sorcières (witch finder) pour quatre comtés, et dans l’espace d’un an, dans la seule ville d’Essex, il ne fit pas pendre moins de soixante malheureuses femmes. Ce misérable prétendait avoir acquis une expérience infaillible pour les reconnaître à de certaines taches sur la peau, certains signes, certaines veines qu’il regardait comme autant de tétines pour allaiter de petits démons. Son épreuve favorite était celle de l’eau. Si les sorcières prétendues revenaient à la surface de l’eau et nageaient, il les déclarait coupables, les faisait retirer de l’eau et brûler ; si au contraire elles enfonçaient, elles étaient simplement noyées, mais leur innocence était reconnue. Cette épreuve venait peut-être d’une parole fort sage que sa Très-Sacrée Majesté le roi Jacques avait souvent à la bouche, à savoir que, comme quelques personnes avaient renoncé aux avantages de leur baptême par l’eau, de même l’eau refusait à son tour de les recevoir dans son sein.
« À la fin Hopkins, ce qui est assez original, devint lui-même suspect de sorcellerie ; on lui fit subir l’épreuve qu’il avait souvent fait subir aux autres ; il eut la maladresse de nager ; il fut tout naturellement déclaré coupable, pendu et brûlé vif.
« II ne fut pas le seul rechercheur de sorcières ; bien d’autres se mêlèrent de ce métier, qui ne laissait pas que d’être lucratif, puisqu’il leur procurait vingt schellings (25 francs) par chaque exécution. »
Hoppo, maître sorcier et vrai coquin, qui fut poursuivi à Berne. Il était de la secte des Lollards et faisait des disciples. Nous ignorons sa fin.
Horey, nom que les nègres de la côte occidentale d’Afrique donnent au diable, qui n’est sans doute qu’un nègre aposté par les marabouts. Les cérémonies de la circoncision ne manquent jamais d’être accompagnées des mugissements du Horey. Ce bruit ressemble au son le plus bas de la voix humaine. Il se fait entendre à peu de distance et cause une frayeur extrême aux jeunes gens. Dès qu’il commence, les nègres préparent des aliments pour le diable et les lui portent sous un arbre. Tout ce qu’on lui présente est dévoré, dit-on, sur-le-champ, sans qu’il en reste un os. Si la provision ne lui suffit pas, il trouve le moyen d’enlever quelque jeune homme non encore circoncis. Les nègres prétendent qu’il garde sa proie dans son ventre, et que plusieurs jeunes gens y ont passé jusqu’à dix ou douze jours. Après sa délivrance, la victime qui a été avalée demeure muette autant de jours qu’elle en a passé dans le ventre du diable. Les nègres parlent avec effroi de cet esprit malin, et l’on ne peut qu’être surpris de la confiance avec laquelle ils assurent avoir été non seulement enlevés, mais avalés par ce monstre.
Hornock, docteur suédois, qui raconte avec complaisance le supplice de soixante-deux femmes et de quinze enfants, accusés d’avoir été au sabbat et d’y avoir soigné le diable, qui s’y trouvait malade… Ce spectacle, car il donne ce nom à l’exécution d’une pareille sentence, eut lieu le 25 août 1672, « par un temps superbe. »
Horoscopes. Un maréchal ferrant de Beauvais avait fait tirer l’horoscope de son fils. L’astrologue, après avoir examiné les divers aspects des astres, découvrit que l’enfant était menacé de mourir à quinze ans d’un coup de tonnerre. Il désigna en même temps le mois, le jour et l’heure où l’événement devait avoir lieu ; mais il ajouta qu’une cage de fer sauverait le jeune homme. Quand le temps arriva, le père chercha comment la cage de fer pourrait éviter à son fils une mort si prématurée ; il pensa que le sens de l’oracle était probablement d’enfermer ce jour-là son enfant dans une cage de fer bien fermée. Il se mit à travailler à la construction de cette cage sans en parler à personne. Le moment arriva. Une nuée paraissait se former dans le ciel, et justifiait jusqu’alors le dire de l’astrologue. Il appela donc son fils et lui annonça que son étoile le condamnait à être tué du tonnerre, un peu avant midi, s’il n’avait heureusement trouvé le moyen de le soustraire à sa mauvaise planète ; il le pria d’entrer dans la cage de fer. Le fils, un peu plus instruit que son père, pensa que, loin de le garantir du tonnerre, cette cage ne servirait au contraire qu’à l’attirer ; il s’obstina à rester dans sa chambre, où il se mit à réciter l’Évangile de saint Jean. Cependant les nuages s’amoncellent, le temps se couvre, le tonnerre gronde, l’éclair brille, la foudre tombe sur la cage de fer et la réduit en poudre. Le maréchal surpris bénit pour la première fois le ciel d’avoir rendu son fils désobéissant, et vit toutefois l’oracle accompli. Du moins tel est le conte. Voy. Astrologues.
Horoscopes tout faits, ou moyen de connaître sa destinée par les constellations de la naissance. Nous empruntons ces plaisanteries, qui ont été si sérieuses pour nos pères, et que l’Église a toujours combattues, aux divers livres sur la matière, traitée par Jacques de Hagen et par cent autres, du ton le plus grave. Les auteurs qui ont écrit sur les horoscopes ont établi plusieurs systèmes semblables à celui-ci pour la forme, et tout différents pour les présages. Les personnes qui se trouvent ici nées avec le plus heureux naturel, seront ailleurs des êtres abominables. Les astrologues ont fondé leurs oracles sur le caprice de leur imagination, et chacun d’eux nous a donné les passions qui se sont rencontrées sous sa plume au moment où il écrivait. Qui croira aux présages de sa constellation, devra croire aussi à tous les pronostics de l’almanach journalier, et avec plus de raison encore, puisque les astres ont sur la température une influence qu’ils n’ont pas tant sur nous. Enfin, si la divination qu’on va lire était fondée, il n’y aurait dans les hommes et dans les femmes que douze sortes de naturels, dès lors que tous ceux qui naissent sous le même signe ont les mêmes passions et doivent subir les mêmes accidents ; et tout le monde sait si dans les millions de mortels qui habitent la surface du globe, il s’en trouve souvent deux dont les destinées et les caractères se ressemblent.
La Balance. (C’est la balance de Thémis qu’on a mise au nombre des constellations. Elle donne les procès.) La Balance domine dans le ciel depuis le 22 septembre jusqu’au 21 octobre. — Les hommes qui naissent dans cet espace de temps naissent sous le signe de la Balance. — Ils sont ordinairement querelleurs. Ils aiment les plaisirs, réussissent dans le commerce, principalement sur les mers, et feront de grands voyages. Ils ont en partage la beauté, des manières aisées, des talents pour la parole ; cependant ils manquent à leurs promesses et ont plus de bonheur que de soin. Ils auront de grands héritages. Ils seront veufs de leur première femme et n’auront pas beaucoup d’enfants. Qu’ils se défient des incendies et de l’eau chaude. — La femme qui naît sous cette constellation sera aimable, gaie, agréable, enjouée, assez heureuse. Elle aimera les fleurs ; elle aura de bonnes manières ; la douce persuasion coulera de ses lèvres. Elle sera cependant susceptible et querelleuse. — Elle se mariera à dix-sept ou à vingt-trois ans. Qu’elle se défie du feu et de l’eau chaude.
