Imagination. Les rêves, les songes, les chimères, les terreurs paniques, les superstitions, les préjugés, les prodiges, les châteaux en Espagne, le bonheur, la gloire et plusieurs contes d’esprits et de revenants, de sorciers et de diables, sont ordinairement les enfantements de l’imagination. Son domaine est immense, son empire est despotique ; une grande force d’esprit peut seule en réprimer les écarts. Un Athénien, ayant rêvé qu’il était devenu fou, en eut l’imagination tellement frappée, qu’à son réveil il fit des folies comme il croyait devoir en faire, et perdit en effet la raison. On connaît l’origine de la fièvre de Saint-Vallier. À cette occasion, Pasquier parle de la mort d’un bouffon du marquis de Ferrare, nommé Gonelle, qui, ayant entendu dire qu’une grande peur guérissait de la fièvre, voulut guérir de la fièvre quarte le prince son maître, qui en était tourmenté. Pour cet effet, passant avec lui sur un pont assez étroit, il le poussa et le fit tomber dans l’eau au péril de sa vie. On repêcha le souverain, et il fut guéri. Mais, jugeant que l’indiscrétion de Gonelle méritait quelque punition, il le condamna à avoir la tête coupée, bien résolu cependant à ne pas le faire mourir. Le jour de l’exécution, il lui fit bander les yeux, et ordonna qu’au lieu d’un coup de sabre on ne lui donnât qu’un petit coup de serviette mouillée ; l’ordre fut exécuté et Gonelle délié aussitôt après ; mais le malheureux bouffon était mort de peur. Est-ce vrai ? Mais Pasquier a fait tant de contes ! Héquet parle d’un homme qui, s’étant couché avec les cheveux noirs, se leva le matin avec les cheveux blancs, parce qu’il avait rêvé qu’il était condamné à un supplice cruel et infamant. Dans le Dictionnaire de police de des Essarts, on trouve l’histoire d’une jeune fille à qui une sorcière prédit qu’elle serait pendue ; ce qui produisit un tel effet sur son esprit, qu’elle mourut suffoquée la nuit suivante. Athénée raconte que quelques jeunes gens d’Agrigente étant ivres, dans une chambre de cabaret, se crurent sur une galère, au milieu de la mer en furie, et jetèrent par les fenêtres tous les meubles de la maison, pour soulager le bâtiment. Il y avait à Athènes un fou qui se croyait maître de tous les navires qui entraient dans le Pirée, et il donnait ses ordres en conséquence. Horace parle d’un autre fou qui croyait toujours assistera un spectacle, et qui, suivi d’une troupe de comédiens imaginaires, portait un théâtre dans sa tête, où il était tout à la fois et l’acteur et le spectateur. On voit chez les maniaques des choses aussi singulières ; tel s’imagine être un moineau, un vase de terre, un serpent ; tel autre se croit un dieu, un orateur, un Hercule. Et parmi les gens qu’on dit sensés, en est-il beaucoup qui maîtrisent leur imagination, et se montrent exempts de faiblesses et d’erreurs ? Plusieurs personnes mordues par des chiens ont été très-malades parce que, les supposant atteints de la rage, elles se croyaient menacées où déjà affectées du même mal. La Société royale des sciences de Montpellier rapporte, dans un mémoire publié en 1730, que, deux frères ayant été mordus par un chien enragé, l’un d’eux partit pour la Hollande, d’où il ne revint qu’au bout dix ans. Ayant appris, à son retour, que son frère, depuis longtemps, était mort hydrophobe, il se sentit malade et mourut lui-même enragé par la crainte de l’être.Voici un fait qui n’est pas moins extraordinaire : un jardinier rêva qu’un grand chien noir l’avait mordu. Il ne pouvait montrer aucune trace de morsure ; sa femme, qui s’était levée au premier cri, lui assura que toutes les portes étaient bien fermées et qu’aucun chien n’avait pu entrer. Ce fut en vain ; l’idée du gros chien noir restait toujours présente à son imagination ; il croyait le voir sans cesse : il en perdit le sommeil et l’appétit, devint triste, rêveur, languissant. Sa femme, qui, raisonnable au commencement, avait fait tous ses efforts pour le calmer et le guérir de son illusion, finit par s’imaginer que, puisqu’elle n’avait pas réussi, il y avait quelque chose de réel dans l’idée de son mari, et qu’ayant été couchée à côté de lui, il était fort possible qu’elle eût été aussi mordue. Celte disposition d’esprit développa chez elle les mêmes symptômes que chez son mari, abattement, lassitude, frayeur, insomnie. Le médecin, voyant échouer toutes les ressources ordinaires de son art contre cette maladie de l’imagination, leur conseilla d’aller en pèlerinage à Saint-Hubert. Dès ce moment les deux malades furent plus tranquilles : ils allèrent à Saint-Hubert, y subirent le traitement usité, et revinrent guéris.
Un homme pauvre et malheureux s’était tellement frappé l’imagination de l’idée des richesses, qu’il avait fini par se croire dans la plus grande opulence. Un médecin le guérit, et il regretta sa folie. On a vu, en Angleterre, un homme qui voulait absolument que rien ne l’affligeât dans ce monde. En vain on lui annonçait un événement fâcheux ; il s’obstinait à le nier. Sa femme étant morte, il n’en voulut rien croire. Il faisait mettre à table le couvert de la défunte, et s’entretenait avec elle, comme si elle eût été présente ; il en agissait de même lorsque son fils était absent. Près de sa dernière heure, il soutint qu’il n’était pas malade, et mourut avant d’en avoir eu le démenti.
Voici une autre anecdote : Un maçon, sous l’empire d’une monomanie qui pouvait dégénérer en folie absolue, croyait avoir avalé une couleuvre ; il disait la sentir remuer dans son ventre. M. Jules Cloquet, chirurgien de l’hôpital Saint-Louis, à qui il fut amené, pensa que le meilleur, peut-être le seul moyen pour guérir ce monomane, était de se prêter à sa folie. Il offrit en conséquence d’extraire la couleuvre par une opération chirurgicale. Le maçon y consent ; une incision longue, mais superficielle, est faite à la région de l’estomac, des linges, des compresses, des bandages rougis par le sang sont appliqués. La tête d’une couleuvre dont on s’était précautionné est passée avec adresse entre les bandes et la plaie. « Nous la tenons enfin, s’écria l’adroit chirurgien ; la voici. » En même temps, le patient arrache son bandeau : Il veut voir le reptile qu’il a nourri dans son sein. Quelque temps après, une nouvelle mélancolie s’empare de lui ; il gémit, il soupire ; le médecin est rappelé : « Monsieur, lui dit-il avec anxiété, si elle avait fait des petits ? — Impossible ! c’est un mâle. »
On attribue ordinairement à l’imagination des femmes la production des fœtus monstrueux. M. Salgues a voulu prouver que l’imagination n’y avait aucune part, en citant quelques animaux qui ont produit des monstres, et d’autres preuves pourtant insuffisantes. Plessman, dans sa Médecine puerpérale ; Harting, dans une thèse ; Demangeon, dans ses Considérations physiologiques sur le pouvoir de l’imagination maternelle dans la grossesse, soutiennent l’opinion générale. Les femmes enceintes défigurent leurs enfants, quoique déjà formés, lorsque leur imagination est violemment frappée. Malebranche parle d’une femme qui, ayant assisté à l’exécution d’un malheureux condamné à la roue, en fut si affectée, qu’elle mit au monde un enfant dont les bras, les cuisses et les jambes étaient rompus à l’endroit où la barre de l’exécuteur avait frappé le condamné. Le peintre Jean-Baptiste Rossi fut surnommé Gobbino parce qu’il était agréablement gobbo, c’est-à-dire bossu. Sa mère était enceinte de lui lorsque son père sculptait le gobbo, bénitier devenu célèbre, et qui a fait le pendant du pasquino, autre bénitier de Gabriel Cagliari.
Une femme enceinte jouait aux cartes. En relevant son jeu, elle voit que, pour faire un grand coup, il lui manque l’as de pique. La dernière carte qui lui rentre était effectivement celle qu’elle attendait. Une joie immodérée s’empare de son esprit, se communique, comme un choc électrique, à toute son existence ; et l’enfant qu’elle mit au monde porta dans la prunelle de l’œil la forme d’un as de pique, sans que l’organe de la vue fût d’ailleurs offensé par cette conformation extraordinaire. Le trait suivant est encore plus étonnant, dit Lavater. « Un de mes amis m’en a garanti l’authenticité. Une dame de condition du Rhinthal voulut assister, dans sa grossesse, au supplice d’un criminel qui avait été condamné à avoir la tête tranchée et la main droite coupée. Le coup qui abattit la main effraya tellement la femme enceinte, qu’elle détourna la tête avec un mouvement d’horreur, et se retira sans attendre la fin de l’exécution. Elle accoucha d’une fille qui n’eut qu’une main, et qui vivait encore lorsque mon ami me fit part de cette anecdote ; l’autre main sortit séparément, après l’enfantement. »
Il y a, du reste, sur les accouchements prodigieux bien des contes : « J’ai lu dans un recueil de faits merveilleux, dit M. Salgues, Des erreurs et des préjugés répandus dans la société, qu’en 1778, un chat, né à Stap, en Normandie, devint épris d’une poule du voisinage et qu’il lui fit une cour assidue. La fermière ayant mis sous les ailes de la poule des œufs de cane qu’elle voulait faire couver, le chat s’associa à ses travaux maternels. Il détourna une partie des œufs et les couva si tendrement, qu’au bout de vingt-cinq jours il en sortit de petits êtres amphibies, participant de la cane et du chat, tandis que ceux de la poule étaient des canards ordinaires. Le docteur Vimond atteste qu’il a vu, connu, tenu le père et la mère de cette singulière famille, et les petits eux-mêmes. Mais on dit au docteur Vimond : — Aviez-vous la vue bien nette quand vous avez examiné vos canards amphibies ? vous avez trouvé l’animal vêtu d’un poil noirâtre, touffu et soyeux ; mais ne savez-vous pas que c’est le premier duvet des canards ? Croyez-vous que l’incubation d’un chat puisse dénaturer le germe renfermé dans l’œuf ? Alors pourquoi l’incubation de la poule aurait-elle été moins efficace et n’aurait-elle pas produit des êtres moitié poules et moitié canards ? »
On rit aujourd’hui de ces contes, on n’oserait plus écrire ce que publiaient les journaux de Paris il y a soixante ans, qu’une chienne du faubourg Saint-Honoré venait de mettre au jour quatre chats et trois chiens. — Élien, dans le vieux temps, a pu parler d’une truie qui mit bas un cochon ayant une tête d’éléphant, et d’une brebis qui mit bas un lion. Nous le rangerons à côté de Torquemada, qui rapporte, dans la sixième journée de son Hexameron, qu’en un lieu d’Espagne, qu’il ne nomme pas, une jument était tellement pleine, qu’au temps de mettre bas son fruit, elle creva et qu’il sortit d’elle une mule qui mourut incontinent, ayant comme sa mère le ventre si gros et si enflé, que le maître voulut voir ce qui était dedans. On l’ouvrit et on y trouva une autre mule de laquelle elle était pleine…
Autre anecdote : Un duc de Mantoue avait, dans ses écuries une cavale pleine, qui mit bas un mulet. Il envoya aussitôt aux plus célèbres astrologues d’Italie l’heure de la naissance de cette bête, les priant de lui faire l’horoscope d’un bâtard né dans son palais sous les conditions qu’il indiquait. Il prit bien soin qu’ils ne sussent pas que c’était d’un mulet qu’il voulait parler. Les devins firent de leur mieux pour flatterie prince, ne doutant pas que ce bâtard ne fût de lui. Les uns dirent qu’il serait général d’armée ; les autres en firent mieux encore et tous le comblèrent de dignités. — Mais rentrons dans les accouchements prodigieux. On publia au seizième siècle qu’une femme ensorcelée venait d’enfanter plusieurs grenouilles. De telles nouveautés étaient reçues alors sans opposition. Au commencement du dix-huitième siècle les gazettes d’Angleterre annoncèrent, d’après le certificat du chirurgien accoucheur, appuyé de l’anatomiste du roi, qu’une paysanne venait d’accoucher de beaucoup de lapins ; et le public le crut jusqu’au moment où l’anatomiste avoua qu’il s’était prêté à une mystification. On fit courir le bruit, en 1471, qu’une femme à Pavie, avait mis bas un chien ; on cita la Suissesse qui, en 1278, avait donné le jour à un lion, et la femme que Pline dit avoir été mère d’un éléphant. — On voit dans d’autres conteurs anciens qu’une autre Suissesse se délivra d’un lièvre ; une Thuringienne, d’un crapaud ; que d’autres femmes mirent bas des poulets[2]. Ambroise Paré cite, sur ouï-dire, un jeune cochon napolitain qui portait une tête d’homme sur son corps de cochon. Boguet assure, dans ses Discours des exécrables sorciers, qu’une femme maléficiée mit au jour à la fois, en 1531, une tête d’homme, un serpent à deux pieds et un petit pourceau. Bayle parle d’une femme qui passa pour être accouchée d’un chat noir ; le chat fut brûlé comme produit d’un démon. Volaterranus se préoccupe d’un enfant qui naquit homme jusqu’à la ceinture, et chien dans la partie inférieure du corps. Un autre enfant monstrueux vint au monde, sous le règne de Constance, avec deux bouches, quatre yeux, deux petites oreilles et de la barbe. Un savant professeur de Louvain, Cornélius Gemma, écrivant à une époque où l’on admettait beaucoup de choses, rapporte qu’en 1545 une dame de noble lignée mit au monde, dans la Belgique, un garçon qui avait, au dire des experts, la tête d’un démon avec une trompe d’éléphant au lieu de nez, des pattes d’oie au lieu de mains, des yeux de chat au milieu du ventre, une tête de chien à chaque genou, deux visages de singe sur l’estomac et une queue de scorpion longue d’une demi-aune de Brabant (trente-cinq centimètres). Ce petit monstre ne vécut que quatre heures, et poussa des cris en mourant par les deux gueules de chien qu’il avait aux genoux.
Nous pourrions multiplier ces contes, fondés sur quelques phénomènes naturels que l’imagination des femmes enceintes a produits. Arrêtons-nous un moment aux faits prodigieux plus réels. Tels sont les enfants nés sans tête, ou plutôt dont la tête n’est pas distincte des épaules. Un de ces enfants vint au monde au village de Schmechten, près de Paderborn, le 16 mai 1565 ; il avait la bouche à l’épaule gauche et une seule oreille à l’épaule droite. Mais en compensation de ces enfants sans tête, une Normande accoucha, le 20 juillet 16844 d’un enfant mâle dont la tête semblait double. Il avait quatre yeux, deux nez crochus, deux bouches, deux langues et seulement deux oreilles. L’intérieur renfermait deux cerveaux, deux cervelets et trois cœurs ; les autres viscères étaient simples. Ce garçon vécut une heure ; et peut-être eût-il vécu plus longtemps si la sage-femme, qui en avait peur, ne l’eût laissé tomber. — Le phénomène des êtres bicéphales est moins rare que celui des acéphales. On présenta en 1779, à l’Académie des sciences de Paris, un lézard à deux têtes, qui se servait également bien de toutes les deux. Le Journal de médecine du mois de février 1808 donne des détails curieux sur un enfant né avec deux têtes, mais placées l’une au-dessus de l’autre, de sorte que la première en portait une seconde ; cet enfant était né au Bengale. À son entrée dans le monde, il effraya tellement la sage-femme que, croyant tenir le diable dans les mains, elle le jeta au feu. On se hâta de l’en retirer, mais il eut les oreilles endommagées. Ce qui rendait le cas encore plus singulier, c’est que la seconde tête était renversée, le front en bas et le menton en haut. Lorsque l’enfant eut atteint l’âge de six mois, les deux têtes se couvrirent d’une quantité à peu près égale de cheveux noirs. On remarqua que la tête supérieure ne s’accordait pas avec l’inférieure ; qu’elle fermait les yeux quand l’autre les ouvrait, et s’éveillait quand la tête principale était endormie ; elles avaient alternativement des mouvements indépendants et des mouvements sympathiques. Le rire de la bonne tête s’épanouissait sur la tête d’en haut ; mais la douleur de cette dernière ne passait pas à l’autre ; de sorte qu’on pouvait la pincer sans occasionner la moindre sensation à la tête d’en bas. Cet enfant mourut d’un accident à sa quatrième année.
Ce que nous venons de rapporter n’est peut-être pas impossible. Mais remarquez que ces merveilles viennent toujours de très-loin. Cependant nous avons vu de nos jours Ritta-Christina, cette jeune fille à deux têtes, ou plutôt ces deux jeunes filles accouplées. Nous avons vu aussi les jumeaux Siamois, deux hommes qu’une partie du ventre rendait inséparables et semblait réunir en un seul être. Pour le reste, le plus sûr est de rejeter en ces matières ce qui n’est pas certifié par de suffisants témoignages. Dans ce genre de faits, on attribuait autrefois au diable tout ce qui sortait du cours ordinaire de la nature, et il est certain qu’on exagère ordinairement ces phénomènes. On a vu des fœtus monstrueux, à qui on donnait gratuitement la forme d’un mouton, et qui étaient aussi bien un chien, un cochon, un lièvre, etc., puisqu’ils n’avaient aucune figure distincte. On prend souvent pour une cerise, ou pour une fraise, ou pour un bouton de rose, ce qui n’est qu’un seing plus large et plus coloré qu’ils ne le sont ordinairement. Voy. Frayeurs, Hallucinations, etc.
Imberta Voy. Possédées de Flandre.
Imer ou Imir. Voy. Ymer.
Immortalité. Ménandre, disciple de Simon le magicien, se vantait de donner un baptême qui rendait immortel. On fut bien vite détrompé. Les Chinois sont persuadés qu’il y a quelque part une eau qui empêche de mourir, et ils cherchent toujours ce breuvage d’immortalité, qui n’est pas trouvé encore.
Les Strulldbrugges ou immortels de Gulliver, sont fort malheureux de leur immortalité. La même pensée se retrouve dans cette légende des bords de la Baltique : — À Falster, il y avait autrefois une femme fort riche qui n’avait point d’enfants. Elle voulut faire un pieux usage de sa fortune, et elle bâtit une église. L’édifice achevé, elle le trouva si bien qu’elle se crut en droit de demander à Dieu une récompense. Elle le pria donc de la laisser vivre aussi longtemps que son église subsisterait. Son vœu fut exaucé. La mort passa devant sa porte sans entrer ; la mort frappa autour d’elle voisins, parents, amis et ne lui montra pas seulement le bout de sa faux. Elle vécut au milieu de toutes les guerres, de toutes les pestes, de tous les fléaux qui traversèrent le pays. Elle vécut si longtemps qu’elle ne trouva plus un ami avec qui elle pût s’entretenir. Elle parlait toujours d’une époque si ancienne que personne ne la comprenait. Elle avait bien demandé une vie perpétuelle ; mais elle avait oublié de demander aussi la jeunesse ; le ciel ne lui donna que juste ce qu’elle voulait avoir, et la pauvre femme vieillit : elle perdit ses forces, puis la vue, et l’ouïe et la parole. Alors elle se fit enfermer dans une caisse de chêne et porter dans l’église. Chaque année, à Noël, elle recouvre, pendant une heure, l’usage de ses sens ; et chaque année, à cette heure-là, le prêtre s’approche d’elle pour prendre ses ordres. La malheureuse se lève à demi dans son cercueil et s’écrie : a Mon église subsiste-t-elle encore ? — Oui, répond le prêtre. — Hélas ! » dit-elle. Et elle s’affaisse en poussant un profond soupir, et le coffre de chêne se referme sur elle.
Impair. Une crédulité superstitieuse a attribué, dans tous les temps, bien des prérogatives au nombre impair. Le nombre pair passait chez les Romains pour mauvais, parce que ce nombre, pouvant être divisé également, est le symbole de la mortalité et de la destruction ; c’est pourquoi Numa, corrigeant l’année de Romulus, y ajouta un jour, afin de rendre impair le nombre de ceux qu’elle contenait. C’est en nombre impair que les livres magiques prescrivent leurs opérations les plus mystérieuses. L’alchimiste d’Espagnet, dans sa Description du jardin des sages, place à l’entrée une fontaine qui a sept sources. « Il faut, dit-il, y faire boire le dragon par le nombre magique de trois fois sept, et l’on doit y chercher trois sortes de fleurs, qu’il faut y trouver nécessairement pour réussir au grand œuvre. » Le crédit du nombre impair s’est établi jusque dans la médecine : l’année climatérique est, dans la vie humaine, une année impaire.
Impostures. On lit dans Leloyer qu’un valet, par le moyen d’une sarbacane, engagea une veuve d’Angers à l’épouser, en le lui conseillant de la part de son mari défunt. Plus d’un imposteur a employé ce stratagème. Un roi d’Écosse, voyant que ses troupes ne voulaient pas combattre contre les Pietés, suborna des gens habillés d’écailles brillantes, ayant en main des bâtons de bois luisant, qui, se présentant comme des anges, les excitèrent à combattre, ce qui eut le succès qu’il souhaitait[1]. Nous aurions un gros volume à faire, si nous voulions citer ici toutes les impostures de l’histoire. On y pourrait joindre maints stratagèmes et ruses de guerre. Voy. Apparitions, Fantômes, Bohémiens, Jetzer, etc.
Imprécations. Ce qui va suivre est de Chassanion, huguenot, en ses Grands Jugements de Dieu : « Quant à ceux qui sont adonnés à maugréer et qui, comme des gueules d’enfer, à tout propos dépitent Dieu par d’horribles exécrations, et sont si forcenés que de le renier pour se donner au diable, ils méritent bien d’être abandonnés de Dieu et d’être livrés entre les mains de Satan pour aller avec lui en perdition : ce qui est advenu visiblement à certains malheureux de notre temps, qui ont été emportés par le diable, auquel ils s’étaient donnés. Il y a quelque temps qu’en Allemagne un homme de mauvaise vie était si mal embouché, que jamais il ne parlait sans nommer les diables. Si en cheminant il lui advenait de faire quelque faux pas ou de se heurter, aussitôt il avait les diables dans sa gueule. De quoi, combien que plusieurs fois il eût été repris par ses voisins, et admonesté de se châtier d’un si méchant et détestable vice, toutefois ce fut en vain. Continuant dans cette mauvaise et damnable coutume, il advint un jour qu’en passant sur un pont il trébucha et, étant tombé du haut en bas, proféra ces paroles : « Lève-toi par tous les cent diables. » Soudain, voici celui qu’il avait tant de fois appelé qui le vint étrangler et l’emporta.
» L’an mil cinq cent cinquante et un, près Mégalopole, joignant Voilstadt, il advint encore, durant les fêtes de la Pentecôte, ainsi que le peuple s’amusait à boire, qu’une femme, qui était de la campagne, nommait ordinairement le diable parmi ses jurements, lequel, à cette heure, en la présence d’un chacun, l’enleva par la porte de la maison et l’emporta en l’air. Ceux qui étaient présents sortirent incontinent, tout étonnés, pour voir où cette femme était ainsi transportée : laquelle ils virent, hors du village, pendue quelque temps en l’air bien haut, dont elle tomba en bas, et la trouvèrent à peu près morte au milieu d’un champ. Environ ce temps-là il y eut un grand jureur en une ville de Savoie, homme fort vicieux et qui donnait beaucoup de peine aux gens de bien, qui, pour le devoir de leur charge, s’employèrent à le reprendre et l’admonestèrent bien souvent, afin qu’il s’amendât : à quoi il ne voulut oncques entendre. Or, advint que la peste étant dans la ville, il en fut frappé et se retira en un sien jardin avec sa femme et quelques parents. Là, les ministres de l’Église ne cessèrent de l’exhorter à repentance, lui remontrant ses fautes et péchés pour le réduire au bon chemin. Mais tant s’en fallut qu’il fût touché par tant de bonnes et saintes remontrances, qu’au contraire il ne fit que s’endurcir davantage en ses péchés. Avançant donc son malheur, un jour, comme ce méchant reniait Dieu, et se donnait au diable et l’appelait tant qu’il pouvait, voilà le diable qui le ravit soudainement et l’emporta en l’air ; sa femme et sa parente le virent passer par-dessus leurs têtes. Étant ainsi transporté, son bonnet lui tomba du chef et fut trouvé auprès du Rhône. Le magistrat, averti de cela, vint sur le lieu et s’informa du fait, prenant attestation de ces deux femmes de ce qu’elles avaient vu. Voilà des événements terribles, épouvantables, pour donner crainte et frayeur à tels ou semblables jureurs et renieurs de Dieu, desquels le monde n’est que trop rempli aujourd’hui. Refrénez donc, misérables que vous êtes, vos langues infernales ; départez-vous de toutes méchantes paroles et exécrations, et vous accoutumez à louer et glorifier Dieu, tant de bouche que de fait. »
Quand les femmes grecques entendent des imprécations, comme il s’en fait dans les chaudes colères de leur pays, elles se hâtent de mouiller leurs seins avec leur salive, de peur qu’une partie de ces malédictions ne tombent sur elles. Voy. Jurements.
Imprimerie (L’), inventée, comme on sait, au quinzième siècle. Nous ne citons ici cette admirable découverte, instrument si prodigieux pour le bien, si terrible dans le mal, que dans la nécessité de remarquer l’étonnement qu’il fit naître à sa naissance, et l’humilité du parlement de Paris. Ce corps si vanté ne croyait pas les produits de l’imprimerie possibles au génie humain ; il en attribuait les œuvres au diable, et il eût fait brûler les premiers imprimeurs comme sorciers, si Louis XI et la Sorbonne, plus lucides, ne les eussent pas protégés.
Incendie. En 1807, un professeur de Brunswick annonça qu’il vendait de la poudre aux incendies, comme un apothicaire vend de la poudre aux vers ; il ne s’agissait, pour sauver un édifice, que de le saupoudrer de quelques pincées de cette poudre ; deux onces suffisaient par pied carré : et comme la livre ne coûtait que sept à huit sous, et qu’un homme n’a que quatorze pieds de superficie, on pouvait, pour dix-sept sous six deniers (vieux style), se rendre incombustible. Quelques gens crédules achetèrent la poudre du docteur. Les gens raisonnables jugèrent qu’il voulait attraper le public, et se moquèrent de lui.
Incombustibles. Il y avait jadis en Espagne des hommes d’une trempe supérieure qu’on appelait Saludadores, Santiguadores, Ensalmadores. Ils avaient non-seulement la vertu de guérir toutes les maladies avec leur salive, mais ils maniaient le feu impunément ; ils pouvaient avaler de l’huile bouillante, marcher sur les charbons ardents, se promener à l’aise au milieu des bûchers enflammés. Ils se disaient parents de sainte Catherine et montraient sur leur chair l’empreinte d’une roue, signe manifeste de leur glorieuse origine. — Il existe aujourd’hui en France, en Allemagne et dans presque toute l’Europe, des hommes qui ont les mêmes privilèges, et qui pourtant évitent avec soin l’examen des savants et des docteurs. Léonard Vair conte qu’un de ces hommes incombustibles ayant été sérieusement enfermé dans un four très-chaud, on le trouva calciné quand on rouvrit le four. Il y a quelques années qu’on vit à Paris un Espagnol marcher pieds nus sur des barres de fer rougies au feu, promener des lames ardentes sur ses bras et sur sa langue, se laver les mains avec du plomb fondu, etc.; on publia ces merveilles. Dans un autre temps, l’Espagnol eût passé pour un homme qui avait des relations avec le démon ; alors on se contenta de citer Virgile, qui dit que les prêtres d’Apollon, au mont Soracte, marchaient sur des charbons ardents ; on cita Varron, qui affirme que ces prêtres avaient le secret d’une composition qui les rendait pour quelques instants inaccessibles à l’action du feu. Le P. Régnault, qui a fait quelques recherches pour découvrir les secrets de ces procédés, en a publié un dans ses Entretiens sur la physique expérimentale. Ceux qui font métier, dit-il, de manier le feu et d’en tenir à la bouche emploient quelquefois un mélange égal d’esprit de soufre, de sel ammoniac, d’essence de romarin et de suc d’oignon. L’oignon est, en effet regardé par les gens de la campagne comme un préservatif contre la brûlure.
Dans le temps où le P. Régnault s’occupait de ces recherches, un chimiste anglais, nommé Richardson, remplissait toute l’Europe du bruit de ses expériences merveilleuses. Il mâchait des charbons ardents sans se brûler ; il faisait fondre du soufre, le plaçait tout animé sur sa main, et le reportait sur sa langue, où il achevait de se consumer ; il mettait aussi sur sa langue des charbons embrasés, y faisait cuire un morceau de viande ou une huître, et souffrait, sans sourciller, qu’on excitât le feu avec un soufflet ; il tenait un fer rouge dans ses mains, sans qu’il y restât aucune trace de brûlure, prenait ce fer dans ses dents, et le lançait au loin avec une force étonnante ; il avalait de la poix et du verre fondus, du soufre et de la cire mêlés ensemble et tout ardents, de sorte que la flamme sortait de sa bouche comme d’une fournaise. Jamais, dans toutes ces épreuves, il ne donnait le moindre signe de douleur. Depuis le chimiste Richardson, plusieurs hommes ont essayé comme lui de manier le feu impunément. En 1774, on vit à la forge de Laune un homme qui marchait, sans se brûler, sur des barres de fer ardentes, tenait sur sa main des charbons et les soufflait avec sa bouche : sa peau était épaisse et enduite d’une sueur grasse, onctueuse, mais il n’employait aucun spécifique. Tant d’exemples prouvent qu’il n’est pas nécessaire d’être parent de sainte Catherine pour braver les effets du feu. Mais il fallait que quelqu’un prît la peine de prouver, par des expériences décisives, qu’on peut aisément opérer tous les prodiges dont l’Espagnol incombustible a grossi sa réputation ; ce physicien s’est trouvé à Naples.
M. Sementini, premier professeur de chimie à l’université de cette ville, a publié à ce sujet des recherches qui ne laissent rien à désirer. Ses premières tentatives ne furent pas heureuses ; mais il ne se découragea point. Il conçut que ses chairs ne pouvaient acquérir subitement les mêmes facultés que celles du fameux Lionetti, qui était alors incombustible ; qu’il était nécessaire de répéter longtemps les mêmes tentatives, et que, pour obtenir les résultats qu’il cherchait, il fallait beaucoup de constance. À force de soins, il réussit. Il se fit sur le corps des frictions sulfureuses et les répéta si souvent, qu’enfin il put y promener impunément une lame de fer rouge. Il essaya de produire le même effet avec une dissolution d’alun, l’une des substances les plus propres à repousser l’action du feu : le succès fut encore plus complet. Mais quand M. Sementini avait lavé la partie incombustible, il perdait aussitôt tous ses avantages, et devenait aussi périssable que le commun des mortels. Il fallut donc tenter de nouvelles expériences.
Le hasard servit à souhait M. Sementini. En cherchant jusqu’à quel point l’énergie du spécifique qu’il avait employé pouvait se conserver, il passa sur la partie frottée un morceau de savon dur, et l’essuya avec un linge : il y porta ensuite une lame de fer. Quel fut son étonnement de voir que sa peau avait non-seulement conservé sa première insensibilité, mais qu’elle en avait acquis une bien plus grande encore ! Quand on est heureux, on devient entreprenant : M. Sementini tenta sur sa langue ce qu’il venait d’éprouver sur son bras, et sa langue répondit parfaitement à son attente ; elle soutint l’épreuve sans murmurer ; un fer étincelant n’y laissa pas la moindre empreinte de brûlure — Voilà donc les prodiges de l’incombustibilité réduits à des actes naturels et vulgaires. Mais ces découvertes ne peuvent atténuer la protection toute divine des saints qui ont résisté à l’action du feu, en des temps où aucune des découvertes qu’on vient de lire n’avait eu lieu.
Incrédules. On a remarqué, par de tristes expériences, que les incrédules, qui nient les faits de la religion, croient aux fables superstitieuses, aux songes, aux cartes, aux présages, aux plus vains pronostics, — comme pour montrer que l’esprit fort est surtout un esprit faible, et que, suivant cet axiome que les extrêmes se touchent, les incrédules, devant les vérités éternelles, sont les plus crédules devant les mensonges.
Incubes, esprits malfaisants qu'on supposait venir la nuit presser les hommes et les femmes du poids de leurs corps, et les étouffer. C'est ce qu'on appelle le cauchemar. On donnait aussi ce nom aux Faunes et aux Satyres, à raison de leur lubricité. Dans les temps d'ignorance, les démonographes ont imaginé des démons incubes, qui tourmentaient, par des images obscènes, et même des réalités, les personnes qui avaient fait vœu de chasteté.
Servius Tullius, qui fut roi des Romains, était le fils d’une esclave et de Vulcain, selon d’anciens auteurs ; d’une salamandre, selon les cabalistes ; d’un démon incube, selon les démonographes.
Incubo, génie gardien des trésors de la terre. Le petit peuple de Rome croyait que les trésors cachaient dans les entrailles de la terre étaient gardés par des esprits nommés Incubones, qui avaient de petits chapeaux, dont il fallait d'abord se saisir. Si on avait ce bonheur, on devenait leur maître, et on les contraignait à déclarer et à découvrir où étaient ces trésors.
Infernaux. On nomma ainsi, dans le seizième siècle, les partisans de Nicolas Gallus et de Jacques Smidelin, qui soutenaient que, pendant les trois jours de la sépulture de Notre-Seigneur, son âme, descendue dans le lieu où les damnés souffrent, y avait été tourmentée avec ces malheureux.
Infidélité. Quand les hommes de certaines peuplades d’Égypte soupçonnaient leurs femmes d’infidélité, ils leur faisaient avaler de l’eau soufrée, dans laquelle ils mettaient de la poussière et de l’huile de lampe, prétendant que, si elles étaient coupables, ce breuvage leur ferait souffrir des douleurs insupportables ; espèce d’épreuve connue sous le nom de calice du soupçon.
Influence des astres. Le Taureau domine sur le cou ; les Gémeaux sur les épaules ; l’Écrevisse sur les bras et sur les mains ; le Lion sur la poitrine, le cœur et le diaphragme ; la Vierge sur l’estomac, les intestins, les côtes et les muscles ; la Balance sur les reins ; le Scorpion sur les parties secrètes ; le Sagittaire sur le nez et les excréments ; le Capricorne sur les genoux ; le Verseau sur les cuisses ; le Poisson sur les pieds.
Voilà en peu de mots ce qui regarde les douze signes du zodiaque touchant les différentes parties du corps. Il est donc très-dangereux d’offenser quelque membre lorsque la lune est dans le signe qui domine, parce que la lune en augmente l’humidité, comme on le verra si on expose de la chair fraîche pendant la nuit aux rayons de la lune : il s’y engendrera des vers, et surtout dans la pleine lune. Voy. Astrologie.
Inis-Fail, nom d’une pierre fameuse attachée encore aujourd’hui sous le siège où l’on couronnait, dans l’église de Westminster, les rois de la Grande-Bretagne. Cette pierre du destin, que dans la légende héroïque de ces peuples les anciens Écossais avaient apportée d’Irlande, au quatrième siècle, devait les faire régner partout où elle serait placée au milieu d’eux.
Initiations. Voy. Sabbat.
Inquisition. Ce fut vers l’an 1200 que le pape Innocent III établit le tribunal de l’inquisition pour procéder contre les Albigeois, hérétiques perfides, qui bouleversaient la société et ramenaient les hommes à l’état sauvage. Déjà, en 1184, le concile de Vérone avait ordonné aux évêques de Lombardie de rechercher ces hérétiques rebelles et de livrer au magistrat civil ceux qui seraient opiniâtres. Le comte de Toulouse adopta ce tribunal en 1229 ; Grégoire IX, en 1233, le confia aux dominicains. Les écrivains qui ont dit que saint Dominique fut le premier inquisiteur général ont dit là une chose qui n’est pas. Saint Dominique ne fut jamais inquisiteur ; il était mort en 1221. Le premier inquisiteur général fut le pieux légat Pierre de Castelnau, que les Albigeois assassinèrent. Le pape Innocent IV étendit l’inquisition dans toute l’Italie, à l’exception de Naples. L’Espagne y fut soumise de 1480 à 1484, sous le règne de Ferdinand et d’Isabelle ; le Portugal l’établit en 1557. L’inquisition parut depuis dans les pays où ces puissances dominèrent ; mais elle ne s’est exercée dans aucun royaume que du consentement et le plus souvent à la demande des souverains.
Il faudrait plus d’espace que nous ne pouvons en occuper ici pour renverser tous les mensonges calomnieux que les ennemis de l’Église, protestants, jansénistes et philosophes, ont accumulés à l’envi contre l’inquisition. Dans les deux premières éditions de ce livre, l’auteur, jeune et stupidement égaré, a reproduit les hostiles et détestables quolibets de Voltaire sur ce grave sujet, les plates suppositions de Gilles de Witte, la fable de Montesquieu d’une jeune juive brûlée à Lisbonne, uniquement parce qu’elle était née juive, et d’autres contes pareils. Depuis, on a fait paraître, mais surchargée à dessein, l’Histoire de l’inquisition de Llorente ; et plus récemment on a publié, sous le titre de Mystères de l’inquisition, un énorme roman qui est un arsenal d’imputations fausses. On a même illustré de gravures ces divers pamphlets, et on a traduit pour les yeux, à l’usage de ceux qui ne savent pas lire, des mensonges souvent impurs à la charge de l’inquisition. Nous reproduisons ici une de ces planches d’imposture ; elle représente des faits imaginaires dont l’Espagne et le Portugal n’ont jamais eu le spectacle. À la place des archers, on a mis des moines ; bien plus, un de ces religieux, armé d’une torche, met le feu au bûcher ; ce qui ne s’est jamais fait. Les moines n’étaient aux auto-da-fé que pour donner aux condamnés les consolations suprêmes.
Après Joseph de Maistre, l’abbé Jules Morel et l’abbé Léon Godard ont fait pleine justice de ces tristes licences de la presse.
« Si l’on excepte un très-petit nombre d’hommes instruits, dit Joseph de Maistre, il ne vous arrivera guère de parler de l’inquisition sans rencontrer dans chaque tête trois erreurs capitales, plantées et comme rivées dans les esprits, au point qu’elles cèdent à peine aux démonstrations les plus évidentes. On croit que l’inquisition est un tribunal purement ecclésiastique : cela est faux. On croit que les ecclésiastiques qui siègent dans ce tribunal condamnent certains accusés à la peine de mort : cela est faux. On croit qu’ils les condamnent pour de simples opinions : cela est faux. Le tribunal espagnol de l’inquisition était purement royal. C’était le roi qui désignait l’inquisiteur général, et celui-ci nommait à son tour les inquisiteurs particuliers, avec l’agrément du roi. Le règlement constitutif de ce tribunal fut publié en l’année 1484 par le cardinal Torquemada, de concert avec le roi. Doux, tolérant, charitable, consolateur dans tous les pays du monde, par quelle magie le gouvernement ecclésiastique sévirait-il en Espagne, au milieu d’une nation éminemment noble et généreuse ? Dans l’examen de toutes les questions possibles, il n’y a rien de si essentiel que d’éviter la confusion des idées. Séparons donc et distinguons bien exactement, lorsque nous raisonnons sur l’inquisition, la part du gouvernement de celle de l’Église. Tout ce que le tribunal montre de sévère et d’effrayant, et la peine de mort surtout, appartient au gouvernement ; c’est son affaire ; c’est à lui, et c’est à lui seul qu’il faut en demander compte. Toute la clémence, au contraire, qui joue un si grand rôle dans le tribunal de l’inquisition, est Faction de l’Église, qui ne se mêle de supplices que pour les supprimer ou les adoucir. Ce caractère indélébile n’a jamais varié. Aujourd’hui, ce n’est plus une erreur, c’est un crime de soutenir, d’imaginer seulement que des prêtres puissent prononcer des jugements de mort. Il y a dans l’histoire de France un grand fait qui n’est pas assez observé, c’est celui des templiers ; ces infortunés, coupables ou non (ce n’est point de quoi il s’agit ici), demandèrent expressément d’être jugés par le tribunal de l’inquisition ; car ils savaient bien, disent les historiens, que s’ils obtenaient de tels juges, ils ne pouvaient plus être condamnés à mort… Le tribunal de l’inquisition était composé d’un chef nommé grand inquisiteur, qui était toujours archevêque ou évêque ; de huit conseillers ecclésiastiques, dont six étaient toujours séculiers, et de deux réguliers, dont l’un était toujours dominicain, en vertu d’un privilège accordé par le roi Philippe III. »
Ainsi les dominicains ne dirigeaient donc pas l’inquisition, puisque l’un d’eux seulement en faisait partie par privilège.
« On ne voit pas bien précisément, dit encore Joseph de Maistre, à quelle époque le tribunal de l’inquisition commença à prononcer la peine de mort. Mais peu nous importe ; il nous suffit de savoir, ce qui est incontestable, qu’il ne put acquérir ce droit qu’en devenant royal, et que tout jugement de mort demeure, par sa nature, étranger au sacerdoce. La teneur des jugements établit ensuite que les confiscations étaient faites au profit de la chambre royale et du fisc de Sa Majesté. Ainsi, encore un coup, ce tribunal était purement royal, malgré la fiction ecclésiastique ; et toutes les belles phrases sur l’avidité sacerdotale tombent à terre. Ainsi l’inquisition religieuse n’était, dans le fond, comme dit Garnier, qu’une inquisition politique. Le rapport des Cortès de 1812 appuie ce jugement. Philippe II, le plus absolu des princes, dit ce rapport, fut le véritable fondateur de l’inquisition. Ce fut sa politique raffinée qui la porta à ce point de hauteur où elle était montée. Les rois ont toujours repoussé les avis qui leur étaient adressés contre ce tribunal, parce qu’ils sont, dans tous les cas, maîtres absolus de nommer, de suspendre ou de renvoyer les inquisiteurs, et qu’ils n’ont, d’ailleurs, rien à craindre de l’inquisition, qui n’est terrible que pour leurs sujets… » Ainsi tombent ces contes bleus de rois d’Espagne qui s’apitoyaient sur des condamnés sans pouvoir leur faire grâce, quand il est démontré que c’étaient ces rois eux-mêmes qui condamnaient.
On a dit que depuis trois siècles l’histoire était une vaste conspiration contre le Catholicisme. On ferait un volume effrayant du catalogue des mensonges qui ont été prodigués dans ce sens par les historiens. La plupart viennent de la réforme ; mais les écrivains catholiques les copient tous les jours sans réflexion. C’est la réforme qui la première a écrit l’histoire de l’inquisition ; on a trouvé commode de transcrire son odieux roman, qui épargnait des recherches. Vous trouverez donc partout des faits inventés qui se présentent avec une effronterie incroyable. Nous en citerons deux ou trois. « Si l’on en croit quelques historiens, Philippe III, roi d’Espagne, obligé d’assister à un auto-da-fé (c’est le nom qu’on donne aux exécutions des inquisiteurs), frémit et ne put retenir ses larmes en voyant une jeune juive et une jeune Maure de quinze à seize ans qu’on livrait aux flammes, et qui n’étaient coupables que d’avoir été élevées dans la religion de leurs pères et d’y croire. Ces historiens ajoutent que l’inquisition fit un crime à ce prince d’une compassion si naturelle ; que le grand inquisiteur osa lui dire que pour l’expier il fallait qu’il lui en coûtât du sang ; que Philippe III se laissa saigner, et que le sang qu’on lui tira fut brûlé par la main du bourreau… » C’est Saint-Foix qui rapporte ce tissu de faussetés, dans ses Essais sur Paris, sans songer qu’aucun historien n’est là pour appuyer ces faits ; qu’ils ont été imaginés quatre-vingts ans après la mort de Philippe III ; que Philippe III était maître de faire grâce et de condamner ; que l’inquisition ne brûlait pas les juifs et les Maures coupables seulement d’avoir été élevés dans la religion de leurs pères et d’y croire ; qu’elle se contentait de les bannir pour raisons politiques, etc.
Vous lirez ailleurs que le cardinal Torquemada, qui remplit dix-huit ans les fonctions de grand inquisiteur, condamnait dix mille victimes par an, ce qui ferait cent quatre-vingt mille victimes. Mais vous verrez pourtant ensuite qu’il mourut ayant fait dans sa vie six mille poursuites, ce qui n’est pas cent quatre-vingt mille ; que le pape lui fit trois fois des représentations pour arrêter sa sévérité ; vous trouverez dans les jugements assez peu de condamnations à mort. Les auto-da-fé ne se faisaient que tous les deux ans ; les condamnés à mort attendaient longuement leur exécution, parce qu’on espérait toujours leur conversion ; et vous regretterez de rencontrer si rarement la vérité dans les livres. Un gros ouvrage qui vient de paraître (le Dictionnaire universel de la géographie et de l’histoire, par M. Bouillet) porte à cinq millions le nombre des personnes que l’inquisition a fait périr en Espagne… C’est, de plus de quatre millions et neuf cent quatre-vingt-dix mille, une erreur, — pour ne pas dire plus.
Rapportons maintenant quelque procédure de l’inquisition. Le fait qui va suivre est tiré de l’histoire de l’inquisition d’Espagne, faite à Paris sur les matériaux fournis par D. Llorente, matériaux qu’on n’a pas toujours employés comme Llorente l’eût voulu ; car on a fait de son livre un pamphlet. — « L’inquisition faisait naturellement la guerre aux francs-maçons et aux sorciers. À la fin du dernier siècle, un artisan fut arrêté au nom du Saint-Office pour avoir dit dans quelques entretiens qu’il n’y avait ni diables, ni aucune autre espèce d’esprits infernaux capables de se rendre maîtres des âmes humaines. Il avoua, dans la première audience, tout ce qui lui était imputé, ajouta qu’il en était alors persuadé pour les raisons qu’il exposa, et déclara qu’il était prêt à détester de bonne foi son erreur, à en recevoir l’absolution, et à faire la pénitence qui lui serait imposée. J’avais vu (dit-il en se justifiant) un si grand nombre de malheurs, dans ma personne, ma famille, mes biens et mes affaires, que j’en perdis patience, et que, dans un moment de désespoir, j’appelai le-diable à mon secours : je lui offris en retour ma personne et mon âme. Je renouvelai plusieurs fois mon invocation dans l’espace de quelques jours, mais inutilement, car le diable ne vint point. Je m’adressai à un pauvre homme qui passait pour sorcier ; je lui fis part de ma situation. Il me conduisit chez une femme, qu’il disait beaucoup plus habile que lui dans les opérations de la sorcellerie. Cette femme me conseilla de me rendre, trois nuits de suite, sur la colline des Vistillas de saint François, et d’appeler à grands cris Lucifer, sous le nom d’ange de lumière, en reniant Dieu et la religion chrétienne et en lui offrant mon âme. Je fis tout ce que cette femme m’avait conseillé, mais je ne vis rien : alors elle me dit de quitter le rosaire, le scapulaire et les autres signes de chrétien que j’avais coutume de porter sur moi, et de renoncer franchement et de toute mon âme à la foi de Dieu, pour embrasser le parti de Lucifer, en déclarant que je reconnaissais sa divinité et sa puissance comme supérieures à celles de Dieu même ; et après m’être assuré que j’étais véritablement dans ces dispositions, de répéter, pendant trois autres nuits, ce que j’avais fait la première fois. J’exécutai ponctuellement ce que cette femme venait I de me prescrire ; cependant l’ange de lumière ne m’apparut point. La vieille me recommanda de prendre de mon sang et de m’en servir pour écrire sur du papier que j’engageais mon âme à Lucifer, comme à son maître et à son souverain ; de porter cet écrit au lieu où j’avais fait mes invocations, et, pendant que je le tiendrais à la main, de répéter mes anciennes paroles : je fis tout ce qui m’avait été recommandé, mais toujours sans résultat. Me rappelant alors tout ce qui venait de se passer, je raisonnai ainsi : S’il y avait des diables, et s’il était vrai qu’ils désirassent de s’emparer des âmes humaines, il serait impossible de leur en offrir une plus belle occasion que celle-ci, puisque j’ai véritablement désiré de leur donner la mienne. Il n’est donc pas vrai qu’il y ait des démons ; le sorcier et la sorcière n’ont donc fait aucun pacte avec le diable, et ils ne peuvent être que des fourbes et des charlatans l’un et l’autre. »
Telles étaient en substance les raisons qui avaient fait apostasier l’artisan Jean Pérez. Il les exposa, en confessant sincèrement son péché. On entreprit de lui prouver que tout ce qui s’était passé ne prouvait rien contre l’existence des démons, mais faisait voir seulement que le diable avait manqué de se rendre à l’appel, Dieu le lui défendant quelquefois, pour récompenser le coupable de quelques bonnes œuvres qu’il a pu faire avant de tomber dans l’apostasie. Il se soumit, reçut l’absolution et fut condamné à une année de prison, à se confesser et à communier aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, pendant le reste de ses jours, sous la conduite d’un prêtre qui lui serait donné pour directeur spirituel ; à réciter une partie du rosaire et à faire tous les jours des actes de foi, d’espérance, de charité, de contrition, etc. Tel fut son châtiment.
Voici maintenant l’histoire d’un autre épouvantable autodafé, extraite du Voyage fait en Espagne pendant les années 1786 et 1787, par Joseph Fownsend, recteur de Pewsey : « Un mendiant, nommé Ignazio Rodriguez, fut mis en jugement au tribunal de l’inquisition pour avoir distribué des philtres amoureux, dont les ingrédients étaient tels que l’honnêteté ne permet pas de les désigner. En administrant le ridicule remède (il paraît que le prédicant anglais n’est pas sévère), il prononçait quelques paroles de nécromancie. Il fut bien constaté que la poudre avait été administrée à des personnes de tout rang. Rodriguez fut condamné à être conduit dans les rues de Madrid, monté sur un âne, et à être fouetté. On lui imposa de plus quelques pratiques de religion et l’exil de la capitale pour cinq ans. La lecture de la sentence fut souvent interrompue par de grands éclats de rire, auxquels se joignait le mendiant lui-même. Le coupable fut, en effet, promené par les rues, mais non fouetté ; et pendant la route, on lui offrait du vin et des biscuits pour se rafraîchir… »
Nous pourrions rassembler beaucoup de traits pareils, qui peindraient l’inquisition tout autrement que ne la montrent des livres infiniment trop menteurs. Bornons-nous à citer encore le témoignage d’un homme qui n’est pas suspect aux ennemis de l’Église catholique :
« Depuis le seizième siècle, dit le protestant Ranke, l’inquisition n’était qu’un tribunal royal muni d’armes spirituelles. » Les inquisiteurs n’étaient en effet que des fonctionnaires royaux, en partie laïques, soumis aux inspections royales, nommés et destitués par le roi, relevant d’un conseil qui siégeait à la cour. Tout le bénéfice des confiscations prononcées par eux revenait au roi ; aucune grandesse, aucun prélat ne pouvait se soustraire à ce tribunal, toujours docile. C’est par lui que Charles-Quint fit juger les évêques partisans des communes ; c’est à lui que Philippe II livra son ex-favori Pérez. Il en étendit la juridiction aux arts, au commerce, aux impôts et à la marine. « Ce tribunal, ajoute Ranke, fait partie de ces dépouilles du pouvoir ecclésiastique, dont le gouvernement s’est enrichi. » Le nonce Visconti écrivait en 1563 que l’inquisition espagnole avait diminué grandement l’autorité du Saint-Siège. Saint Charles Borromée en empêcha Rétablissement à Milan pendant sa vie ; le clergé de Sicile la combattit, et elle ne put être toute-puissante ni en Italie ni dans les provinces basques. » Voy. Tribunal secret.
Insensibilité. On a exposé souvent que le diable rendait les sorciers insensibles à la question ou torture, et ce fait s’est vu souvent avec certitude, notamment dans les possédés.
Institor (Henri), auteur, avec Sprenger, du Malleus maleficarum ; Lyon, 1484.
Interdit, censure de l’Église qui suspend les ecclésiastiques de leurs fonctions et qui prive le peuple de l’usage des sacrements, du service divin et de la sépulture en terre sainte. L’objet de l’interdit n’était, dans son origine, que de punir ceux qui avaient causé quelque scandale public, et de les ramener au devoir en les obligeant à demander la levée de l’interdit. Ordinairement l’interdit arrêtait les dérèglements des monastères, empêchait les hérésies de s’étendre, mettait un frein aux excès des seigneurs tyranniques, des criminels puissants, des perturbateurs de la paix publique. Ainsi, après le massacre des vêpres siciliennes, le pape Martin IV mit en interdit la Sicile et les États de Pierre d’Aragon. Grégoire VII, qui fit grand usage de l’interdit, sauva plus d’une fois par cette mesure la cause de l’humanité, qui sans lui périssait de toutes parts. — L’interdit doit être prononcé dans les mêmes formes que l’excommunication, par écrit, nommément, avec l’expression de la cause et après trois monitions. La peine de ceux qui violent l’interdit est de tomber dans l’excommunication.
Intersignes. Avis mystérieux et sympathique qui arrive d’une manière inexplicable. Dans le beau récit de M. Hippolyte Violeau, intitulé une Passion funeste, une mère, inquiète de son fils, l’entend qui l’appelle à son secours. Il était à une lieue d’elle ; cependant elle l’entend, court en hâte et le sauve d’une mort affreuse. Les Bretons croient aux intersignes, qu’on appelle aussi quelquefois des pressentiments.
Invisibilité. Pour être invisible, il ne faut que mettre devant soi le contraire de la lumière ; un mur, par exemple. Mais le Petit Albert et les Clavicules de Salomon nous découvrent des secrets plus rares et plus importants pour l’invisibilité. On se rend invisible, par exemple, en portant sous son bras droit le cœur d’une chauve-souris, celui d’une poule noire ou celui d’une grenouille. Ou bien, disent ces infâmes petits livres de secrets stupides, volez un chat noir, achetez un pot neuf, un miroir, un briquet, une pierre d’agate, du charbon et de l’amadou, observant d’aller prendre de l’eau au coup de minuit à une fontaine ; après quoi allumez votre feu, mettez le chat dans le pot, et tenez-le couvert de la main gauche sans jamais bouger ni regarder derrière vous, quelque bruit que vous entendiez ; et après l’avoir fait bouillir vingt-quatre heures, toujours sans bouger, sans regarder derrière vous, sans boire ni manger, mettez-le dans un plat neuf, prenez la viande et la jetez par-dessus l’épaule gauche, en disant ces paroles : Accipe quod tibi do et nihil amplius ; puis mettez les os l’un après l’autre sous vos dents, du côté gauche, en vous regardant dans le miroir ; et si l’os que vous tenez n’est pas le bon, jetez-le successivement, en disant les mêmes paroles jusqu’à ce que vous l’ayez trouvé ; sitôt que vous ne vous verrez plus dans le miroir, retirez-vous à reculons. La possession de cet os vous rendra invisible toutes les fois que vous le prendrez entre les dents.
On peut encore, pour se rendre invisible, faire cette opération que l’on commence un mercredi, avant le soleil levé. On se munit de sept fèves noires : puis on prend une tête de mort ; on met une fève dans la bouche, deux dansées narines, deux dans les yeux et deux dans les oreilles ; on fait ensuite sur cette tête la figure d’un triangle, puis on l’enterre la face vers le ciel ; on l’arrose pendant neuf jours avec d’excellente eau-de-vie, de bon matin, avant le soleil levé. Au huitième jour, vous y trouverez un esprit ou démon qui vous demandera : — Que fais-tu là ? — Vous lui répondrez : — J’arrose ma plante. — Il vous dira : — Donne-moi cette bouteille, je l’arroserai moi-même. — Vous lui répondrez que vous ne le voulez pas. Il vous la demandera encore ; vous la lui refuserez jusqu’à ce qu’il tende la main, où vous verrez une figure semblable à celle que vous avez faite sur la tête ; vous devez être assuré dès lors que c’est l’esprit véritable de la tête. — N’ayant plus de surprise à craindre, vous lui donnerez votre fiole, il arrosera lui-même, et vous vous en irez. — Le lendemain, qui est le neuvième jour, vous y retournerez ; vous y trouverez vos fèves mûres, vous les prendrez, vous en mettrez une dans votre bouche, puis vous regarderez dans un miroir : si vous ne vous y voyez pas, elle sera bonne. Vous en ferez de même de toutes les autres ; celles qui ne vaudront rien doivent être enterrées au lieu où est la tête. — Pour cette expérience, ayez toutes les choses bien préparées avec diligence et avec toutes les solennités requises…
Il y a encore de malheureux niais qui croient à ces procédés. Voy. Anneau.
Invocations. Agrippa dit que, pour invoquer le diable et l’obliger à paraître, on se sert des paroles magiques : Dies mies jesquet benedo efet donvema enitemaüs ! Mais Pierre Leloyer dit que ceux qui ont des rousseurs au visage ne peuvent faire venir les démons, quoiqu’ils les invoquent. Voy. Évocations et Conjurations.
Io. Cette femme que Junon changea en génisse est traitée de sorcière dans les démonographes. Delancre assure que c’était une magicienne qui se faisait voir tantôt sous les traits d’une femme, tantôt sous ceux d’une vache avec ses cornes.
Ipès ou Ayperos, prince et comte de l’enfer ; il apparaît sous la forme d’un ange, quelquefois sous celle d’un lion, avec la tête et les pattes d’une oie et une queue de lièvre, ce qui est un peu court ; il connaît le passé et l’avenir, donne du génie et de l’audace aux hommes, et commande trente-six légions.
Irlande. Parmi beaucoup d’opinions poétiques et bizarres, les Irlandais croient qu’une personne qui doit mourir naturellement ou par accident se montre la nuit à quelqu’un, ou plutôt son image, enveloppée d’un drap mortuaire. Cette apparition a lieu dans les trois jours qui précèdent la mort annoncée.
Irle-Khane. Voy. Khane.
Irmentrude. Une demoiselle provençale nommée Irmentrude, ayant épousé Isambard, comte d’Altorf, accoucha un jour de douze garçons, en l’absence de son mari. Comme elle n’en voulait nourrir qu’un, elle ordonna à sa servante d’aller jeter les onze autres à la rivière. Mais le comte Isambard, ayant rencontré la femme qui les avait dans son tablier, lui demanda ce qu’elle portait là. «Ce sont de petits chiens que je vais aller noyer, » dit-elle. Isambard voulut les voir : découvrant bientôt tout le mystère, il prit les onze enfants, les fit élever en secret et ne les présenta à sa femme que lorsqu’ils furent devenus grands. Ils prirent, en mémoire de cette aventure, le nom de Welf, qui en allemand signifiait chien, et que leurs descendants gardent encore. Voy. Trazégnies.
Is, ville bretonne, gouvernée par le roi Gralon. Toute espèce de luxe et de débauche régnait dans cette opulente cité. Les plus saints personnages y prêchaient en vain les mœurs et la réforme. La princesse Dahut, fille du roi, oubliant la pudeur et la modération naturelles à son sexe, y donnait l’exemple de tout genre de dépravation. L’heure de la vengeance approchait : le calme qui précède les plus horribles tempêtes, les chants, la musique, le vin, toute espèce de spectacle et de débauche enivraient, endormaient les habitants endurcis de la grande ville. Le roi Gralon seul n’était pas insensible à la voix du ciel. Un jour le prophète Guénolé prononça d’une voix sombre ces mots devant le roi Gralon : « Prince, le désordre est au comble, le bras de l’Éternel se lève, la mer se gonfle, la cité d’Is va disparaître : partons. » Gralon monte aussitôt à cheval et s’éloigne à toute bride ; sa fille Dahut le suit en croupe. La main de l’Éternel s’abaisse ; les plus hautes tours de la ville sont englouties, les flots pressent en grondant le coursier du saint roi, qui ne peut s’en dégager ; une voix terrible se fait entendre : « Prince, si tu veux te sauver, renvoie le diable qui te suit en croupe. » La belle Dahut perdit la vie ; elle se noya près du lieu qu’on nomme Poul-Dahut. La tempête cessa, l’air devint calme, le ciel serein ; mais depuis ce moment le vaste bassin sur lequel s’étendait une partie de la ville d’Is fut couvert d’eau. C’est maintenant la baie de Douarnenez.
Isaacarum, l’un des adjoints de Léviathan, dans la possession de Loudun.
Isabelle ou Isabeau, prophétesse. Voy. Dauphiné.
Isis est une reine mythique et une déesse funéraire de l'Égypte antique. Le plus souvent, elle est représentée comme une jeune femme coiffée d'un trône ou, à la ressemblance d'Hathor, d'une perruque surmontée par un disque solaire inséré entre deux cornes de vache.
L'astucieuse Isis est l'une des divinités de l'Ennéade d'Héliopolis. Elle est la sœur et l'épouse du roi Osiris, un être généreux qui plaça son règne sous le signe de l'harmonie cosmique. Ce temps heureux prend subitement fin avec l'assassinat d'Osiris lors d'un complot organisé par son frère Seth, un dieu violent et jaloux. Isis retrouve le corps d'Osiris et le cache dans les marécages de Chemnis. Lors d'une partie de chasse, Seth trouve le cadavre et, fou de colère, le dépèce en plusieurs lambeaux. Durant une longue quête Isis, secondée par Nephtys, Thot et Anubis, retrouve les membres disjoints et reconstitue le corps d'Osiris en le momifiant. Après avoir revivifié Osiris, Isis fait de lui le souverain éternel de la Douât, un monde paradisiaque peuplé d'esprits immortels. Pour assurer sa protection, elle le place sous la garde attentive du dieu canin Anubis, son fils adoptif.
Isis sous la forme d'un oiseau rapace s'unit à la momie de son époux et conçoit le chétif Horus. Élevé dans les marais de Chemnis et fortifié par le lait maternel d'Isis, Horus parvient, non sans peines, à l'âge adulte. Durant de nombreuses décennies Horus et Isis combattent Seth soutenu par Rê assez peu disposé envers Horus. Après de nombreuses péripéties, Horus réussit à se faire reconnaître comme le successeur légitime de son père, devenant ainsi le modèle du pharaon idéal.
Le culte d'Isis apparaît à la fin de l'Ancien Empire aux alentours du XXIVe siècle avant notre ère. D'abord cantonnée au domaine funéraire, Isis devient durant le Ier millénaire av. J.‑C., une déesse très populaire à la puissance universelle. La dévotion des pharaons ptolémaïques dote la déesse Isis de deux lieux de cultes grandioses ; l'Iséum en Basse-Égypte et Philæ en Nubie. Entre la fin du IVe siècle av. J.-C. et la fin du IVe siècle ap. J.-C., le culte d'Isis se répand à travers le bassin méditerranéen et un nombre important de sanctuaires lui sont élevés en Grèce et en Italie. En ces nouveaux lieux, s'opère un syncrétisme où les rites égyptiens voués à la déesse sont adaptés à la pensée religieuse gréco-romaine. L'iconographie et le culte d'Isis s'hellénisent, et, par un rapprochement avec la quête de Perséphone par Déméter (Mystères d'Éleusis) se créent les Mystères d'Isis organisés sous la forme d'un cérémonial initiatique, progressif et secret.
Face à la montée du christianisme, le culte d'Isis périclite puis disparaît au tournant des Ve et VIe siècles de notre ère. Toutefois, le souvenir d'Isis ne disparaît pas car il est entretenu par la scolastique monacale et universitaire. La lecture des hiéroglyphes étant perdue, son image est cependant biaisée car uniquement perçue à travers le filtre des auteurs grecs et latins de l'Antiquité tardive. Vers la fin du Moyen Âge, Isis devient un objet de curiosité de la part des érudits laïcs. Ce phénomène s'accentue durant la Renaissance. Nombreux sont alors les humanistes qui intègrent Isis à leurs objets d'études en élaborant des mythographies historicisantes à son propos. Le mythe d'Isis se fond dans celui de la nymphe Io transformée en vache par Héra et l'aspect d'Isis est confondu avec celui de l'Artémis multimammia d'Éphèse. Au cours du Siècle des Lumières, certains philosophes francs-maçons épris d'égyptomanie portent leur attention sur les Mystères d'Isis et tentent de les réinventer dans le cadre des rituels de leurs loges initiatiques. Les artistes et les poètes, quant à eux, ont sans cesse spéculé sur l'image de la déesse voilée et fait d'Isis le symbole des lois cachées de la Nature.
Depuis le déchiffrement des hiéroglyphes et la mise en place de la science égyptologique au XIXe siècle, les aspects purement égyptiens de la déesse ont été redécouverts et vulgarisés par les savants auprès du grand public. La personnalité d'Isis ne s'est toutefois pas entièrement débarrassée de son aura ésotérique longuement élaborée depuis le XIVe siècle par les alchimistes et les mystagogues européens. Isis reste ainsi l'objet de réflexions théologiques et hermétiques au sein de cercles confidentiels. Depuis les années 1950, aux États-Unis surtout, Isis est particulièrement vénérée auprès des convents kémitistes de la Wicca où un culte païen moderne lui est adressé en tant que grande déesse originelle, maternelle et lunaire.
Isis avait un temple à Isemberg (montagne d’Isis) au canton de Zurich. On croit qu’elle a eu aussi un culte à Paris.
Islandais. « Les Islandais sont si experts dans l’art magique, dit un voyageur du dernier siècle, qu’ils font voir aux étrangers ce qui se passe dans leurs maisons, même leurs pères, mères, parents et amis, vivants ou morts. » Les Islandais prétendent encore avoir la seconde vue et voir les esprits.
Isle en Jourdain (Mainfroy de l’), habile devin qui découvrit par l’astrologie l’horrible conduite de deux chevaliers, Philippe et Gauthier d’Aunoy, lesquels étaient amants, l’un de Marguerite de Navarre, femme de Louis le Hutin, et l’autre de Blanche, femme de Charles le Bel ; on prouva encore qu’ils envoûtaient les maris de ces deux dames. C’étaient les deux frères de Philippe de Valois. Le roi Philippe en fit justice : les deux chevaliers furent écorchés vifs et pendus, et les deux dames périrent en prison.
Isparetta, idole principale des habitants de la côte du Malabar. Antérieurement à toute création, Isparetta se changea en un œuf d’où sortirent le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent. On le représente avec trois yeux et huit mains, une sonnette pendue au cou, une demi-lune et des serpents sur le front.
Israfil ou Asrafil. Voy. Asrafil.
Ithyphalle, nom d’une espèce d’amulette que l’on pendait au cou des enfants et des vestales ; on lui attribuait de grandes vertus. Pline dit que c’était un préservatif pour les empereurs mêmes, qu’il protégeait contre les effets de l’envie.
Ivo le noir. Au pied de la tour d’Obod, un des plus vieux monuments du Monténégro, dans une sombre et profonde caverne, dort Ivo le noir, le héros, le fondateur ou plutôt l’organisateur sauvage de la nation ou peuplade qui habite le Monténégro. Quand la mer Bleue et Kataro seront rendus aux Monténégrins, alors Ivo sortira de son sommeil magique et se mettra de nouveau à la tête de ses descendants pour renvoyer les Autrichiens dans leurs humides et nuageuses contrées.
Iwan Basilowitz. Voy. Jean.
Iwangis, sorciers des îles Moluques, qui font aussi le métier d’empoisonneurs. On prétend qu’ils déterrent les corps morts et s’en nourrissent, ce qui oblige les Moluquois à monter la gardé auprès des sépultures, jusqu’à ce que les cadavres soient pourris.
J
Jabamiah, mot puissant de la cabale élémentaire, lequel, prononcé par un sage cabaliste, restitue les membres tronqués.
Jacob. Voy. Eternuement.
Jacobins de Berne. Voy. Jetzer.
Jack. Parmi les démons inférieurs de la sphère du feu, nous ne saurions oublier le feu follet appelé vulgairement en Angleterre Jack with the lantern, Jack à la lanterne, que Milton nomme aussi le moine des marais. Selon la chronique de l’abbaye de Gorwey, ce moine en séduisit un autre, frère Sébastien, qui, revenant de prêcher la fête de saint Jean, se laissa conduire à travers champs par la fatale lanterne jusqu’au bord d’un précipice où il périt. C’était en l’année 1034 ; nous ne saurions vérifier le fait.
Les paysans allemands regardent ce diable de feu comme très-irritable ; pourtant ils ont quelquefois la malice de lui chanter un couplet qui le met en fumeur. — Il n’y a pas trente ans qu’une fille du village de Lorsch eut l’imprudence de chanter ce refrain, au moment où le follet dansait sur une prairie marécageuse : aussitôt il poursuivit la chanteuse ; celle-ci se mit à courir de toute la vitesse de ses jambes ; elle se croyait déjà sauvée en apercevant sa maison, mais à peine franchissait-elle le seuil que Jack à la lanterne la franchit aussi et frappa si violemment de ses ailes tous ceux qui étaient présents qu’ils en furent éblouis. Quant à la pauvre fille, elle en perdit la vue ; elle ne chanta plus que sur le banc de sa porte, lorsqu’on lui assurait que le ciel était pur. Telle est du moins la légende.
Il ne faut pas être un très-fort chimiste pour deviner la nature de ce démon électrique ; mais on peut le classer avec les démons du feu qui dénoncent les trésors cachés par les flammes livides qu’ils font exhaler de la terre, et avec ceux qui parcourent les cimetières par un temps d’orage. Maintes fois, autour des sources sulfureuses où les petites maîtresses vont chaque année réconforter leurs poitrines délicates, le montagnard des Pyrénées voit voltiger des gobelins de la même famille ; ils agitent leurs aigrettes bleuâtres pendant la nuit, et font même entendre de légères détonations.
Le plus terrible de ces démons est celui qui fond son essence vivante dans les liqueurs fermentées, qui s’introduit sous cette forme liquide dans les veines d’un buveur, et y allume à la longue un incendie qui le dévore, en fournissant aux médecins un exemple de plus de ce qu’ils appellent scientifiquement une combustion spontanée.
Jacques Ier. Le roi d’Angleterre Jacques Ier, que Henri IV appelait si plaisamment maître Jacques, ne se contentait pas de faire brûler les sorciers ; il a produit encore, sous le titre de Démonologie, un gros volume pour prouver que les sorciers entretiennent un commerce exécrable avec le diable. Aujourd’hui on ne peut nier l’intervention des esprits dans les choses de la vie commune. Mais le roi Jacques mit peut-être à poursuivre ces délits une férocité un peu grande. Elle était de son temps et de sa secte. En 1591, un attentat contre la vie du roi Jacques et de la reine fut attribué à la magie. Voici comment on parvint à le découvrir : Une domestique nommée Gellis Duncan avait attiré les soupçons de son maître par certaines cures extraordinaires. Le bailli de Tranent, pour les éclaircir, la fit appliquer à la question. On lui serra les doigts dans des poucettes et on lui comprima la tête à l’aide d’une corde ; mais sans en tirer aucun aveu. On conclut de son silence qu’elle portait une marque du diable, et on n’en douta plus quand on eut remarqué un signe sur sa gorge.
À cette vue le charme tomba ; elle avoua n’avoir fait de cure extraordinaire qu’avec l’aide de Satan ; elle révéla des maléfices inouïs jusqu’alors, commis avec l’assistance d’une foule de complices qu’elle signala, et dont trente ou quarante furent arrêtés. Dans ce nombre figuraient de grandes dames, entre autres Euphémie Macalzean, sœur de lord Clistonhall, l’un des membres du sénat judiciaire d’Édinbourg. Jacques devait se faire un point d’honneur de suivre assidûment les fils de ce dédale de mystères diaboliques. Chaque jour il était présent à l’examen des accusés et manifestait son étonnement à chaque trait horrible ou grotesque de leur confession.
Il assista à la danse du sabbat, exécutée par Gellis Duncan, dont la fameuse Agnès Sampson, nommée la femme sage de Keith, avait la première reconnu le talent. Le personnage le plus important de ce drame est le nommé Cuningham, que l’instruction désigne sous le nom du docteur Fian, maître d’école près de Tranent. Il subit la torture avec une énergie physique et un courage moral extraordinaires. On commença par lui serrer fortement une corde autour de la tête. Cette première épreuve ne lui arracha aucun aveu. On essaya la persuasion pour l’engager à confesser sa folie. Ce procédé fut également inutile. Enfin on le soumit à un instrument de torture nommé les boltes. Après avoir eu les jambes écrasées à la troisième application du fatal instrument, il révéla des détails qui attestaient une profonde immoralité et embrassaient toutes les circonstances du crime de haute trahison à l’aide de maléfices. Ramené dans sa prison et mis au secret pendant deux ou trois jours, Fian parvint à s’échapper. Repris après son évasion, il rétracta ses aveux, au grand désappointement du roi, qui, pour lui rendre la mémoire, le fit remettre à la question. On lui écrasa les ongles à l’aide d’une pince, et, entre les ongles et la chair, on enfonça jusqu’à la tête des clous garnis de deux pointes.
Il persista néanmoins à garder le silence.
On le soumit encore au supplice des bottes, et cette horrible épreuve dura si longtemps qu’à la fin ses jambes n’étaient plus qu’une plaie, et que ses os brisés se faisaient jour à travers des lambeaux de chair d’où le sang ruisselait à flots. Enfin, vaincu par la douleur, le docteur rompit le silence, et ses réponses offrirent avec les aveux que la torture arracha à Agnès Sampson une coïncidence qui frappa de douleur et de stupeur l’esprit du roi. Mais ce qui passe toute croyance, c’est l’aplomb avec lequel les deux accusés révélèrent les incidents le plus horriblement grotesques ; aussi Jacques s’écriât-il : après les avoir entendus : « Voilà de grands imposteurs. »
On sait que la monomanie superstitieuse de Jacques était de guerroyer contre Satan et ses agents terrestres. Les chroniques du temps assurent même qu’un jour, désappointé du mauvais succès d’un attentat contre sa personne, le diable s’écria en français. « Je n’ai aucun pouvoir sur lui, il est l’homme de Dieu… » Un voyage que Sa Majesté fit à Norway, pour y voir la reine et la ramener à Édimbourg, offrit aux instruments de Satan une occasion favorable. Le comité diabolique résolut de soulever une tempête pour engloutir son plus terrible ennemi. Les préparatifs en furent solennels. Le prince des ténèbres proposa d’élever un brouillard qui ferait échouer le roi sur la côte d’Angleterre, et le docteur Fian, en sa qualité de secrétaire de Sa Majesté Infernale, écrivit à Marion Linkup et à quelques autres associés pour les inviter à se rendre dans cinq jours sur l’Océan, à la rencontre de leur maître, dans le dessein de faire périr le roi.
Le ban et l’arrière-ban, ainsi convoqués, se mirent en route au nombre de deux cents, et chaque sorcière s’embarqua sur un crible ou un tamis. On ne dit pas à quelle latitude elles rencontrèrent le diable.
Dès qu’il leur apparut, il expédia à Robert Wierson un chat qui avait été pendu neuf fois à une crémaillère, et en même temps il proféra ces mots : « Jette-le dans la mer, holà ! » Le charme produisit son effet, car Jacques, dont la flotte n’avait aperçu la terre qu’en vue du Danemark, déclara que son vaisseau était le seul qui eût le vent contraire.
Le premier acte de ce drame terminé, les sorcières prirent terre, toujours sur leurs cribles, qui leur servirent de coupes dans les nombreuses libations qu’elles firent après le débarquement. Elles se rendirent en procession à l’église de Northberwick (c’était le second rendez-vous que leur maître leur avait assigné). La bande était de plus de cent (Agnès Sampson en désigne trente-deux dans sa révélation) ; elle était précédée par Gellis Duncan, qui chantait en s’accompagnant de la harpe.
Là, leur maître leur apparut sous la forme d’un prédicateur. Le docteur Fian joua le rôle de maître des cérémonies. D’un souffle il fit crier les portes de l’église sur leurs gonds rouillés, et convertit en charbons allumés les cierges qui bordaient la chaire. Greillmeil remplit l’office de portier. Soudain le diable en personne apparut en chaire, couvert d’une robe et d’un chapeau noirs. Voici son portrait, crayonné à la façon du Dante, dans les Mémoires de James Melville : Son corps était dur comme le fer, sa figure terrible, son nez comme le bec de l’aigle, ses yeux comme un brasier ardent, ses mains et ses pieds armés de griffes et sa voix entrecoupée. Il fit d’abord l’appel de sa congrégation. Il demanda ensuite à chacun s’il l’avait fidèlement servi, ce qu’il avait fait depuis la dernière assemblée pour le succès de la grande conjuration contre le roi. Greillmeil, le portier, ayant étourdiment répondu : Rien encore, Dieu merci ! Lucifer lui fit rudement sentir qu’il avait dit une sottise. Il recommanda ensuite expressément à ses disciples de faire au roi tout le mal qu’ils pourraient ; après quoi il quitta la chaire et reçut en partant leurs hommages, accompagnés de cérémonies qu’il serait trop long de décrire ici.
Le sort des insensés qui firent de tels aveux ne pouvait être un instant douteux dans ce siècle de superstition. Fian, dont la vie n’était plus d’aucun prix après tant de souffrances, fut étranglé et livré aux flammes. Agnès Sampson subit le même sort.
Barbara Napier, désignée comme l’un des acteurs dans la scène de Northberwick, acquittée sur ce chef, fut condamnée pour d’autres faits de sorcellerie. La victime la plus digne d’intérêt dans ce drame épouvantable était Euphémie Mac Aizean, fille de lord Clistonhall, douée d’un esprit ferme, animée de passions ardentes, zélée catholique, ennemie jurée de Jacques et de la réforme.
On établit nécessairement qu’elle avait eu des rapports intimes avec des sorciers, et qu’elle avait employé leur assistance pour se défaire des personnes qui contrariaient sa perversité. Son acte d’accusation là charge d’un tissu de maléfices ou de tentatives de crime. Acquittée sur quelques chefs par le jury, elle fut convaincue d’avoir participé à d’anciens meurtres, et d’avoir assisté à la convention de Northberwick et à d’autres assemblées de sorciers conjurés contre la vie du roi. La peine de crimes semblables était d’être étranglé à un poteau et ensuite livré aux flammes : elle fut condamnée à être brûlée vive, supplice qu’elle subit avec un grand courage le 25 juin 1591. Telle fut l’impression produite par ces scènes sur l’esprit du Salomon écossais qu’elles lui inspirèrent un projet de statut amendant la procédure contre les sorciers et son bizarre Traité de démonologie.
Jade. Pierre à laquelle les Indiens attribuaient, entre autres propriétés merveilleuses, celles de soulager les douleurs de reins, quand on l’y appliquait, et de faire écouler le sable de la vessie. Ils la regardaient aussi comme un remède souverain contre l’épilepsie, et s’étaient persuadé que, portée en amulette, elle était un préservatif contre les morsures des bêtes venimeuses. Ces prétendues propriétés lui avaient donné la vogue à Paris il y a quelques années ; mais cette pierre prodigieuse a perdu sa réputation, et ses grandes vertus sont mises au rang des fables.
Jagghernat, horrible idole de l’Inde ; nous allions dire imprudemment divinité, car on abuse des mots. Mais ce n’est qu’un démon et des pires. Le sang et la mort sont ses délices ; et quand les Anglais se disent effrontément les civilisateurs du monde, Jagghernat règne encore. Voici ce qu’on a pu lire il y a peu de temps dans tous les journaux (1847) : « La grande procession de Jagghernat, qui a lieu tous les ans dans l’Inde, a été inaugurée le 5 août dernier par le renouvellement de ces sacrifices volontaires qu’inspire le fanatisme, et auxquels les Anglais se vantaient d’avoir mis fin. Cinq dévots exaltés se postèrent auprès de la pagode de Bali, sans donner le moindre soupçon de leur projet aux agents de l’autorité, et, au moment où le char gigantesque de l’idole venait de sortir, ils se précipitèrent sous les roues, en invoquant Vishnou, et restèrent littéralement broyés sur la place. À la vue d’une ferveur si ardente, l’enthousiasme de la multitude fut excité à tel point que, sans l’intervention de la force armée, le char sacré eût écrasé une centaine de victimes dans son parcours. Le moyen qui a le mieux réussi à contenir les dévots, ç’a été la menace de supprimer la procession pour toujours, si de nouveaux suicides venaient ensanglanter la fête. »
Jakises, esprits malins répandus dans l’air chez les Japonais. On célèbre des fêtes pour obtenir leurs bonnes grâces.
Jaldabaoth, une des déités des Ophites. Ce personnage avait pour mère Sophie ou la Sagesse et pour père le Chaos.
Jamambuxes ou Jammabos, espèce de fanatiques japonais du genre des fakirs. Ils errent dans les campagnes et prétendent converser familièrement avec le diable. Quand ils vont aux enterrements, ils enlèvent, dit-on, le corps, sans qu’on s’en aperçoive, et ressuscitent le mort. Après s’être meurtris de coups de bâton pendant trois mois, ils entrent en nombre dans une barque, s’avancent en pleine mer, font un trou à la barque et se noient en l’honneur de leurs dieux.
Cette sorte de fakirs fait sa profession, à ce qu’on assure, entre les mains du diable même, qui se montre à eux sous une forme terrible. Ils découvrent les objets perdus ou dérobés ; pour cela, ils font asseoir un petit garçon à terre, les deux pieds croisés ; ensuite ils conjurent le diable d’entrer dans le corps du jeune homme, qui écume, tourne les yeux, et fait des contorsions effrayantes. Le jamambuxe, après l’avoir laissé se débattre, lui recommande de s’arrêter et de dire où est ce qu’on cherche ; le jeune homme obéit : il prononce d’une voix enrouée le nom du voleur, le lieu où il a mis l’objet volé, le temps où il l’a pris, et la manière dont on peut le faire rendre. Voy. Goö.
Jamblique, philosophe platonicien du quatrième siècle, né en Syrie sous le règne de Constantin le Grand. Il fut disciple d’Anatole et de Porphyre. Il admettait l’existence d’une classe de démons ou esprits d’un ordre inférieur, médiateurs entre Dieu et les hommes. Il s’occupait des divinations, et on a vu, à l’article Alectryomancie, que c’est lui qui prédit par cette divination l’avènement au trône de Théodose. On ignore où, quand et comment il mourut ; mais Bodin assure qu’il s’empoisonna lui-même pour éviter le supplice que Valens réservait aux magiciens. On conte qu’étant un jour dans la ville de Gadare en Syrie, pour faire voir sa science magique, il fit sortir en présence du peuple deux génies ou démons d’une fontaine ; il les nommait Amour et Contre Amour ; l’Amour avait les cheveux dorés, tressés et flottants sur les épaules ; ils paraissaient éclatants comme les rayons du soleil ; l’autre était moins brillant ; ce qui attira l’admiration de toute la populace. Leloyer dit encore que c’est Jamblique et Maximus qui ont perdu Julien l’Apostat. — On recherche de Jamblique le traité des Mystères des Egyptiens, des Chaldéens et des Assyriens. Il s’y montre crédule pour toutes les rêveries des astrologues.
Jamma-Loka, enfer indien d’où, après un certain temps de peines et de souffrances, les âmes reviennent en ce monde pour y animer le premier corps où elles peuvent entrer.
Jannès et Mambrès, magiciens d’Égypte, les plus anciens que les saints livres nous fassent connaître par leur nom, après Cham. Ils faisaient apparaître des grenouilles, des serpents ; ils changeaient l’eau du Nil en sang, et tâchaient d’anéantir par leurs prestiges la vérité des miracles que Dieu faisait par l’organe de Moïse.
Jarretière. Secret de la jarretière pour les voyageurs. Vous cueillerez de l’herbe que l’on appelle armoise, dans le temps où le soleil fait son entrée au premier signe du Capricorne ; vous la laisserez un peu sécher à l’ombre, et en ferez des jarretières avec la peau d’un jeune lièvre, c’est-à-dire qu’ayant coupé la peau du lièvre en courroie de la largeur de deux pouces, vous en ferez un redoublé dans lequel vous coudrez ladite herbe, et les porterez aux jambes. Il n’y a point de cheval qui puisse suivre longtemps un homme de pied qui est muni de ces jarretières.
Ou bien vous prendrez un morceau de cuir de la peau d’un jeune loup, dont vous ferez deux jarretières ; sur lesquelles vous écrirez avec votre sang les paroles suivantes : Abumalith cados ; vous serez étonné de la vitesse avec laquelle vous cheminerez, étant muni de ces jarretières à vos jambes. De peur que les caractères écrits ne s’effacent, il sera bon de doubler la jarretière d’un padoue de fil blanc du côté de l’écriture.
« Il y a encore une manière de faire la jarretière, que j’ai lue dans un vieux manuscrit en lettres gothiques. En voici la recette. Vous aurez les cheveux d’un larron pendu, desquels vous ferez des tresses dont vous formerez des jarretières que vous coudrez entre deux toiles de telle couleur qu’il vous plaira ; vous les attacherez aux jambes de derrière d’un jeune poulain ; puis vous laisserez échapper le poulain, le ferez courir à perle d’haleine, et vous vous servirez ensuite avec plaisir de ces jarretières »
On prétendait autrefois que les magiciens pouvaient donner une jarretière enchantée, avec laquelle on faisait beaucoup de chemin en peu de temps. C’est là peut-être l’origine des bottes de sept lieues.
Jaunisse. Les rois de Hongrie croyaient avoir le privilège de guérir la jaunisse par l’attouchement.
Javanais. Nous empruntons aux Études sur les Indes d’un résident néerlandais quelques détails sur les superstitions des Javanais idolâtres : Ils ont une foi entière aux songes, aux présages, divisent les jours en heureux et malheureux, jettent le sort à la naissance, croient aux dons surnaturels, à l’invulnérabilité, à la sorcellerie, aux enchantements, aux charmes, aux philtres. Rocs, forêts, montagnes, cavités, abîmes, tout est, selon eux, habité par des êtres invisibles ; et, ne se bornant point aux rêves de leur cerveau malade, ils ont adopté tout ce que le continent de l’Inde, l’Arabie, la Perse, présentent d’êtres merveilleux. Grands et petits, princes et paysans, ont la même crédulité. Heureusement tout cela est dépourvu le plus souvent de malice et d’artifice ; mais quelquefois leur aveuglement, excité par des motifs puissants, les pousse aux excès les plus coupables et les plus dangereux.
Entre les pratiques les moins à redouter, je citerai la suivante. Il est d’usage parmi les voleurs, à Java, d’exorciser, pour ainsi dire, la maison qu’ils ont dessein de piller ; à cet effet, ils jettent contre les murs, et même, s’il est possible, jusque dans le lit des habitants, une certaine quantité de terre tirée d’une fosse nouvellement creusée, afin d’y introduire un sommeil léthargique : après quoi ils volent avec la plus parfaite sécurité. Cette croyance n’est point bornée aux seuls larrons ; leurs victimes la partagent également. Ils mettent précieusement en réserve de la terre préparée pour cette opération, et souvent, dans les tournées que mes fonctions me forçaient de faire pour réprimer les déprédations, les voleurs que j’ai interrogés m’ont expliqué comment ils s’en servaient.
L’ancien code de Java, encore en vigueur à Bali, est rempli de lois contre la sorcellerie, et prouve jusqu’à l’évidence les funestes effets de la superstition sur l’esprit d’un peuple ignorant et entêté. En voici quelques extraits : « Si l’on écrit le nom d’un individu quelconque sur un drap mortuaire, une bière, une figure de pâte, ou une feuille, et ensuite si l’on enterre cet objet, si on le suspend à un arbre, si on l’expose sur la voie publique, ou au milieu de deux chemins qui se croisent, il y a sorcellerie. — Si l’on écrit le nom d’un individu quelconque sur un ossement, soit de la tête, soit de toute autre partie du corps, et qu’après avoir employé pour cette opération un mélange de sang et de charbon, on le place sur Je seuil d’une porte, il y a sorcellerie. — Quiconque use de sortilèges, sera condamné à mort par le juge, et si la chose est prouvée d’une manière évidente, la peine de mort s’étendra sur les parents, les enfants, les petits-enfants du coupable, sans qu’aucun puisse en être excepté. — Qu’il ne soit point permis aux criminels convaincus d’une telle abomination de souiller plus longtemps la terre parleur présence ; que leurs propriétés de toute espèce soient confisquées ; que les parents et enfants du sorcier soient relégués dans la partie la plus reculée du pays, et s’ils prennent la fuite, qu’ils soient punis de mort ; que leurs biens soient, dans tous les cas, recherchés et confisqués. »
Jayet d’Islande. Les anciens Islandais attribuaient des vertus surnaturelles à ce jayet, qu’ils regardaient comme un ambre noir. Sa principale qualité était de préserver de tout sortilège celui qui en portait sur lui. En second lieu, ils le croyaient un antidote contre le poison. Sa troisième propriété était de chasser les esprits et les fantômes, lorsqu’on en brûlait dans une maison ; la quatrième, de préserver de maladies épidémiques les appartements qui en étaient parfumés. La plupart de ces idées superstitieuses subsistent encore.
Jean (Évangile de saint). Voy. Bibliomancie.
Jean, magicien sectateur d’Apollonius de Tyane. Il courait de ville en ville, faisant le métier de charlatan, et portait une chaîne de fer au cou. Après avoir séjourné quelque temps à Lyon, il acquit une si grande célébrité par ses cures merveilleuses, que le souverain du pays l’admit en sa présence. Jean donna à ce prince une superbe épée enchantée ; elle s’entourait merveilleusement, dans le combat, de cent quatre-vingts couteaux tirés. Il lui donna aussi un bouclier portant un miroir, qu’il disait avoir la vertu de divulguer les plus grands secrets. Ces armes disparurent un jour ou furent volées ; sur quoi Delancre conclut que si les rois de France dressaient, comme les ducs d’Italie, des arsenaux de vieilleries (ce qu’ils font à présent), on y trouverait de ces armes enchantées et fabriquées par quelque magicien ou sorcier.
Jean, patriarche schismatique de Constantinople. Zonaras conte que l’empereur grec Théophile, se voyant obligé de mettre à la raison une province révoltée sous la conduite de trois capitaines, consulta le patriarche Jean, habile enchanteur. Celui-ci fit faire trois gros marteaux d’airain, les mit entre les mains de trois hommes robustes, et conduisit ces hommes au milieu du cirque, devant une statue de bronze à trois têtes. Ils abattirent deux de ces tètes avec leurs marteaux, et firent pencher le cou à la troisième sans l’abattre. Peu après, une bataille se donna entre Théophile et les rebelles : deux des capitaines furent tués, le troisième fut blessé et mis hors de combat, et tout rentra dans l’ordre.
Jean XXII, pape, mort en 1334, après un pontificat de dix-huit ans. On lui attribue les Taxes de la chambre apostolique, traduites en français sous le titre de Taxes des parties casuelles de la boutique du pape. Ce texte, presque partout, est une supposition d’un protestant faussaire. On donne encore à Jean XXII l’Élixir des philosophes ou l’Art transmutatoire des métaux, livre qu’il n’a pas fait. Ce livre a été traduit du latin en français ; in-12, Lyon, 1557.
On dit enfin que Jean XXII ou Jean XXI s’occupait d’astrologie et s’amusait à supputer les changements de temps. On a fait là-dessus de petits contes assez dépourvus de sel.
Jean ou Iwan Basilowitz, grand-duc de Moscovie, au quatorzième siècle, tyran cruel. À l’article de la mort, il tomba, dit-on, dans des pâmoisons terribles, et son âme fit de pénibles voyages. Dans le premier, il fut tourmenté en un lieu obscur, pour avoir tenu au cachot des prisonniers innocents ; dans la seconde excursion, il fut encore plus tourmenté pour avoir accablé le peuple d’impôts ; et son successeur Théodore eut soin de l’en décharger en partie. Iwan mourut à son troisième voyage ; son corps jeta une puanteur si infecte qu’on ne pouvait l’approcher ; ce qui fit penser que son âme avait été emportée par le diable ; d’autant plus que son cadavre avait disparu, quand vint le jour fixé pour l’enterrement.
Jean-Baptiste. Il y a des paysans qui croient, on ne sait sur quelle autorité, que saint Jean-Baptiste est né dans un chameau…
Jean d’Arras, écrivain français du quatorzième siècle, qui compila le roman de Mélusine. Voy. ce mot.
Jean d’Estampes. D’anciennes chroniques rapportent que Jean d’Estampes, l’un des gardes de Charlemagne, mourut en 1139, après avoir vécu 336 ans ; mais d’autres disent qu’il ne vécut, que 250 ans : malheureusement son secret de longévité n’est connu de personne.
Jean de Leyde ou Jean Bockelson, chef des anabaptistes de Münster, qu’il constitua en république communiste et sociale ; il s’y posa en inspiré, fit une constitution ébouriffante et une religion spéciale. Il était tailleur à Leyde ; il se proclama roi à Münster, prit la couronne et battit monnaie. Il disait qu’il ramenait le règne de Salomon. Dans sa liturgie commode, on dansait, puis on communiait en plein air avec des gâteaux et du vin ; le gâteau et la coupe étaient présentés aux hommes par des femmes et aux femmes par des hommes. Devenu roi, Jean, que possédaient évidemment plusieurs démons dont il servait les désirs, épousa seize femmes qu’il appela toutes reines ; il tua en même temps tous ceux qui lui paraissaient suspects de ne pas le vénérer. Il en venait à se faire adorer, quand les princes qu’il dépossédait l’assiégèrent dans Münster, le prirent et le mirent à mort sur un échafaud.
Jean de Meung, astrologue qui composa le roman de la Rose, où il montra bien son savoir, quoiqu’il ne fût âgé que de dix-neuf ans lorsqu’il le fit. Il est aussi l’auteur d’un livre intitulé Traité sur la direction des nativités et révolutions des ans ; il traduisit le livre des Merveilles d’Irlande. On prétend que c’est lui qui a prédit les hauts faits d’armes du connétable de France Bertrand du Guesclin.
Jean de Milan, astrologue du quinzième siècle, qui prédit à Velasquez, gouverneur d’Hispaniola ou Saint-Domingue, l’heureuse issue delà guerre du Pérou, entreprise par Fernand Cortez.
Jean de Sicile, habile astrologue et théologien qui prédit le couronnement de l’empereur Sigismond. C’est encore lui qui annonça à Boucicault ce qui lui devait advenir, et qui l’avertit de la trahison que firent aux Français le marquis de Montferrat et le comte Francisque, trahison qu’il évita en fuyant.
Jean le Chasseur. Voy. Kojosed.
Jean Mullin. Voy. Mullin.
Jeanne d’Arc, dite la Pucelle d’Orléans, née en Champagne, à Domremy près de Vaucouleurs, sur la lisière de la Lorraine, en 1410. Jamais la France ne fut accablée de calamités aussi grandes que durant le demi-siècle qui précéda l’année mémorable où l’on vit le courage abattu de ses guerriers, près de subir complètement le joug de l’étranger, se ranimer à la voix d’une jeune fille de dix-huit ans. Charles VII était sur le point de céder à l’ennemi Chinon, sa dernière place, lorsque Jeanne d’Arc parut, vers la fin de février 1429. Ce n’était qu’une simple paysanne. Son père se nommait Jacques d’Arc ; sa mère, Isabelle Ramée. Dès sa plus tendre enfance elle avait montré une timidité sans exemple et fuyait le plaisir pour se livrer tout entière à Dieu ; elle avait seize ans, lorsqu’un jour, à midi, elle vit dans le jardin de son père l’archange Michel, l’ange Gabriel, sainte Catherine et sainte Marguerite, resplendissants de lumière. Ces saints, depuis, la guidèrent dans ses actions. Les voix (car elle s’exprimait ainsi) lui ordonnèrent d’aller en aide au roi de France, et de faire lever le siège d’Orléans. Malgré les avis contraires, elle obéit aux voix et se rendit d’abord à Vaucouleurs. Jean de Metz, frappé de ce qu’elle lui dit, se chargea de la présenter au roi. Ils arrivèrent tous deux, le 24 février 1429, à Chinon, où Charles tenait sa petite cour. Jeanne s’agenouilla devant lui. L’étonnement fut grand ; et on hésita d’abord devant une mission si merveilleuse ; mais après un examen sérieux et de savantes consultations, on donna à la jeune fille des chevaux et des hommes ; on l’arma d’une épée que, sur sa révélation, on trouva enterrée dans l’église de Sainte-Catherine de Fierbois. Elle se rendit aussitôt sous les murs d’Orléans, et combattit dès le premier jour avec un courage qui éclipsa celui des grands capitaines. Elle chassa les Anglais d’Orléans, fit ensuite, selon l’ordre qu’elle avait reçu, sacrer son roi à Reims, lui rendit Troyes, Châlons, Auxerre, et la plus grande partie de son royaume. Après quoi, elle voulut se retirer, disant formellement que sa mission était accomplie. Mais elle avait donné trop de preuves de sa vaillance, et l’armée avait trop de confiance en elle, pour qu’on lui accordât sitôt sa liberté. Ce fut la cause de ses malheurs : elle les prévit, les annonça en pleurant ; et bientôt, s’étant jetée dans Compiègne pour défendre cette place contre le duc de Bourgogne, elle fut prise par un gentilhomme picard qui la vendit à Jean de Luxembourg, lequel la revendit aux Anglais.
Pour se venger de ce qu’elle les avait trop souvent vaincus, ceux-ci l’accusèrent d’avoir employé les sortilèges et la magie à ses triomphes. On la traduisit devant un tribunal corrompu, qui la déclara fanatique et sorcière. Ce qui n’est pas moins horrible, c’est que l’ingrat monarque qui lui devait sa couronne l’abandonna ; il crut n’avoir plus besoin d’elle. Le procès se poursuivit avec activité. Durant l’instruction, Ligny-Luxembourg vint la voir, accompagné de Warwick et de Straffort : — Je sais bien, leur dit-elle, que ces Anglais me feront mourir, croyant qu’après ma mort ils gagneront le royaume de France. Mais, seraient-ils cent mille, avec ce qu’ils sont à présent, ils n’auront pas ce royaume. — Fatiguée de mauvais traitements, elle tomba dangereusement malade. Bedfort, Wincester, Warwick chargèrent deux médecins d’avoir soin d’elle, et leur enjoignirent de prendre bien garde qu’elle ne mourût de sa mort naturelle ; « le roi d’Angleterre l’avait trop cher achetée pour être privé de Ici joie de la faire brûler. »
Enfin on la conduisit à la place du cimetière de l’abbaye de Rouen. L’exécuteur l’attendait là avec une charrette, pour la mener au bûcher sous l’escorte de cent vingt hommes. On l’avait revêtue d’un habit de femme ; sa tête était chargée d’une mitre en carton, sur laquelle étaient écrits ces mots : Hérétique, relapse, apostate, idolâtre. Deux pères dominicains la soutenaient ; elle s’écriait sur la route : Ah ! Rouen, Rouen, tu seras ma dernière demeure !
On avait élevé deux échafauds sur la place du Vieux-Marché. Les juges attendaient leur victime chargée de fers. Son visage était baigné de pleurs : on la fit monter sur le bûcher, qui était fort élevé,
Jeanne Dibisson, sorcière, arrêtée à l’âge de vingt-neuf ans. On l’avait vue plusieurs fois danser au sabbat ; elle disait que ceux qui y vont trouvent le temps si court qu’ils n’en peuvent sortir sans regret. Il ne paraît pas qu’elle ait été brûlée
Jeanne du Hard, sorcière, saisie à l’âge de cinquante-six ans. On la trouve impliquée dans l’affaire de Marie Chorropique, pour lui avoir touché le bras, lequel devint mort. Nous ne dirons pas si elle fut brûlée.
Jeanne (Mère). Une vieille fille vénitienne, connue sous le nom de mère Jeanne, infatua tellement Guillaume Postel de ses rêveries qu’il soutint, dans un livre écrit à son sujet, que la rédemption des femmes n’avait pas encore été achevée, et que cette Vénitienne devait accomplir ce grand ouvrage. C’était la mère que cherchent aujourd’hui les saint-simoniens et qu’ils ne retrouvent plus.
Jeanne Southcote. Voy. Southcote.
Jédaï, divinité peu précise des Tartares de l’Altaï. Ils lui donnent cependant le titre de roi, et ils racontent qu’il possédait un briquet duquel il faisait jaillir des guerriers par centaines ; il en tirait aussi des ponts pour traverser les fleuves, et des vents qui lui frayaient une route à travers les déserts.
Jéhovah. Ce nom auguste est employé souvent chez les cabalistes juifs. On le trouve dans les odieuses et absurdes conjurations de la magie noire.
Jénounes. Quelques Arabes nomment ainsi une sorte de génies intermédiaires entre les anges et les diables : ils fréquentent les bosquets et les fontaines, cachés sous la forme de divers reptiles, exposés à être foulés sous les pieds des passants. La plupart des maladies sont le résultat de leurs vengeances. Lorsqu’un Arabe est indisposé, il s’imagine avoir outragé un de ces agents invisibles ; il a aussitôt recours aune magicienne qui se rend à quelque source voisine, y brûle de l’encens et sacrifie un coq ou une poule, un bélier ou une brebis, suivant le sexe, la qualité du malade ou la nature de la maladie.
Jérôme (Saint). On a eu le front de lui attribuer des livres de nécromancie, et particulièrement l’Art notoire. Voy. ce mot.
Jérôme, habitant de Plaisance au quinzième siècle. Séduit par une magicienne, il se frotta d’un onguent qu’elle lui donna et fit certains signes qu’elle lui indiquait. Il se sentit aussi enlevé, comme s’il eût été sur un cheval, et emporté au sabbat, autour du noyer de Bénévent. Éclairé ainsi, il renonça à Satan et entra dans l’ordre de Saint-Benoît, où il mourut chrétien.
Jérusalem. Avant la destruction de Jérusalem par Titus, fils de Vespasien, on distingua, dit-on, une éclipse de lune qui se répéta douze nuits de suite. Un soir, vers le coucher du soleil, on aperçut dans l’air des chariots de guerre, des cavaliers, des cohortes de gens armés, qui, mêlés aux nuages, couvraient toute la ville et l’environnaient de leurs bataillons. Pendant le siège, et peu de jours avant la ruine de la ville, on vit tout à coup paraître un homme absolument inconnu, qui se mit à parcourir les rues et les places publiques, criant sans cesse : « Malheur à toi, Jérusalem ! » On le fit battre de verges ; on le déchira de coups, pour lui faire dire d’où il sortait ; mais sans pousser une seule plainte, sans répondre un seul mot, sans donner le moindre témoignage de souffrance, il criait toujours et sans relâche : « Malheur à toi, Jérusalem ! » Enfin, un jour qu’il se trouvait sur le rempart, il s’écria : « Malheur à moi-même !» et un instant après il fut écrasé par une des pierres que lançaient les assiégeants.
Jésabel, reine des Israélites, que Jéhu fit manger aux chiens après l’avoir fait précipiter du haut d’une tour, et que Bodin met au nombre des sorcières. Elle mérite cet opprobre, car elle adorait les démons.
Jetzer. L’affaire des jacobins de Berne a fait un grand bruit ; et les ennemis de la religion l’ont travestie avec une insigne mauvaise foi. Voici toute l’histoire :
Les dominicains ou jacobins ne s’accordaient pas entièrement avec les cordeliers sur le fait auguste de l’immaculée conception de la très-sainte Vierge. Les dominicains ne l’admettaient pas absolument. Or, au commencement du seizième siècle, il y avait au couvent des dominicains de Berne, alors fort relâché, quatre mauvais moines, qui imaginèrent une affreuse jonglerie pour faire croire que la sainte Vierge se prononçait contre les cordeliers, qui défendaient une de ses plus belles et de ses plus incontestables prérogatives. Us avaient parmi eux un jeune moine, simple et crédule, nommé Jetzer ; ils lui firent apparaître pendant la nuit des âmes du purgatoire et lui persuadèrent qu’il les délivrerait en restant couché en croix dans une chapelle, pendant le temps qu’on célébrerait la sainte messe. On lui fit voir ensuite sainte Barbe, à laquelle il avait beaucoup de dévotion, et qui lui annonça qu’il était destiné à de grandes choses. Par une nouvelle imposture sacrilège, le sous-prieur, qui était un des quatre moines criminels, fit le personnage de la sainte Vierge, s’approcha la nuit de Jetzer et lui donna trois gouttes de sang, disant que c’étaient trois larmes que Jésus-Christ avaient répandues sur Jérusalem. Ces trois larmes signifiaient que la sainte Vierge était restée trois heures dans le péché originel… Cette explication était rehaussée de diatribes contre les cordeliers. Jetzer, qui était de bonne foi et qui avait l’âme droite, s’inquiétait de la passion qui perçait dans cette affaire, et se troublait surtout de reconnaître la voix du sous-prieur dans la voix de la sainte Vierge. Pour le raffermir, on l’endormit avec un breuvage et on voulut le stigmatiser ; puis, comme il ne répondait pas à l’espoir qu’on avait mis en lui, on chercha, dit-on, à l’empoisonner et on l’enferma ; mais il trouva moyen de s’échapper ; il s’enfuit à Rome, où il révéla toute l’intrigue. Le Saint-Siège fit poursuivre les moines scélérats et les fit livrer au bras séculier. Les quatre dominicains coupables furent brûlés le 31 mars 1509, à la porte de Berne. Mais le malheur de ces grandes profanations, c’est que les ennemis de l’Église oublient la réparation ou la taisent, et n’en gardent que le scandale.
Jeu. Prenez une anguille morte par faute d’eau ; prenez le fiel d’un taureau qui aura été tué par la fureur des chiens ; mettez-le dans la peau de cette anguille, joignez-y une drachme de sang de vautour ; liez la peau d’anguille par les deux bouts avec de la corde de pendu, et cachez cela dans du fumier chaud l’espace de quinze jours ; puis vous le ferez sécher dans un four chauffé avec de la fougère cueillie la veille de la Saint-Jean, et vous en ferez un bracelet, sur lequel vous écrirez avec une plume de corbeau et de votre propre sang ces quatre lettres HVTV, et, portant ce bracelet autour de votre bras, vous ferez fortune dans tous les jeux. Voy. Roitelet.
Jeudi. Les sorciers font ce jour-là un de leurs plus abominables sabbats, s’il faut en croire les démonomanes.
Jézer-Tob, Jézer-Hara. Suivant l’ancienne cabale des Juifs, le monde des esprits est partagé, comme notre monde, en deux catégories : les esprits de lumière et les esprits de ténèbres. Jézer-Tob est le chef ou président des esprits de lumière, et Jézer-Hara le chef des esprits de ténèbres ou démons.
Joachim, abbé de Flore, en Calabre, passa pour prophète pendant sa vie et laissa des livres de prédictions qui ont été condamnés en 1215 par le concile de Latran. On lui attribue aussi l’ouvrage intitulé l’Evangile éternel.
Job. Des alchimistes disent que Job, après son affliction, connut le secret de la pierre philosophale, et devint si puissant qu’il pleuvait chez lui du sel d’or ridée analogue à celle des Arabes, qui tiennent que la neige et les pluies qui tombaient chez lui étaient précieuses.
Isidore place dans l’Idumée la fontaine de Job, claire trois mois de l’année, trouble trois mois, verte trois mois et rouge trois autres mois. C’est peut-être cette fontaine que, selon les musulmans, l’ange Gabriel fit sortir en frappant du pied, et dont il lava Job et le guérit.
Jobard, savant très-spirituel, mort à Bruxelles en 1861. Les spirites de Paris l’ont évoqué ; il a répondu : au moins on l’assure ; et les journaux annonçaient, au commencement de 1862, que sa verve était très-compromettante pour beaucoup de savants restés en vogue.
Jocaba. Voy. Cincinnatulus.
Jockey des Fées. On a souvent répété, en Écosse, l’histoire d’un audacieux jockey, lequel vendit un cheval à un vieillard très-vénérable d’extérieur, qui lui indiqua, dans les montagnes d’Eildon, Lucken-Hare comme l’endroit où, à minuit sonnant, il recevrait son prix. Le marchand y alla, son argent lui fut payé en pièces antiques, et l’acheteur l’invita à visiter sa résidence. Il suivit avec étonnement plusieurs longues rangées de stalles, dans chacune desquelles un cheval se tenait immobile, tandis qu’un soldat armé de toutes pièces était couché, aussi sans mouvement, aux pieds de chaque noble animal. « Tous ces hommes, dit à voix basse le maître du lieu, s’éveilleront à la bataille de Sheriffmoor. »
À l’extrémité étaient suspendus une épée et un cor qui devait rompre le charme. Le jockey prit le cor et essaya d’en donner. Les chevaux tressaillirent aussitôt dans leurs stalles ; les soldats se levèrent et firent retentir leurs armes. Une voix forte prononça ces mots : « Malheur au lâche qui ne saisit pas le glaive avant d’enfler le cor. » Un tourbillon de vent chassa l’acheteur de la caverne, dont il ne put jamais retrouver l’entrée…
Jogonnata. Voy. Jagghernat.
Johannes de Curüs. Voy. Flaxbinber.
Johnson (Samuel). Johnson, incrédule pour tout ce qui n’était qu’extraordinaire, adoptait avec plus de confiance tout ce qui sentait le miracle, traitant de fable, par exemple, un phénomène de la nature, et écoutant volontiers le récit d’un songe ; doutant du tremblement de terre de Lisbonne pendant six mois, et allant à la chasse du revenant de Cock-Lane ; rejetant les généalogies et les poèmes celtiques, et se déclarant prêt à ajouter foi à la seconde vue des montagnards d’Écosse. En religion, plusieurs de ses opinions étaient plus que libres, et en même temps il vivait sous la tyrannie de certaines pratiques superstitieuses.
Joli-Bois. Voy. Verdelet.
Jongleurs. Voy. Escamoteurs, Harvis, Charlatans, etc.
Jormungandur, serpent monstrueux de l’enfer Scandinave, né du diable et de la géante Angerbode.
Josefsdal (Vallée de Josef). De nos jours encore, on donne ce nom, en Suède, au lieu où se fait le sabbat des sorciers.
Joseph. On croit dans plusieurs pays que les magiciens et sorciers n’ont aucun pouvoir sur ceux qui ont reçu au baptême le nom de Joseph.
Josué Ben-Levi, rabbin si rusé et si sage qu’il trompa le ciel et l’enfer tout ensemble. Comme il était près de trépasser, il gagna si bien le diable qu’il lui fit promettre de le porter jusqu’à l’entrée du paradis, lui disant qu’il ne voulait que voir le lieu de l’habitation divine, et qu’il sortirait du monde plus content. Le diable, ne voulant pas lui refuser cette satisfaction, le porta jusqu’au guichet du paradis ; mais Josué, s’en voyant si près, se jeta dedans avec vitesse, laissant le diable derrière, et jura par le Dieu vivant qu’il n’en sortirait point. Dieu, disent les rabbins, fit conscience que le rabbin se parjurât et consentit à ce qu’il demeurât avec les justes.
Jours. Les magiciens et sorciers ne peuvent rien deviner le vendredi ni le dimanche. Quelques-uns disent même que le diable ne fait pas ordinairement ses orgies et ses assemblées ces jours-là ; mais ce sentiment n’est pas général. Si on rogne ses ongles les jours de la semaine qui ont un r, comme le mardi, le mercredi et le vendredi, il viendra des envies aux doigts. Il n’est pas facile d’en donner la raison. Suivant une autre croyance répandue en Hollande, en ne coupant ses ongles que le vendredi, on n’a jamais mal aux dents. On a fait des tables des jours heureux et malheureux pour chaque mois ; mais comme elles varient toutes, le jour heureux de l’une étant malheureux dans l’autre, nous laissons aux amateurs le soin de dresser ces tables à leur gré pour leur usage.
Judas Iscariote. Après sa trahison infâme, il fut possédé du diable et se pendit à un sureau. Les Flamands appellent encore les excroissances parasites de l’écorce du sureau sueur de Judas.
Jugement de Dieu. Voy. Épreuves, Ordalie, etc.
Jugement dernier. Les musulmans disent que le jour du jugement dernier durera cinquante mille ans. Mais chacun y sera si occupé qu’on ne s’en apercevra pas.
Juif errant. On voit dans la légende du Juif errant que ce personnage était cordonnier de sa profession, et qu’il se nommait Ahasvérus ; mais la complainte l’appelle Isaac Laquedem. À l’âge de dix ans, il avait entendu dire que trois rois cherchaient le nouveau roi d’Israël ; il les suivit et visita avec eux la sainte étable de Bethléem. Il allait souvent entendre Notre-Seigneur. Lorsque Judas eut vendu son maître, Ahasvérus abandonna aussi celui qu’on trahissait.
Comme on conduisait Jésus au Calvaire chargé de l’instrument de sa mort, le bon Sauveur voulut se reposer un instant devant la boutique du cordonnier, qui, craignant de se compromettre, lui dit : « Allez plus loin, je ne veux pas qu’un criminel se repose à ma porte. » Jésus le regarda et lui répondit : « Je vais et reposerai ; mais vous marcherez et vous ne reposerez pas ; vous marcherez tant que le monde durera, et au jugement dernier vous me verrez assis à la droite de mon Père. » Le cordonnier prit aussitôt un bâton à la main et se mit à marcher sans pouvoir s’arrêter nulle part. Depuis dix-huit siècles il a parcouru toutes les contrées du globe sous le nom de Juif errant. Il a affronté les combats, les naufrages, les incendies. Il a cherché partout la mort et ne l’a pas trouvée. Il a toujours cinq sous dans sa bourse. Personne ne peut se vanter de l’avoir vu ; mais nos grands-pères nous disent que leurs grands-pères l’ont connu, et qu’il a paru, il y a plus de cent ans, dans certaines villes. Les aïeux de nos grands-pères en disaient autant, et les bonnes gens croient à l’existence personnelle du Juif errant.
Ce n’est pourtant qu’une allégorie ingénieuse, qui représente toute la nation juive, errante et dispersée depuis l’anathème tombé sur elle. Leur race ne se perd point, quoique confondue avec les nations diverses, et leurs richesses sont à peu près les mêmes dans tous les temps aussi bien que leurs forces. M. Edgar Quinet a fait sur Ahasvérus un poème humanitaire ; M. le baron de Reiffenberg une chronique.
Juifs. Indépendamment de ce coup de foudre qui marque partout les juifs et les fait partout reconnaître, il y a sur eux plusieurs signes d’abandon. Tant qu’ils ont été le peuple fidèle, ils ont conservé intact le dépôt des saintes Écritures. Depuis leur crime, les enseignements de Moïse et des prophètes se sont étouffés chez eux sous les incroyables absurdités du Talmud ; et le sens n’est plus avec eux. La terre sainte, qui était le plus fertile et le plus beau pays du monde, maudite depuis dix-huit siècles, est devenue si misérable qu’elle ne nourrit plus ses rares habitants. Partout les juifs se sont vus mal tolérés. Souvent on les poursuivit pour des crimes imaginaires ; mais leur histoire est souvent chargée de crimes trop réels. On les chassa de l’Espagne, qu’ils voulaient dominer ; et sans cette mesure la Péninsule serait aujourd’hui la proie des juifs et des Maures. Souvent, sans doute, on mit peu d’humanité dans les poursuites exercées contre eux ; mais on ne les bannissait pas sans leur donner trois mois pour s’expatrier, et ils s’obstinaient à demeurer dans les pays où leurs têtes étaient proscrites.
Parmi les moyens que l’on employait pour les découvrir, il en est un singulier que rapporte Tostat dans son livre des Démons : c’était une tête d’airain, une androïde, qui, en Espagne, dit-il, révélait les juifs cachés…
Ils faisaient l’usure et dépouillaient les chrétiens dans les contrées où ils étaient soufferts ; puis, quand ils avaient tout ravi, les princes qui avaient besoin d’argent les faisaient regorger avec violence. Dans de tels cas, ils essuyèrent surtout de grandes vexations chez les Anglais. Le roi Jean fit un jour emprisonner les riches juifs de son royaume pour les forcer à lui donner de l’argent ; un d’eux, à qui on arracha sept dents l’une après l’autre, en l’engageant de la sorte à contribuer, paya mille marcs d’argent à la huitième. Henri III tira d’Aaron, juif d’York, quarante mille marcs d’argent et dix mille pour la reine. Il vendit les autres Juifs de son pays à son frère Richard pour le terme d’une année, afin que ce comte éventrât ceux qu’il avait déjà écorchés, comme dit Matthieu Paris… En général, lorsqu’on tolérait les juifs, on les distinguait des autres habitants par des marques infamantes.
« Avant de quitter Jaffa, dit un illustre voyageur, je ne vous parlerai pas d’une coutume que vous ignorez peut-être et qui est établie chez les Grecs de cette ville. Chaque soir, pendant le carême, les petits enfants des familles grecques vont à la porte des maisons chrétiennes et demandent avec des cris monotones, qu’on prendrait pour une complainte, du bois ou des paras (liards) pour acheter du bois. — Donnez, donnez, disent-ils ; et l’an prochain vos enfants seront mariés ; et leurs jours seront heureux ; et vous jouirez longtemps de leur bonheur.
» Le bois que sollicitent ces enfants est destiné à brûler les juifs. C’est le soir du jeudi saint des Grecs qu’on allume les feux ; chaque petite troupe allume le sien. On fabrique un homme de paille avec le costume juif, et la victime en effigie est ainsi conduite devant le feu, au milieu des clameurs et des huées. Les enfants délibèrent gravement sur le genre de supplice auquel il faut condamner l’Israélite ; les uns disent : Crucifions-le, il a crucifié Jésus-Christ ; les autres : Coupons-lui la barbe et les bras ; puis la tête ; d’autres enfin : Fendons-le, déchirons-lui les entrailles, car il a tué notre Dieu. Le chef de la troupe, prenant alors la parole : — Qu’est-il besoin, dit-il, de recourir à tous ces supplices ? Il y a là un feu tout allumé ; brûlons le juif. — Et le juif est jeté dans les flammes. — Feu, feu, s’écrient les enfants, ne l’épargne pas, dévore-le ; il a souffleté Jésus-Christ ; il lui a cloué les pieds et les mains. — Les enfants énumèrent ainsi toutes les souffrances que les juifs firent endurer au Sauveur. Quand la victime est consumée, on jette au vent ses cendres avec des imprécations ; et puis chacun se retire, satisfait d’avoir puni le bourreau du Christ. — De semblables coutumes portent avec elles leur caractère, et n’ont pas besoin d’être accompagnées de réflexions. »
Les diverses religions sont plus ou moins tolérées dans les États des Turcs et des Persans. Des juifs, à Constantinople, s’avisèrent de dire, en conversation, qu’ils seraient les seuls qui entreraient dans le paradis. — Où serons-nous donc, nous autres ? leur demandèrent quelques Turcs avec qui ils s’entretenaient. — Les juifs, n’osant pas leur dire ouvertement qu’ils en seraient exclus, leur répondirent qu’ils seraient dans les cours. Le grand vizir, informé de cette dispute, envoya chercher les chefs de la synagogue et leur dit que, puisqu’ils plaçaient les musulmans dans les cours du paradis, il était juste qu’ils leur fournissent des tentes, afin qu’ils ne fussent pas éternellement exposés aux injures de l’air. On prétend que c’est depuis ce temps-là que les juifs, outre le tribut ordinaire, payent une somme considérable pour les tentes du grand seigneur et de toute sa maison, quand il va à l’armée.
Nous ne réveillerons pas ici les accusations portées contre les juifs à propos de l’assassinat commis à Damas, le 5 février 1840, contre le père Thomas et son domestique. Ceux qui ont lu les pièces officielles de ce triste procès savent ce qu’ils doivent en penser. Mais nous extrairons du savant Journal historique et littéraire de Liège (janvier 1841) un passage relatif à la doctrine des juifs sur le meurtre :
« Le célèbre rabbin Maimonides, mort en 1205, écrivait à l’époque où les juifs furent le plus accusés de meurtres sur les chrétiens. Un de ses principaux ouvrages est le Jad Chazakah ou la Main forte, qui est un abrégé substantiel du Talmud. Voici ce qu’il dit :
« Il nous est ordonné de tuer les hérétiques (minim), c’est-à-dire ceux des Israélites qui se livrent à l’idolâtrie, ou celui qui pêche pour irriter le Seigneur, et les épicuriens, c’est-à-dire ceux des Israélites qui n’ajoutent pas foi à la loi et à la prophétie. Si quelqu’un a la puissance de les tuer publiquement par le duel, qu’il les tue de cette manière. S’il ne peut faire ainsi, qu’il tâche de les circonvenir par fraude jusqu’à ce qu’il leur ait donné la mort. Mais de quelle manière ? Je réponds : S’il voit l’un d’eux tombé au fond d’un puits dans lequel une échelle avait été placée auparavant, qu’il la retire et dise : Je suis obligé de faire descendre du toit mon fils qui est en danger ; quand je l’aurai sauvé, je vous remettrai l’échelle. Et ainsi des autres circonstances. »
» Ce passage n’est qu’une paraphrase du texte talmudique de l’Avoda-Sara, chap., II, qui prescrit les mêmes manœuvres pour faire périr les hérétiques. Il ajoute un autre expédient, celui de fermer le puits au moyen d’une pierre, et de dire qu’on l’a couvert de crainte que le bétail n’y tombât. L’objet de ces homicides est moins déterminé dans le Talmud que dans le passage de Maimonides ; il laisse plus de latitude aux coups meurtriers. Tous les minim sont désignés au fer assassin ; et il est notoire que les chrétiens sont appelés de ce nom. Le Talmud appelle les Évangiles le livre des minim. Maimonides compte parmi les hérétiques (minim) ceux qui prétendent que Dieu a pris un corps et qui adorent, outre le Seigneur, un médiateur entre lui et nous, c’est-à-dire les chrétiens.
» La haine des juifs contre les chrétiens est ancienne. Sans remonter au premier siècle, tout plein d’exemples sanglants, Chosroês, roi de Perse, fit, en 615, une irruption sur la Palestine ; il comptait sur les juifs pour se défaire des chrétiens. Il prit Jérusalem et fit une multitude de prisonniers chrétiens qu’il vendit aux juifs. Leur empressement fut tel que chacun consacrait une partie de son patrimoine à l’achat des prisonniers chrétiens, qu’il massacrait aussitôt. Mais est-ce vrai ? Basnage, dans son Histoire des juifs, raconte ces massacres sans élever le moindre doute sur leur authenticité. Des Juifs convertis ont avoué plusieurs fois que chez eux on massacrait des enfants volés ou achetés, sous prétexte qu’en les tuant on empêchait toute une race idolâtre de naître. On peut aller loin avec ce principe.
» Leurs rabbins disent que le précepte du Décalogue : Non occides, vous ne tuerez point, n’oblige qu’à l’égard des Israélites. Lévi ben Gersom, dans son commentaire sur le Pentateuque, dit : « Les paroles Vous ne tuerez point signifient : vous ne tuerez point parmi les Israélites ; car il nous est permis de tuer les animaux ; il nous est aussi ordonné de tuer une partie des nations, comme Amalech et les autres nations à qui il nous est commandé de ne pas laisser la vie. Il est donc clair que le commandement défend seulement de tuer les Israélites. »
» Maimonides dit aussi qu’on viole ce commandement lorsqu’on tue un Israélite, laissant assez entendre qu’on ne le viole pas en tuant un chrétien ou un gentil. « Un Israélite qui a tué un étranger habitant parmi nous, dit-il ailleurs, ne peut d’aucune manière être condamné à mort. » Dans le Bava mezia, il est encore dit que les juifs sont des hommes et que les autres peuples du monde sont des brutes. Les rabbins enseignent que les autres peuples du monde n’ont pas d’âme humaine ; et ils les traitent, surtout les chrétiens, de porcs, de bœufs, de chiens, d’ânes et de sangliers. Dès lors le précepte : Vous ne tuerez point, n’obligeant point envers les animaux, n’oblige pas envers les chrétiens.
» Ces doctrines ne sont ni celles de Moïse, ni celles des autres livres saints. Ce sont les doctrines des talmudistes, rabbins ou scribes. Mais Buxtorf assure (in Synagoga Judaïca) que cet axiome est vulgaire : Mon fils, faites plus attention aux paroles des scribes (ou rabbins) qu’à celles de la loi. Salomon Jarchi, un des plus fameux docteurs juifs, écrit dans ses commentaires sur le Deutéronome : « Vous ne vous écarterez pas des paroles des rabbins, quand même ils vous diraient que votre main droite est votre main gauche, ou que votre gauche est votre droite. Vous le ferez donc bien moins lorsqu’ils appelleront votre droite, droite, et votre gauche, gauche. »
Cependant, de nos jours et chez nous, les juifs, non plus tolérés seulement, mais devenus citoyens, ne s’occupent plus de la magie comme autrefois et abandonnent complètement les doctrines désolantes de leurs vieux talmudistes. Nous pourrions en citer plusieurs parmi les notables qui comprennent le lien des deux testaments et qui sont beaucoup plus près du catholicisme que les philosophes et quelques protestants. Dieu veuille qu’ils deviennent tous bientôt nos frères en Jésus-Christ !
Julien l’Apostat, né en 331, empereur romain, mort en 363. Variable dans sa philosophie, inconstant dans sa manière de penser, après avoir été chrétien, il retomba dans le paganisme. Les ennemis seuls de l’Église ont trouvé dans quelques qualités apparentes des prétextes pour faire son éloge. Ce sage consultait Apollon et sacrifiait aux dieux de pierre, quoiqu’il connut la vérité. Les démonomanes l’ont mis au nombre des magiciens ; et il est vrai qu’il croyait fermement à la magie, qu’il attribuait à cette puissance les miracles de Notre-Seigneur, dont il n’était pas assez stupide pour nier l’évidence, et il expliquait de la même manière les prodiges que Dieu accordait alors encore à la foi ferme des chrétiens. Enfin, avec Maximus et Jamblique, il évoquait les esprits, consultait les entrailles des victimes et cherchait l’avenir par la nécromancie. Il avait des visions : Ammien Marcellin rapporte que peu avant sa mort, comme il écrivait dans sa tente, à Limitation de Jules César, il vit paraître devant lui le génie de Rome avec un visage blême.
Il fut tué par un trait que personne ne vit venir, à l’âge de trente-deux ans. Ennemi acharné de Jésus-Christ, il recueillit, dit-on, en tombant, un peu de son sang dans sa main et le lança vers le ciel en disant : « Tu as vaincu, Galiléen ! »
Après sa mort, on trouva dans le palais qu’il habitait des charniers et des cercueils pleins de têtes et de corps morts. En la ville de Carres de Mésopotamie, dans un temple d’idoles, on trouva une femme morte pendue par les cheveux, les bras étendus, le ventre ouvert et vide. On prétend que Julien l’avait immolée pour apaiser les dieux infernaux auxquels il s’était voué, et pour apprendre par l’inspection du foie de cette femme le résultat de la guerre qu’il faisait alors contre les Perses.
La mort de l’Apostat fut signifiée, dit-on, dans plusieurs lieux à la fois, et au même moment qu’elle advint. Un de ses domestiques, qui allait le trouver en Perse, ayant été surpris par la nuit et obligé de s’arrêter dans une église, faute d’auberge, vit en songe des apôtres et des prophètes assemblés qui déploraient les calamités de l’Église sous un prince aussi impie que Julien ; et un d’entre eux, s’étant levé, assura les autres qu’il allait y porter remède. La nuit suivante, ce valet, ayant vu dans son sommeil la même assemblée, vit venir l’homme de la veille qui annonça la mort de Julien. Le philosophe Didyme d’Alexandrie vit aussi en songe des hommes montés sur des chevaux blancs, et courant dans les airs en disant ; « Annoncez à Didyme qu’à cette heure Julien l’Apostat est tué. »
Jung, auteur allemand, vivant encore peut-être. Il a écrit sur les esprits un ouvrage intitulé Théorie de Geister-Kunder, Nuremberg, 1808, in-8°.
Junier, démon invoqué comme prince des anges dans les litanies du sabbat.
Jupiter-Ammon. Les Égyptiens portaient sur le cœur, comme un puissant préservatif, une amulette ou phylactère, qui était une lame sur laquelle ils écrivaient le nom de Jupiter-Ammon. Ce nom était si grand dans leur esprit, et même chez les Romains, qu’on en croyait l’invocation suffisante pour obtenir toutes sortes de biens. On sait que Jupiter-Ammon avait des cornes de bélier. Sa statue, adorée à Thèbes, dans la haute Égypte, était un automate qui faisait des signes de tête.
Jurement. « C’est une chose honteuse, dit un bon légendaire, que d’entendre si souvent répéter le nom du diable sans nécessité. Un père en colère dit à ses enfants : — Venez ici, mauvais diables ! Un autre s’écrie : — Te voilà, bon diable ! Celui-ci qui a froid vous l’apprend en disant : — Diable ! le temps est rude. Celui-là qui soupire après la table dit qu’il a une faim de diable. Un autre qui s’impatiente souhaite que le diable l’emporté. Un savant de société, quand il a proposé une énigme, s’écrie bravement : — Je me donne au diable si vous devinez cela. Une chose paraît-elle embrouillée, on vous avertit que le diable s’en mêle. Une bagatelle est-elle perdue, on dit qu’elle est à tous les diables. Un homme laborieux prend-il quelques moments de sommeil, un plaisant vient vous dire que le diable le berce. — Ce qu’il y a de pis, c’est que des gens emploient le nom du diable en bonne part ; ainsi on vous dira d’une chose médiocre : — Ce n’est pas le diable. Un homme fait-il plus qu’on ne demande, on dit qu’il travaille comme le valet du diable. Que l’on voie passer un grenadier de cinq pieds dix pouces, on s’écrie : — Quel grand diable ! D’un homme qui vous étonne par son esprit, par son adresse ou par ses talents, vous dites : — Quel diable d’homme ! On dit encore : Une force de diable, un esprit de diable, un courage de diable ; un homme franc est un bon diable ; un homme qu’on plaint, un pauvre diable ; un homme divertissant a de l’esprit en diable, etc., et une foule de mots semblables. Ce sont de grandes aberrations. »
Un père en colère dit un jour à son fils : — Va-t’en au diable ! Le fils, étant sorti peu après, rencontra le diable, qui l’emmena, et on ne le revit plus. Un autre homme, irrité contre sa fille qui mangeait trop avidement une écuelle de lait, eut l’imprudence de lui dire : — Puisses-tu avaler le diable dans ton ventre ! La jeune fille sentit aussitôt la présence du démon, et elle fut possédée plusieurs mois. Un mari de mauvaise humeur donna sa femme au diable ; au même instant, comme s’il fût sorti de la bouche de l’époux, le démon entra par l’oreille dans le corps de cette pauvre dame. Ces contes vous font rire ; puissent-ils vous corriger !
Un avocat gascon avait recours aux grandes figures pour émouvoir ses juges. Il plaidait au quinzième siècle, dans ces temps où les jugements de Dieu étaient encore en usage. Un jour qu’il défendait la cause d’un Manceau cité en justice pour une somme d’argent dont il niait la dette, comme il n’y avait aucun témoin pour éclaircir l’affaire, les juges déclarèrent qu’on aurait recours à une épreuve judiciaire. L’avocat de la partie adverse, connaissant l’humeur peu belliqueuse du Gascon, demanda que les avocats subissent l’épreuve, aussi bien que leurs clients ; le Gascon n’y consentit qu’à condition que l’épreuve fût à son choix. — La chose se passait au Mans. Le jour venu, l’avocat gascon, ayant longuement réfléchi sur les moyens qu’il avait à prendre pour ne courir aucun péril, s’avança devant les juges et demanda qu’avant de recourir à une plus violente ordalie on lui permît d’abord d’essayer celle-ci, c’est-à-dire qu’il se donnait hautement et fermement au diable, lui et sa partie, s’ils avaient touché l’argent dont ils niaient la dette. Les juges, étonnés de l’audace du Gascon, se persuadèrent là-dessus qu’il était nécessairement fort de son innocence et se disposaient à l’absoudre ; mais auparavant ils ordonnèrent à l’avocat de la partie adverse de prononcer le même dévouement que venait de faire l’avocat gascon. — Il n’en est pas besoin, s’écria aussitôt du fond de la salle une voix rauque.
En même temps on vit paraître un monstre noir, hideux, ayant des cornes au front, des ailes de chauve-souris aux épaules, et avançant les griffes sur l’avocat gascon… Le champion, tremblant, se hâta de révoquer sa parole, en suppliant les juges et les assistants de le tirer des griffes de l’ange des ténèbres. — Je ne céderai, répondit le diable, que quand le crime sera révélé…
Disant ces mots, il s’avança encore sur le plaideur manceau et sur l’avocat gascon… Les deux menteurs, interdits, se hâtèrent d’avouer, l’un, qu’il devait la somme qu’on lui demandait, l’autre, qu’il soutenait sciemment une mauvaise cause. Alors le diable se retira ; mais on sut par la suite que le second avocat, sachant combien le Gascon était peureux, avait été instruit de son idée ; qu’il avait en conséquence affublé son domestique d’un habit noir bizarrement taillé et l’avait équipé d’ailes et de cornes pour découvrir la vérité par ce ministère. Voy. Imprécations.
Jurieu, ministre protestant, né en 1637, mort en 1713. Il prit ses désirs pour des inspirations et se fit prophète. Dans son livre, De l’accomplissement des prophéties, il annonçait en 1685, avec la ferme assurance d’un oracle, que dans cinq ans le calvinisme triompherait par toute la France. Mais 1690 arriva et n’eut pas la complaisance de lui donner raison. Ce qui l’aplatit un peu.
K
Kaaba, au milieu d'un espace que renferme le temple de la Mecque, s'élève un édifice carré d'environ quinze pieds, un peu plus haut que long et large; on ne voit de ce bâtiment qu'une étoffe de soie noire dont les murailles sont entièrement couvertes, à l'exception de la plate-forme qui sert de couverture à la maison, et qui est d'or coulé en table; elle sert à recevoir les eaux du ciel, qui n'en verse que très rarement dans ce climat. C'est là ce bâtiment célèbre chez les musulmans, qui le mettent au-dessus de tous les édifices que les maîtres du monde ont élevés avec tant de travaux et de dépenses. "Abraham, disent-ils, construisit cette maisonnette dans le temps de ses persécutions, Dieu lui ayant révélé qu'il avait choisi ce lieu là, de toute éternité, pour y placer sa bénédiction". C'est ce même bâtiment dont Ismaël hérita de son père. On y montre encore son tombeau. Enfin, c'est la sainte maison, connue sous le nom de Kaaba, ou maison carrée, vers laquelle tous les mahométans adressent leurs vœux et leurs prières. Cette Kaaba n'est au reste construite que de pierres du pays, assemblées et liées par un simple mortier de terre rouge, que le temps a durci. Le jour n'y entre que par le côté oriental, où est une ouverture en forme de porte. Cette porte est fermée par deux battants d'or massif, attachés à la muraille par des gonds et des pentures du même métal. Le seuil est d'une seule pierre, sur laquelle tous les pèlerins viennent humilier leur front. La porte s'ouvre rarement, parce que l'intérieur ne renferme rien qui puisse augmenter la dévotion des pèlerins. On n'y voit que de l'or qui couvre les deux planchers d'en haut et d'en bas, aussi bien que les murailles.
Kabires, dieux des morts, adorés très-anciennement en Égypte. Bochard pense qu’il faut entendre sous ce nom les trois divinités infernales : Pluton, Proserpine et Mercure.
D’autres ont regardé les Cabires comme des magiciens qui se mêlaient d’expier les crimes des hommes, et qui furent honorés après leur mort. On les invoquait dans les périls et dans les infortunes. Il y a de grandes disputes sur leurs noms, qu’on ne déclarait qu’aux seuls initiés. Ce qui est certain, c’est que les Cabires sont des démons qui présidaient autrefois à une sorte de sabbat. Ces orgies, qu’on appelait fêtes des Cabires, ne se célébraient que la nuit : l’initié, après des épreuves effrayantes, était ceint d’une ceinture de pourpre, couronné de branches d’olivier et placé sur un trône illuminé, pour représenter le maître du sabbat, pendant qu’on exécutait autour de lui des danses hiéroglyphiques plus ou moins infâmes.
Kaboutermannekens, petits lutins flamands qui font des niches aux femmes de la campagne, surtout en ce qui touche le laitage et le beurre.
Kacher, vieux magicien qui, dans l’histoire fabuleuse des anciens rois de Cachemire, transforma le lac qui occupait ce beau pays en un vallon délicieux, et donna aux eaux une issue miraculeuse en coupant une montagne nommée Baraboulé.
Kaf, montagne prodigieuse qui entoure l’horizon de tous côtés, à ce que disent les musulmans. La terre se trouve au milieu de cette montagne, ajoutent-ils, comme le doigt au milieu de l’anneau. Elle a pour fondement la pierre Sakhrat, dont le moindre fragment opère les plus grands miracles. C’est cette pierre, faite d’une seule émeraude, qui excite les tremblements de terre, en s’agitant selon que Dieu le lui ordonne.
Pour arriver à la montagne de Kaf, il faut traverser de vastes régions ténébreuses, ce qu’on ne peut faire que sous la conduite d’un être supérieur. C’est, dit-on, la demeure des génies. Il est souvent parlé de cette montagne dans les contes orientaux. Voy. Sakhrat.
Kaha, maléfice employé aux îles Marquises. Les habitants attribuent au Kaha la plupart de leurs maladies. Voici comment il se pratique : « Quelque sorcier aura attrapé de votre salive, et puis il vous a lié du terrible Kaha ou maléfice du pays, en enveloppant cette salive dans un morceau de feuille d’arbre et la conservant en sa puissance. Il tient là votre âme et votre vie enchaînées. — À ce mal voici le remède : ceux qui ont eu le pouvoir de vous jeter le charme ont aussi le pouvoir de vous l’ôter, moyennant quelque présent. Le sorcier vient donc se coucher près de vous ; il voit ou il entend le génie du mal ou de la maladie quand il entre en vous et quand il en sort, car il paraît que ces génies se promènent souvent ; et il l’attrape comme au vol, ou bien il le saisit en vous frottant le bras, et il l’enferme à son tour dans une feuille, où il peut le détruire. »
Kahlhammer (Marie), Bavaroise, qui a fait récemment beaucoup de bruit à Munich, à propos de ses communications avec les esprits au moyen des tables tournantes. Un livre d’elle, intitulé Communications des bienheureux esprits et de l’archange Raphaël, par la main de Marie Kahlhammer et par la bouche de Crescence Wolff, a été condamné comme superstitieux et dangereux, et les deux héroïnes excommuniées.
Kaïdmords. Chez les Perses, c’est le nom du premier homme ; il sortit de la jambe de devant d’un taureau, selon la doctrine des mages ; il fut tué par les Dives ; mais il ressuscitera le jour du jugement. On invoque son âme chez les Guèbres. Voy. Boundschesch.
Kaiomers, le premier roi de l’antique dynastie des Pichadiens ; il était, suivant les historiens persans, le petit-fils de Noé. C’est lui qui vainquit les Dives ou mauvais génies à la puissance desquels le pays était soumis.
Kakos, démon invoqué dans les litanies du sabbat.
Kalmouks. Les Kalmouks rendent hommage à deux êtres puissants : au génie du bien et au génie du mal, sacrifiant sur le sommet des montagnes, sur les bords des rivières, ou dans l’intérieur des cabanes, à l’un comme à l’autre, mais le plus souvent à la divinité malfaisante, parce qu’ils jugent nécessaire de la fléchir et d’apaiser son courroux. Le soleil, ou, comme ils l’appellent, l’œil de Dieu, est pour eux l’objet d’un culte particulier. Quelque dégénérée que soit cette fausse religion, on reconnaît cependant le rapport qui existe entre elle et l’une des plus anciennes, celle des disciples de Zoroastre, qui avait étendu son influence non-seulement sur l’Inde et la Perse, mais encore sur les peuples nomades des steppes mongoles ; et nous voyons encore de nos jours des tribus, telles que les Kalmouks, qui en ont conservé le souvenir pendant une suite de siècles.
Les Kalmouks, dans le département de Stavropol (Russie), célèbrent l’entrée de la nouvelle année par des sacrifices et des prédictions qui sont dans les attributions des geljunes, prêtres et devins. Pendant la nuit qui précède le nouvel an, chaque Kalmouk allume une lampe devant son idole et, quand ses moyens le lui permettent, va trouver le gelj une pour se faire prédire ce qui arrivera dans l’année. Le geljune, assis gravement sur un tabouret, examine les entrailles d’un agneau, parcourt ses tables astrologiques et répond aux questions qui lui sont posées par des paroles à double sens. Là ne se bornent point ses fonctions. Il doit annoncer aussi quel temps il fera pendant l’année, si les récoltes seront bonnes, etc.
Au reste, il faut avouer que les Kalmouks sont d’excellents prophètes en ce qui concerne le temps. Il y a quelques années, un Kalmouk qui passait par la ville de Stavropol prédit deux ou trois semaines avant Pâques que ce jour-là il tomberait de la neige.
C’était dans les derniers jours du mois de mars (ancien style) ; le temps était superbe, les prés commençaient à verdir, les arbres à bourgeonner. On le traita de fou ; et comme il s’en allait dans le bazar, criant : À Pâques, de la neige ! de la neige à Pâques ! on l’arrêta, en lui promettant que, s’il disait vrai, on lui compterait 25 roubles ; mais que, dans le cas contraire, on lui administrerait une correction exemplaire. Le temps resta comme il était ; mais le dimanche de Pâques, vers dix heures, voilà tout à coup qu’un léger vent nord-ouest se met à souffler, devient plus intense, et, à onze heures, éclate une véritable tempête de neige, qui força les habitants de Stavropol à s’envelopper de leurs plus chaudes pelisses. Au lieu de 25 roubles, le Kalmouk en reçut 75.
Aujourd’hui, comme au moyen âge, les Kalmouks ont des chamanes qui, abusant de leur crédulité, leur persuadent qu’ils possèdent un empire magique sur une foule de génies invisibles dont ils se disent accompagnés et qui leur révèlent l’avenir et les choses secrètes. Comme au moyen âge, le mort et même le malade leur inspirent une horreur qu’ils n’ont garde de cacher. Après avoir placé près de lui tout ce dont il peut avoir besoin à leur avis, ils s’éloignent du malade, fut-ce leur père ; la couche du mourant, s’il est riche, est gardée tout au plus par un chamane ; la famille se contente d’envoyer de temps en temps demander de ses nouvelles. Cette indifférence inhumaine ne les empêche pas de rendre après la mort tous les honneurs possibles à celui qu’ils viennent de perdre. Le défunt, vêtu de ses plus beaux habits, est quelquefois enterré au fond des bois, avec son arc et ses flèches, sa pipe, sa selle et son fouet. D’autres suspendent leurs morts dans des couvertures de feutre au haut des arbres les plus élevés ; d’autres enfin en brillent les restes mortels sur un bûcher pour garder leurs cendres. Dans ce cas le cheval favori, du défunt est brûlé avec lui. Ce sont encore les mœurs dont parlent les chroniques et les voyageurs du moyen âge. En général cette peuplade offre jusqu’à présent l’image fidèle de ce qu’étaient les Mongols à une époque malheureusement trop glorieuse pour cette nation, lorsque, conduits par Tchinguis-Khan, ils portèrent de victoire en victoire la terreur et la désolation jusqu’au centre de l’Europe, jusque dans les plaines riantes de la Silésie. — Voyez Kosaks.
Kalpa-Tarou, arbre fabuleux sur lequel les Indiens d’autrefois cueillaient tout ce qu’ils pouvaient désirer.
Kalstrara. C’est le nom que donnaient les anciens Bavarois aux sorciers charmeurs.
Kalta. On trouve dans l’Eyrbiggia Saga l’histoire curieuse d’une lutte entre deux sorcières du Nord. L’une d’elles, Geiralda, était résolue à faire mourir Oddo, le fils de l’autre, nommée Kalta, qui dans une querelle avait, coupé une main à sa bru. Ceux que Geiralda avait envoyés tuer Oddo s’en revinrent déconcertés. Ils n’avaient rencontré que Kalta, filant du lin à une grande quenouille. — Fous, leur dit Geiralda, cette quenouille était Oddo. — Ils retournèrent sur leurs pas, s’emparèrent de la quenouille et la brûlèrent. Mais alors Kalta avait caché son fils sous la forme d’un chevreau. Une troisième fois, elle le changea en pourceau. Les émissaires, furieux de ne pouvoir mettre la main sur celui qu’ils cherchaient, voulurent se dédommager de leurs peines, s’emparèrent du porc, le tuèrent, et ne furent qu’à demi satisfaits quand, le charme détruit, ils reconnurent qu’au lieu d’un cochon gras, ils n’avaient que le cadavre du fils de Kalta.
Kamis, esprits familiers au Japon.
Kamlat, opération magique en usage chez les Tartares de Sibérie, et qui consiste à évoquer le diable au moyen d’un tambour magique ayant la forme d’un tamis ou plutôt d’un tambour de basque. Le sorcier qui fait le kamlat marmotte quelques mots tartares, court de côté et d’autre, s’assied, se relève, fait d’épouvantables grimaces et d’horribles contorsions, roulant les yeux, les fermant, et gesticulant comme un insensé. Au bout d’un quart d’heure, il fait croire que, par ses conjurations, il évoque le diable, qui vient toujours du côté de l’occident en forme d’ours, pour lui révéler ce qu’il doit répondre ; il fait entendre qu’il est quelquefois maltraité cruellement par le démon, et tourmenté jusque dans le sommeil. Pour en convaincre ses auditeurs, il feint de s’éveiller en sursaut en criant comme un possédé.
Kamosch et Kemosch. Voy. Chamos.
Kantius le Silésien. L’histoire de Jean Kantius, racontée au docteur More par un médecin de la Silésie, est un des exemples les plus frappants de cette croyance aux vampires, qui a régné en souveraine sur certains esprits au dernier siècle. — On dit que Kantius, échevin de la ville de Pesth, sortant du tombeau, apparut dans la ville qui l’avait vu naître ; mais ce qui est positif, c’est que de nombreuses rumeurs, relatives à ce même fait, jetèrent une agitation violente et une terreur profonde parmi ses concitoyens et dans toute l’étendue de la Silésie. On condamna son cadavre à être brûlé comme vampire… Mais l’exécution rencontra un obstacle majeur est le célèbre cheik Sephy, l’aïeul du prince qui régnait au temps du voyageur Chardin ; et l’on croyait fortement en Perse qu’il contenait une partie des principales révolutions d’Asie, jusqu’à la fin du monde. Il était alors gardé avec soin dans le trésor royal, comme un original dont il n’y a point de double ni de copie, car la connaissance en était interdite au peuple.
Karcist, nom qu’on donne, dans le Dragon étonnant. On ne put tirer le corps de la fosse, tant il était pesant.
Enfin les citoyens de Pesth, bien inspirés, cherchèrent et découvrirent le cheval dont la ruade avait tué Kantius ; ce cheval parvint à grand peine à amener hors de terre les restes de son ancien maître. Lorsqu’il s’agit d’anéantir ces restes, une autre difficulté se présenta. On mit le corps sur un bûcher allumé, et il ne se consuma pas… On fut obligé de le couper en morceaux que l’on réduisit partiellement en cendres, et depuis lors l’échevin Jean Kantius cessa de faire des apparitions dans sa ville natale.
Karajaméa. Les Persans ont un livre mystérieux appelé Karajaméa (recueil des révolutions futures) ; il est pour eux ce qu’étaient autrefois les oracles des sibylles pour le peuple romain. On le consulte dans les, affaires importantes, et surtout avant d’entreprendre une guerre ; on le dit composé de neuf mille vers, chaque vers formant une ligne de cinquante lettres. Son au-rouge, à l’adepte ou sorcier qui parle avec les esprits.
Kardec (Allan), écrivain contemporain, qui s’occupe du spiritisme et s’est mis en rapport avec les esprits. Il a publié quelques ouvrages dont le plus important est intitulé « Le Livre des esprits, contenant les principes de la doctrine spirite sur la nature des esprits, leur manifestation et leurs rapports avec les hommes, les lois morales, la vie présente, la vie future et l’avenir de l’humanité ; écrit sous la dictée et publié par l’ordre d’esprits supérieurs, par Allan Kardec. » Paris, 1857, chez Dentu. D’après le système de ce livre, qui n’est pas d’accord avec notre foi, nos âmes vivaient à l’état d’esprits avant de s’incarner en nous, et elles revivront esprits en nous quittant. Voy. Spiritisme.
Karra-Kalf, le plus haut degré de la magie en Islande. Dans les temps modernes, lorsqu’on pratiquait le karra-kalf, le diable paraissait sous la forme d’un veau nouvellement né et non encore nettoyé par sa mère. Celui qui désirait d’être initié parmi les magiciens était obligé de nettoyer le veau avec sa langue ; par ce moyen, il parvenait à la connaissance des plus grands mystères.
Katakhanès. C’est le nom que les habitants de l’île de Candie donnent à leurs vampires. En aucune contrée du Levant la croyance aux vampires ou Katakhanès n’est aussi générale que dans cette île, où l’on croit aussi aux démons des montagnes, de l’air et des eaux. Voici un fait raconté il n’y a pas longtemps à un voyageur anglais :
« Un jour, le village de Kalikrati, dans le district de Sfakia, fut visité par un Katakhanès ; les habitants s’efforcèrent de découvrir qui il était et d’où il venait. Ce Katakhanès tuait non-seulement les enfants, mais encore les adultes, et il étendait ses ravages jusqu’aux villages des environs. Il avait été enterré dans le cimetière de l’église de Saint-Georges à Kalikrati, et une arcade avait été construite au-dessus de sa tombe. Un garçon, gardant ses moutons et ses chèvres auprès de l’église, fut surpris par une averse et vint se réfugier sous cette arcade. Après avoir ôté ses armes pour prendre du repos, il les posa en croix à côté de la pierre qui lui servait d’oreiller. La nuit était venue. Le Katakhanès, sentant alors le besoin de sortir, dit au berger : — Compère, lève-toi de là ; car il faut que j’aille âmes affaires. Le berger ne répondit ni la première fois, ni la deuxième, ni la troisième. Il supposa que le mort inhumé dans cette tombe était le Katakhanès, auteur de tous les meurtres commis dans la contrée. En conséquence, la quatrième fois qu’il lui adressa la parole, le berger répondit : — Je ne me lèverai point de là, compère, car je crains que tu ne vailles pas grand chose ; et tu pourrais me faire du mal ; mais s’il faut que je me lève, jure par ton linceul que tu ne me toucheras pas ; alors je me lèverai.
» Le Katakhanès ne prononça pas d’abord les paroles qu’on lui demandait ; mais le berger persistant à ne point se lever, il finit par faire le serment exigé. Sur cela le berger se leva et ôta ses armes du tombeau ; le Katakhanès sortit aussitôt ; après avoir salué le berger, il lui dit : — Compère, il ne faut pas que tu t’en ailles ; reste assis là ; j’ai des affaires dont il est nécessaire que je m’occupe ; mais je reviendrai dans une heure, et je te dirai quelque chose.
» Le berger donc attendit ; le Katakhanès s’en alla à environ dix milles de là, où vivaient deux jeunes époux nouvellement mariés ; il les égorgea tous deux. À son retour, le berger s’aperçut que les mains du vampire étaient souillées de sang, et qu’il rapportait un foie dans lequel il soufflait, comme font les bouchers, pour le faire paraître plus grand. — Asseyons-nous, compère, lui dit le Katakhanès, et mangeons le foie que j’apporte. — Mais le berger fit semblant de manger ; il n’avalait que le pain et laissait tomber les morceaux de foie sur ses genoux.
» Or, quand le moment de se séparer fut venu, le Katakhanès dit au berger : — Compère, ce que tu as vu, il ne faut point en parler ; car, si tu le fais, mes vingt ongles se fixeront dans ta figure et dans celles de tes enfants. — Malgré cela, le berger ne perdit point de temps ; il alla sur-le-champ tout déclarer à des prêtres et à d’autres personnes ; et on se rendit au tombeau, dans lequel on trouva le corps du Katakhanès précisément dans l’état où il était quand on l’avait enterré : tout le monde fut convaincu que c’était lui qui était cause des maux qui pesaient sur le pays. On rassembla une grande quantité de bois que l’on jeta dans la tombe, et on brûla le cadavre. Le berger n’était pas présent ; mais, quand le Katakhanès fut à moitié consumé, il arriva pour voir la fin de la cérémonie, et alors le vampire lança un crachat : c’était une goutte de sang qui tomba sur le pied du berger ; ce pied se dessécha comme s’il eût été consumé par le feu. Quand on vit cela, on fouilla avec soin dans les cendres ; on y trouva encore l’ongle du petit doigt du katakhanès ; et on le réduisit en poussière. » — Telle est la terrible histoire du vampire de Kalikrati. C’est sans doute au goût qu’on suppose à ces êtres malfaisants pour le foie humain qu’il faut attribuer cette exclamation que Tavernier attribue à une femme candiote : — J’aimerais mieux manger le foie de mon enfant ! Voy. Vampires.
Katmir. Chien des sept Dormants. Voy. Dormants.
Kaybora, esprit des forêts, à l’existence duquel croient encore les Américains ; ils disent que cet esprit enlève les enfants, les cache dans le creux des arbres et les y nourrit.
Kayllinger, fameux cristallomancien allemand, de qui Faust prit des leçons pendant deux ans.
Kelby, esprit qu’une superstition écossaise suppose habiter les rivières sous différentes formes, mais plus fréquemment sous celle du cheval. Il est regardé comme malfaisant et porte quelquefois une torche. On attribue aussi à ses regards un pouvoir de fascination.
Kelen et Nysrock, démons que les démonographes font présider aux débauches, aux danses, aux orgies.
Kelpie, cheval-diable. Voy. Nickar.
Kemosch. Voy. Chamos.
Kenne, pierre fabuleuse qui se forme dans l’œil d’un cerf, et à laquelle on attribue des vertus contre les venins.
Kentorp, couvent non loin de Hamm, dont les religieuses furent possédées au seizième siècle par des maléfices que leur cuisinière mêlait, comme elle l’avoua, à leurs aliments. Leur possession consistait en démences et en épilepsies. Wierus parle de ces faits.
Képhalonomancie, divination qui se pratiquait en faisant diverses cérémonies sur la tête cuite d’un âne. Elle était familière aux Germains. Les Lombards y substituèrent une tête de chèvre. Delrio soupçonne que ce genre de divination, en usage chez les juifs infidèles, donna heu à l’imputation qui leur fut faite d’adorer un âne. Les anciens la pratiquaient en mettant sur des charbons allumés la tête d’un âne, en récitant des prières superstitieuses, en prononçant les noms de ceux qu’on soupçonnait d’un crime, et en observant le moment où les mâchoires se rapprochaient avec un léger craquement. Le nom prononcé en cet instant désignait le coupable. Le diable arrivait aussi quelquefois sans se montrer pour répondre aux questions qu’on avait à lui faire.
Kericoff, démon des lacs, très-redouté en Russie. Il bat les flots de ses pieds de cheval à travers les tempêtes, élève des trombes et, de ses grandes mains noires, fait sombrer les barques. Il poursuit ensuite le marin qui cherche à se sauver sur une planche ou sur un tonneau, et si l’infortuné se retourne, il voit la grosse tête humaine du mauvais esprit.
Khizzer. Les Orientaux donnent ce nom au prophète Élie, dont ils font un grand enchanteur, attaché à Alexandre le Grand.
Khumano-Goo, sorte d’épreuve en usage au Japon. On appelle goo un petit papier rempli de caractères magiques, de figures de corbeau et d’autres oiseaux noirs. On prétend que ce papier est un préservatif assuré contre la puissance des esprits malins ; et les Japonais ont soin d’en acheter pour les exposer à l’entrée de leurs maisons. Mais parmi ces goos, ceux qui ont la plus grande vertu viennent d’un certain endroit nommé Khumano ; ce qui fait qu’on les appelle Khumano-goos. Lorsque quelqu’un est accusé d’un crime et qu’il n’y a pas de preuves suffisantes pour le condamner, on le force à boire une certaine quantité d’eau dans laquelle on met un morceau de khumano-goo. Si l’accusé est innocent, cette boisson ne produit sur lui aucun effet ; mais s’il est coupable, il se sent attaqué de coliques qui le forcent à avouer. Quelquefois on fait avaler le goo. Voy. ce mot.
Kiakiak, le démon au Pégu. Il a son temple au sommet d’une montagne, et les bonzes seuls osent y entrer. Kiakiak doit un jour détruire le monde. Mais alors Dagoun, le dieu suprême, qui s’y attend et qui se prépare, en créera un autre bien plus parfait.
Kijoun, nom d’une idole que les Israélites honorèrent dans le désert, et qui paraît avoir été le soleil. Le prophète Amos en parle au chap. v.
Kiones, idoles communes en Grèce. C’étaient des pierres oblongues en forme de colonnes, d’où vient leur nom.
Kirghis. Les Kirghis, voisins des Kalmouks, sont mahométans ; ils ont un grand prêtre appelé Achoun, qui réside près du khan ; ignorants et superstitieux, ils croient aux sortilèges et possèdent cinq classes de magiciens : les uns font leurs prédictions avec des livres, d’autres se servent de l’omoplate d’une brebis, dépouillée avec un couteau, car elle serait sans vertu si quelqu’un y avait porté les dents ; une troisième classe, pour lire dans l’avenir, sacrifie un cheval, un mouton ou un bouc sans défaut ; la quatrième consulte la flamme qui s’élève du beurre ou de la graisse jetés dans le feu. Enfin il y a des sorcières qui ensorcèlent les esclaves, persuadent aux maîtres que si l’esclave ensorcelé venait à déserter, il s’égarerait indubitablement dans sa fuite et retomberait dans les mains de son maître ; que s’il s’échappait, il rentrerait au moins dans l’esclavage du même peuple.
Pallas rapporte, d’après le récit même qu’il en a entendu faire par les Kirghis, un fait assez ingénieusement inventé : Un parti de Kirghis se mit un jour en campagne avec un des devins de la seconde classe pour attaquer les Kalmouks ; ceux-ci avaient également un devin qui, employant toute sa science, avertit ses compatriotes de l’arrivée des Kirghis, et les engagea à s’éloigner à mesure que ceux-ci avançaient. Le devin kirghis, voyant que son frère le Kalmouk allait faire échouer l’entreprise, employa la ruse ; il dit aux Kirghis de seller leurs chevaux à reculons et de monter dessus. Le Kalmouk, ainsi induit en erreur, vit sur son os que les Kirghis rétrogradaient ; il conseilla donc à son parti de revenir sur ses pas. Les Kirghis joignirent par ce moyen les Kalmouks et les firent prisonniers.
Kisilova (le vampire de). Le marquis d’Argens, qui n’était pas un homme crédule, raconte, dans sa cent trente-septième lettre juive, une histoire de vampire qui eut lieu au village de Kisilova, à trois lieues de Gradisch. Ce qui doit le plus étonner dans ce récit, c’est que d’Argens, alors incrédule, ne met pas en doute cette aventure :
On vient d’avoir en Hongrie, dit-il, une scène de vampirisme qui est dûment attestée par deux officiers du tribunal de Belgrade, lesquels ont fait une descente sur les lieux, et par un officier des troupes de l’empereur, à Gradisch : celui-ci a été témoin oculaire des procédures. Au commencement de septembre mourut, dans le village de Kisilova, un vieillard âgé de soixante-deux ans. Trois jours après qu’il fut enterré, il apparut à son fils pendant la nuit et lui demanda à manger. Celui-ci l’ayant satisfait, le spectre mangea ; après quoi il disparut. Le lendemain, le fils raconta à ses voisins ce qui lui était arrivé. Le fantôme ne se montra pas ce jour-là ; mais trois nuits après, il revint demander encore à souper. On ne sait pas si son fils lui obéit encore ou non ; mais on le trouva le lendemain mort dans son lit. Le même jour, cinq ou six personnes tombèrent subitement malades dans le village, et moururent l’une après l’autre en peu de temps. Le bailli du lieu, informé de ce qui se passait, en fit présenter une relation au tribunal de Belgrade, qui envoya à ce village deux de ses agents, avec un bourreau, pour examiner l’affaire. Un officier impérial s’y rendit de Gradisch, pour être témoin d’un fait dont il avait si souvent ouï parler. On ouvrit les tombeaux de tous ceux qui étaient morts depuis six semaines. Quand on en vint à celui du vieillard, on le trouva les yeux ouverts, d’une couleur vermeille, ayant une respiration naturelle, cependant immobile et mort : d’où l’on conclut que c’était un insigne vampire. Le bourreau lui enfonça un pieu dans le cœur ; on fit un bûcher et l’on réduisit en cendres son cadavre. On ne trouva aucune marque de vampirisme ni dans le corps du fils, ni dans celui des autres morts.
« Grâces à Dieu, ajoute le marquis d’Argens, nous ne sommes rien moins que crédule ; nous avouons que toutes les lumières de la physique que nous pouvons approcher de ce fait ne découvrent rien de ses causes : cependant nous ne pouvons refuser de croire véritable un fait attesté juridiquement et par des gens de probité. »
Klabber ou Kab-Outer, lutins de petite taille qui, l’hiver, en Écosse, quand il n’y a pas de clair de lune, descendent par les cheminées dans les maisons des paysans, s’assoient tranquillement devant le foyer, qu’ils rallument, mais qu’on ne voit pas brûler, et se chauffent. Le matin, quand la ménagère se lève, elle voit que tout le bois qu’elle avait laissé dans l’âtre est consumé, excepté quelques menus brins. Si elle les rallume, ils font autant de chaleur et de profit que de grosses bûches. Si elle fait le signe de la croix ou si elle maudit le klabber, le charme est rompu, et le lutin se venge par quelque malice.
Les klabbers sont vêtus de rouge et ont la peau verte.
Kleudde. Kleudde, tout barbare, tout cacophonique que doive vous paraître ce nom, est un lutin, et un lutin vivant des brouillards de la Flandre, un lutin malfaisant, qui a les regards du basilic et la bouche du vampire, l’agilité du follet et la hideur du griffon. Il aime les nuits froides et brumeuses, les prairies désertes et arides et les champs incultes. Nuire et semer l’épouvante sont, dit-on, le seul bonheur de cet affreux lutin ; il se plaît au milieu des ruines couvertes de mousse ; il fuit les saints lieux où reposent des chrétiens ; l’aspect d’une croix l’éblouit et le torture ; il ne boit qu’une eau verte croupissant au fond d’un étang desséché le pain n’approche jamais de ses lèvres, la lumière du grand jour lui brûle les yeux ; il n’apparaît qu’aux heures où le hibou gémit dans la tour abandonnée ; une caverne souterraine est sa demeure ; ses pieds n’ont jamais souillé le seuil d’une habitation humaine ; le mystère et l’horreur entourent son existence maudite. Vagues comme les atomes de l’air, ses formes échappent aux doigts et ne laissent aux mains de l’imprudent qui essayerait de les étreindre qu’une ligne noire et douloureuse comme une brûlure. Son rire est semblable à celui des damnés ; son cri, rauque et indéfinissable, fait tressaillir jusqu’au fond des entrailles ; Kleudde a du sang de démon dans les veines. Malheur à qui, le soir, dans sa route, rencontre Kleudde, le lutin noir !
Klinger (Frédéric-Maximilien de), militaire allemand, né à Francfort-sur-le-Main en 1753, mort à Saint-Pétersbourg en 1831, auteur de quelques ouvrages]singuliers, entre autres : la Vie, les faits et gestes de Faust et sa Descente aux enfers, publié à Kœnigsberg, en 1819.
Knipperdolinck, l’un des associés de Jean de Leyde. Voyez ce mot.
Knox (Jean), apostat, écossais et l’un des plus féroces brigands de la réforme, né en 1505, mort en 1572. Il était chapelain d’Édouard VI et se fit chasser pour ses mœurs immondes. Il alla se redresser à Genève, revint dans son pays réformer en abattant les églises, en assommant les prêtres ; car il marchait suivi d’une bande. Il contribua par ses diatribes à la perte de Marie Stuart. Il s’occupait aussi de magie, et dans le procès qu’il dut subir sur cette accusation, on établit qu’il avait fait des évocations dans le cimetière de Saint-André, qu’il y avait fait paraître le diable sous une forme épouvantable, et que cette apparition terrible avait frappé son secrétaire, présent à cette scène, d’un tel effroi qu’il en était mort…
Kobal, démon perfide qui mord en riant, directeur général des farces de l’enfer, peu joyeuses sans doute ; patron des comédiens.
Kobold, esprit de la classe des lutins. « C’est un petit nain étrange, de forme rabougrie, avec des habits bariolés, un bonnet rouge sur la tête. Honoré par les valets, les servantes et les cuisinières de l’Allemagne, il leur rend de bons offices ; il étrille leurs chevaux, il lave la maison, tient la cuisine en bon ordre et veille à tout.
Qu’on ne s’avise pas de le négliger. Si c’est une cuisinière, rien ne lui réussit ; elle se brûle dans l’eau bouillante ; elle brise la vaisselle ; elle renverse ou gâte les sauces ; et quand le maître du logis la gronde, elle entend le Kobold rire aux éclats derrière elle. S’il a reçu quelque insulte, la scène devient plus tragique, il verse dans les plats du poison ou du sang de vipère ; quelquefois même il tord le cou à l’imprudent valet qui l’a harcelé. » — Il est de la famille des Cobales et des Coboli ; peut-être leur tige. Voy. ces mots.
Kojozed. « Le lévrier du seigneur de Kojozed parcourt les bois et les plaines, léger comme le souffle du vent ; c’est le favori de son maître. Le hautain seigneur, qui hait les hommes, donne toute son affection à l’animal, compagnon de ses courses vagabondes par les forêts et les campagnes. Mais il a disparu le beau lévrier, l’ami constant du seigneur. Le front assombri, le regard menaçant, environné des vassaux qui le redoutent, Kojozed revient de la chasse. Il veut qu’on retrouve son chien ; sa menace épouvante ceux qui l’entourent. Vingt chasseurs s’élancent et battent les bois du voisinage. Mais le lévrier ne revient pas. Une femme, accablée par l’âge, hideuse comme la mort, arrête la bride du cheval de Kojozed. — Que veux-tu ? dit le seigneur. — Te rendre l’ami que tu as perdu. — Où est-il ? — Seule je le sais ; il va dépasser les frontières de la Bohême. — Vieille, comment le sais-tu ? — Je suis vieille, mais puissante. Regarde-moi. » La vieille se redressa, l’œil étincelant de sombres feux ; une clarté sinistre brillait sur sa tête ; le cheval, averti par son instinct, hennissait et voulait fuir : le seigneur de Kojozed reconnut la sorcière.
« Si tu me donnes Jean le Chasseur, ton vassal, je te rendrai ton lévrier. Tu sais que la magicienne ne peut recouvrer sa jeunesse perdue qu’en baignant ses membres flétris dans le sang d’un jeune homme.
— Que cela soit ! » répondit Kojozed.
Jean frémit et tomba aux genoux de son maître :
« Mes pères, s’écrie-t-il, ont servi vos pères pendant deux cents ans ; ma mère vous a nourri de son lait, et vous voulez me donner la mort ! Oh ! ne donnez pas le sang de Jean le Chasseur pour un lévrier ! »
Mais il prie en vain : le pacte s’accomplit. Quand la sorcière ramènera le lévrier à son maître, elle emmènera le jeune homme. Elle témoigne de sa joie par un affreux sourire, et bientôt elle revient tenant en laisse le chien favori. Jean le Chasseur est livré comme payement de la dette contractée par son seigneur, et bientôt, parmi les rites magiques, le sang du vassal coule dans une urne d’airain, et la sorcière se plonge dans ce bain effroyable. La noire caverne retentit des derniers soupirs de Jean et des accents de joie de la magicienne, qui a retrouvé les forces et les grâces de la jeunesse.