Le Scorpion. (C’est Orion, que Diane changea en cet animal, et qu’on a mis au nombre des constellations. Il donne la malice et la fourberie.) Le Scorpion domine dans le ciel du 22 octobre au 21 novembre. — Ceux qui naissent sous cette constellation seront hardis, effrontés, flatteurs, fourbes et cachant la méchanceté sous une aimable apparence. On les entendra dire une chose, tandis qu’ils en penseront une autre. Ils seront généralement secrets et dissimulés. Leur naturel emporté les rendra inconstants. Ils jugeront mal des autres, conserveront rancune, parleront beaucoup et auront des accès de mélancolie. Ils n’aimeront à rire qu’aux dépens d’autrui, auront quelques amis et l’emporteront sur leurs ennemis. — Ils seront sujets aux coliques et peuvent s’attendre à de grands héritages. — La femme qui naît sous cette constellation sera adroite et trompeuse. Elle se conduira moins bien avec son premier mari qu’avec son second. Elle aura les paroles plus douces que le cœur. Elle sera enjouée, gaie, aimant à rire, mais aussi aux dépens des autres. Elle fera des inconséquences, parlera beaucoup, pensera mal de tout le monde. Elle deviendra mélancolique avec l’âge. — Elle aura un cautère aux épaules à la suite d’une maladie d’humeurs.
Le Sagittaire. (C’est Chiron le Centaure, qui apprit à Achille à tirer de l’arc, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne l’amour de la chasse et des voyages.) Le Sagittaire domine dans le. ciel du 22 novembre au 21 décembre. — L’homme qui naît sous cette constellation aimera les voyages et s’enrichira sur les mers. Il sera d’un tempérament robuste, aura de l’agilité et se montrera d’un esprit attentif. Il se fera des amis dont il dépensera l’argent. Il aura un goût déterminé pour l’équitation, la chasse, les courses, les jeux de force et d’adresse, et les combats. Il sera juste, secret, fidèle, laborieux, sociable, et aura autant d’amour-propre que d’esprit. — La femme qui nait sous cette constellation sera d’un esprit inquiet et remuant ; elle aimera le travail. Son âme s’ouvrira aisément à la pitié ; elle aura du goût pour les voyages et ne pourra rester longtemps dans le même pays. Elle sera présomptueuse et douée de quelques qualités tant de l’esprit que du cœur. — Elle se mariera à dix-neuf ou à vingt-quatre ans. Elle sera bonne mère.
Le Capricorne. (C’est la chèvre Amalthée qui allaita Jupiter, et qui fut mise au nombre des constellations. Elle donne l’étourderie.) Le Capricorne domine dans le ciel du 22 décembre au 21 janvier. Celui qui naît sous cette constellation sera d’un naturel irascible, léger, soupçonneux, ami des procès et des querelles ; il aimera le travail, mais il hantera de mauvaises sociétés. Ses excès le rendront malade. Rien n’est plus inconstant que cet homme, s’il est né dans la nuit. Il sera enjoué, actif et fera quelquefois du bien. Son étoile le rendra heureux sur mer. Il parlera modérément, aura la tête petite et les yeux enfoncés. Il deviendra riche et avare dans les dernières années de sa vie. Les bains, dans ses maladies, pourront lui rendre la santé. — La femme qui naît sous cette constellation sera vive, gaie, et cependant tellement timide dans ses jeunes années, qu’un rien pourra la faire rougir. Mais son caractère deviendra plus ferme et plus hardi dans l’âge plus avancé. Elle se montrera toujours bonne, avec un peu de jalousie. Elle parlera sagement, évitera les inconséquences, sera bonne fille et bonne mère ; elle aimera à voyager, et sera d’une beauté moyenne.
Le Verseau. (C’est Ganymède, fils de Tros, que Jupiter enleva pour verser le nectar aux dieux, et qu’on a mis au nombre des constellations. Il donne la gaieté.) Le Verseau domine dans le ciel du 22 janvier au 21 février. — L’homme qui naît sous cette constellation sera aimable, spirituel, ami de la joie, curieux, sujet à la fièvre, facile aux projets, pauvre dans la première partie de sa vie, riche ensuite, mais modérément. Il sera bavard et léger, quoique discret. Il fera des maladies, courra des dangers. Il aimera la gloire, vivra longtemps, et aura peu d’enfants. — La femme qui naît sous cette constellation sera constante, généreuse, sincère et libérale. Elle aura des chagrins, sera en butte aux adversités, et fera de longs voyages. Elle sera sage et enjouée.
Les Poissons. (Les dauphins qui amenèrent Amphitrite à Neptune furent mis au nombre des constellations. Ils donnent la douceur.) Les Poissons dominent dans le ciel du 22 février au 22 mars. — Celui qui naît sous cette constellation sera officieux, gai, aimant à jouer, d’un bon naturel, heureux hors de sa maison. Il ne sera pas riche dans sa jeunesse. Devenu plus aisé, il prendra peu de soin de sa fortune, et ne profitera pas des leçons de l’expérience. Des paroles indiscrètes lui attireront quelques désagréments. Il sera présomptueux. — La femme qui naît sous cette constellation sera belle. Elle éprouvera des ennuis et des peines dans sa jeunesse. Elle aimera à faire du bien. Elle sera sensée, discrète, économe, médiocrement sensible, et fuira le monde. Sa santé, faible jusqu’à vingt-huit ans, deviendra alors plus robuste. Elle aura cependant de temps en temps des coliques.
Le Bélier. (C’est le bélier qui portait la toison d’or, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne les emportements.) Le bélier domine dans le ciel du 23 mars au 21 avril. — Ceux qui naissent sous cette constellation sont irascibles, prompts, vifs, éloquents, studieux, violents, menteurs, enclins à l’inconstance. Ils tiennent rarement leur parole et oublient leurs promesses. Ils courront des dangers avec les chevaux. Ils aimeront la pêche et la chasse. — La femme qui naît sous cette constellation sera jolie, vive et curieuse. Elle aimera les nouvelles, aura un grand penchant pour le mensonge, et ne sera pas ennemie de la bonne chère. Elle aura des colères, sera médisante dans sa vieillesse et jugera sévèrement les femmes. Elle se mariera de bonne heure et aura beaucoup d’enfants.
Le Taureau. (C’est le taureau dont Jupiter prit la forme pour enlever Europe, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne la hardiesse et la force.) Le Taureau domine dans le ciel du 22 avril au 21 mai. — L’homme qui naît sous cette constellation est audacieux ; il aura des ennemis qu’il saura mettre hors d’état de lui nuire. Le bonheur ne lui sera pas étranger. Il voyagera dans des pays lointains. Sa vie sera longue et peu sujette aux maladies. — La femme qui naît sous cette constellation est douée de force et d’énergie. Elle aura du courage ; mais elle sera violente et emportée. Néanmoins elle saura se plier à son devoir et obéir à son mari. On trouvera dans cette femme un fonds de raison et de bon sens. Elle parlera pourtant un peu trop. Elle sera plusieurs fois veuve et aura quelques enfants, à qui elle laissera des richesses.