Tout était fini : Jean le Chasseur venait d’expirer, quand le lévrier chéri, auquel Kojozed avait sacrifié son serviteur, mourut sous les yeux de son maître.
Kolfi. C’est aussi sous ce nom qu’on désigne les kobolds.
Koran, livre et code des musulmans écrit par Mahomet, plein de fables, de singularités et de prodiges. Voyez Maoridath.
Kornmann (Henri), jurisconsulte allemand, mort en 1620. Il a laissé un livre curieux intitulé De miraculis mortuorum, imprimé in-8° Tannée de sa mort et devenu très-rare.
Kosaks. Les Kosaks, ainsi que les Kalmouks de leur voisinage, ne sont généralement ni chrétiens ni musulmans. Ils ont tiré de l’Asie une cosmogonie où se retrouvent, comme partout, quelques souvenirs de l’Ancien Testament, enfouis sous des monceaux de folles croyances. De leurs bourkans ou dieux, celui qui protège spécialement la terre est un éléphant blanc comme la neige, long de deux lieues, riche de trente-trois têtes rouges, chacune desquelles se joue de six trompes qui lancent six fontaines. Ce dieu principal est peut-être unique dans les mythologies.
Mais les Kalmouks content, ainsi que quelques hordes de Kosaks, que les hommes, au commencement, vivaient plusieurs siècles ; qu’ils étaient heureux ; que l’un d’eux mangea d’un fruit qu’il n’était pas permis de manger, que tous les autres l’imitèrent et qu’alors l’espèce humaine perdit sa sainteté et le privilège qu’elle avait de prendre son vol et d’aller dans les deux ; qu’elle vécut longuement dans les ténèbres et dans la misère ; que la terre, maudite à cause de leur péché, devint stérile, etc. Ils attendent un réparateur et croient à un enfer où les méchants souffriront deux cents millions d’années.
Kotter, visionnaire. Voy. Comenius.
Koughas, démons ou esprits malfaisants, redoutés des Aléotes, insulaires voisins du Kamtchatka. Ils attribuent leur état d’asservissement et leur détresse à la supériorité des koughas russes sur les leurs ; ils s’imaginent aussi que les étrangers, qui paraissent curieux de voir leurs cérémonies, n’ont d’autre intention que d’insulter à leurs koughas, et de les engager à retirer leur protection aux gens du pays.
Koupaïs. Ce sont les dieux des Tartares de l’Altaï. Ils sont sept et peu puissants ; ils laissent faire.
Kourrigans, lutins redoutés qui se promènent à cheval sur des juments blanches dans les forêts de la Bretagne.
Kraken. « C’est une tradition répandue dans les mers du Nord et sur les côtes de Norvège qu’on voit souvent des îles flottantes surgir au sein des vagues avec des arbres tout formés, aux rameaux desquels pendent des coquillages au lieu de feuilles, mais qui disparaissent au bout de quelques heures. Deber y fait allusion dans son livre intitulé Feroa reserata, et Harpelius dans son Mundus mirabilis, Torfœus dans son Histoire de la Norvège. Les gens du peuple et les matelots regardent ces îles comme les habitations sous-marines d’esprits malins, qui ne les font ainsi surnager que pour railler les navigateurs, confondre leurs calculs et multiplier les embarras de leur voyage. Le géographe Burœus avait placé sur sa carte une de ces îles merveilleuses qu’on appelait Gommer’s-Ore, et qui apparaît parmi les récifs en vue de Stockholm. Le baron Charles de Grippenheim raconte qu’il avait vainement cherché cette île en sondant la côte, lorsqu’un jour, tournant la tête par hasard, il distingua comme trois points de terre qui s’étaient tout à coup élevés sur la surface des flots. «Voilà sans doute la Gummer’s-Ore de Burœus ? demanda-t-il au pilote qui gouvernait sa chaloupe. — Je ne sais, répondit celui-ci ; mais soyez certain que ce que nous voyons pronostique une tempête ou une grande abondance de poisson. » Gummer’s-Ore n’est qu’un amas de récifs à fleur d’eau, où se tient volontiers le Sæ-trolden ou plutôt c’est le Sæ-trolden lui-même. »
En citant cette conversation, le savant baron ajoute que l’opinion du pilote lui parut plus vraisemblable que celle du géographe, et il l’adopta.
« Les pêcheurs norvégiens, dit Pontoppidan, affirment tous, et sans la moindre contradiction dans leurs récits, que, lorsqu’ils poussent au large à plusieurs milles, particulièrement pendant les jours les plus chauds de l’année, la mer semble tout à coup diminuer sous leurs barques, et s’ils jettent la sonde, au lieu de trouver quatre-vingts ou cent brasses de profondeur, il arrive souvent qu’ils en mesurent à peine trente : c’est un kraken qui s’interpose entre les bas-fonds et l’onde supérieure. Accoutumés à ce phénomène, les pêcheurs disposent leurs lignes, certains que là abonde le poisson, surtout la morue et la lingue, et ils les retirent richement chargées ; mais si la profondeur de l’eau va toujours diminuant, et si ce bas-fond accidentel et mobile remonte, les pêcheurs n’ont pas de temps à perdre : c’est le kraken qui se réveille, qui se meut, qui vient respirer l’air et étendre ses larges bras au soleil. Les pêcheurs font alors force de rames, et quand, à une distance raisonnable, ils peuvent enfin se reposer avec sécurité, ils voient en effet le monstre qui couvre un espace d’un mille et demi de la partie supérieure de son dos.
» Les poissons surpris par son ascension, sautillent un moment dans les creux humides formés par les protubérances inégales de son enveloppe extérieure ; puis de cette masse flottante sortent des espèces de pointes ou de cornes luisantes, qui se déploient et se dressent, semblables à des mâts armés de leurs vergues : ce sont les bras du kraken, et telle est leur vigueur que s’ils saisissaient les cordages d’un vaisseau de ligne, ils le feraient infailliblement sombrer. Après être resté quelque temps sur les flots, le kraken redescend avec la même lenteur, et le danger n’est guère moindre pour le navire qui serait à sa portée, car en s’affaissant il déplace un tel volume d’eau, qu’il occasionne des tourbillons et des courants aussi terribles que ceux de la fameuse rivière Male.
» C’est évidemment du kraken que parle Olaüs Wormius sous le nom de hafgufe. Cet auteur dit aussi que son apparition sur l’eau ressemble plutôt à celle d’une île qu’à celle d’un animal, similiorem insulæ quam bestiæ, et il ajoute qu’on n’a jamais trouvé son cadavre, parce que le kraken doit vivre aussi longtemps que le monde, et qu’il n’est pas probable qu’aucun pouvoir ou instrument soit capable d’abréger violemment la vie d’un animal si monstrueux. Cependant, en 1680, un jeune kraken vint s’engager dans les eaux qui courent entre les récifs d’Altstahong ; il y périt misérablement. Comme ce corps immense remplissait à peu près tout le chenal, la putréfaction fut telle qu’on eut une crainte assez fondée que la peste ne vînt désoler le pays. L’assesseur consistorial de Bodœn, M. Friis, dressa un rapport de cet événement.
» Olaüs Magnus, dans son ouvrage De piscibus monstruosis ; Paulinus, dans ses Ephémérides des curiosités de la nature, et Bartholin, dans son Histoire anatomique, admettent également l’existence du kraken et le décrivent à peu près dans les mêmes termes que M. Wormius. Bartholin ajoute que l’évêque de Nidros, voyant cette île flottante apparaître sur les eaux, eut la pieuse idée de la consacrer immédiatement à Dieu, en y célébrant le sacrifice de la messe. Il y fit transporter et dresser un autel et officia lui-même. Soit hasard, soit miracle, le kraken resta immobile au soleil tout le temps que dura la cérémonie ; mais à peine l’évêque eût-il regagné le rivage, on vit l’île supposée se submerger elle-même et disparaître. Selon le même Bartholin, il n’y aurait que deux krakens, qui dateraient du commencement du monde et ne pourraient se multiplier. De peur que l’eau, la nourriture et l’espace ne vinssent à manquer à une race de pareils géants, Dieu, dans sa prévoyance, aurait mesuré avec une sage lenteur tous les mouvements du kraken, qui n’éprouverait les sentiments de la faim qu’une fois dans l’année. Sa digestion achevée, le monstre, dit encore Bartholin, laisse échapper ses excréments, qui répandent une odeur si suave que les poissons accourent pour s’en repaître ; mais lui, ouvrant une effroyable gueule, semblable à un golfe ou détroit, instar sinus aut freti, y aspire tous les malheureux poissons affriandés et pris au piège. »
Kratim ou Katmir. C’est le nom qu’on donne au chien des sept Dormants. Voy. Dormants.
Krechting, l’un des séides de Jean de Leyde. Voyez ce mot.
Krodo, une des principales idoles des Germains. C'était un vieillard à longue barbe, vêtu d'une robe longue, sanglé d'une bande de toile, tenant dans la main gauche une roue, ayant à sa main droite un panier rempli de fruits et de fleurs, et placé debout sur un poisson hérissé d'écailles et de piquants, qu'on prend pour une perche, soutenu horizontalement par une colonne. On l'adora particulièrement à Hartés, bourg près de Groslar, jusques sous le règne de Charlemagne, qui fit abattre cette statue avec beaucoup d'autres.
Kuffa (Catherine), sorcière lorraine qui vivait sous Henri III. Elle confessa qu’elle avait hanté le sabbat et qu’un jour elle y avait compté cinq cents personnes, parmi lesquelles les femmes étaient en grande majorité.
Kuhlmann (Quirinus), l’un des visionnaires du dix-septième siècle, né à Breslau en 1651. Il était doué d’un esprit vif ; étant tombé malade à l’âge de huit ans, il éprouva un dérangement dans ses organes et crut avoir des visions. Une fois il s’imagina voir le diable, escorté d’une foule de démons subalternes ; un autre jour il se persuada que Dieu lui avait apparu ; dès ce moment, il ne cessa de voir à côté de lui une auréole éclatante de lumière. Il parcourut le Nord escorté d’une très-mauvaise réputation. Il escroquait de l’argent à ceux qui lui montraient quelque confiance, et l’employait, disait-il, à l’avancement du royaume de Dieu. Il fut chassé-de Hollande au commencement de l’année 1675 et voulut se lier avec Antoinette Bourignon, qui rejeta ses avances. Il fut arrêté en Russie, pour des prédictions séditieuses, et brûlé à Moscou le 3 octobre 1689. Il a publié à Lubeck un Traité de la sagesse infuse d’Adam et de Salomon ; on lui doit une quarantaine d’opuscules qui n’ont d’autre mérite que leur rareté.
Kupay, nom qui, chez les Péruviens, désignait le diable. Quand ils prononçaient ce nom, ils crachaient par terre en signe d’exécration. On l’écrit aussi Gupaï, et c’est encore le nom que les Floridiens donnent au souverain de l’enfer.
Kurdes, habitants de l’Asie qui adorent le diable.
Kurgon, nom que l’on donnait en Gascogne et en Dauphiné aux sorcières qui allaient adorer le diable en forme de bouc au sabbat.
Kutuktus. Les Tartares Kalkas croient que leur souverain pontife, le kutuktus, est immortel ; et, dans le dernier siècle, leurs fakirs firent déterrer et jeter à la voirie le corps d’un savant qui, dans ses écrits, avait paru en douter.
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Labadie (Jean), fanatique du dix-septième siècle, né en 1610 à Bourg sur la Dordogne. Il se crut un nouveau Jean-Baptiste, envoyé pour annoncer la seconde venue du Messie, et il s’imagina qu’il avait des révélations. Il assurait que Jésus-Christ lui avait déclaré qu’il l’envoyait sur la terre comme son prophète. Il poussa bientôt la suffisance jusqu’à se dire revêtu de la divinité et participant du nom et de la substance de Notre-Seigneur. Mais il joignit à l’ambition d’un sectaire le goût des plaisirs ; il faisait servir à ses odieux projets le masque de la religion, et il ne fut qu’un détestable hypocrite. Il mourut en 1674. Voici quelques-unes de ses productions : Le Hérauld du grand roi Jésus, Amsterdam, 1667, in-12. Le Véritable exorcisme, ou l’unique moyen de chasser le diable du monde chrétien. — Le Chant royal du roi Jésus-Christ. Ces ouvrages sont condamnés.
Labitte, dit l’abbé de peu de sens, peintre, poète et prêtre d’Arras au milieu du quinzième siècle. Il était très-excentrique, ce qui lui fit donner le surnom que nous venons de citer, et il recherchait un peu les sociétés de ce que nous appelons aujourd’hui le demi-monde. Il se fit initier à la Vauderie, hérésie descendue bien bas, puisqu’on y adorait le diable, que ses fêtes étaient le sabbat, et qu’elle reconnaissait pour son maître et seigneur Lucifer, le prince ou l’un des princes des anges déchus. Les Vaudois vivaient en union apparente avec les chrétiens fidèles. Dans les causeries où l’on disait du bien de la sainte Vierge, des bienheureux et des choses saintes, ils renchérissaient, mais ils ajoutaient toujours cette conclusion : « N’en déplaise à mon maître, ou n’en déplaise à mon Seigneur. » Au moyen de cette restriction, toute parole chrétienne leur était permise par leur maître que nous avons nommé. Cet homme fut arrêté comme habitué du sabbat. Dans sa prison, il se coupa la langue avec un canif pour ne rien révéler. Mais il fut condamné au feu et brûlé en 1459. Jacques du Clerq raconte au long cette triste histoire dans ses mémoires. Louis Tieck en a fait, sous le titre de Sabbat des sorcières, un roman hostile aux catholiques, qu’on a traduit en français.
Labourd, pays de Gascogne dont les habitants s’adonnaient au commerce et entreprenaient de longs voyages, où ils croyaient que le diable les protégeait. Pendant que les hommes étaient absents, Delancre dit que les femmes devenaient d’habiles sorcières. Henri IV envoya en 1609 un conseiller au parlement de Bordeaux, Pierre Delancre, que nous avons souvent cité, pour purger le pays de ces sorcières. Instruites de son arrivée, elles s’enfuirent en Espagne. Il en fit toutefois brûler quelques-unes qui étaient d’affreuses coquines.
Labourant. Voy. Pierre Labourant.
Labrosse. Le médecin Labrosse se mêlait de lire aux astres. Le jeune duc de Vendôme, qui avait grande confiance en cet astrologue, vint un matin conter à Henri IV que Labrosse recommandait au roi de se tenir sur ses gardes ce jour-là. Henri IV répondit : « Labrosse est un vieux fou d’étudier l’astrologie, et Vendôme un jeune fou d’y croire. »
Lac. Grégoire de Tours rapporte que dans le Gévaudan il y avait une montagne appelée HéJanie, au pied de laquelle était un grand lac ; à certaines époques de l’année les villageois s’y rendaient de toutes parts pour y faire des festins, offrir des sacrifices et jeter dans le lac, pendant trois jours, une infinité d’offrandes de toute espèce. Quand ce temps était expiré, selon la tradition que rapporte Grégoire de Tours, un orage mêlé d’éclairs et de tonnerre s’élevait ; il était suivi d’un déluge d’eau et de pierres. Ces scènes durèrent jusqu’à la fin du quatrième siècle.
Cent ans avant l’ère chrétienne il y avait aussi à Toulouse un lac célèbre, consacré au dieu du jour, et dans lequel les Tectosages jetaient en offrandes de l’or et de l’argent à profusion, tant en lingots et monnayé que mis en œuvre et façonné.
On lit dans la Vie de saint Sulpice, évêque de Bourges, qu’il y avait de son temps dans le Berry un lac de mauvaise renommée, qu’on appelait le lac des Démons. Voy. Pilate, Herbadilla, Is, etc.
Lacaille (Denyse de). En 1612, la ville de Beauvais fut le théâtre d’un exorcisme sur lequel on n’a écrit que des facéties sans autorité. La possédée était une vieille nommée Denyse de Lacaille. Nous donnons de cette affaire la pièce suivante en résumé : elle a été évidemment supposée par quelque farceur.
Extrait de la sentence donnée contre les démons qui sont sortis du corps de Denyse de Lacaille :
« Nous étant dûment informés que plusieurs démons et malins esprits vexaient et tourmentaient une certaine femme nommée Denyse de Lacaille, de la Landelle, nous avons donné à Laurent Lepot toute-puissance de conjurer lesdits malins esprits. Ledit Lepot, ayant pris la charge, a fait plusieurs exorcismes et conjurations, desquels plusieurs démons sont sortis, comme le procès-verbal le démontre. Voyant que, de jour en jour, plusieurs diables se présentaient ; comme il est certain qu’un certain démon nommé Lissi a dit posséder ladite Denyse, nous commandons, voulons, mandons, ordonnons audit Lissi de descendre aux enfers, sortir hors du corps de ladite Denyse, sans jamais y rentrer ; et, pour obvier à la venue des autres démons, nous commandons, voulons, mandons et ordonnons que Belzébuth, Satan, Motelu et Briffault, les quatre chefs, et aussi les quatre légions qui sont sous leur puissance, et tous les autres, tant ceux qui sont de l’air, de l’eau, du feu, de la terre et autres lieux, qui ont encore quelque puissance de ladite Denyse de Lacaille, comparaissent maintenant et sans délai, qu’ils aient à parler les uns après les autres, à dire leurs noms de façon qu’on puisse les entendre, pour les faire mettre par écrit.
» Et à défaut de comparoir, nous les mettons et les jetons en la puissance de l’enfer, pour être tourmentés davantage que de coutume ; et, faute de nous obéir, après les avoir appelés par trois fois, commandons, voulons, mandons que chacun d’eux reçoive les peines imposées ci-dessus, défendant au même Lissi, et à tous ceux qui auraient possédé le corps de ladite Denyse de Lacaille, d’entrer jamais dans aucun corps, tant de créatures raisonnables que d’autres.
» Suivant quoi ledit Lessi, malin esprit, prêt à sortir, a signé ces présentes. Belzébuth paraissant, Lissi s’est retiré au bras droit ; lequel Belzébuth a signé ; pareillement Belzébuth s’étant retiré, Satan apparut, et a signé pour sa légion, se retirant au bras gauche ; Motelu, paraissant, a signé pour toute la sienne, s’étant retiré à l’oreille droite ; incontinent Briffault est comparu et a signé ces présentes. — Signé : Lissi, Belzébuth, Satan, Motelu, Briffault.
» Le signe et la marque de ces cinq démons sont apposés à l’original du procès-verbal. Beauvais, le 12 décembre 1612. »
Nous le répétons, c’est une farce de huguenot sur un objet sérieux, mais qui a fait peu de bruit.
Lachanopteres, animaux imaginaires que Lucien place dans le globe de la lune. C’étaient de grands oiseaux couverts d’herbes au lieu de plumes.
Lachus, génie céleste, dont les Basilidiens gravaient le nom sur leurs pierres d’aimant magique ; ce talisman préservait des enchantements.
Laci (Jean), auteur d’un ouvrage intitulé Avertissements prophétiques, publié en 1708, un volume in-8° ; il parut différents ouvrages de cette sorte à l’occasion des prétendus prophètes des Cévennes, qui étaient des fous furieux.
Ladwaiturs, génies propices chez les Scandinaves. Voy. Harold.
Lænsbergh (Matthieu). Voy. Matthieu Lænsbergh.
Lafin (Jacques), sorcier qui fut accusé d’envoûtement sous Henri IV ; on dit qu’on trouva sur lui des images de cire qu’il faisait parler .
Laghernhard (Nicole), femme du pays de Labourd qui, au mois d’août 1590, vit sur la lisière d’une forêt, à l’heure de midi, des hommes et des femmes dansant une ronde en se tournant le dos. Elle remarqua quelques-uns de ces personnages qui avaient des pieds de chèvre, et, présumant que c’était le sabbat, elle fit le signe de la croix en invoquant le nom de Jésus. Aussitôt tout disparut. Un certain Grospetter s’enleva dans les airs en laissant échapper une brosse à nettoyer les fours. Un berger qui, assis sur les branches d’un chêne, jouait de la flûte avec sa houlette dont il tirait des sons, fut enlevé pareillement ; et Nicole Laghernhard se sentit remportée par un tourbillon dans sa maisonnette, où elle dut garder le lit huit jours…
Lagneau ou Laigneau (David), adepte mort au dix-septième siècle. Il a traduit les Douze clefs de la philosophie (hermétique), de Basile Valentin ; et l’on voit dans son Harmonie mystique, publiée à Paris en 1636, qu’il s’occupait d’alchimie.
Laica. Nom de fées chez les Péruviens. Les laicas étaient ordinairement bienfaisantes, au lieu que la plupart des autres magiciennes mettaient leur plaisir à faire du mal.
Lamia, reine de Libye, qui fendait le ventre des femmes grosses pour dévorer leurs fruits. Elle a donné son nom aux lamies.
Lamies, démons mauvais, qu’on trouve dans les déserts sous des figures de femmes, ayant des têtes de dragon au bout des pieds. Elles hantent aussi les cimetières, y déterrent les cadavres, les mangent et ne laissent des morts que les ossements. À la suite d’une longue guerre, on aperçut dans la Syrie, pendant plusieurs nuits, des troupes de lamies qui dévoraient les cadavres des soldats inhumés à fleur de terre. On s’avisa de leur donner la chasse, et quelques jeunes gens en tuèrent plusieurs à coups d’arquebuse ; il se trouva que le lendemain ces lamies n’étaient plus que des loups et des hyènes.
Il se rencontre des lamies, très-agiles à la course, dans l’ancienne Libye ; leur voix est un sifflement de serpent. Quelle que soit leur demeure, il est certain, ajoute Leloyer, qu’il en existe, « puisque cette croyance était en vigueur chez les anciens ». Le philosophe Ménippe fut épris d’une lamie. Elle l’attirait à elle ; heureusement qu’il fut averti de s’en défier, sans quoi il eût été dévoré. « Semblables aux sorcières, dit encore Leloyer , ces démons sont très-friands du sang des petits enfants. »
Tous les démonomanes ne sont pas d’accord sur la forme des lamies : Torquemada, dans son Hexameron, dit qu’elles ont une figure de femme et des pieds de cheval ; qu’on les nomme aussi chevêches, à cause du cri et de la friandise de ces oiseaux pour la chair fraîche. Ce sont des espèces de sirènes selon les uns ; d’autres les comparent aux gholes de l’Arabie. On a dit bien des bizarreries sur ces femmes singulières. Quelques-uns prétendent qu’elles ne voient qu’à travers une lunette . Wierus parle beaucoup de ces monstres dans le troisième livre de son ouvrage sur les Prestiges. Il a même consacré aux lamies un traité particulier .
« Les lamies écossaises, dit un écrivain que nous croyons à ses initiales être M. Alfred Michiels, enlèvent surtout des enfants, et c’est ce qui a rendu les fées en général si redoutables en nos contrées. Il y en avait en Flandre qui envoyaient de toutes parts des esprits inférieurs, conduisant des voitures peintes en rouge, couvertes de toiles rouges, attelées d’un cheval noir. Les enfants qu’ils trouvaient isolés, ceux qu’ils pouvaient attirer par des promesses, ou en leur montrant des dragées et des joujoux, étaient emmenés par eux, et ils les jetaient dans la voiture avec un bâillon dans la bouche. Selon d’autres, ils les massacraient aussitôt ; c’est pour que le sang ne se vît pas qu’ils avaient adopté la couleur rouge pour leurs voitures. Ces voitures s’appelaient bloed-chies et ceux qui les menaient bloed-elven. Dès qu’on les poursuivait ils disparaissaient, et l’on ne trouvait plus que de grandes taupinières au beau milieu du pavé. Cette croyance causait un effroi si grand aux enfants que, dès qu’une voiture de couleur rouge venait à passer, tous se sauvaient en grande hâte. Je me rappelle fort bien avoir partagé la terreur générale. »
Lamotte le Vayer (François), littérateur, né à Paris en 1588 et mort en 1672. C’était, selon Naudé, le Plutarque de la France, ressemblant aux anciens par ses opinions et ses mœurs. Il a laissé des Opuscules sur le sommeil et les songes, in-8°, Paris, 1640.
Lampadomancie, divination dans laquelle on observait la forme, la couleur et les divers mouvements de la lumière d’une lampe, afin d’en tirer des présages pour l’avenir. Delrio rapporte à cette divination la pratique superstitieuse de ceux qui allument un cierge en l'honneur de Saint Antoine de Padoue, pour retrouver les choses perdues.
Lampe merveilleuse. Il y avait à Paris du temps de saint Louis un rabbin fameux, nommé Jéchiel, grand faiseur de prodiges, et si habile à fasciner les yeux par les illusions de la magie ou de la physique que les juifs le regardaient comme un de leurs saints, et les Parisiens comme un sorcier. La nuit, quand tout le monde était couché, il travaillait à la clarté d’une lampe merveilleuse, qui répandait dans sa chambre une lumière aussi pure que celle du jour. Il n’y mettait point d’huile ; elle éclairait continuellement, sans jamais s’éteindre et sans avoir besoin d’aucun aliment. On disait que le diable entretenait cette lampe et venait passer la nuit avec Jéchiel. Aussi tous les passants heurtaient à sa porte pour l’interrompre. Quand des seigneurs ou d’honnêtes gens frappaient, la lampe jetait une lueur éclatante, et le rabbin allait ouvrir ; mais toutes les fois que des importuns faisaient du bruit pour le troubler dans son travail, la lampe pâlissait ; le rabbin, averti, donnait un coup de marteau sur un grand clou fiché au milieu de la chambre ; aussitôt la terre s’entrouvrait et engloutissait les mauvais plaisants .
Les miracles de la lampe inextinguible étonnaient tout Paris. Saint Louis, en ayant entendu parler, fit venir Jéchiel afin de le voir ; il fut content, disent les juifs, de la science étonnante de ce rabbin, qui peut-être avait découvert quelque gaz.
Lampes perpétuelles. En ouvrant d’anciens tombeaux tels que celui de la fille de Cicéron, on trouva des lampes qui répandirent un peu de lumière pendant quelques moments, et même pendant quelques heures ; d’où l’on a prétendu que ces lampes avaient toujours brûlé dans les tombeaux. « Mais comment le prouver ? dit le père Lebrun ; on n’a vu paraître des lueurs qu’après que les sépulcres ont été ouverts et qu’on leur a donné de l’air. Or, il n’est pas surprenant que dans les urnes qu’on a prises pour des lampes il y eût une matière qui, étant exposée à l’air, devînt lumineuse, comme les phosphores. On sait qu’il s’excite quelquefois des flammes dans les caves, dans les cimetières et dans tous les endroits où il y a beaucoup de sel et de salpêtre. L’eau de la mer, l’urine et certains bois produisent de la lumière et même des flammes, et l’on ne doute pas que cet effet ne vienne des sels qui sont en abondance dans ces sortes de corps.
Ferrari a voulu démontrer, dans une savante dissertation, que ce qu’on débitait sur ces lampes éternelles n’était appuyé que sur des contes et des histoires fabuleuses .
Lampon, devin d’Athènes. On apporta un jour à Périclès, de sa maison de campagne, un bélier qui n’avait qu’une corne très-forte au milieu du front ; sur quoi Lampon pronostiqua (ce que tout le monde prévoyait) que la puissance, jusqu’alors partagée en deux factions, celle de Thucydide et celle de Périclès, se réunirait dans la personne de celui chez qui ce prodige était arrivé. Le merveilleux s'évanouit à la dissection du bélier, faite par Anaxagore; mais Lampon reprit l'avantage, lorsque la chute de Thucydide fit passer toute l'autorité dans les mains du seul Périclès.
Lamproies, poissons auxquels on a donné neuf yeux ; mais on a reconnu que c’était une erreur populaire, fondée sur ce que les lamproies ont sur le côté de la tête des cavités, qui n’ont aucune communication avec le cerveau .
Lancinet. Les rois de France ont de temps immémorial revendiqué l’honneur de guérir les écrouelles. Le premier qui fut guéri fut un chevalier nommé Lancinet. Voici comment le fait est conté :
« Il était un chevalier nommé Lancinet, de l’avis duquel le roi Clovis se servait ordinairement lorsqu’il était question de faire la guerre à ses ennemis. Étant affligé de cette maladie des écrouelles, et s’étant voulu servir de la recette dont parle Cornélius Celsus, qui dit que les écrouelles se guérissent si l’on mange un serpent, l’ayant essayée par deux fois, et ce remède ne lui ayant point réussi, un jour, comme le roi Clovis sommeillait, il lui fut avis qu’il touchait doucement le cou à Lancinet, et qu’au même instant ledit Lancinet se trouvait guéri sans que même il parût aucune cicatrice.
» Le roi, s’étant levé plus joyeux qu’à l’ordinaire, tout aussitôt qu’il lit jour, manda Lancinet et essaya de le guérir en le touchant, ce qui fut fait ; et toujours depuis, cette vertu et faculté a été comme héréditaire aux rois de France, et s’est transmise à leur postérité . »
Voilà, sans contredit, un prodige ; mais on représentera que personne ne se nommait Lancinet du temps de Clovis ; que ni Clovis, ni Clotaire, ni le roi Dagobert, ni aucun des Mérovingiens ne se vantaient de guérir les humeurs froides ; que ce secret fut également inconnu aux Carlovingiens, et qu’il faut descendre aux Capétiens pour en trouver l’origine .
Landat ou Landalde (Catherine), paysanne des frontières de l’Espagne. Deîancre dit qu’interrogée sur ses voyages au sabbat, elle déclara qu’elle n’avait pas besoin de dormir pour s’y rendre ; que dès qu’elle s’asseyait près de son feu, si elle sentait un grand désir d’aller au sabbat, elle s’y trouvait aussitôt transportée. Cette femme avait trente ans.
Landela, magicienne. Voy. Harppe.
Langeac, ministre de France, qui employait beaucoup d’espions, et qui fut souvent accusé de communiquer avec le diable .
Langue. On lit dans Diodore de Sicile que les anciens peuples de la Taprobane avaient une langue double, fendue jusqu’à la racine, ce qui animait singulièrement leur conversation et leur facilitait le plaisir de parler à deux personnes en même temps . Mahomet vit dans son paradis des anges bien plus merveilleux ; car ils avaient chacun soixante-dix mille têtes, à chaque tête soixante-dix mille bouches, et dans chaque bouche soixante-dix mille langues qui parlaient chacune soixante-dix mille idiomes différents.
Les sorcières prétendaient avoir le don de parler toutes les langues : ce qui ne s’est pas vérifié, sinon dans quelques possédées.
Langue primitive. On a cru autrefois que si on abandonnait des enfants à la nature, ils apprendraient d’eux-mêmes la langue primitive, c’est-à-dire celle que parlait Adam, que l’on croit être l’hébreu. Mais malheureusement l’expérience a prouvé que cette assertion n’était qu’une erreur populaire . Les enfants élevés par des chèvres parlent l’idiome des boucs, et il est impossible d’établir que le langage n’a pas été révélé.
Languet, curé de Saint-Sulpice, qui avait un l aient tout particulier pour l’expulsion de certains esprits malins. Quand on lui amenait une de ces prétendues possédées que les convulsionnaires ont produites, et qui ont donné matière à tant de scandales, il accourait avec un grand bénitier plein d’eau commune, qu’il lui versait sur la tête en disant : « Je t’adjure de te rendre tout à l’heure à la Salpêtrière, sans quoi je t’y ferai conduire à l’instant. » La possédée ne reparaissait plus.
Lanthila, nom que les habitants des Moluques donnent à un être supérieur qui commande à tous les Nétos ou génies malfaisants.
Lapalud. Voy. Palud.
Lapons. Les Lapons se distinguent un peu des autres peuples : la hauteur des plus grands n’excède pas un mètre et demi ; ils ont la tête grosse, le visage plat, le nez écrasé, les yeux petits, la bouche large, une barbe épaisse qui leur pend sur l’estomac. Leur habit d’hiver est une peau de renne, taillée comme un sac, descendant sur les genoux, et rehaussée sur les hanches d’une ceinture ornée de plaques d’argent ; ce qui a donné lieu à plusieurs historiens de dire qu’il y avait des hommes vers le Nord velus comme des bêtes, et qui ne se servaient point d’autres habits que ceux que la nature leur avait donnés.
On dit qu’il y a chez eux une école de magie où les pères envoient leurs enfants, persuadés que la magie leur est nécessaire pour éviter les embûches de leurs ennemis, qui sont eux-mêmes grands magiciens. Ils font passer les démons familiers dont ils se servent en héritage à leurs enfants, afin qu’ils les emploient à surmonter les démons des autres familles qui leur sont contraires. Ils se servent souvent d’un tambour pour les opérations de leur magie. Quand ils ont envie d’apprendre ce qui se passe en pays étranger, un d’entre eux bat le tambour, mettant dessus, à l’endroit où l’image du soleil est dessinée, des anneaux de laiton attachés ensemble par une chaîne de même métal. Il frappe sur ce tambour avec un marteau fourchu fait d’un os, de telle sorte que ces anneaux se remuent. Le curieux chante en même temps d’une voix distincte une chanson que les Lapons nomment jonk ; tous ceux qui sont présents, hommes et femmes, y ajoutent chacun son couplet, exprimant de temps en temps le nom du lieu dont ils désirent savoir quelque chose. Le Lapon qui frappe le tambour le met ensuite sur sa tête d’une certaine façon et tombe aussitôt par terre, où il ne donne plus signe de vie ; les assistants continuent de chanter jusqu’à ce qu’il soit revenu à lui, car si on cesse de chanter, l’homme meurt, disent-ils, ce qui lui arrive également si quelqu’un essaye de l’éveiller en le touchant de la main ou du pied. On éloigne même de lui les mouches et les autres animaux. Quand il reprend ses sens de lui-même, il répond aux questions qu’on lui fait sur le lieu où il a été envoyé. Quelquefois il ne se réveille qu’au bout de vingt-quatre heures, selon que le chemin qu’il lui a fallu parcourir a été long ou court. Pour ne laisser aucun doute sur la vérité de ce qu’il raconte, il se vante d’avoir rapporté du pays où il a été la marque qu’on lui a demandée, comme un couteau, un anneau, un soulier ou quelque autre chose. Les Lapons se servent aussi du même tambour pour savoir la cause d’une maladie, ou pour faire perdre la vie ou la santé à leurs ennemis.
Parmi ces peuples, certains magiciens ont une espèce de gibecière de cuir, dans laquelle ils tiennent des mouches magiques ou des démons, qu’ils lâchent de temps en temps contre leurs ennemis, ou contre le bétail, ou simplement pour exciter des tempêtes et faire lever des vents orageux. Ils ont aussi une sorte de dard qu’ils jettent en l’air, et qui, dans leur opinion, cause la mort à tout ce qu’il rencontre. Ils se servent, pour ce même effet, d’une pelote nommée tyre, de la grosseur d’une noix, fort légère, presque ronde, qu’ils envoient contre leurs ennemis pour les faire périr ; si par malheur cette pelote rencontre en chemin quelque autre personne ou. quelque animal, elle ne manque pas de leur causer la mort . Voy. Finnes, Tyre, etc.
Lares. Les lares étaient, chez les anciens, des démons ou des génies gardiens du foyer. Cicéron, traduisant le Timêe de Platon, appelle lares ce que Platon nomme démons. Festus les appelle dieux ou démons inférieurs, gardiens des toits et des maisons. Apulée dit que les lares n’étaient autre chose que les âmes de ceux qui avaient bien vécu et bien rempli leur carrière. Au contraire, ceux qui avaient mal vécu erraient vagabonds et épouvantaient les hommes. Selon Servius, le culte des dieux lares est venu de ce qu’on avait coutume autrefois d’enterrer les corps dans les maisons, ce qui donna occasion au peuple crédule de s’imaginer que leurs âmes y demeuraient aussi, comme des génies secourables et propices, et de les honorer en cette qualité.
La coutume s’étant introduite plus tard d’inhumer les morts sur les grands chemins, on en prit occasion de les regarder comme les dieux des chemins. C’était le sentiment des platoniciens, qui des âmes des bons faisaient des lares, et les lémures des âmes des méchants. On plaçait les statuettes des lares dans un oratoire que l’on avait soin de tenir proprement. Cependant quelquefois on perdait le respect à leur égard, comme à la mort de quelques personnes chères ; on les accusait de n’avoir pas bien veillé à leur conservation, et de s’être laissé surprendre par les esprits malfaisants. Caligula fit jeter les siens par la fenêtre, parce que, disait-il, il était mécontent de leurs services.
Quand les jeunes garçons étaient devenus assez grands pour quitter les bulles qu’on ne portait que dans la première jeunesse, ils les pendaient au cou des dieux lares. Les esclaves y pendaient aussi leurs chaînes, lorsqu’ils recevaient la liberté.
Larmes. Les femmes accusées de sorcellerie étaient regardées comme véritablement sorcières lorsqu’elles voulaient pleurer et qu’elles ne le pouvaient. Une sorcière dont parle Boguet dans son Premier avis ne put jeter aucune larme, bien qu’elle se fût plusieurs fois efforcée devant son juge : ( Car il a été reconnu par expérience que les sorciers ne jettent point de larmes : ce qui a donné occasion à Spranger, Grilland et Bodin de dire que l’une des plus fortes présomptions que l’on puisse élever contre le sorcier est qu’il ne larmoie point . »
Larrivey (Pierre), poète dramatique du seizième siècle, né à Troyes en 1596. Il s’est fait connaître par un Almanach avec grandes prédictions, le tout diligemment calculé, qu’il publia de 1618 à 1647. Il précéda ainsi Matthieu Lænsbergh. Il ne mangeait point de poisson, parce que, selon son horoscope, il devait mourir étranglé par une arête, prédiction qui ne fut pas accomplie. Les almanachs qui continuent de porter son nom sont encore très-estimés dans le midi de la France, comme ceux de Matthieu Lænsbergh dans le Nord.
Larves, âmes des méchants, que l'on supposait errer ça et là pour épouvanter les vivants. Larve signifie masque; et comme on les faisait hideux et effrayants, on s'est servi de ce nom pour désigner les génies malfaisants, qu'on appelait autrement Lémures. En effet, on les représentait comme des vieillards au visage sévère, ayant la barbe longue, les cheveux courts, et portant sur la main un hibou, oiseau de mauvaise augure. Larves est aussi le nom que l'on donnait aux mânes. Tous ceux qui périssaient de mort violente, ou qui ne recevaient pas les honneurs de la sépulture, devenaient des Larves; et lorsqu'on eut assassiné Caligula, le palais , dit Suétone, devint inhabitable par les fantômes effrayants qui apparurent, jusqu'à ce qu'on lui eût décerné une pompe funèbre.
Launoy (Jean), célèbre docteur de Sorbonne, né le 21 décembre 1603 à Valdéric, diocèse de Coutances. Il a laissé une dissertation pédantesque sur la vision de saint Simon Stock, qu’il n’a pas su comprendre, étant un peu trop janséniste. Un volume in-8° ; 1653 et 1663.
Laurier, arbre qu’Apulée met au rang des plantes qui préservent les hommes des esprits malins. On croyait aussi chez les anciens qu’il garantissait de la foudre.
Lauthu, magicien tonquinois, qui prétendait avoir été formé et porté soixante-dix ans dans le sein de sa mère sans qu'elle eût perdu sa virginité. Sa morale est très relâchée; c'est celle que suit le peuple, tandis que la cour suit celle de Confucius.
Lavater (Louis), théologien protestant, né à Kibourg en 1527, auteur d’un traité sur les spectres, les lémures, etc. ; Zurich, 1570, in-12, plusieurs fois réimprimé.
Lavater (Jean-Gaspard), né à Zurich en 1741, mort en 1801, auteur célèbre de l’Art déjuger les hommes par la physionomie. Voy. Physiognomonie.
Lavisari. Cardan écrit qu’un Italien nommé Lavisari, conseiller et secrétaire d’un prince, se trouvant une nuit seul dans un sentier, le long d’une rivière, et ne sachant où était le gué pour la passer, poussa un cri dans l’espoir d’être entendu des environs. Son cri ayant été répété par une voix de l’autre côté de l’eau, il se persuada que quelqu’un lui répondait, et demanda : — Dois-je passer ici ? — La voix lui répondit : — Ici.
Il vit alors qu’il était sur le bord d’un gouffre où l’eau se jetait en tournoyant. Épouvanté du danger que ce gouffre lui présentait, il s’écrie encore une fois : — Faut-il que je passe ici ? — La voix lui répondit : — Passe ici. — Il n’osa s’y hasarder, et, prenant l’écho pour le diable, il crut qu’il voulait le faire périr et retourna sur ses pas .
Layra, nom d’une maladie que donnaient les sorciers dans une pomme ou dans un autre aliment, et qui produisait le besoin indomptable d’aboyer. Delancre en a eu les preuves. Les mêmes coquins infusaient aussi par le même procédé de violentes épilepsies.
Lazare, tzar des Serviens dans leurs temps héroïques. On lit sur ce prince, dans les chants populaires des Serviens, de singulières légendes.
Leur grand cycle poétique, c’est l’ère fatale de la conquête, c’est la bataille de Kossovo, où périt le roi Lazare, trahi par son gendre Wuk et par ses douze mille guerriers. À cette bataille, le poète fait intervenir le prophète Elie, qui annonce au roi la volonté de Dieu et l’avertit qu’il est temps de choisir entre le royaume du ciel et celui de la terre. Lazare mande le patriarche de Servie et les douze grands archevêques, pour qu’ils donnent la sainte communion.
Lazare (Denys), prince de Servie, qui vivait en Tannée de l’hégire 788. Il est auteur d’un ouvrage intitulé les Songes, publié en 1686 ; 1 vol. in-8°. Il prétend avoir eu des visions nocturnes dans les royaumes de Stéphan, de Mélisch et de Prague.
Leaupartie, seigneur normand d’un esprit épais, qui fit paraître en 1735 un mémoire pour établir la possession et l’obsession de ses enfants et de quelques autres filles qui avaient copié les extravagances de ces jeunes demoiselles. — Il envoya à la Sorbonne et à la faculté de médecine de Paris des observations pour savoir si l’état des possédées pouvait s’expliquer naturellement. Il exposa que les possédées entendaient le latin ; qu’elles étaient malicieuses ; qu’elles parlaient en hérétiques ; qu’elles n’aimaient pas le son des cloches ; qu’elles aboyaient comme des chiennes ; que l’aboiement de l’une d’elles ressemblait à celui d’un dogue ; que leur servante Anne Néel, quoique fortement liée, s’était dégagée pour se jeter dans le puits : ce qu’elle ne put exécuter, parce qu’une personne la suivait ; mais que, pour échapper à cette poursuite, elle s’élança contre une porte fermée et passa au travers, etc. — Le bruit s’étant répandu que les demoiselles de Leaupartie étaient possédées, un curé nommé Heurtin, faible ou intrigant, s’empara de l’affaire, causa du scandale, fit des extravagances. Mgr de Luynes, évêque de Bayeux, le fit renfermer dans un séminaire ; et les demoiselles, ayant été placées dans des communautés religieuses, se trouvèrent immédiatement paisibles.
Lebrun (Charles), célèbre peintre, né à Paris en 1619, mort en 1690. On lui doit un Traité sur la physionomie humaine comparée avec celle des animaux, 1 vol. in-folio.
Lebrun (Pierre), oratorien, né à Brignoles en 1661, mort en 1729. On a de lui :1° Lettres qui découvrent l’illusion des philosophes sur la baguette, et qui détruisent leurs systèmes, 1693, in-12 ; 2° Histoire critique des pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les savants, 1702, 3 vol. in-12, avec un supplément, 1737, in-12.
Nous avons occasion de le citer souvent.
Lécanomancie, divination par le moyen de l’eau. On écrivait des paroles magiques sur des lames de cuivre, qu’on mettait dans un vase plein d’eau, et une vierge qui regardait dans cette eau y voyait ce qu’on voulait savoir, ou ce qu’elle voulait y voir. Ou bien on remplissait d’eau un vase d’argent pendant un « beau clair de lune ; ensuite on réfléchissait la lumière d’une chandelle dans le vase avec la lame d’un couteau, et l’on y voyait ce qu’on cherchait à connaître. — C’est encore par la lécanomancie que chez les anciens on mettait dans un bassin plein d’eau des pierres précieuses et des lames d’or et d’argent, gravées de certains caractères, dont on faisait offrande aux démons. Après les avoir conjurés par certaines paroles, on leur proposait la question à laquelle on désirait une réponse. Alors il sortait du fond de l’eau une voix basse, semblable à un sifflement de serpent, qui donnait la solution désirée. Glycas rapporte que Nectanébus, roi d’Égypte, connut par ce moyen qu’il serait détrôné ; et Delrio ajoute que de son temps cette divination était encore en vogue parmi les Turcs. Elle était anciennement familière aux Chaldéens, aux Assyriens et aux Égyptiens. Vigenère dit qu’on jetait aussi du plomb fondu tout bouillant dans un bassin plein d’eau ; et par les figures qui s’en formaient on avait réponse à ce qu’on demandait .
Lecanu (M. l’abbé), du clergé de Paris, auteur d’un livre intitulé « Histoire de Satan, sa chute, son culte, ses manifestations, ses œuvres, la guerre qu’il fait à Dieu et aux hommes ; magie, possessions, illuminisme, magnétisme, esprits frappeurs, spirites, etc. » In-8°, Paris, 1862.
Léchies, dieux des bois, qui correspondaient aux satyres. Le peuple russe, chez qui l'idée en est restée, leur donne un corps humain, depuis la partie supérieure jusqu'à la ceinture, avec des cornes, des oreilles, et une barbe de chèvre; et de la ceinture en bas, des formes de bouc. Quand ils marchaient à travers les herbes, ils se rapetissaient à leur niveau; mais lorsqu'ils couraient dans les forêts, ils égalaient en hauteur les arbres mêmes; et poussaient des cris effroyables. Ils erraient sans cesse autour de ceux qui se promenaient dans les bois, empruntaient une voix connue de ces voyageurs, et de cette manière les égaraient dans la forêt jusqu'aux approches de la nuit; ensuite ils les transportaient dans leurs cavernes, où ils prenaient plaisir à les chatouiller jusqu'à la mort.
Lecoq, sorcier qui fut exécuté à Saumur, au seizième siècle, pour avoir composé des maléfices et poisons contre les enfants. Le bruit courait dans ce temps-là que lui et d’autres sorciers ayant jeté leurs sorts diaboliques sur les lits de plume, il devait s’y engendrer certains serpents qui piqueraient et tueraient les bonnes gens endormis ; si bien qu’on n’osait plus se coucher. On attrapa Lecoq et on le brûla, après quoi on alla dormir , ce que vous pouvez faire aussi.
Ledoux (Mademoiselle), tireuse de cartes, dont on fit le procès à Paris le 14 juillet 1818. Elle fut condamnée à deux ans d’emprisonnement et à douze francs d’amende, pour avoir prescrit à une jeune demoiselle d’aller la nuit en pèlerinage au Calvaire du mont Valérien, près Paris, et d’y porter quatre queues de morue enveloppées dans quatre morceaux d’un drap coupé en quatre, afin de détacher, par ce moyen cabalistique, le cœur d’un jeune homme riche, de neuf veuves et demoiselles qui le poursuivaient en mariage .
Legendre (Gilbert-Charles), marquis de Saint-Aubin-sur-Loire, né à Paris en 1688, mort en 1746. On a de lui un Traité de l’opinion, ou Mémoires pour servir à l’histoire de l’esprit humain, Paris, 1733, 6 vol. in-12 ; ouvrage dont M. Salgues a tiré très-grand parti pour son livre des Erreurs et des préjugés répandus dans la société.
Légions. Il y a aux enfers six mille six cent soixante-six légions de démons. Chaque légion de l’enfer se compose de six mille six cent soixante-six diables, ce qui porte le nombre de tous ces démons à quarante-quatre millions quatre cent trente-cinq mille cinq cent cinquante-six, à la tête desquels se trouvent soixante-douze chefs, selon le calcul de Wierus. Mais d’autres doctes mieux informés élèvent bien plus haut le nombre des démons.
Leleu (Augustin), contrôleur des droits du duc de Chaulnes sur la chaîne de Picquigny, qui demeurait à Amiens, rue de l’Aventure, et dont la maison fut infestée de démons pendant quatorze ans. Après s’être plaint, il avait obtenu qu’on fît la bénédiction des chambres infestées ; ce qui força les diables à détaler .
Leloyer. Voy. Loyer(le).
Lemia, sorcière d’Athènes, qui fut punie du dernier supplice, au rapport de Démosthène, pour avoir enchanté, charmé et fait périr le bétail ; car dans cette république on avait établi une chambre de justice pour poursuivre les sorciers.
Lemnus ou Lemmens (Liévin), né en 1505 à Ziriczée en Zélande, médecin et théologien, publia un livre sur ce qu’il y a de vrai et de faux en astrologie, et un autre sur les merveilles occultes de la nature .
Lémures, génies malfaisants ou âmes des morts damnés qui ( selon les croyances superstitieuses) reviennent tourmenter les vivants, et dans la classe desquels il faut mettre les vampires. On prétend que le nom de Lémure est une corruption de Rémure, qui vient à son tour du nom de Rémus, tué par Romulus, fondateur de Rome ; car après sa mort les esprits malfaisants se répandirent dans Rome . Voy. Lares, Larves, Spectres, Vampires, etc.
Lenglet-Dufresnoy (Nicolas), né à Beauvais en 1674 et mort en 1755. On lui doit :1° une Histoire de la philosophie hermétique, accompagnée d’un catalogue raisonné des écrivains de cette science, avec le véritable Philalète, revu sur les originaux, 1742, 3 vol. in-12 ; 2° un Traité historique et dogmatique sur les apparitions, visions et révélations particulières, avec des observations sur les dissertations du R. P. dom Calmet sur les apparitions et les revenants, 1751, 2 vol. in-12 ; 3° un Recueil de dissertations anciennes et nouvelles sur les apparitions, les visions et les songes, avec une préface historique et un catalogue des auteurs qui ont écrit sur les esprits, les visions, les apparitions, les songes et les sortilèges ; 1752, k vol. in-12.
Nous avons puisé fréquemment dans ces ouvrages.
Lenormand (Mademoiselle), femme qui, sous l’Empire et la Restauration, exerçait à Paris le métier de sibylle. Elle prenait le nom de sibylle du faubourg Saint-Germain, tirait les cartes et disait la bonne aventure par le marc de café. On prétend qu’elle était un des organes de la police. Elle a laissé des mémoires et des souvenirs sibyllins. Morte en 1843. Ce qui est curieux, c’est que, de notre temps, les grandes dames allaient la consulter.
Le Normant (Martin), astrologue qui fut apprécié par le roi Jean, auquel il prédit la victoire qu’il gagna contre les Flamands .
Léon III, élu pape en 795. On a eu l’effronterie de lui attribuer un recueil de platitudes, embrouillées dans des figures et des mots inintelligibles, composé par un visionnaire plus de trois cents ans après lui, sous le titre d’Enchiridion Leonis papœ . On a ajouté qu’il avait envoyé ce livre à Charlemagne. Voici le titre exact de ce ridicule fatras : Enchiridion du pape Léon, donné comme un présent précieux au sérénissime empereur Charlemagne, récemment purgé de toutes ses fautes. Rome, 1670, in-12 long, avec un cercle coupé d’un triangle pour vignette, et à l’entour ces mots en légende : Formation, réformation, transformation. Après un avis aux sages cabalistes, le livre commence par l’Évangile de saint Jean, que suivent les secrets et oraisons pour conjurer le diable. Voy. Conjurations, etc.
Léonard, démon des premiers ordres, grand maître des sabbats, chef des démons subalternes, inspecteur général de la sorcellerie, de la magie noire et des sorciers. On l’appelle souvent le Grand Nègre. Il préside au sabbat sous la figure d’un bouc de haute taille ; il a trois cornes sur la tête, deux oreilles de renard, les cheveux hérissés, les yeux ronds, enflammés et fort ouverts, une barbe de chèvre et un visage au derrière. Les sorciers l’adorent en lui baisant ce visage inférieur avec une chandelle verte à la main. Quelquefois il ressemble à un lévrier ou à un bœuf, ou à un grand oiseau noir, ou a un tronc d’arbre surmonté d’un visage ténébreux. Ses pieds, quand il en porte au sabbat, sont toujours des pattes d’oie. Cependant, les experts qui ont vu le diable au sabbat observent qu’il n’a pas de pieds quand il prend la forme d’un trône d’arbre et dans d’autres circonstances extraordinaires. Léonard est taciturne et mélancolique ; mais dans toutes les assemblées de sorciers et de diables où il est obligé de figurer, il se montre avantageusement et déploie une gravité superbe .
Léopold, fils naturel de l’empereur Rodolphe II. Il embrassa la magie et étudia les arts du diable, qui lui apparut plus d’une fois. Il arriva que son frère Frédéric fut pris en bataille en combattant contre Louis de Bavière. Léopold, voulant lui envoyer un magicien pour le délivrer de la prison de Louis sans payer rançon, s’enferma avec ce magicien dans une chambre, en conjurant et appelant le diable, qui se présenta à eux sous forme et costume d’un messager de pied, ayant ses souliers usés et rompus, le chaperon en tête ; quant au visage, il avait les yeux chassieux. Il leur promit, sans que le magicien inintelligibles se dérangeât, de tirer Frédéric d’embarras, pourvu qu’il y consentît. Il se transporta de suite dans la prison, changea d’habit et de forme, prit celle d’un écolier, avec une nappe autour du cou, et invita Frédéric à entrer dans la nappe, ce qu’il refusa en faisant le signe de la croix. Le diable s’en retourna confus chez Léopold, qui ne le quitta point pour cela ; car pendant la maladie à la suite de laquelle il mourut, s’étant levé un jour sur son séant, il commanda à son magicien, qu’il tenait à gages, d’appeler le diable, lequel se montra sous la forme d’un homme noir et hideux ; Léopold ne l’eut pas plutôt vu qu’il dit : C’est assez ; et il demanda qu’on le recouchât dans son lit, où il trépassa
Lépapa, rocher mystique. Voy. Eatuas.
Lépréchan. C’est le nom qu’on donne au cluricaune dans quelques comtés de l’Irlande. Voyez Cluricaune.
Leriche (M. l’abbé), prêtre du diocèse de Poitiers, auteur d’un savant livre intitulé Études sur les possessions en général et sur la possession de Loudun en particulier, précédées d’une lettre du P. Ventura. 1 vol. in-12, 1859. Dans cet ouvrage, parfaitement écrit et solidement appuyé de preuves, l’auteur a mis au néant tous les mensonges du calviniste Saint-Aubin.
Leroux de Lincy, auteur vivant de travaux curieux intitulés Le Livre des légendes, 1836.
Lesage. Voy. Luxembourg.
Lescorière (Marie), vieille sorcière arrêtée au seizième siècle à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Elle répondit dans son interrogatoire qu’elle passait pour sorcière sans l’être ; qu’elle croyait en Dieu, l’avait prié journellement, et avait quitté le diable depuis longtemps ; qu’il y avait quarante ans qu’elle n’avait été au sabbat. Interrogée sur le sabbat, elle dit qu’elle avait vu le diable en forme d’homme et de bouc, qu’elle lui avait cédé les galons dont elle liait ses cheveux, que le diable les lui avait payés un écu qu’elle avait mis dans sa bourse ; qu’il lui avait surtout recommandé de ne pas prier Dieu, de nuire aux gens de bien, et qu’il lui avait remis pour cela de la poudre dans une boîte ; qu’il était venu la trouver en forme de chat, et que, parce qu’elle avait cessé d’aller au sabbat, il l’avait meurtrie à coups de pierres ; que quand elle appelait le diable, il venait à elle en figure de chien pendant le jour et en figure de chat pendant la nuit ; qu’une fois elle l’avait prié de faire mourir une voisine, ce qu’il avait fait ; qu’une autre fois, passant par un village, les chiens l’avaient suivie et mordue ; que dans l’instant elle avait appelé le diable, qui les avait tués. Elle dit aussi qu’il ne se faisait autre chose au sabbat sinon honneur au diable, qui promettait ce qu’on lui demandait ; qu’on lui faisait offrande en le baisant au derrière ayant chacun une chandelle à la main .
Lescot, devin de Parme, qui disait indifféremment à tout homme qui en voulait faire l’essai : a Pensez ce que vous voudrez, et je devinerai ce que vous pensez, » parce qu’il était servi par un démon .
Lespèce, Italien qui fut avalé pendant le séjour de la flotte française au port de Zante, sous le règne de Louis XII. Il était dans le brigantin de François de Grammont. Un jour, après avoir bien bu, il se mit à jouer aux dés et perdit tout son argent. Il maugréa Dieu, les saints, la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, et invoqua le diable à son aide. La nuit venue, comme l’impie commençait à ronfler, un gros et horrible monstre, aux yeux étincelants, approcha du brigantin. Quelques matelots prirent cette bête pour un monstre marin et voulurent l’éloigner ; mais elle aborda le navire et alla droit à l’hérétique, qui fuyait de tous côtés. Dans sa fuite, il trébucha et tomba dans la gueule de cet horrible serpent .
Léthé, fleuve qui arrosait une partie du Tartare et allait jusqu’à l’Élisée. Ses ondes faisaient oublier aux ombres, forcées d’en boire, les plaisirs et les peines de la vie qu’elles avaient quittée. On surnommait le Léthé le fleuve d’Huile, parce que son cours était paisible, et par la même raison Lucain l’appelle deus tacitus, dieu silencieux, car il ne faisait entendre aucun murmure. Les âmes des méchants, après avoir expié leurs | crimes par de longs tourments, venaient aux bords du Léthé perdre le souvenir de leurs maux et puiser une nouvelle vie. Sur ses rives, comme sur celles du Cocyte, on voyait une porte qui communiquait au Tartare .
Lettres de l’alphabet. Leur mystère. Voyez Marc l’hérétique.
Lettres infernales, ou Lettres des campagnes, publiées en 1734. Ce n’est qu’une satire contre les fermiers généraux.
Lettres sur les diverses apparitions d’un bénédictin de Toulouse, in-4°, 1679. Ces apparitions étaient, dit-on, des supercheries de quelques novices de la congrégation de Saint-Maur, qui voulaient tromper leurs supérieurs. On les fit sortir de l’ordre.
Leuce-Carin, hérétique du second siècle, auteur apocryphe d’un livre intitulé Voyages des apôtres. Il y conte des absurdités.
Leucophylle, plante fabuleuse qui, selon les anciens, croissait dans le Phase, fleuve de la Colchide. On lui attribuait la vertu d’empêcher les infidélités ; mais il fallait la cueillir avec de certaines précautions, et on ne la trouvait qu’au point du jour, vers le commencement du printemps, lorsqu’on célébrait les mystères d’Hécate.
Lévi de Moravie, rabbin juif, réputé grand magicien au XVIe siècle.
Léviathan, grand amiral de l’enfer, selon les démonomanes. Wierus l’appelle le grand menteur. Il s’est mêlé de posséder, de tous temps, les gens qui courent le monde. Il leur apprend à mentir et à en imposer. Il est tenace, ferme à son poste et difficile à exorciser. On donne aussi le nom de Léviathan à un poisson immense que les rabbins disent destiné au repas du Messie. Ce poisson est si monstrueux qu’il en avale d’un coup un autre, lequel, pour être moins grand que lui, ne laisse pas d’avoir trois lieues de long. Toute la masse des eaux est portée sur Léviathan. Dieu, au commencement, en créa deux, l’un mâle et l’autre femelle ; mais de peur qu’ils ne renversassent la terre et qu’ils ne remplissent l’univers de leurs semblables, Dieu, disent encore les rabbins, tua la femelle et la sala pour le repas du Messie qui doit venir. Eh hébreu, Léviathan veut dire monstre des eaux. Il paraît que c’est le nom de la baleine dans le livre de Job, chap. lxi. Samuel Bochard croit que c’est aussi le nom du crocodile. Voy. Kraken.
Lewis (Matthieu-Grégoire), auteur de romans et de pièces de théâtre, né en 1773 et mort en 1818. On a de lui le Moine, 1795, 3 vol. in-12, production effroyable et dangereuse, qui fit plus de bruit qu’elle ne mérite ; le Spectre du château, opéra ou drame en musique, etc.
Lézards. Les Kamtschadales en ont une crainte superstitieuse. Ce sont, disent-ils, les espions de Gaetch (dieu des morts) qui viennent leur prédire la fin de leurs jours. Si on les attrape, on les coupe en petits morceaux pour qu’ils n’aillent rien dire au dieu des morts. Si un lézard échappe, l’homme qui l’a vu tombe dans la tristesse et meurt quelquefois de la peur qu’il a de mourir.
Les nègres qui habitent les deux bords du Sénégal ne veulent pas souffrir, au contraire, qu’on tue les lézards autour de leurs maisons. Ils sont persuadés que ce sont les âmes de leurs pères, de leurs mères et de leurs proches parents qui viennent faire le folgar, c’est-à-dire se réjouir avec eux .
Libanius, magicien né en Asie, qui, pendant le siège de Ravenne par Constance, employait des moyens magiques pour vaincre les ennemis .
Libanomancie, divination qui se faisait par le moyen de l’encens. Voici, selon Dion Cassius, les cérémonies que les anciens pratiquaient dans la libanomancie. On prend, dit-il, de l’encens, et, après avoir fait des prières relatives aux choses que l’on demande, on jette cet encens dans le feu, afin que sa fumée porte les prières jusqu’au ciel. Si ce qu’on souhaite doit arriver, l’encens s’allume sur-le-champ, quand même il serait tombé hors du feu ; le feu semble l’aller chercher pour le consumer. Mais si les vœux qu’on a formés ne doivent pas être remplis, ou l’encens ne tombe pas dans le feu, ou le feu s’en éloigne et ne le consume pas. Cet oracle, ajoute t-il, prédit tout, excepté ce qui regarde la mort et le mariage.
Libertins, fanatiques qui s’élevèrent en Flandre au milieu du seizième siècle et qui se répandirent en France, où ils eurent pour chef un tailleur picard nommé Quintin. Ils professaient exactement le panthéisme des philosophes de nos jours ; et les rêveurs allemands les copient. Ils regardaient le paradis et l’enfer comme des illusions et se livraient à leurs sens. Le nom qu'ils se donnaient, comme affranchis, est devenu une injure.
Libres penseurs, personnages qui se posent de nos jours en esprits forts et qui ont toutes les doctrines des hérétiques dont on vient de parler.
Licorne. On croyait chez nos pères que la corne de licorne préservait des sortilèges. Les licornes du cap de Bonne-Espérance sont décrites avec des têtes de cheval, d’autres avec des têtes de cerf. On dit que le puits du palais de Saint-Marc ne peut être empoisonné, parce qu’on y a jeté des cornes de licornes. On est d’ailleurs indécis sur ce qui concerne ces animaux, dont la race semble perdue, quoique, dit-on, elle existe encore en Chine. Voy. Cornes.
Lieder (Madeleine), femme de Lewenburg en Saxe, qui fut possédée en 1605, avec des crises singulières. Quelquefois son démon l’enroulait comme une pelote, de sorte que sa tête touchait ses genoux ; et, dans cette situation, elle était lancée en l’air. D’autres fois sa taille grandissait au point que sa tête touchait le plafond. D’autrefois ses yeux sortaient de sa tête gros comme des œufs de poule, ou sa langue pendait noire et longue d’un pied hors de sa bouche. On l’exorcisa, et le démon qui la possédait dit, par sa bouche, que ses meilleurs amis étaient Judas, Hérode, Pilate et Faust.
Lièvre. On raconte des choses merveilleuses du lièvre. Évax et Aaron disent que si l’on joint ses pieds avec la tête d’un merle, ils rendront l’homme qui les portera si hardi qu’il ne craindra pas même la mort. Celui qui se les attachera au bras ira partout où il voudra, et s’en retournera sans danger. — Si on en fait manger à un chien, avec le cœur d’une belette, il est sûr qu’il n’obéira jamais, quand même on le tuerait .
Si des vieillards aperçoivent un lièvre traversant un chemin, ils ne manquent guère d’en augurer quelque mal. Ce n’est pourtant, au fond, qu’une menace des anciens augures exprimée en ces termes : Inauspicatum dat iter oblahis lepus. Cette idée n’avait apparemment d’autre fondement, si ce n’est que nous devons craindre quand un animal timide passe devant nous ; comme un renard, s’il y passe aussi, nous présage quelque imposture. Ces observations superstitieuses étaient défendues aux Juifs. Chez les Grecs modernes, si un lièvre croise le chemin d’une caravane, elle fera halte jusqu’à ce qu’un passant qui ne l’ait pas vu coupe le charme en traversant la même route. — Les Romains croyaient que celui qui mangeait du lièvre pendant sept jours était par là fort embelli ; et on conte qu’Alexandre-Sévère, qui apparemment avait un grain de coquetterie, mangeait du lièvre à tous ses repas.
À l’honneur des lièvres, voy. Sakimouni.
Lièvre (Le Grand). Les Chipouyans, peuplade sauvage qui habite l’intérieur de l’Amérique septentrionale, croient que le Grand Lièvre, nom qu’ils donnent à l’Être suprême, étant porté sur les eaux avec tous les quadrupèdes qui composaient sa cour, forma la terre d’un grain de sable tiré de l’Océan et tira les hommes des corps des animaux. Mais le Grand Tigre, dieu des eaux, s’opposa aux desseins du Grand Lièvre. Voilà, suivant eux, les principes qui se combattent perpétuellement.
Ligature. On donne ce nom à un maléfice spécial, par lequel on liait et on paralysait quelque faculté physique de l’homme ou de la femme. On appelait chevillement le sortilège qui fermait un conduit et empêchait par exemple les déjections naturelles. On appelait embarrer l’empêchement magique qui s’opposait à un mouvement. On appelait plus spécialement ligature le maléfice qui affectait d’impuissance un bras, un pied ou tout autre membre.
Le plus fameux de ces sortilèges est celui qui est appelé dans tous les livres où il s’agit de superstitions, dans le curé Thiers, dans le père Lebrun et dans tous les autres, le nouement de L’aiguillette ou l’aiguillette nouée, désignation honnête d’une chose honteuse. C’est au reste le terme populaire. Cette matière si délicate, que nous aurions voulu pouvoir éviter, tient trop de place dans les abominations superstitieuses pour être passée sous silence.
Les rabbins attribuent à Cham l’invention du nouement de l’aiguillette. Les Grecs connaissaient ce maléfice. Platon conseille à ceux qui se marient de prendre garde à ces charmes ou ligatures qui troublent la paix des ménages . On nouait aussi l’aiguillette chez les Romains ; cet usage passa des magiciens du paganisme aux sorciers modernes. On nouait surtout beaucoup au moyen âge. Plusieurs conciles frappèrent d’anathème les noueurs d’aiguillette ; le cardinal du Perron fit même insérer dans le rituel d’Évreux des prières contre l’aiguillette nouée ; car jamais ce maléfice ne fut plus fréquent qu’au seizième siècle. Le nouement de l’aiguillette devient si commun, dit Pierre Delancre, qu’il n’y a guère d’hommes qui osent se marier, sinon à la dérobée. On se trouve lié sans savoir par qui, et de tant de façons que le plus rusé n’y comprend rien. Tantôt le maléfice est pour l’homme, tantôt pour la femme, ou pour tous les deux. Il dure un jour, un mois, un an. L’un aime et n’est pas aimé ; les époux se mordent, s’égratignent et se repoussent ; ou bien le diable interpose entre eux un fantôme, etc. Le démonologue expose tous les cas bizarres et embarrassants d’une si fâcheuse circonstance.
Mais l’imagination, frappée de la peur du sortilège, faisait le plus souvent tout le mal. On attribuait aux sorciers les accidents qu’on ne comprenait point, sans se donner la peine d’en chercher la véritable cause. L’impuissance n’était donc généralement occasionnée que par la peur du maléfice, qui frappait les esprits et affaiblissait les organes ; et cet état ne cessait que lorsque la sorcière soupçonnée voulait bien guérir l’imagination du malade en lui disant qu’elle le restituait. Une nouvelle épousée de Niort, dit Bodin , accusa sa voisine de l’avoir liée. Le juge fit mettre la voisine au cachot. Au bout de deux jours, elle commença à s’y ennuyer et s’avisa de faire dire aux mariés qu’ils étaient déliés ; et dès lors ils furent déliés. — Les détails de ce désordre sont presque toujours si ignobles qu’on ne peut mettre sous les yeux d’un lecteur honnête cet enchevillement, comme l’appelle Delancre.
Les mariages ont rarement lieu en Russie sans quelque frayeur de ce genre. « J’ai vu un jeune homme, dit un voyageur , sortir comme un furieux de la chambre de sa femme, s’arracher les cheveux et crier qu’il était ensorcelé. On eut recours au remède employé chez les Russes, qui est de s’adresser à des magiciennes blanches, lesquelles pour un peu d’argent, rompent le charme et dénouent l’aiguillette ; ce qui était la cause de l’état où je vis ce jeune homme. »
Nomment de l’aiguillette. — Nous croyons devoir rapporter, comme spécimen des bêtises de l’homme, la stupide formule suivante, qu’on lit au chapitre premier des Admirables secrets du Petit Albert :
« Qu’on prenne la verge d’un loup nouvellement tué ; qu’on aille à la porte de celui qu’on veut lier, et qu’on l’appelle par son propre nom. Aussitôt qu’il aura répondu, on liera la verge avec un lacet de fil blanc, et le pauvre homme sera impuissant aussitôt. »
Ce qui est surprenant, c’est que les gens de village croient à de telles formules, qu’ils les emploient, et qu’on laisse vendre publiquement des livres qui les donnent avec de scandaleux détails.
On trouve dans Ovide et dans Virgile les procédés employés par les noueurs d’aiguillette de leur temps. Ils prenaient une petite figure de cire qu’ils entouraient de rubans ou de cordons ; ils prononçaient sur sa tête des conjurations, en serrant les cordons l’un après l’autre ; ils lui enfonçaient ensuite, à la place du foie, des aiguilles ou des clous, et le charme était achevé.
Bodin assure qu’il y a plus de cinquante moyens de nouer l’aiguillette. Le curé Thiers rapporte avec blâme plusieurs de ces sortes de moyens, qui sont encore usités dans les villages.
Contre l’aiguillette nouée. — On prévient ce maléfice en portant un anneau dans lequel est enchâssé l’œil droit d’une belette ; ou en mettant du sel dans sa poche, ou des sous marqués dans ses souliers, lorsqu’on sort du lit ; ou, selon Pline, en frottant de graisse de loup le seuil et les poteaux de la porte qui ferme la chambre à coucher. — Hincmar de Reims conseille avec raison aux époux qui se croient maléficiés du nouement de l’aiguillette la pratique des sacrements comme un remède efficace ; d’autres ordonnaient le jeûne et l’aumône.
Le Petit Albert conseille contre l’aiguillette nouée de manger un pivert rôti avec du sel bénit, ou de respirer la fumée de la dent d’un mort jetée dans un réchaud. — Dans quelques pays on se flatte de dénouer l’aiguillette en mettant deux chemises à l’envers l’une sur l’autre. Ailleurs, on perce un tonneau de vin blanc, dont on fait passer le premier jet par la bague de la mariée. Ou bien, pendant neuf jours, avant le soleil levé, on écrit sur du parchemin vierge le mot avigazirtor. Il n’y a, comme on voit, aucune extravagance qui n’ait été imaginée.
Voici, avant de finir, un exemple curieux d’une manière peu usitée de nouer l’aiguillette : « Une sorcière, voulant exciter une haine mortelle entre deux futurs époux, écrivit sur deux billets des caractères inconnus et les leur fit porter sur eux. Comme ce charme ne produisait pas assez vite l’effet qu’elle désirait, elle écrivit les mêmes caractères sur du fromage qu’elle leur fit manger ; puis elle prit un poulet noir qu’elle coupa par le milieu, en offrit une partie au diable et leur donna l’autre, dont ils firent leur souper. Cela les anima tellement qu’ils ne pouvaient plus se regarder l’un l’autre. — Y a-t-il rien de si ridicule, ajoute Delancre, persuadé pourtant de la vérité du fait, et peut-on reconnaître en cela quelque chose qui puisse forcer deux personnes qui s’entr’aiment à se haïr à mort ? »
On dit que les sorciers ont coutume d’enterrer des têtes et des peaux de serpents sous le seuil de la porte des mariés, ou dans les coins de leur maison, afin d’y semer la haine et les dissensions. Mais ce ne sont que les marques visibles des conventions qu’ils ont faites avec Satan, lequel est le maître et l’auteur du maléfice de la haine. Parfois, continue Delancre, le diable ne va pas si avant, et se contente, au lieu de la haine, d’apporter seulement de l’oubli, mettant les maris en tel oubli de leurs femmes qu’ils en perdent tout à fait la mémoire, comme s’ils ne s’étaient jamais connus. Un jeune homme d’Etrurie devint si épris d’une sorcière, qu’il abandonna sa femme et ses enfants pour venir demeurer avec elle, et il continua ce triste genre de vie jusqu’à ce que sa femme, avertie du maléfice, l’étant venue trouver, fureta si exactement dans la maison de la sorcière, qu’elle découvrit sous son lit le sortilège, qui était un crapaud enfermé dans un pot, ayant les yeux cousus et bouchés ; elle le prit, et, lui ayant ouvert les yeux, elle le brûla. Aussitôt l’amour et l’affection qu’il avait autrefois pour sa femme et ses enfants revinrent tout à coup dans la mémoire du jeune homme, qui s’en retourna chez lui honteux et repentant et passa dans de bons sentiments le reste de ses jours. — Delancre cite d’autres exemples bizarres des effets de ce charme, comme des époux qui se détestaient de près et qui se chérissaient de loin. Ce sont de ces choses qui se voient aussi de nos jours, sans qu’on pense à y trouver du sortilège.
Le P. Lebrun ne semble pas croire aux noueurs d’aiguillette ; cependant il rapporte le trait de l’abbé Guibert de Nogent, qui raconte que son père et sa mère avaient eu l’aiguillette nouée pendant sept ans, et qu’après cet intervalle pénible une vieille femme rompit le maléfice et leur rendit l’usage du mariage. — Nous le répétons, la peur de ce mal, qui n’a guère pu exister que dans les imaginations faibles, était autrefois très répandue. Personne aujourd’hui ne s’en plaint dans les villes ; mais on noue encore l’aiguillette dans les villages ; bien plus, on se sert encore des procédés que nous rapportons ici, car la superstition n’est pas progressive. El tandis qu’on nous vante à grand bruit l’avancement des lumières, nous vivons à quelques lieues de pauvres paysans qui ont leurs devins, leurs sorciers, leurs présages, qui ne se marient qu’en tremblant, et qui ont la tête obsédée de terreurs infernales.
Limbes. C’est le mot consacré parmi les théologiens pour signifier le lieu où les âmes des saints patriarches étaient détenues en attendant la venue de Jésus-Christ. On dormait aussi le nom de Limbes aux lieux où vont les âmes des enfants morts sans baptême.
Lilith. Wierus et plusieurs autres démonomanes font de Lilith le prince ou la princesse des démons succubes. — Les démons soumis à Lilith portent le même nom que leur chef, et, comme les Lamies, cherchent à faire périr les nouveau-nés ; ce qui fait que les juifs, pour les écarter, ont coutume d’écrire aux quatre coins de la chambre d’une femme nouvellement accouchée :« Adam, Ève ; hors d’ici Lilith ! »
Lilly (William), astrologue anglais du dix-septième siècle qui se fit une réputation en publiant l’horoscope de Charles Ier. Il mourut en 1681. Sa Vie, écrite par lui-même, contient des détails si naïfs et en même temps une imposture si palpable qu’il est impossible de distinguer ce qu’il croit vrai de ce qu’il croit faux. C’est lui qui a fourni la partie la plus considérable de l’ouvrage intitulé Folie des astrologues. Les opinions de Lilly et sa prétendue science avaient tant de vogue dans son siècle que Gataker, théologien anglican, se crut obligé d’écrire contre cette déception populaire. Parmi un grand nombre d’écrits ridicules dont le titre indique assez le sujet, nous citerons de Lilly :1° le Jeune Anglais Merlin, Londres, 1664 ; 2° le Messager des étoiles, 1645 ; 3° Recueil de prophéties, 1646.
Limaçons. Les limaçons ont de grandes propriétés pour le corps humain, dit l’auteur des Secrets d’Albert le Grand, et il indique de suite quelques jocrissades. — De nos jours, on a essayé de les douer de sympathies telles qu’ils remplaceraient le télégraphe électrique. Mais on a reconnu dans cette donnée une mystification. Voy. Escargot.
Beaucoup de personnes doutent si les limaçons ont des yeux. On s’est guéri de ce doute par le secours des microscopes ; les points ronds et noirs de leurs cornes sont leurs yeux, et il est certain qu’ils en ont quatre.
Limyre, fontaine de Lycie qui rendait des oracles par le moyen de ses poissons. Les consultants leur présentaient à manger : si les poissons se jetaient dessus, le présage était favorable ; s’ils le refusaient, surtout s’ils le rejetaient avec leurs queues, c’était un mauvais indice.
Linkup ou Linkop (Marion), sorcière. Voyez Jacques Ier.
Linurgus, pierre fabuleuse qui se trouvait, dit-on, dans le fleuve Achéloûs. Les anciens l’appelaient lapis lineus. On l’enveloppait dans un linge, et lorsqu’elle devenait blanche, on se promettait bon succès dans ses projets de mariage.
Lion. Si on fait des courroies de sa peau, celui qui s’en ceindra ne craindra point ses ennemis ; si on mange de sa chair, ou qu’on boive de son urine pendant trois jours, on guérira de la fièvre quarte… Si vous portez les yeux de cet animal sous l’aisselle, toutes les bêtes s’enfuiront devant vous en baissant la tête .
Le lion est un des signes du zodiaque. Voy. Horoscopes. — Le diable s’est montré quelquefois sous la forme d’un lion, disent les démonographes. Un des démons qui possédèrent Elisabeth Blanchard est désigné sous le nom du lion d’enfer. Voy. Messie des juifs.
Lios. Voy. Alfares.
Lisathama. Voy. Gruau de la Barre.
Lissi, démon peu connu qui posséda Denise de la Caille et signa le procès-verbal d’expulsion, qui n’est qu’une farce.
Litanies du sabbat. Les mercredis et vendredis on chantait au sabbat les litanies suivantes, s’il faut en croire les relations :
Lucifer, Belzébuth, Léviathan, prenez pitié de nous. Baal, prince des séraphins ; Baalbérith, prince des chérubins ; Astaroth, prince des Trônes ; Rosier, prince des Dominations ; Carreau, prince des Puissances ; Bélias, prince des Vertus ; Perrier, prince des Principautés ; Olivier, prince des Archanges ; Junier, prince des Anges ; Sarcueil, Fume-Bouche, Pierre-de-Feu, Carniveau, Terrier, Coutellier, Candelier, Béhémoth, Oilette, Belphégor, Sabathan, Garandier, Dolers, Pierre-Fort, Axaphat, Prisier, Kakos, Lucesme, priez pour nous . — Il faut remarquer que Satan n’est pas invoqué dans ces litanies, non plus qu’une foule d’autres.
Lithomana. Voy. Gruau de la Barre.
Lithomancie, divination par les pierres. Elle se faisait au moyen de plusieurs cailloux qu’on poussait l’un contre l’autre, et dont le son plus ou moins clair ou aigu donnait à connaître la volonté des dieux. On rapporte encore à cette divination la superstition de ceux qui croient que l’améthyste a la vertu de faire connaître à ceux qui la possèdent les événements futurs par les songes. On disait aussi que si on arrose l’améthyste avec de l’eau et qu’on l’approche de l’aimant, elle répondra aux questions qu’on lui fera, mais d’une voix faible comme celle d’un enfant…
Lituus, bâton augural, recourbé par le bout comme une crosse, et plus gros dans cette courbure. Romulus créa trois augures et leur donna le lituus pour marque de leur dignité. Depuis ce temps, les augures le tinrent toujours en main, lorsqu'ils observaient le vol des oiseaux. Aussi ne sont-ils jamais représentés sans ce bâton, et le trouve-t-on communément sut les médailles joint aux autres ornements pontificaux. Le bâton augural était gardé dans le Capitole avec beaucoup de soin; on ne le perdit qu'à la prise de Rome par les Gaulois; mais on le retrouva, dit Cicéron, dans une chapelle des Saliens sur le mont Palatin. Une pierre gravée représente le berger Faustulus tirant des augures sur la ville de Rome qui devait être fondée au même endroit. Il tient son bâton courbé, assis sur un Lupercal, tandis qu'une louve allaite Rémus et Romulus. Le Lituus était aussi une espèce de clairon dont le son était aigu, et qui servait pour la cavalerie.
Le lituus dont on fit usage à l’élection de Nuraa, second roi de Rome, était conservé dans le temple de Mars. On conte qu’il fut trouvé entier après l’incendie général de Rome .
Livres. Presque tous les livres qui contiennent les secrets merveilleux et les manières d’évoquer le diable ont été attribués à de grands personnages. Abel, Adam, Alexandre, Albert le Grand, Daniel, Hippocrate, Galien, Léon III, Hermès, Platon, saint Thomas, saint Jérôme, passent, dans l’idée des imbéciles, pour auteurs de livres magiques. La plupart de ces livres sont inintelligibles et d’autant plus admirés des sots qu’ils en sont moins entendus. Voyez à leurs noms les grands hommes auxquels on attribue les livres magiques. Le Livre des prodiges, ou Histoires et aventures merveilleuses et remarquables de spectres, revenants, esprits, fantômes, démons, etc., rapportées par des personnes dignes de foi. 1 volume in-12, cinquième édition, Paris, 1821 ; — compilation sans objet. Voy. Mirabilis Liber.
Lizabet, démon. Voy. Colas.
Loannocks (Susanna), Anglaise qui, en 1659, fut accusée par une de ses voisines de lui avoir ensorcelé son rouet, en sorte qu’elle ne pouvait plus le faire tourner. Elle offrit de soutenir son dire par serment. Le mari de l’accusée nia la culpabilité de sa femme, sans nier la possibilité du crime ; et, pour la disculper, il demanda qu’elle fût soumise à l’épreuve de la Bible. Les démonographes magistrats y consentirent, et c’est probablement la dernière fois que cette singulière épreuve eut lieu. L’accusée fut conduite en chemise à l’église de la paroisse et placée dans un plateau de la balance, tandis qu’on mit dans l’autre la grande Bible de l’Église. La femme fut plus lourde que le livre, et en conséquence honorablement acquittée ; car c’était un fait incontestable et incontesté jusqu’alors chez les anglicans qu’une sorcière déshabillée ne pesait pas une Bible d’église .
Lock. Chez les Scandinaves, les tremblements de terre étaient personnifiés dans un dieu, un dieu mauvais, un démon nommé Lock. Après avoir répandu le mal dans toute la Scandinavie, comme un semeur sa graine, Lock fut à la fin enchaîné sur des roches aiguës. Lorsqu’il se retourne, ainsi que le ferait un malade, sur son lit de pierres coupantes, la terre tremble ; lorsqu’il écume et répand sa bave, qui est un poison, ses nerfs entrent en convulsion et la terre s’agite .
Lofarde, sorcière qui fut accusée, en 1582, par sa compagne, la femme Gantière, de l’avoir menée au sabbat, où le diable l’avait marquée, lequel était vêtu d’un hilaret jaune
Logherys. Voy. Lumcaunes.
Lohen (Nephtali), rabbin de Francfort, réputé au treizième siècle grand magicien.
Loki, démon farceur des Scandinaves. C’est lui qui égayé les dieux et les héros de Walhalla.
Lokman, fabuliste célèbre de l’Orient. Il vivait, dit-on, vers le temps de David, ce qui n’est pas certain ; il fut surnommé le Sage. Les Perses disent qu’il trouva le secret de faire revivre les morts, et qu’il usa de ce secret pour lui-même. Ils lui accordent une longévité de trois cents ans ; quelques-uns prétendent qu’il en vécut mille.
Il a laissé, ou du moins on a mis sous son nom, des apologues qui jouissent d’une grande célébrité. Les écrivains de l’Asie réclament pour lui la plupart des faits et gestes que les Grecs attribuent à Ésope .
Lollard (Gauthier), hérétique qui commença en 1315 à semer ses erreurs ; il les avait prises des Albigeois. Il enseignait que les démons avaient été chassés du ciel injustement, qu’ils y seraient un jour rétablis, et que saint Michel et les autres anges seraient alors damnés à leur tour. Il prêchait des mœurs corrompues, et ses disciples firent beaucoup de mal. Brûlé à Cologne en 1322.
Lomelli (Battista), mystique italien qui précéda à Paris, sous Louis XIII, les prestiges de Cagliostro. Il disait la bonne aventure avec beaucoup de cérémonies qui en imposaient.
Longévité. On a vu, surtout dans les pays du Nord, des hommes qui ont prolongé leur vie au delà des termes ordinaires. Cette longévité ne peut s’attribuer qu’à une constitution robuste, à une vie sobre et active, à un air vif et pur. Il n’y a pas cinquante ans que Kotzebue rencontra en Sibérie un vieillard bien portant, marchant et travaillant encore, dans sa cent quarante-deuxième année. Des voyageurs dans le Nord trouvèrent au coin d’un bois un vieillard à barbe grise qui pleurait à chaudes larmes. Ils lui demandèrent le sujet de sa douleur : le vieillard répondit que son père l’avait battu. Les voyageurs surpris le reconduisirent à la maison paternelle et intercédèrent pour lui. Après quoi, ils demandèrent au père le motif de la punition infligée à son fils. « Il a manqué de respect à son grand-père, » répondit le vieux bonhomme.
Les chercheurs de merveilles ont ajouté les leurs à celles de la nature. Torquemada conte qu’en 1531 un vieillard de Trente, âgé de cent ans, rajeunit et vécut encore cinquante ans ; et Langius dit que les habitants de l’île de Bonica en Amérique peuvent aisément s’empêcher de vieillir, parce qu’il y a dans cette île une fontaine qui rajeunit pleinement. Voy. Haquin.
Lorsque l’empereur Charles-Quint envoya une armée navale en Barbarie, le général qui commandait cette expédition passa par un village de la Calabre où presque tous les paysans étaient âgés de cent trente-deux ans, et tous aussi sains et dispos que s’ils n’en avaient eu que trente. C’était, disent les relations, un sorcier qui les rajeunissait. En 1773 mourut, près de Copenhague, un matelot nommé Drakenberg, âgé de cent quarante six ans : la dernière fois qu’il se maria il avait cent onze ans, et il en avait cent trente quand sa femme mourut. Il devint épris d’une jeune fille de dix-huit ans qui le refusa ; de dépit il jura de vivre garçon désormais, et il tint parole.
En 1670, sous Charles II, mourut dans l’Yorkshire Henri Jenkins, né en 1501, sous Henri VII. Il se rappelait à merveille d’avoir été de l’expédition de Flandre sous Henri VIII, en 1513. Il mourut à cent soixante-neuf ans révolus, après avoir vécu sous huit rois, sans compter le règne de Cromwell. Son dernier métier était celui de pêcheur. Agé de plus de cent ans, il traversait la rivière à la nage. Sa petite-fille mourut à Cork à cent treize ans. Voy. Arthephius, Dormants, Flamel, Jean d’Estampes, Lokman, Zoroastre, etc.
Loota, oiseau qui, dans l’opinion des habitants des îles des Amis, mange, à l’instant de la mort, les âmes des gens du peuple, et qui, pour cet effet, se promène sur leurs tombes. (Voyages de Cook.)
Loray. Voy. Oray.
Loterie. La loterie doit son origine à un Génois. Elle fut établie à Gênes en 1720, en France elle a été supprimée de nos jours.
Entre plusieurs moyens imaginés par les visionnaires pour gagner à la loterie, le plus commun était celui des songes. Un rêve, sans que l’on en sache la raison, indiquait à celui qui l’avait fait les numéros qui devaient sortir au prochain tour de roue. Si l’on voit en songe un aigle, disent les livres qui enseignent cette science, il donne 8, 20, 46 ; un ange, 20, 46, 56 ; un bouc, 10, 13, 90 ; des brigands, 4, 19, 33 ; un champignon, 70, 80, 90 ; un chat-huant, 13, 85 ; un crapaud, 4, 46 ; le diable, 4, 70, 80 ; un dindon, 80, 40, 66 ; un dragon, 8, 12, 43, 60 ; les fantômes, 1, 22, 52 ; une femme, 4, 9, 22 ; une fille, 20, 35, 58 ; une grenouille, 3, 19, 27 ; la lune, 9, 46, 79, 80 ; un moulin, 15, 49, 62 ; un ours, 21, 50, 63 ; un pendu, 17, 71 ; des puces, 45, 57, 83. Des rats, 9, 40, 56 ; un spectre, 31, 43, 74, etc. Or, dans cent mille personnes qui mettaient à la loterie, il y avait cent mille rêves différents, et il ne sortait que cinq numéros ; de plus, aucun système ne ressemblait à un autre. Si Cagliostro donnait pour tel rêve les numéros 11, 27, 82, un autre indiquait des numéros tout différents. — Croirait-on que les livres de secrets merveilleux donnent gravement ce procédé pour gagner à la loterie ? Il faut : avant de vous coucher, réciter trois fois la formule qui va suivre ; après quoi vous la mettrez sous votre oreiller, écrite sur un parchemin vierge ; et pendant votre sommeil le génie de votre planète viendra vous dire l’heure où vous devez prendre votre billet, et vous révéler en songe les numéros. Voici la formule : « Seigneur, montrez-moi donc un mort mangeant de bonnes viandes, un beau pommier ou de l’eau courante, tous bons signes ; et envoyez-moi les anges Uriel, Rubiel ou Barachiel, qui m’instruisent des nombres que je dois prendre pour gagner ; par celui qui viendra juger les vivants et les morts et le siècle par le feu. » Dites alors trois Pater et trois Ave pour les âmes du purgatoire…
Loudun, ville de France dans le département de la Vienne, célèbre par une possession qui fit grand bruit dans le premier tiers du dix-septième siècle. Un couvent d’ursulines, qui s’occupaient de l’éducation des jeunes filles, avait été établi à Loudun en 1626. Il était tenu par quatorze religieuses, toutes de bonnes et honnêtes familles et toutes d’une vie irréprochable. Il y avait en même temps dans Loudun un prêtre nommé Urbain Grandier, d’une conduite si légère que l’évêque de Poitiers l’avait interdit a divinis le 3 janvier 1630. On savait qu’il faisait des chansons, des pamphlets et qu’il écrivait contre le célibat des prêtres. Peu après la sentence de l’évêque qui devait le ramener à des mœurs plus recueillies, le directeur des ursulines étant mort, Grandier osa se présenter pour le remplacer. La supérieure le refusa. Bientôt des phénomènes singuliers se produisirent dans le couvent : les quatorze religieuses se trouvèrent possédées ; et, chose surprenante, toutes voyaient la nuit Grandier, pour qui elles ressentaient une grande répulsion, se présenter à elles et les pousser à mal faire. Ce fut un grand bruit dans la ville ; les parents avaient retiré leurs enfants, et les ursulines vivaient dans une épouvante, dans des crises et des convulsions contre lesquelles les médecins ne pouvaient rien. Un conseiller du roi Louis XIII fut envoyé à Loudun pour connaître de ce mystère ; on exorcisa les religieuses, et les mauvais esprits qui les possédaient, contraints par les conjurations ecclésiastiques, déclarèrent que c’était Grandier qui les avait envoyés et les retenait dans les corps de ces femmes.
Une grande affluence de curieux et de savants assistait aux exorcismes. On parlait à ces simples filles en latin, en grec, en hébreu, en turc et dans d’autres idiomes de l’ancien et du nouveau monde. Elles comprenaient tout et répondaient à tout si exactement qu’un savant s’écria : « Il faudrait être fou ou athée pour nier ici la possession, » et que plusieurs hérétiques, entre autres lord Montagu, plusieurs hommes dissolus, entre autres Kériolet, se convertirent publiquement.
Un éminent écrivain du diocèse de Poitiers, M. l’abbé Leriche, a publié tout récemment, en un livre plein d’intérêt , l’histoire de cette possession, et ses preuves mettent à néant les pasquinades du protestant Saint-Aubin et des autres esprits avariés qui ont voulu ne pas voir. Nous emprunterons à ce livre quelques renseignements utiles. Voici les noms des religieuses : madame de Belciel, fille du baron de Cose en Saintonge, en religion sœur Jeanne des Anges, supérieure ; madame de Zazilli, en religion sœur Claire de Saint-Jean ; madame de la Motte, fille du marquis de la Motte-Baracé, en religion sœur Agnès de Saint-Jean ; les deux dames de Barbeziers, en religion sœur Louise de Jésus et sœur Catherine delà Présentation, toutes deux de l’illustre maison de Nogeret ; madame d’Escoubleau de Sourdis, en religion sœur Jeanne du Saint-Esprit ; trois autres dont les noms de famille ne sont pas connus, sœur Élisabeth de la Croix, sœur Monique de Sainte-Marthe et sœur Séraphique Archer, enfin huit sœurs laies, en tout dix-sept religieuses.
S’intéressaient, présents aux exorcismes, excepté le cardinal de Richelieu : l’évêque de Poitiers, l’archevêque de Tours, l’archevêque de Toulouse, l’évêque de Nîmes, huit prêtres pieux et savants, cinq docteurs de Sorbonne, onze pères de la compagnie de Jésus, deux pères carmes, six capucins, un dominicain, un récollet, deux oratoriens, etc., et parmi les laïques, outre le roi Louis XIII, la reine Anne d’Autriche, Laubardemont, conseiller du roi, intendant de la Touraine, du Maine et de l’Anjou, les sieurs Roatin, Chevallier, Richard et Housnain, magistrats de Poitiers, Cottreau, Burges, Péguineau, Texier, Dreux, Delabarre, Lapicherie, Riverain, Constant, Deniau, magistrats de Tours, de Chinon, de Saint-Maxent, de Laflèche. Outre huit docteurs en médecine, douze médecins appelés de tous les environs ; enfin, douze personnages éminents, entre autres lord Montagu, lord Killegrew, Kériolet, etc., etc., etc.
C’est une pareille assistance, dont nous ne nommons que les sommités, que les niais, qui nient tout, ont osé accuser de fourberie, ou de connivence ou de stupidité. Or, le crime de Grandier, après deux années d’études et d’examen consciencieux, fut reconnu ; Grandier fut emprisonné ; il s’occupait là à écrire sa défense. Mais un arrêt, rendu le 18 août 1634, le condamna au feu, comme reconnu coupable de magie et d’autres méfaits .
Louis Ier, surnommé le Pieux et le Débonnaire, fils de Charlemagne, né en 778, mort en 840. Les astrologues jouirent, dit-on, de quelque faveur à sa cour. À l’article de la mort, on raconte qu’au moment où il recevait la dernière bénédiction, il se tourna du côté gauche, roula les yeux comme une personne fâchée et proféra ces mots allemands : Hulz, hutz (dehors, dehors) ! Ce qui fit conclure qu’il s’adressait au diable, dont il redoutait les approches .
Louis XI, roi de France, né en 1423, mort en 1483. Un astrologue ayant prédit la mort d’une personne qu’il aimait, et cette personne étant morte en effet, il crut que la prédiction de l’astrologue en était la cause. Il le fit venir devant lui avec le dessein de le faire jeter par la fenêtre. « Toi, qui prétends être si habile homme, lui dit-il, apprends-moi quel sera ton sort ? » Le prophète, qui se doutait du projet du prince, lui répondit : « Sire, je prévois que je mourrai trois jours avant Votre Majesté. » Le roi le crut et se garda bien de le faire mourir. Du moins tel est le conte, et on en a prêté beaucoup à ce roi si partialement jugé.
Louis XIII, roi de France, né en 1601, mort en 1641, surnommé le Juste, parce qu’il était né sous le signe de la Balance ; mais il mérita ce surnom. Lorsqu’il épousa l’infante Anne d’Autriche, on prouva, dit Sainte-Foix, qu’il y avait entre eux une merveilleuse et très-héroïque correspondance. Le nom de Loys de Bourbon contient treize lettres. Ce prince avait treize ans quand le mariage fut résolu ; il était le treizième roi de France du nom de Loys. Anne d’Autriche avait aussi treize lettres en son nom ; son âge était de treize ans, et treize infantes du même nom se trouvaient dans la maison d’Espagne. Anne et Loys étaient de la même taille ; leur condition était égale ; ils étaient nés la même année et le même mois.
Louis XIV. Voy. Anagrammes.
Louis de Hongrie. Peu de temps avant la mort de ce prince, arrivée en 1526, comme il dînait enfermé dans la citadelle de Bude, on vit paraître à sa porte un boiteux mal velu, qui demandait avec instance à parler au roi. Il assurait qu’il avait des choses de la dernière importance à lui communiquer. On le méprisa d’abord, et l’on ne daigna pas l’annoncer. Il cria plus haut et protesta qu’il ne pouvait découvrir qu’au roi seul ce dont il était chargé. On alla dire à Louis ce qui se passait. Le prince envoya le plus apparent des seigneurs qui étaient auprès de lui et qui feignit d’être le roi ; il demanda à cet homme ce qu’il avait à lui dire. Il répondit : « Je sais que vous n’êtes pas le roi ; mais, puisqu’il méprise de m’entendre, dites-lui qu’il mourra certainement bientôt. » Ayant dit cela, il disparut, et le roi mourut en effet peu après .
Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême, mère de François Ier, morte en 1532. Elle avait quelques préjugés superstitieux et redoutait surtout les comètes. Brantôme raconte que, trois jours avant sa mort, ayant aperçu pendant la nuit une grande clarté dans sa chambre, elle fit tirer son rideau et fut frappée de la vue d’une comète. « Ah ! dit-elle alors, voilà un signe qui ne paraît pas pour une personne de basse qualité ; refermez la fenêtre. C’est une comète qui m’annonce la mort ; il faut donc s’y préparer. » Les médecins l’assuraient néanmoins qu’elle n’en était pas là. « Si je n’avais vu, dit-elle, le signe de mort, je le croirais, car je ne me sens point si bas. »
Cette comète n’est pas la seule qui ait épouvanté Louise de Savoie. Comme elle se promenait dans le bois de Romorantin, la nuit du 28 août 1514, elle en vit une vers l’occident, et s’écria : — Les Suisses ! les Suisses ! — Elle resta persuadée que c’était un avertissement que le roi serait en grande affaire contre eux .
Loup. Chez les anciens Germains et chez les Scandinaves, le diable ou le mauvais principe était représenté par un loup énorme et béant.
C’est Lock. À Quimper, en Bretagne, les habitants mettent dans leurs champs un trépied ou un couteau fourchu, pour garantir le bétail des loups et autres bêtes féroces . Pline dit que si un loup aperçoit un homme avant qu’il en soit vu, cet homme deviendra enroué et perdra la voix ; fable qui est restée en vigueur dans toute l’Italie. En Espagne, on parle souvent des sorciers qui vont faire des courses à cheval sur des loups, le dos tourné vers la tête de la bête, parce qu’ils ne sauraient aller autrement, à cause de la rapidité. Ils font cent lieues par heure ; car ces loups sont des démons. La queue de ces loups est roide comme un bâton, et il y a au bout une chandelle qui éclaire la route.
Il n’y a pas un homme à la campagne qui ne vous assure que les moutons devinent à l’odorat la présence du loup ; qu’un troupeau ne franchira jamais le lieu où l’on aura enterré quelque portion des entrailles d’un loup ; qu’un violon monté avec des cordes tirées des intestins d’un loup mettrait en fuite tout le bercail. Des hommes instruits et sans préjugés ont vérifié toutes ces croyances et en ont reconnu l’absurdité. Kirker a répété à ce sujet des expériences démonstratives ; il a même poussé l’épreuve jusqu’à suspendre un cœur de loup au cou d’un mouton, et le pacifique animal n’en a pas moins brouté l’herbe . Voy. Oraison du loup.
Un journal anglais de l’Inde dit qu’il a été publié un étrange document constatant qu’en un très-court espace de temps il a été dévoré 600 enfants par les loups dans le Pendjab (royaume de Lahore). Il y a vingt ans, près de 1, 000 enfants ont été dévorés de la même manière dans le voisinage d’Agra. On retrouve les vêtements de ces pauvres petites victimes dans les antres où se tiennent ces animaux. Les misérables qui font le métier de recueillir les habillements ou parures des victimes ont eu l’habileté d’accréditer parmi le peuple le bruit que tout village où l’on tue un loup doit être infailliblement ruiné ; de là cette superstitieuse vénération pour ces animaux féroces. Quand on en prend, on s’empresse de les relâcher en se contentant de leur attacher une sonnette au cou.
Lou-pécat, nom du diable en Gascogne.
Loup-garou (le). C’est le nom du démon de la nuit à Blois. Il est de mauvaise rencontre.
Loups garous. On appelle loups garous en sorcellerie les hommes et les femmes qui ont été métamorphosés ou qui se métamorphosent et se transmuent eux-mêmes en loups, ou qui se travestissent pour feindre cette transmutation, ou qui, s’imaginant, par une démence abominable, qu’ils sont changés en loups, prennent des habitudes et des mœurs de loups. Le nom de loups-garous veut dire loups dont il faut se garer.
Les loups garous ont été bien longtemps la terreur des campagnes, parce qu’on savait que les sorciers ne pouvaient se faire loups que par le secours du diable. Dans les idées des démonographes, un loup-garou est un sorcier que le diable lui-même transmue en loup, et qu’il oblige à errer dans les campagnes en poussant d’affreux hurlements. L’existence de loups-garous est attestée par Virgile, Solin, Strabon, Pomponius Mêla, Dionysius Afer, Varron, et par tous les jurisconsultes et aussi par des démonomanes des derniers siècles. À peine commençait-on à en douter sous Louis XIV. L’empereur Sigismond fit débattre devant lui la question des loups garous, et il fut unanimement résolu que la transformation des loups garous était un fait positif et constant.
Un garnement qui voulait faire des friponneries mettait aisément les gens en fuite en se faisant passer pour loup-garou. Il n’avait pas besoin pour cela d’avoir la figure d’un loup, puisque les loups garous de réputation étaient arrêtés comme tels, quoique sous leur figure humaine. On croyait alors qu’ils portaient le poil de loup-garou entre cuir et chair.
Peucer conte qu’en Livonie, sur la fin du mois de décembre, il se trouve tous les ans un bélître qui va sommer les sorciers de se rendre en certain lieu ; et, s’ils y manquent, le diable les y mène de force, à coups si rudement appliqués que les marques y demeurent. Leur chef passe devant, et quelques milliers le suivent, traversant une rivière, laquelle passée, ils changent leur figure en celle d’un loup, se jettent sur les hommes et sur les troupeaux et font mille dommages. Douze jours après, ils retournent au même fleuve et redeviennent hommes.
On attrapa un jour un loup-garou qui courait dans les rues de Padoue ; on lui coupa ses pattes de loup, et il reprit au même instant la forme d’homme, mais avec les bras et les pieds coupés, à ce que dit Fincel.
L’an 1588, en un village distant de deux lieues d’Apchon, dans les montagnes d’Auvergne, un gentilhomme v étant sur le soir à sa fenêtre, aperçut un chasseur de sa connaissance et le pria de lui rapporter de sa chasse. Le chasseur promit, et, s’étant avancé dans la plaine, il vit un gros loup qui venait à sa rencontre. Il lui lâcha un coup d’arquebuse et le manqua. Le loup se jeta sur lui et l’attaqua vivement. Mais l’autre, en se défendant, lui ayant coupé la patte droite avec son couteau de chasse, le loup estropié s’enfuit et ne revint plus. Comme la nuit approchait, le chasseur gagna la maison de son ami, qui lui demanda s’il avait fait bonne chasse. Il tira de sa gibecière la patte coupée au prétendu loup, mais il fut bien étonné de la voir convertie en main de femme, et à l’un des doigts un anneau d’or que le gentilhomme reconnut être celui de son épouse. Il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès du feu, cachant son bras droit sous son tablier. Comme elle refusait de l’en tirer, il lui montra la main que le chasseur avait rapportée ; cette malheureuse, éperdue, avoua que c’était elle, en effet, qu’on avait poursuivie sous la figure d’un loup-garou ; ce qui se vérifia encore en confrontant la main avec le bras dont elle faisait partie. Le mari courroucé livra sa femme à la justice ; elle fut brûlée.
Que penser d’une telle histoire, racontée par Boguet comme étant de son temps ? Était-ce une trame d’un mari qui voulait, comme disent les Wallons, être quitte de sa femme ?
Daniel Sennert, médecin célèbre qu’on a appelé le Galien de l’Allemagne, au chap. v de ses Maladies occultes, rapporte des faits d’où il résulterait que l’habitude pour certains maniaques endiablés de courir le loup-garou aurait de l’analogie avec la mystérieuse puissance qui transportait au sabbat certaines personnes dont le corps, pendant cette excursion, restait en syncope. Une femme accusée d’avoir couru le loup-garou, rassurée par la promesse de son juge, qui lui assurait la vie sauve si elle voulait donner la preuve de ce qu’elle faisait dans ses courses, se frotta le corps d’un onguent particulier et tomba aussitôt endormie. Elle ne se réveilla qu’au bout de trois heures. Elle raconta alors qu’étant changée en loup, elle avait éventré une brebis près d’un bourg qu’elle nomma ; on y envoya aussitôt, et on trouva qu’en effet la brebis qu’elle avait désignée, était déchirée et mourante. Comment expliquer cela ?
Les loups garous étaient fort communs dans le Poitou ; on les y appelait la bête bigourne qui court la galipode. Quand les bonnes gens entendent les hurlements du loup-garou, ce qui n’arrive qu’au milieu de la nuit, ils se gardent de mettre la tête à la fenêtre, parce qu’ils auraient le cou tordu. On assure, dans cette province, qu’on peut forcer le loup-garou à quitter sa forme d’emprunt, en lui donnant un coup de fourche entre les deux yeux.
On sait que la qualité distinctive des loups garous est un grand goût pour la chair fraîche. Delancre assure qu’ils étranglent les chiens et les enfants ; qu’ils les mangent de bon appétit ; qu’ils marchent à quatre pattes ; qu’ils hurlent comme de vrais loups, avec de grandes gueules, des yeux étincelants et des dents crochues.
On dit, dans la Saintonge, que la peau des loups garous est d’une dureté telle qu’elle est à l’épreuve des balles ordinaires ; mais il n’en est plus de même si ces balles ont été bénites à certaines heures mystérieuses de la nuit, dans une chapelle dédiée à saint Hubert : alors le sorcier peut être tué, et la forme de bête qu’il avait prise s’évanouit et disparaît. Or, les cérémonies de la bénédiction des balles sont d’un accomplissement difficile ; il faut avoir sur soi tant de choses précieuses, du trèfle à quatre feuilles surtout, que la peau coriace des loups garous échappe le plus souvent aux embûches ; et c’est ce qui fait que nul ne peut être assuré avoir vu un sorcier autrement que sous la forme naturelle de bête bipède. Les croyances saintongeoises, au reste, ne s’éloignent en rien de celles des peuples du Nord, et sont nées aux mêmes sources que la fable de Robin des Bois des charbonniers allemands. Le nom des loups garous a été connu dans toutes les provinces de France au moyen âge, bien que souvent travesti en loups-béroux.
Bodin raconte sans rougir qu’en 1542 on vit un matin cent cinquante loups garous sur une place de Constantinople. — On trouve dans le roman de Persilès et Sigismonde, dernier ouvrage de Cervantès, des îles de loups garous et des sorcières qui se changent en louves pour enlever leur proie, comme on trouve dans Gulliver une île de sorciers. Mais au moins ces livres sont des romans. — Delancre propose comme un bel exemple ce trait d’un duc de Russie. Averti qu’un sien sujet se changeait en toutes sortes de bêtes, il l’envoya chercher, le fit enchaîner et lui commanda de donner une preuve de son art ; ce qu’il fit, se transformant en loup ; mais ce duc, ayant préparé deux dogues, les fit lancer contre ce misérable, qui aussitôt fut mis en pièces. — On amena au médecin Pomponace un paysan atteint de lycanthropie, qui criait à ses voisins de s’enfuir s’ils ne voulaient pas qu’il les mangeât. Comme ce pauvre homme n’avait rien de la forme d’un loup, les villageois, persuadés pourtant qu’il l’était, avaient commencé à l’écorcher, pour voir s’il ne portait pas le poil sous la peau. Pomponace le guérit ; ce n’était qu’un hypocondre.
J. de Nynauld a publié en 1615 un traité complet de la Lycanthropie, qu’il appelle aussi Folie louvière et lycaonie, mais dont il admet incontestablement la réalité. — Un sieur de Beauvoys de Chauvincourt, gentilhomme angevin, a fait imprimer en 1599 (Paris, petit in-12) un volume intitulé Discours de la lycanthropie, ou de la transmutation des hommes en loups. — Claude, prieur de Laval, avait publié quelques années auparavant un autre livre sur la même matière, intitulé Dialogue de la lycanthropie. Ils affirment tous qu’il y a certainement des loups garous.
Ce qui est plus singulier, c’est qu’il y a encore dans plusieurs villages des loups garous, ou de mauvais garnements qui passent pour tels. On se demandera comment il se peut qu’un sorcier ou un loup-garou trouble ou épouvante une contrée pendant trois ou quatre ans, sans que la justice l’arrête. C’est encore une des misères de nos paysans. Comme il y a chez eux beaucoup de méchants, ils se craignent entre eux ; ils ont un discernement et une expérience qui leur apprennent que la justice n’est pas toujours juste ; et ils disent : Si nous dénonçons un coupable et qu’il ne soit pas hors d’état de nuire, c’est un ennemi implacable que nous allons nous faire. Les paysans sont vindicatifs. Après dix ans de galères, ils reviennent se venger de leurs dénonciateurs. Il faudrait peut-être qu’un coupable qui sort des galères n’eût pas le droit de reparaître dans le pays qui a été le théâtre de ses méfaits. Voy. Cynanthropie, Bousanthropie, Raollet, Bisclavaret, etc.
Louviers (possession de). Un prêtre, nommé David, déserteur de Dieu, se trouvant confesseur des religieuses franciscaines de Louviers, pervertit ces jeunes sœurs et les mit sur les voies qui mènent aux démons. En mourant, après avoir entamé son œuvre infernale, il eut pour successeur son ami Mathurin Picard, qui était comme lui lié à Satan et qui se faisait seconder par Boulé, son vicaire. C’en était assez pour amener une possession chez les franciscaines de Louviers. Cette possession devint effroyable. Madeleine Bavent, qui était venue là innocente et dévouée à saint François, déclara comment on l’avait entraînée à profaner la sainte hostie et à commettre d’autres sacrilèges. Elle raconta comment elle avait été emmenée à ces orgies exécrables qu’on appelle le sabbat. Elle y trouvait Picard, Boulé, son vicaire, ses sœurs Catherine de la Croix, Anne Barré, Élisabeth de la Nativité, Catherine de sainte Geneviève, une nommée Simonette et plusieurs autres personnes qui faisaient sans horreur des abominations affreuses. C’est toute une monstrueuse histoire. Les possessions de cette maison se manifestèrent si violemment qu’on dut exorciser les religieuses. La plus saillante était Madeleine Bavent. Après la délivrance du couvent, on ne la condamna qu’à une pénitence qu’elle fit généreusement toute sa vie. Mais Boulé fut condamné au feu par le parlement de Rouen ; et il le méritait. On déterra le corps de Picard pour lui faire subir le même supplice ; ce misérable était mort, un peu avant la sentence. On publia qu’il s’était suicidé, peut-être aidé par Satan.
Loyer (Pierre le), sieur de la Brosse, conseiller du roi au siège présidial d’Angers, et démonographe, né à Huillé dans l’Anjou, en 1550, auteur d’un ouvrage intitulé Discours et histoires des spectres, visions et apparitions des esprits, anges, démons et âmes se montrant visibles aux hommes ; divisé en huit livres, desquels, par les visions merveilleuses et prodigieuses apparitions avenues en tous les siècles, tirées et recueillies des plus célèbres auteurs tant sacrés que profanes, est manifestée la certitude des spectres et visions des esprits, et sont baillées les causes d’iceux, leurs effets, leurs différences, les moyens pour reconnaître les bons et les mauvais et chasser les démons ; aussi est traité des extases et ravissements ; de l’essence, nature et origine des âmes, et de leur état après le décès de leurs corps ; plus des magiciens et sorciers ; de leurs communications avec les malins esprits ; ensemble des remèdes pour se préserver des illusions et impostures diaboliques. Paris, chez Nicolas Buon, 1605, 1 vol. in-4°.
Ce volume singulier est dédié Deo optimo maximo ; il est divisé en huit livres, comme l’annonce le titre qu’on vient de lire. Le premier contient la définition du spectre, la réfutation des saducéens, qui nient les apparitions et les esprits ; la réfutation des épicuriens, qui tiennent les esprits corporels, etc. Le deuxième livre traite, avec la physique du temps, des illusions de nos sens, des prestiges, des extases et métamorphoses des sorciers, des philtres. Le troisième livre établit les degrés, charges, grades et honneurs des esprits ; les histoires de Philinnion et de Polycrite, et diverses aventures de spectres et de démons.
Dans le livre suivant, on apprend à quelles personnes les spectres apparaissent ; on y parle des démoniaques, des pays où les spectres et démons se montrent plus volontiers. Le démon de Socrate, les voix prodigieuses, les signes merveilleux, les songes diaboliques ; les voyages de certaines âmes hors de leur corps tiennent place dans ce livre. Le cinquième traite de l’essence de l’âme, de son origine, de sa nature, de son état après la mort, des revenants. Le livre sixième roule tout entier sur l’apparition des âmes ; on y démontre que les âmes des damnés et des bienheureux ne reviennent pas ; mais seulement les âmes qui souffrent en purgatoire. Dans le septième livre, on établit que la pythonisse d’Endor fit paraître un démon sous la figure de l’âme de Samuel. Il est traité en ce livre de la magie, de l’évocation des démons, des sorciers, etc. Le dernier livre est employé à l’indication des exorcismes, fumigations, prières et autres moyens anti diaboliques. L’auteur, qui a rempli son ouvrage de recherches et de science indigérée, combat le sentiment ordinaire qu’il faut donner quelque chose au diable pour le renvoyer.
« Quant à ce qui est de donner quelque chose au diable, dit-il, l’exorciste ne le peut faire, non pas jusqu’à un cheveu de la tête, non pas jusqu’à un brin d’herbe d’un pré ; car la terre et tout ce qui habite en elle appartient à Dieu. »
Lubin. C’est le poisson dont le fiel servit au jeune Tobie pour rendre la vue à son père. On dit qu’il a contre l’ophtalmie une grande puissance, et que son cœur sert à chasser les démons .
Lucesme, démon invoqué dans les litanies du sabbat.
Un homme pauvre et malheureux s’était tellement frappé l’imagination de l’idée des richesses, qu’il avait fini par se croire dans la plus grande opulence. Un médecin le guérit, et il regretta sa folie. On a vu, en Angleterre, un homme qui voulait absolument que rien ne l’affligeât dans ce monde. En vain on lui annonçait un événement fâcheux ; il s’obstinait à le nier. Sa femme étant morte, il n’en voulut rien croire. Il faisait mettre à table le couvert de la défunte, et s’entretenait avec elle, comme si elle eût été présente ; il en agissait de même lorsque son fils était absent. Près de sa dernière heure, il soutint qu’il n’était pas malade, et mourut avant d’en avoir eu le démenti.
Voici une autre anecdote : Un maçon, sous l’empire d’une monomanie qui pouvait dégénérer en folie absolue, croyait avoir avalé une couleuvre ; il disait la sentir remuer dans son ventre. M. Jules Cloquet, chirurgien de l’hôpital Saint-Louis, à qui il fut amené, pensa que le meilleur, peut-être le seul moyen pour guérir ce monomane, était de se prêter à sa folie. Il offrit en conséquence d’extraire la couleuvre par une opération chirurgicale. Le maçon y consent ; une incision longue, mais superficielle, est faite à la région de l’estomac, des linges, des compresses, des bandages rougis par le sang sont appliqués. La tête d’une couleuvre dont on s’était précautionné est passée avec adresse entre les bandes et la plaie. « Nous la tenons enfin, s’écria l’adroit chirurgien ; la voici. » En même temps, le patient arrache son bandeau : Il veut voir le reptile qu’il a nourri dans son sein. Quelque temps après, une nouvelle mélancolie s’empare de lui ; il gémit, il soupire ; le médecin est rappelé : « Monsieur, lui dit-il avec anxiété, si elle avait fait des petits ? — Impossible ! c’est un mâle. »
On attribue ordinairement à l’imagination des femmes la production des fœtus monstrueux. M. Salgues a voulu prouver que l’imagination n’y avait aucune part, en citant quelques animaux qui ont produit des monstres, et d’autres preuves pourtant insuffisantes. Plessman, dans sa Médecine puerpérale ; Harting, dans une thèse ; Demangeon, dans ses Considérations physiologiques sur le pouvoir de l’imagination maternelle dans la grossesse, soutiennent l’opinion générale. Les femmes enceintes défigurent leurs enfants, quoique déjà formés, lorsque leur imagination est violemment frappée. Malebranche parle d’une femme qui, ayant assisté à l’exécution d’un malheureux condamné à la roue, en fut si affectée, qu’elle mit au monde un enfant dont les bras, les cuisses et les jambes étaient rompus à l’endroit où la barre de l’exécuteur avait frappé le condamné. Le peintre Jean-Baptiste Rossi fut surnommé Gobbino parce qu’il était agréablement gobbo, c’est-à-dire bossu. Sa mère était enceinte de lui lorsque son père sculptait le gobbo, bénitier devenu célèbre, et qui a fait le pendant du pasquino, autre bénitier de Gabriel Cagliari.
Une femme enceinte jouait aux cartes. En relevant son jeu, elle voit que, pour faire un grand coup, il lui manque l’as de pique. La dernière carte qui lui rentre était effectivement celle qu’elle attendait. Une joie immodérée s’empare de son esprit, se communique, comme un choc électrique, à toute son existence ; et l’enfant qu’elle mit au monde porta dans la prunelle de l’œil la forme d’un as de pique, sans que l’organe de la vue fût d’ailleurs offensé par cette conformation extraordinaire. Le trait suivant est encore plus étonnant, dit Lavater. « Un de mes amis m’en a garanti l’authenticité. Une dame de condition du Rhinthal voulut assister, dans sa grossesse, au supplice d’un criminel qui avait été condamné à avoir la tête tranchée et la main droite coupée. Le coup qui abattit la main effraya tellement la femme enceinte, qu’elle détourna la tête avec un mouvement d’horreur, et se retira sans attendre la fin de l’exécution. Elle accoucha d’une fille qui n’eut qu’une main, et qui vivait encore lorsque mon ami me fit part de cette anecdote ; l’autre main sortit séparément, après l’enfantement. »
Il y a, du reste, sur les accouchements prodigieux bien des contes : « J’ai lu dans un recueil de faits merveilleux, dit M. Salgues, Des erreurs et des préjugés répandus dans la société, qu’en 1778, un chat, né à Stap, en Normandie, devint épris d’une poule du voisinage et qu’il lui fit une cour assidue. La fermière ayant mis sous les ailes de la poule des œufs de cane qu’elle voulait faire couver, le chat s’associa à ses travaux maternels. Il détourna une partie des œufs et les couva si tendrement, qu’au bout de vingt-cinq jours il en sortit de petits êtres amphibies, participant de la cane et du chat, tandis que ceux de la poule étaient des canards ordinaires. Le docteur Vimond atteste qu’il a vu, connu, tenu le père et la mère de cette singulière famille, et les petits eux-mêmes. Mais on dit au docteur Vimond : — Aviez-vous la vue bien nette quand vous avez examiné vos canards amphibies ? vous avez trouvé l’animal vêtu d’un poil noirâtre, touffu et soyeux ; mais ne savez-vous pas que c’est le premier duvet des canards ? Croyez-vous que l’incubation d’un chat puisse dénaturer le germe renfermé dans l’œuf ? Alors pourquoi l’incubation de la poule aurait-elle été moins efficace et n’aurait-elle pas produit des êtres moitié poules et moitié canards ? »
On rit aujourd’hui de ces contes, on n’oserait plus écrire ce que publiaient les journaux de Paris il y a soixante ans, qu’une chienne du faubourg Saint-Honoré venait de mettre au jour quatre chats et trois chiens. — Élien, dans le vieux temps, a pu parler d’une truie qui mit bas un cochon ayant une tête d’éléphant, et d’une brebis qui mit bas un lion. Nous le rangerons à côté de Torquemada, qui rapporte, dans la sixième journée de son Hexameron, qu’en un lieu d’Espagne, qu’il ne nomme pas, une jument était tellement pleine, qu’au temps de mettre bas son fruit, elle creva et qu’il sortit d’elle une mule qui mourut incontinent, ayant comme sa mère le ventre si gros et si enflé, que le maître voulut voir ce qui était dedans. On l’ouvrit et on y trouva une autre mule de laquelle elle était pleine…
Autre anecdote : Un duc de Mantoue avait, dans ses écuries une cavale pleine, qui mit bas un mulet. Il envoya aussitôt aux plus célèbres astrologues d’Italie l’heure de la naissance de cette bête, les priant de lui faire l’horoscope d’un bâtard né dans son palais sous les conditions qu’il indiquait. Il prit bien soin qu’ils ne sussent pas que c’était d’un mulet qu’il voulait parler. Les devins firent de leur mieux pour flatterie prince, ne doutant pas que ce bâtard ne fût de lui. Les uns dirent qu’il serait général d’armée ; les autres en firent mieux encore et tous le comblèrent de dignités. — Mais rentrons dans les accouchements prodigieux. On publia au seizième siècle qu’une femme ensorcelée venait d’enfanter plusieurs grenouilles. De telles nouveautés étaient reçues alors sans opposition. Au commencement du dix-huitième siècle les gazettes d’Angleterre annoncèrent, d’après le certificat du chirurgien accoucheur, appuyé de l’anatomiste du roi, qu’une paysanne venait d’accoucher de beaucoup de lapins ; et le public le crut jusqu’au moment où l’anatomiste avoua qu’il s’était prêté à une mystification. On fit courir le bruit, en 1471, qu’une femme à Pavie, avait mis bas un chien ; on cita la Suissesse qui, en 1278, avait donné le jour à un lion, et la femme que Pline dit avoir été mère d’un éléphant. — On voit dans d’autres conteurs anciens qu’une autre Suissesse se délivra d’un lièvre ; une Thuringienne, d’un crapaud ; que d’autres femmes mirent bas des poulets[2]. Ambroise Paré cite, sur ouï-dire, un jeune cochon napolitain qui portait une tête d’homme sur son corps de cochon. Boguet assure, dans ses Discours des exécrables sorciers, qu’une femme maléficiée mit au jour à la fois, en 1531, une tête d’homme, un serpent à deux pieds et un petit pourceau. Bayle parle d’une femme qui passa pour être accouchée d’un chat noir ; le chat fut brûlé comme produit d’un démon. Volaterranus se préoccupe d’un enfant qui naquit homme jusqu’à la ceinture, et chien dans la partie inférieure du corps. Un autre enfant monstrueux vint au monde, sous le règne de Constance, avec deux bouches, quatre yeux, deux petites oreilles et de la barbe. Un savant professeur de Louvain, Cornélius Gemma, écrivant à une époque où l’on admettait beaucoup de choses, rapporte qu’en 1545 une dame de noble lignée mit au monde, dans la Belgique, un garçon qui avait, au dire des experts, la tête d’un démon avec une trompe d’éléphant au lieu de nez, des pattes d’oie au lieu de mains, des yeux de chat au milieu du ventre, une tête de chien à chaque genou, deux visages de singe sur l’estomac et une queue de scorpion longue d’une demi-aune de Brabant (trente-cinq centimètres). Ce petit monstre ne vécut que quatre heures, et poussa des cris en mourant par les deux gueules de chien qu’il avait aux genoux.
Nous pourrions multiplier ces contes, fondés sur quelques phénomènes naturels que l’imagination des femmes enceintes a produits. Arrêtons-nous un moment aux faits prodigieux plus réels. Tels sont les enfants nés sans tête, ou plutôt dont la tête n’est pas distincte des épaules. Un de ces enfants vint au monde au village de Schmechten, près de Paderborn, le 16 mai 1565 ; il avait la bouche à l’épaule gauche et une seule oreille à l’épaule droite. Mais en compensation de ces enfants sans tête, une Normande accoucha, le 20 juillet 16844 d’un enfant mâle dont la tête semblait double. Il avait quatre yeux, deux nez crochus, deux bouches, deux langues et seulement deux oreilles. L’intérieur renfermait deux cerveaux, deux cervelets et trois cœurs ; les autres viscères étaient simples. Ce garçon vécut une heure ; et peut-être eût-il vécu plus longtemps si la sage-femme, qui en avait peur, ne l’eût laissé tomber. — Le phénomène des êtres bicéphales est moins rare que celui des acéphales. On présenta en 1779, à l’Académie des sciences de Paris, un lézard à deux têtes, qui se servait également bien de toutes les deux. Le Journal de médecine du mois de février 1808 donne des détails curieux sur un enfant né avec deux têtes, mais placées l’une au-dessus de l’autre, de sorte que la première en portait une seconde ; cet enfant était né au Bengale. À son entrée dans le monde, il effraya tellement la sage-femme que, croyant tenir le diable dans les mains, elle le jeta au feu. On se hâta de l’en retirer, mais il eut les oreilles endommagées. Ce qui rendait le cas encore plus singulier, c’est que la seconde tête était renversée, le front en bas et le menton en haut. Lorsque l’enfant eut atteint l’âge de six mois, les deux têtes se couvrirent d’une quantité à peu près égale de cheveux noirs. On remarqua que la tête supérieure ne s’accordait pas avec l’inférieure ; qu’elle fermait les yeux quand l’autre les ouvrait, et s’éveillait quand la tête principale était endormie ; elles avaient alternativement des mouvements indépendants et des mouvements sympathiques. Le rire de la bonne tête s’épanouissait sur la tête d’en haut ; mais la douleur de cette dernière ne passait pas à l’autre ; de sorte qu’on pouvait la pincer sans occasionner la moindre sensation à la tête d’en bas. Cet enfant mourut d’un accident à sa quatrième année.
Ce que nous venons de rapporter n’est peut-être pas impossible. Mais remarquez que ces merveilles viennent toujours de très-loin. Cependant nous avons vu de nos jours Ritta-Christina, cette jeune fille à deux têtes, ou plutôt ces deux jeunes filles accouplées. Nous avons vu aussi les jumeaux Siamois, deux hommes qu’une partie du ventre rendait inséparables et semblait réunir en un seul être. Pour le reste, le plus sûr est de rejeter en ces matières ce qui n’est pas certifié par de suffisants témoignages. Dans ce genre de faits, on attribuait autrefois au diable tout ce qui sortait du cours ordinaire de la nature, et il est certain qu’on exagère ordinairement ces phénomènes. On a vu des fœtus monstrueux, à qui on donnait gratuitement la forme d’un mouton, et qui étaient aussi bien un chien, un cochon, un lièvre, etc., puisqu’ils n’avaient aucune figure distincte. On prend souvent pour une cerise, ou pour une fraise, ou pour un bouton de rose, ce qui n’est qu’un seing plus large et plus coloré qu’ils ne le sont ordinairement. Voy. Frayeurs, Hallucinations, etc.
Imberta Voy. Possédées de Flandre.
Imer ou Imir. Voy. Ymer.
Immortalité. Ménandre, disciple de Simon le magicien, se vantait de donner un baptême qui rendait immortel. On fut bien vite détrompé. Les Chinois sont persuadés qu’il y a quelque part une eau qui empêche de mourir, et ils cherchent toujours ce breuvage d’immortalité, qui n’est pas trouvé encore.
Les Strulldbrugges ou immortels de Gulliver, sont fort malheureux de leur immortalité. La même pensée se retrouve dans cette légende des bords de la Baltique : — À Falster, il y avait autrefois une femme fort riche qui n’avait point d’enfants. Elle voulut faire un pieux usage de sa fortune, et elle bâtit une église. L’édifice achevé, elle le trouva si bien qu’elle se crut en droit de demander à Dieu une récompense. Elle le pria donc de la laisser vivre aussi longtemps que son église subsisterait. Son vœu fut exaucé. La mort passa devant sa porte sans entrer ; la mort frappa autour d’elle voisins, parents, amis et ne lui montra pas seulement le bout de sa faux. Elle vécut au milieu de toutes les guerres, de toutes les pestes, de tous les fléaux qui traversèrent le pays. Elle vécut si longtemps qu’elle ne trouva plus un ami avec qui elle pût s’entretenir. Elle parlait toujours d’une époque si ancienne que personne ne la comprenait. Elle avait bien demandé une vie perpétuelle ; mais elle avait oublié de demander aussi la jeunesse ; le ciel ne lui donna que juste ce qu’elle voulait avoir, et la pauvre femme vieillit : elle perdit ses forces, puis la vue, et l’ouïe et la parole. Alors elle se fit enfermer dans une caisse de chêne et porter dans l’église. Chaque année, à Noël, elle recouvre, pendant une heure, l’usage de ses sens ; et chaque année, à cette heure-là, le prêtre s’approche d’elle pour prendre ses ordres. La malheureuse se lève à demi dans son cercueil et s’écrie : a Mon église subsiste-t-elle encore ? — Oui, répond le prêtre. — Hélas ! » dit-elle. Et elle s’affaisse en poussant un profond soupir, et le coffre de chêne se referme sur elle.
Impair. Une crédulité superstitieuse a attribué, dans tous les temps, bien des prérogatives au nombre impair. Le nombre pair passait chez les Romains pour mauvais, parce que ce nombre, pouvant être divisé également, est le symbole de la mortalité et de la destruction ; c’est pourquoi Numa, corrigeant l’année de Romulus, y ajouta un jour, afin de rendre impair le nombre de ceux qu’elle contenait. C’est en nombre impair que les livres magiques prescrivent leurs opérations les plus mystérieuses. L’alchimiste d’Espagnet, dans sa Description du jardin des sages, place à l’entrée une fontaine qui a sept sources. « Il faut, dit-il, y faire boire le dragon par le nombre magique de trois fois sept, et l’on doit y chercher trois sortes de fleurs, qu’il faut y trouver nécessairement pour réussir au grand œuvre. » Le crédit du nombre impair s’est établi jusque dans la médecine : l’année climatérique est, dans la vie humaine, une année impaire.
Impostures. On lit dans Leloyer qu’un valet, par le moyen d’une sarbacane, engagea une veuve d’Angers à l’épouser, en le lui conseillant de la part de son mari défunt. Plus d’un imposteur a employé ce stratagème. Un roi d’Écosse, voyant que ses troupes ne voulaient pas combattre contre les Pietés, suborna des gens habillés d’écailles brillantes, ayant en main des bâtons de bois luisant, qui, se présentant comme des anges, les excitèrent à combattre, ce qui eut le succès qu’il souhaitait[1]. Nous aurions un gros volume à faire, si nous voulions citer ici toutes les impostures de l’histoire. On y pourrait joindre maints stratagèmes et ruses de guerre. Voy. Apparitions, Fantômes, Bohémiens, Jetzer, etc.
Imprécations. Ce qui va suivre est de Chassanion, huguenot, en ses Grands Jugements de Dieu : « Quant à ceux qui sont adonnés à maugréer et qui, comme des gueules d’enfer, à tout propos dépitent Dieu par d’horribles exécrations, et sont si forcenés que de le renier pour se donner au diable, ils méritent bien d’être abandonnés de Dieu et d’être livrés entre les mains de Satan pour aller avec lui en perdition : ce qui est advenu visiblement à certains malheureux de notre temps, qui ont été emportés par le diable, auquel ils s’étaient donnés. Il y a quelque temps qu’en Allemagne un homme de mauvaise vie était si mal embouché, que jamais il ne parlait sans nommer les diables. Si en cheminant il lui advenait de faire quelque faux pas ou de se heurter, aussitôt il avait les diables dans sa gueule. De quoi, combien que plusieurs fois il eût été repris par ses voisins, et admonesté de se châtier d’un si méchant et détestable vice, toutefois ce fut en vain. Continuant dans cette mauvaise et damnable coutume, il advint un jour qu’en passant sur un pont il trébucha et, étant tombé du haut en bas, proféra ces paroles : « Lève-toi par tous les cent diables. » Soudain, voici celui qu’il avait tant de fois appelé qui le vint étrangler et l’emporta.
» L’an mil cinq cent cinquante et un, près Mégalopole, joignant Voilstadt, il advint encore, durant les fêtes de la Pentecôte, ainsi que le peuple s’amusait à boire, qu’une femme, qui était de la campagne, nommait ordinairement le diable parmi ses jurements, lequel, à cette heure, en la présence d’un chacun, l’enleva par la porte de la maison et l’emporta en l’air. Ceux qui étaient présents sortirent incontinent, tout étonnés, pour voir où cette femme était ainsi transportée : laquelle ils virent, hors du village, pendue quelque temps en l’air bien haut, dont elle tomba en bas, et la trouvèrent à peu près morte au milieu d’un champ. Environ ce temps-là il y eut un grand jureur en une ville de Savoie, homme fort vicieux et qui donnait beaucoup de peine aux gens de bien, qui, pour le devoir de leur charge, s’employèrent à le reprendre et l’admonestèrent bien souvent, afin qu’il s’amendât : à quoi il ne voulut oncques entendre. Or, advint que la peste étant dans la ville, il en fut frappé et se retira en un sien jardin avec sa femme et quelques parents. Là, les ministres de l’Église ne cessèrent de l’exhorter à repentance, lui remontrant ses fautes et péchés pour le réduire au bon chemin. Mais tant s’en fallut qu’il fût touché par tant de bonnes et saintes remontrances, qu’au contraire il ne fit que s’endurcir davantage en ses péchés. Avançant donc son malheur, un jour, comme ce méchant reniait Dieu, et se donnait au diable et l’appelait tant qu’il pouvait, voilà le diable qui le ravit soudainement et l’emporta en l’air ; sa femme et sa parente le virent passer par-dessus leurs têtes. Étant ainsi transporté, son bonnet lui tomba du chef et fut trouvé auprès du Rhône. Le magistrat, averti de cela, vint sur le lieu et s’informa du fait, prenant attestation de ces deux femmes de ce qu’elles avaient vu. Voilà des événements terribles, épouvantables, pour donner crainte et frayeur à tels ou semblables jureurs et renieurs de Dieu, desquels le monde n’est que trop rempli aujourd’hui. Refrénez donc, misérables que vous êtes, vos langues infernales ; départez-vous de toutes méchantes paroles et exécrations, et vous accoutumez à louer et glorifier Dieu, tant de bouche que de fait. »
Quand les femmes grecques entendent des imprécations, comme il s’en fait dans les chaudes colères de leur pays, elles se hâtent de mouiller leurs seins avec leur salive, de peur qu’une partie de ces malédictions ne tombent sur elles. Voy. Jurements.
Imprimerie (L’), inventée, comme on sait, au quinzième siècle. Nous ne citons ici cette admirable découverte, instrument si prodigieux pour le bien, si terrible dans le mal, que dans la nécessité de remarquer l’étonnement qu’il fit naître à sa naissance, et l’humilité du parlement de Paris. Ce corps si vanté ne croyait pas les produits de l’imprimerie possibles au génie humain ; il en attribuait les œuvres au diable, et il eût fait brûler les premiers imprimeurs comme sorciers, si Louis XI et la Sorbonne, plus lucides, ne les eussent pas protégés.
Incendie. En 1807, un professeur de Brunswick annonça qu’il vendait de la poudre aux incendies, comme un apothicaire vend de la poudre aux vers ; il ne s’agissait, pour sauver un édifice, que de le saupoudrer de quelques pincées de cette poudre ; deux onces suffisaient par pied carré : et comme la livre ne coûtait que sept à huit sous, et qu’un homme n’a que quatorze pieds de superficie, on pouvait, pour dix-sept sous six deniers (vieux style), se rendre incombustible. Quelques gens crédules achetèrent la poudre du docteur. Les gens raisonnables jugèrent qu’il voulait attraper le public, et se moquèrent de lui.
Incombustibles. Il y avait jadis en Espagne des hommes d’une trempe supérieure qu’on appelait Saludadores, Santiguadores, Ensalmadores. Ils avaient non-seulement la vertu de guérir toutes les maladies avec leur salive, mais ils maniaient le feu impunément ; ils pouvaient avaler de l’huile bouillante, marcher sur les charbons ardents, se promener à l’aise au milieu des bûchers enflammés. Ils se disaient parents de sainte Catherine et montraient sur leur chair l’empreinte d’une roue, signe manifeste de leur glorieuse origine. — Il existe aujourd’hui en France, en Allemagne et dans presque toute l’Europe, des hommes qui ont les mêmes privilèges, et qui pourtant évitent avec soin l’examen des savants et des docteurs. Léonard Vair conte qu’un de ces hommes incombustibles ayant été sérieusement enfermé dans un four très-chaud, on le trouva calciné quand on rouvrit le four. Il y a quelques années qu’on vit à Paris un Espagnol marcher pieds nus sur des barres de fer rougies au feu, promener des lames ardentes sur ses bras et sur sa langue, se laver les mains avec du plomb fondu, etc.; on publia ces merveilles. Dans un autre temps, l’Espagnol eût passé pour un homme qui avait des relations avec le démon ; alors on se contenta de citer Virgile, qui dit que les prêtres d’Apollon, au mont Soracte, marchaient sur des charbons ardents ; on cita Varron, qui affirme que ces prêtres avaient le secret d’une composition qui les rendait pour quelques instants inaccessibles à l’action du feu. Le P. Régnault, qui a fait quelques recherches pour découvrir les secrets de ces procédés, en a publié un dans ses Entretiens sur la physique expérimentale. Ceux qui font métier, dit-il, de manier le feu et d’en tenir à la bouche emploient quelquefois un mélange égal d’esprit de soufre, de sel ammoniac, d’essence de romarin et de suc d’oignon. L’oignon est, en effet regardé par les gens de la campagne comme un préservatif contre la brûlure.
Dans le temps où le P. Régnault s’occupait de ces recherches, un chimiste anglais, nommé Richardson, remplissait toute l’Europe du bruit de ses expériences merveilleuses. Il mâchait des charbons ardents sans se brûler ; il faisait fondre du soufre, le plaçait tout animé sur sa main, et le reportait sur sa langue, où il achevait de se consumer ; il mettait aussi sur sa langue des charbons embrasés, y faisait cuire un morceau de viande ou une huître, et souffrait, sans sourciller, qu’on excitât le feu avec un soufflet ; il tenait un fer rouge dans ses mains, sans qu’il y restât aucune trace de brûlure, prenait ce fer dans ses dents, et le lançait au loin avec une force étonnante ; il avalait de la poix et du verre fondus, du soufre et de la cire mêlés ensemble et tout ardents, de sorte que la flamme sortait de sa bouche comme d’une fournaise. Jamais, dans toutes ces épreuves, il ne donnait le moindre signe de douleur. Depuis le chimiste Richardson, plusieurs hommes ont essayé comme lui de manier le feu impunément. En 1774, on vit à la forge de Laune un homme qui marchait, sans se brûler, sur des barres de fer ardentes, tenait sur sa main des charbons et les soufflait avec sa bouche : sa peau était épaisse et enduite d’une sueur grasse, onctueuse, mais il n’employait aucun spécifique. Tant d’exemples prouvent qu’il n’est pas nécessaire d’être parent de sainte Catherine pour braver les effets du feu. Mais il fallait que quelqu’un prît la peine de prouver, par des expériences décisives, qu’on peut aisément opérer tous les prodiges dont l’Espagnol incombustible a grossi sa réputation ; ce physicien s’est trouvé à Naples.
M. Sementini, premier professeur de chimie à l’université de cette ville, a publié à ce sujet des recherches qui ne laissent rien à désirer. Ses premières tentatives ne furent pas heureuses ; mais il ne se découragea point. Il conçut que ses chairs ne pouvaient acquérir subitement les mêmes facultés que celles du fameux Lionetti, qui était alors incombustible ; qu’il était nécessaire de répéter longtemps les mêmes tentatives, et que, pour obtenir les résultats qu’il cherchait, il fallait beaucoup de constance. À force de soins, il réussit. Il se fit sur le corps des frictions sulfureuses et les répéta si souvent, qu’enfin il put y promener impunément une lame de fer rouge. Il essaya de produire le même effet avec une dissolution d’alun, l’une des substances les plus propres à repousser l’action du feu : le succès fut encore plus complet. Mais quand M. Sementini avait lavé la partie incombustible, il perdait aussitôt tous ses avantages, et devenait aussi périssable que le commun des mortels. Il fallut donc tenter de nouvelles expériences.
Le hasard servit à souhait M. Sementini. En cherchant jusqu’à quel point l’énergie du spécifique qu’il avait employé pouvait se conserver, il passa sur la partie frottée un morceau de savon dur, et l’essuya avec un linge : il y porta ensuite une lame de fer. Quel fut son étonnement de voir que sa peau avait non-seulement conservé sa première insensibilité, mais qu’elle en avait acquis une bien plus grande encore ! Quand on est heureux, on devient entreprenant : M. Sementini tenta sur sa langue ce qu’il venait d’éprouver sur son bras, et sa langue répondit parfaitement à son attente ; elle soutint l’épreuve sans murmurer ; un fer étincelant n’y laissa pas la moindre empreinte de brûlure — Voilà donc les prodiges de l’incombustibilité réduits à des actes naturels et vulgaires. Mais ces découvertes ne peuvent atténuer la protection toute divine des saints qui ont résisté à l’action du feu, en des temps où aucune des découvertes qu’on vient de lire n’avait eu lieu.
Incrédules. On a remarqué, par de tristes expériences, que les incrédules, qui nient les faits de la religion, croient aux fables superstitieuses, aux songes, aux cartes, aux présages, aux plus vains pronostics, — comme pour montrer que l’esprit fort est surtout un esprit faible, et que, suivant cet axiome que les extrêmes se touchent, les incrédules, devant les vérités éternelles, sont les plus crédules devant les mensonges.
Incubes, esprits malfaisants qu'on supposait venir la nuit presser les hommes et les femmes du poids de leurs corps, et les étouffer. C'est ce qu'on appelle le cauchemar. On donnait aussi ce nom aux Faunes et aux Satyres, à raison de leur lubricité. Dans les temps d'ignorance, les démonographes ont imaginé des démons incubes, qui tourmentaient, par des images obscènes, et même des réalités, les personnes qui avaient fait vœu de chasteté.
Servius Tullius, qui fut roi des Romains, était le fils d’une esclave et de Vulcain, selon d’anciens auteurs ; d’une salamandre, selon les cabalistes ; d’un démon incube, selon les démonographes.
Incubo, génie gardien des trésors de la terre. Le petit peuple de Rome croyait que les trésors cachaient dans les entrailles de la terre étaient gardés par des esprits nommés Incubones, qui avaient de petits chapeaux, dont il fallait d'abord se saisir. Si on avait ce bonheur, on devenait leur maître, et on les contraignait à déclarer et à découvrir où étaient ces trésors.
Infernaux. On nomma ainsi, dans le seizième siècle, les partisans de Nicolas Gallus et de Jacques Smidelin, qui soutenaient que, pendant les trois jours de la sépulture de Notre-Seigneur, son âme, descendue dans le lieu où les damnés souffrent, y avait été tourmentée avec ces malheureux.
Infidélité. Quand les hommes de certaines peuplades d’Égypte soupçonnaient leurs femmes d’infidélité, ils leur faisaient avaler de l’eau soufrée, dans laquelle ils mettaient de la poussière et de l’huile de lampe, prétendant que, si elles étaient coupables, ce breuvage leur ferait souffrir des douleurs insupportables ; espèce d’épreuve connue sous le nom de calice du soupçon.
Influence des astres. Le Taureau domine sur le cou ; les Gémeaux sur les épaules ; l’Écrevisse sur les bras et sur les mains ; le Lion sur la poitrine, le cœur et le diaphragme ; la Vierge sur l’estomac, les intestins, les côtes et les muscles ; la Balance sur les reins ; le Scorpion sur les parties secrètes ; le Sagittaire sur le nez et les excréments ; le Capricorne sur les genoux ; le Verseau sur les cuisses ; le Poisson sur les pieds.
Voilà en peu de mots ce qui regarde les douze signes du zodiaque touchant les différentes parties du corps. Il est donc très-dangereux d’offenser quelque membre lorsque la lune est dans le signe qui domine, parce que la lune en augmente l’humidité, comme on le verra si on expose de la chair fraîche pendant la nuit aux rayons de la lune : il s’y engendrera des vers, et surtout dans la pleine lune. Voy. Astrologie.
Inis-Fail, nom d’une pierre fameuse attachée encore aujourd’hui sous le siège où l’on couronnait, dans l’église de Westminster, les rois de la Grande-Bretagne. Cette pierre du destin, que dans la légende héroïque de ces peuples les anciens Écossais avaient apportée d’Irlande, au quatrième siècle, devait les faire régner partout où elle serait placée au milieu d’eux.
Initiations. Voy. Sabbat.
Inquisition. Ce fut vers l’an 1200 que le pape Innocent III établit le tribunal de l’inquisition pour procéder contre les Albigeois, hérétiques perfides, qui bouleversaient la société et ramenaient les hommes à l’état sauvage. Déjà, en 1184, le concile de Vérone avait ordonné aux évêques de Lombardie de rechercher ces hérétiques rebelles et de livrer au magistrat civil ceux qui seraient opiniâtres. Le comte de Toulouse adopta ce tribunal en 1229 ; Grégoire IX, en 1233, le confia aux dominicains. Les écrivains qui ont dit que saint Dominique fut le premier inquisiteur général ont dit là une chose qui n’est pas. Saint Dominique ne fut jamais inquisiteur ; il était mort en 1221. Le premier inquisiteur général fut le pieux légat Pierre de Castelnau, que les Albigeois assassinèrent. Le pape Innocent IV étendit l’inquisition dans toute l’Italie, à l’exception de Naples. L’Espagne y fut soumise de 1480 à 1484, sous le règne de Ferdinand et d’Isabelle ; le Portugal l’établit en 1557. L’inquisition parut depuis dans les pays où ces puissances dominèrent ; mais elle ne s’est exercée dans aucun royaume que du consentement et le plus souvent à la demande des souverains.
Il faudrait plus d’espace que nous ne pouvons en occuper ici pour renverser tous les mensonges calomnieux que les ennemis de l’Église, protestants, jansénistes et philosophes, ont accumulés à l’envi contre l’inquisition. Dans les deux premières éditions de ce livre, l’auteur, jeune et stupidement égaré, a reproduit les hostiles et détestables quolibets de Voltaire sur ce grave sujet, les plates suppositions de Gilles de Witte, la fable de Montesquieu d’une jeune juive brûlée à Lisbonne, uniquement parce qu’elle était née juive, et d’autres contes pareils. Depuis, on a fait paraître, mais surchargée à dessein, l’Histoire de l’inquisition de Llorente ; et plus récemment on a publié, sous le titre de Mystères de l’inquisition, un énorme roman qui est un arsenal d’imputations fausses. On a même illustré de gravures ces divers pamphlets, et on a traduit pour les yeux, à l’usage de ceux qui ne savent pas lire, des mensonges souvent impurs à la charge de l’inquisition. Nous reproduisons ici une de ces planches d’imposture ; elle représente des faits imaginaires dont l’Espagne et le Portugal n’ont jamais eu le spectacle. À la place des archers, on a mis des moines ; bien plus, un de ces religieux, armé d’une torche, met le feu au bûcher ; ce qui ne s’est jamais fait. Les moines n’étaient aux auto-da-fé que pour donner aux condamnés les consolations suprêmes.
Après Joseph de Maistre, l’abbé Jules Morel et l’abbé Léon Godard ont fait pleine justice de ces tristes licences de la presse.
« Si l’on excepte un très-petit nombre d’hommes instruits, dit Joseph de Maistre, il ne vous arrivera guère de parler de l’inquisition sans rencontrer dans chaque tête trois erreurs capitales, plantées et comme rivées dans les esprits, au point qu’elles cèdent à peine aux démonstrations les plus évidentes. On croit que l’inquisition est un tribunal purement ecclésiastique : cela est faux. On croit que les ecclésiastiques qui siègent dans ce tribunal condamnent certains accusés à la peine de mort : cela est faux. On croit qu’ils les condamnent pour de simples opinions : cela est faux. Le tribunal espagnol de l’inquisition était purement royal. C’était le roi qui désignait l’inquisiteur général, et celui-ci nommait à son tour les inquisiteurs particuliers, avec l’agrément du roi. Le règlement constitutif de ce tribunal fut publié en l’année 1484 par le cardinal Torquemada, de concert avec le roi. Doux, tolérant, charitable, consolateur dans tous les pays du monde, par quelle magie le gouvernement ecclésiastique sévirait-il en Espagne, au milieu d’une nation éminemment noble et généreuse ? Dans l’examen de toutes les questions possibles, il n’y a rien de si essentiel que d’éviter la confusion des idées. Séparons donc et distinguons bien exactement, lorsque nous raisonnons sur l’inquisition, la part du gouvernement de celle de l’Église. Tout ce que le tribunal montre de sévère et d’effrayant, et la peine de mort surtout, appartient au gouvernement ; c’est son affaire ; c’est à lui, et c’est à lui seul qu’il faut en demander compte. Toute la clémence, au contraire, qui joue un si grand rôle dans le tribunal de l’inquisition, est Faction de l’Église, qui ne se mêle de supplices que pour les supprimer ou les adoucir. Ce caractère indélébile n’a jamais varié. Aujourd’hui, ce n’est plus une erreur, c’est un crime de soutenir, d’imaginer seulement que des prêtres puissent prononcer des jugements de mort. Il y a dans l’histoire de France un grand fait qui n’est pas assez observé, c’est celui des templiers ; ces infortunés, coupables ou non (ce n’est point de quoi il s’agit ici), demandèrent expressément d’être jugés par le tribunal de l’inquisition ; car ils savaient bien, disent les historiens, que s’ils obtenaient de tels juges, ils ne pouvaient plus être condamnés à mort… Le tribunal de l’inquisition était composé d’un chef nommé grand inquisiteur, qui était toujours archevêque ou évêque ; de huit conseillers ecclésiastiques, dont six étaient toujours séculiers, et de deux réguliers, dont l’un était toujours dominicain, en vertu d’un privilège accordé par le roi Philippe III. »
Ainsi les dominicains ne dirigeaient donc pas l’inquisition, puisque l’un d’eux seulement en faisait partie par privilège.
« On ne voit pas bien précisément, dit encore Joseph de Maistre, à quelle époque le tribunal de l’inquisition commença à prononcer la peine de mort. Mais peu nous importe ; il nous suffit de savoir, ce qui est incontestable, qu’il ne put acquérir ce droit qu’en devenant royal, et que tout jugement de mort demeure, par sa nature, étranger au sacerdoce. La teneur des jugements établit ensuite que les confiscations étaient faites au profit de la chambre royale et du fisc de Sa Majesté. Ainsi, encore un coup, ce tribunal était purement royal, malgré la fiction ecclésiastique ; et toutes les belles phrases sur l’avidité sacerdotale tombent à terre. Ainsi l’inquisition religieuse n’était, dans le fond, comme dit Garnier, qu’une inquisition politique. Le rapport des Cortès de 1812 appuie ce jugement. Philippe II, le plus absolu des princes, dit ce rapport, fut le véritable fondateur de l’inquisition. Ce fut sa politique raffinée qui la porta à ce point de hauteur où elle était montée. Les rois ont toujours repoussé les avis qui leur étaient adressés contre ce tribunal, parce qu’ils sont, dans tous les cas, maîtres absolus de nommer, de suspendre ou de renvoyer les inquisiteurs, et qu’ils n’ont, d’ailleurs, rien à craindre de l’inquisition, qui n’est terrible que pour leurs sujets… » Ainsi tombent ces contes bleus de rois d’Espagne qui s’apitoyaient sur des condamnés sans pouvoir leur faire grâce, quand il est démontré que c’étaient ces rois eux-mêmes qui condamnaient.
On a dit que depuis trois siècles l’histoire était une vaste conspiration contre le Catholicisme. On ferait un volume effrayant du catalogue des mensonges qui ont été prodigués dans ce sens par les historiens. La plupart viennent de la réforme ; mais les écrivains catholiques les copient tous les jours sans réflexion. C’est la réforme qui la première a écrit l’histoire de l’inquisition ; on a trouvé commode de transcrire son odieux roman, qui épargnait des recherches. Vous trouverez donc partout des faits inventés qui se présentent avec une effronterie incroyable. Nous en citerons deux ou trois. « Si l’on en croit quelques historiens, Philippe III, roi d’Espagne, obligé d’assister à un auto-da-fé (c’est le nom qu’on donne aux exécutions des inquisiteurs), frémit et ne put retenir ses larmes en voyant une jeune juive et une jeune Maure de quinze à seize ans qu’on livrait aux flammes, et qui n’étaient coupables que d’avoir été élevées dans la religion de leurs pères et d’y croire. Ces historiens ajoutent que l’inquisition fit un crime à ce prince d’une compassion si naturelle ; que le grand inquisiteur osa lui dire que pour l’expier il fallait qu’il lui en coûtât du sang ; que Philippe III se laissa saigner, et que le sang qu’on lui tira fut brûlé par la main du bourreau… » C’est Saint-Foix qui rapporte ce tissu de faussetés, dans ses Essais sur Paris, sans songer qu’aucun historien n’est là pour appuyer ces faits ; qu’ils ont été imaginés quatre-vingts ans après la mort de Philippe III ; que Philippe III était maître de faire grâce et de condamner ; que l’inquisition ne brûlait pas les juifs et les Maures coupables seulement d’avoir été élevés dans la religion de leurs pères et d’y croire ; qu’elle se contentait de les bannir pour raisons politiques, etc.
Vous lirez ailleurs que le cardinal Torquemada, qui remplit dix-huit ans les fonctions de grand inquisiteur, condamnait dix mille victimes par an, ce qui ferait cent quatre-vingt mille victimes. Mais vous verrez pourtant ensuite qu’il mourut ayant fait dans sa vie six mille poursuites, ce qui n’est pas cent quatre-vingt mille ; que le pape lui fit trois fois des représentations pour arrêter sa sévérité ; vous trouverez dans les jugements assez peu de condamnations à mort. Les auto-da-fé ne se faisaient que tous les deux ans ; les condamnés à mort attendaient longuement leur exécution, parce qu’on espérait toujours leur conversion ; et vous regretterez de rencontrer si rarement la vérité dans les livres. Un gros ouvrage qui vient de paraître (le Dictionnaire universel de la géographie et de l’histoire, par M. Bouillet) porte à cinq millions le nombre des personnes que l’inquisition a fait périr en Espagne… C’est, de plus de quatre millions et neuf cent quatre-vingt-dix mille, une erreur, — pour ne pas dire plus.
Rapportons maintenant quelque procédure de l’inquisition. Le fait qui va suivre est tiré de l’histoire de l’inquisition d’Espagne, faite à Paris sur les matériaux fournis par D. Llorente, matériaux qu’on n’a pas toujours employés comme Llorente l’eût voulu ; car on a fait de son livre un pamphlet. — « L’inquisition faisait naturellement la guerre aux francs-maçons et aux sorciers. À la fin du dernier siècle, un artisan fut arrêté au nom du Saint-Office pour avoir dit dans quelques entretiens qu’il n’y avait ni diables, ni aucune autre espèce d’esprits infernaux capables de se rendre maîtres des âmes humaines. Il avoua, dans la première audience, tout ce qui lui était imputé, ajouta qu’il en était alors persuadé pour les raisons qu’il exposa, et déclara qu’il était prêt à détester de bonne foi son erreur, à en recevoir l’absolution, et à faire la pénitence qui lui serait imposée. J’avais vu (dit-il en se justifiant) un si grand nombre de malheurs, dans ma personne, ma famille, mes biens et mes affaires, que j’en perdis patience, et que, dans un moment de désespoir, j’appelai le-diable à mon secours : je lui offris en retour ma personne et mon âme. Je renouvelai plusieurs fois mon invocation dans l’espace de quelques jours, mais inutilement, car le diable ne vint point. Je m’adressai à un pauvre homme qui passait pour sorcier ; je lui fis part de ma situation. Il me conduisit chez une femme, qu’il disait beaucoup plus habile que lui dans les opérations de la sorcellerie. Cette femme me conseilla de me rendre, trois nuits de suite, sur la colline des Vistillas de saint François, et d’appeler à grands cris Lucifer, sous le nom d’ange de lumière, en reniant Dieu et la religion chrétienne et en lui offrant mon âme. Je fis tout ce que cette femme m’avait conseillé, mais je ne vis rien : alors elle me dit de quitter le rosaire, le scapulaire et les autres signes de chrétien que j’avais coutume de porter sur moi, et de renoncer franchement et de toute mon âme à la foi de Dieu, pour embrasser le parti de Lucifer, en déclarant que je reconnaissais sa divinité et sa puissance comme supérieures à celles de Dieu même ; et après m’être assuré que j’étais véritablement dans ces dispositions, de répéter, pendant trois autres nuits, ce que j’avais fait la première fois. J’exécutai ponctuellement ce que cette femme venait I de me prescrire ; cependant l’ange de lumière ne m’apparut point. La vieille me recommanda de prendre de mon sang et de m’en servir pour écrire sur du papier que j’engageais mon âme à Lucifer, comme à son maître et à son souverain ; de porter cet écrit au lieu où j’avais fait mes invocations, et, pendant que je le tiendrais à la main, de répéter mes anciennes paroles : je fis tout ce qui m’avait été recommandé, mais toujours sans résultat. Me rappelant alors tout ce qui venait de se passer, je raisonnai ainsi : S’il y avait des diables, et s’il était vrai qu’ils désirassent de s’emparer des âmes humaines, il serait impossible de leur en offrir une plus belle occasion que celle-ci, puisque j’ai véritablement désiré de leur donner la mienne. Il n’est donc pas vrai qu’il y ait des démons ; le sorcier et la sorcière n’ont donc fait aucun pacte avec le diable, et ils ne peuvent être que des fourbes et des charlatans l’un et l’autre. »
Telles étaient en substance les raisons qui avaient fait apostasier l’artisan Jean Pérez. Il les exposa, en confessant sincèrement son péché. On entreprit de lui prouver que tout ce qui s’était passé ne prouvait rien contre l’existence des démons, mais faisait voir seulement que le diable avait manqué de se rendre à l’appel, Dieu le lui défendant quelquefois, pour récompenser le coupable de quelques bonnes œuvres qu’il a pu faire avant de tomber dans l’apostasie. Il se soumit, reçut l’absolution et fut condamné à une année de prison, à se confesser et à communier aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, pendant le reste de ses jours, sous la conduite d’un prêtre qui lui serait donné pour directeur spirituel ; à réciter une partie du rosaire et à faire tous les jours des actes de foi, d’espérance, de charité, de contrition, etc. Tel fut son châtiment.
Voici maintenant l’histoire d’un autre épouvantable autodafé, extraite du Voyage fait en Espagne pendant les années 1786 et 1787, par Joseph Fownsend, recteur de Pewsey : « Un mendiant, nommé Ignazio Rodriguez, fut mis en jugement au tribunal de l’inquisition pour avoir distribué des philtres amoureux, dont les ingrédients étaient tels que l’honnêteté ne permet pas de les désigner. En administrant le ridicule remède (il paraît que le prédicant anglais n’est pas sévère), il prononçait quelques paroles de nécromancie. Il fut bien constaté que la poudre avait été administrée à des personnes de tout rang. Rodriguez fut condamné à être conduit dans les rues de Madrid, monté sur un âne, et à être fouetté. On lui imposa de plus quelques pratiques de religion et l’exil de la capitale pour cinq ans. La lecture de la sentence fut souvent interrompue par de grands éclats de rire, auxquels se joignait le mendiant lui-même. Le coupable fut, en effet, promené par les rues, mais non fouetté ; et pendant la route, on lui offrait du vin et des biscuits pour se rafraîchir… »
Nous pourrions rassembler beaucoup de traits pareils, qui peindraient l’inquisition tout autrement que ne la montrent des livres infiniment trop menteurs. Bornons-nous à citer encore le témoignage d’un homme qui n’est pas suspect aux ennemis de l’Église catholique :
« Depuis le seizième siècle, dit le protestant Ranke, l’inquisition n’était qu’un tribunal royal muni d’armes spirituelles. » Les inquisiteurs n’étaient en effet que des fonctionnaires royaux, en partie laïques, soumis aux inspections royales, nommés et destitués par le roi, relevant d’un conseil qui siégeait à la cour. Tout le bénéfice des confiscations prononcées par eux revenait au roi ; aucune grandesse, aucun prélat ne pouvait se soustraire à ce tribunal, toujours docile. C’est par lui que Charles-Quint fit juger les évêques partisans des communes ; c’est à lui que Philippe II livra son ex-favori Pérez. Il en étendit la juridiction aux arts, au commerce, aux impôts et à la marine. « Ce tribunal, ajoute Ranke, fait partie de ces dépouilles du pouvoir ecclésiastique, dont le gouvernement s’est enrichi. » Le nonce Visconti écrivait en 1563 que l’inquisition espagnole avait diminué grandement l’autorité du Saint-Siège. Saint Charles Borromée en empêcha Rétablissement à Milan pendant sa vie ; le clergé de Sicile la combattit, et elle ne put être toute-puissante ni en Italie ni dans les provinces basques. » Voy. Tribunal secret.
Insensibilité. On a exposé souvent que le diable rendait les sorciers insensibles à la question ou torture, et ce fait s’est vu souvent avec certitude, notamment dans les possédés.
Institor (Henri), auteur, avec Sprenger, du Malleus maleficarum ; Lyon, 1484.
Interdit, censure de l’Église qui suspend les ecclésiastiques de leurs fonctions et qui prive le peuple de l’usage des sacrements, du service divin et de la sépulture en terre sainte. L’objet de l’interdit n’était, dans son origine, que de punir ceux qui avaient causé quelque scandale public, et de les ramener au devoir en les obligeant à demander la levée de l’interdit. Ordinairement l’interdit arrêtait les dérèglements des monastères, empêchait les hérésies de s’étendre, mettait un frein aux excès des seigneurs tyranniques, des criminels puissants, des perturbateurs de la paix publique. Ainsi, après le massacre des vêpres siciliennes, le pape Martin IV mit en interdit la Sicile et les États de Pierre d’Aragon. Grégoire VII, qui fit grand usage de l’interdit, sauva plus d’une fois par cette mesure la cause de l’humanité, qui sans lui périssait de toutes parts. — L’interdit doit être prononcé dans les mêmes formes que l’excommunication, par écrit, nommément, avec l’expression de la cause et après trois monitions. La peine de ceux qui violent l’interdit est de tomber dans l’excommunication.
Intersignes. Avis mystérieux et sympathique qui arrive d’une manière inexplicable. Dans le beau récit de M. Hippolyte Violeau, intitulé une Passion funeste, une mère, inquiète de son fils, l’entend qui l’appelle à son secours. Il était à une lieue d’elle ; cependant elle l’entend, court en hâte et le sauve d’une mort affreuse. Les Bretons croient aux intersignes, qu’on appelle aussi quelquefois des pressentiments.
Invisibilité. Pour être invisible, il ne faut que mettre devant soi le contraire de la lumière ; un mur, par exemple. Mais le Petit Albert et les Clavicules de Salomon nous découvrent des secrets plus rares et plus importants pour l’invisibilité. On se rend invisible, par exemple, en portant sous son bras droit le cœur d’une chauve-souris, celui d’une poule noire ou celui d’une grenouille. Ou bien, disent ces infâmes petits livres de secrets stupides, volez un chat noir, achetez un pot neuf, un miroir, un briquet, une pierre d’agate, du charbon et de l’amadou, observant d’aller prendre de l’eau au coup de minuit à une fontaine ; après quoi allumez votre feu, mettez le chat dans le pot, et tenez-le couvert de la main gauche sans jamais bouger ni regarder derrière vous, quelque bruit que vous entendiez ; et après l’avoir fait bouillir vingt-quatre heures, toujours sans bouger, sans regarder derrière vous, sans boire ni manger, mettez-le dans un plat neuf, prenez la viande et la jetez par-dessus l’épaule gauche, en disant ces paroles : Accipe quod tibi do et nihil amplius ; puis mettez les os l’un après l’autre sous vos dents, du côté gauche, en vous regardant dans le miroir ; et si l’os que vous tenez n’est pas le bon, jetez-le successivement, en disant les mêmes paroles jusqu’à ce que vous l’ayez trouvé ; sitôt que vous ne vous verrez plus dans le miroir, retirez-vous à reculons. La possession de cet os vous rendra invisible toutes les fois que vous le prendrez entre les dents.
On peut encore, pour se rendre invisible, faire cette opération que l’on commence un mercredi, avant le soleil levé. On se munit de sept fèves noires : puis on prend une tête de mort ; on met une fève dans la bouche, deux dansées narines, deux dans les yeux et deux dans les oreilles ; on fait ensuite sur cette tête la figure d’un triangle, puis on l’enterre la face vers le ciel ; on l’arrose pendant neuf jours avec d’excellente eau-de-vie, de bon matin, avant le soleil levé. Au huitième jour, vous y trouverez un esprit ou démon qui vous demandera : — Que fais-tu là ? — Vous lui répondrez : — J’arrose ma plante. — Il vous dira : — Donne-moi cette bouteille, je l’arroserai moi-même. — Vous lui répondrez que vous ne le voulez pas. Il vous la demandera encore ; vous la lui refuserez jusqu’à ce qu’il tende la main, où vous verrez une figure semblable à celle que vous avez faite sur la tête ; vous devez être assuré dès lors que c’est l’esprit véritable de la tête. — N’ayant plus de surprise à craindre, vous lui donnerez votre fiole, il arrosera lui-même, et vous vous en irez. — Le lendemain, qui est le neuvième jour, vous y retournerez ; vous y trouverez vos fèves mûres, vous les prendrez, vous en mettrez une dans votre bouche, puis vous regarderez dans un miroir : si vous ne vous y voyez pas, elle sera bonne. Vous en ferez de même de toutes les autres ; celles qui ne vaudront rien doivent être enterrées au lieu où est la tête. — Pour cette expérience, ayez toutes les choses bien préparées avec diligence et avec toutes les solennités requises…
Il y a encore de malheureux niais qui croient à ces procédés. Voy. Anneau.
Invocations. Agrippa dit que, pour invoquer le diable et l’obliger à paraître, on se sert des paroles magiques : Dies mies jesquet benedo efet donvema enitemaüs ! Mais Pierre Leloyer dit que ceux qui ont des rousseurs au visage ne peuvent faire venir les démons, quoiqu’ils les invoquent. Voy. Évocations et Conjurations.
Io. Cette femme que Junon changea en génisse est traitée de sorcière dans les démonographes. Delancre assure que c’était une magicienne qui se faisait voir tantôt sous les traits d’une femme, tantôt sous ceux d’une vache avec ses cornes.