Les Gémeaux. (Les Gémeaux sont Castor et Pollux qu’on a mis au nombre des constellations. Ils donnent l’amitié.) Les Gémeaux dominent dans le ciel du 22 mai au 21 juin. — Celui qui naît sous cette constellation aura un bon cœur, une belle figure, de l’esprit, de la prudence et de la générosité. Il sera présomptueux, aimera les courses et les voyages, et ne cherchera pas beaucoup à augmenter sa fortune ; cependant il ne s’appauvrira point. Il sera rusé, gai, enjoué ; il aura des dispositions pour les arts. — La femme qui naît sous cette constellation est aimante et belle. Elle aura le cœur doux et simple. Elle négligera peut-être un peu trop ses affaires. Les beaux-arts, principalement le dessin et la musique, auront beaucoup de charmes pour elle.
10° L’Écrevisse. (C’est le cancer ou l’écrevisse qui piqua Hercule tandis qu’il tuait l’hydre du marais de Lerne, et qui fut mise au nombre des constellations. Elle donne les désagréments.) L’Écrevisse domine dans le ciel du 22 juin au 21 juillet. — Les hommes qui naissent sous cette constellation sont sensuels. Ils auront des procès et des querelles, dont ils sortiront souvent à leur avantage ; ils éprouveront de grands périls sur mer. Cet horoscope donne ordinairement un penchant à la gourmandise ; quelquefois aussi de la prudence, de l’esprit, une certaine dose de modestie. — La femme qui naît sous cette constellation est assez belle, active, emportée, mais facile à apaiser. Elle ne deviendra jamais très-grasse ; elle aimera à rendre service, sera timide et un peu trompeuse.
11° Le Lion. (C’est le lion de la forêt de Némée, qu’Hercule parvint à étouffer, et qui fut mis au nombre des constellations. Il donne le courage.) Le Lion domine dans le ciel du 22 juillet au 21 août. — Celui qui naît sous cette constellation est brave, hardi, magnanime, fier, éloquent et orgueilleux. Il aime la raillerie. Il sera souvent entouré de dangers ; ses enfants feront sa consolation et son bonheur. Il s’abandonnera à sa colère et s’en repentira toujours. Les honneurs et les dignités viendront le trouver ; mais auparavant il les aura cherchés longtemps. Il aura de gros mollets. — La femme qui naît sous cette constellation sera vive, colère et hardie. Elle gardera rancune. Elle parlera beaucoup, et ses paroles seront souvent amères. Au reste, elle sera belle ; elle aura la tête grosse. — Qu’elle se tienne en garde contre l’eau bouillante et le feu. Elle sera sujette aux coliques d’estomac. Elle aura peu d’enfants.
12° La Vierge. (C’est Astrée qu’on a mise au nombre des constellations. Elle donne la pudeur.) La Vierge domine dans le ciel du 22 août au 21 septembre. — L’homme qui naît sous cette constellation est bien fait, sincère, généreux, spirituel, aimant les honneurs. Il sera volé. Il ne saura garder le secret des autres ni le sien. Il aura de l’orgueil, sera décent dans son maintien, dans son langage, et fera du bien à ses amis. Il sera compatissant aux maux des autres. Il aimera la propreté et la toilette. — La femme qui naît sous cette constellation sera chaste, honnête, timide, prévoyante et spirituelle. Elle aimera à faire et à dire du bien. Elle rendra service toutes les fois qu’elle le pourra ; mais elle sera un peu irascible. Cependant sa colère ne sera ni dangereuse ni de longue durée…
On peut espérer que le lecteur ne s’arrêtera à cette ridicule prescience, que pour se divertir un instant.
Horst (Conrad), conseiller ecclésiastique du grand duché de Hesse, a publié en allemand un livre intitulé Bibliothèque magique, ou la magie, la théurgie, la nécromancie, etc. Nous y avons trouvé quelques faits.
Hortensius (Martin), célèbre professeur de mathématiques à Amsterdam, donnait dans les petitesses de l’astrologie. Dans un voyage qu’il fit en Italie, il voulut se mêler de faire son horoscope, et dit à deux jeunes Hollandais de sa compagnie qu’il mourrait en 1639, et que pour eux ils ne lui survivraient pas longtemps. Il mourut en effet l’été de cette année-là. Les Hollandais en furent si frappés, que l’un d’eux mourut bientôt après, et que l’autre qui était fils de Daniel Heinsius, était devenu si languissant, qu’au rapport de Descartes, qui fait mention de cette aventure, il semblait faire tout son possible pour ne pas démentir l’astrologue .
Hortilopits ( Jeanne), sorcière du pays de Labour, arrêtée comme telle en 1603, dès l’âge de quatorze ans, et châtiée pour avoir été au sabbat.
Houille. Le charbon de terre qui se trouve dans le Hainaut et dans le pays de Liège, et que que l’on y brûle communément, porte le nom de houille, à cause d’un certain maréchal nommé Prudhomme-le-Houilleux, qui, dit-on, en fit la première découverte au onzième siècle ; et des doctes assurent qu’un fantôme, sous la figure d’un vieillard habillé de blanc, ou sous celle d’un ange, lui montra la première mine et disparut.
Houmani, génie femelle qui gouverne la région des astres chez les Orientaux. Voy. SchadaSchivaoun.
Houris, vierges merveilleuses, dont Mahomet promet la jouissance éternelle à ses sectateurs dans le paradis. Un ange, d'une beauté ravissante, viendra, disent les musulmans, présenter à chacun des élus, dans un bassin d'argent, une poire ou orange des plus appétissantes. L'heureux musulman prendra ce fruit pour l'ouvrir, et il en sortira aussitôt une jeune fille, dont les grâces et les charmes seront au dessus de l'imagination, même orientale. Selon le Coran, il y a dans le paradis quatre espèces de ces filles. Les premières sont blanches, les secondes vertes, les troisièmes jaunes, les quatrièmes rouges. Leurs corps sont composés de safran, de musc, d'ambre et d'encens; et si, par hasard, une d'entre-elles crachait sur la terre, on y sentirait partout une odeur de musc.
Hrachich, matière enivrante qui produit des hallucinations singulières. Sa préparation n’est pas un secret ; les Arabes nous ont appris que ce qui causait l’ivresse n’était autre chose que de là graine et de la racine de chanvre infusées, qu’on fait bouillir dans du beurre, et dont on forme une friandise en la mêlant avec du sucre, des amandes ou des pistaches. On le vend en tablettes grandes comme la main, et la moitié suffit pour procurer l’ivresse. On le prend aussi en liqueur. Voici une anecdote qui a été racontée dans le Sémaphore de Marseille :
« Quatre jeunes gens de notre ville ont voulu ces jours derniers, à leurs risques et périls, s’expérimenter sur le hrachich ; mais leur curiosité a failli leur être funeste. On s’était réuni dans une bastide des environs de Saint-Loup ; M. B…, négociant d’Alexandrie, fournissait le hrachich, et aidait de ses conseils l’inexpérience de ses trois compagnons. Avant toute chose, on prit du café, du café ordinaire, et on mit dans chaque tasse deux ou trois morceaux de sucre raffiné tout simplement ; puis on passa au hrachich. Chaque convive avala courageusement sa cuillerée ; le poison n’était pas mauvais au goût, au contraire, il fut trouvé fort agréable ; immédiatement après on se mit à table, et ce ne fut que vers la fin du repas que se manifestèrent chez nos amis de vrais symptômes de désorganisation cérébrale, précurseurs des hallucinations étranges qui allaient bientôt les assaillir.