Ipès ou Ayperos, prince et comte de l’enfer ; il apparaît sous la forme d’un ange, quelquefois sous celle d’un lion, avec la tête et les pattes d’une oie et une queue de lièvre, ce qui est un peu court ; il connaît le passé et l’avenir, donne du génie et de l’audace aux hommes, et commande trente-six légions.
Irlande. Parmi beaucoup d’opinions poétiques et bizarres, les Irlandais croient qu’une personne qui doit mourir naturellement ou par accident se montre la nuit à quelqu’un, ou plutôt son image, enveloppée d’un drap mortuaire. Cette apparition a lieu dans les trois jours qui précèdent la mort annoncée.
Irle-Khane. Voy. Khane.
Irmentrude. Une demoiselle provençale nommée Irmentrude, ayant épousé Isambard, comte d’Altorf, accoucha un jour de douze garçons, en l’absence de son mari. Comme elle n’en voulait nourrir qu’un, elle ordonna à sa servante d’aller jeter les onze autres à la rivière. Mais le comte Isambard, ayant rencontré la femme qui les avait dans son tablier, lui demanda ce qu’elle portait là. «Ce sont de petits chiens que je vais aller noyer, » dit-elle. Isambard voulut les voir : découvrant bientôt tout le mystère, il prit les onze enfants, les fit élever en secret et ne les présenta à sa femme que lorsqu’ils furent devenus grands. Ils prirent, en mémoire de cette aventure, le nom de Welf, qui en allemand signifiait chien, et que leurs descendants gardent encore. Voy. Trazégnies.
Is, ville bretonne, gouvernée par le roi Gralon. Toute espèce de luxe et de débauche régnait dans cette opulente cité. Les plus saints personnages y prêchaient en vain les mœurs et la réforme. La princesse Dahut, fille du roi, oubliant la pudeur et la modération naturelles à son sexe, y donnait l’exemple de tout genre de dépravation. L’heure de la vengeance approchait : le calme qui précède les plus horribles tempêtes, les chants, la musique, le vin, toute espèce de spectacle et de débauche enivraient, endormaient les habitants endurcis de la grande ville. Le roi Gralon seul n’était pas insensible à la voix du ciel. Un jour le prophète Guénolé prononça d’une voix sombre ces mots devant le roi Gralon : « Prince, le désordre est au comble, le bras de l’Éternel se lève, la mer se gonfle, la cité d’Is va disparaître : partons. » Gralon monte aussitôt à cheval et s’éloigne à toute bride ; sa fille Dahut le suit en croupe. La main de l’Éternel s’abaisse ; les plus hautes tours de la ville sont englouties, les flots pressent en grondant le coursier du saint roi, qui ne peut s’en dégager ; une voix terrible se fait entendre : « Prince, si tu veux te sauver, renvoie le diable qui te suit en croupe. » La belle Dahut perdit la vie ; elle se noya près du lieu qu’on nomme Poul-Dahut. La tempête cessa, l’air devint calme, le ciel serein ; mais depuis ce moment le vaste bassin sur lequel s’étendait une partie de la ville d’Is fut couvert d’eau. C’est maintenant la baie de Douarnenez.
Isaacarum, l’un des adjoints de Léviathan, dans la possession de Loudun.
Isabelle ou Isabeau, prophétesse. Voy. Dauphiné.
Isis est une reine mythique et une déesse funéraire de l'Égypte antique. Le plus souvent, elle est représentée comme une jeune femme coiffée d'un trône ou, à la ressemblance d'Hathor, d'une perruque surmontée par un disque solaire inséré entre deux cornes de vache.
L'astucieuse Isis est l'une des divinités de l'Ennéade d'Héliopolis. Elle est la sœur et l'épouse du roi Osiris, un être généreux qui plaça son règne sous le signe de l'harmonie cosmique. Ce temps heureux prend subitement fin avec l'assassinat d'Osiris lors d'un complot organisé par son frère Seth, un dieu violent et jaloux. Isis retrouve le corps d'Osiris et le cache dans les marécages de Chemnis. Lors d'une partie de chasse, Seth trouve le cadavre et, fou de colère, le dépèce en plusieurs lambeaux. Durant une longue quête Isis, secondée par Nephtys, Thot et Anubis, retrouve les membres disjoints et reconstitue le corps d'Osiris en le momifiant. Après avoir revivifié Osiris, Isis fait de lui le souverain éternel de la Douât, un monde paradisiaque peuplé d'esprits immortels. Pour assurer sa protection, elle le place sous la garde attentive du dieu canin Anubis, son fils adoptif.
Isis sous la forme d'un oiseau rapace s'unit à la momie de son époux et conçoit le chétif Horus. Élevé dans les marais de Chemnis et fortifié par le lait maternel d'Isis, Horus parvient, non sans peines, à l'âge adulte. Durant de nombreuses décennies Horus et Isis combattent Seth soutenu par Rê assez peu disposé envers Horus. Après de nombreuses péripéties, Horus réussit à se faire reconnaître comme le successeur légitime de son père, devenant ainsi le modèle du pharaon idéal.
Le culte d'Isis apparaît à la fin de l'Ancien Empire aux alentours du XXIVe siècle avant notre ère. D'abord cantonnée au domaine funéraire, Isis devient durant le Ier millénaire av. J.‑C., une déesse très populaire à la puissance universelle. La dévotion des pharaons ptolémaïques dote la déesse Isis de deux lieux de cultes grandioses ; l'Iséum en Basse-Égypte et Philæ en Nubie. Entre la fin du IVe siècle av. J.-C. et la fin du IVe siècle ap. J.-C., le culte d'Isis se répand à travers le bassin méditerranéen et un nombre important de sanctuaires lui sont élevés en Grèce et en Italie. En ces nouveaux lieux, s'opère un syncrétisme où les rites égyptiens voués à la déesse sont adaptés à la pensée religieuse gréco-romaine. L'iconographie et le culte d'Isis s'hellénisent, et, par un rapprochement avec la quête de Perséphone par Déméter (Mystères d'Éleusis) se créent les Mystères d'Isis organisés sous la forme d'un cérémonial initiatique, progressif et secret.
Face à la montée du christianisme, le culte d'Isis périclite puis disparaît au tournant des Ve et VIe siècles de notre ère. Toutefois, le souvenir d'Isis ne disparaît pas car il est entretenu par la scolastique monacale et universitaire. La lecture des hiéroglyphes étant perdue, son image est cependant biaisée car uniquement perçue à travers le filtre des auteurs grecs et latins de l'Antiquité tardive. Vers la fin du Moyen Âge, Isis devient un objet de curiosité de la part des érudits laïcs. Ce phénomène s'accentue durant la Renaissance. Nombreux sont alors les humanistes qui intègrent Isis à leurs objets d'études en élaborant des mythographies historicisantes à son propos. Le mythe d'Isis se fond dans celui de la nymphe Io transformée en vache par Héra et l'aspect d'Isis est confondu avec celui de l'Artémis multimammia d'Éphèse. Au cours du Siècle des Lumières, certains philosophes francs-maçons épris d'égyptomanie portent leur attention sur les Mystères d'Isis et tentent de les réinventer dans le cadre des rituels de leurs loges initiatiques. Les artistes et les poètes, quant à eux, ont sans cesse spéculé sur l'image de la déesse voilée et fait d'Isis le symbole des lois cachées de la Nature.
Depuis le déchiffrement des hiéroglyphes et la mise en place de la science égyptologique au XIXe siècle, les aspects purement égyptiens de la déesse ont été redécouverts et vulgarisés par les savants auprès du grand public. La personnalité d'Isis ne s'est toutefois pas entièrement débarrassée de son aura ésotérique longuement élaborée depuis le XIVe siècle par les alchimistes et les mystagogues européens. Isis reste ainsi l'objet de réflexions théologiques et hermétiques au sein de cercles confidentiels. Depuis les années 1950, aux États-Unis surtout, Isis est particulièrement vénérée auprès des convents kémitistes de la Wicca où un culte païen moderne lui est adressé en tant que grande déesse originelle, maternelle et lunaire.
Isis avait un temple à Isemberg (montagne d’Isis) au canton de Zurich. On croit qu’elle a eu aussi un culte à Paris.
Islandais. « Les Islandais sont si experts dans l’art magique, dit un voyageur du dernier siècle, qu’ils font voir aux étrangers ce qui se passe dans leurs maisons, même leurs pères, mères, parents et amis, vivants ou morts. » Les Islandais prétendent encore avoir la seconde vue et voir les esprits.
Isle en Jourdain (Mainfroy de l’), habile devin qui découvrit par l’astrologie l’horrible conduite de deux chevaliers, Philippe et Gauthier d’Aunoy, lesquels étaient amants, l’un de Marguerite de Navarre, femme de Louis le Hutin, et l’autre de Blanche, femme de Charles le Bel ; on prouva encore qu’ils envoûtaient les maris de ces deux dames. C’étaient les deux frères de Philippe de Valois. Le roi Philippe en fit justice : les deux chevaliers furent écorchés vifs et pendus, et les deux dames périrent en prison.
Isparetta, idole principale des habitants de la côte du Malabar. Antérieurement à toute création, Isparetta se changea en un œuf d’où sortirent le ciel et la terre et tout ce qu’ils contiennent. On le représente avec trois yeux et huit mains, une sonnette pendue au cou, une demi-lune et des serpents sur le front.
Israfil ou Asrafil. Voy. Asrafil.
Ithyphalle, nom d’une espèce d’amulette que l’on pendait au cou des enfants et des vestales ; on lui attribuait de grandes vertus. Pline dit que c’était un préservatif pour les empereurs mêmes, qu’il protégeait contre les effets de l’envie.
Ivo le noir. Au pied de la tour d’Obod, un des plus vieux monuments du Monténégro, dans une sombre et profonde caverne, dort Ivo le noir, le héros, le fondateur ou plutôt l’organisateur sauvage de la nation ou peuplade qui habite le Monténégro. Quand la mer Bleue et Kataro seront rendus aux Monténégrins, alors Ivo sortira de son sommeil magique et se mettra de nouveau à la tête de ses descendants pour renvoyer les Autrichiens dans leurs humides et nuageuses contrées.
Iwan Basilowitz. Voy. Jean.
Iwangis, sorciers des îles Moluques, qui font aussi le métier d’empoisonneurs. On prétend qu’ils déterrent les corps morts et s’en nourrissent, ce qui oblige les Moluquois à monter la gardé auprès des sépultures, jusqu’à ce que les cadavres soient pourris.
J
Jabamiah, mot puissant de la cabale élémentaire, lequel, prononcé par un sage cabaliste, restitue les membres tronqués.
Jacob. Voy. Eternuement.
Jacobins de Berne. Voy. Jetzer.
Jack. Parmi les démons inférieurs de la sphère du feu, nous ne saurions oublier le feu follet appelé vulgairement en Angleterre Jack with the lantern, Jack à la lanterne, que Milton nomme aussi le moine des marais. Selon la chronique de l’abbaye de Gorwey, ce moine en séduisit un autre, frère Sébastien, qui, revenant de prêcher la fête de saint Jean, se laissa conduire à travers champs par la fatale lanterne jusqu’au bord d’un précipice où il périt. C’était en l’année 1034 ; nous ne saurions vérifier le fait.
Les paysans allemands regardent ce diable de feu comme très-irritable ; pourtant ils ont quelquefois la malice de lui chanter un couplet qui le met en fumeur. — Il n’y a pas trente ans qu’une fille du village de Lorsch eut l’imprudence de chanter ce refrain, au moment où le follet dansait sur une prairie marécageuse : aussitôt il poursuivit la chanteuse ; celle-ci se mit à courir de toute la vitesse de ses jambes ; elle se croyait déjà sauvée en apercevant sa maison, mais à peine franchissait-elle le seuil que Jack à la lanterne la franchit aussi et frappa si violemment de ses ailes tous ceux qui étaient présents qu’ils en furent éblouis. Quant à la pauvre fille, elle en perdit la vue ; elle ne chanta plus que sur le banc de sa porte, lorsqu’on lui assurait que le ciel était pur. Telle est du moins la légende.
Il ne faut pas être un très-fort chimiste pour deviner la nature de ce démon électrique ; mais on peut le classer avec les démons du feu qui dénoncent les trésors cachés par les flammes livides qu’ils font exhaler de la terre, et avec ceux qui parcourent les cimetières par un temps d’orage. Maintes fois, autour des sources sulfureuses où les petites maîtresses vont chaque année réconforter leurs poitrines délicates, le montagnard des Pyrénées voit voltiger des gobelins de la même famille ; ils agitent leurs aigrettes bleuâtres pendant la nuit, et font même entendre de légères détonations.
Le plus terrible de ces démons est celui qui fond son essence vivante dans les liqueurs fermentées, qui s’introduit sous cette forme liquide dans les veines d’un buveur, et y allume à la longue un incendie qui le dévore, en fournissant aux médecins un exemple de plus de ce qu’ils appellent scientifiquement une combustion spontanée.
Jacques Ier. Le roi d’Angleterre Jacques Ier, que Henri IV appelait si plaisamment maître Jacques, ne se contentait pas de faire brûler les sorciers ; il a produit encore, sous le titre de Démonologie, un gros volume pour prouver que les sorciers entretiennent un commerce exécrable avec le diable. Aujourd’hui on ne peut nier l’intervention des esprits dans les choses de la vie commune. Mais le roi Jacques mit peut-être à poursuivre ces délits une férocité un peu grande. Elle était de son temps et de sa secte. En 1591, un attentat contre la vie du roi Jacques et de la reine fut attribué à la magie. Voici comment on parvint à le découvrir : Une domestique nommée Gellis Duncan avait attiré les soupçons de son maître par certaines cures extraordinaires. Le bailli de Tranent, pour les éclaircir, la fit appliquer à la question. On lui serra les doigts dans des poucettes et on lui comprima la tête à l’aide d’une corde ; mais sans en tirer aucun aveu. On conclut de son silence qu’elle portait une marque du diable, et on n’en douta plus quand on eut remarqué un signe sur sa gorge.
À cette vue le charme tomba ; elle avoua n’avoir fait de cure extraordinaire qu’avec l’aide de Satan ; elle révéla des maléfices inouïs jusqu’alors, commis avec l’assistance d’une foule de complices qu’elle signala, et dont trente ou quarante furent arrêtés. Dans ce nombre figuraient de grandes dames, entre autres Euphémie Macalzean, sœur de lord Clistonhall, l’un des membres du sénat judiciaire d’Édinbourg. Jacques devait se faire un point d’honneur de suivre assidûment les fils de ce dédale de mystères diaboliques. Chaque jour il était présent à l’examen des accusés et manifestait son étonnement à chaque trait horrible ou grotesque de leur confession.
Il assista à la danse du sabbat, exécutée par Gellis Duncan, dont la fameuse Agnès Sampson, nommée la femme sage de Keith, avait la première reconnu le talent. Le personnage le plus important de ce drame est le nommé Cuningham, que l’instruction désigne sous le nom du docteur Fian, maître d’école près de Tranent. Il subit la torture avec une énergie physique et un courage moral extraordinaires. On commença par lui serrer fortement une corde autour de la tête. Cette première épreuve ne lui arracha aucun aveu. On essaya la persuasion pour l’engager à confesser sa folie. Ce procédé fut également inutile. Enfin on le soumit à un instrument de torture nommé les boltes. Après avoir eu les jambes écrasées à la troisième application du fatal instrument, il révéla des détails qui attestaient une profonde immoralité et embrassaient toutes les circonstances du crime de haute trahison à l’aide de maléfices. Ramené dans sa prison et mis au secret pendant deux ou trois jours, Fian parvint à s’échapper. Repris après son évasion, il rétracta ses aveux, au grand désappointement du roi, qui, pour lui rendre la mémoire, le fit remettre à la question. On lui écrasa les ongles à l’aide d’une pince, et, entre les ongles et la chair, on enfonça jusqu’à la tête des clous garnis de deux pointes.
Il persista néanmoins à garder le silence.
On le soumit encore au supplice des bottes, et cette horrible épreuve dura si longtemps qu’à la fin ses jambes n’étaient plus qu’une plaie, et que ses os brisés se faisaient jour à travers des lambeaux de chair d’où le sang ruisselait à flots. Enfin, vaincu par la douleur, le docteur rompit le silence, et ses réponses offrirent avec les aveux que la torture arracha à Agnès Sampson une coïncidence qui frappa de douleur et de stupeur l’esprit du roi. Mais ce qui passe toute croyance, c’est l’aplomb avec lequel les deux accusés révélèrent les incidents le plus horriblement grotesques ; aussi Jacques s’écriât-il : après les avoir entendus : « Voilà de grands imposteurs. »
On sait que la monomanie superstitieuse de Jacques était de guerroyer contre Satan et ses agents terrestres. Les chroniques du temps assurent même qu’un jour, désappointé du mauvais succès d’un attentat contre sa personne, le diable s’écria en français. « Je n’ai aucun pouvoir sur lui, il est l’homme de Dieu… » Un voyage que Sa Majesté fit à Norway, pour y voir la reine et la ramener à Édimbourg, offrit aux instruments de Satan une occasion favorable. Le comité diabolique résolut de soulever une tempête pour engloutir son plus terrible ennemi. Les préparatifs en furent solennels. Le prince des ténèbres proposa d’élever un brouillard qui ferait échouer le roi sur la côte d’Angleterre, et le docteur Fian, en sa qualité de secrétaire de Sa Majesté Infernale, écrivit à Marion Linkup et à quelques autres associés pour les inviter à se rendre dans cinq jours sur l’Océan, à la rencontre de leur maître, dans le dessein de faire périr le roi.
Le ban et l’arrière-ban, ainsi convoqués, se mirent en route au nombre de deux cents, et chaque sorcière s’embarqua sur un crible ou un tamis. On ne dit pas à quelle latitude elles rencontrèrent le diable.
Dès qu’il leur apparut, il expédia à Robert Wierson un chat qui avait été pendu neuf fois à une crémaillère, et en même temps il proféra ces mots : « Jette-le dans la mer, holà ! » Le charme produisit son effet, car Jacques, dont la flotte n’avait aperçu la terre qu’en vue du Danemark, déclara que son vaisseau était le seul qui eût le vent contraire.
Le premier acte de ce drame terminé, les sorcières prirent terre, toujours sur leurs cribles, qui leur servirent de coupes dans les nombreuses libations qu’elles firent après le débarquement. Elles se rendirent en procession à l’église de Northberwick (c’était le second rendez-vous que leur maître leur avait assigné). La bande était de plus de cent (Agnès Sampson en désigne trente-deux dans sa révélation) ; elle était précédée par Gellis Duncan, qui chantait en s’accompagnant de la harpe.
Là, leur maître leur apparut sous la forme d’un prédicateur. Le docteur Fian joua le rôle de maître des cérémonies. D’un souffle il fit crier les portes de l’église sur leurs gonds rouillés, et convertit en charbons allumés les cierges qui bordaient la chaire. Greillmeil remplit l’office de portier. Soudain le diable en personne apparut en chaire, couvert d’une robe et d’un chapeau noirs. Voici son portrait, crayonné à la façon du Dante, dans les Mémoires de James Melville : Son corps était dur comme le fer, sa figure terrible, son nez comme le bec de l’aigle, ses yeux comme un brasier ardent, ses mains et ses pieds armés de griffes et sa voix entrecoupée. Il fit d’abord l’appel de sa congrégation. Il demanda ensuite à chacun s’il l’avait fidèlement servi, ce qu’il avait fait depuis la dernière assemblée pour le succès de la grande conjuration contre le roi. Greillmeil, le portier, ayant étourdiment répondu : Rien encore, Dieu merci ! Lucifer lui fit rudement sentir qu’il avait dit une sottise. Il recommanda ensuite expressément à ses disciples de faire au roi tout le mal qu’ils pourraient ; après quoi il quitta la chaire et reçut en partant leurs hommages, accompagnés de cérémonies qu’il serait trop long de décrire ici.
Le sort des insensés qui firent de tels aveux ne pouvait être un instant douteux dans ce siècle de superstition. Fian, dont la vie n’était plus d’aucun prix après tant de souffrances, fut étranglé et livré aux flammes. Agnès Sampson subit le même sort.
Barbara Napier, désignée comme l’un des acteurs dans la scène de Northberwick, acquittée sur ce chef, fut condamnée pour d’autres faits de sorcellerie. La victime la plus digne d’intérêt dans ce drame épouvantable était Euphémie Mac Aizean, fille de lord Clistonhall, douée d’un esprit ferme, animée de passions ardentes, zélée catholique, ennemie jurée de Jacques et de la réforme.
On établit nécessairement qu’elle avait eu des rapports intimes avec des sorciers, et qu’elle avait employé leur assistance pour se défaire des personnes qui contrariaient sa perversité. Son acte d’accusation là charge d’un tissu de maléfices ou de tentatives de crime. Acquittée sur quelques chefs par le jury, elle fut convaincue d’avoir participé à d’anciens meurtres, et d’avoir assisté à la convention de Northberwick et à d’autres assemblées de sorciers conjurés contre la vie du roi. La peine de crimes semblables était d’être étranglé à un poteau et ensuite livré aux flammes : elle fut condamnée à être brûlée vive, supplice qu’elle subit avec un grand courage le 25 juin 1591. Telle fut l’impression produite par ces scènes sur l’esprit du Salomon écossais qu’elles lui inspirèrent un projet de statut amendant la procédure contre les sorciers et son bizarre Traité de démonologie.
Jade. Pierre à laquelle les Indiens attribuaient, entre autres propriétés merveilleuses, celles de soulager les douleurs de reins, quand on l’y appliquait, et de faire écouler le sable de la vessie. Ils la regardaient aussi comme un remède souverain contre l’épilepsie, et s’étaient persuadé que, portée en amulette, elle était un préservatif contre les morsures des bêtes venimeuses. Ces prétendues propriétés lui avaient donné la vogue à Paris il y a quelques années ; mais cette pierre prodigieuse a perdu sa réputation, et ses grandes vertus sont mises au rang des fables.
Jagghernat, horrible idole de l’Inde ; nous allions dire imprudemment divinité, car on abuse des mots. Mais ce n’est qu’un démon et des pires. Le sang et la mort sont ses délices ; et quand les Anglais se disent effrontément les civilisateurs du monde, Jagghernat règne encore. Voici ce qu’on a pu lire il y a peu de temps dans tous les journaux (1847) : « La grande procession de Jagghernat, qui a lieu tous les ans dans l’Inde, a été inaugurée le 5 août dernier par le renouvellement de ces sacrifices volontaires qu’inspire le fanatisme, et auxquels les Anglais se vantaient d’avoir mis fin. Cinq dévots exaltés se postèrent auprès de la pagode de Bali, sans donner le moindre soupçon de leur projet aux agents de l’autorité, et, au moment où le char gigantesque de l’idole venait de sortir, ils se précipitèrent sous les roues, en invoquant Vishnou, et restèrent littéralement broyés sur la place. À la vue d’une ferveur si ardente, l’enthousiasme de la multitude fut excité à tel point que, sans l’intervention de la force armée, le char sacré eût écrasé une centaine de victimes dans son parcours. Le moyen qui a le mieux réussi à contenir les dévots, ç’a été la menace de supprimer la procession pour toujours, si de nouveaux suicides venaient ensanglanter la fête. »
Jakises, esprits malins répandus dans l’air chez les Japonais. On célèbre des fêtes pour obtenir leurs bonnes grâces.
Jaldabaoth, une des déités des Ophites. Ce personnage avait pour mère Sophie ou la Sagesse et pour père le Chaos.
Jamambuxes ou Jammabos, espèce de fanatiques japonais du genre des fakirs. Ils errent dans les campagnes et prétendent converser familièrement avec le diable. Quand ils vont aux enterrements, ils enlèvent, dit-on, le corps, sans qu’on s’en aperçoive, et ressuscitent le mort. Après s’être meurtris de coups de bâton pendant trois mois, ils entrent en nombre dans une barque, s’avancent en pleine mer, font un trou à la barque et se noient en l’honneur de leurs dieux.
Cette sorte de fakirs fait sa profession, à ce qu’on assure, entre les mains du diable même, qui se montre à eux sous une forme terrible. Ils découvrent les objets perdus ou dérobés ; pour cela, ils font asseoir un petit garçon à terre, les deux pieds croisés ; ensuite ils conjurent le diable d’entrer dans le corps du jeune homme, qui écume, tourne les yeux, et fait des contorsions effrayantes. Le jamambuxe, après l’avoir laissé se débattre, lui recommande de s’arrêter et de dire où est ce qu’on cherche ; le jeune homme obéit : il prononce d’une voix enrouée le nom du voleur, le lieu où il a mis l’objet volé, le temps où il l’a pris, et la manière dont on peut le faire rendre. Voy. Goö.
Jamblique, philosophe platonicien du quatrième siècle, né en Syrie sous le règne de Constantin le Grand. Il fut disciple d’Anatole et de Porphyre. Il admettait l’existence d’une classe de démons ou esprits d’un ordre inférieur, médiateurs entre Dieu et les hommes. Il s’occupait des divinations, et on a vu, à l’article Alectryomancie, que c’est lui qui prédit par cette divination l’avènement au trône de Théodose. On ignore où, quand et comment il mourut ; mais Bodin assure qu’il s’empoisonna lui-même pour éviter le supplice que Valens réservait aux magiciens. On conte qu’étant un jour dans la ville de Gadare en Syrie, pour faire voir sa science magique, il fit sortir en présence du peuple deux génies ou démons d’une fontaine ; il les nommait Amour et Contre Amour ; l’Amour avait les cheveux dorés, tressés et flottants sur les épaules ; ils paraissaient éclatants comme les rayons du soleil ; l’autre était moins brillant ; ce qui attira l’admiration de toute la populace. Leloyer dit encore que c’est Jamblique et Maximus qui ont perdu Julien l’Apostat. — On recherche de Jamblique le traité des Mystères des Egyptiens, des Chaldéens et des Assyriens. Il s’y montre crédule pour toutes les rêveries des astrologues.
Jamma-Loka, enfer indien d’où, après un certain temps de peines et de souffrances, les âmes reviennent en ce monde pour y animer le premier corps où elles peuvent entrer.
Jannès et Mambrès, magiciens d’Égypte, les plus anciens que les saints livres nous fassent connaître par leur nom, après Cham. Ils faisaient apparaître des grenouilles, des serpents ; ils changeaient l’eau du Nil en sang, et tâchaient d’anéantir par leurs prestiges la vérité des miracles que Dieu faisait par l’organe de Moïse.
Jarretière. Secret de la jarretière pour les voyageurs. Vous cueillerez de l’herbe que l’on appelle armoise, dans le temps où le soleil fait son entrée au premier signe du Capricorne ; vous la laisserez un peu sécher à l’ombre, et en ferez des jarretières avec la peau d’un jeune lièvre, c’est-à-dire qu’ayant coupé la peau du lièvre en courroie de la largeur de deux pouces, vous en ferez un redoublé dans lequel vous coudrez ladite herbe, et les porterez aux jambes. Il n’y a point de cheval qui puisse suivre longtemps un homme de pied qui est muni de ces jarretières.
Ou bien vous prendrez un morceau de cuir de la peau d’un jeune loup, dont vous ferez deux jarretières ; sur lesquelles vous écrirez avec votre sang les paroles suivantes : Abumalith cados ; vous serez étonné de la vitesse avec laquelle vous cheminerez, étant muni de ces jarretières à vos jambes. De peur que les caractères écrits ne s’effacent, il sera bon de doubler la jarretière d’un padoue de fil blanc du côté de l’écriture.
« Il y a encore une manière de faire la jarretière, que j’ai lue dans un vieux manuscrit en lettres gothiques. En voici la recette. Vous aurez les cheveux d’un larron pendu, desquels vous ferez des tresses dont vous formerez des jarretières que vous coudrez entre deux toiles de telle couleur qu’il vous plaira ; vous les attacherez aux jambes de derrière d’un jeune poulain ; puis vous laisserez échapper le poulain, le ferez courir à perle d’haleine, et vous vous servirez ensuite avec plaisir de ces jarretières »
On prétendait autrefois que les magiciens pouvaient donner une jarretière enchantée, avec laquelle on faisait beaucoup de chemin en peu de temps. C’est là peut-être l’origine des bottes de sept lieues.
Jaunisse. Les rois de Hongrie croyaient avoir le privilège de guérir la jaunisse par l’attouchement.
Javanais. Nous empruntons aux Études sur les Indes d’un résident néerlandais quelques détails sur les superstitions des Javanais idolâtres : Ils ont une foi entière aux songes, aux présages, divisent les jours en heureux et malheureux, jettent le sort à la naissance, croient aux dons surnaturels, à l’invulnérabilité, à la sorcellerie, aux enchantements, aux charmes, aux philtres. Rocs, forêts, montagnes, cavités, abîmes, tout est, selon eux, habité par des êtres invisibles ; et, ne se bornant point aux rêves de leur cerveau malade, ils ont adopté tout ce que le continent de l’Inde, l’Arabie, la Perse, présentent d’êtres merveilleux. Grands et petits, princes et paysans, ont la même crédulité. Heureusement tout cela est dépourvu le plus souvent de malice et d’artifice ; mais quelquefois leur aveuglement, excité par des motifs puissants, les pousse aux excès les plus coupables et les plus dangereux.
Entre les pratiques les moins à redouter, je citerai la suivante. Il est d’usage parmi les voleurs, à Java, d’exorciser, pour ainsi dire, la maison qu’ils ont dessein de piller ; à cet effet, ils jettent contre les murs, et même, s’il est possible, jusque dans le lit des habitants, une certaine quantité de terre tirée d’une fosse nouvellement creusée, afin d’y introduire un sommeil léthargique : après quoi ils volent avec la plus parfaite sécurité. Cette croyance n’est point bornée aux seuls larrons ; leurs victimes la partagent également. Ils mettent précieusement en réserve de la terre préparée pour cette opération, et souvent, dans les tournées que mes fonctions me forçaient de faire pour réprimer les déprédations, les voleurs que j’ai interrogés m’ont expliqué comment ils s’en servaient.
L’ancien code de Java, encore en vigueur à Bali, est rempli de lois contre la sorcellerie, et prouve jusqu’à l’évidence les funestes effets de la superstition sur l’esprit d’un peuple ignorant et entêté. En voici quelques extraits : « Si l’on écrit le nom d’un individu quelconque sur un drap mortuaire, une bière, une figure de pâte, ou une feuille, et ensuite si l’on enterre cet objet, si on le suspend à un arbre, si on l’expose sur la voie publique, ou au milieu de deux chemins qui se croisent, il y a sorcellerie. — Si l’on écrit le nom d’un individu quelconque sur un ossement, soit de la tête, soit de toute autre partie du corps, et qu’après avoir employé pour cette opération un mélange de sang et de charbon, on le place sur Je seuil d’une porte, il y a sorcellerie. — Quiconque use de sortilèges, sera condamné à mort par le juge, et si la chose est prouvée d’une manière évidente, la peine de mort s’étendra sur les parents, les enfants, les petits-enfants du coupable, sans qu’aucun puisse en être excepté. — Qu’il ne soit point permis aux criminels convaincus d’une telle abomination de souiller plus longtemps la terre parleur présence ; que leurs propriétés de toute espèce soient confisquées ; que les parents et enfants du sorcier soient relégués dans la partie la plus reculée du pays, et s’ils prennent la fuite, qu’ils soient punis de mort ; que leurs biens soient, dans tous les cas, recherchés et confisqués. »
Jayet d’Islande. Les anciens Islandais attribuaient des vertus surnaturelles à ce jayet, qu’ils regardaient comme un ambre noir. Sa principale qualité était de préserver de tout sortilège celui qui en portait sur lui. En second lieu, ils le croyaient un antidote contre le poison. Sa troisième propriété était de chasser les esprits et les fantômes, lorsqu’on en brûlait dans une maison ; la quatrième, de préserver de maladies épidémiques les appartements qui en étaient parfumés. La plupart de ces idées superstitieuses subsistent encore.
Jean (Évangile de saint). Voy. Bibliomancie.
Jean, magicien sectateur d’Apollonius de Tyane. Il courait de ville en ville, faisant le métier de charlatan, et portait une chaîne de fer au cou. Après avoir séjourné quelque temps à Lyon, il acquit une si grande célébrité par ses cures merveilleuses, que le souverain du pays l’admit en sa présence. Jean donna à ce prince une superbe épée enchantée ; elle s’entourait merveilleusement, dans le combat, de cent quatre-vingts couteaux tirés. Il lui donna aussi un bouclier portant un miroir, qu’il disait avoir la vertu de divulguer les plus grands secrets. Ces armes disparurent un jour ou furent volées ; sur quoi Delancre conclut que si les rois de France dressaient, comme les ducs d’Italie, des arsenaux de vieilleries (ce qu’ils font à présent), on y trouverait de ces armes enchantées et fabriquées par quelque magicien ou sorcier.
Jean, patriarche schismatique de Constantinople. Zonaras conte que l’empereur grec Théophile, se voyant obligé de mettre à la raison une province révoltée sous la conduite de trois capitaines, consulta le patriarche Jean, habile enchanteur. Celui-ci fit faire trois gros marteaux d’airain, les mit entre les mains de trois hommes robustes, et conduisit ces hommes au milieu du cirque, devant une statue de bronze à trois têtes. Ils abattirent deux de ces tètes avec leurs marteaux, et firent pencher le cou à la troisième sans l’abattre. Peu après, une bataille se donna entre Théophile et les rebelles : deux des capitaines furent tués, le troisième fut blessé et mis hors de combat, et tout rentra dans l’ordre.
Jean XXII, pape, mort en 1334, après un pontificat de dix-huit ans. On lui attribue les Taxes de la chambre apostolique, traduites en français sous le titre de Taxes des parties casuelles de la boutique du pape. Ce texte, presque partout, est une supposition d’un protestant faussaire. On donne encore à Jean XXII l’Élixir des philosophes ou l’Art transmutatoire des métaux, livre qu’il n’a pas fait. Ce livre a été traduit du latin en français ; in-12, Lyon, 1557.
On dit enfin que Jean XXII ou Jean XXI s’occupait d’astrologie et s’amusait à supputer les changements de temps. On a fait là-dessus de petits contes assez dépourvus de sel.
Jean ou Iwan Basilowitz, grand-duc de Moscovie, au quatorzième siècle, tyran cruel. À l’article de la mort, il tomba, dit-on, dans des pâmoisons terribles, et son âme fit de pénibles voyages. Dans le premier, il fut tourmenté en un lieu obscur, pour avoir tenu au cachot des prisonniers innocents ; dans la seconde excursion, il fut encore plus tourmenté pour avoir accablé le peuple d’impôts ; et son successeur Théodore eut soin de l’en décharger en partie. Iwan mourut à son troisième voyage ; son corps jeta une puanteur si infecte qu’on ne pouvait l’approcher ; ce qui fit penser que son âme avait été emportée par le diable ; d’autant plus que son cadavre avait disparu, quand vint le jour fixé pour l’enterrement.
Jean-Baptiste. Il y a des paysans qui croient, on ne sait sur quelle autorité, que saint Jean-Baptiste est né dans un chameau…
Jean d’Arras, écrivain français du quatorzième siècle, qui compila le roman de Mélusine. Voy. ce mot.
Jean d’Estampes. D’anciennes chroniques rapportent que Jean d’Estampes, l’un des gardes de Charlemagne, mourut en 1139, après avoir vécu 336 ans ; mais d’autres disent qu’il ne vécut, que 250 ans : malheureusement son secret de longévité n’est connu de personne.
Jean de Leyde ou Jean Bockelson, chef des anabaptistes de Münster, qu’il constitua en république communiste et sociale ; il s’y posa en inspiré, fit une constitution ébouriffante et une religion spéciale. Il était tailleur à Leyde ; il se proclama roi à Münster, prit la couronne et battit monnaie. Il disait qu’il ramenait le règne de Salomon. Dans sa liturgie commode, on dansait, puis on communiait en plein air avec des gâteaux et du vin ; le gâteau et la coupe étaient présentés aux hommes par des femmes et aux femmes par des hommes. Devenu roi, Jean, que possédaient évidemment plusieurs démons dont il servait les désirs, épousa seize femmes qu’il appela toutes reines ; il tua en même temps tous ceux qui lui paraissaient suspects de ne pas le vénérer. Il en venait à se faire adorer, quand les princes qu’il dépossédait l’assiégèrent dans Münster, le prirent et le mirent à mort sur un échafaud.
Jean de Meung, astrologue qui composa le roman de la Rose, où il montra bien son savoir, quoiqu’il ne fût âgé que de dix-neuf ans lorsqu’il le fit. Il est aussi l’auteur d’un livre intitulé Traité sur la direction des nativités et révolutions des ans ; il traduisit le livre des Merveilles d’Irlande. On prétend que c’est lui qui a prédit les hauts faits d’armes du connétable de France Bertrand du Guesclin.
Jean de Milan, astrologue du quinzième siècle, qui prédit à Velasquez, gouverneur d’Hispaniola ou Saint-Domingue, l’heureuse issue delà guerre du Pérou, entreprise par Fernand Cortez.
Jean de Sicile, habile astrologue et théologien qui prédit le couronnement de l’empereur Sigismond. C’est encore lui qui annonça à Boucicault ce qui lui devait advenir, et qui l’avertit de la trahison que firent aux Français le marquis de Montferrat et le comte Francisque, trahison qu’il évita en fuyant.
Jean le Chasseur. Voy. Kojosed.
Jean Mullin. Voy. Mullin.
Jeanne d’Arc, dite la Pucelle d’Orléans, née en Champagne, à Domremy près de Vaucouleurs, sur la lisière de la Lorraine, en 1410. Jamais la France ne fut accablée de calamités aussi grandes que durant le demi-siècle qui précéda l’année mémorable où l’on vit le courage abattu de ses guerriers, près de subir complètement le joug de l’étranger, se ranimer à la voix d’une jeune fille de dix-huit ans. Charles VII était sur le point de céder à l’ennemi Chinon, sa dernière place, lorsque Jeanne d’Arc parut, vers la fin de février 1429. Ce n’était qu’une simple paysanne. Son père se nommait Jacques d’Arc ; sa mère, Isabelle Ramée. Dès sa plus tendre enfance elle avait montré une timidité sans exemple et fuyait le plaisir pour se livrer tout entière à Dieu ; elle avait seize ans, lorsqu’un jour, à midi, elle vit dans le jardin de son père l’archange Michel, l’ange Gabriel, sainte Catherine et sainte Marguerite, resplendissants de lumière. Ces saints, depuis, la guidèrent dans ses actions. Les voix (car elle s’exprimait ainsi) lui ordonnèrent d’aller en aide au roi de France, et de faire lever le siège d’Orléans. Malgré les avis contraires, elle obéit aux voix et se rendit d’abord à Vaucouleurs. Jean de Metz, frappé de ce qu’elle lui dit, se chargea de la présenter au roi. Ils arrivèrent tous deux, le 24 février 1429, à Chinon, où Charles tenait sa petite cour. Jeanne s’agenouilla devant lui. L’étonnement fut grand ; et on hésita d’abord devant une mission si merveilleuse ; mais après un examen sérieux et de savantes consultations, on donna à la jeune fille des chevaux et des hommes ; on l’arma d’une épée que, sur sa révélation, on trouva enterrée dans l’église de Sainte-Catherine de Fierbois. Elle se rendit aussitôt sous les murs d’Orléans, et combattit dès le premier jour avec un courage qui éclipsa celui des grands capitaines. Elle chassa les Anglais d’Orléans, fit ensuite, selon l’ordre qu’elle avait reçu, sacrer son roi à Reims, lui rendit Troyes, Châlons, Auxerre, et la plus grande partie de son royaume. Après quoi, elle voulut se retirer, disant formellement que sa mission était accomplie. Mais elle avait donné trop de preuves de sa vaillance, et l’armée avait trop de confiance en elle, pour qu’on lui accordât sitôt sa liberté. Ce fut la cause de ses malheurs : elle les prévit, les annonça en pleurant ; et bientôt, s’étant jetée dans Compiègne pour défendre cette place contre le duc de Bourgogne, elle fut prise par un gentilhomme picard qui la vendit à Jean de Luxembourg, lequel la revendit aux Anglais.
Pour se venger de ce qu’elle les avait trop souvent vaincus, ceux-ci l’accusèrent d’avoir employé les sortilèges et la magie à ses triomphes. On la traduisit devant un tribunal corrompu, qui la déclara fanatique et sorcière. Ce qui n’est pas moins horrible, c’est que l’ingrat monarque qui lui devait sa couronne l’abandonna ; il crut n’avoir plus besoin d’elle. Le procès se poursuivit avec activité. Durant l’instruction, Ligny-Luxembourg vint la voir, accompagné de Warwick et de Straffort : — Je sais bien, leur dit-elle, que ces Anglais me feront mourir, croyant qu’après ma mort ils gagneront le royaume de France. Mais, seraient-ils cent mille, avec ce qu’ils sont à présent, ils n’auront pas ce royaume. — Fatiguée de mauvais traitements, elle tomba dangereusement malade. Bedfort, Wincester, Warwick chargèrent deux médecins d’avoir soin d’elle, et leur enjoignirent de prendre bien garde qu’elle ne mourût de sa mort naturelle ; « le roi d’Angleterre l’avait trop cher achetée pour être privé de Ici joie de la faire brûler. »
Enfin on la conduisit à la place du cimetière de l’abbaye de Rouen. L’exécuteur l’attendait là avec une charrette, pour la mener au bûcher sous l’escorte de cent vingt hommes. On l’avait revêtue d’un habit de femme ; sa tête était chargée d’une mitre en carton, sur laquelle étaient écrits ces mots : Hérétique, relapse, apostate, idolâtre. Deux pères dominicains la soutenaient ; elle s’écriait sur la route : Ah ! Rouen, Rouen, tu seras ma dernière demeure !
On avait élevé deux échafauds sur la place du Vieux-Marché. Les juges attendaient leur victime chargée de fers. Son visage était baigné de pleurs : on la fit monter sur le bûcher, qui était fort élevé,
pour que le peuple entier pût la voir. Lorsqu’elle sentit que la flamme approchait, elle avertit les deux religieux de se retirer. Tant qu’elle conserva un reste de vie, au milieu des gémissements que lui arrachait la douleur, on l’entendit répéter le nom de Jésus, en baisant une croix de bois qu’elle tenait de ses mains enchaînées. Un dernier soupir, longuement prolongé, avertit qu’elle venait d’expirer. Alors le cardinal de Wincester fit rassembler ces cendres, et ordonna qu’elles fussent jetées dans la Seine. Son cœur, dit-on, fut respecté par les flammes : on le trouva sain et entier. En face du bûcher, s’élevait un tableau portant une inscription qui qualifiait Jeanne de meurderesse, invocatrice des démons, apostate et mal créante de la foi de Jésus-Christ.
Louis XI fit réhabiliter la mémoire de Jeanne d’Arc. Deux de ses juges furent brûlés vifs, deux autres exhumés, pour expier aussi dans les flammes leur jugement inique. Mais le procès de la Pucelle n’en sera pas moins à jamais un sujet d’opprobre pour les Anglais et aussi pour le roi Charles VII.Jeanne Dibisson, sorcière, arrêtée à l’âge de vingt-neuf ans. On l’avait vue plusieurs fois danser au sabbat ; elle disait que ceux qui y vont trouvent le temps si court qu’ils n’en peuvent sortir sans regret. Il ne paraît pas qu’elle ait été brûlée
Jeanne du Hard, sorcière, saisie à l’âge de cinquante-six ans. On la trouve impliquée dans l’affaire de Marie Chorropique, pour lui avoir touché le bras, lequel devint mort. Nous ne dirons pas si elle fut brûlée.
Jeanne (Mère). Une vieille fille vénitienne, connue sous le nom de mère Jeanne, infatua tellement Guillaume Postel de ses rêveries qu’il soutint, dans un livre écrit à son sujet, que la rédemption des femmes n’avait pas encore été achevée, et que cette Vénitienne devait accomplir ce grand ouvrage. C’était la mère que cherchent aujourd’hui les saint-simoniens et qu’ils ne retrouvent plus.
Jeanne Southcote. Voy. Southcote.
Jédaï, divinité peu précise des Tartares de l’Altaï. Ils lui donnent cependant le titre de roi, et ils racontent qu’il possédait un briquet duquel il faisait jaillir des guerriers par centaines ; il en tirait aussi des ponts pour traverser les fleuves, et des vents qui lui frayaient une route à travers les déserts.
Jéhovah. Ce nom auguste est employé souvent chez les cabalistes juifs. On le trouve dans les odieuses et absurdes conjurations de la magie noire.
Jénounes. Quelques Arabes nomment ainsi une sorte de génies intermédiaires entre les anges et les diables : ils fréquentent les bosquets et les fontaines, cachés sous la forme de divers reptiles, exposés à être foulés sous les pieds des passants. La plupart des maladies sont le résultat de leurs vengeances. Lorsqu’un Arabe est indisposé, il s’imagine avoir outragé un de ces agents invisibles ; il a aussitôt recours aune magicienne qui se rend à quelque source voisine, y brûle de l’encens et sacrifie un coq ou une poule, un bélier ou une brebis, suivant le sexe, la qualité du malade ou la nature de la maladie.
Jérôme (Saint). On a eu le front de lui attribuer des livres de nécromancie, et particulièrement l’Art notoire. Voy. ce mot.
Jérôme, habitant de Plaisance au quinzième siècle. Séduit par une magicienne, il se frotta d’un onguent qu’elle lui donna et fit certains signes qu’elle lui indiquait. Il se sentit aussi enlevé, comme s’il eût été sur un cheval, et emporté au sabbat, autour du noyer de Bénévent. Éclairé ainsi, il renonça à Satan et entra dans l’ordre de Saint-Benoît, où il mourut chrétien.
Jérusalem. Avant la destruction de Jérusalem par Titus, fils de Vespasien, on distingua, dit-on, une éclipse de lune qui se répéta douze nuits de suite. Un soir, vers le coucher du soleil, on aperçut dans l’air des chariots de guerre, des cavaliers, des cohortes de gens armés, qui, mêlés aux nuages, couvraient toute la ville et l’environnaient de leurs bataillons. Pendant le siège, et peu de jours avant la ruine de la ville, on vit tout à coup paraître un homme absolument inconnu, qui se mit à parcourir les rues et les places publiques, criant sans cesse : « Malheur à toi, Jérusalem ! » On le fit battre de verges ; on le déchira de coups, pour lui faire dire d’où il sortait ; mais sans pousser une seule plainte, sans répondre un seul mot, sans donner le moindre témoignage de souffrance, il criait toujours et sans relâche : « Malheur à toi, Jérusalem ! » Enfin, un jour qu’il se trouvait sur le rempart, il s’écria : « Malheur à moi-même !» et un instant après il fut écrasé par une des pierres que lançaient les assiégeants.
Jésabel, reine des Israélites, que Jéhu fit manger aux chiens après l’avoir fait précipiter du haut d’une tour, et que Bodin met au nombre des sorcières. Elle mérite cet opprobre, car elle adorait les démons.
Jetzer. L’affaire des jacobins de Berne a fait un grand bruit ; et les ennemis de la religion l’ont travestie avec une insigne mauvaise foi. Voici toute l’histoire :
Les dominicains ou jacobins ne s’accordaient pas entièrement avec les cordeliers sur le fait auguste de l’immaculée conception de la très-sainte Vierge. Les dominicains ne l’admettaient pas absolument. Or, au commencement du seizième siècle, il y avait au couvent des dominicains de Berne, alors fort relâché, quatre mauvais moines, qui imaginèrent une affreuse jonglerie pour faire croire que la sainte Vierge se prononçait contre les cordeliers, qui défendaient une de ses plus belles et de ses plus incontestables prérogatives. Us avaient parmi eux un jeune moine, simple et crédule, nommé Jetzer ; ils lui firent apparaître pendant la nuit des âmes du purgatoire et lui persuadèrent qu’il les délivrerait en restant couché en croix dans une chapelle, pendant le temps qu’on célébrerait la sainte messe. On lui fit voir ensuite sainte Barbe, à laquelle il avait beaucoup de dévotion, et qui lui annonça qu’il était destiné à de grandes choses. Par une nouvelle imposture sacrilège, le sous-prieur, qui était un des quatre moines criminels, fit le personnage de la sainte Vierge, s’approcha la nuit de Jetzer et lui donna trois gouttes de sang, disant que c’étaient trois larmes que Jésus-Christ avaient répandues sur Jérusalem. Ces trois larmes signifiaient que la sainte Vierge était restée trois heures dans le péché originel… Cette explication était rehaussée de diatribes contre les cordeliers. Jetzer, qui était de bonne foi et qui avait l’âme droite, s’inquiétait de la passion qui perçait dans cette affaire, et se troublait surtout de reconnaître la voix du sous-prieur dans la voix de la sainte Vierge. Pour le raffermir, on l’endormit avec un breuvage et on voulut le stigmatiser ; puis, comme il ne répondait pas à l’espoir qu’on avait mis en lui, on chercha, dit-on, à l’empoisonner et on l’enferma ; mais il trouva moyen de s’échapper ; il s’enfuit à Rome, où il révéla toute l’intrigue. Le Saint-Siège fit poursuivre les moines scélérats et les fit livrer au bras séculier. Les quatre dominicains coupables furent brûlés le 31 mars 1509, à la porte de Berne. Mais le malheur de ces grandes profanations, c’est que les ennemis de l’Église oublient la réparation ou la taisent, et n’en gardent que le scandale.
Jeu. Prenez une anguille morte par faute d’eau ; prenez le fiel d’un taureau qui aura été tué par la fureur des chiens ; mettez-le dans la peau de cette anguille, joignez-y une drachme de sang de vautour ; liez la peau d’anguille par les deux bouts avec de la corde de pendu, et cachez cela dans du fumier chaud l’espace de quinze jours ; puis vous le ferez sécher dans un four chauffé avec de la fougère cueillie la veille de la Saint-Jean, et vous en ferez un bracelet, sur lequel vous écrirez avec une plume de corbeau et de votre propre sang ces quatre lettres HVTV, et, portant ce bracelet autour de votre bras, vous ferez fortune dans tous les jeux. Voy. Roitelet.
Jeudi. Les sorciers font ce jour-là un de leurs plus abominables sabbats, s’il faut en croire les démonomanes.
Jézer-Tob, Jézer-Hara. Suivant l’ancienne cabale des Juifs, le monde des esprits est partagé, comme notre monde, en deux catégories : les esprits de lumière et les esprits de ténèbres. Jézer-Tob est le chef ou président des esprits de lumière, et Jézer-Hara le chef des esprits de ténèbres ou démons.
Joachim, abbé de Flore, en Calabre, passa pour prophète pendant sa vie et laissa des livres de prédictions qui ont été condamnés en 1215 par le concile de Latran. On lui attribue aussi l’ouvrage intitulé l’Evangile éternel.
Job. Des alchimistes disent que Job, après son affliction, connut le secret de la pierre philosophale, et devint si puissant qu’il pleuvait chez lui du sel d’or ridée analogue à celle des Arabes, qui tiennent que la neige et les pluies qui tombaient chez lui étaient précieuses.
Isidore place dans l’Idumée la fontaine de Job, claire trois mois de l’année, trouble trois mois, verte trois mois et rouge trois autres mois. C’est peut-être cette fontaine que, selon les musulmans, l’ange Gabriel fit sortir en frappant du pied, et dont il lava Job et le guérit.
Jobard, savant très-spirituel, mort à Bruxelles en 1861. Les spirites de Paris l’ont évoqué ; il a répondu : au moins on l’assure ; et les journaux annonçaient, au commencement de 1862, que sa verve était très-compromettante pour beaucoup de savants restés en vogue.
Jocaba. Voy. Cincinnatulus.
Jockey des Fées. On a souvent répété, en Écosse, l’histoire d’un audacieux jockey, lequel vendit un cheval à un vieillard très-vénérable d’extérieur, qui lui indiqua, dans les montagnes d’Eildon, Lucken-Hare comme l’endroit où, à minuit sonnant, il recevrait son prix. Le marchand y alla, son argent lui fut payé en pièces antiques, et l’acheteur l’invita à visiter sa résidence. Il suivit avec étonnement plusieurs longues rangées de stalles, dans chacune desquelles un cheval se tenait immobile, tandis qu’un soldat armé de toutes pièces était couché, aussi sans mouvement, aux pieds de chaque noble animal. « Tous ces hommes, dit à voix basse le maître du lieu, s’éveilleront à la bataille de Sheriffmoor. »
À l’extrémité étaient suspendus une épée et un cor qui devait rompre le charme. Le jockey prit le cor et essaya d’en donner. Les chevaux tressaillirent aussitôt dans leurs stalles ; les soldats se levèrent et firent retentir leurs armes. Une voix forte prononça ces mots : « Malheur au lâche qui ne saisit pas le glaive avant d’enfler le cor. » Un tourbillon de vent chassa l’acheteur de la caverne, dont il ne put jamais retrouver l’entrée…
Jogonnata. Voy. Jagghernat.
Johannes de Curüs. Voy. Flaxbinber.
Johnson (Samuel). Johnson, incrédule pour tout ce qui n’était qu’extraordinaire, adoptait avec plus de confiance tout ce qui sentait le miracle, traitant de fable, par exemple, un phénomène de la nature, et écoutant volontiers le récit d’un songe ; doutant du tremblement de terre de Lisbonne pendant six mois, et allant à la chasse du revenant de Cock-Lane ; rejetant les généalogies et les poèmes celtiques, et se déclarant prêt à ajouter foi à la seconde vue des montagnards d’Écosse. En religion, plusieurs de ses opinions étaient plus que libres, et en même temps il vivait sous la tyrannie de certaines pratiques superstitieuses.
Joli-Bois. Voy. Verdelet.
Jongleurs. Voy. Escamoteurs, Harvis, Charlatans, etc.
Jormungandur, serpent monstrueux de l’enfer Scandinave, né du diable et de la géante Angerbode.
Josefsdal (Vallée de Josef). De nos jours encore, on donne ce nom, en Suède, au lieu où se fait le sabbat des sorciers.
Joseph. On croit dans plusieurs pays que les magiciens et sorciers n’ont aucun pouvoir sur ceux qui ont reçu au baptême le nom de Joseph.
Josué Ben-Levi, rabbin si rusé et si sage qu’il trompa le ciel et l’enfer tout ensemble. Comme il était près de trépasser, il gagna si bien le diable qu’il lui fit promettre de le porter jusqu’à l’entrée du paradis, lui disant qu’il ne voulait que voir le lieu de l’habitation divine, et qu’il sortirait du monde plus content. Le diable, ne voulant pas lui refuser cette satisfaction, le porta jusqu’au guichet du paradis ; mais Josué, s’en voyant si près, se jeta dedans avec vitesse, laissant le diable derrière, et jura par le Dieu vivant qu’il n’en sortirait point. Dieu, disent les rabbins, fit conscience que le rabbin se parjurât et consentit à ce qu’il demeurât avec les justes.
Jours. Les magiciens et sorciers ne peuvent rien deviner le vendredi ni le dimanche. Quelques-uns disent même que le diable ne fait pas ordinairement ses orgies et ses assemblées ces jours-là ; mais ce sentiment n’est pas général. Si on rogne ses ongles les jours de la semaine qui ont un r, comme le mardi, le mercredi et le vendredi, il viendra des envies aux doigts. Il n’est pas facile d’en donner la raison. Suivant une autre croyance répandue en Hollande, en ne coupant ses ongles que le vendredi, on n’a jamais mal aux dents. On a fait des tables des jours heureux et malheureux pour chaque mois ; mais comme elles varient toutes, le jour heureux de l’une étant malheureux dans l’autre, nous laissons aux amateurs le soin de dresser ces tables à leur gré pour leur usage.
Judas Iscariote. Après sa trahison infâme, il fut possédé du diable et se pendit à un sureau. Les Flamands appellent encore les excroissances parasites de l’écorce du sureau sueur de Judas.
Jugement de Dieu. Voy. Épreuves, Ordalie, etc.
Jugement dernier. Les musulmans disent que le jour du jugement dernier durera cinquante mille ans. Mais chacun y sera si occupé qu’on ne s’en apercevra pas.
Juif errant. On voit dans la légende du Juif errant que ce personnage était cordonnier de sa profession, et qu’il se nommait Ahasvérus ; mais la complainte l’appelle Isaac Laquedem. À l’âge de dix ans, il avait entendu dire que trois rois cherchaient le nouveau roi d’Israël ; il les suivit et visita avec eux la sainte étable de Bethléem. Il allait souvent entendre Notre-Seigneur. Lorsque Judas eut vendu son maître, Ahasvérus abandonna aussi celui qu’on trahissait.
Comme on conduisait Jésus au Calvaire chargé de l’instrument de sa mort, le bon Sauveur voulut se reposer un instant devant la boutique du cordonnier, qui, craignant de se compromettre, lui dit : « Allez plus loin, je ne veux pas qu’un criminel se repose à ma porte. » Jésus le regarda et lui répondit : « Je vais et reposerai ; mais vous marcherez et vous ne reposerez pas ; vous marcherez tant que le monde durera, et au jugement dernier vous me verrez assis à la droite de mon Père. » Le cordonnier prit aussitôt un bâton à la main et se mit à marcher sans pouvoir s’arrêter nulle part. Depuis dix-huit siècles il a parcouru toutes les contrées du globe sous le nom de Juif errant. Il a affronté les combats, les naufrages, les incendies. Il a cherché partout la mort et ne l’a pas trouvée. Il a toujours cinq sous dans sa bourse. Personne ne peut se vanter de l’avoir vu ; mais nos grands-pères nous disent que leurs grands-pères l’ont connu, et qu’il a paru, il y a plus de cent ans, dans certaines villes. Les aïeux de nos grands-pères en disaient autant, et les bonnes gens croient à l’existence personnelle du Juif errant.
Ce n’est pourtant qu’une allégorie ingénieuse, qui représente toute la nation juive, errante et dispersée depuis l’anathème tombé sur elle. Leur race ne se perd point, quoique confondue avec les nations diverses, et leurs richesses sont à peu près les mêmes dans tous les temps aussi bien que leurs forces. M. Edgar Quinet a fait sur Ahasvérus un poème humanitaire ; M. le baron de Reiffenberg une chronique.
Juifs. Indépendamment de ce coup de foudre qui marque partout les juifs et les fait partout reconnaître, il y a sur eux plusieurs signes d’abandon. Tant qu’ils ont été le peuple fidèle, ils ont conservé intact le dépôt des saintes Écritures. Depuis leur crime, les enseignements de Moïse et des prophètes se sont étouffés chez eux sous les incroyables absurdités du Talmud ; et le sens n’est plus avec eux. La terre sainte, qui était le plus fertile et le plus beau pays du monde, maudite depuis dix-huit siècles, est devenue si misérable qu’elle ne nourrit plus ses rares habitants. Partout les juifs se sont vus mal tolérés. Souvent on les poursuivit pour des crimes imaginaires ; mais leur histoire est souvent chargée de crimes trop réels. On les chassa de l’Espagne, qu’ils voulaient dominer ; et sans cette mesure la Péninsule serait aujourd’hui la proie des juifs et des Maures. Souvent, sans doute, on mit peu d’humanité dans les poursuites exercées contre eux ; mais on ne les bannissait pas sans leur donner trois mois pour s’expatrier, et ils s’obstinaient à demeurer dans les pays où leurs têtes étaient proscrites.
Parmi les moyens que l’on employait pour les découvrir, il en est un singulier que rapporte Tostat dans son livre des Démons : c’était une tête d’airain, une androïde, qui, en Espagne, dit-il, révélait les juifs cachés…
Ils faisaient l’usure et dépouillaient les chrétiens dans les contrées où ils étaient soufferts ; puis, quand ils avaient tout ravi, les princes qui avaient besoin d’argent les faisaient regorger avec violence. Dans de tels cas, ils essuyèrent surtout de grandes vexations chez les Anglais. Le roi Jean fit un jour emprisonner les riches juifs de son royaume pour les forcer à lui donner de l’argent ; un d’eux, à qui on arracha sept dents l’une après l’autre, en l’engageant de la sorte à contribuer, paya mille marcs d’argent à la huitième. Henri III tira d’Aaron, juif d’York, quarante mille marcs d’argent et dix mille pour la reine. Il vendit les autres Juifs de son pays à son frère Richard pour le terme d’une année, afin que ce comte éventrât ceux qu’il avait déjà écorchés, comme dit Matthieu Paris… En général, lorsqu’on tolérait les juifs, on les distinguait des autres habitants par des marques infamantes.
« Avant de quitter Jaffa, dit un illustre voyageur, je ne vous parlerai pas d’une coutume que vous ignorez peut-être et qui est établie chez les Grecs de cette ville. Chaque soir, pendant le carême, les petits enfants des familles grecques vont à la porte des maisons chrétiennes et demandent avec des cris monotones, qu’on prendrait pour une complainte, du bois ou des paras (liards) pour acheter du bois. — Donnez, donnez, disent-ils ; et l’an prochain vos enfants seront mariés ; et leurs jours seront heureux ; et vous jouirez longtemps de leur bonheur.
» Le bois que sollicitent ces enfants est destiné à brûler les juifs. C’est le soir du jeudi saint des Grecs qu’on allume les feux ; chaque petite troupe allume le sien. On fabrique un homme de paille avec le costume juif, et la victime en effigie est ainsi conduite devant le feu, au milieu des clameurs et des huées. Les enfants délibèrent gravement sur le genre de supplice auquel il faut condamner l’Israélite ; les uns disent : Crucifions-le, il a crucifié Jésus-Christ ; les autres : Coupons-lui la barbe et les bras ; puis la tête ; d’autres enfin : Fendons-le, déchirons-lui les entrailles, car il a tué notre Dieu. Le chef de la troupe, prenant alors la parole : — Qu’est-il besoin, dit-il, de recourir à tous ces supplices ? Il y a là un feu tout allumé ; brûlons le juif. — Et le juif est jeté dans les flammes. — Feu, feu, s’écrient les enfants, ne l’épargne pas, dévore-le ; il a souffleté Jésus-Christ ; il lui a cloué les pieds et les mains. — Les enfants énumèrent ainsi toutes les souffrances que les juifs firent endurer au Sauveur. Quand la victime est consumée, on jette au vent ses cendres avec des imprécations ; et puis chacun se retire, satisfait d’avoir puni le bourreau du Christ. — De semblables coutumes portent avec elles leur caractère, et n’ont pas besoin d’être accompagnées de réflexions. »
Les diverses religions sont plus ou moins tolérées dans les États des Turcs et des Persans. Des juifs, à Constantinople, s’avisèrent de dire, en conversation, qu’ils seraient les seuls qui entreraient dans le paradis. — Où serons-nous donc, nous autres ? leur demandèrent quelques Turcs avec qui ils s’entretenaient. — Les juifs, n’osant pas leur dire ouvertement qu’ils en seraient exclus, leur répondirent qu’ils seraient dans les cours. Le grand vizir, informé de cette dispute, envoya chercher les chefs de la synagogue et leur dit que, puisqu’ils plaçaient les musulmans dans les cours du paradis, il était juste qu’ils leur fournissent des tentes, afin qu’ils ne fussent pas éternellement exposés aux injures de l’air. On prétend que c’est depuis ce temps-là que les juifs, outre le tribut ordinaire, payent une somme considérable pour les tentes du grand seigneur et de toute sa maison, quand il va à l’armée.
Nous ne réveillerons pas ici les accusations portées contre les juifs à propos de l’assassinat commis à Damas, le 5 février 1840, contre le père Thomas et son domestique. Ceux qui ont lu les pièces officielles de ce triste procès savent ce qu’ils doivent en penser. Mais nous extrairons du savant Journal historique et littéraire de Liège (janvier 1841) un passage relatif à la doctrine des juifs sur le meurtre :
« Le célèbre rabbin Maimonides, mort en 1205, écrivait à l’époque où les juifs furent le plus accusés de meurtres sur les chrétiens. Un de ses principaux ouvrages est le Jad Chazakah ou la Main forte, qui est un abrégé substantiel du Talmud. Voici ce qu’il dit :
« Il nous est ordonné de tuer les hérétiques (minim), c’est-à-dire ceux des Israélites qui se livrent à l’idolâtrie, ou celui qui pêche pour irriter le Seigneur, et les épicuriens, c’est-à-dire ceux des Israélites qui n’ajoutent pas foi à la loi et à la prophétie. Si quelqu’un a la puissance de les tuer publiquement par le duel, qu’il les tue de cette manière. S’il ne peut faire ainsi, qu’il tâche de les circonvenir par fraude jusqu’à ce qu’il leur ait donné la mort. Mais de quelle manière ? Je réponds : S’il voit l’un d’eux tombé au fond d’un puits dans lequel une échelle avait été placée auparavant, qu’il la retire et dise : Je suis obligé de faire descendre du toit mon fils qui est en danger ; quand je l’aurai sauvé, je vous remettrai l’échelle. Et ainsi des autres circonstances. »
» Ce passage n’est qu’une paraphrase du texte talmudique de l’Avoda-Sara, chap., II, qui prescrit les mêmes manœuvres pour faire périr les hérétiques. Il ajoute un autre expédient, celui de fermer le puits au moyen d’une pierre, et de dire qu’on l’a couvert de crainte que le bétail n’y tombât. L’objet de ces homicides est moins déterminé dans le Talmud que dans le passage de Maimonides ; il laisse plus de latitude aux coups meurtriers. Tous les minim sont désignés au fer assassin ; et il est notoire que les chrétiens sont appelés de ce nom. Le Talmud appelle les Évangiles le livre des minim. Maimonides compte parmi les hérétiques (minim) ceux qui prétendent que Dieu a pris un corps et qui adorent, outre le Seigneur, un médiateur entre lui et nous, c’est-à-dire les chrétiens.
» La haine des juifs contre les chrétiens est ancienne. Sans remonter au premier siècle, tout plein d’exemples sanglants, Chosroês, roi de Perse, fit, en 615, une irruption sur la Palestine ; il comptait sur les juifs pour se défaire des chrétiens. Il prit Jérusalem et fit une multitude de prisonniers chrétiens qu’il vendit aux juifs. Leur empressement fut tel que chacun consacrait une partie de son patrimoine à l’achat des prisonniers chrétiens, qu’il massacrait aussitôt. Mais est-ce vrai ? Basnage, dans son Histoire des juifs, raconte ces massacres sans élever le moindre doute sur leur authenticité. Des Juifs convertis ont avoué plusieurs fois que chez eux on massacrait des enfants volés ou achetés, sous prétexte qu’en les tuant on empêchait toute une race idolâtre de naître. On peut aller loin avec ce principe.
» Leurs rabbins disent que le précepte du Décalogue : Non occides, vous ne tuerez point, n’oblige qu’à l’égard des Israélites. Lévi ben Gersom, dans son commentaire sur le Pentateuque, dit : « Les paroles Vous ne tuerez point signifient : vous ne tuerez point parmi les Israélites ; car il nous est permis de tuer les animaux ; il nous est aussi ordonné de tuer une partie des nations, comme Amalech et les autres nations à qui il nous est commandé de ne pas laisser la vie. Il est donc clair que le commandement défend seulement de tuer les Israélites. »
» Maimonides dit aussi qu’on viole ce commandement lorsqu’on tue un Israélite, laissant assez entendre qu’on ne le viole pas en tuant un chrétien ou un gentil. « Un Israélite qui a tué un étranger habitant parmi nous, dit-il ailleurs, ne peut d’aucune manière être condamné à mort. » Dans le Bava mezia, il est encore dit que les juifs sont des hommes et que les autres peuples du monde sont des brutes. Les rabbins enseignent que les autres peuples du monde n’ont pas d’âme humaine ; et ils les traitent, surtout les chrétiens, de porcs, de bœufs, de chiens, d’ânes et de sangliers. Dès lors le précepte : Vous ne tuerez point, n’obligeant point envers les animaux, n’oblige pas envers les chrétiens.
» Ces doctrines ne sont ni celles de Moïse, ni celles des autres livres saints. Ce sont les doctrines des talmudistes, rabbins ou scribes. Mais Buxtorf assure (in Synagoga Judaïca) que cet axiome est vulgaire : Mon fils, faites plus attention aux paroles des scribes (ou rabbins) qu’à celles de la loi. Salomon Jarchi, un des plus fameux docteurs juifs, écrit dans ses commentaires sur le Deutéronome : « Vous ne vous écarterez pas des paroles des rabbins, quand même ils vous diraient que votre main droite est votre main gauche, ou que votre gauche est votre droite. Vous le ferez donc bien moins lorsqu’ils appelleront votre droite, droite, et votre gauche, gauche. »
Cependant, de nos jours et chez nous, les juifs, non plus tolérés seulement, mais devenus citoyens, ne s’occupent plus de la magie comme autrefois et abandonnent complètement les doctrines désolantes de leurs vieux talmudistes. Nous pourrions en citer plusieurs parmi les notables qui comprennent le lien des deux testaments et qui sont beaucoup plus près du catholicisme que les philosophes et quelques protestants. Dieu veuille qu’ils deviennent tous bientôt nos frères en Jésus-Christ !
Julien l’Apostat, né en 331, empereur romain, mort en 363. Variable dans sa philosophie, inconstant dans sa manière de penser, après avoir été chrétien, il retomba dans le paganisme. Les ennemis seuls de l’Église ont trouvé dans quelques qualités apparentes des prétextes pour faire son éloge. Ce sage consultait Apollon et sacrifiait aux dieux de pierre, quoiqu’il connut la vérité. Les démonomanes l’ont mis au nombre des magiciens ; et il est vrai qu’il croyait fermement à la magie, qu’il attribuait à cette puissance les miracles de Notre-Seigneur, dont il n’était pas assez stupide pour nier l’évidence, et il expliquait de la même manière les prodiges que Dieu accordait alors encore à la foi ferme des chrétiens. Enfin, avec Maximus et Jamblique, il évoquait les esprits, consultait les entrailles des victimes et cherchait l’avenir par la nécromancie. Il avait des visions : Ammien Marcellin rapporte que peu avant sa mort, comme il écrivait dans sa tente, à Limitation de Jules César, il vit paraître devant lui le génie de Rome avec un visage blême.
Il fut tué par un trait que personne ne vit venir, à l’âge de trente-deux ans. Ennemi acharné de Jésus-Christ, il recueillit, dit-on, en tombant, un peu de son sang dans sa main et le lança vers le ciel en disant : « Tu as vaincu, Galiléen ! »
Après sa mort, on trouva dans le palais qu’il habitait des charniers et des cercueils pleins de têtes et de corps morts. En la ville de Carres de Mésopotamie, dans un temple d’idoles, on trouva une femme morte pendue par les cheveux, les bras étendus, le ventre ouvert et vide. On prétend que Julien l’avait immolée pour apaiser les dieux infernaux auxquels il s’était voué, et pour apprendre par l’inspection du foie de cette femme le résultat de la guerre qu’il faisait alors contre les Perses.
La mort de l’Apostat fut signifiée, dit-on, dans plusieurs lieux à la fois, et au même moment qu’elle advint. Un de ses domestiques, qui allait le trouver en Perse, ayant été surpris par la nuit et obligé de s’arrêter dans une église, faute d’auberge, vit en songe des apôtres et des prophètes assemblés qui déploraient les calamités de l’Église sous un prince aussi impie que Julien ; et un d’entre eux, s’étant levé, assura les autres qu’il allait y porter remède. La nuit suivante, ce valet, ayant vu dans son sommeil la même assemblée, vit venir l’homme de la veille qui annonça la mort de Julien. Le philosophe Didyme d’Alexandrie vit aussi en songe des hommes montés sur des chevaux blancs, et courant dans les airs en disant ; « Annoncez à Didyme qu’à cette heure Julien l’Apostat est tué. »
Jung, auteur allemand, vivant encore peut-être. Il a écrit sur les esprits un ouvrage intitulé Théorie de Geister-Kunder, Nuremberg, 1808, in-8°.
Junier, démon invoqué comme prince des anges dans les litanies du sabbat.
Jupiter-Ammon. Les Égyptiens portaient sur le cœur, comme un puissant préservatif, une amulette ou phylactère, qui était une lame sur laquelle ils écrivaient le nom de Jupiter-Ammon. Ce nom était si grand dans leur esprit, et même chez les Romains, qu’on en croyait l’invocation suffisante pour obtenir toutes sortes de biens. On sait que Jupiter-Ammon avait des cornes de bélier. Sa statue, adorée à Thèbes, dans la haute Égypte, était un automate qui faisait des signes de tête.
Jurement. « C’est une chose honteuse, dit un bon légendaire, que d’entendre si souvent répéter le nom du diable sans nécessité. Un père en colère dit à ses enfants : — Venez ici, mauvais diables ! Un autre s’écrie : — Te voilà, bon diable ! Celui-ci qui a froid vous l’apprend en disant : — Diable ! le temps est rude. Celui-là qui soupire après la table dit qu’il a une faim de diable. Un autre qui s’impatiente souhaite que le diable l’emporté. Un savant de société, quand il a proposé une énigme, s’écrie bravement : — Je me donne au diable si vous devinez cela. Une chose paraît-elle embrouillée, on vous avertit que le diable s’en mêle. Une bagatelle est-elle perdue, on dit qu’elle est à tous les diables. Un homme laborieux prend-il quelques moments de sommeil, un plaisant vient vous dire que le diable le berce. — Ce qu’il y a de pis, c’est que des gens emploient le nom du diable en bonne part ; ainsi on vous dira d’une chose médiocre : — Ce n’est pas le diable. Un homme fait-il plus qu’on ne demande, on dit qu’il travaille comme le valet du diable. Que l’on voie passer un grenadier de cinq pieds dix pouces, on s’écrie : — Quel grand diable ! D’un homme qui vous étonne par son esprit, par son adresse ou par ses talents, vous dites : — Quel diable d’homme ! On dit encore : Une force de diable, un esprit de diable, un courage de diable ; un homme franc est un bon diable ; un homme qu’on plaint, un pauvre diable ; un homme divertissant a de l’esprit en diable, etc., et une foule de mots semblables. Ce sont de grandes aberrations. »
Un père en colère dit un jour à son fils : — Va-t’en au diable ! Le fils, étant sorti peu après, rencontra le diable, qui l’emmena, et on ne le revit plus. Un autre homme, irrité contre sa fille qui mangeait trop avidement une écuelle de lait, eut l’imprudence de lui dire : — Puisses-tu avaler le diable dans ton ventre ! La jeune fille sentit aussitôt la présence du démon, et elle fut possédée plusieurs mois. Un mari de mauvaise humeur donna sa femme au diable ; au même instant, comme s’il fût sorti de la bouche de l’époux, le démon entra par l’oreille dans le corps de cette pauvre dame. Ces contes vous font rire ; puissent-ils vous corriger !
Un avocat gascon avait recours aux grandes figures pour émouvoir ses juges. Il plaidait au quinzième siècle, dans ces temps où les jugements de Dieu étaient encore en usage. Un jour qu’il défendait la cause d’un Manceau cité en justice pour une somme d’argent dont il niait la dette, comme il n’y avait aucun témoin pour éclaircir l’affaire, les juges déclarèrent qu’on aurait recours à une épreuve judiciaire. L’avocat de la partie adverse, connaissant l’humeur peu belliqueuse du Gascon, demanda que les avocats subissent l’épreuve, aussi bien que leurs clients ; le Gascon n’y consentit qu’à condition que l’épreuve fût à son choix. — La chose se passait au Mans. Le jour venu, l’avocat gascon, ayant longuement réfléchi sur les moyens qu’il avait à prendre pour ne courir aucun péril, s’avança devant les juges et demanda qu’avant de recourir à une plus violente ordalie on lui permît d’abord d’essayer celle-ci, c’est-à-dire qu’il se donnait hautement et fermement au diable, lui et sa partie, s’ils avaient touché l’argent dont ils niaient la dette. Les juges, étonnés de l’audace du Gascon, se persuadèrent là-dessus qu’il était nécessairement fort de son innocence et se disposaient à l’absoudre ; mais auparavant ils ordonnèrent à l’avocat de la partie adverse de prononcer le même dévouement que venait de faire l’avocat gascon. — Il n’en est pas besoin, s’écria aussitôt du fond de la salle une voix rauque.
En même temps on vit paraître un monstre noir, hideux, ayant des cornes au front, des ailes de chauve-souris aux épaules, et avançant les griffes sur l’avocat gascon… Le champion, tremblant, se hâta de révoquer sa parole, en suppliant les juges et les assistants de le tirer des griffes de l’ange des ténèbres. — Je ne céderai, répondit le diable, que quand le crime sera révélé…
Disant ces mots, il s’avança encore sur le plaideur manceau et sur l’avocat gascon… Les deux menteurs, interdits, se hâtèrent d’avouer, l’un, qu’il devait la somme qu’on lui demandait, l’autre, qu’il soutenait sciemment une mauvaise cause. Alors le diable se retira ; mais on sut par la suite que le second avocat, sachant combien le Gascon était peureux, avait été instruit de son idée ; qu’il avait en conséquence affublé son domestique d’un habit noir bizarrement taillé et l’avait équipé d’ailes et de cornes pour découvrir la vérité par ce ministère. Voy. Imprécations.
Jurieu, ministre protestant, né en 1637, mort en 1713. Il prit ses désirs pour des inspirations et se fit prophète. Dans son livre, De l’accomplissement des prophéties, il annonçait en 1685, avec la ferme assurance d’un oracle, que dans cinq ans le calvinisme triompherait par toute la France. Mais 1690 arriva et n’eut pas la complaisance de lui donner raison. Ce qui l’aplatit un peu.
K
Kaaba, au milieu d'un espace que renferme le temple de la Mecque, s'élève un édifice carré d'environ quinze pieds, un peu plus haut que long et large; on ne voit de ce bâtiment qu'une étoffe de soie noire dont les murailles sont entièrement couvertes, à l'exception de la plate-forme qui sert de couverture à la maison, et qui est d'or coulé en table; elle sert à recevoir les eaux du ciel, qui n'en verse que très rarement dans ce climat. C'est là ce bâtiment célèbre chez les musulmans, qui le mettent au-dessus de tous les édifices que les maîtres du monde ont élevés avec tant de travaux et de dépenses. "Abraham, disent-ils, construisit cette maisonnette dans le temps de ses persécutions, Dieu lui ayant révélé qu'il avait choisi ce lieu là, de toute éternité, pour y placer sa bénédiction". C'est ce même bâtiment dont Ismaël hérita de son père. On y montre encore son tombeau. Enfin, c'est la sainte maison, connue sous le nom de Kaaba, ou maison carrée, vers laquelle tous les mahométans adressent leurs vœux et leurs prières. Cette Kaaba n'est au reste construite que de pierres du pays, assemblées et liées par un simple mortier de terre rouge, que le temps a durci. Le jour n'y entre que par le côté oriental, où est une ouverture en forme de porte. Cette porte est fermée par deux battants d'or massif, attachés à la muraille par des gonds et des pentures du même métal. Le seuil est d'une seule pierre, sur laquelle tous les pèlerins viennent humilier leur front. La porte s'ouvre rarement, parce que l'intérieur ne renferme rien qui puisse augmenter la dévotion des pèlerins. On n'y voit que de l'or qui couvre les deux planchers d'en haut et d'en bas, aussi bien que les murailles.
Kabires, dieux des morts, adorés très-anciennement en Égypte. Bochard pense qu’il faut entendre sous ce nom les trois divinités infernales : Pluton, Proserpine et Mercure.
D’autres ont regardé les Cabires comme des magiciens qui se mêlaient d’expier les crimes des hommes, et qui furent honorés après leur mort. On les invoquait dans les périls et dans les infortunes. Il y a de grandes disputes sur leurs noms, qu’on ne déclarait qu’aux seuls initiés. Ce qui est certain, c’est que les Cabires sont des démons qui présidaient autrefois à une sorte de sabbat. Ces orgies, qu’on appelait fêtes des Cabires, ne se célébraient que la nuit : l’initié, après des épreuves effrayantes, était ceint d’une ceinture de pourpre, couronné de branches d’olivier et placé sur un trône illuminé, pour représenter le maître du sabbat, pendant qu’on exécutait autour de lui des danses hiéroglyphiques plus ou moins infâmes.
Kaboutermannekens, petits lutins flamands qui font des niches aux femmes de la campagne, surtout en ce qui touche le laitage et le beurre.
Kacher, vieux magicien qui, dans l’histoire fabuleuse des anciens rois de Cachemire, transforma le lac qui occupait ce beau pays en un vallon délicieux, et donna aux eaux une issue miraculeuse en coupant une montagne nommée Baraboulé.
Kaf, montagne prodigieuse qui entoure l’horizon de tous côtés, à ce que disent les musulmans. La terre se trouve au milieu de cette montagne, ajoutent-ils, comme le doigt au milieu de l’anneau. Elle a pour fondement la pierre Sakhrat, dont le moindre fragment opère les plus grands miracles. C’est cette pierre, faite d’une seule émeraude, qui excite les tremblements de terre, en s’agitant selon que Dieu le lui ordonne.
Pour arriver à la montagne de Kaf, il faut traverser de vastes régions ténébreuses, ce qu’on ne peut faire que sous la conduite d’un être supérieur. C’est, dit-on, la demeure des génies. Il est souvent parlé de cette montagne dans les contes orientaux. Voy. Sakhrat.
Kaha, maléfice employé aux îles Marquises. Les habitants attribuent au Kaha la plupart de leurs maladies. Voici comment il se pratique : « Quelque sorcier aura attrapé de votre salive, et puis il vous a lié du terrible Kaha ou maléfice du pays, en enveloppant cette salive dans un morceau de feuille d’arbre et la conservant en sa puissance. Il tient là votre âme et votre vie enchaînées. — À ce mal voici le remède : ceux qui ont eu le pouvoir de vous jeter le charme ont aussi le pouvoir de vous l’ôter, moyennant quelque présent. Le sorcier vient donc se coucher près de vous ; il voit ou il entend le génie du mal ou de la maladie quand il entre en vous et quand il en sort, car il paraît que ces génies se promènent souvent ; et il l’attrape comme au vol, ou bien il le saisit en vous frottant le bras, et il l’enferme à son tour dans une feuille, où il peut le détruire. »
Kahlhammer (Marie), Bavaroise, qui a fait récemment beaucoup de bruit à Munich, à propos de ses communications avec les esprits au moyen des tables tournantes. Un livre d’elle, intitulé Communications des bienheureux esprits et de l’archange Raphaël, par la main de Marie Kahlhammer et par la bouche de Crescence Wolff, a été condamné comme superstitieux et dangereux, et les deux héroïnes excommuniées.
Kaïdmords. Chez les Perses, c’est le nom du premier homme ; il sortit de la jambe de devant d’un taureau, selon la doctrine des mages ; il fut tué par les Dives ; mais il ressuscitera le jour du jugement. On invoque son âme chez les Guèbres. Voy. Boundschesch.
Kaiomers, le premier roi de l’antique dynastie des Pichadiens ; il était, suivant les historiens persans, le petit-fils de Noé. C’est lui qui vainquit les Dives ou mauvais génies à la puissance desquels le pays était soumis.
Kakos, démon invoqué dans les litanies du sabbat.
Kalmouks. Les Kalmouks rendent hommage à deux êtres puissants : au génie du bien et au génie du mal, sacrifiant sur le sommet des montagnes, sur les bords des rivières, ou dans l’intérieur des cabanes, à l’un comme à l’autre, mais le plus souvent à la divinité malfaisante, parce qu’ils jugent nécessaire de la fléchir et d’apaiser son courroux. Le soleil, ou, comme ils l’appellent, l’œil de Dieu, est pour eux l’objet d’un culte particulier. Quelque dégénérée que soit cette fausse religion, on reconnaît cependant le rapport qui existe entre elle et l’une des plus anciennes, celle des disciples de Zoroastre, qui avait étendu son influence non-seulement sur l’Inde et la Perse, mais encore sur les peuples nomades des steppes mongoles ; et nous voyons encore de nos jours des tribus, telles que les Kalmouks, qui en ont conservé le souvenir pendant une suite de siècles.