» La première impression physique qu’on reçoive distinctement en se permettant cette débauche, est celle-ci : un grand coup de bâton qu’on vous assène sur la nuque ; c’est l’initiation, et il faut convenir qu’elle est parfaitement turque. Mais la transition de l’état normal à l’extase consiste à sentir sa tête se détacher doucement du corps et prendre une vie joyeusement séparée de ce grossier amas de matières qu’elle n’a plus besoin de gouverner. La tête se soutient en l’air d’une façon fantastique, comme celle des chérubins dans les églises au milieu des nuages ; après quoi tout est bouleversé, et le désordre s’empare de l’esprit, plus ou moins, selon les tempéraments et en raison de l’habitude.
» À la bastide de M. B…, eut lieu une scène comique et douloureuse à la fois ; sitôt que ces messieurs arrivèrent à cette période de l’influence du hrachich, M. B… lui-même, jeune homme connu par sa gaieté expansive et franche, et par une organisation ardente, se prit à pleurer et à sangloter dans d’effrayantes convulsions ; M. V… d’une complexion délicate et nerveuse, se crut mort ; il s’étendit sur le plancher et croisa ses mains sur sa poitrine ; il lui semblait qu’on l’avait placé sur un catafalque noir dans une chapelle ardente ; il entendait les chants des moines, et à travers cela les coups de marteau qui clouaient le cercueil dans lequel il était renfermé. Un autre se persuada qu’il avait des ailes, il s’élança hors de la chambre, et franchissant les degrés comme un oiseau, il alla se poser sur la table du salon au rez-de-chaussée. À cette table dînaient plusieurs dames de la famille de M. B…, qu’on n’avait pas voulu, par convenance, rendre témoins des effets du hrachich. Qu’on se figure le désastre !… les plats, les cristaux, les bouteilles renversés et brisés, et l’effroi de ces dames !… Force fut d’aller chercher du secours dans le voisinage. Les amis arrivèrent de tous côtés et on parvint, à grand’peine, à maîtriser les plus furieux.
» Il serait trop long d’entrer dans le récit détaillé du drame qui se déroula bien avant dans la nuit chez M. B… Il suffit de savoir que ces messieurs furent livrés durant leur longue excitation, aux conceptions les plus folles, aux fantaisies les plus bizarres, aux féeries les plus étincelantes. À les voir dans l’état où ils étaient, tous les assistants consternés les croyaient pour jamais privés de la raison. Le jeune négociant d’Alexandrie, qui avait une mince lueur de perception au sein du désordre général, gémissait au fond de l’âme du triste résultat de la partie, et craignait de les avoir empoisonnés tout de bon. Cependant deux d’entre eux en ont été quittes pour cinq ou six jours de douleurs de tête, sans compter l’atonie morale qu’ils n’ont pas encore tout à fait secouée ; M. V… seul se trouva beaucoup plus fatigué que les autres. Une véritable congestion cérébrale a mis ses jours en danger, et il ne s’en est tiré que grâces aux soins empressés du docteur Cauvière, qui l’a tout de suite saigné abondamment. »
Quand on est dans des dispositions de gaieté et de bonheur, dit M. Granal, le hrachich pris, en dose raisonnable, vous promène à travers les mille et mille caprices de l’imagination la plus riche ; je crois qu’on y acquiert la perception d’un monde invisible, de ce monde de fées et de génies que nos yeux ne peuvent voir dans l’état naturel. On ne connaît pas l’auteur des Mille et une Nuits, je crois le tenir ; c’est, j’en suis sûr, le hrachich en personne. J’ai vu peu de cas de sombre fureur ; quelquefois des accès de colère très-passagers, le plus souvent la gaieté la plus folle. J’ai retenu une seule fois, un hrachach (preneur de hrachich) qui, se croyant oiseau, voulait s’envoler de la fenêtre sur un arbre du jardin. Il avait dénoué les deux bouts de sa ceinture de soie, et, les tenant dans ses mains, il s’écriait : « Je suis oiseau de paradis, je vais m’en voler. » Heureusement, on mit l’oiseau en cage ; un autre entendait le langage des serpents, et, ce qui est plus fort, il le parlait ; je n’en compris pas un mot, bien que je fusse monté à son diapason. Il paraîtra extraordinaire que les individus dans cette situation ne se méprennent pas sur le compte les uns des autres ; ils se traitent de fous sans façon ; mais, si une personne dans son état de bon sens se moque d’eux et les contrarie, ils se fâchent, s’irritent, entrent en fureur ou tombent dans la tristesse. Sentir sa tête se détacher du corps est encore un des effets du hrachich, mais ce n’est pas un effet nécessaire ; il en est qui sentent toujours leur tête sur leurs épaules. Dans une de ces parties, j’ai vu un cas à peu près semblable. Un de mes amis s’écriait : « Ne me touchez pas, je suis statue, vous allez me briser ; et, quelqu’un l’ayant touché ; « Voilà » qui est bien, dit-il ; ma tête roule par ici, mes » bras par là, mes jambes s’en vont chacune de leur côté. »
« J’ajouterai, dit encore M. Granal, que le Vieux de la Montagne exaltait ses sectaires par l’emploi de cette drogue : de là le nom de hrachachin, qui est le pluriel de hrachach, qui veut dire preneur de hrachich, d’où vient le nom français d’assassins. Auriez-vous pensé que ces mots assassiner, assassin, avaient une parenté quelconque avec le hrachich ? C’est pourtant la vérité. »
Huarts, lutins des forêts de Normandie, qui ont le cri du chat-huant, et qui huèrent Richard sans Peur, croyant l’effrayer. Ils sont de la suite du démon Brudemort.
Hubner (Etienne), revenant de Bohême. Plusieurs auteurs ont dit qu’il parut, quelque temps après sa mort, dans sa ville, et qu’il embrassa même quelques-uns de ses amis qu’il rencontra .
Hudemuhlen, château de Lunebourg, qui fut infesté au temps de la réforme par un lutin qui se disait chrétien, mais qui paraissait peu catholique. Il chantait sans se montrer, et frappait comme les esprits de nos jours.
Huet (Pierre-Daniel), célèbre évêque d’Avranches, mort en 1721. — On trouve ce qui suit dans le Huetiana, ou Pensées diverses de M. Huet, évêque d’Avranches, touchant les broucolaques et les tympanites des îles de l’Archipel. « C’est une chose assez étrange que ce qu’on rapporte des broucolaques des îles de l’Archipel. On dit que ceux qui, après une méchante vie, sont morts dans le péché, paraissent en divers lieux avec la même figure qu’ils portaient pendant leur vie ; qu’ils font souvent du désordre parmi les vivants, frappant les uns, tuant les autres ; rendant quelquefois des services utiles, et donnant toujours beaucoup d’effroi. Ils croient que ces corps sont abandonnés à la puissance du démon, qui les conserve, les anime et s’en sert pour la vexation des hommes. Le Père Richard, jésuite, employé aux missions de ces îles, il y a environ cinquante ans, donna au public une relation de l’île de Saint-Erini ou de Sainte-Irène, qui était la Thera des anciens, dont la fameuse Cyrène fut une colonie. Il a fait un grand chapitre de l’histoire des broucolaques. Il dit que, lorsque le peuple est infesté de ces apparitions, on va déterrer le corps, qu’on trouve entier et sans corruption, qu’on le brûle, ou qu’on le met en pièces, principalement le cœur ; après quoi les apparitions cessent et le corps se corrompt . Le mot de Broucolaques vient du Grec moderne Bourcos qui signifie de la bouc, et de Laucos qui signifie fosse, cloaque, parce qu’on trouve ordinairement, comme on l’assure, les tombeaux où l’on a mis ces corps, pleins de bouc. Je n’examine point si les faits que l’on rapporte sont véritables, ou si c’est une erreur populaire ; mais il est certain qu’ils sont rapportés par tant d’auteurs habiles et dignes de foi, et par tant de témoins oculaires, qu’on ne doit pas prendre parti sans beaucoup d’attention. Il est certain aussi que cette opinion, vraie ou fausse, est fort ancienne, et les auteurs en sont pleins. Lorsqu’on avait tué quelqu’un frauduleusement et par surprise, les anciens habitants croyaient ôter au mort le moyen de s’en venger en lui coupant les pieds, les mains, le nez et les oreilles. Cela s’appelait Acroteriazein. Ils pendaient tout cela au cou des défunts, ou ils le plaçaient sous leurs aisselles, d’où s’est formé le mot Mascalizein qui signifie la même chose. On en lit un témoignage exprès dans les Scholies grecques  de Sophocle. C’est ainsi que fat traité par Ménélas Deiphobe, mari d’Hélène, et ce fut en cet état qu’il fut vu d’Énée dans les enfers.
     Atque hic Priamidem laniatum corpore toto
     Deïphobum vidit, lacerum crudeliter ora,
     Ora, manusque ambas, populataque tempora raptis
     Auribus, et truncas inhonesto vulnere nares.
« Suétone écrit qu’après la mort violente de Caligula, son corps n’ayant été brûlé qu’à moitié et enterré fort superficiellement, la maison où on l’avait tué et les jardins où il était mis en terre furent inquiétés de spectres toutes les nuits, jusqu’à ce que cette maison fut brûlée, et que les sœurs du défunt eussent rendu plus régulièrement à son corps les derniers devoirs. Servius marque expressément que les âmes des morts (dans l’opinion des anciens) ne trouvaient le lieu de leur repos qu’après que le corps était entièrement consumé. Les Grecs aujourd’hui sont encore persuadés que les corps des excommuniés ne se corrompent point, mais s’enflent comme un tambour et en expriment le bruit quand on les frappe ou qu’on les roule sur le pavé. C’est ce qui les fait appeler toupi ou tympanites. »
Hugon, espèce de mauvais fantôme, à l’existence duquel le peuple de Tours croit très-fermement. Il servait d’épouvantail aux petits enfants, pour qui il était une manière de Croquemitaine. C’est de lui, dit-on, que les réformés sont appelés huguenots, à cause du mal qu’ils faisaient et de l’effroi que semait leur passage au seizième siècle, qu’ils ont ensanglanté et couvert de débris.
Hugues, bourgeois d’Epinal. Voy. Esprits.
Hugues le Grand, chef des Français, père de Hugues Capet. Gualbert Radulphe rapporte qu’il était guetté par le diable à l’heure de la mort. Une grande troupe d’hommes noirs se présentant à lui, le plus apparent lui dit : Me connais-tu ? — Non, répondit Hugues ; qui peux-tu être ? — Je suis, dit l’homme noir, le puissant des puissants, le riche des riches ; si tu veux croire en moi, je te ferai vivre. Quoique ce capitaine eut été assez dérangé dans sa vie, il fit le signe de la croix. Aussitôt cette bande de diables se dissipa en fumée.
Huile bouillante. Les habitants de Ceylan et des côtes du Malabar emploient l’huile bouillante comme épreuve. Les premiers n’y recourent que dans les affaires de grande importance, comme lorsqu’ils ont des procès pour leurs terres, et qu’il n’y a point de témoins. On se servait autrefois en Europe de l’épreuve par l’huile bouillante pour les causes obscures. L’accusé mettait le poing dans la chaudière ; s’il le retirait sans brûlure, il était acquitté.
Huile de baume. « L’huile de baume, extraite du marc de l’eau céleste, dissipera la surdité, si on en met dans les oreilles trois gouttes de temps en temps, en bouchant lesdites oreilles avec du coton imbibé de ce baume. Il guérit toute sorte de gale et de teigne les plus invétérées, apostèmes, plaies, cicatrices, ulcères vieux et nouveaux, morsures venimeuses de serpents, de scorpions, etc., fistules, crampes et érésipèles, palpitation de cœur et des autres membres, le tout par fomentation et emplâtre. Crollius en fait tant d’estime, qu’il le nomme par excellence huile mère de baume. »
Huile de talc. Le talc est la pierre philosophale fixée au blanc. Nos anciens ont beaucoup parlé de l’huile de talc, à laquelle ils attribuaient tant de vertus que presque tous les alchimistes ont mis en œuvre tout leur savoir pour la composer. Ils ont calciné, purifié, sublimé le talc et n’en ont jamais pu extraire cette huile précieuse. — Quelques-uns entendent, sous ce nom, l’élixir des philosophes hermétiques.
Hu-Jum-Sin, célèbre chimiste, qui trouva, dit-on, la pierre philosophale, et que les Chinois ont mis au rang des dieux. Cet homme, disent-ils, ayant tué un horrible dragon qui ravageait le pays, attacha ce monstre à une colonne, qui se voit encore aujourd'hui, et s'éleva ensuite dans le ciel. Les Chinois, par reconnaissance, lui érigèrent un temple dans l'endroit même où il avait tué le dragon.
Hulin, petit marchand de bois d’Orléans. Étant ensorcelé à mort, il envoya chercher un sorcier qui se vantait d’enlever toutes les maladies. Le sorcier répondit qu’il ne pouvait le guérir, s’il ne donnait la maladie à son fils qui était encore à la mamelle. Le père y consentit. La nourrice, ayant entendu cela, s’enfuit avec l’enfant pendant que le sorcier touchait le père pour lui ôter le mal. Quand il eut fait, il demanda où était l’enfant. Ne le trouvant pas, il commença à s’écrier ; — Je suis mort, où est l’enfant ? — Puis il s’en alla très-piteux ; mais il n’eut pas plutôt mis les pieds hors la porte, que le diable le tua soudain. Il devint aussi noir que si on l’eût noirci de propos délibéré ; car la maladie était restée sur lui .