Les Kalmouks, dans le département de Stavropol (Russie), célèbrent l’entrée de la nouvelle année par des sacrifices et des prédictions qui sont dans les attributions des geljunes, prêtres et devins. Pendant la nuit qui précède le nouvel an, chaque Kalmouk allume une lampe devant son idole et, quand ses moyens le lui permettent, va trouver le gelj une pour se faire prédire ce qui arrivera dans l’année. Le geljune, assis gravement sur un tabouret, examine les entrailles d’un agneau, parcourt ses tables astrologiques et répond aux questions qui lui sont posées par des paroles à double sens. Là ne se bornent point ses fonctions. Il doit annoncer aussi quel temps il fera pendant l’année, si les récoltes seront bonnes, etc.
Au reste, il faut avouer que les Kalmouks sont d’excellents prophètes en ce qui concerne le temps. Il y a quelques années, un Kalmouk qui passait par la ville de Stavropol prédit deux ou trois semaines avant Pâques que ce jour-là il tomberait de la neige.
C’était dans les derniers jours du mois de mars (ancien style) ; le temps était superbe, les prés commençaient à verdir, les arbres à bourgeonner. On le traita de fou ; et comme il s’en allait dans le bazar, criant : À Pâques, de la neige ! de la neige à Pâques ! on l’arrêta, en lui promettant que, s’il disait vrai, on lui compterait 25 roubles ; mais que, dans le cas contraire, on lui administrerait une correction exemplaire. Le temps resta comme il était ; mais le dimanche de Pâques, vers dix heures, voilà tout à coup qu’un léger vent nord-ouest se met à souffler, devient plus intense, et, à onze heures, éclate une véritable tempête de neige, qui força les habitants de Stavropol à s’envelopper de leurs plus chaudes pelisses. Au lieu de 25 roubles, le Kalmouk en reçut 75.
Aujourd’hui, comme au moyen âge, les Kalmouks ont des chamanes qui, abusant de leur crédulité, leur persuadent qu’ils possèdent un empire magique sur une foule de génies invisibles dont ils se disent accompagnés et qui leur révèlent l’avenir et les choses secrètes. Comme au moyen âge, le mort et même le malade leur inspirent une horreur qu’ils n’ont garde de cacher. Après avoir placé près de lui tout ce dont il peut avoir besoin à leur avis, ils s’éloignent du malade, fut-ce leur père ; la couche du mourant, s’il est riche, est gardée tout au plus par un chamane ; la famille se contente d’envoyer de temps en temps demander de ses nouvelles. Cette indifférence inhumaine ne les empêche pas de rendre après la mort tous les honneurs possibles à celui qu’ils viennent de perdre. Le défunt, vêtu de ses plus beaux habits, est quelquefois enterré au fond des bois, avec son arc et ses flèches, sa pipe, sa selle et son fouet. D’autres suspendent leurs morts dans des couvertures de feutre au haut des arbres les plus élevés ; d’autres enfin en brillent les restes mortels sur un bûcher pour garder leurs cendres. Dans ce cas le cheval favori, du défunt est brûlé avec lui. Ce sont encore les mœurs dont parlent les chroniques et les voyageurs du moyen âge. En général cette peuplade offre jusqu’à présent l’image fidèle de ce qu’étaient les Mongols à une époque malheureusement trop glorieuse pour cette nation, lorsque, conduits par Tchinguis-Khan, ils portèrent de victoire en victoire la terreur et la désolation jusqu’au centre de l’Europe, jusque dans les plaines riantes de la Silésie. — Voyez Kosaks.
Kalpa-Tarou, arbre fabuleux sur lequel les Indiens d’autrefois cueillaient tout ce qu’ils pouvaient désirer.
Kalstrara. C’est le nom que donnaient les anciens Bavarois aux sorciers charmeurs.
Kalta. On trouve dans l’Eyrbiggia Saga l’histoire curieuse d’une lutte entre deux sorcières du Nord. L’une d’elles, Geiralda, était résolue à faire mourir Oddo, le fils de l’autre, nommée Kalta, qui dans une querelle avait, coupé une main à sa bru. Ceux que Geiralda avait envoyés tuer Oddo s’en revinrent déconcertés. Ils n’avaient rencontré que Kalta, filant du lin à une grande quenouille. — Fous, leur dit Geiralda, cette quenouille était Oddo. — Ils retournèrent sur leurs pas, s’emparèrent de la quenouille et la brûlèrent. Mais alors Kalta avait caché son fils sous la forme d’un chevreau. Une troisième fois, elle le changea en pourceau. Les émissaires, furieux de ne pouvoir mettre la main sur celui qu’ils cherchaient, voulurent se dédommager de leurs peines, s’emparèrent du porc, le tuèrent, et ne furent qu’à demi satisfaits quand, le charme détruit, ils reconnurent qu’au lieu d’un cochon gras, ils n’avaient que le cadavre du fils de Kalta.
Kamis, esprits familiers au Japon.
Kamlat, opération magique en usage chez les Tartares de Sibérie, et qui consiste à évoquer le diable au moyen d’un tambour magique ayant la forme d’un tamis ou plutôt d’un tambour de basque. Le sorcier qui fait le kamlat marmotte quelques mots tartares, court de côté et d’autre, s’assied, se relève, fait d’épouvantables grimaces et d’horribles contorsions, roulant les yeux, les fermant, et gesticulant comme un insensé. Au bout d’un quart d’heure, il fait croire que, par ses conjurations, il évoque le diable, qui vient toujours du côté de l’occident en forme d’ours, pour lui révéler ce qu’il doit répondre ; il fait entendre qu’il est quelquefois maltraité cruellement par le démon, et tourmenté jusque dans le sommeil. Pour en convaincre ses auditeurs, il feint de s’éveiller en sursaut en criant comme un possédé.
Kamosch et Kemosch. Voy. Chamos.
Kantius le Silésien. L’histoire de Jean Kantius, racontée au docteur More par un médecin de la Silésie, est un des exemples les plus frappants de cette croyance aux vampires, qui a régné en souveraine sur certains esprits au dernier siècle. — On dit que Kantius, échevin de la ville de Pesth, sortant du tombeau, apparut dans la ville qui l’avait vu naître ; mais ce qui est positif, c’est que de nombreuses rumeurs, relatives à ce même fait, jetèrent une agitation violente et une terreur profonde parmi ses concitoyens et dans toute l’étendue de la Silésie. On condamna son cadavre à être brûlé comme vampire… Mais l’exécution rencontra un obstacle majeur est le célèbre cheik Sephy, l’aïeul du prince qui régnait au temps du voyageur Chardin ; et l’on croyait fortement en Perse qu’il contenait une partie des principales révolutions d’Asie, jusqu’à la fin du monde. Il était alors gardé avec soin dans le trésor royal, comme un original dont il n’y a point de double ni de copie, car la connaissance en était interdite au peuple.
Karcist, nom qu’on donne, dans le Dragon étonnant. On ne put tirer le corps de la fosse, tant il était pesant.
Enfin les citoyens de Pesth, bien inspirés, cherchèrent et découvrirent le cheval dont la ruade avait tué Kantius ; ce cheval parvint à grand peine à amener hors de terre les restes de son ancien maître. Lorsqu’il s’agit d’anéantir ces restes, une autre difficulté se présenta. On mit le corps sur un bûcher allumé, et il ne se consuma pas… On fut obligé de le couper en morceaux que l’on réduisit partiellement en cendres, et depuis lors l’échevin Jean Kantius cessa de faire des apparitions dans sa ville natale.
Karajaméa. Les Persans ont un livre mystérieux appelé Karajaméa (recueil des révolutions futures) ; il est pour eux ce qu’étaient autrefois les oracles des sibylles pour le peuple romain. On le consulte dans les, affaires importantes, et surtout avant d’entreprendre une guerre ; on le dit composé de neuf mille vers, chaque vers formant une ligne de cinquante lettres. Son au-rouge, à l’adepte ou sorcier qui parle avec les esprits.
Kardec (Allan), écrivain contemporain, qui s’occupe du spiritisme et s’est mis en rapport avec les esprits. Il a publié quelques ouvrages dont le plus important est intitulé « Le Livre des esprits, contenant les principes de la doctrine spirite sur la nature des esprits, leur manifestation et leurs rapports avec les hommes, les lois morales, la vie présente, la vie future et l’avenir de l’humanité ; écrit sous la dictée et publié par l’ordre d’esprits supérieurs, par Allan Kardec. » Paris, 1857, chez Dentu. D’après le système de ce livre, qui n’est pas d’accord avec notre foi, nos âmes vivaient à l’état d’esprits avant de s’incarner en nous, et elles revivront esprits en nous quittant. Voy. Spiritisme.
Karra-Kalf, le plus haut degré de la magie en Islande. Dans les temps modernes, lorsqu’on pratiquait le karra-kalf, le diable paraissait sous la forme d’un veau nouvellement né et non encore nettoyé par sa mère. Celui qui désirait d’être initié parmi les magiciens était obligé de nettoyer le veau avec sa langue ; par ce moyen, il parvenait à la connaissance des plus grands mystères.
Katakhanès. C’est le nom que les habitants de l’île de Candie donnent à leurs vampires. En aucune contrée du Levant la croyance aux vampires ou Katakhanès n’est aussi générale que dans cette île, où l’on croit aussi aux démons des montagnes, de l’air et des eaux. Voici un fait raconté il n’y a pas longtemps à un voyageur anglais :
« Un jour, le village de Kalikrati, dans le district de Sfakia, fut visité par un Katakhanès ; les habitants s’efforcèrent de découvrir qui il était et d’où il venait. Ce Katakhanès tuait non-seulement les enfants, mais encore les adultes, et il étendait ses ravages jusqu’aux villages des environs. Il avait été enterré dans le cimetière de l’église de Saint-Georges à Kalikrati, et une arcade avait été construite au-dessus de sa tombe. Un garçon, gardant ses moutons et ses chèvres auprès de l’église, fut surpris par une averse et vint se réfugier sous cette arcade. Après avoir ôté ses armes pour prendre du repos, il les posa en croix à côté de la pierre qui lui servait d’oreiller. La nuit était venue. Le Katakhanès, sentant alors le besoin de sortir, dit au berger : — Compère, lève-toi de là ; car il faut que j’aille âmes affaires. Le berger ne répondit ni la première fois, ni la deuxième, ni la troisième. Il supposa que le mort inhumé dans cette tombe était le Katakhanès, auteur de tous les meurtres commis dans la contrée. En conséquence, la quatrième fois qu’il lui adressa la parole, le berger répondit : — Je ne me lèverai point de là, compère, car je crains que tu ne vailles pas grand chose ; et tu pourrais me faire du mal ; mais s’il faut que je me lève, jure par ton linceul que tu ne me toucheras pas ; alors je me lèverai.
» Le Katakhanès ne prononça pas d’abord les paroles qu’on lui demandait ; mais le berger persistant à ne point se lever, il finit par faire le serment exigé. Sur cela le berger se leva et ôta ses armes du tombeau ; le Katakhanès sortit aussitôt ; après avoir salué le berger, il lui dit : — Compère, il ne faut pas que tu t’en ailles ; reste assis là ; j’ai des affaires dont il est nécessaire que je m’occupe ; mais je reviendrai dans une heure, et je te dirai quelque chose.
» Le berger donc attendit ; le Katakhanès s’en alla à environ dix milles de là, où vivaient deux jeunes époux nouvellement mariés ; il les égorgea tous deux. À son retour, le berger s’aperçut que les mains du vampire étaient souillées de sang, et qu’il rapportait un foie dans lequel il soufflait, comme font les bouchers, pour le faire paraître plus grand. — Asseyons-nous, compère, lui dit le Katakhanès, et mangeons le foie que j’apporte. — Mais le berger fit semblant de manger ; il n’avalait que le pain et laissait tomber les morceaux de foie sur ses genoux.
» Or, quand le moment de se séparer fut venu, le Katakhanès dit au berger : — Compère, ce que tu as vu, il ne faut point en parler ; car, si tu le fais, mes vingt ongles se fixeront dans ta figure et dans celles de tes enfants. — Malgré cela, le berger ne perdit point de temps ; il alla sur-le-champ tout déclarer à des prêtres et à d’autres personnes ; et on se rendit au tombeau, dans lequel on trouva le corps du Katakhanès précisément dans l’état où il était quand on l’avait enterré : tout le monde fut convaincu que c’était lui qui était cause des maux qui pesaient sur le pays. On rassembla une grande quantité de bois que l’on jeta dans la tombe, et on brûla le cadavre. Le berger n’était pas présent ; mais, quand le Katakhanès fut à moitié consumé, il arriva pour voir la fin de la cérémonie, et alors le vampire lança un crachat : c’était une goutte de sang qui tomba sur le pied du berger ; ce pied se dessécha comme s’il eût été consumé par le feu. Quand on vit cela, on fouilla avec soin dans les cendres ; on y trouva encore l’ongle du petit doigt du katakhanès ; et on le réduisit en poussière. » — Telle est la terrible histoire du vampire de Kalikrati. C’est sans doute au goût qu’on suppose à ces êtres malfaisants pour le foie humain qu’il faut attribuer cette exclamation que Tavernier attribue à une femme candiote : — J’aimerais mieux manger le foie de mon enfant ! Voy. Vampires.
Katmir. Chien des sept Dormants. Voy. Dormants.
Kaybora, esprit des forêts, à l’existence duquel croient encore les Américains ; ils disent que cet esprit enlève les enfants, les cache dans le creux des arbres et les y nourrit.
Kayllinger, fameux cristallomancien allemand, de qui Faust prit des leçons pendant deux ans.
Kelby, esprit qu’une superstition écossaise suppose habiter les rivières sous différentes formes, mais plus fréquemment sous celle du cheval. Il est regardé comme malfaisant et porte quelquefois une torche. On attribue aussi à ses regards un pouvoir de fascination.
Kelen et Nysrock, démons que les démonographes font présider aux débauches, aux danses, aux orgies.
Kelpie, cheval-diable. Voy. Nickar.
Kemosch. Voy. Chamos.
Kenne, pierre fabuleuse qui se forme dans l’œil d’un cerf, et à laquelle on attribue des vertus contre les venins.
Kentorp, couvent non loin de Hamm, dont les religieuses furent possédées au seizième siècle par des maléfices que leur cuisinière mêlait, comme elle l’avoua, à leurs aliments. Leur possession consistait en démences et en épilepsies. Wierus parle de ces faits.
Képhalonomancie, divination qui se pratiquait en faisant diverses cérémonies sur la tête cuite d’un âne. Elle était familière aux Germains. Les Lombards y substituèrent une tête de chèvre. Delrio soupçonne que ce genre de divination, en usage chez les juifs infidèles, donna heu à l’imputation qui leur fut faite d’adorer un âne. Les anciens la pratiquaient en mettant sur des charbons allumés la tête d’un âne, en récitant des prières superstitieuses, en prononçant les noms de ceux qu’on soupçonnait d’un crime, et en observant le moment où les mâchoires se rapprochaient avec un léger craquement. Le nom prononcé en cet instant désignait le coupable. Le diable arrivait aussi quelquefois sans se montrer pour répondre aux questions qu’on avait à lui faire.
Kericoff, démon des lacs, très-redouté en Russie. Il bat les flots de ses pieds de cheval à travers les tempêtes, élève des trombes et, de ses grandes mains noires, fait sombrer les barques. Il poursuit ensuite le marin qui cherche à se sauver sur une planche ou sur un tonneau, et si l’infortuné se retourne, il voit la grosse tête humaine du mauvais esprit.
Khizzer. Les Orientaux donnent ce nom au prophète Élie, dont ils font un grand enchanteur, attaché à Alexandre le Grand.
Khumano-Goo, sorte d’épreuve en usage au Japon. On appelle goo un petit papier rempli de caractères magiques, de figures de corbeau et d’autres oiseaux noirs. On prétend que ce papier est un préservatif assuré contre la puissance des esprits malins ; et les Japonais ont soin d’en acheter pour les exposer à l’entrée de leurs maisons. Mais parmi ces goos, ceux qui ont la plus grande vertu viennent d’un certain endroit nommé Khumano ; ce qui fait qu’on les appelle Khumano-goos. Lorsque quelqu’un est accusé d’un crime et qu’il n’y a pas de preuves suffisantes pour le condamner, on le force à boire une certaine quantité d’eau dans laquelle on met un morceau de khumano-goo. Si l’accusé est innocent, cette boisson ne produit sur lui aucun effet ; mais s’il est coupable, il se sent attaqué de coliques qui le forcent à avouer. Quelquefois on fait avaler le goo. Voy. ce mot.
Kiakiak, le démon au Pégu. Il a son temple au sommet d’une montagne, et les bonzes seuls osent y entrer. Kiakiak doit un jour détruire le monde. Mais alors Dagoun, le dieu suprême, qui s’y attend et qui se prépare, en créera un autre bien plus parfait.
Kijoun, nom d’une idole que les Israélites honorèrent dans le désert, et qui paraît avoir été le soleil. Le prophète Amos en parle au chap. v.
Kiones, idoles communes en Grèce. C’étaient des pierres oblongues en forme de colonnes, d’où vient leur nom.
Kirghis. Les Kirghis, voisins des Kalmouks, sont mahométans ; ils ont un grand prêtre appelé Achoun, qui réside près du khan ; ignorants et superstitieux, ils croient aux sortilèges et possèdent cinq classes de magiciens : les uns font leurs prédictions avec des livres, d’autres se servent de l’omoplate d’une brebis, dépouillée avec un couteau, car elle serait sans vertu si quelqu’un y avait porté les dents ; une troisième classe, pour lire dans l’avenir, sacrifie un cheval, un mouton ou un bouc sans défaut ; la quatrième consulte la flamme qui s’élève du beurre ou de la graisse jetés dans le feu. Enfin il y a des sorcières qui ensorcèlent les esclaves, persuadent aux maîtres que si l’esclave ensorcelé venait à déserter, il s’égarerait indubitablement dans sa fuite et retomberait dans les mains de son maître ; que s’il s’échappait, il rentrerait au moins dans l’esclavage du même peuple.
Pallas rapporte, d’après le récit même qu’il en a entendu faire par les Kirghis, un fait assez ingénieusement inventé : Un parti de Kirghis se mit un jour en campagne avec un des devins de la seconde classe pour attaquer les Kalmouks ; ceux-ci avaient également un devin qui, employant toute sa science, avertit ses compatriotes de l’arrivée des Kirghis, et les engagea à s’éloigner à mesure que ceux-ci avançaient. Le devin kirghis, voyant que son frère le Kalmouk allait faire échouer l’entreprise, employa la ruse ; il dit aux Kirghis de seller leurs chevaux à reculons et de monter dessus. Le Kalmouk, ainsi induit en erreur, vit sur son os que les Kirghis rétrogradaient ; il conseilla donc à son parti de revenir sur ses pas. Les Kirghis joignirent par ce moyen les Kalmouks et les firent prisonniers.
Kisilova (le vampire de). Le marquis d’Argens, qui n’était pas un homme crédule, raconte, dans sa cent trente-septième lettre juive, une histoire de vampire qui eut lieu au village de Kisilova, à trois lieues de Gradisch. Ce qui doit le plus étonner dans ce récit, c’est que d’Argens, alors incrédule, ne met pas en doute cette aventure :
On vient d’avoir en Hongrie, dit-il, une scène de vampirisme qui est dûment attestée par deux officiers du tribunal de Belgrade, lesquels ont fait une descente sur les lieux, et par un officier des troupes de l’empereur, à Gradisch : celui-ci a été témoin oculaire des procédures. Au commencement de septembre mourut, dans le village de Kisilova, un vieillard âgé de soixante-deux ans. Trois jours après qu’il fut enterré, il apparut à son fils pendant la nuit et lui demanda à manger. Celui-ci l’ayant satisfait, le spectre mangea ; après quoi il disparut. Le lendemain, le fils raconta à ses voisins ce qui lui était arrivé. Le fantôme ne se montra pas ce jour-là ; mais trois nuits après, il revint demander encore à souper. On ne sait pas si son fils lui obéit encore ou non ; mais on le trouva le lendemain mort dans son lit. Le même jour, cinq ou six personnes tombèrent subitement malades dans le village, et moururent l’une après l’autre en peu de temps. Le bailli du lieu, informé de ce qui se passait, en fit présenter une relation au tribunal de Belgrade, qui envoya à ce village deux de ses agents, avec un bourreau, pour examiner l’affaire. Un officier impérial s’y rendit de Gradisch, pour être témoin d’un fait dont il avait si souvent ouï parler. On ouvrit les tombeaux de tous ceux qui étaient morts depuis six semaines. Quand on en vint à celui du vieillard, on le trouva les yeux ouverts, d’une couleur vermeille, ayant une respiration naturelle, cependant immobile et mort : d’où l’on conclut que c’était un insigne vampire. Le bourreau lui enfonça un pieu dans le cœur ; on fit un bûcher et l’on réduisit en cendres son cadavre. On ne trouva aucune marque de vampirisme ni dans le corps du fils, ni dans celui des autres morts.
« Grâces à Dieu, ajoute le marquis d’Argens, nous ne sommes rien moins que crédule ; nous avouons que toutes les lumières de la physique que nous pouvons approcher de ce fait ne découvrent rien de ses causes : cependant nous ne pouvons refuser de croire véritable un fait attesté juridiquement et par des gens de probité. »
Klabber ou Kab-Outer, lutins de petite taille qui, l’hiver, en Écosse, quand il n’y a pas de clair de lune, descendent par les cheminées dans les maisons des paysans, s’assoient tranquillement devant le foyer, qu’ils rallument, mais qu’on ne voit pas brûler, et se chauffent. Le matin, quand la ménagère se lève, elle voit que tout le bois qu’elle avait laissé dans l’âtre est consumé, excepté quelques menus brins. Si elle les rallume, ils font autant de chaleur et de profit que de grosses bûches. Si elle fait le signe de la croix ou si elle maudit le klabber, le charme est rompu, et le lutin se venge par quelque malice.
Les klabbers sont vêtus de rouge et ont la peau verte.
Kleudde. Kleudde, tout barbare, tout cacophonique que doive vous paraître ce nom, est un lutin, et un lutin vivant des brouillards de la Flandre, un lutin malfaisant, qui a les regards du basilic et la bouche du vampire, l’agilité du follet et la hideur du griffon. Il aime les nuits froides et brumeuses, les prairies désertes et arides et les champs incultes. Nuire et semer l’épouvante sont, dit-on, le seul bonheur de cet affreux lutin ; il se plaît au milieu des ruines couvertes de mousse ; il fuit les saints lieux où reposent des chrétiens ; l’aspect d’une croix l’éblouit et le torture ; il ne boit qu’une eau verte croupissant au fond d’un étang desséché le pain n’approche jamais de ses lèvres, la lumière du grand jour lui brûle les yeux ; il n’apparaît qu’aux heures où le hibou gémit dans la tour abandonnée ; une caverne souterraine est sa demeure ; ses pieds n’ont jamais souillé le seuil d’une habitation humaine ; le mystère et l’horreur entourent son existence maudite. Vagues comme les atomes de l’air, ses formes échappent aux doigts et ne laissent aux mains de l’imprudent qui essayerait de les étreindre qu’une ligne noire et douloureuse comme une brûlure. Son rire est semblable à celui des damnés ; son cri, rauque et indéfinissable, fait tressaillir jusqu’au fond des entrailles ; Kleudde a du sang de démon dans les veines. Malheur à qui, le soir, dans sa route, rencontre Kleudde, le lutin noir !
Klinger (Frédéric-Maximilien de), militaire allemand, né à Francfort-sur-le-Main en 1753, mort à Saint-Pétersbourg en 1831, auteur de quelques ouvrages]singuliers, entre autres : la Vie, les faits et gestes de Faust et sa Descente aux enfers, publié à Kœnigsberg, en 1819.
Knipperdolinck, l’un des associés de Jean de Leyde. Voyez ce mot.
Knox (Jean), apostat, écossais et l’un des plus féroces brigands de la réforme, né en 1505, mort en 1572. Il était chapelain d’Édouard VI et se fit chasser pour ses mœurs immondes. Il alla se redresser à Genève, revint dans son pays réformer en abattant les églises, en assommant les prêtres ; car il marchait suivi d’une bande. Il contribua par ses diatribes à la perte de Marie Stuart. Il s’occupait aussi de magie, et dans le procès qu’il dut subir sur cette accusation, on établit qu’il avait fait des évocations dans le cimetière de Saint-André, qu’il y avait fait paraître le diable sous une forme épouvantable, et que cette apparition terrible avait frappé son secrétaire, présent à cette scène, d’un tel effroi qu’il en était mort…
Kobal, démon perfide qui mord en riant, directeur général des farces de l’enfer, peu joyeuses sans doute ; patron des comédiens.
Kobold, esprit de la classe des lutins. « C’est un petit nain étrange, de forme rabougrie, avec des habits bariolés, un bonnet rouge sur la tête. Honoré par les valets, les servantes et les cuisinières de l’Allemagne, il leur rend de bons offices ; il étrille leurs chevaux, il lave la maison, tient la cuisine en bon ordre et veille à tout.
Qu’on ne s’avise pas de le négliger. Si c’est une cuisinière, rien ne lui réussit ; elle se brûle dans l’eau bouillante ; elle brise la vaisselle ; elle renverse ou gâte les sauces ; et quand le maître du logis la gronde, elle entend le Kobold rire aux éclats derrière elle. S’il a reçu quelque insulte, la scène devient plus tragique, il verse dans les plats du poison ou du sang de vipère ; quelquefois même il tord le cou à l’imprudent valet qui l’a harcelé. » — Il est de la famille des Cobales et des Coboli ; peut-être leur tige. Voy. ces mots.
Kojozed. « Le lévrier du seigneur de Kojozed parcourt les bois et les plaines, léger comme le souffle du vent ; c’est le favori de son maître. Le hautain seigneur, qui hait les hommes, donne toute son affection à l’animal, compagnon de ses courses vagabondes par les forêts et les campagnes. Mais il a disparu le beau lévrier, l’ami constant du seigneur. Le front assombri, le regard menaçant, environné des vassaux qui le redoutent, Kojozed revient de la chasse. Il veut qu’on retrouve son chien ; sa menace épouvante ceux qui l’entourent. Vingt chasseurs s’élancent et battent les bois du voisinage. Mais le lévrier ne revient pas. Une femme, accablée par l’âge, hideuse comme la mort, arrête la bride du cheval de Kojozed. — Que veux-tu ? dit le seigneur. — Te rendre l’ami que tu as perdu. — Où est-il ? — Seule je le sais ; il va dépasser les frontières de la Bohême. — Vieille, comment le sais-tu ? — Je suis vieille, mais puissante. Regarde-moi. » La vieille se redressa, l’œil étincelant de sombres feux ; une clarté sinistre brillait sur sa tête ; le cheval, averti par son instinct, hennissait et voulait fuir : le seigneur de Kojozed reconnut la sorcière.
« Si tu me donnes Jean le Chasseur, ton vassal, je te rendrai ton lévrier. Tu sais que la magicienne ne peut recouvrer sa jeunesse perdue qu’en baignant ses membres flétris dans le sang d’un jeune homme.
— Que cela soit ! » répondit Kojozed.
Jean frémit et tomba aux genoux de son maître :
« Mes pères, s’écrie-t-il, ont servi vos pères pendant deux cents ans ; ma mère vous a nourri de son lait, et vous voulez me donner la mort ! Oh ! ne donnez pas le sang de Jean le Chasseur pour un lévrier ! »
Mais il prie en vain : le pacte s’accomplit. Quand la sorcière ramènera le lévrier à son maître, elle emmènera le jeune homme. Elle témoigne de sa joie par un affreux sourire, et bientôt elle revient tenant en laisse le chien favori. Jean le Chasseur est livré comme payement de la dette contractée par son seigneur, et bientôt, parmi les rites magiques, le sang du vassal coule dans une urne d’airain, et la sorcière se plonge dans ce bain effroyable. La noire caverne retentit des derniers soupirs de Jean et des accents de joie de la magicienne, qui a retrouvé les forces et les grâces de la jeunesse.
Tout était fini : Jean le Chasseur venait d’expirer, quand le lévrier chéri, auquel Kojozed avait sacrifié son serviteur, mourut sous les yeux de son maître.
Kolfi. C’est aussi sous ce nom qu’on désigne les kobolds.
Koran, livre et code des musulmans écrit par Mahomet, plein de fables, de singularités et de prodiges. Voyez Maoridath.
Kornmann (Henri), jurisconsulte allemand, mort en 1620. Il a laissé un livre curieux intitulé De miraculis mortuorum, imprimé in-8° Tannée de sa mort et devenu très-rare.
Kosaks. Les Kosaks, ainsi que les Kalmouks de leur voisinage, ne sont généralement ni chrétiens ni musulmans. Ils ont tiré de l’Asie une cosmogonie où se retrouvent, comme partout, quelques souvenirs de l’Ancien Testament, enfouis sous des monceaux de folles croyances. De leurs bourkans ou dieux, celui qui protège spécialement la terre est un éléphant blanc comme la neige, long de deux lieues, riche de trente-trois têtes rouges, chacune desquelles se joue de six trompes qui lancent six fontaines. Ce dieu principal est peut-être unique dans les mythologies.
Mais les Kalmouks content, ainsi que quelques hordes de Kosaks, que les hommes, au commencement, vivaient plusieurs siècles ; qu’ils étaient heureux ; que l’un d’eux mangea d’un fruit qu’il n’était pas permis de manger, que tous les autres l’imitèrent et qu’alors l’espèce humaine perdit sa sainteté et le privilège qu’elle avait de prendre son vol et d’aller dans les deux ; qu’elle vécut longuement dans les ténèbres et dans la misère ; que la terre, maudite à cause de leur péché, devint stérile, etc. Ils attendent un réparateur et croient à un enfer où les méchants souffriront deux cents millions d’années.
Kotter, visionnaire. Voy. Comenius.
Koughas, démons ou esprits malfaisants, redoutés des Aléotes, insulaires voisins du Kamtchatka. Ils attribuent leur état d’asservissement et leur détresse à la supériorité des koughas russes sur les leurs ; ils s’imaginent aussi que les étrangers, qui paraissent curieux de voir leurs cérémonies, n’ont d’autre intention que d’insulter à leurs koughas, et de les engager à retirer leur protection aux gens du pays.
Koupaïs. Ce sont les dieux des Tartares de l’Altaï. Ils sont sept et peu puissants ; ils laissent faire.
Kourrigans, lutins redoutés qui se promènent à cheval sur des juments blanches dans les forêts de la Bretagne.
Kraken. « C’est une tradition répandue dans les mers du Nord et sur les côtes de Norvège qu’on voit souvent des îles flottantes surgir au sein des vagues avec des arbres tout formés, aux rameaux desquels pendent des coquillages au lieu de feuilles, mais qui disparaissent au bout de quelques heures. Deber y fait allusion dans son livre intitulé Feroa reserata, et Harpelius dans son Mundus mirabilis, Torfœus dans son Histoire de la Norvège. Les gens du peuple et les matelots regardent ces îles comme les habitations sous-marines d’esprits malins, qui ne les font ainsi surnager que pour railler les navigateurs, confondre leurs calculs et multiplier les embarras de leur voyage. Le géographe Burœus avait placé sur sa carte une de ces îles merveilleuses qu’on appelait Gommer’s-Ore, et qui apparaît parmi les récifs en vue de Stockholm. Le baron Charles de Grippenheim raconte qu’il avait vainement cherché cette île en sondant la côte, lorsqu’un jour, tournant la tête par hasard, il distingua comme trois points de terre qui s’étaient tout à coup élevés sur la surface des flots. «Voilà sans doute la Gummer’s-Ore de Burœus ? demanda-t-il au pilote qui gouvernait sa chaloupe. — Je ne sais, répondit celui-ci ; mais soyez certain que ce que nous voyons pronostique une tempête ou une grande abondance de poisson. » Gummer’s-Ore n’est qu’un amas de récifs à fleur d’eau, où se tient volontiers le Sæ-trolden ou plutôt c’est le Sæ-trolden lui-même. »
En citant cette conversation, le savant baron ajoute que l’opinion du pilote lui parut plus vraisemblable que celle du géographe, et il l’adopta.
« Les pêcheurs norvégiens, dit Pontoppidan, affirment tous, et sans la moindre contradiction dans leurs récits, que, lorsqu’ils poussent au large à plusieurs milles, particulièrement pendant les jours les plus chauds de l’année, la mer semble tout à coup diminuer sous leurs barques, et s’ils jettent la sonde, au lieu de trouver quatre-vingts ou cent brasses de profondeur, il arrive souvent qu’ils en mesurent à peine trente : c’est un kraken qui s’interpose entre les bas-fonds et l’onde supérieure. Accoutumés à ce phénomène, les pêcheurs disposent leurs lignes, certains que là abonde le poisson, surtout la morue et la lingue, et ils les retirent richement chargées ; mais si la profondeur de l’eau va toujours diminuant, et si ce bas-fond accidentel et mobile remonte, les pêcheurs n’ont pas de temps à perdre : c’est le kraken qui se réveille, qui se meut, qui vient respirer l’air et étendre ses larges bras au soleil. Les pêcheurs font alors force de rames, et quand, à une distance raisonnable, ils peuvent enfin se reposer avec sécurité, ils voient en effet le monstre qui couvre un espace d’un mille et demi de la partie supérieure de son dos.
» Les poissons surpris par son ascension, sautillent un moment dans les creux humides formés par les protubérances inégales de son enveloppe extérieure ; puis de cette masse flottante sortent des espèces de pointes ou de cornes luisantes, qui se déploient et se dressent, semblables à des mâts armés de leurs vergues : ce sont les bras du kraken, et telle est leur vigueur que s’ils saisissaient les cordages d’un vaisseau de ligne, ils le feraient infailliblement sombrer. Après être resté quelque temps sur les flots, le kraken redescend avec la même lenteur, et le danger n’est guère moindre pour le navire qui serait à sa portée, car en s’affaissant il déplace un tel volume d’eau, qu’il occasionne des tourbillons et des courants aussi terribles que ceux de la fameuse rivière Male.
» C’est évidemment du kraken que parle Olaüs Wormius sous le nom de hafgufe. Cet auteur dit aussi que son apparition sur l’eau ressemble plutôt à celle d’une île qu’à celle d’un animal, similiorem insulæ quam bestiæ, et il ajoute qu’on n’a jamais trouvé son cadavre, parce que le kraken doit vivre aussi longtemps que le monde, et qu’il n’est pas probable qu’aucun pouvoir ou instrument soit capable d’abréger violemment la vie d’un animal si monstrueux. Cependant, en 1680, un jeune kraken vint s’engager dans les eaux qui courent entre les récifs d’Altstahong ; il y périt misérablement. Comme ce corps immense remplissait à peu près tout le chenal, la putréfaction fut telle qu’on eut une crainte assez fondée que la peste ne vînt désoler le pays. L’assesseur consistorial de Bodœn, M. Friis, dressa un rapport de cet événement.
» Olaüs Magnus, dans son ouvrage De piscibus monstruosis ; Paulinus, dans ses Ephémérides des curiosités de la nature, et Bartholin, dans son Histoire anatomique, admettent également l’existence du kraken et le décrivent à peu près dans les mêmes termes que M. Wormius. Bartholin ajoute que l’évêque de Nidros, voyant cette île flottante apparaître sur les eaux, eut la pieuse idée de la consacrer immédiatement à Dieu, en y célébrant le sacrifice de la messe. Il y fit transporter et dresser un autel et officia lui-même. Soit hasard, soit miracle, le kraken resta immobile au soleil tout le temps que dura la cérémonie ; mais à peine l’évêque eût-il regagné le rivage, on vit l’île supposée se submerger elle-même et disparaître. Selon le même Bartholin, il n’y aurait que deux krakens, qui dateraient du commencement du monde et ne pourraient se multiplier. De peur que l’eau, la nourriture et l’espace ne vinssent à manquer à une race de pareils géants, Dieu, dans sa prévoyance, aurait mesuré avec une sage lenteur tous les mouvements du kraken, qui n’éprouverait les sentiments de la faim qu’une fois dans l’année. Sa digestion achevée, le monstre, dit encore Bartholin, laisse échapper ses excréments, qui répandent une odeur si suave que les poissons accourent pour s’en repaître ; mais lui, ouvrant une effroyable gueule, semblable à un golfe ou détroit, instar sinus aut freti, y aspire tous les malheureux poissons affriandés et pris au piège. »
Kratim ou Katmir. C’est le nom qu’on donne au chien des sept Dormants. Voy. Dormants.
Krechting, l’un des séides de Jean de Leyde. Voyez ce mot.
Krodo, une des principales idoles des Germains. C'était un vieillard à longue barbe, vêtu d'une robe longue, sanglé d'une bande de toile, tenant dans la main gauche une roue, ayant à sa main droite un panier rempli de fruits et de fleurs, et placé debout sur un poisson hérissé d'écailles et de piquants, qu'on prend pour une perche, soutenu horizontalement par une colonne. On l'adora particulièrement à Hartés, bourg près de Groslar, jusques sous le règne de Charlemagne, qui fit abattre cette statue avec beaucoup d'autres.
Kuffa (Catherine), sorcière lorraine qui vivait sous Henri III. Elle confessa qu’elle avait hanté le sabbat et qu’un jour elle y avait compté cinq cents personnes, parmi lesquelles les femmes étaient en grande majorité.
Kuhlmann (Quirinus), l’un des visionnaires du dix-septième siècle, né à Breslau en 1651. Il était doué d’un esprit vif ; étant tombé malade à l’âge de huit ans, il éprouva un dérangement dans ses organes et crut avoir des visions. Une fois il s’imagina voir le diable, escorté d’une foule de démons subalternes ; un autre jour il se persuada que Dieu lui avait apparu ; dès ce moment, il ne cessa de voir à côté de lui une auréole éclatante de lumière. Il parcourut le Nord escorté d’une très-mauvaise réputation. Il escroquait de l’argent à ceux qui lui montraient quelque confiance, et l’employait, disait-il, à l’avancement du royaume de Dieu. Il fut chassé-de Hollande au commencement de l’année 1675 et voulut se lier avec Antoinette Bourignon, qui rejeta ses avances. Il fut arrêté en Russie, pour des prédictions séditieuses, et brûlé à Moscou le 3 octobre 1689. Il a publié à Lubeck un Traité de la sagesse infuse d’Adam et de Salomon ; on lui doit une quarantaine d’opuscules qui n’ont d’autre mérite que leur rareté.
Kupay, nom qui, chez les Péruviens, désignait le diable. Quand ils prononçaient ce nom, ils crachaient par terre en signe d’exécration. On l’écrit aussi Gupaï, et c’est encore le nom que les Floridiens donnent au souverain de l’enfer.
Kurdes, habitants de l’Asie qui adorent le diable.
Kurgon, nom que l’on donnait en Gascogne et en Dauphiné aux sorcières qui allaient adorer le diable en forme de bouc au sabbat.
Kutuktus. Les Tartares Kalkas croient que leur souverain pontife, le kutuktus, est immortel ; et, dans le dernier siècle, leurs fakirs firent déterrer et jeter à la voirie le corps d’un savant qui, dans ses écrits, avait paru en douter.
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Labadie (Jean), fanatique du dix-septième siècle, né en 1610 à Bourg sur la Dordogne. Il se crut un nouveau Jean-Baptiste, envoyé pour annoncer la seconde venue du Messie, et il s’imagina qu’il avait des révélations. Il assurait que Jésus-Christ lui avait déclaré qu’il l’envoyait sur la terre comme son prophète. Il poussa bientôt la suffisance jusqu’à se dire revêtu de la divinité et participant du nom et de la substance de Notre-Seigneur. Mais il joignit à l’ambition d’un sectaire le goût des plaisirs ; il faisait servir à ses odieux projets le masque de la religion, et il ne fut qu’un détestable hypocrite. Il mourut en 1674. Voici quelques-unes de ses productions : Le Hérauld du grand roi Jésus, Amsterdam, 1667, in-12. Le Véritable exorcisme, ou l’unique moyen de chasser le diable du monde chrétien. — Le Chant royal du roi Jésus-Christ. Ces ouvrages sont condamnés.
Labitte, dit l’abbé de peu de sens, peintre, poète et prêtre d’Arras au milieu du quinzième siècle. Il était très-excentrique, ce qui lui fit donner le surnom que nous venons de citer, et il recherchait un peu les sociétés de ce que nous appelons aujourd’hui le demi-monde. Il se fit initier à la Vauderie, hérésie descendue bien bas, puisqu’on y adorait le diable, que ses fêtes étaient le sabbat, et qu’elle reconnaissait pour son maître et seigneur Lucifer, le prince ou l’un des princes des anges déchus. Les Vaudois vivaient en union apparente avec les chrétiens fidèles. Dans les causeries où l’on disait du bien de la sainte Vierge, des bienheureux et des choses saintes, ils renchérissaient, mais ils ajoutaient toujours cette conclusion : « N’en déplaise à mon maître, ou n’en déplaise à mon Seigneur. » Au moyen de cette restriction, toute parole chrétienne leur était permise par leur maître que nous avons nommé. Cet homme fut arrêté comme habitué du sabbat. Dans sa prison, il se coupa la langue avec un canif pour ne rien révéler. Mais il fut condamné au feu et brûlé en 1459. Jacques du Clerq raconte au long cette triste histoire dans ses mémoires. Louis Tieck en a fait, sous le titre de Sabbat des sorcières, un roman hostile aux catholiques, qu’on a traduit en français.
Labourd, pays de Gascogne dont les habitants s’adonnaient au commerce et entreprenaient de longs voyages, où ils croyaient que le diable les protégeait. Pendant que les hommes étaient absents, Delancre dit que les femmes devenaient d’habiles sorcières. Henri IV envoya en 1609 un conseiller au parlement de Bordeaux, Pierre Delancre, que nous avons souvent cité, pour purger le pays de ces sorcières. Instruites de son arrivée, elles s’enfuirent en Espagne. Il en fit toutefois brûler quelques-unes qui étaient d’affreuses coquines.
Labourant. Voy. Pierre Labourant.
Labrosse. Le médecin Labrosse se mêlait de lire aux astres. Le jeune duc de Vendôme, qui avait grande confiance en cet astrologue, vint un matin conter à Henri IV que Labrosse recommandait au roi de se tenir sur ses gardes ce jour-là. Henri IV répondit : « Labrosse est un vieux fou d’étudier l’astrologie, et Vendôme un jeune fou d’y croire. »
Lac. Grégoire de Tours rapporte que dans le Gévaudan il y avait une montagne appelée HéJanie, au pied de laquelle était un grand lac ; à certaines époques de l’année les villageois s’y rendaient de toutes parts pour y faire des festins, offrir des sacrifices et jeter dans le lac, pendant trois jours, une infinité d’offrandes de toute espèce. Quand ce temps était expiré, selon la tradition que rapporte Grégoire de Tours, un orage mêlé d’éclairs et de tonnerre s’élevait ; il était suivi d’un déluge d’eau et de pierres. Ces scènes durèrent jusqu’à la fin du quatrième siècle.
Cent ans avant l’ère chrétienne il y avait aussi à Toulouse un lac célèbre, consacré au dieu du jour, et dans lequel les Tectosages jetaient en offrandes de l’or et de l’argent à profusion, tant en lingots et monnayé que mis en œuvre et façonné.
On lit dans la Vie de saint Sulpice, évêque de Bourges, qu’il y avait de son temps dans le Berry un lac de mauvaise renommée, qu’on appelait le lac des Démons. Voy. Pilate, Herbadilla, Is, etc.
Lacaille (Denyse de). En 1612, la ville de Beauvais fut le théâtre d’un exorcisme sur lequel on n’a écrit que des facéties sans autorité. La possédée était une vieille nommée Denyse de Lacaille. Nous donnons de cette affaire la pièce suivante en résumé : elle a été évidemment supposée par quelque farceur.
Extrait de la sentence donnée contre les démons qui sont sortis du corps de Denyse de Lacaille :
« Nous étant dûment informés que plusieurs démons et malins esprits vexaient et tourmentaient une certaine femme nommée Denyse de Lacaille, de la Landelle, nous avons donné à Laurent Lepot toute-puissance de conjurer lesdits malins esprits. Ledit Lepot, ayant pris la charge, a fait plusieurs exorcismes et conjurations, desquels plusieurs démons sont sortis, comme le procès-verbal le démontre. Voyant que, de jour en jour, plusieurs diables se présentaient ; comme il est certain qu’un certain démon nommé Lissi a dit posséder ladite Denyse, nous commandons, voulons, mandons, ordonnons audit Lissi de descendre aux enfers, sortir hors du corps de ladite Denyse, sans jamais y rentrer ; et, pour obvier à la venue des autres démons, nous commandons, voulons, mandons et ordonnons que Belzébuth, Satan, Motelu et Briffault, les quatre chefs, et aussi les quatre légions qui sont sous leur puissance, et tous les autres, tant ceux qui sont de l’air, de l’eau, du feu, de la terre et autres lieux, qui ont encore quelque puissance de ladite Denyse de Lacaille, comparaissent maintenant et sans délai, qu’ils aient à parler les uns après les autres, à dire leurs noms de façon qu’on puisse les entendre, pour les faire mettre par écrit.
» Et à défaut de comparoir, nous les mettons et les jetons en la puissance de l’enfer, pour être tourmentés davantage que de coutume ; et, faute de nous obéir, après les avoir appelés par trois fois, commandons, voulons, mandons que chacun d’eux reçoive les peines imposées ci-dessus, défendant au même Lissi, et à tous ceux qui auraient possédé le corps de ladite Denyse de Lacaille, d’entrer jamais dans aucun corps, tant de créatures raisonnables que d’autres.
» Suivant quoi ledit Lessi, malin esprit, prêt à sortir, a signé ces présentes. Belzébuth paraissant, Lissi s’est retiré au bras droit ; lequel Belzébuth a signé ; pareillement Belzébuth s’étant retiré, Satan apparut, et a signé pour sa légion, se retirant au bras gauche ; Motelu, paraissant, a signé pour toute la sienne, s’étant retiré à l’oreille droite ; incontinent Briffault est comparu et a signé ces présentes. — Signé : Lissi, Belzébuth, Satan, Motelu, Briffault.
» Le signe et la marque de ces cinq démons sont apposés à l’original du procès-verbal. Beauvais, le 12 décembre 1612. »
Nous le répétons, c’est une farce de huguenot sur un objet sérieux, mais qui a fait peu de bruit.
Lachanopteres, animaux imaginaires que Lucien place dans le globe de la lune. C’étaient de grands oiseaux couverts d’herbes au lieu de plumes.
Lachus, génie céleste, dont les Basilidiens gravaient le nom sur leurs pierres d’aimant magique ; ce talisman préservait des enchantements.
Laci (Jean), auteur d’un ouvrage intitulé Avertissements prophétiques, publié en 1708, un volume in-8° ; il parut différents ouvrages de cette sorte à l’occasion des prétendus prophètes des Cévennes, qui étaient des fous furieux.
Ladwaiturs, génies propices chez les Scandinaves. Voy. Harold.
Lænsbergh (Matthieu). Voy. Matthieu Lænsbergh.
Lafin (Jacques), sorcier qui fut accusé d’envoûtement sous Henri IV ; on dit qu’on trouva sur lui des images de cire qu’il faisait parler .
Laghernhard (Nicole), femme du pays de Labourd qui, au mois d’août 1590, vit sur la lisière d’une forêt, à l’heure de midi, des hommes et des femmes dansant une ronde en se tournant le dos. Elle remarqua quelques-uns de ces personnages qui avaient des pieds de chèvre, et, présumant que c’était le sabbat, elle fit le signe de la croix en invoquant le nom de Jésus. Aussitôt tout disparut. Un certain Grospetter s’enleva dans les airs en laissant échapper une brosse à nettoyer les fours. Un berger qui, assis sur les branches d’un chêne, jouait de la flûte avec sa houlette dont il tirait des sons, fut enlevé pareillement ; et Nicole Laghernhard se sentit remportée par un tourbillon dans sa maisonnette, où elle dut garder le lit huit jours…
Lagneau ou Laigneau (David), adepte mort au dix-septième siècle. Il a traduit les Douze clefs de la philosophie (hermétique), de Basile Valentin ; et l’on voit dans son Harmonie mystique, publiée à Paris en 1636, qu’il s’occupait d’alchimie.
Laica. Nom de fées chez les Péruviens. Les laicas étaient ordinairement bienfaisantes, au lieu que la plupart des autres magiciennes mettaient leur plaisir à faire du mal.
Lamia, reine de Libye, qui fendait le ventre des femmes grosses pour dévorer leurs fruits. Elle a donné son nom aux lamies.
Lamies, démons mauvais, qu’on trouve dans les déserts sous des figures de femmes, ayant des têtes de dragon au bout des pieds. Elles hantent aussi les cimetières, y déterrent les cadavres, les mangent et ne laissent des morts que les ossements. À la suite d’une longue guerre, on aperçut dans la Syrie, pendant plusieurs nuits, des troupes de lamies qui dévoraient les cadavres des soldats inhumés à fleur de terre. On s’avisa de leur donner la chasse, et quelques jeunes gens en tuèrent plusieurs à coups d’arquebuse ; il se trouva que le lendemain ces lamies n’étaient plus que des loups et des hyènes.
Il se rencontre des lamies, très-agiles à la course, dans l’ancienne Libye ; leur voix est un sifflement de serpent. Quelle que soit leur demeure, il est certain, ajoute Leloyer, qu’il en existe, « puisque cette croyance était en vigueur chez les anciens ». Le philosophe Ménippe fut épris d’une lamie. Elle l’attirait à elle ; heureusement qu’il fut averti de s’en défier, sans quoi il eût été dévoré. « Semblables aux sorcières, dit encore Leloyer , ces démons sont très-friands du sang des petits enfants. »
Tous les démonomanes ne sont pas d’accord sur la forme des lamies : Torquemada, dans son Hexameron, dit qu’elles ont une figure de femme et des pieds de cheval ; qu’on les nomme aussi chevêches, à cause du cri et de la friandise de ces oiseaux pour la chair fraîche. Ce sont des espèces de sirènes selon les uns ; d’autres les comparent aux gholes de l’Arabie. On a dit bien des bizarreries sur ces femmes singulières. Quelques-uns prétendent qu’elles ne voient qu’à travers une lunette . Wierus parle beaucoup de ces monstres dans le troisième livre de son ouvrage sur les Prestiges. Il a même consacré aux lamies un traité particulier .
« Les lamies écossaises, dit un écrivain que nous croyons à ses initiales être M. Alfred Michiels, enlèvent surtout des enfants, et c’est ce qui a rendu les fées en général si redoutables en nos contrées. Il y en avait en Flandre qui envoyaient de toutes parts des esprits inférieurs, conduisant des voitures peintes en rouge, couvertes de toiles rouges, attelées d’un cheval noir. Les enfants qu’ils trouvaient isolés, ceux qu’ils pouvaient attirer par des promesses, ou en leur montrant des dragées et des joujoux, étaient emmenés par eux, et ils les jetaient dans la voiture avec un bâillon dans la bouche. Selon d’autres, ils les massacraient aussitôt ; c’est pour que le sang ne se vît pas qu’ils avaient adopté la couleur rouge pour leurs voitures. Ces voitures s’appelaient bloed-chies et ceux qui les menaient bloed-elven. Dès qu’on les poursuivait ils disparaissaient, et l’on ne trouvait plus que de grandes taupinières au beau milieu du pavé. Cette croyance causait un effroi si grand aux enfants que, dès qu’une voiture de couleur rouge venait à passer, tous se sauvaient en grande hâte. Je me rappelle fort bien avoir partagé la terreur générale. »
Lamotte le Vayer (François), littérateur, né à Paris en 1588 et mort en 1672. C’était, selon Naudé, le Plutarque de la France, ressemblant aux anciens par ses opinions et ses mœurs. Il a laissé des Opuscules sur le sommeil et les songes, in-8°, Paris, 1640.
Lampadomancie, divination dans laquelle on observait la forme, la couleur et les divers mouvements de la lumière d’une lampe, afin d’en tirer des présages pour l’avenir. Delrio rapporte à cette divination la pratique superstitieuse de ceux qui allument un cierge en l'honneur de Saint Antoine de Padoue, pour retrouver les choses perdues.
Lampe merveilleuse. Il y avait à Paris du temps de saint Louis un rabbin fameux, nommé Jéchiel, grand faiseur de prodiges, et si habile à fasciner les yeux par les illusions de la magie ou de la physique que les juifs le regardaient comme un de leurs saints, et les Parisiens comme un sorcier. La nuit, quand tout le monde était couché, il travaillait à la clarté d’une lampe merveilleuse, qui répandait dans sa chambre une lumière aussi pure que celle du jour. Il n’y mettait point d’huile ; elle éclairait continuellement, sans jamais s’éteindre et sans avoir besoin d’aucun aliment. On disait que le diable entretenait cette lampe et venait passer la nuit avec Jéchiel. Aussi tous les passants heurtaient à sa porte pour l’interrompre. Quand des seigneurs ou d’honnêtes gens frappaient, la lampe jetait une lueur éclatante, et le rabbin allait ouvrir ; mais toutes les fois que des importuns faisaient du bruit pour le troubler dans son travail, la lampe pâlissait ; le rabbin, averti, donnait un coup de marteau sur un grand clou fiché au milieu de la chambre ; aussitôt la terre s’entrouvrait et engloutissait les mauvais plaisants .
Les miracles de la lampe inextinguible étonnaient tout Paris. Saint Louis, en ayant entendu parler, fit venir Jéchiel afin de le voir ; il fut content, disent les juifs, de la science étonnante de ce rabbin, qui peut-être avait découvert quelque gaz.
Lampes perpétuelles. En ouvrant d’anciens tombeaux tels que celui de la fille de Cicéron, on trouva des lampes qui répandirent un peu de lumière pendant quelques moments, et même pendant quelques heures ; d’où l’on a prétendu que ces lampes avaient toujours brûlé dans les tombeaux. « Mais comment le prouver ? dit le père Lebrun ; on n’a vu paraître des lueurs qu’après que les sépulcres ont été ouverts et qu’on leur a donné de l’air. Or, il n’est pas surprenant que dans les urnes qu’on a prises pour des lampes il y eût une matière qui, étant exposée à l’air, devînt lumineuse, comme les phosphores. On sait qu’il s’excite quelquefois des flammes dans les caves, dans les cimetières et dans tous les endroits où il y a beaucoup de sel et de salpêtre. L’eau de la mer, l’urine et certains bois produisent de la lumière et même des flammes, et l’on ne doute pas que cet effet ne vienne des sels qui sont en abondance dans ces sortes de corps.
Ferrari a voulu démontrer, dans une savante dissertation, que ce qu’on débitait sur ces lampes éternelles n’était appuyé que sur des contes et des histoires fabuleuses .
Lampon, devin d’Athènes. On apporta un jour à Périclès, de sa maison de campagne, un bélier qui n’avait qu’une corne très-forte au milieu du front ; sur quoi Lampon pronostiqua (ce que tout le monde prévoyait) que la puissance, jusqu’alors partagée en deux factions, celle de Thucydide et celle de Périclès, se réunirait dans la personne de celui chez qui ce prodige était arrivé. Le merveilleux s'évanouit à la dissection du bélier, faite par Anaxagore; mais Lampon reprit l'avantage, lorsque la chute de Thucydide fit passer toute l'autorité dans les mains du seul Périclès.
Lamproies, poissons auxquels on a donné neuf yeux ; mais on a reconnu que c’était une erreur populaire, fondée sur ce que les lamproies ont sur le côté de la tête des cavités, qui n’ont aucune communication avec le cerveau .
Lancinet. Les rois de France ont de temps immémorial revendiqué l’honneur de guérir les écrouelles. Le premier qui fut guéri fut un chevalier nommé Lancinet. Voici comment le fait est conté :
« Il était un chevalier nommé Lancinet, de l’avis duquel le roi Clovis se servait ordinairement lorsqu’il était question de faire la guerre à ses ennemis. Étant affligé de cette maladie des écrouelles, et s’étant voulu servir de la recette dont parle Cornélius Celsus, qui dit que les écrouelles se guérissent si l’on mange un serpent, l’ayant essayée par deux fois, et ce remède ne lui ayant point réussi, un jour, comme le roi Clovis sommeillait, il lui fut avis qu’il touchait doucement le cou à Lancinet, et qu’au même instant ledit Lancinet se trouvait guéri sans que même il parût aucune cicatrice.
» Le roi, s’étant levé plus joyeux qu’à l’ordinaire, tout aussitôt qu’il lit jour, manda Lancinet et essaya de le guérir en le touchant, ce qui fut fait ; et toujours depuis, cette vertu et faculté a été comme héréditaire aux rois de France, et s’est transmise à leur postérité . »
Voilà, sans contredit, un prodige ; mais on représentera que personne ne se nommait Lancinet du temps de Clovis ; que ni Clovis, ni Clotaire, ni le roi Dagobert, ni aucun des Mérovingiens ne se vantaient de guérir les humeurs froides ; que ce secret fut également inconnu aux Carlovingiens, et qu’il faut descendre aux Capétiens pour en trouver l’origine .
Landat ou Landalde (Catherine), paysanne des frontières de l’Espagne. Deîancre dit qu’interrogée sur ses voyages au sabbat, elle déclara qu’elle n’avait pas besoin de dormir pour s’y rendre ; que dès qu’elle s’asseyait près de son feu, si elle sentait un grand désir d’aller au sabbat, elle s’y trouvait aussitôt transportée. Cette femme avait trente ans.
Landela, magicienne. Voy. Harppe.
Langeac, ministre de France, qui employait beaucoup d’espions, et qui fut souvent accusé de communiquer avec le diable .
Langue. On lit dans Diodore de Sicile que les anciens peuples de la Taprobane avaient une langue double, fendue jusqu’à la racine, ce qui animait singulièrement leur conversation et leur facilitait le plaisir de parler à deux personnes en même temps . Mahomet vit dans son paradis des anges bien plus merveilleux ; car ils avaient chacun soixante-dix mille têtes, à chaque tête soixante-dix mille bouches, et dans chaque bouche soixante-dix mille langues qui parlaient chacune soixante-dix mille idiomes différents.
Les sorcières prétendaient avoir le don de parler toutes les langues : ce qui ne s’est pas vérifié, sinon dans quelques possédées.
Langue primitive. On a cru autrefois que si on abandonnait des enfants à la nature, ils apprendraient d’eux-mêmes la langue primitive, c’est-à-dire celle que parlait Adam, que l’on croit être l’hébreu. Mais malheureusement l’expérience a prouvé que cette assertion n’était qu’une erreur populaire . Les enfants élevés par des chèvres parlent l’idiome des boucs, et il est impossible d’établir que le langage n’a pas été révélé.
Languet, curé de Saint-Sulpice, qui avait un l aient tout particulier pour l’expulsion de certains esprits malins. Quand on lui amenait une de ces prétendues possédées que les convulsionnaires ont produites, et qui ont donné matière à tant de scandales, il accourait avec un grand bénitier plein d’eau commune, qu’il lui versait sur la tête en disant : « Je t’adjure de te rendre tout à l’heure à la Salpêtrière, sans quoi je t’y ferai conduire à l’instant. » La possédée ne reparaissait plus.
Lanthila, nom que les habitants des Moluques donnent à un être supérieur qui commande à tous les Nétos ou génies malfaisants.
Lapalud. Voy. Palud.
Lapons. Les Lapons se distinguent un peu des autres peuples : la hauteur des plus grands n’excède pas un mètre et demi ; ils ont la tête grosse, le visage plat, le nez écrasé, les yeux petits, la bouche large, une barbe épaisse qui leur pend sur l’estomac. Leur habit d’hiver est une peau de renne, taillée comme un sac, descendant sur les genoux, et rehaussée sur les hanches d’une ceinture ornée de plaques d’argent ; ce qui a donné lieu à plusieurs historiens de dire qu’il y avait des hommes vers le Nord velus comme des bêtes, et qui ne se servaient point d’autres habits que ceux que la nature leur avait donnés.
On dit qu’il y a chez eux une école de magie où les pères envoient leurs enfants, persuadés que la magie leur est nécessaire pour éviter les embûches de leurs ennemis, qui sont eux-mêmes grands magiciens. Ils font passer les démons familiers dont ils se servent en héritage à leurs enfants, afin qu’ils les emploient à surmonter les démons des autres familles qui leur sont contraires. Ils se servent souvent d’un tambour pour les opérations de leur magie. Quand ils ont envie d’apprendre ce qui se passe en pays étranger, un d’entre eux bat le tambour, mettant dessus, à l’endroit où l’image du soleil est dessinée, des anneaux de laiton attachés ensemble par une chaîne de même métal. Il frappe sur ce tambour avec un marteau fourchu fait d’un os, de telle sorte que ces anneaux se remuent. Le curieux chante en même temps d’une voix distincte une chanson que les Lapons nomment jonk ; tous ceux qui sont présents, hommes et femmes, y ajoutent chacun son couplet, exprimant de temps en temps le nom du lieu dont ils désirent savoir quelque chose. Le Lapon qui frappe le tambour le met ensuite sur sa tête d’une certaine façon et tombe aussitôt par terre, où il ne donne plus signe de vie ; les assistants continuent de chanter jusqu’à ce qu’il soit revenu à lui, car si on cesse de chanter, l’homme meurt, disent-ils, ce qui lui arrive également si quelqu’un essaye de l’éveiller en le touchant de la main ou du pied. On éloigne même de lui les mouches et les autres animaux. Quand il reprend ses sens de lui-même, il répond aux questions qu’on lui fait sur le lieu où il a été envoyé. Quelquefois il ne se réveille qu’au bout de vingt-quatre heures, selon que le chemin qu’il lui a fallu parcourir a été long ou court. Pour ne laisser aucun doute sur la vérité de ce qu’il raconte, il se vante d’avoir rapporté du pays où il a été la marque qu’on lui a demandée, comme un couteau, un anneau, un soulier ou quelque autre chose. Les Lapons se servent aussi du même tambour pour savoir la cause d’une maladie, ou pour faire perdre la vie ou la santé à leurs ennemis.
Parmi ces peuples, certains magiciens ont une espèce de gibecière de cuir, dans laquelle ils tiennent des mouches magiques ou des démons, qu’ils lâchent de temps en temps contre leurs ennemis, ou contre le bétail, ou simplement pour exciter des tempêtes et faire lever des vents orageux. Ils ont aussi une sorte de dard qu’ils jettent en l’air, et qui, dans leur opinion, cause la mort à tout ce qu’il rencontre. Ils se servent, pour ce même effet, d’une pelote nommée tyre, de la grosseur d’une noix, fort légère, presque ronde, qu’ils envoient contre leurs ennemis pour les faire périr ; si par malheur cette pelote rencontre en chemin quelque autre personne ou. quelque animal, elle ne manque pas de leur causer la mort . Voy. Finnes, Tyre, etc.
Lares. Les lares étaient, chez les anciens, des démons ou des génies gardiens du foyer. Cicéron, traduisant le Timêe de Platon, appelle lares ce que Platon nomme démons. Festus les appelle dieux ou démons inférieurs, gardiens des toits et des maisons. Apulée dit que les lares n’étaient autre chose que les âmes de ceux qui avaient bien vécu et bien rempli leur carrière. Au contraire, ceux qui avaient mal vécu erraient vagabonds et épouvantaient les hommes. Selon Servius, le culte des dieux lares est venu de ce qu’on avait coutume autrefois d’enterrer les corps dans les maisons, ce qui donna occasion au peuple crédule de s’imaginer que leurs âmes y demeuraient aussi, comme des génies secourables et propices, et de les honorer en cette qualité.
La coutume s’étant introduite plus tard d’inhumer les morts sur les grands chemins, on en prit occasion de les regarder comme les dieux des chemins. C’était le sentiment des platoniciens, qui des âmes des bons faisaient des lares, et les lémures des âmes des méchants. On plaçait les statuettes des lares dans un oratoire que l’on avait soin de tenir proprement. Cependant quelquefois on perdait le respect à leur égard, comme à la mort de quelques personnes chères ; on les accusait de n’avoir pas bien veillé à leur conservation, et de s’être laissé surprendre par les esprits malfaisants. Caligula fit jeter les siens par la fenêtre, parce que, disait-il, il était mécontent de leurs services.
Quand les jeunes garçons étaient devenus assez grands pour quitter les bulles qu’on ne portait que dans la première jeunesse, ils les pendaient au cou des dieux lares. Les esclaves y pendaient aussi leurs chaînes, lorsqu’ils recevaient la liberté.
Larmes. Les femmes accusées de sorcellerie étaient regardées comme véritablement sorcières lorsqu’elles voulaient pleurer et qu’elles ne le pouvaient. Une sorcière dont parle Boguet dans son Premier avis ne put jeter aucune larme, bien qu’elle se fût plusieurs fois efforcée devant son juge : ( Car il a été reconnu par expérience que les sorciers ne jettent point de larmes : ce qui a donné occasion à Spranger, Grilland et Bodin de dire que l’une des plus fortes présomptions que l’on puisse élever contre le sorcier est qu’il ne larmoie point . »
Larrivey (Pierre), poète dramatique du seizième siècle, né à Troyes en 1596. Il s’est fait connaître par un Almanach avec grandes prédictions, le tout diligemment calculé, qu’il publia de 1618 à 1647. Il précéda ainsi Matthieu Lænsbergh. Il ne mangeait point de poisson, parce que, selon son horoscope, il devait mourir étranglé par une arête, prédiction qui ne fut pas accomplie. Les almanachs qui continuent de porter son nom sont encore très-estimés dans le midi de la France, comme ceux de Matthieu Lænsbergh dans le Nord.
Larves, âmes des méchants, que l'on supposait errer ça et là pour épouvanter les vivants. Larve signifie masque; et comme on les faisait hideux et effrayants, on s'est servi de ce nom pour désigner les génies malfaisants, qu'on appelait autrement Lémures. En effet, on les représentait comme des vieillards au visage sévère, ayant la barbe longue, les cheveux courts, et portant sur la main un hibou, oiseau de mauvaise augure. Larves est aussi le nom que l'on donnait aux mânes. Tous ceux qui périssaient de mort violente, ou qui ne recevaient pas les honneurs de la sépulture, devenaient des Larves; et lorsqu'on eut assassiné Caligula, le palais , dit Suétone, devint inhabitable par les fantômes effrayants qui apparurent, jusqu'à ce qu'on lui eût décerné une pompe funèbre.
Launoy (Jean), célèbre docteur de Sorbonne, né le 21 décembre 1603 à Valdéric, diocèse de Coutances. Il a laissé une dissertation pédantesque sur la vision de saint Simon Stock, qu’il n’a pas su comprendre, étant un peu trop janséniste. Un volume in-8° ; 1653 et 1663.
Laurier, arbre qu’Apulée met au rang des plantes qui préservent les hommes des esprits malins. On croyait aussi chez les anciens qu’il garantissait de la foudre.
Lauthu, magicien tonquinois, qui prétendait avoir été formé et porté soixante-dix ans dans le sein de sa mère sans qu'elle eût perdu sa virginité. Sa morale est très relâchée; c'est celle que suit le peuple, tandis que la cour suit celle de Confucius.
Lavater (Louis), théologien protestant, né à Kibourg en 1527, auteur d’un traité sur les spectres, les lémures, etc. ; Zurich, 1570, in-12, plusieurs fois réimprimé.
Lavater (Jean-Gaspard), né à Zurich en 1741, mort en 1801, auteur célèbre de l’Art déjuger les hommes par la physionomie. Voy. Physiognomonie.
Lavisari. Cardan écrit qu’un Italien nommé Lavisari, conseiller et secrétaire d’un prince, se trouvant une nuit seul dans un sentier, le long d’une rivière, et ne sachant où était le gué pour la passer, poussa un cri dans l’espoir d’être entendu des environs. Son cri ayant été répété par une voix de l’autre côté de l’eau, il se persuada que quelqu’un lui répondait, et demanda : — Dois-je passer ici ? — La voix lui répondit : — Ici.
Il vit alors qu’il était sur le bord d’un gouffre où l’eau se jetait en tournoyant. Épouvanté du danger que ce gouffre lui présentait, il s’écrie encore une fois : — Faut-il que je passe ici ? — La voix lui répondit : — Passe ici. — Il n’osa s’y hasarder, et, prenant l’écho pour le diable, il crut qu’il voulait le faire périr et retourna sur ses pas .
Layra, nom d’une maladie que donnaient les sorciers dans une pomme ou dans un autre aliment, et qui produisait le besoin indomptable d’aboyer. Delancre en a eu les preuves. Les mêmes coquins infusaient aussi par le même procédé de violentes épilepsies.
Lazare, tzar des Serviens dans leurs temps héroïques. On lit sur ce prince, dans les chants populaires des Serviens, de singulières légendes.
Leur grand cycle poétique, c’est l’ère fatale de la conquête, c’est la bataille de Kossovo, où périt le roi Lazare, trahi par son gendre Wuk et par ses douze mille guerriers. À cette bataille, le poète fait intervenir le prophète Elie, qui annonce au roi la volonté de Dieu et l’avertit qu’il est temps de choisir entre le royaume du ciel et celui de la terre. Lazare mande le patriarche de Servie et les douze grands archevêques, pour qu’ils donnent la sainte communion.
Lazare (Denys), prince de Servie, qui vivait en Tannée de l’hégire 788. Il est auteur d’un ouvrage intitulé les Songes, publié en 1686 ; 1 vol. in-8°. Il prétend avoir eu des visions nocturnes dans les royaumes de Stéphan, de Mélisch et de Prague.
Leaupartie, seigneur normand d’un esprit épais, qui fit paraître en 1735 un mémoire pour établir la possession et l’obsession de ses enfants et de quelques autres filles qui avaient copié les extravagances de ces jeunes demoiselles. — Il envoya à la Sorbonne et à la faculté de médecine de Paris des observations pour savoir si l’état des possédées pouvait s’expliquer naturellement. Il exposa que les possédées entendaient le latin ; qu’elles étaient malicieuses ; qu’elles parlaient en hérétiques ; qu’elles n’aimaient pas le son des cloches ; qu’elles aboyaient comme des chiennes ; que l’aboiement de l’une d’elles ressemblait à celui d’un dogue ; que leur servante Anne Néel, quoique fortement liée, s’était dégagée pour se jeter dans le puits : ce qu’elle ne put exécuter, parce qu’une personne la suivait ; mais que, pour échapper à cette poursuite, elle s’élança contre une porte fermée et passa au travers, etc. — Le bruit s’étant répandu que les demoiselles de Leaupartie étaient possédées, un curé nommé Heurtin, faible ou intrigant, s’empara de l’affaire, causa du scandale, fit des extravagances. Mgr de Luynes, évêque de Bayeux, le fit renfermer dans un séminaire ; et les demoiselles, ayant été placées dans des communautés religieuses, se trouvèrent immédiatement paisibles.
Lebrun (Charles), célèbre peintre, né à Paris en 1619, mort en 1690. On lui doit un Traité sur la physionomie humaine comparée avec celle des animaux, 1 vol. in-folio.
Lebrun (Pierre), oratorien, né à Brignoles en 1661, mort en 1729. On a de lui :1° Lettres qui découvrent l’illusion des philosophes sur la baguette, et qui détruisent leurs systèmes, 1693, in-12 ; 2° Histoire critique des pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les savants, 1702, 3 vol. in-12, avec un supplément, 1737, in-12.
Nous avons occasion de le citer souvent.
Lécanomancie, divination par le moyen de l’eau. On écrivait des paroles magiques sur des lames de cuivre, qu’on mettait dans un vase plein d’eau, et une vierge qui regardait dans cette eau y voyait ce qu’on voulait savoir, ou ce qu’elle voulait y voir. Ou bien on remplissait d’eau un vase d’argent pendant un « beau clair de lune ; ensuite on réfléchissait la lumière d’une chandelle dans le vase avec la lame d’un couteau, et l’on y voyait ce qu’on cherchait à connaître. — C’est encore par la lécanomancie que chez les anciens on mettait dans un bassin plein d’eau des pierres précieuses et des lames d’or et d’argent, gravées de certains caractères, dont on faisait offrande aux démons. Après les avoir conjurés par certaines paroles, on leur proposait la question à laquelle on désirait une réponse. Alors il sortait du fond de l’eau une voix basse, semblable à un sifflement de serpent, qui donnait la solution désirée. Glycas rapporte que Nectanébus, roi d’Égypte, connut par ce moyen qu’il serait détrôné ; et Delrio ajoute que de son temps cette divination était encore en vogue parmi les Turcs. Elle était anciennement familière aux Chaldéens, aux Assyriens et aux Égyptiens. Vigenère dit qu’on jetait aussi du plomb fondu tout bouillant dans un bassin plein d’eau ; et par les figures qui s’en formaient on avait réponse à ce qu’on demandait .
Lecanu (M. l’abbé), du clergé de Paris, auteur d’un livre intitulé « Histoire de Satan, sa chute, son culte, ses manifestations, ses œuvres, la guerre qu’il fait à Dieu et aux hommes ; magie, possessions, illuminisme, magnétisme, esprits frappeurs, spirites, etc. » In-8°, Paris, 1862.
Léchies, dieux des bois, qui correspondaient aux satyres. Le peuple russe, chez qui l'idée en est restée, leur donne un corps humain, depuis la partie supérieure jusqu'à la ceinture, avec des cornes, des oreilles, et une barbe de chèvre; et de la ceinture en bas, des formes de bouc. Quand ils marchaient à travers les herbes, ils se rapetissaient à leur niveau; mais lorsqu'ils couraient dans les forêts, ils égalaient en hauteur les arbres mêmes; et poussaient des cris effroyables. Ils erraient sans cesse autour de ceux qui se promenaient dans les bois, empruntaient une voix connue de ces voyageurs, et de cette manière les égaraient dans la forêt jusqu'aux approches de la nuit; ensuite ils les transportaient dans leurs cavernes, où ils prenaient plaisir à les chatouiller jusqu'à la mort.
Lecoq, sorcier qui fut exécuté à Saumur, au seizième siècle, pour avoir composé des maléfices et poisons contre les enfants. Le bruit courait dans ce temps-là que lui et d’autres sorciers ayant jeté leurs sorts diaboliques sur les lits de plume, il devait s’y engendrer certains serpents qui piqueraient et tueraient les bonnes gens endormis ; si bien qu’on n’osait plus se coucher. On attrapa Lecoq et on le brûla, après quoi on alla dormir , ce que vous pouvez faire aussi.
Ledoux (Mademoiselle), tireuse de cartes, dont on fit le procès à Paris le 14 juillet 1818. Elle fut condamnée à deux ans d’emprisonnement et à douze francs d’amende, pour avoir prescrit à une jeune demoiselle d’aller la nuit en pèlerinage au Calvaire du mont Valérien, près Paris, et d’y porter quatre queues de morue enveloppées dans quatre morceaux d’un drap coupé en quatre, afin de détacher, par ce moyen cabalistique, le cœur d’un jeune homme riche, de neuf veuves et demoiselles qui le poursuivaient en mariage .
Legendre (Gilbert-Charles), marquis de Saint-Aubin-sur-Loire, né à Paris en 1688, mort en 1746. On a de lui un Traité de l’opinion, ou Mémoires pour servir à l’histoire de l’esprit humain, Paris, 1733, 6 vol. in-12 ; ouvrage dont M. Salgues a tiré très-grand parti pour son livre des Erreurs et des préjugés répandus dans la société.
Légions. Il y a aux enfers six mille six cent soixante-six légions de démons. Chaque légion de l’enfer se compose de six mille six cent soixante-six diables, ce qui porte le nombre de tous ces démons à quarante-quatre millions quatre cent trente-cinq mille cinq cent cinquante-six, à la tête desquels se trouvent soixante-douze chefs, selon le calcul de Wierus. Mais d’autres doctes mieux informés élèvent bien plus haut le nombre des démons.
Leleu (Augustin), contrôleur des droits du duc de Chaulnes sur la chaîne de Picquigny, qui demeurait à Amiens, rue de l’Aventure, et dont la maison fut infestée de démons pendant quatorze ans. Après s’être plaint, il avait obtenu qu’on fît la bénédiction des chambres infestées ; ce qui força les diables à détaler .
Leloyer. Voy. Loyer(le).
Lemia, sorcière d’Athènes, qui fut punie du dernier supplice, au rapport de Démosthène, pour avoir enchanté, charmé et fait périr le bétail ; car dans cette république on avait établi une chambre de justice pour poursuivre les sorciers.
Lemnus ou Lemmens (Liévin), né en 1505 à Ziriczée en Zélande, médecin et théologien, publia un livre sur ce qu’il y a de vrai et de faux en astrologie, et un autre sur les merveilles occultes de la nature .
Lémures, génies malfaisants ou âmes des morts damnés qui ( selon les croyances superstitieuses) reviennent tourmenter les vivants, et dans la classe desquels il faut mettre les vampires. On prétend que le nom de Lémure est une corruption de Rémure, qui vient à son tour du nom de Rémus, tué par Romulus, fondateur de Rome ; car après sa mort les esprits malfaisants se répandirent dans Rome . Voy. Lares, Larves, Spectres, Vampires, etc.
Lenglet-Dufresnoy (Nicolas), né à Beauvais en 1674 et mort en 1755. On lui doit :1° une Histoire de la philosophie hermétique, accompagnée d’un catalogue raisonné des écrivains de cette science, avec le véritable Philalète, revu sur les originaux, 1742, 3 vol. in-12 ; 2° un Traité historique et dogmatique sur les apparitions, visions et révélations particulières, avec des observations sur les dissertations du R. P. dom Calmet sur les apparitions et les revenants, 1751, 2 vol. in-12 ; 3° un Recueil de dissertations anciennes et nouvelles sur les apparitions, les visions et les songes, avec une préface historique et un catalogue des auteurs qui ont écrit sur les esprits, les visions, les apparitions, les songes et les sortilèges ; 1752, k vol. in-12.
Nous avons puisé fréquemment dans ces ouvrages.
Lenormand (Mademoiselle), femme qui, sous l’Empire et la Restauration, exerçait à Paris le métier de sibylle. Elle prenait le nom de sibylle du faubourg Saint-Germain, tirait les cartes et disait la bonne aventure par le marc de café. On prétend qu’elle était un des organes de la police. Elle a laissé des mémoires et des souvenirs sibyllins. Morte en 1843. Ce qui est curieux, c’est que, de notre temps, les grandes dames allaient la consulter.
Le Normant (Martin), astrologue qui fut apprécié par le roi Jean, auquel il prédit la victoire qu’il gagna contre les Flamands .
Léon III, élu pape en 795. On a eu l’effronterie de lui attribuer un recueil de platitudes, embrouillées dans des figures et des mots inintelligibles, composé par un visionnaire plus de trois cents ans après lui, sous le titre d’Enchiridion Leonis papœ . On a ajouté qu’il avait envoyé ce livre à Charlemagne. Voici le titre exact de ce ridicule fatras : Enchiridion du pape Léon, donné comme un présent précieux au sérénissime empereur Charlemagne, récemment purgé de toutes ses fautes. Rome, 1670, in-12 long, avec un cercle coupé d’un triangle pour vignette, et à l’entour ces mots en légende : Formation, réformation, transformation. Après un avis aux sages cabalistes, le livre commence par l’Évangile de saint Jean, que suivent les secrets et oraisons pour conjurer le diable. Voy. Conjurations, etc.
Léonard, démon des premiers ordres, grand maître des sabbats, chef des démons subalternes, inspecteur général de la sorcellerie, de la magie noire et des sorciers. On l’appelle souvent le Grand Nègre. Il préside au sabbat sous la figure d’un bouc de haute taille ; il a trois cornes sur la tête, deux oreilles de renard, les cheveux hérissés, les yeux ronds, enflammés et fort ouverts, une barbe de chèvre et un visage au derrière. Les sorciers l’adorent en lui baisant ce visage inférieur avec une chandelle verte à la main. Quelquefois il ressemble à un lévrier ou à un bœuf, ou à un grand oiseau noir, ou a un tronc d’arbre surmonté d’un visage ténébreux. Ses pieds, quand il en porte au sabbat, sont toujours des pattes d’oie. Cependant, les experts qui ont vu le diable au sabbat observent qu’il n’a pas de pieds quand il prend la forme d’un trône d’arbre et dans d’autres circonstances extraordinaires. Léonard est taciturne et mélancolique ; mais dans toutes les assemblées de sorciers et de diables où il est obligé de figurer, il se montre avantageusement et déploie une gravité superbe .
Léopold, fils naturel de l’empereur Rodolphe II. Il embrassa la magie et étudia les arts du diable, qui lui apparut plus d’une fois. Il arriva que son frère Frédéric fut pris en bataille en combattant contre Louis de Bavière. Léopold, voulant lui envoyer un magicien pour le délivrer de la prison de Louis sans payer rançon, s’enferma avec ce magicien dans une chambre, en conjurant et appelant le diable, qui se présenta à eux sous forme et costume d’un messager de pied, ayant ses souliers usés et rompus, le chaperon en tête ; quant au visage, il avait les yeux chassieux. Il leur promit, sans que le magicien inintelligibles se dérangeât, de tirer Frédéric d’embarras, pourvu qu’il y consentît. Il se transporta de suite dans la prison, changea d’habit et de forme, prit celle d’un écolier, avec une nappe autour du cou, et invita Frédéric à entrer dans la nappe, ce qu’il refusa en faisant le signe de la croix. Le diable s’en retourna confus chez Léopold, qui ne le quitta point pour cela ; car pendant la maladie à la suite de laquelle il mourut, s’étant levé un jour sur son séant, il commanda à son magicien, qu’il tenait à gages, d’appeler le diable, lequel se montra sous la forme d’un homme noir et hideux ; Léopold ne l’eut pas plutôt vu qu’il dit : C’est assez ; et il demanda qu’on le recouchât dans son lit, où il trépassa
Lépapa, rocher mystique. Voy. Eatuas.
Lépréchan. C’est le nom qu’on donne au cluricaune dans quelques comtés de l’Irlande. Voyez Cluricaune.
Leriche (M. l’abbé), prêtre du diocèse de Poitiers, auteur d’un savant livre intitulé Études sur les possessions en général et sur la possession de Loudun en particulier, précédées d’une lettre du P. Ventura. 1 vol. in-12, 1859. Dans cet ouvrage, parfaitement écrit et solidement appuyé de preuves, l’auteur a mis au néant tous les mensonges du calviniste Saint-Aubin.
Leroux de Lincy, auteur vivant de travaux curieux intitulés Le Livre des légendes, 1836.
Lesage. Voy. Luxembourg.
Lescorière (Marie), vieille sorcière arrêtée au seizième siècle à l’âge de quatre-vingt-dix ans. Elle répondit dans son interrogatoire qu’elle passait pour sorcière sans l’être ; qu’elle croyait en Dieu, l’avait prié journellement, et avait quitté le diable depuis longtemps ; qu’il y avait quarante ans qu’elle n’avait été au sabbat. Interrogée sur le sabbat, elle dit qu’elle avait vu le diable en forme d’homme et de bouc, qu’elle lui avait cédé les galons dont elle liait ses cheveux, que le diable les lui avait payés un écu qu’elle avait mis dans sa bourse ; qu’il lui avait surtout recommandé de ne pas prier Dieu, de nuire aux gens de bien, et qu’il lui avait remis pour cela de la poudre dans une boîte ; qu’il était venu la trouver en forme de chat, et que, parce qu’elle avait cessé d’aller au sabbat, il l’avait meurtrie à coups de pierres ; que quand elle appelait le diable, il venait à elle en figure de chien pendant le jour et en figure de chat pendant la nuit ; qu’une fois elle l’avait prié de faire mourir une voisine, ce qu’il avait fait ; qu’une autre fois, passant par un village, les chiens l’avaient suivie et mordue ; que dans l’instant elle avait appelé le diable, qui les avait tués. Elle dit aussi qu’il ne se faisait autre chose au sabbat sinon honneur au diable, qui promettait ce qu’on lui demandait ; qu’on lui faisait offrande en le baisant au derrière ayant chacun une chandelle à la main .
Lescot, devin de Parme, qui disait indifféremment à tout homme qui en voulait faire l’essai : a Pensez ce que vous voudrez, et je devinerai ce que vous pensez, » parce qu’il était servi par un démon .
Lespèce, Italien qui fut avalé pendant le séjour de la flotte française au port de Zante, sous le règne de Louis XII. Il était dans le brigantin de François de Grammont. Un jour, après avoir bien bu, il se mit à jouer aux dés et perdit tout son argent. Il maugréa Dieu, les saints, la bienheureuse Vierge Marie, mère de Dieu, et invoqua le diable à son aide. La nuit venue, comme l’impie commençait à ronfler, un gros et horrible monstre, aux yeux étincelants, approcha du brigantin. Quelques matelots prirent cette bête pour un monstre marin et voulurent l’éloigner ; mais elle aborda le navire et alla droit à l’hérétique, qui fuyait de tous côtés. Dans sa fuite, il trébucha et tomba dans la gueule de cet horrible serpent .
Léthé, fleuve qui arrosait une partie du Tartare et allait jusqu’à l’Élisée. Ses ondes faisaient oublier aux ombres, forcées d’en boire, les plaisirs et les peines de la vie qu’elles avaient quittée. On surnommait le Léthé le fleuve d’Huile, parce que son cours était paisible, et par la même raison Lucain l’appelle deus tacitus, dieu silencieux, car il ne faisait entendre aucun murmure. Les âmes des méchants, après avoir expié leurs | crimes par de longs tourments, venaient aux bords du Léthé perdre le souvenir de leurs maux et puiser une nouvelle vie. Sur ses rives, comme sur celles du Cocyte, on voyait une porte qui communiquait au Tartare .
Lettres de l’alphabet. Leur mystère. Voyez Marc l’hérétique.
Lettres infernales, ou Lettres des campagnes, publiées en 1734. Ce n’est qu’une satire contre les fermiers généraux.
Lettres sur les diverses apparitions d’un bénédictin de Toulouse, in-4°, 1679. Ces apparitions étaient, dit-on, des supercheries de quelques novices de la congrégation de Saint-Maur, qui voulaient tromper leurs supérieurs. On les fit sortir de l’ordre.
Leuce-Carin, hérétique du second siècle, auteur apocryphe d’un livre intitulé Voyages des apôtres. Il y conte des absurdités.
Leucophylle, plante fabuleuse qui, selon les anciens, croissait dans le Phase, fleuve de la Colchide. On lui attribuait la vertu d’empêcher les infidélités ; mais il fallait la cueillir avec de certaines précautions, et on ne la trouvait qu’au point du jour, vers le commencement du printemps, lorsqu’on célébrait les mystères d’Hécate.
Lévi de Moravie, rabbin juif, réputé grand magicien au XVIe siècle.
Léviathan, grand amiral de l’enfer, selon les démonomanes. Wierus l’appelle le grand menteur. Il s’est mêlé de posséder, de tous temps, les gens qui courent le monde. Il leur apprend à mentir et à en imposer. Il est tenace, ferme à son poste et difficile à exorciser. On donne aussi le nom de Léviathan à un poisson immense que les rabbins disent destiné au repas du Messie. Ce poisson est si monstrueux qu’il en avale d’un coup un autre, lequel, pour être moins grand que lui, ne laisse pas d’avoir trois lieues de long. Toute la masse des eaux est portée sur Léviathan. Dieu, au commencement, en créa deux, l’un mâle et l’autre femelle ; mais de peur qu’ils ne renversassent la terre et qu’ils ne remplissent l’univers de leurs semblables, Dieu, disent encore les rabbins, tua la femelle et la sala pour le repas du Messie qui doit venir. Eh hébreu, Léviathan veut dire monstre des eaux. Il paraît que c’est le nom de la baleine dans le livre de Job, chap. lxi. Samuel Bochard croit que c’est aussi le nom du crocodile. Voy. Kraken.
Lewis (Matthieu-Grégoire), auteur de romans et de pièces de théâtre, né en 1773 et mort en 1818. On a de lui le Moine, 1795, 3 vol. in-12, production effroyable et dangereuse, qui fit plus de bruit qu’elle ne mérite ; le Spectre du château, opéra ou drame en musique, etc.
Lézards. Les Kamtschadales en ont une crainte superstitieuse. Ce sont, disent-ils, les espions de Gaetch (dieu des morts) qui viennent leur prédire la fin de leurs jours. Si on les attrape, on les coupe en petits morceaux pour qu’ils n’aillent rien dire au dieu des morts. Si un lézard échappe, l’homme qui l’a vu tombe dans la tristesse et meurt quelquefois de la peur qu’il a de mourir.
Les nègres qui habitent les deux bords du Sénégal ne veulent pas souffrir, au contraire, qu’on tue les lézards autour de leurs maisons. Ils sont persuadés que ce sont les âmes de leurs pères, de leurs mères et de leurs proches parents qui viennent faire le folgar, c’est-à-dire se réjouir avec eux .
Libanius, magicien né en Asie, qui, pendant le siège de Ravenne par Constance, employait des moyens magiques pour vaincre les ennemis .
Libanomancie, divination qui se faisait par le moyen de l’encens. Voici, selon Dion Cassius, les cérémonies que les anciens pratiquaient dans la libanomancie. On prend, dit-il, de l’encens, et, après avoir fait des prières relatives aux choses que l’on demande, on jette cet encens dans le feu, afin que sa fumée porte les prières jusqu’au ciel. Si ce qu’on souhaite doit arriver, l’encens s’allume sur-le-champ, quand même il serait tombé hors du feu ; le feu semble l’aller chercher pour le consumer. Mais si les vœux qu’on a formés ne doivent pas être remplis, ou l’encens ne tombe pas dans le feu, ou le feu s’en éloigne et ne le consume pas. Cet oracle, ajoute t-il, prédit tout, excepté ce qui regarde la mort et le mariage.
Libertins, fanatiques qui s’élevèrent en Flandre au milieu du seizième siècle et qui se répandirent en France, où ils eurent pour chef un tailleur picard nommé Quintin. Ils professaient exactement le panthéisme des philosophes de nos jours ; et les rêveurs allemands les copient. Ils regardaient le paradis et l’enfer comme des illusions et se livraient à leurs sens. Le nom qu'ils se donnaient, comme affranchis, est devenu une injure.
Libres penseurs, personnages qui se posent de nos jours en esprits forts et qui ont toutes les doctrines des hérétiques dont on vient de parler.
Licorne. On croyait chez nos pères que la corne de licorne préservait des sortilèges. Les licornes du cap de Bonne-Espérance sont décrites avec des têtes de cheval, d’autres avec des têtes de cerf. On dit que le puits du palais de Saint-Marc ne peut être empoisonné, parce qu’on y a jeté des cornes de licornes. On est d’ailleurs indécis sur ce qui concerne ces animaux, dont la race semble perdue, quoique, dit-on, elle existe encore en Chine. Voy. Cornes.
Lieder (Madeleine), femme de Lewenburg en Saxe, qui fut possédée en 1605, avec des crises singulières. Quelquefois son démon l’enroulait comme une pelote, de sorte que sa tête touchait ses genoux ; et, dans cette situation, elle était lancée en l’air. D’autres fois sa taille grandissait au point que sa tête touchait le plafond. D’autrefois ses yeux sortaient de sa tête gros comme des œufs de poule, ou sa langue pendait noire et longue d’un pied hors de sa bouche. On l’exorcisa, et le démon qui la possédait dit, par sa bouche, que ses meilleurs amis étaient Judas, Hérode, Pilate et Faust.
Lièvre. On raconte des choses merveilleuses du lièvre. Évax et Aaron disent que si l’on joint ses pieds avec la tête d’un merle, ils rendront l’homme qui les portera si hardi qu’il ne craindra pas même la mort. Celui qui se les attachera au bras ira partout où il voudra, et s’en retournera sans danger. — Si on en fait manger à un chien, avec le cœur d’une belette, il est sûr qu’il n’obéira jamais, quand même on le tuerait .
Si des vieillards aperçoivent un lièvre traversant un chemin, ils ne manquent guère d’en augurer quelque mal. Ce n’est pourtant, au fond, qu’une menace des anciens augures exprimée en ces termes : Inauspicatum dat iter oblahis lepus. Cette idée n’avait apparemment d’autre fondement, si ce n’est que nous devons craindre quand un animal timide passe devant nous ; comme un renard, s’il y passe aussi, nous présage quelque imposture. Ces observations superstitieuses étaient défendues aux Juifs. Chez les Grecs modernes, si un lièvre croise le chemin d’une caravane, elle fera halte jusqu’à ce qu’un passant qui ne l’ait pas vu coupe le charme en traversant la même route. — Les Romains croyaient que celui qui mangeait du lièvre pendant sept jours était par là fort embelli ; et on conte qu’Alexandre-Sévère, qui apparemment avait un grain de coquetterie, mangeait du lièvre à tous ses repas.
À l’honneur des lièvres, voy. Sakimouni.
Lièvre (Le Grand). Les Chipouyans, peuplade sauvage qui habite l’intérieur de l’Amérique septentrionale, croient que le Grand Lièvre, nom qu’ils donnent à l’Être suprême, étant porté sur les eaux avec tous les quadrupèdes qui composaient sa cour, forma la terre d’un grain de sable tiré de l’Océan et tira les hommes des corps des animaux. Mais le Grand Tigre, dieu des eaux, s’opposa aux desseins du Grand Lièvre. Voilà, suivant eux, les principes qui se combattent perpétuellement.
Ligature. On donne ce nom à un maléfice spécial, par lequel on liait et on paralysait quelque faculté physique de l’homme ou de la femme. On appelait chevillement le sortilège qui fermait un conduit et empêchait par exemple les déjections naturelles. On appelait embarrer l’empêchement magique qui s’opposait à un mouvement. On appelait plus spécialement ligature le maléfice qui affectait d’impuissance un bras, un pied ou tout autre membre.
Le plus fameux de ces sortilèges est celui qui est appelé dans tous les livres où il s’agit de superstitions, dans le curé Thiers, dans le père Lebrun et dans tous les autres, le nouement de L’aiguillette ou l’aiguillette nouée, désignation honnête d’une chose honteuse. C’est au reste le terme populaire. Cette matière si délicate, que nous aurions voulu pouvoir éviter, tient trop de place dans les abominations superstitieuses pour être passée sous silence.
Les rabbins attribuent à Cham l’invention du nouement de l’aiguillette. Les Grecs connaissaient ce maléfice. Platon conseille à ceux qui se marient de prendre garde à ces charmes ou ligatures qui troublent la paix des ménages . On nouait aussi l’aiguillette chez les Romains ; cet usage passa des magiciens du paganisme aux sorciers modernes. On nouait surtout beaucoup au moyen âge. Plusieurs conciles frappèrent d’anathème les noueurs d’aiguillette ; le cardinal du Perron fit même insérer dans le rituel d’Évreux des prières contre l’aiguillette nouée ; car jamais ce maléfice ne fut plus fréquent qu’au seizième siècle. Le nouement de l’aiguillette devient si commun, dit Pierre Delancre, qu’il n’y a guère d’hommes qui osent se marier, sinon à la dérobée. On se trouve lié sans savoir par qui, et de tant de façons que le plus rusé n’y comprend rien. Tantôt le maléfice est pour l’homme, tantôt pour la femme, ou pour tous les deux. Il dure un jour, un mois, un an. L’un aime et n’est pas aimé ; les époux se mordent, s’égratignent et se repoussent ; ou bien le diable interpose entre eux un fantôme, etc. Le démonologue expose tous les cas bizarres et embarrassants d’une si fâcheuse circonstance.
Mais l’imagination, frappée de la peur du sortilège, faisait le plus souvent tout le mal. On attribuait aux sorciers les accidents qu’on ne comprenait point, sans se donner la peine d’en chercher la véritable cause. L’impuissance n’était donc généralement occasionnée que par la peur du maléfice, qui frappait les esprits et affaiblissait les organes ; et cet état ne cessait que lorsque la sorcière soupçonnée voulait bien guérir l’imagination du malade en lui disant qu’elle le restituait. Une nouvelle épousée de Niort, dit Bodin , accusa sa voisine de l’avoir liée. Le juge fit mettre la voisine au cachot. Au bout de deux jours, elle commença à s’y ennuyer et s’avisa de faire dire aux mariés qu’ils étaient déliés ; et dès lors ils furent déliés. — Les détails de ce désordre sont presque toujours si ignobles qu’on ne peut mettre sous les yeux d’un lecteur honnête cet enchevillement, comme l’appelle Delancre.
Les mariages ont rarement lieu en Russie sans quelque frayeur de ce genre. « J’ai vu un jeune homme, dit un voyageur , sortir comme un furieux de la chambre de sa femme, s’arracher les cheveux et crier qu’il était ensorcelé. On eut recours au remède employé chez les Russes, qui est de s’adresser à des magiciennes blanches, lesquelles pour un peu d’argent, rompent le charme et dénouent l’aiguillette ; ce qui était la cause de l’état où je vis ce jeune homme. »
Nomment de l’aiguillette. — Nous croyons devoir rapporter, comme spécimen des bêtises de l’homme, la stupide formule suivante, qu’on lit au chapitre premier des Admirables secrets du Petit Albert :
« Qu’on prenne la verge d’un loup nouvellement tué ; qu’on aille à la porte de celui qu’on veut lier, et qu’on l’appelle par son propre nom. Aussitôt qu’il aura répondu, on liera la verge avec un lacet de fil blanc, et le pauvre homme sera impuissant aussitôt. »
Ce qui est surprenant, c’est que les gens de village croient à de telles formules, qu’ils les emploient, et qu’on laisse vendre publiquement des livres qui les donnent avec de scandaleux détails.
On trouve dans Ovide et dans Virgile les procédés employés par les noueurs d’aiguillette de leur temps. Ils prenaient une petite figure de cire qu’ils entouraient de rubans ou de cordons ; ils prononçaient sur sa tête des conjurations, en serrant les cordons l’un après l’autre ; ils lui enfonçaient ensuite, à la place du foie, des aiguilles ou des clous, et le charme était achevé.
Bodin assure qu’il y a plus de cinquante moyens de nouer l’aiguillette. Le curé Thiers rapporte avec blâme plusieurs de ces sortes de moyens, qui sont encore usités dans les villages.
Contre l’aiguillette nouée. — On prévient ce maléfice en portant un anneau dans lequel est enchâssé l’œil droit d’une belette ; ou en mettant du sel dans sa poche, ou des sous marqués dans ses souliers, lorsqu’on sort du lit ; ou, selon Pline, en frottant de graisse de loup le seuil et les poteaux de la porte qui ferme la chambre à coucher. — Hincmar de Reims conseille avec raison aux époux qui se croient maléficiés du nouement de l’aiguillette la pratique des sacrements comme un remède efficace ; d’autres ordonnaient le jeûne et l’aumône.
Le Petit Albert conseille contre l’aiguillette nouée de manger un pivert rôti avec du sel bénit, ou de respirer la fumée de la dent d’un mort jetée dans un réchaud. — Dans quelques pays on se flatte de dénouer l’aiguillette en mettant deux chemises à l’envers l’une sur l’autre. Ailleurs, on perce un tonneau de vin blanc, dont on fait passer le premier jet par la bague de la mariée. Ou bien, pendant neuf jours, avant le soleil levé, on écrit sur du parchemin vierge le mot avigazirtor. Il n’y a, comme on voit, aucune extravagance qui n’ait été imaginée.
Voici, avant de finir, un exemple curieux d’une manière peu usitée de nouer l’aiguillette : « Une sorcière, voulant exciter une haine mortelle entre deux futurs époux, écrivit sur deux billets des caractères inconnus et les leur fit porter sur eux. Comme ce charme ne produisait pas assez vite l’effet qu’elle désirait, elle écrivit les mêmes caractères sur du fromage qu’elle leur fit manger ; puis elle prit un poulet noir qu’elle coupa par le milieu, en offrit une partie au diable et leur donna l’autre, dont ils firent leur souper. Cela les anima tellement qu’ils ne pouvaient plus se regarder l’un l’autre. — Y a-t-il rien de si ridicule, ajoute Delancre, persuadé pourtant de la vérité du fait, et peut-on reconnaître en cela quelque chose qui puisse forcer deux personnes qui s’entr’aiment à se haïr à mort ? »
On dit que les sorciers ont coutume d’enterrer des têtes et des peaux de serpents sous le seuil de la porte des mariés, ou dans les coins de leur maison, afin d’y semer la haine et les dissensions. Mais ce ne sont que les marques visibles des conventions qu’ils ont faites avec Satan, lequel est le maître et l’auteur du maléfice de la haine. Parfois, continue Delancre, le diable ne va pas si avant, et se contente, au lieu de la haine, d’apporter seulement de l’oubli, mettant les maris en tel oubli de leurs femmes qu’ils en perdent tout à fait la mémoire, comme s’ils ne s’étaient jamais connus. Un jeune homme d’Etrurie devint si épris d’une sorcière, qu’il abandonna sa femme et ses enfants pour venir demeurer avec elle, et il continua ce triste genre de vie jusqu’à ce que sa femme, avertie du maléfice, l’étant venue trouver, fureta si exactement dans la maison de la sorcière, qu’elle découvrit sous son lit le sortilège, qui était un crapaud enfermé dans un pot, ayant les yeux cousus et bouchés ; elle le prit, et, lui ayant ouvert les yeux, elle le brûla. Aussitôt l’amour et l’affection qu’il avait autrefois pour sa femme et ses enfants revinrent tout à coup dans la mémoire du jeune homme, qui s’en retourna chez lui honteux et repentant et passa dans de bons sentiments le reste de ses jours. — Delancre cite d’autres exemples bizarres des effets de ce charme, comme des époux qui se détestaient de près et qui se chérissaient de loin. Ce sont de ces choses qui se voient aussi de nos jours, sans qu’on pense à y trouver du sortilège.
Le P. Lebrun ne semble pas croire aux noueurs d’aiguillette ; cependant il rapporte le trait de l’abbé Guibert de Nogent, qui raconte que son père et sa mère avaient eu l’aiguillette nouée pendant sept ans, et qu’après cet intervalle pénible une vieille femme rompit le maléfice et leur rendit l’usage du mariage. — Nous le répétons, la peur de ce mal, qui n’a guère pu exister que dans les imaginations faibles, était autrefois très répandue. Personne aujourd’hui ne s’en plaint dans les villes ; mais on noue encore l’aiguillette dans les villages ; bien plus, on se sert encore des procédés que nous rapportons ici, car la superstition n’est pas progressive. El tandis qu’on nous vante à grand bruit l’avancement des lumières, nous vivons à quelques lieues de pauvres paysans qui ont leurs devins, leurs sorciers, leurs présages, qui ne se marient qu’en tremblant, et qui ont la tête obsédée de terreurs infernales.
Limbes. C’est le mot consacré parmi les théologiens pour signifier le lieu où les âmes des saints patriarches étaient détenues en attendant la venue de Jésus-Christ. On dormait aussi le nom de Limbes aux lieux où vont les âmes des enfants morts sans baptême.
Lilith. Wierus et plusieurs autres démonomanes font de Lilith le prince ou la princesse des démons succubes. — Les démons soumis à Lilith portent le même nom que leur chef, et, comme les Lamies, cherchent à faire périr les nouveau-nés ; ce qui fait que les juifs, pour les écarter, ont coutume d’écrire aux quatre coins de la chambre d’une femme nouvellement accouchée :« Adam, Ève ; hors d’ici Lilith ! »
Lilly (William), astrologue anglais du dix-septième siècle qui se fit une réputation en publiant l’horoscope de Charles Ier. Il mourut en 1681. Sa Vie, écrite par lui-même, contient des détails si naïfs et en même temps une imposture si palpable qu’il est impossible de distinguer ce qu’il croit vrai de ce qu’il croit faux. C’est lui qui a fourni la partie la plus considérable de l’ouvrage intitulé Folie des astrologues. Les opinions de Lilly et sa prétendue science avaient tant de vogue dans son siècle que Gataker, théologien anglican, se crut obligé d’écrire contre cette déception populaire. Parmi un grand nombre d’écrits ridicules dont le titre indique assez le sujet, nous citerons de Lilly :1° le Jeune Anglais Merlin, Londres, 1664 ; 2° le Messager des étoiles, 1645 ; 3° Recueil de prophéties, 1646.
Limaçons. Les limaçons ont de grandes propriétés pour le corps humain, dit l’auteur des Secrets d’Albert le Grand, et il indique de suite quelques jocrissades. — De nos jours, on a essayé de les douer de sympathies telles qu’ils remplaceraient le télégraphe électrique. Mais on a reconnu dans cette donnée une mystification. Voy. Escargot.
Beaucoup de personnes doutent si les limaçons ont des yeux. On s’est guéri de ce doute par le secours des microscopes ; les points ronds et noirs de leurs cornes sont leurs yeux, et il est certain qu’ils en ont quatre.
Limyre, fontaine de Lycie qui rendait des oracles par le moyen de ses poissons. Les consultants leur présentaient à manger : si les poissons se jetaient dessus, le présage était favorable ; s’ils le refusaient, surtout s’ils le rejetaient avec leurs queues, c’était un mauvais indice.
Linkup ou Linkop (Marion), sorcière. Voyez Jacques Ier.
Linurgus, pierre fabuleuse qui se trouvait, dit-on, dans le fleuve Achéloûs. Les anciens l’appelaient lapis lineus. On l’enveloppait dans un linge, et lorsqu’elle devenait blanche, on se promettait bon succès dans ses projets de mariage.
Lion. Si on fait des courroies de sa peau, celui qui s’en ceindra ne craindra point ses ennemis ; si on mange de sa chair, ou qu’on boive de son urine pendant trois jours, on guérira de la fièvre quarte… Si vous portez les yeux de cet animal sous l’aisselle, toutes les bêtes s’enfuiront devant vous en baissant la tête .
Le lion est un des signes du zodiaque. Voy. Horoscopes. — Le diable s’est montré quelquefois sous la forme d’un lion, disent les démonographes. Un des démons qui possédèrent Elisabeth Blanchard est désigné sous le nom du lion d’enfer. Voy. Messie des juifs.
Lios. Voy. Alfares.
Lisathama. Voy. Gruau de la Barre.
Lissi, démon peu connu qui posséda Denise de la Caille et signa le procès-verbal d’expulsion, qui n’est qu’une farce.
Litanies du sabbat. Les mercredis et vendredis on chantait au sabbat les litanies suivantes, s’il faut en croire les relations :
Lucifer, Belzébuth, Léviathan, prenez pitié de nous. Baal, prince des séraphins ; Baalbérith, prince des chérubins ; Astaroth, prince des Trônes ; Rosier, prince des Dominations ; Carreau, prince des Puissances ; Bélias, prince des Vertus ; Perrier, prince des Principautés ; Olivier, prince des Archanges ; Junier, prince des Anges ; Sarcueil, Fume-Bouche, Pierre-de-Feu, Carniveau, Terrier, Coutellier, Candelier, Béhémoth, Oilette, Belphégor, Sabathan, Garandier, Dolers, Pierre-Fort, Axaphat, Prisier, Kakos, Lucesme, priez pour nous . — Il faut remarquer que Satan n’est pas invoqué dans ces litanies, non plus qu’une foule d’autres.
Lithomana. Voy. Gruau de la Barre.
Lithomancie, divination par les pierres. Elle se faisait au moyen de plusieurs cailloux qu’on poussait l’un contre l’autre, et dont le son plus ou moins clair ou aigu donnait à connaître la volonté des dieux. On rapporte encore à cette divination la superstition de ceux qui croient que l’améthyste a la vertu de faire connaître à ceux qui la possèdent les événements futurs par les songes. On disait aussi que si on arrose l’améthyste avec de l’eau et qu’on l’approche de l’aimant, elle répondra aux questions qu’on lui fera, mais d’une voix faible comme celle d’un enfant…
Le lituus dont on fit usage à l’élection de Nuraa, second roi de Rome, était conservé dans le temple de Mars. On conte qu’il fut trouvé entier après l’incendie général de Rome .
Livres. Presque tous les livres qui contiennent les secrets merveilleux et les manières d’évoquer le diable ont été attribués à de grands personnages. Abel, Adam, Alexandre, Albert le Grand, Daniel, Hippocrate, Galien, Léon III, Hermès, Platon, saint Thomas, saint Jérôme, passent, dans l’idée des imbéciles, pour auteurs de livres magiques. La plupart de ces livres sont inintelligibles et d’autant plus admirés des sots qu’ils en sont moins entendus. Voyez à leurs noms les grands hommes auxquels on attribue les livres magiques. Le Livre des prodiges, ou Histoires et aventures merveilleuses et remarquables de spectres, revenants, esprits, fantômes, démons, etc., rapportées par des personnes dignes de foi. 1 volume in-12, cinquième édition, Paris, 1821 ; — compilation sans objet. Voy. Mirabilis Liber.
Lizabet, démon. Voy. Colas.
Loannocks (Susanna), Anglaise qui, en 1659, fut accusée par une de ses voisines de lui avoir ensorcelé son rouet, en sorte qu’elle ne pouvait plus le faire tourner. Elle offrit de soutenir son dire par serment. Le mari de l’accusée nia la culpabilité de sa femme, sans nier la possibilité du crime ; et, pour la disculper, il demanda qu’elle fût soumise à l’épreuve de la Bible. Les démonographes magistrats y consentirent, et c’est probablement la dernière fois que cette singulière épreuve eut lieu. L’accusée fut conduite en chemise à l’église de la paroisse et placée dans un plateau de la balance, tandis qu’on mit dans l’autre la grande Bible de l’Église. La femme fut plus lourde que le livre, et en conséquence honorablement acquittée ; car c’était un fait incontestable et incontesté jusqu’alors chez les anglicans qu’une sorcière déshabillée ne pesait pas une Bible d’église .
Lock. Chez les Scandinaves, les tremblements de terre étaient personnifiés dans un dieu, un dieu mauvais, un démon nommé Lock. Après avoir répandu le mal dans toute la Scandinavie, comme un semeur sa graine, Lock fut à la fin enchaîné sur des roches aiguës. Lorsqu’il se retourne, ainsi que le ferait un malade, sur son lit de pierres coupantes, la terre tremble ; lorsqu’il écume et répand sa bave, qui est un poison, ses nerfs entrent en convulsion et la terre s’agite .
Lofarde, sorcière qui fut accusée, en 1582, par sa compagne, la femme Gantière, de l’avoir menée au sabbat, où le diable l’avait marquée, lequel était vêtu d’un hilaret jaune
Logherys. Voy. Lumcaunes.
Lohen (Nephtali), rabbin de Francfort, réputé au treizième siècle grand magicien.
Loki, démon farceur des Scandinaves. C’est lui qui égayé les dieux et les héros de Walhalla.
Lokman, fabuliste célèbre de l’Orient. Il vivait, dit-on, vers le temps de David, ce qui n’est pas certain ; il fut surnommé le Sage. Les Perses disent qu’il trouva le secret de faire revivre les morts, et qu’il usa de ce secret pour lui-même. Ils lui accordent une longévité de trois cents ans ; quelques-uns prétendent qu’il en vécut mille.
Il a laissé, ou du moins on a mis sous son nom, des apologues qui jouissent d’une grande célébrité. Les écrivains de l’Asie réclament pour lui la plupart des faits et gestes que les Grecs attribuent à Ésope .
Lollard (Gauthier), hérétique qui commença en 1315 à semer ses erreurs ; il les avait prises des Albigeois. Il enseignait que les démons avaient été chassés du ciel injustement, qu’ils y seraient un jour rétablis, et que saint Michel et les autres anges seraient alors damnés à leur tour. Il prêchait des mœurs corrompues, et ses disciples firent beaucoup de mal. Brûlé à Cologne en 1322.
Lomelli (Battista), mystique italien qui précéda à Paris, sous Louis XIII, les prestiges de Cagliostro. Il disait la bonne aventure avec beaucoup de cérémonies qui en imposaient.
Longévité. On a vu, surtout dans les pays du Nord, des hommes qui ont prolongé leur vie au delà des termes ordinaires. Cette longévité ne peut s’attribuer qu’à une constitution robuste, à une vie sobre et active, à un air vif et pur. Il n’y a pas cinquante ans que Kotzebue rencontra en Sibérie un vieillard bien portant, marchant et travaillant encore, dans sa cent quarante-deuxième année. Des voyageurs dans le Nord trouvèrent au coin d’un bois un vieillard à barbe grise qui pleurait à chaudes larmes. Ils lui demandèrent le sujet de sa douleur : le vieillard répondit que son père l’avait battu. Les voyageurs surpris le reconduisirent à la maison paternelle et intercédèrent pour lui. Après quoi, ils demandèrent au père le motif de la punition infligée à son fils. « Il a manqué de respect à son grand-père, » répondit le vieux bonhomme.
Les chercheurs de merveilles ont ajouté les leurs à celles de la nature. Torquemada conte qu’en 1531 un vieillard de Trente, âgé de cent ans, rajeunit et vécut encore cinquante ans ; et Langius dit que les habitants de l’île de Bonica en Amérique peuvent aisément s’empêcher de vieillir, parce qu’il y a dans cette île une fontaine qui rajeunit pleinement. Voy. Haquin.
Lorsque l’empereur Charles-Quint envoya une armée navale en Barbarie, le général qui commandait cette expédition passa par un village de la Calabre où presque tous les paysans étaient âgés de cent trente-deux ans, et tous aussi sains et dispos que s’ils n’en avaient eu que trente. C’était, disent les relations, un sorcier qui les rajeunissait. En 1773 mourut, près de Copenhague, un matelot nommé Drakenberg, âgé de cent quarante six ans : la dernière fois qu’il se maria il avait cent onze ans, et il en avait cent trente quand sa femme mourut. Il devint épris d’une jeune fille de dix-huit ans qui le refusa ; de dépit il jura de vivre garçon désormais, et il tint parole.
En 1670, sous Charles II, mourut dans l’Yorkshire Henri Jenkins, né en 1501, sous Henri VII. Il se rappelait à merveille d’avoir été de l’expédition de Flandre sous Henri VIII, en 1513. Il mourut à cent soixante-neuf ans révolus, après avoir vécu sous huit rois, sans compter le règne de Cromwell. Son dernier métier était celui de pêcheur. Agé de plus de cent ans, il traversait la rivière à la nage. Sa petite-fille mourut à Cork à cent treize ans. Voy. Arthephius, Dormants, Flamel, Jean d’Estampes, Lokman, Zoroastre, etc.
Loota, oiseau qui, dans l’opinion des habitants des îles des Amis, mange, à l’instant de la mort, les âmes des gens du peuple, et qui, pour cet effet, se promène sur leurs tombes. (Voyages de Cook.)
Loray. Voy. Oray.
Loterie. La loterie doit son origine à un Génois. Elle fut établie à Gênes en 1720, en France elle a été supprimée de nos jours.
Entre plusieurs moyens imaginés par les visionnaires pour gagner à la loterie, le plus commun était celui des songes. Un rêve, sans que l’on en sache la raison, indiquait à celui qui l’avait fait les numéros qui devaient sortir au prochain tour de roue. Si l’on voit en songe un aigle, disent les livres qui enseignent cette science, il donne 8, 20, 46 ; un ange, 20, 46, 56 ; un bouc, 10, 13, 90 ; des brigands, 4, 19, 33 ; un champignon, 70, 80, 90 ; un chat-huant, 13, 85 ; un crapaud, 4, 46 ; le diable, 4, 70, 80 ; un dindon, 80, 40, 66 ; un dragon, 8, 12, 43, 60 ; les fantômes, 1, 22, 52 ; une femme, 4, 9, 22 ; une fille, 20, 35, 58 ; une grenouille, 3, 19, 27 ; la lune, 9, 46, 79, 80 ; un moulin, 15, 49, 62 ; un ours, 21, 50, 63 ; un pendu, 17, 71 ; des puces, 45, 57, 83. Des rats, 9, 40, 56 ; un spectre, 31, 43, 74, etc. Or, dans cent mille personnes qui mettaient à la loterie, il y avait cent mille rêves différents, et il ne sortait que cinq numéros ; de plus, aucun système ne ressemblait à un autre. Si Cagliostro donnait pour tel rêve les numéros 11, 27, 82, un autre indiquait des numéros tout différents. — Croirait-on que les livres de secrets merveilleux donnent gravement ce procédé pour gagner à la loterie ? Il faut : avant de vous coucher, réciter trois fois la formule qui va suivre ; après quoi vous la mettrez sous votre oreiller, écrite sur un parchemin vierge ; et pendant votre sommeil le génie de votre planète viendra vous dire l’heure où vous devez prendre votre billet, et vous révéler en songe les numéros. Voici la formule : « Seigneur, montrez-moi donc un mort mangeant de bonnes viandes, un beau pommier ou de l’eau courante, tous bons signes ; et envoyez-moi les anges Uriel, Rubiel ou Barachiel, qui m’instruisent des nombres que je dois prendre pour gagner ; par celui qui viendra juger les vivants et les morts et le siècle par le feu. » Dites alors trois Pater et trois Ave pour les âmes du purgatoire…
Loudun, ville de France dans le département de la Vienne, célèbre par une possession qui fit grand bruit dans le premier tiers du dix-septième siècle. Un couvent d’ursulines, qui s’occupaient de l’éducation des jeunes filles, avait été établi à Loudun en 1626. Il était tenu par quatorze religieuses, toutes de bonnes et honnêtes familles et toutes d’une vie irréprochable. Il y avait en même temps dans Loudun un prêtre nommé Urbain Grandier, d’une conduite si légère que l’évêque de Poitiers l’avait interdit a divinis le 3 janvier 1630. On savait qu’il faisait des chansons, des pamphlets et qu’il écrivait contre le célibat des prêtres. Peu après la sentence de l’évêque qui devait le ramener à des mœurs plus recueillies, le directeur des ursulines étant mort, Grandier osa se présenter pour le remplacer. La supérieure le refusa. Bientôt des phénomènes singuliers se produisirent dans le couvent : les quatorze religieuses se trouvèrent possédées ; et, chose surprenante, toutes voyaient la nuit Grandier, pour qui elles ressentaient une grande répulsion, se présenter à elles et les pousser à mal faire. Ce fut un grand bruit dans la ville ; les parents avaient retiré leurs enfants, et les ursulines vivaient dans une épouvante, dans des crises et des convulsions contre lesquelles les médecins ne pouvaient rien. Un conseiller du roi Louis XIII fut envoyé à Loudun pour connaître de ce mystère ; on exorcisa les religieuses, et les mauvais esprits qui les possédaient, contraints par les conjurations ecclésiastiques, déclarèrent que c’était Grandier qui les avait envoyés et les retenait dans les corps de ces femmes.
Une grande affluence de curieux et de savants assistait aux exorcismes. On parlait à ces simples filles en latin, en grec, en hébreu, en turc et dans d’autres idiomes de l’ancien et du nouveau monde. Elles comprenaient tout et répondaient à tout si exactement qu’un savant s’écria : « Il faudrait être fou ou athée pour nier ici la possession, » et que plusieurs hérétiques, entre autres lord Montagu, plusieurs hommes dissolus, entre autres Kériolet, se convertirent publiquement.
Un éminent écrivain du diocèse de Poitiers, M. l’abbé Leriche, a publié tout récemment, en un livre plein d’intérêt , l’histoire de cette possession, et ses preuves mettent à néant les pasquinades du protestant Saint-Aubin et des autres esprits avariés qui ont voulu ne pas voir. Nous emprunterons à ce livre quelques renseignements utiles. Voici les noms des religieuses : madame de Belciel, fille du baron de Cose en Saintonge, en religion sœur Jeanne des Anges, supérieure ; madame de Zazilli, en religion sœur Claire de Saint-Jean ; madame de la Motte, fille du marquis de la Motte-Baracé, en religion sœur Agnès de Saint-Jean ; les deux dames de Barbeziers, en religion sœur Louise de Jésus et sœur Catherine delà Présentation, toutes deux de l’illustre maison de Nogeret ; madame d’Escoubleau de Sourdis, en religion sœur Jeanne du Saint-Esprit ; trois autres dont les noms de famille ne sont pas connus, sœur Élisabeth de la Croix, sœur Monique de Sainte-Marthe et sœur Séraphique Archer, enfin huit sœurs laies, en tout dix-sept religieuses.
S’intéressaient, présents aux exorcismes, excepté le cardinal de Richelieu : l’évêque de Poitiers, l’archevêque de Tours, l’archevêque de Toulouse, l’évêque de Nîmes, huit prêtres pieux et savants, cinq docteurs de Sorbonne, onze pères de la compagnie de Jésus, deux pères carmes, six capucins, un dominicain, un récollet, deux oratoriens, etc., et parmi les laïques, outre le roi Louis XIII, la reine Anne d’Autriche, Laubardemont, conseiller du roi, intendant de la Touraine, du Maine et de l’Anjou, les sieurs Roatin, Chevallier, Richard et Housnain, magistrats de Poitiers, Cottreau, Burges, Péguineau, Texier, Dreux, Delabarre, Lapicherie, Riverain, Constant, Deniau, magistrats de Tours, de Chinon, de Saint-Maxent, de Laflèche. Outre huit docteurs en médecine, douze médecins appelés de tous les environs ; enfin, douze personnages éminents, entre autres lord Montagu, lord Killegrew, Kériolet, etc., etc., etc.
C’est une pareille assistance, dont nous ne nommons que les sommités, que les niais, qui nient tout, ont osé accuser de fourberie, ou de connivence ou de stupidité. Or, le crime de Grandier, après deux années d’études et d’examen consciencieux, fut reconnu ; Grandier fut emprisonné ; il s’occupait là à écrire sa défense. Mais un arrêt, rendu le 18 août 1634, le condamna au feu, comme reconnu coupable de magie et d’autres méfaits .
Louis Ier, surnommé le Pieux et le Débonnaire, fils de Charlemagne, né en 778, mort en 840. Les astrologues jouirent, dit-on, de quelque faveur à sa cour. À l’article de la mort, on raconte qu’au moment où il recevait la dernière bénédiction, il se tourna du côté gauche, roula les yeux comme une personne fâchée et proféra ces mots allemands : Hulz, hutz (dehors, dehors) ! Ce qui fit conclure qu’il s’adressait au diable, dont il redoutait les approches .
Louis XI, roi de France, né en 1423, mort en 1483. Un astrologue ayant prédit la mort d’une personne qu’il aimait, et cette personne étant morte en effet, il crut que la prédiction de l’astrologue en était la cause. Il le fit venir devant lui avec le dessein de le faire jeter par la fenêtre. « Toi, qui prétends être si habile homme, lui dit-il, apprends-moi quel sera ton sort ? » Le prophète, qui se doutait du projet du prince, lui répondit : « Sire, je prévois que je mourrai trois jours avant Votre Majesté. » Le roi le crut et se garda bien de le faire mourir. Du moins tel est le conte, et on en a prêté beaucoup à ce roi si partialement jugé.
Louis XIII, roi de France, né en 1601, mort en 1641, surnommé le Juste, parce qu’il était né sous le signe de la Balance ; mais il mérita ce surnom. Lorsqu’il épousa l’infante Anne d’Autriche, on prouva, dit Sainte-Foix, qu’il y avait entre eux une merveilleuse et très-héroïque correspondance. Le nom de Loys de Bourbon contient treize lettres. Ce prince avait treize ans quand le mariage fut résolu ; il était le treizième roi de France du nom de Loys. Anne d’Autriche avait aussi treize lettres en son nom ; son âge était de treize ans, et treize infantes du même nom se trouvaient dans la maison d’Espagne. Anne et Loys étaient de la même taille ; leur condition était égale ; ils étaient nés la même année et le même mois.
Louis XIV. Voy. Anagrammes.
Louis de Hongrie. Peu de temps avant la mort de ce prince, arrivée en 1526, comme il dînait enfermé dans la citadelle de Bude, on vit paraître à sa porte un boiteux mal velu, qui demandait avec instance à parler au roi. Il assurait qu’il avait des choses de la dernière importance à lui communiquer. On le méprisa d’abord, et l’on ne daigna pas l’annoncer. Il cria plus haut et protesta qu’il ne pouvait découvrir qu’au roi seul ce dont il était chargé. On alla dire à Louis ce qui se passait. Le prince envoya le plus apparent des seigneurs qui étaient auprès de lui et qui feignit d’être le roi ; il demanda à cet homme ce qu’il avait à lui dire. Il répondit : « Je sais que vous n’êtes pas le roi ; mais, puisqu’il méprise de m’entendre, dites-lui qu’il mourra certainement bientôt. » Ayant dit cela, il disparut, et le roi mourut en effet peu après .
Louise de Savoie, duchesse d’Angoulême, mère de François Ier, morte en 1532. Elle avait quelques préjugés superstitieux et redoutait surtout les comètes. Brantôme raconte que, trois jours avant sa mort, ayant aperçu pendant la nuit une grande clarté dans sa chambre, elle fit tirer son rideau et fut frappée de la vue d’une comète. « Ah ! dit-elle alors, voilà un signe qui ne paraît pas pour une personne de basse qualité ; refermez la fenêtre. C’est une comète qui m’annonce la mort ; il faut donc s’y préparer. » Les médecins l’assuraient néanmoins qu’elle n’en était pas là. « Si je n’avais vu, dit-elle, le signe de mort, je le croirais, car je ne me sens point si bas. »
Cette comète n’est pas la seule qui ait épouvanté Louise de Savoie. Comme elle se promenait dans le bois de Romorantin, la nuit du 28 août 1514, elle en vit une vers l’occident, et s’écria : — Les Suisses ! les Suisses ! — Elle resta persuadée que c’était un avertissement que le roi serait en grande affaire contre eux .
Loup. Chez les anciens Germains et chez les Scandinaves, le diable ou le mauvais principe était représenté par un loup énorme et béant.
C’est Lock. À Quimper, en Bretagne, les habitants mettent dans leurs champs un trépied ou un couteau fourchu, pour garantir le bétail des loups et autres bêtes féroces . Pline dit que si un loup aperçoit un homme avant qu’il en soit vu, cet homme deviendra enroué et perdra la voix ; fable qui est restée en vigueur dans toute l’Italie. En Espagne, on parle souvent des sorciers qui vont faire des courses à cheval sur des loups, le dos tourné vers la tête de la bête, parce qu’ils ne sauraient aller autrement, à cause de la rapidité. Ils font cent lieues par heure ; car ces loups sont des démons. La queue de ces loups est roide comme un bâton, et il y a au bout une chandelle qui éclaire la route.
Il n’y a pas un homme à la campagne qui ne vous assure que les moutons devinent à l’odorat la présence du loup ; qu’un troupeau ne franchira jamais le lieu où l’on aura enterré quelque portion des entrailles d’un loup ; qu’un violon monté avec des cordes tirées des intestins d’un loup mettrait en fuite tout le bercail. Des hommes instruits et sans préjugés ont vérifié toutes ces croyances et en ont reconnu l’absurdité. Kirker a répété à ce sujet des expériences démonstratives ; il a même poussé l’épreuve jusqu’à suspendre un cœur de loup au cou d’un mouton, et le pacifique animal n’en a pas moins brouté l’herbe . Voy. Oraison du loup.
Un journal anglais de l’Inde dit qu’il a été publié un étrange document constatant qu’en un très-court espace de temps il a été dévoré 600 enfants par les loups dans le Pendjab (royaume de Lahore). Il y a vingt ans, près de 1, 000 enfants ont été dévorés de la même manière dans le voisinage d’Agra. On retrouve les vêtements de ces pauvres petites victimes dans les antres où se tiennent ces animaux. Les misérables qui font le métier de recueillir les habillements ou parures des victimes ont eu l’habileté d’accréditer parmi le peuple le bruit que tout village où l’on tue un loup doit être infailliblement ruiné ; de là cette superstitieuse vénération pour ces animaux féroces. Quand on en prend, on s’empresse de les relâcher en se contentant de leur attacher une sonnette au cou.
Lou-pécat, nom du diable en Gascogne.
Loup-garou (le). C’est le nom du démon de la nuit à Blois. Il est de mauvaise rencontre.
Loups garous. On appelle loups garous en sorcellerie les hommes et les femmes qui ont été métamorphosés ou qui se métamorphosent et se transmuent eux-mêmes en loups, ou qui se travestissent pour feindre cette transmutation, ou qui, s’imaginant, par une démence abominable, qu’ils sont changés en loups, prennent des habitudes et des mœurs de loups. Le nom de loups-garous veut dire loups dont il faut se garer.
Les loups garous ont été bien longtemps la terreur des campagnes, parce qu’on savait que les sorciers ne pouvaient se faire loups que par le secours du diable. Dans les idées des démonographes, un loup-garou est un sorcier que le diable lui-même transmue en loup, et qu’il oblige à errer dans les campagnes en poussant d’affreux hurlements. L’existence de loups-garous est attestée par Virgile, Solin, Strabon, Pomponius Mêla, Dionysius Afer, Varron, et par tous les jurisconsultes et aussi par des démonomanes des derniers siècles. À peine commençait-on à en douter sous Louis XIV. L’empereur Sigismond fit débattre devant lui la question des loups garous, et il fut unanimement résolu que la transformation des loups garous était un fait positif et constant.
Un garnement qui voulait faire des friponneries mettait aisément les gens en fuite en se faisant passer pour loup-garou. Il n’avait pas besoin pour cela d’avoir la figure d’un loup, puisque les loups garous de réputation étaient arrêtés comme tels, quoique sous leur figure humaine. On croyait alors qu’ils portaient le poil de loup-garou entre cuir et chair.
Peucer conte qu’en Livonie, sur la fin du mois de décembre, il se trouve tous les ans un bélître qui va sommer les sorciers de se rendre en certain lieu ; et, s’ils y manquent, le diable les y mène de force, à coups si rudement appliqués que les marques y demeurent. Leur chef passe devant, et quelques milliers le suivent, traversant une rivière, laquelle passée, ils changent leur figure en celle d’un loup, se jettent sur les hommes et sur les troupeaux et font mille dommages. Douze jours après, ils retournent au même fleuve et redeviennent hommes.
On attrapa un jour un loup-garou qui courait dans les rues de Padoue ; on lui coupa ses pattes de loup, et il reprit au même instant la forme d’homme, mais avec les bras et les pieds coupés, à ce que dit Fincel.
L’an 1588, en un village distant de deux lieues d’Apchon, dans les montagnes d’Auvergne, un gentilhomme v étant sur le soir à sa fenêtre, aperçut un chasseur de sa connaissance et le pria de lui rapporter de sa chasse. Le chasseur promit, et, s’étant avancé dans la plaine, il vit un gros loup qui venait à sa rencontre. Il lui lâcha un coup d’arquebuse et le manqua. Le loup se jeta sur lui et l’attaqua vivement. Mais l’autre, en se défendant, lui ayant coupé la patte droite avec son couteau de chasse, le loup estropié s’enfuit et ne revint plus. Comme la nuit approchait, le chasseur gagna la maison de son ami, qui lui demanda s’il avait fait bonne chasse. Il tira de sa gibecière la patte coupée au prétendu loup, mais il fut bien étonné de la voir convertie en main de femme, et à l’un des doigts un anneau d’or que le gentilhomme reconnut être celui de son épouse. Il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès du feu, cachant son bras droit sous son tablier. Comme elle refusait de l’en tirer, il lui montra la main que le chasseur avait rapportée ; cette malheureuse, éperdue, avoua que c’était elle, en effet, qu’on avait poursuivie sous la figure d’un loup-garou ; ce qui se vérifia encore en confrontant la main avec le bras dont elle faisait partie. Le mari courroucé livra sa femme à la justice ; elle fut brûlée.
Que penser d’une telle histoire, racontée par Boguet comme étant de son temps ? Était-ce une trame d’un mari qui voulait, comme disent les Wallons, être quitte de sa femme ?
Daniel Sennert, médecin célèbre qu’on a appelé le Galien de l’Allemagne, au chap. v de ses Maladies occultes, rapporte des faits d’où il résulterait que l’habitude pour certains maniaques endiablés de courir le loup-garou aurait de l’analogie avec la mystérieuse puissance qui transportait au sabbat certaines personnes dont le corps, pendant cette excursion, restait en syncope. Une femme accusée d’avoir couru le loup-garou, rassurée par la promesse de son juge, qui lui assurait la vie sauve si elle voulait donner la preuve de ce qu’elle faisait dans ses courses, se frotta le corps d’un onguent particulier et tomba aussitôt endormie. Elle ne se réveilla qu’au bout de trois heures. Elle raconta alors qu’étant changée en loup, elle avait éventré une brebis près d’un bourg qu’elle nomma ; on y envoya aussitôt, et on trouva qu’en effet la brebis qu’elle avait désignée, était déchirée et mourante. Comment expliquer cela ?
Les loups garous étaient fort communs dans le Poitou ; on les y appelait la bête bigourne qui court la galipode. Quand les bonnes gens entendent les hurlements du loup-garou, ce qui n’arrive qu’au milieu de la nuit, ils se gardent de mettre la tête à la fenêtre, parce qu’ils auraient le cou tordu. On assure, dans cette province, qu’on peut forcer le loup-garou à quitter sa forme d’emprunt, en lui donnant un coup de fourche entre les deux yeux.
On sait que la qualité distinctive des loups garous est un grand goût pour la chair fraîche. Delancre assure qu’ils étranglent les chiens et les enfants ; qu’ils les mangent de bon appétit ; qu’ils marchent à quatre pattes ; qu’ils hurlent comme de vrais loups, avec de grandes gueules, des yeux étincelants et des dents crochues.
On dit, dans la Saintonge, que la peau des loups garous est d’une dureté telle qu’elle est à l’épreuve des balles ordinaires ; mais il n’en est plus de même si ces balles ont été bénites à certaines heures mystérieuses de la nuit, dans une chapelle dédiée à saint Hubert : alors le sorcier peut être tué, et la forme de bête qu’il avait prise s’évanouit et disparaît. Or, les cérémonies de la bénédiction des balles sont d’un accomplissement difficile ; il faut avoir sur soi tant de choses précieuses, du trèfle à quatre feuilles surtout, que la peau coriace des loups garous échappe le plus souvent aux embûches ; et c’est ce qui fait que nul ne peut être assuré avoir vu un sorcier autrement que sous la forme naturelle de bête bipède. Les croyances saintongeoises, au reste, ne s’éloignent en rien de celles des peuples du Nord, et sont nées aux mêmes sources que la fable de Robin des Bois des charbonniers allemands. Le nom des loups garous a été connu dans toutes les provinces de France au moyen âge, bien que souvent travesti en loups-béroux.
Bodin raconte sans rougir qu’en 1542 on vit un matin cent cinquante loups garous sur une place de Constantinople. — On trouve dans le roman de Persilès et Sigismonde, dernier ouvrage de Cervantès, des îles de loups garous et des sorcières qui se changent en louves pour enlever leur proie, comme on trouve dans Gulliver une île de sorciers. Mais au moins ces livres sont des romans. — Delancre propose comme un bel exemple ce trait d’un duc de Russie. Averti qu’un sien sujet se changeait en toutes sortes de bêtes, il l’envoya chercher, le fit enchaîner et lui commanda de donner une preuve de son art ; ce qu’il fit, se transformant en loup ; mais ce duc, ayant préparé deux dogues, les fit lancer contre ce misérable, qui aussitôt fut mis en pièces. — On amena au médecin Pomponace un paysan atteint de lycanthropie, qui criait à ses voisins de s’enfuir s’ils ne voulaient pas qu’il les mangeât. Comme ce pauvre homme n’avait rien de la forme d’un loup, les villageois, persuadés pourtant qu’il l’était, avaient commencé à l’écorcher, pour voir s’il ne portait pas le poil sous la peau. Pomponace le guérit ; ce n’était qu’un hypocondre.
J. de Nynauld a publié en 1615 un traité complet de la Lycanthropie, qu’il appelle aussi Folie louvière et lycaonie, mais dont il admet incontestablement la réalité. — Un sieur de Beauvoys de Chauvincourt, gentilhomme angevin, a fait imprimer en 1599 (Paris, petit in-12) un volume intitulé Discours de la lycanthropie, ou de la transmutation des hommes en loups. — Claude, prieur de Laval, avait publié quelques années auparavant un autre livre sur la même matière, intitulé Dialogue de la lycanthropie. Ils affirment tous qu’il y a certainement des loups garous.
Ce qui est plus singulier, c’est qu’il y a encore dans plusieurs villages des loups garous, ou de mauvais garnements qui passent pour tels. On se demandera comment il se peut qu’un sorcier ou un loup-garou trouble ou épouvante une contrée pendant trois ou quatre ans, sans que la justice l’arrête. C’est encore une des misères de nos paysans. Comme il y a chez eux beaucoup de méchants, ils se craignent entre eux ; ils ont un discernement et une expérience qui leur apprennent que la justice n’est pas toujours juste ; et ils disent : Si nous dénonçons un coupable et qu’il ne soit pas hors d’état de nuire, c’est un ennemi implacable que nous allons nous faire. Les paysans sont vindicatifs. Après dix ans de galères, ils reviennent se venger de leurs dénonciateurs. Il faudrait peut-être qu’un coupable qui sort des galères n’eût pas le droit de reparaître dans le pays qui a été le théâtre de ses méfaits. Voy. Cynanthropie, Bousanthropie, Raollet, Bisclavaret, etc.
Louviers (possession de). Un prêtre, nommé David, déserteur de Dieu, se trouvant confesseur des religieuses franciscaines de Louviers, pervertit ces jeunes sœurs et les mit sur les voies qui mènent aux démons. En mourant, après avoir entamé son œuvre infernale, il eut pour successeur son ami Mathurin Picard, qui était comme lui lié à Satan et qui se faisait seconder par Boulé, son vicaire. C’en était assez pour amener une possession chez les franciscaines de Louviers. Cette possession devint effroyable. Madeleine Bavent, qui était venue là innocente et dévouée à saint François, déclara comment on l’avait entraînée à profaner la sainte hostie et à commettre d’autres sacrilèges. Elle raconta comment elle avait été emmenée à ces orgies exécrables qu’on appelle le sabbat. Elle y trouvait Picard, Boulé, son vicaire, ses sœurs Catherine de la Croix, Anne Barré, Élisabeth de la Nativité, Catherine de sainte Geneviève, une nommée Simonette et plusieurs autres personnes qui faisaient sans horreur des abominations affreuses. C’est toute une monstrueuse histoire. Les possessions de cette maison se manifestèrent si violemment qu’on dut exorciser les religieuses. La plus saillante était Madeleine Bavent. Après la délivrance du couvent, on ne la condamna qu’à une pénitence qu’elle fit généreusement toute sa vie. Mais Boulé fut condamné au feu par le parlement de Rouen ; et il le méritait. On déterra le corps de Picard pour lui faire subir le même supplice ; ce misérable était mort, un peu avant la sentence. On publia qu’il s’était suicidé, peut-être aidé par Satan.
Loyer (Pierre le), sieur de la Brosse, conseiller du roi au siège présidial d’Angers, et démonographe, né à Huillé dans l’Anjou, en 1550, auteur d’un ouvrage intitulé Discours et histoires des spectres, visions et apparitions des esprits, anges, démons et âmes se montrant visibles aux hommes ; divisé en huit livres, desquels, par les visions merveilleuses et prodigieuses apparitions avenues en tous les siècles, tirées et recueillies des plus célèbres auteurs tant sacrés que profanes, est manifestée la certitude des spectres et visions des esprits, et sont baillées les causes d’iceux, leurs effets, leurs différences, les moyens pour reconnaître les bons et les mauvais et chasser les démons ; aussi est traité des extases et ravissements ; de l’essence, nature et origine des âmes, et de leur état après le décès de leurs corps ; plus des magiciens et sorciers ; de leurs communications avec les malins esprits ; ensemble des remèdes pour se préserver des illusions et impostures diaboliques. Paris, chez Nicolas Buon, 1605, 1 vol. in-4°.
Ce volume singulier est dédié Deo optimo maximo ; il est divisé en huit livres, comme l’annonce le titre qu’on vient de lire. Le premier contient la définition du spectre, la réfutation des saducéens, qui nient les apparitions et les esprits ; la réfutation des épicuriens, qui tiennent les esprits corporels, etc. Le deuxième livre traite, avec la physique du temps, des illusions de nos sens, des prestiges, des extases et métamorphoses des sorciers, des philtres. Le troisième livre établit les degrés, charges, grades et honneurs des esprits ; les histoires de Philinnion et de Polycrite, et diverses aventures de spectres et de démons.
Dans le livre suivant, on apprend à quelles personnes les spectres apparaissent ; on y parle des démoniaques, des pays où les spectres et démons se montrent plus volontiers. Le démon de Socrate, les voix prodigieuses, les signes merveilleux, les songes diaboliques ; les voyages de certaines âmes hors de leur corps tiennent place dans ce livre. Le cinquième traite de l’essence de l’âme, de son origine, de sa nature, de son état après la mort, des revenants. Le livre sixième roule tout entier sur l’apparition des âmes ; on y démontre que les âmes des damnés et des bienheureux ne reviennent pas ; mais seulement les âmes qui souffrent en purgatoire. Dans le septième livre, on établit que la pythonisse d’Endor fit paraître un démon sous la figure de l’âme de Samuel. Il est traité en ce livre de la magie, de l’évocation des démons, des sorciers, etc. Le dernier livre est employé à l’indication des exorcismes, fumigations, prières et autres moyens anti diaboliques. L’auteur, qui a rempli son ouvrage de recherches et de science indigérée, combat le sentiment ordinaire qu’il faut donner quelque chose au diable pour le renvoyer.
« Quant à ce qui est de donner quelque chose au diable, dit-il, l’exorciste ne le peut faire, non pas jusqu’à un cheveu de la tête, non pas jusqu’à un brin d’herbe d’un pré ; car la terre et tout ce qui habite en elle appartient à Dieu. »
Lubin. C’est le poisson dont le fiel servit au jeune Tobie pour rendre la vue à son père. On dit qu’il a contre l’ophtalmie une grande puissance, et que son cœur sert à chasser les démons .
Lucesme, démon invoqué dans les litanies du sabbat.
Lucien, écrivain grec dont on ignore l’époque de la vie et de la mort. On a dit qu’il fut changé en âne, ainsi qu’Apulée, par les sorciers de Larisse, qu’il était allé voir pour essayer si leur art magique était véritable ; de sorte qu’il devint sorcier.
Lucifer, nom de l’esprit qui préside à l’orient, selon l’opinion des magiciens. Lucifer était évoqué le lundi, dans un cercle au milieu duquel était son nom. Il se contentait d’une souris pour prix de ses complaisances. On le prend souvent pour le roi des enfers, et, selon quelques démonomanes, il est supérieur à Satan. On dit qu’il est parfois facétieux, et qu’un de ses tours est de retirer les balais sur lesquels les sorcières vont au sabbat et de leur en donner sur les épaules ; ce que les sorcières de Moira, en Suède, ont attesté en 1672. Les mêmes sorcières ont affirmé qu’elles avaient vu au sabbat le même Lucifer en habit gris, avec des bas bleus et des culottes rouges, ornées de rubans. Lucifer commande aux Européens et aux Asiatiques. Il apparaît sous la forme et la figure du plus bel enfant. Quand il est en colère, il a le visage enflammé, mais cependant rien de monstrueux. C’est, selon quelques démonographes, le grand justicier des enfers. Il est invoqué le premier dans les litanies du sabbat.
Lucifériens, nom donné aux partisans de Lucifer, évêque schismatique de Cagliari, au quatrième siècle.
Lucumoriens, sujets du czar de Moscovie, qui, à l’instar de la marmotte, depuis le mois d’octobre jusqu’à la fin du mois d’avril suivant, demeurent comme morts, au dire de Leloyer
Ludlam, sorcière, fée ou magicienne trèsfameuse, dont les habitants du comté de Surrey, en Angleterre, placent l’habitation dans une caverne voisine du château de Farnham, connu dans le pays sous le nom de Ludlam’s Hole, caverne de la mère Ludlam
. La tradition populaire porte que cette sorcière n’était point un de ces êtres malfaisants qui tiennent une place distinguée dans la démonologie ; au contraire, elle faisait du bien à tous ceux qui imploraient sa protection d’une manière convenable. Les pauvres habitants du voisinage, manquant d’ustensiles de cuisine ou d’instruments de labourage, n’avaient qu’à lui manifester leurs besoins, ils la trouvaient disposée à leur prêter ce qui leur était nécessaire. L’homme qui voulait avoir un de ces meubles se rendait à la caverne à minuit, en faisait trois fois le tour et disait ensuite : — Bonne mère Ludlam, ayez la bonté de m’envoyer un chaudron, ou telle chose ; je vous promets de vous le rendre dans deux jours.
Cette prière faite, on se retirait ; le lendemain, de grand matin, on retournait à la caverne, à l’entrée de laquelle on trouvait la chose demandée. Mais ceux qui invoquaient la mère Ludlam ne se montrèrent pas toujours aussi honnêtes qu’elle : un paysan vint la prier une fois de lui prêter une grande chaudière et la garda plus longtemps qu’il ne l’avait promis. La mère Ludlam, offensée de ce manque d’exactitude, refusa de recevoir sa chaudière lorsqu’on la lui rapporta, et depuis ce temps elle se venge en ne se prêtant plus à aucune des demandes qu’on lui fait , Dictionnaire de la Fable.
Lugubre, oiseau du Brésil, dont le cri funèbre ne se fait entendre que la nuit ; ce qui le fait respecter des naturels, qui sont persuadés qu’il est chargé de leur apporter des nouvelles des morts. Léry, voyageur français, raconte que, traversant un village, il en scandalisa les habitants pour avoir ri de l’attention avec laquelle ils écoutaient le cri de cet oiseau. — Tais-toi, lui dit rudement un vieillard, ne nous empêche pas d’entendre les nouvelles que nos grands-pères nous envoient.
Lulle (Raymond), l’un des maîtres le plus souvent cités de la philosophie hermétique, et l’un des savants les moins connus du moyen âge. Il était né à Palma, dans l’île de Majorque, en 1235.
C’était un saint plus encore qu’un savant. Il consacra presque toute sa vie, missionnaire dévoué, à la conversion des Maures. Il reçut le martyre près de Bougie, à l’âge de quatre-vingts ans, tué à coups de pierre par les sectateurs de Mahomet, le 29 juin 1315, jour de Saint-Pierre.
Toutefois, il était savant chimiste ; et les annales de son temps soutiennent, avec preuves, qu’il fit de l’or. M. E.-J. Delécluse termine ainsi une belle notice qu’il a publiée sur cet homme :
« Les chimistes des onzième, douzième et treizième siècles étaient-ils des fous, et la transmutation des métaux est-elle une opération impossible ?
» Il ne m’appartient pas de traiter une pareille question, et je me bornerai à rapporter à ce sujet les paroles d’un des chimistes les plus éclairés de nos jours : — S’il ne sort de ces rapprochements, dit M. Dumas, aucune preuve de la possibilité d’opérer des transmutations dans les corps simples, du moins s’opposent-ils à ce qu’on repousse cette idée comme une absurdité qui serait démontrée par l’état actuel de nos connaissances. »
Lumière merveilleuse. — Prenez quatre onces d’herbe appelée serpentinette, mettez-la dans un pot de terre bouché, puis faites-la digérer au ventre de cheval, c’est-à-dire dans le fumier chaud, quinze jours ; elle se changera en de petits vers rouges, desquels vous tirerez une huile selon les principes de l’art ; de cette huile vous garnirez une lampe, et lorsqu’elle sera allumée dans une chambre, elle provoquera au sommeil et endormira si profondément ceux qui seront dans ladite chambre, que l’on ne pourra en éveiller aucun tant que la lampe brûlera.
Lune, la plus grande divinité du sabéisme après le soleil. Pindare l’appelle l’œil de la nuit, et Horace la reine du silence. Une partie des Orientaux l’honoraient sous le titre d’Uranie. C’est l’Isis des Égyptiens, l’Astarté des Phéniciens, la Mylitta des Perses, l’Alilat des Arabes, la Séléné des Grecs, et la Diane, la Vénus, la Junon des Romains. César ne donne point d’autres divinités aux peuples du Nord et aux anciens Germains que le feu, le soleil et la lune. Le culte de la lune passa dans les Gaules, où la lune avait un oracle desservi par des druidesses dans l’île de Sein, sur la côte méridionale de ïa basse Bretagne. Elle avait un autel à Arlon (Ara Lunæ). Les magiciennes de Thessalie se vantaient d’avoir un grand commerce avec la lune, et de pouvoir, par leurs enchantements, la délivrer du dragon qui voulait la dévorer (lorsqu’elle était éclipsée), ou la faire à leur gré descendre sur la terre.
L’idée que cet astre pouvait être habité a donné lieu à des fictions ingénieuses : telles sont, entre autres, les voyages de Lucien, de Cyrano de Bergerac, et la fable de l’Arioste, qui place dans la lune un vaste magasin rempli de fioles étiquetées, où le bon sens de chaque individu est renfermé. On a publié en 1835, sous le chaperon du savant astronome Herschell, qui sans doute ne soupçonnait pas l’honneur qu’on lui faisait, une plaisante description des habitants de la lune, canard qui venait des Etats-Unis.
Les Péruviens regardaient la lune comme la sœur et la femme du soleil, et la mère de leurs Incas ; ils l’appelaient mère universelle, et avaient pour elle la plus grande vénération. Cependant ils ne lui avaient point élevé de temple à part et ne lui offraient point de sacrifices. Ils prétendaient que les marques noires qu’on aperçoit dans la lune avaient été faites par un renard qui, ayant monté au ciel, l’avait embrassée si étroitement qu’il lui avait fait ces taches à force de la serrer.
Suivant les Tahitiens, les taches que nous voyons à la lune sont des bosquets d’une espèce d’arbres qui croissaient autrefois à Tahiti ; un accident ayant détruit ces arbres, les graines furent portées par des pigeons à la lune, où elles ont prospéré.
Les mahométans ont une grande vénération pour la lune ; ils la saluent dès qu’elle paraît, lui présentent leurs bourses ouvertes et la prient d’y faire multiplier les espèces à mesure qu’elle croîtra.
La lune est la divinité des Nicaborins, habitants de Java. Lorsqu’il arrive une éclipse de lune, les Chinois idolâtres, voisins de la Sibérie, poussent des cris et des hurlements horribles, sonnent les cloches, frappent contre du bois ou des chaudrons et touchent à coups redoublés sur les timbales de la grande pagode. Ils croient que le méchant esprit de l’air Arachula attaque la lune, et que leurs clameurs doivent l’effrayer.
Il y a des gens qui prétendent que la lune est douée d’un appétit extraordinaire ; que son estomac, comme celui de l’autruche, digère des pierres. En voyant un bâtiment vermoulu, ils disent que la lune l’a mutilé et qu’elle peut ronger le marbre, ce qui est vrai dans certains climats.
Combien de personnes n’osent couper leurs cheveux dans le décours de la lune ! dit M. Salgues [2]. Mais les médecins sont convenus enfin que la lune influe sur le corps humain, comme sur bien d’autres choses .
La plupart des peuples ont cru encore que le lever de la lune était un signal mystérieux auquel les spectres sortaient de leurs tombeaux. Les Orientaux content que les lamies et les gholes déterrent les morts dans les cimetières et font leurs festins au clair de la lune. Dans certains cantons de l’orient de l’Allemagne, on prétendait que les vampires ne commençaient leurs infestations qu’au lever de la lune, et qu’ils étaient obligés de rentrer en terre au chant du coq.
L’idée la plus extraordinaire, adoptée dans quelques villages, c’est que la lune ranimait les vampires. Lorsqu’un de ces spectres, poursuivi dans ses courses nocturnes, était frappé d’une balle ou d’un coup de lance, on pensait qu’il pouvait mourir une seconde fois, mais qu’exposé aux rayons de la lune il reprenait ses forces et pouvait sucer de nouveau les vivants.
Lundi, le second jour de la semaine, est personnifié dans les monuments par une figure de Diane Lune, qui porte le croissant sur la tête.
En Russie, le lundi passe pour un jour malheureux. Parmi le peuple et les personnes superstitieuses, la répugnance à entreprendre ce jour-là quelque chose, surtout un voyage, est si universelle que le petit nombre des gens qui ne la partagent pas s’y soumet par égard pour l’opinion publique.
Lure (Guillaume), docteur en théologie, qui fut condamné comme sorcier, à Poitiers, en 1453, convaincu par son propre aveu, par témoins, et pour avoir été trouvé saisi d’un pacte fait avec le diable, par lequel il renonçait à Dieu et se donnait à icelui diable .
Luricaunes, lutins pygmées de la race des fées. On les appelle en Irlande luricaunes et cluricaunes, lurigadaunes à Tipperari, logherys dans l’Ulster. Ils connaissent les trésors cachés.
Luridan, puissant esprit de l’air en Norvège et en Laponie. Voy. Harold.
Lusignan. On prétend que la maison de Lusignan descend en ligne directe de Mélusine. Voy. Mélusine.
Lusmore. Les Irlandais donnent ce nom à la digitalis purpurea, qu’ils appellent aussi plus communément bonnet de fée, à cause de la ressemblance supposée de ses clochettes avec cette partie de l’habillement des fées. On prétend qu’elle salue les êtres surnaturels en pliant devant eux sa longue tige, en signe de reconnaissance .
Luther (Martin), le plus fameux novateur religieux du seizième siècle, né en \l\%k en Saxe, mort en 1546. Il dut son éducation à la charité des moines et entra chez les augustins d’Erfurt. Devenu professeur de théologie, il s’irrita de ne pas être le Judas des indulgences, c’est-à-dire de n’en pas tenir la bourse ; il écrivit contre le Pape et prêcha contre l’Église romaine. Devenu épris de Catherine Bore, religieuse, il l’enleva de son couvent avec huit autres sœurs, se hâta de l’épouser et publia un écrit où il comparait ce rapt à celui que Jésus-Christ fit, le jour de la Passion, lorsqu’il arracha les âmes de la tyrannie de Satan…
Nous ne pouvons ici faire sa vie , mais sa mort nous revient. Ses ennemis ont assuré que le diable l’avait étranglé ; d’autres qu’il mourut subitement en allant à la garde-robe, comme Arius, après avoir trop soupé ; que, son tombeau ayant été ouvert le lendemain de son enterrement, on n’y avait pu trouver son corps, et qu’il en était sorti une odeur de soufre insupportable. — Georges Lapôtre le dit fils d’un démon et d’une sorcière.
À la mort de Luther, disent les relations répandues chez ses contemporains, les démons en deuil, habillés en corbeaux, vinrent chercher cet ami de l’enfer. Ils assistèrent invisiblement aux funérailles ; et Thyraeus ajoute qu’ils l’emportèrent ensuite loin de ce monde, où il ne devait que passer. — On conte encore que le jour de sa mort tous les démons qui se trouvaient en une certaine ville de Brabant (à Malines) sortirent des corps qu’ils possédaient et y revinrent le lendemain ; et comme on leur demandait où ils avaient passé la journée précédente, ils répondirent que, par l’ordre de leur prince, ils s’étaient rendus à l’enterrement de Luther. Le valet de Luther, qui l’assistait à sa mort, déclara, ce qui est très singulier, en conformité de ceci, qu’ayant mis la tête à la fenêtre pour prendre l’air au moment du trépas de son maître, il avait vu plusieurs esprits horribles qui dansaient autour de la maison, et ensuite des corbeaux maigres qui accompagnèrent le corps en croassant jusqu’à Wittemberg…
La dispute de Luther avec le diable a fait beaucoup de bruit. Un religieux vint un jour frapper rudement à sa porte, en demandant à lui parler. Le renégat ouvre ; le prétendu moine regarde un moment le réformateur et lui dit : — J’ai découvert dans vos opinions certaines erreurs papistiques sur lesquelles je voudrais conférer avec vous. — Parlez, répond Luther. L’inconnu proposa d’abord quelques discussions assez simples, que Luther résolut aisément. Mais chaque question nouvelle était plus difficile que la précédente, et le moine supposé exposa bientôt des syllogismes très-embarrassants. Luther, offensé, lui dit brusquement : — Vos questions sont trop embrouillées ; j’ai pour le moment autre chose à faire que de vous répondre. Cependant il se levait pour argumenter encore, lorsqu’il remarqua que le religieux avait le pied fendu et les mains armées de griffes. — N’es-tu pas, lui dit-il, celui dont la naissance du Christ a dû briser la tête ?
Et le diable, qui s’attendait avec son ami à un combat d’esprit et non à un assaut d’injures, reçut dans la figure l’encrier de Luther, qui était de plomb : il dut en rire à pleine gorge. On montre encore sur la muraille, à Wittemberg, les éclaboussures de l’encre. On trouve ce fait rapporté, avec quelque différence de détails, dans le livre de Luther lui-même sur la messe privée, sous le titre de Conférence de Luther avec le diable . Il conte que, s’étant éveillé un jour, vers minuit, Satan disputa avec lui, l’éclaira sur les erreurs du Catholicisme et l’engagea à se séparer du Pape. C’est donner à sa secte une assez triste origine. L’abbé Cordemoy pense, avec beaucoup d’apparence de raison, que certains critiques ont tort de prétendre que cette pièce n’est pas de Luther. Il est constant qu’il était très-visionnaire ; M. Michelet l’a reconnu positivement, ce qui doit suffire aux incrédules ; pour les croyants, il était très en état de voir le diable. Il est même possible que la bravade de l’encrier soit une vanterie.
Lutins. Les lutins sont du nombre des démons qui ont plus de malice que de méchanceté. lisse plaisent à tourmenter les gens et se contentent de faire plus de peur que de mal. Cardan parle d’un de ses amis qui, couchant dans une chambre que hantaient les lutins, sentit une main froide et molle comme du coton passer sur son cou et son visage, et chercher à lui ouvrir la bouche. Il se garda bien de bâiller ; mais, s’éveillant en sursaut, il entendit de grands éclats de rire sans rien voir autour de lui. Leloyer raconte que de son temps il y avait de mauvais garnements qui faisaient leurs sabbats dans les cimetières pour établir leur réputation et se faire craindre, et que, quand ils y étaient parvenus, ils allaient dans les maisons buffeter le bon vin. Les lutins s’appelaient ainsi parce qu’ils prenaient quelquefois plaisir à lutter avec les hommes. Il y en avait un à Thermesse qui se battait avec tous ceux qui arrivaient dans cette ville. Au reste, disent les bons légendaires, les lutins ne mettent ni dureté ni violence dans leurs jeux… Voy. Elfes, etc.
Lutschin. Au pied de Lutschin, rocher gigantesque de la Suisse, coule un torrent où se noya un fratricide en voulant laver son poignard ensanglanté. La nuit, à l’heure où le meurtre fut commis, on entend encore près du torrent des soupirs et comme le râle d’un homme qui se meurt. On se dit aussi que l’âme du meurtrier rôde dans les environs, cherchant un repos qu’elle ne peut trouver.
Lutteurs, démons qui aiment la lutte et les petits jeux de mains. C’est de leur nom qu’on a nommé les lutins.
Luxembourg (François de Montmorency), maréchal de France, né en 1628, mort en 1695. On l’accusa de s’être donné au diable. Un de ses gens, nommé Bonard, voulant retrouver des papiers qui étaient égarés, s’adressa à un certain Lesage pour les retrouver. Ce Lesage était un homme dérangé, qui se mêlait de sorcellerie et de divination/ Il lui ordonna d’aller visiter les églises, de réciter des psaumes ; Bonard se soumit à tout ce qu’on exigeait de lui, et les papiers ne se retrouvèrent pas. Une fille, nommée la Dupin, les retenait. Bonard, sous les yeux de Lesage, fit une conjuration au nom du maréchal de Luxembourg ; la Dupin ne rendit rien. Désespéré, Bonard fit signer un pacte au maréchal qui se donnait au diable. À la suite de ces menées, la Dupin fut trouvée assassinée. On en accusa le maréchal. Le pacte fut produit au procès. Lesage déposa que le maréchal s’était adressé au diable et à lui pour faire mourir la Dupin. Les assassins de cette fille avouèrent qu’ils l’avaient découpée en quartiers et jetée dans la rivière par les ordres du maréchal. La cour des pairs devait le juger ; mais on mit de la négligence à instruire son procès ; enfin on lui confronta Lesage et un autre sorcier, nommé Davaux, avec lesquels on l’accusa d’avoir fait des sortilèges pour faire mourir plus d’une personne. — Parmi les imputations horribles qui faisaient la base du procès, Lesage dit que le maréchal avait fait un pacte avec le diable, pour pouvoir allier un de ses fils avec la famille de Louvois. Le procès dura quatorze mois. Il n’y eut de jugement ni pour ni contre. La Voisin, la Vigoureux et Lesage, compromis dans ces crimes, furent brûlés à la Grève. Le maréchal de Luxembourg fut élargi, passa quelques jours à la campagne, puis revint à la cour et reprit ses fonctions de capitaine des gardes…
Luxembourg (la maréchale de). Madame la maréchale de Luxembourg avait pour valet de chambre un vieillard qui la servait depuis longtemps, et auquel elle était attachée. Ce vieillard tomba tout à coup dangereusement malade. La maréchale était dans l’inquiétude. Elle ne cessait d’envoyer demander des nouvelles de cet homme, et souvent allait elle-même en savoir. Se portant très-bien, elle s’éveille au milieu de la nuit avec une agitation singulière ; elle veut sonner pour demander ce que fait son valet de chambre ; elle ouvre les rideaux de son lit ; à l’instant, l’imagination fortement frappée, elle croit apercevoir dans son appartement un fantôme couvert d’un linceul blanc ; elle croit entendre ces paroles : — Ne vous inquiétez point de moi, je ne suis plus de ce monde, et avant la Pentecôte vous viendrez me rejoindre. « La fièvre s’empara d’elle ; elle fut bientôt à toute extrémité. Ce qui contribua le plus à augmenter sa terreur, c’est qu’à l’instant même où elle fut frappée de cette vision, l’homme en question venait effectivement d’expirer. La maréchale a cependant survécu à la prédiction du fantôme imaginaire, et cette résurrection fait furieusement de tort aux spectres pour les choses de l’avenir . »
Lycanthropie, transformation d’un homme en loup. Le lycanthrope s’appelle communément loup-garou. Voy. Loups garous.
Lycaon, fils de Phorénée, roi d’Arcadie, à laquelle il donna le nom de Lycaonie. Il bâtit sur les montagnes la ville de Lycosure, la plus ancienne de toute la Grèce, et y éleva un autel à Jupiter Lycseus, auquel il commença à sacrifier des victimes humaines. Il faisait mourir, pour les manger, tous les étrangers qui passaient dans ses États. Jupiter étant allé loger chez lui, Lycaon se prépara à ôter la vie à son hôte pendant qu’il serait endormi ; mais auparavant il voulut s’assurer si ce n’était pas un dieu et lui fit servir à souper les membres d’un de ses hôtes, d’autres disent d’un esclave. Un feu vengeur, allumé par l’ordre de Jupiter, consuma bientôt le palais, et Lycaon fut changé en loup. C’est le plus ancien loup-garou.
Suivant quelques traditions, il reprenait la figure d’homme au bout de dix ans, si, dans ces dix ans, il s’était abstenu de chair humaine.
Lycas, démon de Thémèse, chassé par le champion Euthymius, et qui fut en grande renommée chez les Grecs. Il était très-noir, avait le visage et tout le corps hideux, et portait une peau de loup pour vêtement .
Lychnomancie, divination qui se faisait par l’inspection de la flamme d’une lampe ; il en reste quelques traces. Lorsqu’une étincelle se détache de la mèche, elle annonce une nouvelle et la direction de cette nouvelle. Voy. Lampadomancie.
Lynx. Animal fabuleux, qui a la vue perçante. Il est consacré à Bacchus. Les anciens disent des merveilles du lynx. Non-seulement ils lui attribuent la faculté de voir à travers les murs, mais encore la vertu de produire des pierres précieuses. Pline raconte sérieusement que les filets de son urine se transforment en ambre, en rubis et en escarboucles. Mais il ajoute que, par un sentiment de jalousie, cet animal avare a soin de nous dérober ces richesses en couvrant de terre ses précieuses évacuations. Sans cela nous aurions pour rien l’ambre, les rubis et les escarboucles .
. La tradition populaire porte que cette sorcière n’était point un de ces êtres malfaisants qui tiennent une place distinguée dans la démonologie ; au contraire, elle faisait du bien à tous ceux qui imploraient sa protection d’une manière convenable. Les pauvres habitants du voisinage, manquant d’ustensiles de cuisine ou d’instruments de labourage, n’avaient qu’à lui manifester leurs besoins, ils la trouvaient disposée à leur prêter ce qui leur était nécessaire. L’homme qui voulait avoir un de ces meubles se rendait à la caverne à minuit, en faisait trois fois le tour et disait ensuite : — Bonne mère Ludlam, ayez la bonté de m’envoyer un chaudron, ou telle chose ; je vous promets de vous le rendre dans deux jours.
Cette prière faite, on se retirait ; le lendemain, de grand matin, on retournait à la caverne, à l’entrée de laquelle on trouvait la chose demandée. Mais ceux qui invoquaient la mère Ludlam ne se montrèrent pas toujours aussi honnêtes qu’elle : un paysan vint la prier une fois de lui prêter une grande chaudière et la garda plus longtemps qu’il ne l’avait promis. La mère Ludlam, offensée de ce manque d’exactitude, refusa de recevoir sa chaudière lorsqu’on la lui rapporta, et depuis ce temps elle se venge en ne se prêtant plus à aucune des demandes qu’on lui fait , Dictionnaire de la Fable.
Lugubre, oiseau du Brésil, dont le cri funèbre ne se fait entendre que la nuit ; ce qui le fait respecter des naturels, qui sont persuadés qu’il est chargé de leur apporter des nouvelles des morts. Léry, voyageur français, raconte que, traversant un village, il en scandalisa les habitants pour avoir ri de l’attention avec laquelle ils écoutaient le cri de cet oiseau. — Tais-toi, lui dit rudement un vieillard, ne nous empêche pas d’entendre les nouvelles que nos grands-pères nous envoient.
Lulle (Raymond), l’un des maîtres le plus souvent cités de la philosophie hermétique, et l’un des savants les moins connus du moyen âge. Il était né à Palma, dans l’île de Majorque, en 1235.
C’était un saint plus encore qu’un savant. Il consacra presque toute sa vie, missionnaire dévoué, à la conversion des Maures. Il reçut le martyre près de Bougie, à l’âge de quatre-vingts ans, tué à coups de pierre par les sectateurs de Mahomet, le 29 juin 1315, jour de Saint-Pierre.
Toutefois, il était savant chimiste ; et les annales de son temps soutiennent, avec preuves, qu’il fit de l’or. M. E.-J. Delécluse termine ainsi une belle notice qu’il a publiée sur cet homme :
« Les chimistes des onzième, douzième et treizième siècles étaient-ils des fous, et la transmutation des métaux est-elle une opération impossible ?