Humbert de Beaujeu. Geoffroi d’Iden lui apparut après sa mort pour réclamer des prières .
Humma, dieu souverain des Cafres, qui fait tomber la pluie, souffler les vents, et qui donne le froid et le chaud. Ils ne croient pas qu’on soit obligé de lui rendre hommage, parce que, disent-ils, il les brûle de chaleur et de sécheresse sans garder la moindre proportion.
Hunéric. Avant la persécution d’Hunéric, fils de Genséric, roi des Vandales, qui fut si violente contre les catholiques d’Afrique, plusieurs signes annoncèrent, dit-on, cet orage. On aperçut sur le mont Ziquen un homme de haute stature, qui criait à droite et à gauche : « Sortez, sortez. » On vit aussi à Carthage, dans l’église de Saint-Fauste, une grande troupe d’Éthiopiens qui chassaient les saints comme le berger chasse ses brebis. Il n’y eut guère de persécution d’hérétiques contre les catholiques plus forte que celle-là .
Huns. Les anciens historiens donnent à ces peuples l’origine la plus monstrueuse. Jornandès raconte  que Philimer, roi des Goths, entrant dans les terres gétiques, n’y trouva que des sorcières d’une laideur affreuse ; qu’il les repoussa loin de son armée ; qu’elles errèrent seules dans les déserts, où des démons s’unirent avec elles. C’est de ce commerce infernal que naquirent les Huns, si souvent appelés les enfants du diable. Ils étaient d’une difformité horrible. Les historiens disent qu’à leurs yeux louches et sauvages, à leur figure torse, à leur barbe de bouc, on ne pouvait s’empêcher de les reconnaître pour enfants de démons. Besoldus prétend, après Servin, que le nom de Huns vient d’un mot tudesque, ou celtique, ou barbare, qui signifie puissants par la magie, grands magiciens. Bonnaire dit, dans son Histoire de France, que les Huns, venant faire la guerre à Cherebert, ou Caribert, furent attaqués près de la rivière d’Elbe par Sigebert, roi de Metz, et que les Francs furent obligés de combattre contre les Huns et contre les spectres dont ces barbares avaient rempli l’air, par un effet de la magie ; ce qui rendit leur victoire plus distinguée. Voy. Ogres.
Huppe, oiseau commun, nommé parles Chaldéens Bori, et par les Grecs Isan. Celui qui le regarde devient gros ; si on porte les yeux de la huppe sur l’estomac, on se réconciliera avec tous ses ennemis. Enfin, c’est de peur d’être trompé par quelque marchand qu’un homme de précaution a sa tête dans une bourse .
Hus, l’un des précurseurs de Luther. Il fit faire des progrès à la confrérie occulte des sorciers.
Hutgin, démon qui trouve du plaisir à obliger les hommes, se plaisant en leur société, répondant à leurs questions, et leur rendant service quand il le peut, selon les traditions de la Saxe. Voici une des nombreuses complaisances qu’on lui attribue : — Un Saxon partant pour un voyage, et se trouvant fort inquiet sur la conduite de sa femme, dit à Hutgin ; — Compagnon, je te recommande ma femme ; aie soin de la garder jusqu’à mon retour. — La femme, aussitôt que son mari fut parti, voulut se donner des licences ; mais le démon l’en empêcha. Enfin le mari revint ; Hutgin courut au devant de lui et lui dit : — Tu fais bien de revenir, car je commence à me lasser de la commission que tu m’as donnée. Je l’ai remplie avec toutes les peines du monde ; et je te prie de ne plus t’absenter, parce que j’aimerais mieux garder tous les pourceaux de la Saxe que ta femme . On voit que ce démon ne ressemble guère aux autres.
Hvergelmer, fontaine infernale. Voy. Niflheim.
Hyacinthe, pierre précieuse que l’on pendait au cou pour se défendre de la peste. De plus, elle fortifiait le cœur, garantissait de la fondre et augmentait les richesses et les honneurs.
Hydraoth, magicien célébré par le Tasse : il était père du Soudan de Damas et oncle d’Armide, qu’il instruisit dans les arts magiques .
Hydromancie ou Hydroscopie, art de prédire l’avenir par le moyen de l’eau ; on en attribue l’invention aux Perses. Les doctes en distinguent plusieurs espèces :1° Lorsqu’à la suite des invocations et autres cérémonies magiques, on voyait écrits sur l’eau les noms des personnes ou des choses qu’on désirait connaître ; et ces noms se trouvaient écrits à rebours ; 2° on se se servait d’un vase plein d’eau et d’un anneau suspendu à un fil, avec lequel on frappait un certain nombre de fois les côtés du vase ; 3° on jetait successivement, et à de courts intervalles, trois petites pierres dans une eau tranquille et dormante, et, des cercles qu’en formait la surface, ainsi que de leur intersection, on tirait des présages ; 4° on examinait attentivement les divers mouvements et l’agitation des flots de la mer. Les Siciliens et les Eubéens étaient fort adonnés à cette superstition ; 5° on tirait des présages de la couleur de l’eau et des figures qu’on croyait y voir. C’est ainsi, selon Varron, qu’on apprit à Rome quelle serait l’issue de la guerre contre Mithridate. Certaines rivières ou fontaines passaient chez les anciens pour être plus propres que d’autres à ces opérations ; 6° c’était encore par une espèce d’hydromancie que nos pères les Gaulois éclaircissaient leurs soupçons sur la fidélité des femmes : ils jetaient dans le Rhin, sur un bouclier, les enfants dont elles  venaient d’accoucher ; s’ils surnageaient, ils les tenaient pour légitimes, et pour bâtards s’il allaient au fond  ; 7° on remplissait d’eau une coupe ou une tasse, et, après avoir prononcé dessus certaines paroles, on examinait si l’eau bouillonnait et se répandait par-dessus les bords ; 8° on mettait de l’eau dans un bassin de verre ou de cristal ; puis on y jetait une goutte d’huile, et l’on s’imaginait ; voir dans cette eau, comme dans un miroir, ce dont on désirait d’être instruit ; 9° les femmes des Germains pratiquaient une neuvième sorte d’hydromancie, en examinant, pour y deviner l’avenir, les tours et détours et le bruit que faisaient, les eaux des fleuves dans les gouffres ou tourbillons qu’ils formaient. ; 10° enfin, on peut rapporter à l’hydromancie une superstition qui a longtemps été en usage en Italie. Lorsqu’on soupçonnait des personnes d’un vol, on écrivait leurs noms sur autant de petits cailloux qu’on jetait dans l’eau. Le nom du voleur ne s’effaçait pas. Voy. Oomancie, Cagliostro, etc.
Hyène. Les Égyptiens croyaient que la hyène changeait de sexe chaque année. On donnait le nom de pierres de la hyène à des pierres qui, au rapport de Pline, se trouvent dans le corps de la hyène, lesquelles, placées sous la langue, attribuaient à celui qui les portait le don de prédire l’avenir.
Hyméra. — Une femme de Syracuse, nommée Hyméra, eut un songe, pendant lequel elle crut monter au ciel, conduite par un jeune homme qu’elle ne connaissait point. Après qu’elle eut vu tous les dieux et admiré les beautés de leur séjour, elle aperçut, attaché avec des chaînes de fer, sous le trône de Jupiter, un homme robuste, d’un teint roux, le visage tacheté de lentilles. Elle demanda à son guide quel était cet homme ainsi enchaîné ? Il lui fut répondu que c’était le mauvais destin de l’Italie et de la Sicile, et que, lorsqu’il serait délivré de ses fers, il causerait de grands maux. Hyméra s’éveilla là-dessus, et le lendemain elle divulgua son rêve.
Quelque temps après, quand Denys le Tyran se fut emparé du trône de la Sicile, Hyméra le vit entrer à Syracuse, et s’écria que c’était l’homme qu’elle avait remarqué si bien enchaîné dans le ciel. Le tyran ayant appris cette singulière circonstance, fit mourir la songeuse.
Hynerfanger (Isaac), juif cabaliste du treizième siècle, qui fut considéré comme un puissant magicien.
Hypnotisme. C’est le nom qu’on a donné à un procédé du docteur Braid (Anglais), lequel consiste, au moyen du sommeil nerveux ou magnétique, à produire un état de catalepsie artificielle, et permet ainsi de faire des opérations chirurgicales sans douleur actuelle. On pourrait expliquer par là quelques faits de sorcellerie.

                                                                                    I
Ialysiens, peuple dont parle Ovide, et dont les regards avaient la vertu magique de gâter tout ce qu’ils fixaient. Jupiter les changea en rochers et les exposa aux fureurs des flots.
Iamen, dieu de la mort chez les Indiens.
Ibis, oiseau d'Egypte, qui ressemble à la cigogne. Quand il met sa tête et son cou sous ses ailes, dit Elien, sa figure revient à celle du cœur humain. On dit que cet oiseau a introduit l'usage des remèdes. Les Egyptiens lui rendaient les honneurs divins, et il y avait peine de mort pour ceux qui tuaient un ibis, même par mégarde. Ce respect pour l'ibis était fondé sur l'utilité. Au printemps, il sortait d'Arabie une infinité de serpents ailés qui venaient fondre sur l'Egypte, où ils auraient fait les plus grands ravages sans ces oiseaux, qui leur donnaient la chasse et les détruisaient entièrement. Ils faisaient aussi la guerre aux chenilles  et aux sauterelles. On voit souvent l'ibis sur la Table Isiaque. Isis est quelquefois représentée avec une tête d'ibis.
Iblis, le même qu’Éblis. Voy. Ce mot.
Ichneumon, rat du Nil, auquel les Égyptiens rendaient un culte particulier ; il avait ses prêtres et ses autels. Buffon dit qu’il vit dans l’état de domesticité, et qu’il sert comme les chats à prendre les souris. Il est plus fort que le chat, s’accommode de tout, chasse aux oiseaux, aux quadrupèdes, aux serpents et aux lézards. Pline conte qu’il fait la guerre au crocodile, qu’il l’épie pendant son sommeil, et que, si ce vaste reptile est assez imprudent pour dormir la gueule ouverte, l’ichneumon s’introduit dans son estomac et lui ronge les entrailles. M. Denon assure que c’est une fable. Ces deux animaux n’ont jamais rien à démêler ensemble, ajoute-t-il, puisqu’ils n’habitent pas les mêmes parages. On ne voit pas de crocodiles dans la basse Égypte : on ne voit pas non plus d’ichneumons dans la haute.
Ichthyomancie, divination qui se pratiquait en considérant les entrailles d'un poisson. Tirésias et Polydamas y recoururent dans le temps de la guerre de Troie. Pline rapporte qu'à Myre en Lycie on jouait de la flûte à trois reprises pour faire approcher les poissons de la fontaine d'Apollon, que ces poissons tantôt dévoraient la viande qu'on leur jetait, ce que les consultants prenaient en bonne part,  tantôt la méprisaient et la repoussaient avec la queue, ce qu'on regardait comme un mauvais présent.
Ida. On voit dans la légende-de la bienheureuse Ida de Louvain quelques apparitions du diable, qui cherche à la troubler et qui n’y parvient pas. (Bollandistes, 13 avril.)
Iden (Geoffroid). Voy. Geoffroid.
Idiot. En Écosse, les gens du peuple ne voient pas comme un malheur un enfant idiot dans une famille. Ils voient là, au contraire, un signe de bénédiction. Cette opinion est partagée par plusieurs peuples de l’Orient. Nous nous bornons à la mentionner sans la juger.
Idoles. L’idole est une image, une figure, une représentation d’un être imaginaire ou réel. Le culte d’adoration rendu à quelque idole s’appelle idolâtrie. — Si les idoles ont fait chez les païens des choses que l’on pouvait appeler prodiges, ces prodiges n’ont eu lieu que par le pouvoir des démons ou par le charlatanisme. Saint Grégoire le thaumaturge, se rendant à Néo Césarée, fut surpris par la nuit et par une pluie violente qui l’obligea d’entrer dans un temple d’idoles, fameux dans la contrée à cause des oracles qui s’y rendaient. Il invoqua le nom de Jésus-Christ, fit le signe de la croix pour purifier le temple, et passa une partie de la nuit à chanter les louanges de Dieu, suivant son habitude. Après qu’il fut parti, le prêtre des idoles vint au temple, se disposant à faire les cérémonies de son culte. Les démons lui apparurent aussitôt, et lui dirent qu’ils ne pouvaient plus habiter ce lieu, depuis qu’un saint évêque y avait séjourné. Il promit bien des sacrifices pour les engager à tenir ferme sur leurs autels ; mais la puissance de Satan s’était éclipsée devant Grégoire. Le prêtre, furieux, poursuivit l’évêque de Néo Césarée, et le menaça de le faire punir juridiquement s’il ne réparait le mal qu’il venait de causer. Grégoire, qui l’écoutait sans s’émouvoir, lui répondit : — Avec l’aide de Dieu, qui chasse les démons, ils pourront revenir s’il le permet. Il prit alors un papier sur lequel il écrivit : — Grégoire à Satan : Rentre. Le sacrificateur étonné porta ce billet dans son temple, fit ses sacrifices, et les démons y revinrent. Réfléchissant alors à la puissance de Grégoire, il retourna vers lui à la hâte, se fit instruire dans la religion chrétienne et, convaincu par un nouveau miracle du saint thaumaturge, il devint son disciple. — Porphyre avoue que les démons s’enfermaient dans les idoles pour recevoir le culte des gentils. « Parmi les idoles, dit-il, il y a des esprits impurs, trompeurs et malfaisants, qui veulent passer pour des dieux et se faire adorer par les hommes ; il faut les apaiser, de peur qu’ils ne nous nuisent. Les uns, gais et enjoués, se laissent gagner par des spectacles et des jeux ; l’humeur sombre des autres veut l’odeur de la graisse et se repaît des sacrifices sanglants. »
Ce qui est bien singulier, c’est qu’aujourd’hui il y a, à Birmingham, une fabrique d’idoles pour les payens de l’Inde et de la Chine. Voici un extrait de son curieux catalogue : — « Yamen, dieu de la mort, en cuivre fin, fabriqué avec beaucoup de goût. — Nirondi, roi des démons ; modèles très-variés. Le géant qu’il monte est du plus hardi dessin, et son sabre de modèle moderne. — Varonnin, dieu du soleil, plein de vie ; son crocodile est en airain et son fouet en argent. — Couberen, dieu des richesses ; ce dieu est d’un travail admirable ; le fabricant y a mis tout son art et tout son talent. On trouve des demi-dieux et des démons inférieurs de toute espèce. — On ne fait pas de crédit, escompte sur payement comptant. »
Mais, les Indiens respectent leurs stupides idoles, tandis que les payens de l’antiquité traitaient assez cavalièrement les leurs. Benjamin Binet, dans son Traité des dieux et des démons du paganisme, nous en fournit quelques exemples :
« On ne peut rien concevoir, dit-il, de plus indigne que la manière dont ils traitaient leurs idoles. Je ne parle point d’Ochus, roi des Perses, qui tua le bœuf Apis et le mangea avec ses amis (Plut., de Isid. et Osid.), parce que l’on pourrait demander si ce bœuf était ou un simple hiéroglyphe, ou le dieu même des Perses. Quoi qu’il en soit, c’était une extrême profanation de faire d’un animal si sacré un repas à ses amis. Denis, roi de Sicile, n’était pas plus favorablement prévenu en faveur des dieux de la Grèce et de leurs images. Comme il ne manquait pas d’esprit, il apostropha agréablement Jupiter Olympien pour s’approprier ses riches dépouilles ; « Je te plains, lui dit-il, d’être toujours chargé d’un habit d’or ; il t’est trop pesant en été, et trop léger en hiver ; prends plutôt cet habit de laine, qui te sera commode en l’une et l’autre saison (Arn., lib. vi, et Lact., lib. ii, cap. 4). » Ce fut ce même prince qui, ne pouvant souffrir qu’Esculape, fils d’Apollon, portât une barbe d’or longue et épaisse, pendant que son père paraissait comme un jeune homme sans barbe, la lui arracha, disant : « Que peut-on voir de plus malséant qu’Esculape, fils d’Apollon, ait le menton chargé d’une barbe philosophique, et qu’Apollon ne paraisse que comme un jouvenceau sans barbe (Arn. et Lact., ib.)? » Il poussa encore la profanation jusqu’à prendre des mains des idoles des coupes et des ornements d’or et d’argent, parce que, disait-il, il ne faut rien refuser de la main des dieux. Nous lisons aussi que Caligula outragea les dieux de la Grèce de la manière la plus cruelle : « car, dit Suétone, il commanda que Ton apportât de Grèce les images des dieux célèbres par leur culte et par leur art, entre lesquelles était celle de Jupiter Olympien, et il les fit décapiter pour y mettre sa tête (Suet., lib. iv, cap. 22). » Vous (lirez apparemment qu’il ne faut pas s’étonner que ces princes, qui étaient des tyrans, aient eu si peu de vénération pour les dieux ; qu’étant les oppresseurs de la liberté et de la religion, leur exemple ne prouve rien. Mais il est étrange que le sénat, les prêtres, les peuples ne se soient pas soulevés contre cette impiété. Vous les voyez tous se liguer contre la tyrannie de leurs rois et de leurs empereurs, les massacrer quand ils foulent aux pieds leurs privilèges ; ici au contraire ils demeurent tranquilles, lorsque l’on détruit leur religion, la chose du monde à laquelle les hommes sont le plus attachés. Mais choisissons un exemple décisif, c’est celui de César. Les armées navales de Sextus Pompée et les tempêtes ayant dissipé ses deux flottes, il s’écria : Je vaincrai, en dépit de Neptune ! et afin de montrer combien il méprisait les dieux, il jeta par terre l’image de ce dieu pendant la célébration des jeux circulaires où l’on portait en pompe les images des dieux pour les rendre témoins de cet honneur (Sueton., lib. ii, cap. 16). »
Ifurin, enfer des Gaulois. C'était une région sombre et terrible, inaccessible aux rayons du soleil, infestée d'insectes venimeux, de reptiles, de lions rugissants et de loups carnassiers. Les coupables comme Prométhée, toujours dévorés, renaissaient pour souffrir toujours. Les grands criminels étaient enchaînés dans des cavernes encore plus horribles, plongés dans un étang de couleuvres, et brûlés par le poison qui distillait sans cesse de la voûte. Les gens inutiles, ceux qui n'avaient eu qu'une bonté négative, ou qui étaient moins coupables, résidaient au milieu de vapeurs épaisses et pénétrantes élevées au-dessus de ces hideuses prisons. Le plus grand supplice était le froid glaçant qui tourmentait les corps grossiers des habitants, et qui donnait son nom à cette espèce d'enfer.
Ignorance. Ceux qui enseignèrent que l’Océan était salé de peur qu’il ne se corrompît, et que les marées étaient faites pour conduire nos vaisseaux dans les ports, ne savaient sûrement pas que la Méditerranée a des ports et point de reflux. Voy. Erreurs, Merveilles, Prodiges, etc., etc.
Île fantôme. C’est l’île de Saint-Brandan, riche de sept belles cités, que beaucoup de voyageurs ont cru voir de loin, mais qu’ils n’ont jamais abordée, parce qu’elle disparaît à mesure que l’on croit s’en approcher. Ce n’est qu’un mirage.
Îles. Il y a, dans la Baltique, des îles rapprochées que les pêcheurs croient avoir été faites par des enchanteurs, qui voulaient s’en aller plus facilement d’un lieu à un autre, et qui établissaient ainsi des stations sur leur roule. C’est une tradition des riverains de la mer Baltique, mentionnée par M. Marmier.
Illuminés, sorte de francs-maçons d’Allemagne, qui croient avoir la seconde vue et qui prophétisent. On connaît peu leur doctrine, qui est vague et libre ; mais ils ont eu des prédécesseurs. En 1575, Jean de Villalpando et une carmélite, nommée Catherine de Jésus, établirent une secte d’illuminés, que l’inquisition de Cordoue dispersa. Pierre Guérin les ramena en France en 1634. Ils prétendaient que Dieu avait révélé à l’un d’entre eux, le frère Antoine Bocquet, une pratique de vie et de foi suréminente, au moyen de laquelle on devenait tellement saint, qu’on ne faisait plus qu’un avec Dieu, et qu’alors on pouvait sans péché se livrer à toutes ses passions. Ils se flattaient d’en remontrer aux apôtres, à tous les saints et à toute l’Église. Louis XIII dissipa cette secte de fous. Voy. Saint Martin.
Images de cire. Ceux qui faisaient des images de cire pour l’envoûtement les baptisaient au nom de Béelzébub ; puis ils les perçaient de coups de stylet ou les brûlaient, dans la pensée que la personne dont l’image portait le nom subissait le traitement de l’image. Cette sorcellerie était connue des anciens. Voy. Envoûtement, Duffus, Eberard, Henri III, etc.