» Il ne m’appartient pas de traiter une pareille question, et je me bornerai à rapporter à ce sujet les paroles d’un des chimistes les plus éclairés de nos jours : — S’il ne sort de ces rapprochements, dit M. Dumas, aucune preuve de la possibilité d’opérer des transmutations dans les corps simples, du moins s’opposent-ils à ce qu’on repousse cette idée comme une absurdité qui serait démontrée par l’état actuel de nos connaissances. »
Lumière merveilleuse. — Prenez quatre onces d’herbe appelée serpentinette, mettez-la dans un pot de terre bouché, puis faites-la digérer au ventre de cheval, c’est-à-dire dans le fumier chaud, quinze jours ; elle se changera en de petits vers rouges, desquels vous tirerez une huile selon les principes de l’art ; de cette huile vous garnirez une lampe, et lorsqu’elle sera allumée dans une chambre, elle provoquera au sommeil et endormira si profondément ceux qui seront dans ladite chambre, que l’on ne pourra en éveiller aucun tant que la lampe brûlera.
Lune, la plus grande divinité du sabéisme après le soleil. Pindare l’appelle l’œil de la nuit, et Horace la reine du silence. Une partie des Orientaux l’honoraient sous le titre d’Uranie. C’est l’Isis des Égyptiens, l’Astarté des Phéniciens, la Mylitta des Perses, l’Alilat des Arabes, la Séléné des Grecs, et la Diane, la Vénus, la Junon des Romains. César ne donne point d’autres divinités aux peuples du Nord et aux anciens Germains que le feu, le soleil et la lune. Le culte de la lune passa dans les Gaules, où la lune avait un oracle desservi par des druidesses dans l’île de Sein, sur la côte méridionale de ïa basse Bretagne. Elle avait un autel à Arlon (Ara Lunæ). Les magiciennes de Thessalie se vantaient d’avoir un grand commerce avec la lune, et de pouvoir, par leurs enchantements, la délivrer du dragon qui voulait la dévorer (lorsqu’elle était éclipsée), ou la faire à leur gré descendre sur la terre.
L’idée que cet astre pouvait être habité a donné lieu à des fictions ingénieuses : telles sont, entre autres, les voyages de Lucien, de Cyrano de Bergerac, et la fable de l’Arioste, qui place dans la lune un vaste magasin rempli de fioles étiquetées, où le bon sens de chaque individu est renfermé. On a publié en 1835, sous le chaperon du savant astronome Herschell, qui sans doute ne soupçonnait pas l’honneur qu’on lui faisait, une plaisante description des habitants de la lune, canard qui venait des Etats-Unis.
Les Péruviens regardaient la lune comme la sœur et la femme du soleil, et la mère de leurs Incas ; ils l’appelaient mère universelle, et avaient pour elle la plus grande vénération. Cependant ils ne lui avaient point élevé de temple à part et ne lui offraient point de sacrifices. Ils prétendaient que les marques noires qu’on aperçoit dans la lune avaient été faites par un renard qui, ayant monté au ciel, l’avait embrassée si étroitement qu’il lui avait fait ces taches à force de la serrer.
Suivant les Tahitiens, les taches que nous voyons à la lune sont des bosquets d’une espèce d’arbres qui croissaient autrefois à Tahiti ; un accident ayant détruit ces arbres, les graines furent portées par des pigeons à la lune, où elles ont prospéré.
Les mahométans ont une grande vénération pour la lune ; ils la saluent dès qu’elle paraît, lui présentent leurs bourses ouvertes et la prient d’y faire multiplier les espèces à mesure qu’elle croîtra.
La lune est la divinité des Nicaborins, habitants de Java. Lorsqu’il arrive une éclipse de lune, les Chinois idolâtres, voisins de la Sibérie, poussent des cris et des hurlements horribles, sonnent les cloches, frappent contre du bois ou des chaudrons et touchent à coups redoublés sur les timbales de la grande pagode. Ils croient que le méchant esprit de l’air Arachula attaque la lune, et que leurs clameurs doivent l’effrayer.
Il y a des gens qui prétendent que la lune est douée d’un appétit extraordinaire ; que son estomac, comme celui de l’autruche, digère des pierres. En voyant un bâtiment vermoulu, ils disent que la lune l’a mutilé et qu’elle peut ronger le marbre, ce qui est vrai dans certains climats.
Combien de personnes n’osent couper leurs cheveux dans le décours de la lune ! dit M. Salgues [2]. Mais les médecins sont convenus enfin que la lune influe sur le corps humain, comme sur bien d’autres choses .
La plupart des peuples ont cru encore que le lever de la lune était un signal mystérieux auquel les spectres sortaient de leurs tombeaux. Les Orientaux content que les lamies et les gholes déterrent les morts dans les cimetières et font leurs festins au clair de la lune. Dans certains cantons de l’orient de l’Allemagne, on prétendait que les vampires ne commençaient leurs infestations qu’au lever de la lune, et qu’ils étaient obligés de rentrer en terre au chant du coq.
L’idée la plus extraordinaire, adoptée dans quelques villages, c’est que la lune ranimait les vampires. Lorsqu’un de ces spectres, poursuivi dans ses courses nocturnes, était frappé d’une balle ou d’un coup de lance, on pensait qu’il pouvait mourir une seconde fois, mais qu’exposé aux rayons de la lune il reprenait ses forces et pouvait sucer de nouveau les vivants.
Lundi, le second jour de la semaine, est personnifié dans les monuments par une figure de Diane Lune, qui porte le croissant sur la tête.
En Russie, le lundi passe pour un jour malheureux. Parmi le peuple et les personnes superstitieuses, la répugnance à entreprendre ce jour-là quelque chose, surtout un voyage, est si universelle que le petit nombre des gens qui ne la partagent pas s’y soumet par égard pour l’opinion publique.
Lure (Guillaume), docteur en théologie, qui fut condamné comme sorcier, à Poitiers, en 1453, convaincu par son propre aveu, par témoins, et pour avoir été trouvé saisi d’un pacte fait avec le diable, par lequel il renonçait à Dieu et se donnait à icelui diable .
Luricaunes, lutins pygmées de la race des fées. On les appelle en Irlande luricaunes et cluricaunes, lurigadaunes à Tipperari, logherys dans l’Ulster. Ils connaissent les trésors cachés.
Luridan, puissant esprit de l’air en Norvège et en Laponie. Voy. Harold.
Lusignan. On prétend que la maison de Lusignan descend en ligne directe de Mélusine. Voy. Mélusine.
Lusmore. Les Irlandais donnent ce nom à la digitalis purpurea, qu’ils appellent aussi plus communément bonnet de fée, à cause de la ressemblance supposée de ses clochettes avec cette partie de l’habillement des fées. On prétend qu’elle salue les êtres surnaturels en pliant devant eux sa longue tige, en signe de reconnaissance .
Luther (Martin), le plus fameux novateur religieux du seizième siècle, né en \l\%k en Saxe, mort en 1546. Il dut son éducation à la charité des moines et entra chez les augustins d’Erfurt. Devenu professeur de théologie, il s’irrita de ne pas être le Judas des indulgences, c’est-à-dire de n’en pas tenir la bourse ; il écrivit contre le Pape et prêcha contre l’Église romaine. Devenu épris de Catherine Bore, religieuse, il l’enleva de son couvent avec huit autres sœurs, se hâta de l’épouser et publia un écrit où il comparait ce rapt à celui que Jésus-Christ fit, le jour de la Passion, lorsqu’il arracha les âmes de la tyrannie de Satan…
Nous ne pouvons ici faire sa vie , mais sa mort nous revient. Ses ennemis ont assuré que le diable l’avait étranglé ; d’autres qu’il mourut subitement en allant à la garde-robe, comme Arius, après avoir trop soupé ; que, son tombeau ayant été ouvert le lendemain de son enterrement, on n’y avait pu trouver son corps, et qu’il en était sorti une odeur de soufre insupportable. — Georges Lapôtre le dit fils d’un démon et d’une sorcière.
À la mort de Luther, disent les relations répandues chez ses contemporains, les démons en deuil, habillés en corbeaux, vinrent chercher cet ami de l’enfer. Ils assistèrent invisiblement aux funérailles ; et Thyraeus ajoute qu’ils l’emportèrent ensuite loin de ce monde, où il ne devait que passer. — On conte encore que le jour de sa mort tous les démons qui se trouvaient en une certaine ville de Brabant (à Malines) sortirent des corps qu’ils possédaient et y revinrent le lendemain ; et comme on leur demandait où ils avaient passé la journée précédente, ils répondirent que, par l’ordre de leur prince, ils s’étaient rendus à l’enterrement de Luther. Le valet de Luther, qui l’assistait à sa mort, déclara, ce qui est très singulier, en conformité de ceci, qu’ayant mis la tête à la fenêtre pour prendre l’air au moment du trépas de son maître, il avait vu plusieurs esprits horribles qui dansaient autour de la maison, et ensuite des corbeaux maigres qui accompagnèrent le corps en croassant jusqu’à Wittemberg…
La dispute de Luther avec le diable a fait beaucoup de bruit. Un religieux vint un jour frapper rudement à sa porte, en demandant à lui parler. Le renégat ouvre ; le prétendu moine regarde un moment le réformateur et lui dit : — J’ai découvert dans vos opinions certaines erreurs papistiques sur lesquelles je voudrais conférer avec vous. — Parlez, répond Luther. L’inconnu proposa d’abord quelques discussions assez simples, que Luther résolut aisément. Mais chaque question nouvelle était plus difficile que la précédente, et le moine supposé exposa bientôt des syllogismes très-embarrassants. Luther, offensé, lui dit brusquement : — Vos questions sont trop embrouillées ; j’ai pour le moment autre chose à faire que de vous répondre. Cependant il se levait pour argumenter encore, lorsqu’il remarqua que le religieux avait le pied fendu et les mains armées de griffes. — N’es-tu pas, lui dit-il, celui dont la naissance du Christ a dû briser la tête ?
Et le diable, qui s’attendait avec son ami à un combat d’esprit et non à un assaut d’injures, reçut dans la figure l’encrier de Luther, qui était de plomb : il dut en rire à pleine gorge. On montre encore sur la muraille, à Wittemberg, les éclaboussures de l’encre. On trouve ce fait rapporté, avec quelque différence de détails, dans le livre de Luther lui-même sur la messe privée, sous le titre de Conférence de Luther avec le diable . Il conte que, s’étant éveillé un jour, vers minuit, Satan disputa avec lui, l’éclaira sur les erreurs du Catholicisme et l’engagea à se séparer du Pape. C’est donner à sa secte une assez triste origine. L’abbé Cordemoy pense, avec beaucoup d’apparence de raison, que certains critiques ont tort de prétendre que cette pièce n’est pas de Luther. Il est constant qu’il était très-visionnaire ; M. Michelet l’a reconnu positivement, ce qui doit suffire aux incrédules ; pour les croyants, il était très en état de voir le diable. Il est même possible que la bravade de l’encrier soit une vanterie.
Lutins. Les lutins sont du nombre des démons qui ont plus de malice que de méchanceté. lisse plaisent à tourmenter les gens et se contentent de faire plus de peur que de mal. Cardan parle d’un de ses amis qui, couchant dans une chambre que hantaient les lutins, sentit une main froide et molle comme du coton passer sur son cou et son visage, et chercher à lui ouvrir la bouche. Il se garda bien de bâiller ; mais, s’éveillant en sursaut, il entendit de grands éclats de rire sans rien voir autour de lui. Leloyer raconte que de son temps il y avait de mauvais garnements qui faisaient leurs sabbats dans les cimetières pour établir leur réputation et se faire craindre, et que, quand ils y étaient parvenus, ils allaient dans les maisons buffeter le bon vin. Les lutins s’appelaient ainsi parce qu’ils prenaient quelquefois plaisir à lutter avec les hommes. Il y en avait un à Thermesse qui se battait avec tous ceux qui arrivaient dans cette ville. Au reste, disent les bons légendaires, les lutins ne mettent ni dureté ni violence dans leurs jeux… Voy. Elfes, etc.
Lutschin. Au pied de Lutschin, rocher gigantesque de la Suisse, coule un torrent où se noya un fratricide en voulant laver son poignard ensanglanté. La nuit, à l’heure où le meurtre fut commis, on entend encore près du torrent des soupirs et comme le râle d’un homme qui se meurt. On se dit aussi que l’âme du meurtrier rôde dans les environs, cherchant un repos qu’elle ne peut trouver.
Lutteurs, démons qui aiment la lutte et les petits jeux de mains. C’est de leur nom qu’on a nommé les lutins.
Luxembourg (François de Montmorency), maréchal de France, né en 1628, mort en 1695. On l’accusa de s’être donné au diable. Un de ses gens, nommé Bonard, voulant retrouver des papiers qui étaient égarés, s’adressa à un certain Lesage pour les retrouver. Ce Lesage était un homme dérangé, qui se mêlait de sorcellerie et de divination/ Il lui ordonna d’aller visiter les églises, de réciter des psaumes ; Bonard se soumit à tout ce qu’on exigeait de lui, et les papiers ne se retrouvèrent pas. Une fille, nommée la Dupin, les retenait. Bonard, sous les yeux de Lesage, fit une conjuration au nom du maréchal de Luxembourg ; la Dupin ne rendit rien. Désespéré, Bonard fit signer un pacte au maréchal qui se donnait au diable. À la suite de ces menées, la Dupin fut trouvée assassinée. On en accusa le maréchal. Le pacte fut produit au procès. Lesage déposa que le maréchal s’était adressé au diable et à lui pour faire mourir la Dupin. Les assassins de cette fille avouèrent qu’ils l’avaient découpée en quartiers et jetée dans la rivière par les ordres du maréchal. La cour des pairs devait le juger ; mais on mit de la négligence à instruire son procès ; enfin on lui confronta Lesage et un autre sorcier, nommé Davaux, avec lesquels on l’accusa d’avoir fait des sortilèges pour faire mourir plus d’une personne. — Parmi les imputations horribles qui faisaient la base du procès, Lesage dit que le maréchal avait fait un pacte avec le diable, pour pouvoir allier un de ses fils avec la famille de Louvois. Le procès dura quatorze mois. Il n’y eut de jugement ni pour ni contre. La Voisin, la Vigoureux et Lesage, compromis dans ces crimes, furent brûlés à la Grève. Le maréchal de Luxembourg fut élargi, passa quelques jours à la campagne, puis revint à la cour et reprit ses fonctions de capitaine des gardes…
Luxembourg (la maréchale de). Madame la maréchale de Luxembourg avait pour valet de chambre un vieillard qui la servait depuis longtemps, et auquel elle était attachée. Ce vieillard tomba tout à coup dangereusement malade. La maréchale était dans l’inquiétude. Elle ne cessait d’envoyer demander des nouvelles de cet homme, et souvent allait elle-même en savoir. Se portant très-bien, elle s’éveille au milieu de la nuit avec une agitation singulière ; elle veut sonner pour demander ce que fait son valet de chambre ; elle ouvre les rideaux de son lit ; à l’instant, l’imagination fortement frappée, elle croit apercevoir dans son appartement un fantôme couvert d’un linceul blanc ; elle croit entendre ces paroles : — Ne vous inquiétez point de moi, je ne suis plus de ce monde, et avant la Pentecôte vous viendrez me rejoindre. « La fièvre s’empara d’elle ; elle fut bientôt à toute extrémité. Ce qui contribua le plus à augmenter sa terreur, c’est qu’à l’instant même où elle fut frappée de cette vision, l’homme en question venait effectivement d’expirer. La maréchale a cependant survécu à la prédiction du fantôme imaginaire, et cette résurrection fait furieusement de tort aux spectres pour les choses de l’avenir . »
Lycanthropie, transformation d’un homme en loup. Le lycanthrope s’appelle communément loup-garou. Voy. Loups garous.
Lycaon, fils de Phorénée, roi d’Arcadie, à laquelle il donna le nom de Lycaonie. Il bâtit sur les montagnes la ville de Lycosure, la plus ancienne de toute la Grèce, et y éleva un autel à Jupiter Lycseus, auquel il commença à sacrifier des victimes humaines. Il faisait mourir, pour les manger, tous les étrangers qui passaient dans ses États. Jupiter étant allé loger chez lui, Lycaon se prépara à ôter la vie à son hôte pendant qu’il serait endormi ; mais auparavant il voulut s’assurer si ce n’était pas un dieu et lui fit servir à souper les membres d’un de ses hôtes, d’autres disent d’un esclave. Un feu vengeur, allumé par l’ordre de Jupiter, consuma bientôt le palais, et Lycaon fut changé en loup. C’est le plus ancien loup-garou.
Suivant quelques traditions, il reprenait la figure d’homme au bout de dix ans, si, dans ces dix ans, il s’était abstenu de chair humaine.
Lycas, démon de Thémèse, chassé par le champion Euthymius, et qui fut en grande renommée chez les Grecs. Il était très-noir, avait le visage et tout le corps hideux, et portait une peau de loup pour vêtement .
Lychnomancie, divination qui se faisait par l’inspection de la flamme d’une lampe ; il en reste quelques traces. Lorsqu’une étincelle se détache de la mèche, elle annonce une nouvelle et la direction de cette nouvelle. Voy. Lampadomancie.
Lynx. Animal fabuleux, qui a la vue perçante. Il est consacré à Bacchus. Les anciens disent des merveilles du lynx. Non-seulement ils lui attribuent la faculté de voir à travers les murs, mais encore la vertu de produire des pierres précieuses. Pline raconte sérieusement que les filets de son urine se transforment en ambre, en rubis et en escarboucles. Mais il ajoute que, par un sentiment de jalousie, cet animal avare a soin de nous dérober ces richesses en couvrant de terre ses précieuses évacuations. Sans cela nous aurions pour rien l’ambre, les rubis et les escarboucles .
Lysimachie, plante ainsi nommée parce que, posée sur le joug auquel les bœufs et autres animaux étaient attelés, elle avait la vertu de les empêcher de se battre.
Lysimaque, devin dont parle Démétrius de Phalère dans son livre de Socrate. Il gagnait’sa vie à interpréter des songes au moyen de certaines tables astrologiques. Il se tenait auprès du temple de Bacchus.
M
Ma, femme qui suivait Rhéa, fut chargée par Jupiter du soin d'élever Bacchus. Rhéa portait aussi le nom de Ma, sous lequel les Lydiens l'honoraient et lui sacrifiaient un taureau. C'est de là que la ville de Mastaura prit son nom.
Nom japonais de l’esprit malin ; on le donne au renard, qui cause de grands ravages au Japon, où des sectaires n’admettent qu’une espèce de démons, qui sont les âmes des méchants, lesquelles, après la mort, sont uniquement destinées à animer les renards.
Mab. C’est en Irlande la reine des fées, appelée aussi Titania.
Maberthe. On lit dans l’Histoire des possédés de Flandre, tome II, page 275, qu’il y avait, en quelque royaume de l’Europe, une jeune fille nommée Maberthe, menant une vie qui semblait céleste ; qu’elle fut reçue en pitié dans la maison du seigneur de Swert, l’an 1618. Elle se faisait passer pour sainte et se vantait que son Dieu lui parlait souvent. Mais elle refusa de conférer de ces merveilles avec un évêque, ce qui parut suspect ; et comme on disait qu’un jour le diable l’avait prise par la main et s’était promené avec elle, le seigneur de Swert insista pour qu’elle en parlât audit évêque, ce qu’enfin elle accorda. Après la conférence, qui embarrassa tout le monde sans rien éclaircir, elle s’en alla de la maison en disant : « S’ils savaient que je sais ce que je sais, ils diraient que je suis une sorcière. » On finit par découvrir de grandes abominations dans cette fille. Mais elle était effrontée ; et lorsqu’on lui parlait de se convertir, elle répondait : « J’y penserai ; il y a vingt-quatre heures au jour. » On croit qu’elle finit par être brûlée.
Mac-Allan (Fanny). Voy. Cercueil.
Mac-Alzéan (Euphémie), accusée de sorcellerie parce qu’elle était catholique. Voy. JACQUES 1er
Mac-Carthy. Les légendes irlandaises racontent l’histoire d’un certain Charles Mac-Carthy qui, après une jeunesse très-dissipée, mourut un jour et ressuscita au moment où on allait l’enlever pour le cimetière. Il raconta des détails curieux sur l’autre monde. Était-ce une léthargie avec rêve ou une grâce spéciale ? C’est ce que nous ne décidons pas.
Mac-Donald (Archibald), voyant célèbre. Il voyait à dix lieues un homme qui passait, et le décrivait avec toutes les singularités qui pouvaient le faire reconnaître .
Macha-Halla ou Messa-Hala, astrologue arabe du huitième siècle de notre ère. On a de lui plusieurs ouvrages dont on trouve la liste dans Casiri. Les principaux ont été traduits en latin : 1° Un Traité des éléments et des choses célestes ; 2° un autre, De la révolution des années du monde ; 3° un troisième, De la signification des planètes pour les nativités, Nuremberg, 1549. La bibliothèque Bodléienne a parmi ses manuscrits une traduction hébraïque de ses Problèmes astrologiques, faite par Aben-Esra.
Machines. Des savants ont produit par la mécanique des machines compliquées où de bonnes gens ont vu de la magie, parce qu’ils ne savaient pas. Voy. Albert le Grand.
Descartes avait fait, dit-on, avec beaucoup d’industrie, une machine automate pour prouver démonstrativement que les bêtes n’ont point d’âme, et que ce ne sont que des machines bien composées qui se remuent à l’occasion des corps étrangers qui les frappent et leur communiquent une partie de leur mouvement. Ce philosophe ayant mis cette machine sur un vaisseau, le capitaine eut la curiosité d’ouvrir la caisse dans laquelle elle était enfermée ; surpris des mouvements qu’il remarqua dans cette machine, qui agissait comme si elle eût été animée, il la jeta dans la mer, croyant que c’était le diable. Au reste, la raison que donnait Descartes pour établir que les bêtes n’ont point d’âmes, c’est qu’elles sont à jamais incapables de progrès. Ce qui est prouvé depuis le commencement du monde.
Machlyes, peuple fabuleux d’Afrique, que Pline prétend avoir eu les deux sexes et deux mamelles, la droite semblable à celle d’un homme, et la gauche à celle d’une femme.
Mac-Intos. Voy. Cercueil.
Macreuses, oiseaux de la famille des canards, qui sont très-communs sur les côtes d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande. Ils ont été le sujet de bien des contes. Plusieurs auteurs ont assuré que ces oiseaux sont produits sans œufs : les uns les font venir des coquilles qui se trouvent dans la mer ; d’autres ont avancé qu’il y a des arbres semblables à des saules, dont le fruit se change en macreuses, et que les feuilles de ces arbres qui tombent sur la terre produisent des oiseaux, pendant que celles qui tombent dans l’eau deviennent des poissons. Il est surprenant, dit le P. Lebrun, que ces pauvretés aient été si souvent répétées, quoique divers auteurs aient remarqué et assuré que les macreuses étaient engendrées de la même manière que les autres oiseaux. Albert le Grand l’avait déclaré en termes précis ; et depuis, un voyageur a trouvé, au nord de l’Écosse, de grandes troupes de macreuses et les œufs qu’elles devaient couver, dont il mangea.
« II n’y a pas longtemps qu’un journal de Normandie nous racontait sérieusement, dit M. Salgues [1], qu’on venait de pêcher, sur les côtes de Granville, un mât de vaisseau qui dormait depuis plus de vingt ans sous les eaux ; que l’on fut fort étonné de le trouver enveloppé d’une espèce de poisson fort singulier, que les Normands nomment bernacle ou bernache. Or, ce bernache ou bernacle est un long boyau rempli d’eau jaunâtre, au bout duquel se trouve une coquille qui renferme un oiseau, lequel produit une macreuse. Cette absurde nouvelle se répandit, et les Parisiens, ajoute M. Salgues, furent bien étonnés d’apprendre qu’il y avait des oies qui naissaient au bout d’un boyau, dans une petite coquille. »
Johnston, dans sa Taumatographie naturelle, rapporte que les macreuses se forment dans le bois pourri ; que le bois pourri se change en ver et le ver en oiseau… Hector de Boèce est l’homme dont l’autorité lui paraît la plus imposante. Or, ce savant rapporte qu’en 1490 on pécha sur les côtes d’Écosse une pièce de bois pourri ; qu’on l’ouvrit en la présence du seigneur du lieu, et qu’on y trouva une quantité énorme de vers ; mais ce qui surprit singulièrement l’honorable baronnet et les spectateurs, c’est que plusieurs de ces vers commençaient à prendre la forme d’oiseau, que les uns avaient des plumes, et que les autres étaient encore tout rouges. Ce phénomène parut si étonnant, que l’on déposa la pièce de bois dans l’église voisine, où elle fut conservée. Boèce ajoute à ce conte, et pour le faire tenir debout, qu’il fut lui-même témoin d’un prodige semblable ; que le ministre d’une paroisse voisine des bords de la mer ayant péché une grande quantité d’algues et de roseaux, il aperçut à l’extrémité de leurs racines des coquillages singuliers, qu’il les ouvrit et y trouva au lieu de poissons des oiseaux. L’auteur assure que le pasteur lui fit part de cette merveille, et il répète qu’il fut lui-même témoin de la vérité du fait…
Mac-Rodor, médecin écossais dont voici l’aventure :« En l’année 1514, un nommé Trois Rieux s’obligea envers un médecin écossais, nommé Mac-Rodor (tous deux habitants de Bordeaux), de lui servir de démon après sa mort ; c’est-à-dire que son esprit viendrait lui obéir en toutes choses et lui faire connaître ce qui était caché aux hommes. Pour parvenir à ces fins, ils signèrent un pacte en lettres de sang sur un parchemin vierge. — Ce Mac-Rodor était regardé comme sorcier et magicien ; il eut une fin misérable, ainsi que toute sa famille. On surprit chez lui l’obligation que nous venons de mentionner, avec une platine de cuivre ronde, de médiocre grandeur, sur laquelle étaient gravés les sept noms de Dieu, sept anges, sept planètes et plusieurs autres figures, caractères, lignes, points, tous inconnus . »
Maczocha, gouffre célèbre en Pologne par l’aventure d’un condamné qui, jeté là du temps des hussites, en fut tiré par un monstrueux dragon, sur le dos duquel il se glissa. Voy. Obesslik.
Madeleine de la Croix, religieuse de Cordoue, qui mena mauvaise vie au seizième siècle, s « e disant sorcière et se vantant d’avoir pour familier un démon. François de Ïorre-Blanca raconte qu’elle avait à volonté des roses en hiver, de la neige dans le mois d’août, et qu’elle passait à travers les murs, qui s’ouvraient devant elle. Elle fut arrêtée par l’inquisition ; mais ayant tout confessé, elle fut admise à pénitence ; car les inquisiteurs n’ont jamais eu la férocité que leur prêtent certains livres ultra-menteurs.
Magares, sorciers de Mingrélie, fort redoutés des gens du pays, parce qu’ils nouaient l’aiguillette. Aussi la cérémonie du mariage, en ce pays, se faisait toujours en secret, et sans qu’on en sût le jour, de peur que ces prétendus sorciers ne jetassent quelques sortilèges fâcheux sur les époux. Voy. Ligatures.
Mages, sectateurs de Zoroastre, adorateurs du feu et grands magiciens. C’est d’eux, disent les démonomanes, que la magie ou science des mages tire son nom. Ils prêchaient la métempsycose astronomique ; c’est-à-dire que, selon leur doctrine, les âmes, au sortir de ce monde, allaient habiter successivement toutes les planètes avant de revenir sur la terre.
Magie et Magiciens. La magie est l’art de produire dans la nature des choses au-dessus du pouvoir des hommes, par le secours des démons, ou en employant certaines cérémonies que la religion interdit. Celui qui exerce cet art est appelé magicien. On distingue la magie noire, la magie naturelle, la cœlestialis, qui est l’astrologie judiciaire, et la cœremonialis. Cette dernière consiste dans l’invocation des démons, en conséquence d’un pacte formel ou tacite fait avec les puissances infernales. Ses diverses branches sont la cabale, l’enchantement, le sortilège, l’évocation des morts et des esprits malfaisants, la découverte des trésors cachés et des plus grands secrets, la divination, le don de prophétie, celui de guérir par des termes magiques et par des pratiques mystérieuses les maladies les plus opiniâtres, de préserver de tous maux, de tous dangers, au moyen d’amulettes, de talismans ; la fréquentation du sabbat, etc.
La magie naturelle, selon les démonographes, est l’art de connaître l’avenir et de produire des effets merveilleux par des moyens naturels, mais au-dessus de la portée du commun des hommes. La magie artificielle est l’art de fasciner les yeux et d’étonner les spectateurs, ou par des automates, ou par des escamotages, ou par des tours de physique. La magie blanche est l’art de faire des opérations surprenantes par l’évocation des bons anges, ou simplement par adresse et sans aucune évocation. Dans le premier cas, on prétend que Salomon en est l’inventeur ; dans le second, la magie blanche est la même chose que la magie naturelle, confondue avec la magie artificielle. La magie noire ou diabolique, enseignée par le diable, et pratiquée sous son influence, est l’art de commercer avec les démons, en conséquence d’un pacte fait avec eux, et de se servir de leur ministère pour opérer des effets au-dessus de la nature. C’est de cette magie que sont accusés ceux qu’on appelle proprement magiciens. Cham en a été, dit-on, l’inventeur ou plutôt le conservateur ; car Dieu n’envoya le déluge, disent les démonomanes, que pour nettoyer la terre des magiciens et des sorciers qui la souillaient. Cham enseigna la magie et la sorcellerie à son fils Misraïm, qui, pour les grandes merveilles qu’il faisait, fut appelé Zoroastre. On a dit qu’il avait composé cent mille vers sur ce sujet, et qu’il fut emporté par le diable en présence de ses disciples.
En fait, la magie existe ; et l’Église n’a pu se tromper en la considérant comme une apostasie et un enrôlement dans les phalanges de Satan. Il n’est pas nécessaire d’établir ici la vérité des faits rapportés dans l’Écriture sainte sur la magie et les magiciens. Ils ne sont contestés que par la mauvaise foi des incrédules qui ont leur parti pris de nier. Mais tous les peuples ont reconnu l’existence de la magie ; et les plus forts des esprits forts ne la nieront pas, s’ils ont vu quelques-unes des merveilles du magnétisme. Nous ne parlons ici que des faits et non de la manière de les interpréter. Disons toutefois qu’on a attribué à cet art noir bien des accidents qui n’en ont pas été les produits. Il est constant que les écrivains des siècles passés ont entouré les histoires de faits magiques d’une crédulité trop étendue. La magie, disent-ils, donne à ceux qui la possèdent une puissance à laquelle rien ne peut résister : d’un coup de baguette, d’un mot, d’un signe, ils bouleversent les éléments, changent l’ordre immuable de la nature, livrent le monde aux puissances infernales, déchaînent les tempêtes, les vents et les orages ; en un mot, font le froid et le chaud. Les magiciens et sorciers, dit Vecker, sont portés par l’air d’un très-léger mouvement, vont où ils veulent, et cheminent sur les eaux, comme Oddon le pirate, lequel voltigeait çà et là en haute mer, sans esquif ni navire
On conte qu’un magicien coupa la tête d’un valet en présence de plusieurs personnes qu’il voulait divertir ; toutefois il coupait cette tête avec le dessein de la remettre ; mais pendant qu’il se disposait à la rétablir, il vit un autre magicien qui s’obstinait à le contrecarrer, quelque prière qu’il lui adressât ; il fit naître tout d’un coup un lis sur une table, et en ayant abattu la tête, son ennemi tomba par terre sans tête et sans vie. Puis il rétablit celle du valet et s’enfuit. Ce sont là des contes. Or, ces contes sur l’histoire la chargent sans l’anéantir.
Un autre magicien, en 1284, délivra la ville d’Hameln des rats innombrables qui infestaient ; il opéra cette merveille au moyen d’une flûte enchantée dont les sons attiraient invinciblement les rats. Mais, après ce service rendu, les magistrats d’Hameln refusèrent au magicien le prix convenu. Il s’en vengea, au moyen d’une autre flûte qui, par ses vibrations, entraîna tous les enfants de la ville. On ne les revit plus ; et des documents établissent qu’ils furent transportés en Transylvanie. Des monuments appuient ce trait d’histoire , dont Gustave Nieritz a fait un conte de fantaisie .
Mouchemberg, dans la suite de l’Argenis, va plus loin. Il raconte les aventures bizarres du magicien Lexilis. Ce magicien ayant été mis en prison par ordre du souverain de Tunis (le fait a eu lieu quelque temps avant la splendeur de Rome), il arriva dans ces entrefaites une chose étrange au fils du geôlier de la prison où Lexilis était détenu. Ce jeune homme venait de se marier, et les parents célébraient les noces hors de la ville. Le soir venu, on joua au ballon. Pour avoir la main plus libre, le jeune marié ôta de son doigt l’anneau nuptial ; il le mit au doigt d’une statue qui était près de là. Après avoir bien joué, il retourne vers la statue pour reprendre son anneau ; mais la main s’était fermée, et il lui fut impossible de le retirer. Ce fait se retrouve dans plusieurs légendes du moyen âge. Le jeune homme ne dit rien d’un tel prodige ; mais quand tout le monde fut rentré dans la ville, il revint seul devant la statue, trouva la main ouverte et étendue comme auparavant, toutefois sans la bague qu’il y avait laissée. Ce second événement le jeta dans une grande surprise. Il n’en alla pas moins rejoindre sa famille. Mais il voulut inutilement se rapprocher de sa femme. Un corps solide se plaçait continuellement devant lui. « C’est moi que tu dois embrasser, lui dit-on enfin, puisque tu m’as épousée aujourd’hui : je suis la statue au doigt de laquelle tu as mis ton anneau. » Le jeune époux effrayé révéla la chose à ses parents. Son père lui conseilla d’aller trouver Lexilis dans son cachot ; il lui en remit la clef. Le jeune homme s’y rendit et trouva le magicien endormi sur la table. Après avoir attendu longtemps qu’il s’éveillât, il le tira doucement par le pied : le pied avec la jambe lui demeura dans les ! mains… Lexilis, s’éveillant alors, poussa un cri : la porte du cachot se referma d’elle-même. Le marié tremblant se jeta aux genoux du magicien, lui demanda pardon de sa maladresse et implora son assistance. Le magicien promit de le débarrasser de la statue, moyennant qu’on le mît en liberté. Le marché fait, il rajusta sa jambe à sa place et sortit. Quand il fut libre, Lexilis écrivit une lettre qu’il donna au jeune homme : « Va-t’en à minuit, lui dit-il, dans le carrefour voisin où aboutissent quatre rues ; attends debout et en silence ce que le hasard t’amènera. Tu n’y seras pas longtemps sans voir passer plusieurs personnages, chevaliers, piétons, gentilshommes : les uns armés, les autres sans armes ; les uns tristes, les autres gais. Quoi que tu voies et que tu entendes, garde-toi de parler ni de remuer. Après cette troupe, suivra un certain, puissant de taille, assis sur un char ; tu lui remettras ta lettre, sans dire un mot, et tout ce que tu désires arrivera. » Le jeune homme fit ce qui lui était prescrit et vit passer un grand cortège. Le maître de la compagnie venait le dernier, monté sur un char triomphal. Il passa devant le fils du geôlier, et, jetant sur lui des regards terribles, il lui demanda de quel front il osait se trouver à sa rencontre ? Le jeune homme, mourant de peur, eut pourtant le courage d’avancer la main et de présenter sa lettre. L’esprit, reconnaissant le cachet, la lut aussitôt et s’écria : « Ce Lexilis sera-t-il longtemps encore sur la terre !… » Un instant après, il envoya un de ses gens ôter l’anneau du doigt de la statue, et le jeune époux cessa d’être troublé.
Cependant le geôlier fit annoncer au souverain de Tunis que Lexilis s’était échappé. Tandis qu’on le cherchait de toutes parts, le magicien entra dans le palais, suivi d’une vingtaine de jeunes filles qui portaient des mets choisis pour le prince. Mais, tout en avouant qu’il n’avait rien mangé de si délicieux, le roi de Tunis n’en renouvela pas moins l’ordre d’arrêter Lexilis. Les gardes, voulant s’emparer de lui, ne trouvèrent à sa place qu’un chien mort, sur le ventre duquel ils avaient tous la main,… prestige qui excita la risée générale. Après qu’on se fut calmé, on alla à la maison du magicien ; il était à sa fenêtre, regardant venir son monde. Aussitôt que les soldats le virent, ils coururent à sa porte, qui se ferma incontinent. De par le roi, le capitaine des gardes lui commanda de se rendre, le menaçant d’enfoncer la porte s’il refusait d’obéir. « Et si je me rends, dit Lexilis, que ferez-vous de moi ? — Nous vous conduirons courtoisement au prince. — Je vous remercie de votre courtoisie ; mais par où irons-nous au palais ? — Par cette rue, » reprit le capitaine en la montrant du doigt. En même temps il aperçut un grand fleuve qui venait à lui en grossissant ses eaux et remplissait la rue qu’il venait de désigner, tellement qu’en moins de rien ils en eurent jusqu’à la gorge. Lexilis, riant, leur criait : « Retournez au palais, car pour moi je ne me soucie pas d’y aller en barbet. »
Le prince, ayant appris ceci, résolut de perdre sa couronne plutôt que de laisser le magicien impuni : il s’arma lui-même pour aller à sa poursuite et le trouva dans la campagne qui se promenait paisiblement. Les soldats l’entourèrent pour le saisir ; mais Lexilis faisant un geste, chaque soldat se trouva la tête engagée entre deux piquets, avec deux cornes de cerf qui l’empêchaient de se retirer. Ils restèrent longtemps dans cette posture, pendant que des enfants leur donnaient de grands coups de houssine sur les cornes… Le magicien sautait d’aise à ce spectacle, et le prince était furieux. Ayant aperçu à terre, aux pieds de Lexilis, un morceau de parchemin carré, sur lequel étaient tracés des caractères, le roi de Tunis se baissa et le ramassa sans être vu du magicien. Dès qu’il eut ces caractères dans la main, les soldats perdirent leurs cornes, les piquets s’évanouirent, Lexilis fut pris, enchaîné, mené en prison, et de là sur l’échafaud pour y être rompu. Mais ici il joua encore un tour de son métier ; car, comme le bourreau déchargeait la barre de fer sur lui, le coup tomba sur un tambour plein de vin, qui se répandit sur la place, et Lexilis ne reparut plus à Tunis…
Voici une autre histoire contée par Wierus : « Un magicien de Magdebourg gagnait sa vie en faisant des tours de son métier, des enchantements, des fascinations et des prestiges sur un théâtre public. Un jour qu’il montrait, pour quelque monnaie, un petit cheval auquel il faisait exécuter, par la force de sa magie, des choses incroyables, après qu’il eut fini son jeu, il s’écria qu’il gagnait trop peu d’argent avec les hommes et qu’il allait monter au ciel… Ayant donc jeté son fouet en l’air, ce fouet commença de s’enlever. Le petit cheval ayant saisi avec sa mâchoire l’extrémité du fouet, s’enleva pareillement. L’enchanteur, comme s’il eût voulu retenir son bidet, le prit par la queue et fut emporté de même. La femme de cet habile magicien empoigna à son tour les jambes de son mari qu’elle suivit ; enfin la servante s’accrocha aux pieds de sa maîtresse, le valet aux jupes de la servante, et bientôt le fouet, le petit cheval, le sorcier, la femme, la cuisinière, le laquais, s’enlevèrent si haut qu’on ne les vit plus. Pendant que tous les assistants demeuraient stupéfaits d’admiration, il survint un homme qui leur demanda pourquoi ils bayaient aux corneilles, et quand il le sut : « Soyez en paix, leur dit-il, votre sorcier n’est pas perdu, je viens de le voir à l’autre bout de la ville, qui descendait à son auberge avec tout son monde … » Voy. Harvis.
On raconte qu’Hemmingius, théologien célèbre, cita un jour deux vers barbares dans une de ses leçons, et ajouta, pour se divertir, qu’ils pouvaient chasser la fièvre, parce qu’ils étaient magiques. L’un de ses auditeurs en fit l’essai sur son valet et le guérit. Puis après on fit courir le remède, et il arriva que plusieurs fébricitants s’en trouvèrent bien. Hemmingius, après cela, se crut obligé de dire qu’il n’avait parlé de la sorte qu’en riant, et que ce n’était qu’un jeu d’esprit. Dès lors le remède tomba ; mais il y en eut beaucoup qui ne voulurent point se dédire de la confiance qu’ils y avaient ajoutée. Les maladies n’existent souvent que dans l’imagination : telle personne guérira avec un charlatan en qui elle a confiance ; telle autre ne guérira point avec un excellent médecin de qui elle se défie.
La magie a reparu en Suède en 1859 avec une sorte d’épidémie diabolique. Voici ce qu’on écrivait alors :
« Une superstition étrange, qui a pris la forme d’une véritable épidémie, a sévi pendant l’été dernier dans quelques contrées de la Suède. Le prévôt du chapitre de Leksand, le docteur Hvaser, chargé de faire une enquête, a consigné dans son rapport les faits suivants :
« Cette superstition a beaucoup de ressemblance avec celles des sorcières du moyen âge qui croyaient avoir assisté au sabbat du diable, ce qui s’appelait en Suède aller à Blokulla. Mais cette fois, et c’est ce qu’il y a de plus curieux, ce ne sont presque que des enfants qui sont en proie à ces hallucinations. En outre, ce n’est plus à Blokulla qu’on est censé aller, mais à Josefsdal, qui doit être près de Stockholm.
» Voici ce que les enfants racontent sur leurs pérégrinations. D’abord ils sont changés en vers, et ils s’échappent au dehors à travers un trou pratiqué dans la fenêtre ; ensuite ils prennent la forme de pies, et, quand ils se sont rassemblés, ils redeviennent enfants. Alors ils montent sur des peaux de veaux ou de vaches à travers les airs vers un clocher, où ils se vouent au diable.
» Anciennement on enlevait des parcelles du métal de la cloche en prononçant ces mots : « Que mon âme n’arrive jamais au règne de Dieu avant que ce métal redevienne une cloche. » Aujourd’hui la farine a remplacé le métal, et arrivé à Josefsdal, on en prépare une bouillie appelée welling, qu’on mange en société avec le malin esprit, qui s’appelle Nordsgubb (le vieux du Nord).
» En dansant, il porte des bottes fourrées dont il se débarrasse quand il s’est échauffé. Presque tous les enfants des deux communes de Gagnef et de Mockjards sont affectés de ces hallucinations. Quelques-uns en souffrent, d’autres restent bien portants. Les parents, qui croient leurs enfants perdus et vendus au prince des ténèbres, s’en désolent. D’autres, et ce ne sont pas les moins superstitieux, quand leurs enfants ne veulent pas faire des aveux, les tourmentent d’une manière incroyable.
» Un petit garçon nommé Grabo Pehr, qui affirmait avoir été plusieurs fois à Josefsdal, prétendait y avoir vu une petite fille, et lorsque la mère de celle-ci interrogeait Grabo Pehr, il indiquait pour preuve qu’en mangeant à Josefsdal, la petite fille s’était éclaboussée à la figure, d’où il serait résulté une blessure qui ne pourrait jamais guérir. La petite fille, en effet, souffrait, tout près de l’œil, d’une plaie de mauvaise nature et dont on ignorait l’origine. On peut croire quelle impression fâcheuse une telle coïncidence apparente faisait sur sa pauvre mère. La petite fille, cependant, n’avait aucune idée de Josefsdal, ni du welling, et par conséquent ne put jamais faire aucune révélation.
» Heureusement cette épidémie, dans ces deux villages, s’est calmée un peu au bout de quelques mois ; mais les esprits de la population n’en sont pas moins extrêmement agités, et des symptômes alarmants se montrent dans les contrées voisines. »
Il y a eu de tout temps, chez tous les peuples peu éclairés, grand nombre de magiciens, et on a beaucoup écrit contre eux. Nous citerons ici quelques-uns des mille et un volumes qui traitent de cette matière ex professo : 1° le Traité de la magie blanche, ou de l’escamotage, de Decremps ; 2° la Magie naturelle, de Porta ; 3° la Véritable magie noire, ou le Secret des secrets, manuscrit trouvé à Jérusalem dans le sépulcre de Salomon, contenant quarante-cinq talismans, avec la manière de s’en servir et leurs merveilleuses propriétés ; plus, tous les caractères magiques connus jusqu’à ce jour, traduit du mage Iroé-Grego, Rome, 1750. Cet ouvrage stupide est donné comme un écrit de Salomon. On y trouve surtout des conjurations. 4° Trinum magicum, ou Traité des secrets magiques, contenant des recherches sur la magie naturelle, artificielle et superstitieuse ; les talismans, les oracles de Zoroastre, les mystères des Égyptiens, Hébreux, Chaldéens, etc., in-8°, Francfort, 1673 ; 5° Lettres de Saint-André, conseiller médecin ordinaire du roi, à quelques-uns de ses amis, au sujet de la magie, des maléfices et des sorciers, etc., Paris, in-12, 1725 ; 6° Traité sur la magie, le sortilège, les possessions, obsessions et maléfices, etc. ; par M. Daugis ; Paris, in-12, 1732. De nos jours on a vu paraître sur ces matières quelques ouvrages d’esprit divers. M. Jules Garinet a donné en 1818 une Histoire de la magie en France, pleine de faits curieux, mais trop sceptiques. Plus récemment, M. Alfred Maury a écrit sur la magie pour la nier. M. Louis Figuier a voulu ainsi expliquer le merveilleux sans trop l’admettre. L’abbé Fiard, dont on s’est raillé, a été peut-être un peu crédule aux yeux du vulgaire ; mais il n’a pas toujours vu faux. M. Eudes de Mirville a parfaitement démontré l’existence palpable des esprits. M. le chevalier Gougenot des Mousseaux, dans son savant livre intitulé la Magie au dix-neuvième siècle, a solidement établi les faits magiques, dans le passé et de nos jours, ainsi que le concours actif des démons autour de nous . Enfin, la Mystique divine, naturelle et diabolique, de Görres, est aussi un livre que les négations ne tueront pas. Voy. Bodin, Delrio, Delancre, Leloyer, Boguet, Wierus, etc.
Magie islandaise. La première magie de ces peuples, devenus aujourd’hui plus sensés, consistait autrefois à évoquer des esprits aériens, et à les faire descendre sur la terre pour s’en servir. Elle était regardée comme la magie des grands. Cependant ces derniers en avaient une seconde, qui consistait à interpréter le chant des oiseaux, surtout des corneilles, les oiseaux les plus instruits dans la connaissance des affaires d’État et les plus capables de prédire l’avenir. Mais comme il n’en existe point en Islande, les corbeaux remplissaient cet office : les rois ne faisaient pas même scrupule de se servir de cette magie.
Le phénomène du magnétisme est connu depuis l’Antiquité. On attribue à Thalès de Milet (vie s. avant J.-C.) la première description de la magnétite (oxyde de fer de formule Fe3O4, appelée également « pierre d’aimant »), pierre trouvée en Magnésie (Thessalie) et capable d’attirer le fer ou les pierres de même espèce. Les Grecs, mais aussi les Romains et les Chinois avaient constaté que la magnétite avait la faculté d’attirer les objets contenant du fer, et qu’un morceau de fer mis en contact avec la magnétite acquérait la même propriété. C’est au XIe siècle qu’apparaît la première application du magnétisme : la boussole, indispensable à la navigation. La découverte qu’une aiguille aimantée indique la direction du nord ouvre alors la voie à l’étude des propriétés magnétiques de ce gigantesque aimant qu’est le globe terrestre.
Mais l’étude quantitative du magnétisme ne commence réellement qu’à la fin du XVIIIe siècle avec les travaux de Charles Augustin de Coulomb. Celui-ci mesure les forces qui s’exercent entre deux charges magnétiques et établit que ces forces sont inversement proportionnelles au carré de la distance qui sépare les charges.
En 1820, Hans Christian Œrsted observe qu’une aiguille magnétique est déviée par un courant électrique traversant un fil conducteur. Cette découverte, qui relie électricité et magnétisme, est à la base de la théorie de l’électromagnétisme, élaborée par André-Marie Ampère puis par James Maxwell.
De nombreux travaux fondamentaux sur le magnétisme sont réalisés vers la fin du XIXe siècle : en 1880, Emil Warburg découvre le phénomène d’hystérésis (retard des variations de l’aimantation d’une substance ferromagnétique soumise aux variations d’un champ magnétique), Pierre Curie montre en 1895 que les propriétés magnétiques des corps dépendent de leur température… Et au début du XXe siècle, les progrès réalisés dans l’étude de la matière à l’échelle atomique permettent alors d’explorer plus en détail le phénomène du magnétisme et d’en donner une interprétation quantique. Niels Bohr explique ainsi à l’aide de la classification périodique (→ élément) pourquoi le magnétisme apparaît chez les éléments de transition tels que le fer, et les physiciens américains Samuel Abraham Goudsmit et George Eugene Uhlenbeck montrent que l’électron lui-même se comporte comme un petit aimant.
Magoa, roi de la partie orientale des enfers.
Magog. est un nom qui apparaît 5 fois dans la Bible et 2 fois dans le Coran.
Ce nom désigne soit une personne, soit une peuplade, soit une réalité géographique (pays ou ville). Dans le livre d'Ézéchiel, les peuplades païennes Magog vivent « au nord du Monde », et représentent métaphoriquement les forces du Mal.
Dans le livre de la Genèse et le premier livre des Chroniques, Magog désigne un des 7 fils de Japhet, fils de Noé.
Dans le livre d'Ézéchiel, Gog est prince de Magog, chef de Méshek et de Tubal. Il envahit Israël et affronte la colère de Dieu.
Comme souvent, il a aussi un sens symbolique. Le général et historien juif Flavius Josèphe en témoigne. Il désigne alors des peuples païens coalisés contre le Peuple de Dieu, ainsi qu’en témoigne Ap 20. 8. Dans ce cas, il se rapporte à la fin du monde et au combat cosmologique du bien et du mal. « Gog et Magog » (Gog et son pays) désigne alors les alliés du mal.
Si l’on veut essayer de préciser l’aire géographique désignée, il faut remarquer
Ainsi le couple « Gog et Magog » aurait-il dès son premier usage biblique un sens de fléau mythique et infernal. C’est ainsi, qu’on les associe par la suite, aux invasions barbares déferlant sur l’Europe.
Leurs représentations se retrouvent bientôt en Angleterre, où les géants « Gog et Magog » personnifient les « barbares » autochtones combattant Brutus, le premier roi légendaire des Bretons. Ils sont aujourd’hui considérés comme les gardiens mythiques de Cité de Londres. Saint Ambroise affirme que Gog signifie Goth. Isidore de Séville considérait les Gètes-Goths comme la progéniture de Gog et Magog.
Dans la sourate XVIII, versets 92-99, la Caverne, Dhû-l-Qarnayn construit une muraille de fer puis coulé avec du cuivre contre les déprédations de Yajouj et Majouj, variantes arabes de Gog et Magog. Il est fort probable que ce récit reprenne un passage de la vie d'Alexandre du Pseudo-Callisthène, toutefois, plusieurs théologiens et historiens musulmans — dont As-Suhayliy (XIIIe siècle), Ibn Taymiyyah (XIVe siècle) et Al-Maqrîziy (XVe siècle) — réfutent l'idée selon laquelle Dhû-l-Qarnayn serait Alexandre, et font remonter le personnage coranique à l'époque d'Ibrahim (Abraham). Certains érudits islamiques contemporains penchent plutôt pour l'identifier avec d'autres personnages comme Cyrus le Grand.
Mahomet, faux prophète, législateur et souverain des Arabes, naquit de parents pauvres, mais nobles, l'an du monde 6163, et de la naissance de J.C. 578. Les auteurs arabes le font descendre en droite ligne d'Ismaël, fils du patriarche Abraham. Son père, nommé Abdoullah, était païen; sa mère était juive, et s'appelait Aménah. Il les perdit de bonne heure l'un et l'autre, aussi bien qu'Abdol-Motalleb, son grand-père, qui s'était chargé de sa tutelle; et ce fut Abu-Taleb, son oncle, qui prit soin de son éducation. A quatorze ans, il fit ses premières armes dans une guerre que ces compatriotes, les Koraïchites, eurent à soutenir contre les Kaïnites. Lorsqu'il eut atteint vingt cinq ans, une certaine Khadigia, veuve d'un riche marchand arabe, le choisit pour être son facteur, et l'envoya en Syrie pour y vendre ses marchandises et en racheter de nouvelles. Ce fut dans ce voyage qu'il lia, dit-on, connaissance avec un moine nestorien, nommé Félix ou Bossaïra, d'autres disent Sergius, et un hérétique jacobite, appelé Bâtiras, et que, de concert avec eux, il compila son Alcoran. A son retour de Syrie, Khadigia, sa maîtresse, se prit pour lui d'une forte passion, et l'épousa. Mahomet était naturellement sombre et rêveur. Cette disposition de caractère lui fit chercher la retraite et la solitude, et lui suggéra probablement alors, ou le plan de législation qu'il exécuta depuis, ou simplement les moyens d'exécuter ce plan, s'il est vrai qu'il l'eût formé dans son voyage de Syrie. Doué d'une éloquence singulière, il n'eut pas de peine à persuader sa femme qu'il avait un commerce intime avec le ciel, et que Dieu l'avait choisi parmi tous les enfants d'Ismaël pour abolir le culte des idoles, et pour donner une loi nouvelle aux hommes. Ali, cousin de Mahomet, et quelques autres de ses parents, flattés de la sorte de considérations qu'ils allaient acquérir par ce nouveau système, ne manquèrent pas de l'autoriser, d'abord par leurs discours, ensuite par la force et la violence. Ils furent chassés et proscrits par les magistrats de La Mecque, ville de l'Arabie heureuse, leur patrie commune, et se réfugièrent à Médine. L'amour du pillage et de la nouveauté ayant rassemblé sous leurs drapeaux un grand nombre de brigands et de gens sans aveu, le faux prophète se vit en état d'exercer, les armes à la main, sa prétendue mission. En même temps qu'il passait au fil de l'épée ceux qui opposaient la moindre résistance, il attirait les autres par des promesses flatteuses d'une éternité de plaisirs sensuels les plus propres à enflammer l'imagination orientale, tels que la jouissance des filles les plus aimables, la possession des trésors les plus précieux, l'agrément des bosquets les plus frais, les eaux des fontaines les plus pures, les plus limpides. Dans un pays aride, sec, sablonneux comme l'Arabie, ces images riantes ne pouvaient manquer de faire fortes impressions parmi le peuple: aussi les progrès de la nouvelle doctrine furent-ils des plus rapides. Mahomet continua de porter le fer et la flamme dans les pays qu'il voulait soumettre à ses dogmes, et cette voie lui réussit. Il vint à bout de frayer à ses successeurs la route aux plus vastes conquêtes. Cet heureux imposteur mourut à Médine, dans la soixante treizième année de son âge, c'est-à-dire en l'an de J.C. 632 ou 633.
Maillat Louise, est une fillette de huit ans qui, d'après Henry Boguet, fut rendue impotente de tous ses membres le 5 juin 1598. Ses parents décidèrent de l'exorciser.
"Là se découvrirent cinq démons, lesquels étaient loup, chat, chien, joli, griffon, et comme le prêtre le demanda à la fille qui lui avait baillé le mal, elle répondit que c'était Françoise Secrétain...".
Alors que ses parents priaient pour elle, la jeune simulatrice finit par rejeter ce qu'elle avait avalé.
"Les démons sortirent par sa bouche en forme d'une pelote, grosse comme le poing, rouge comme feu, sauf que le chat était noir... tous ces démons étant dehors firent trois ou quatre voltes à l'entour du feu, puis disparurent, et dès lors la fille commença à se mieux porter qu'auparavant."
Maimon Salomon ben Josua, né à Reschwitz (Lituanie) en 1753, mort à Sigersdorf (Silésie) le 22 novembre 1800, est un philosophe lituanien maskilite.
De confession juive, Maimon étudia, au milieu des vicissitudes d’une vie aventureuse, la philosophie cabalistique, adopta le scepticisme et combattit vivement la métaphysique de Kant.
On cite de lui, notamment : Versuch über die Transzentalphilosophie (Essai de philosophie transcendantale ; Berlin, 1790, in-8°) ; Fortschritte der Philosophie seit Leibniz (Progrès de la philosophie depuis Leibniz ; Ibid., 1793, in-8°) ; Kritische Untersuchungen über den menschlichen Geist (Recherches critiques sur l’esprit humain ; Ibid., 1797, in-8°) ; une édition avec commentaire du More Nevoukhim de Moïse Maïmonide qui marqua sa rupture avec ses coreligionnaires (Ibid., 1791, in-4°), et d’intéressants Mémoires sur sa vie (Ibid., 1792-93, 3 vol. in-8°).
Main, elle était, chez les Egyptiens, le symbole de la force, et chez les Romains, de la foi. Elle lui fut consacrée par Numa Pompilius avec beaucoup de magnificence. De là vint que deux mains l'une dans l'autre expriment la bonne foi et la concorde. Deux mains jointes, tenant un caducée entre deux cornes d'abondance, expriment que l'abondance accompagne toujours la concorde, ou que la concorde est le fruit d'une négociation. La main portée sur la tête était, chez les anciens, une marque de sauvegarde demandée ou obtenue. La main a aussi été regardée comme le symbole de l'autorité et de la puissance. Zénon, chef du stoïcisme, représentait la dialectique sous l'emblème d'une main fermée, et l'éloquence sous celle d'une main ouverte.
Dans le livre d'Ézéchiel, Gog est prince de Magog, chef de Méshek et de Tubal. Il envahit Israël et affronte la colère de Dieu.
Comme souvent, il a aussi un sens symbolique. Le général et historien juif Flavius Josèphe en témoigne. Il désigne alors des peuples païens coalisés contre le Peuple de Dieu, ainsi qu’en témoigne Ap 20. 8. Dans ce cas, il se rapporte à la fin du monde et au combat cosmologique du bien et du mal. « Gog et Magog » (Gog et son pays) désigne alors les alliés du mal.
Si l’on veut essayer de préciser l’aire géographique désignée, il faut remarquer
- que les fils de Japhet sont souvent associés avec l’Asie mineure ;
- Gog, roi de Magog, est allié avec Bet-Togarma qui est caractérisé comme venant « de l’extrême Nord » ;
- un feu du ciel tombe « sur Magog et sur les habitants des îles ».
D’où une première hypothèse : l’Asie mineure.
Flavius Josèphe pense qu’il y avait un rapport avec les tribus scythes, barbares avides et guerriers possédant une importante cavalerie et habiles à l’arc et à l’épée, qui se trouvaient dans le N.-E. de l’Europe et de l’Asie centrale. À l’époque de cet auteur, les Scythes représentaient un archétype du fléau barbare.
Ainsi le couple « Gog et Magog » aurait-il dès son premier usage biblique un sens de fléau mythique et infernal. C’est ainsi, qu’on les associe par la suite, aux invasions barbares déferlant sur l’Europe.
Leurs représentations se retrouvent bientôt en Angleterre, où les géants « Gog et Magog » personnifient les « barbares » autochtones combattant Brutus, le premier roi légendaire des Bretons. Ils sont aujourd’hui considérés comme les gardiens mythiques de Cité de Londres. Saint Ambroise affirme que Gog signifie Goth. Isidore de Séville considérait les Gètes-Goths comme la progéniture de Gog et Magog.
Dans la sourate XVIII, versets 92-99, la Caverne, Dhû-l-Qarnayn construit une muraille de fer puis coulé avec du cuivre contre les déprédations de Yajouj et Majouj, variantes arabes de Gog et Magog. Il est fort probable que ce récit reprenne un passage de la vie d'Alexandre du Pseudo-Callisthène, toutefois, plusieurs théologiens et historiens musulmans — dont As-Suhayliy (XIIIe siècle), Ibn Taymiyyah (XIVe siècle) et Al-Maqrîziy (XVe siècle) — réfutent l'idée selon laquelle Dhû-l-Qarnayn serait Alexandre, et font remonter le personnage coranique à l'époque d'Ibrahim (Abraham). Certains érudits islamiques contemporains penchent plutôt pour l'identifier avec d'autres personnages comme Cyrus le Grand.
« Puis, il suivit une [autre] voie. Et quand il eut atteint un endroit situé entre les deux barrières [montagnes], il trouva derrière elles une peuplade qui ne comprenait presque aucun langage. Ils dirent : "Ô Dhul Qarnayn, Yajuj et Majuj commettent du désordre sur terre. Est-ce que nous pourrons t’accorder un tribut pour construire une barrière entre eux et nous ?" Il dit : "Ce que Mon Seigneur m’a conféré vaut mieux [que vos dons]. Aidez-moi donc avec force et je construirai un remblai entre vous et eux. Apportez-moi des blocs de fer." Puis lorsqu’il eut comblé l’espace entre les deux montagnes, il dit : "Soufflez !" Puis, lorsqu’il l’eut rendu fournaise, il dit : "Apportez-moi du cuivre fondu, que je le déverse dessus". Ainsi, ils ne purent guère l’escalader ni l’ébrécher non plus. Ceci est une miséricorde de mon Seigneur, mais, lorsque la promesse de mon Seigneur viendra, Il le nivellera. Et la promesse de mon Seigneur est vérité". Nous les laisserons, ce jour-là, déferler comme les flots les uns sur les autres et on soufflera dans la trompe et Nous les rassemblerons tous. »La sourate les prophètes, (sourate XXI) versets 95-96-97 évoque aussi Gog et Magog :
« Il est défendu [aux habitants] d’une cité que Nous avons fait périr de revenir [à la vie d’ici-bas]! Jusqu’à ce que soient relâchés Yajouj et Majouj et qu’ils se précipiteront de chaque hauteur. C’est alors que la vraie promesse s’approchera, tandis que les regards de ceux qui ont mécru se figent : "Malheur à nous ! Nous y avons été inattentifs. Bien plus, nous étions des injustes. »Mahomet, la vie de cet heureux imposteur est si connue, que je me bornerai à en retracer les principaux événements. L'objet de cet article est la partie miraculeuse, c'est-à-dire fabuleuse, de sa prétendue mission.
Mahomet, faux prophète, législateur et souverain des Arabes, naquit de parents pauvres, mais nobles, l'an du monde 6163, et de la naissance de J.C. 578. Les auteurs arabes le font descendre en droite ligne d'Ismaël, fils du patriarche Abraham. Son père, nommé Abdoullah, était païen; sa mère était juive, et s'appelait Aménah. Il les perdit de bonne heure l'un et l'autre, aussi bien qu'Abdol-Motalleb, son grand-père, qui s'était chargé de sa tutelle; et ce fut Abu-Taleb, son oncle, qui prit soin de son éducation. A quatorze ans, il fit ses premières armes dans une guerre que ces compatriotes, les Koraïchites, eurent à soutenir contre les Kaïnites. Lorsqu'il eut atteint vingt cinq ans, une certaine Khadigia, veuve d'un riche marchand arabe, le choisit pour être son facteur, et l'envoya en Syrie pour y vendre ses marchandises et en racheter de nouvelles. Ce fut dans ce voyage qu'il lia, dit-on, connaissance avec un moine nestorien, nommé Félix ou Bossaïra, d'autres disent Sergius, et un hérétique jacobite, appelé Bâtiras, et que, de concert avec eux, il compila son Alcoran. A son retour de Syrie, Khadigia, sa maîtresse, se prit pour lui d'une forte passion, et l'épousa. Mahomet était naturellement sombre et rêveur. Cette disposition de caractère lui fit chercher la retraite et la solitude, et lui suggéra probablement alors, ou le plan de législation qu'il exécuta depuis, ou simplement les moyens d'exécuter ce plan, s'il est vrai qu'il l'eût formé dans son voyage de Syrie. Doué d'une éloquence singulière, il n'eut pas de peine à persuader sa femme qu'il avait un commerce intime avec le ciel, et que Dieu l'avait choisi parmi tous les enfants d'Ismaël pour abolir le culte des idoles, et pour donner une loi nouvelle aux hommes. Ali, cousin de Mahomet, et quelques autres de ses parents, flattés de la sorte de considérations qu'ils allaient acquérir par ce nouveau système, ne manquèrent pas de l'autoriser, d'abord par leurs discours, ensuite par la force et la violence. Ils furent chassés et proscrits par les magistrats de La Mecque, ville de l'Arabie heureuse, leur patrie commune, et se réfugièrent à Médine. L'amour du pillage et de la nouveauté ayant rassemblé sous leurs drapeaux un grand nombre de brigands et de gens sans aveu, le faux prophète se vit en état d'exercer, les armes à la main, sa prétendue mission. En même temps qu'il passait au fil de l'épée ceux qui opposaient la moindre résistance, il attirait les autres par des promesses flatteuses d'une éternité de plaisirs sensuels les plus propres à enflammer l'imagination orientale, tels que la jouissance des filles les plus aimables, la possession des trésors les plus précieux, l'agrément des bosquets les plus frais, les eaux des fontaines les plus pures, les plus limpides. Dans un pays aride, sec, sablonneux comme l'Arabie, ces images riantes ne pouvaient manquer de faire fortes impressions parmi le peuple: aussi les progrès de la nouvelle doctrine furent-ils des plus rapides. Mahomet continua de porter le fer et la flamme dans les pays qu'il voulait soumettre à ses dogmes, et cette voie lui réussit. Il vint à bout de frayer à ses successeurs la route aux plus vastes conquêtes. Cet heureux imposteur mourut à Médine, dans la soixante treizième année de son âge, c'est-à-dire en l'an de J.C. 632 ou 633.
Maillat Louise, est une fillette de huit ans qui, d'après Henry Boguet, fut rendue impotente de tous ses membres le 5 juin 1598. Ses parents décidèrent de l'exorciser.
"Là se découvrirent cinq démons, lesquels étaient loup, chat, chien, joli, griffon, et comme le prêtre le demanda à la fille qui lui avait baillé le mal, elle répondit que c'était Françoise Secrétain...".
Alors que ses parents priaient pour elle, la jeune simulatrice finit par rejeter ce qu'elle avait avalé.
"Les démons sortirent par sa bouche en forme d'une pelote, grosse comme le poing, rouge comme feu, sauf que le chat était noir... tous ces démons étant dehors firent trois ou quatre voltes à l'entour du feu, puis disparurent, et dès lors la fille commença à se mieux porter qu'auparavant."
Maimon Salomon ben Josua, né à Reschwitz (Lituanie) en 1753, mort à Sigersdorf (Silésie) le 22 novembre 1800, est un philosophe lituanien maskilite.
De confession juive, Maimon étudia, au milieu des vicissitudes d’une vie aventureuse, la philosophie cabalistique, adopta le scepticisme et combattit vivement la métaphysique de Kant.
On cite de lui, notamment : Versuch über die Transzentalphilosophie (Essai de philosophie transcendantale ; Berlin, 1790, in-8°) ; Fortschritte der Philosophie seit Leibniz (Progrès de la philosophie depuis Leibniz ; Ibid., 1793, in-8°) ; Kritische Untersuchungen über den menschlichen Geist (Recherches critiques sur l’esprit humain ; Ibid., 1797, in-8°) ; une édition avec commentaire du More Nevoukhim de Moïse Maïmonide qui marqua sa rupture avec ses coreligionnaires (Ibid., 1791, in-4°), et d’intéressants Mémoires sur sa vie (Ibid., 1792-93, 3 vol. in-8°).
Main, elle était, chez les Egyptiens, le symbole de la force, et chez les Romains, de la foi. Elle lui fut consacrée par Numa Pompilius avec beaucoup de magnificence. De là vint que deux mains l'une dans l'autre expriment la bonne foi et la concorde. Deux mains jointes, tenant un caducée entre deux cornes d'abondance, expriment que l'abondance accompagne toujours la concorde, ou que la concorde est le fruit d'une négociation. La main portée sur la tête était, chez les anciens, une marque de sauvegarde demandée ou obtenue. La main a aussi été regardée comme le symbole de l'autorité et de la puissance. Zénon, chef du stoïcisme, représentait la dialectique sous l'emblème d'une main fermée, et l'éloquence sous celle d'une main ouverte.
Main de gloire, Un instrument fort réputé au Moyen Age est la Main de gloire. Ce nom serait une corruption de Mandragore. Elle permet de s’introduire et de voler dans une maison en toute impunité. C’est la main d’un pendu ou d’un décapité, préparée selon une recette publiée dans l’Extrait des secrets merveilleux de la magie naturelle et cabalistique du Petit Albert. Tout le sang doit avoir quitté cette main – après qu’on l’aura bien essorée dans un morceau de drap mortuaire – puis elle a dû être conservée quinze jours dans une jarre avec du sel, du salpêtre, des graines de poivre et du zimort ou zimat (dont on ignore tout et qui s’apparenterait au vitriol vert d’Arabie), puis séchée au soleil entre le 3 juillet et le 11 août. La main est présentée avec l’index et le petit doigt tendus, les autres doigts repliés, imitant les cornes (du diable). Elle tient une chandelle faite de sa propre graisse, mêlée à de la cire : sa lumière empêche qui la voit de bouger. Malheureusement pour eux, des cambrioleurs qui l’utilisèrent en Irlande en 1939 se firent prendre. Peut-être les propriétaires des lieux avaient-ils eu connaissance de la parade : elle consiste à frotter le seuil de la maison avec un onguent composé de fiel de chat noir, de graisse de poule blanche et de sang de chouette, confection qui doit se faire dans le temps de la canicule (du 24 juillet au 26 août).
Une variante plus récente qui dispense de la graisse humaine assure que la Main de gloire fait tomber les barres et ouvre les serrures.
Main invisible, Gaspard Schott, dans sa Magie Universelle, livre IV, page 407, rapporte le fait suivant, dont il a été témoin dans son enfance, et qu'il a entendu raconter à des témoins plus âgés que lui. Deux compagnons sortaient d'une ville, armés et portant leur bagage, pour aller travailler dans une contrée. L'un d'eux ayant trop bu attaque l'autre, qui refuse de se battre avec un homme ivre; mais il reçoit un coup à la tête. Voyant couler son sang, il riposte et perce de part en part le malheureux ivrogne. On accourt aussitôt de la ville, et parmi les assistants se trouve la femme même du mort. Dans le moment qu'elle donnait des soins à son époux, le meurtrier, qui s'enfuyait, se sentit saisi par une main invisible et fut entrainé auprès du magistrat, lequel le fit mettre en prison. Qu'était-ce que cette main invisible? Celle du mort qui revenait dégrisé.
Mainfroi ou Manfred, roi de Naples, qui régna dans les Deux-Siciles de 1254 à 1266, fils naturel de l'empereur Frédéric II. Lorsqu'il fut excommunié pour ses crimes, il s'occupa, dit-on, de magie. Pic de la Mirandole conte que Mainfroi, étant en guerre contre Charles d'Anjou, voulut savoir des démons l'événement de la bataille qu'il allait lui livrer, et que le démon, pour le tromper, ne lui répondit qu'en paroles ambigües, quoique cependant il lui prédit sa mort; et en effet, malgré les secours qu'il reçut des Sarrasins, ses alliés, il fut tué dans le combat. On remarque que Charles d'Anjou écrivit à Mainfroi, avant la bataille, ces singulières paroles: "Aujourd'hui, je t'enverrai en enfer si tu ne m'envoies pas en paradis ". On a attribué à Mainfroi un livre latin intitulé la Pomme philosophique, où il traite de la science de l'alchimie, qu'il dit être la sœur germaine de la magie.
Maison ensorcelée. A la fin de nivôse an XIII (1805), il s'est passé à Paris, rue Notre-Dame-de-Nazareth, dans une ancienne maison dont on avait dépouillé des religieuses cordelières, une scène qui fit quelque bruit. On vit tout à coup voler en l'air des bouteilles depuis la cave jusqu'au grenier; plusieurs personnes furent blessées; les débris de bouteilles restèrent entassés dans le jardin, sans que la foule des curieux pût découvrir d'où provenait ce phénomène. On consulta des physiciens et des chimistes, ils ne purent pas même dire de quelle manufacture venaient les bouteilles qu'on leur montra. Les gens du quartier se persuadèrent qu'elles venaient de la manufacture du diable, et que cette aventure ne pouvait être que l'ouvrage des sorciers ou des revenants; les personnes plus instruites, tout aussi crédules, ne surent que penser. La police découvrit enfin que ces revenants n'étaient que des habitants de la maison voisine, aidés d'un physicien de leurs amis, qui, au moyen de l'électricité et d'un trou imperceptible pratiqué dans le mur, parvenait à faire mouvoir à leur gré les meubles de la maison prétendue ensorcelée. Ils avaient pour objet d'empêcher le nouveau propriétaire de la vendre; ils se vengeaient en même temps d'une personne dont ils croyaient avoir à ce plaindre.
Malache-Chabbalah. On nomme ainsi, dans la cabale juive, les démons qui sont aux ordres de Samaël. Ils remplissent "les sept régions de l'enfer".
Une variante plus récente qui dispense de la graisse humaine assure que la Main de gloire fait tomber les barres et ouvre les serrures.
Main invisible, Gaspard Schott, dans sa Magie Universelle, livre IV, page 407, rapporte le fait suivant, dont il a été témoin dans son enfance, et qu'il a entendu raconter à des témoins plus âgés que lui. Deux compagnons sortaient d'une ville, armés et portant leur bagage, pour aller travailler dans une contrée. L'un d'eux ayant trop bu attaque l'autre, qui refuse de se battre avec un homme ivre; mais il reçoit un coup à la tête. Voyant couler son sang, il riposte et perce de part en part le malheureux ivrogne. On accourt aussitôt de la ville, et parmi les assistants se trouve la femme même du mort. Dans le moment qu'elle donnait des soins à son époux, le meurtrier, qui s'enfuyait, se sentit saisi par une main invisible et fut entrainé auprès du magistrat, lequel le fit mettre en prison. Qu'était-ce que cette main invisible? Celle du mort qui revenait dégrisé.
Mainfroi ou Manfred, roi de Naples, qui régna dans les Deux-Siciles de 1254 à 1266, fils naturel de l'empereur Frédéric II. Lorsqu'il fut excommunié pour ses crimes, il s'occupa, dit-on, de magie. Pic de la Mirandole conte que Mainfroi, étant en guerre contre Charles d'Anjou, voulut savoir des démons l'événement de la bataille qu'il allait lui livrer, et que le démon, pour le tromper, ne lui répondit qu'en paroles ambigües, quoique cependant il lui prédit sa mort; et en effet, malgré les secours qu'il reçut des Sarrasins, ses alliés, il fut tué dans le combat. On remarque que Charles d'Anjou écrivit à Mainfroi, avant la bataille, ces singulières paroles: "Aujourd'hui, je t'enverrai en enfer si tu ne m'envoies pas en paradis ". On a attribué à Mainfroi un livre latin intitulé la Pomme philosophique, où il traite de la science de l'alchimie, qu'il dit être la sœur germaine de la magie.
Maison ensorcelée. A la fin de nivôse an XIII (1805), il s'est passé à Paris, rue Notre-Dame-de-Nazareth, dans une ancienne maison dont on avait dépouillé des religieuses cordelières, une scène qui fit quelque bruit. On vit tout à coup voler en l'air des bouteilles depuis la cave jusqu'au grenier; plusieurs personnes furent blessées; les débris de bouteilles restèrent entassés dans le jardin, sans que la foule des curieux pût découvrir d'où provenait ce phénomène. On consulta des physiciens et des chimistes, ils ne purent pas même dire de quelle manufacture venaient les bouteilles qu'on leur montra. Les gens du quartier se persuadèrent qu'elles venaient de la manufacture du diable, et que cette aventure ne pouvait être que l'ouvrage des sorciers ou des revenants; les personnes plus instruites, tout aussi crédules, ne surent que penser. La police découvrit enfin que ces revenants n'étaient que des habitants de la maison voisine, aidés d'un physicien de leurs amis, qui, au moyen de l'électricité et d'un trou imperceptible pratiqué dans le mur, parvenait à faire mouvoir à leur gré les meubles de la maison prétendue ensorcelée. Ils avaient pour objet d'empêcher le nouveau propriétaire de la vendre; ils se vengeaient en même temps d'une personne dont ils croyaient avoir à ce plaindre.
Malache-Chabbalah. On nomme ainsi, dans la cabale juive, les démons qui sont aux ordres de Samaël. Ils remplissent "les sept régions de l'enfer".
Malades, "divers sont les jugements qui se font d'aucuns, si un malade doit vivre ou mourir; mais je publierai ce présent signe infaillible, duquel se pourra servir un chacun, et en faire un ferme jugement: Prenez une ortie et la mettez dans l'urine du malade, incontinent après que le malade l'aura faite, et avant qu'elle soit corrompue; laissez l'ortie dans la dite urine l'espace de vingt-quatre heures; et après, si l'ortie se trouve verte, c'est un signe de vie".
Delancre nous conseille de ne pas admettre l'opinion des gnostiques, qui disent que chaque maladie à son démon, et d'éviter l'erreur populaire qui prétend que tous ceux qui tombent du haut mal sont possédés. Les maladies ont souvent causé de grands désordres. Le P. Lebrun rapporte l'exemple d'une femme attaquée d'une maladie de l'œil qui lui faisait voir une foule d'images bizarres et effrayantes; elle se crut ensorcelée: un habile oculiste l'opéra, et guérit en même temps son œil et son imagination. Plusieurs des sorciers, loups garous et possédés n'étaient que des malades; mais il est des cas où les maladies sont des effets de possessions.
Malafar. Voir Valafar.
Malaingha, nom général des anges du premier ordre chez les habitants de Madagascar. Ces anges font mouvoir les cieux, les étoiles, les planètes, et sont chargés du gouvernement des saisons: les hommes sont confiés à leur garde, ils veillent sur leurs jours, détournent les dangers qui les menacent et écartent les démons.
Malatasca, c'est le nom que Sainte Catherine de Sienne donnait au diable.
Mal caduc, pour guérir ce mal, on se sert d'un anneau dont voici la recette: "Vous ferez un anneau de pur argent, dans le chaton duquel vous enchâsserez un morceau de corne de pied d'élan; puis vous choisirez un lundi du printemps auquel la lune sera en aspect bénin ou en conjonction avec Jupiter ou Vénus, et à l'heure favorable de la constellation, vous graverez en dedans de l'anneau ce qui suit: + Dabi, + Habi, + Haber, + Habi. Soyez assuré qu'en portant habituellement cet anneau au doigt du milieu de la main, il vous garantira du mal caduc". Si vous n'y croyez pas, moi non plus.
Delancre nous conseille de ne pas admettre l'opinion des gnostiques, qui disent que chaque maladie à son démon, et d'éviter l'erreur populaire qui prétend que tous ceux qui tombent du haut mal sont possédés. Les maladies ont souvent causé de grands désordres. Le P. Lebrun rapporte l'exemple d'une femme attaquée d'une maladie de l'œil qui lui faisait voir une foule d'images bizarres et effrayantes; elle se crut ensorcelée: un habile oculiste l'opéra, et guérit en même temps son œil et son imagination. Plusieurs des sorciers, loups garous et possédés n'étaient que des malades; mais il est des cas où les maladies sont des effets de possessions.
Malafar. Voir Valafar.
Malaingha, nom général des anges du premier ordre chez les habitants de Madagascar. Ces anges font mouvoir les cieux, les étoiles, les planètes, et sont chargés du gouvernement des saisons: les hommes sont confiés à leur garde, ils veillent sur leurs jours, détournent les dangers qui les menacent et écartent les démons.
Malatasca, c'est le nom que Sainte Catherine de Sienne donnait au diable.
Mal caduc, pour guérir ce mal, on se sert d'un anneau dont voici la recette: "Vous ferez un anneau de pur argent, dans le chaton duquel vous enchâsserez un morceau de corne de pied d'élan; puis vous choisirez un lundi du printemps auquel la lune sera en aspect bénin ou en conjonction avec Jupiter ou Vénus, et à l'heure favorable de la constellation, vous graverez en dedans de l'anneau ce qui suit: + Dabi, + Habi, + Haber, + Habi. Soyez assuré qu'en portant habituellement cet anneau au doigt du milieu de la main, il vous garantira du mal caduc". Si vous n'y croyez pas, moi non plus.
Maldonat. Célèbre jésuite, né en 1534, à Casas de la Reina dans l'Estramadure. Il étudia à Salamanque et entra chez les jésuites de Rome en 1562. Deux ans après, il ouvrit, au collège de Clermont, à Paris, un cours de philosophie, dans lequel il obtint les plus brillants succès, quoiqu'il n'eût encore que trente ans. Ayant formé le dessein de travailler à un commentaire sur les quatre évangélistes, il crut voir, pendant quelques nuits, un homme qui l'exhortait à finir promptement cet ouvrage, et qu'il l'assurait qui l'achèverait, mais qu'il survivrait peu de jours à sa conclusion; cet homme lui marquait en même temps un certain endroit du ventre, qui fut le même où Maldonat sentit les vives douleurs dont il mourut en 1583, peu de temps après avoir achevé son ouvrage.
Male-Bête. monstre qui passait autrefois, dans l'opinion du peuple de Toulouse, pour courir les rues la nuit. La superstition avait fait croire que tous ceux qui rencontraient ou envisageaient la male-bête mouraient le lendemain.
Malebranche (Nicolas). Savant prêtre de l'Oratoire, né à Paris en 1638, mort en 1715. On trouve dans sa Recherche de la vérité d'assez bonnes choses sur la sorcellerie, qu'il regarde comme une maladie d'imagination: ce qui est vrai assez souvent. On dit qu'en un certain temps il n'osait pas se moucher, parce qu'il était persuadé qu'il lui pendait un gigot de mouton au bout du nez. On ne le guérit de cette hallucination qu'en faisant semblant de couper le gigot avec un rasoir: c'est du moins ce qui a été raconté.
Male-Bête. monstre qui passait autrefois, dans l'opinion du peuple de Toulouse, pour courir les rues la nuit. La superstition avait fait croire que tous ceux qui rencontraient ou envisageaient la male-bête mouraient le lendemain.
Malebranche (Nicolas). Savant prêtre de l'Oratoire, né à Paris en 1638, mort en 1715. On trouve dans sa Recherche de la vérité d'assez bonnes choses sur la sorcellerie, qu'il regarde comme une maladie d'imagination: ce qui est vrai assez souvent. On dit qu'en un certain temps il n'osait pas se moucher, parce qu'il était persuadé qu'il lui pendait un gigot de mouton au bout du nez. On ne le guérit de cette hallucination qu'en faisant semblant de couper le gigot avec un rasoir: c'est du moins ce qui a été raconté.
Maléfices. Pratiques superstitieuses employées dans le dessein de nuire aux hommes, aux animaux, ou aux fruits de la terre. Un des maléfices les plus célèbres dans l'histoire est celui dont voulut se servir Robert, comte d'Artois, pour faire mourir le roi Philippe le Bel et la reine sa femme; c'était un envoutement.
Maletena Domingina, sorcière qui sauta sans se blesser, du haut de la montagne de la Rhune, qui borne les trois royaumes de France, d'Espagne et de Navarre.
Malheur, est un sentiment qui peut être pris au premier ou au second degré et qui peut engendrer des réactions émotionnels dans certains contextes.
Le contraire du bonheur, qui inclut un sentiment de vivre (voire de joie) prépondérant, le malheur est un sentiment de gêne, voire de tristesse ou encore de rage s'il est pris au premier degré. Le malheur jugé d'une personne elle-même est une réaction négative, du moins la moins espérée, de la situation qu'elle est en train de vivre ; alors que le malheur du point de vue des autres personnes est une adjonction physiologique, qui n'incite pas forcément à la réaction, mais au moins à l'observation, quand il s'agit d'une seule personne. Si le malheur arrive à un groupe de personne, la réaction émotionnelle peut être sur le coup plus vive que pour une personne seule.
Le malheur est caractérisé, en religion, par :
Ces explications, fondés purement et simplement sur des malheurs inexpliqués ou incompréhensible qui se sont produits dans l'histoire du l'Ancien et Nouveau Testament, et relatés par les Évangiles, ne sont plus pris en considération par la plupart des gens vivant en société modernes (excepté les croyants).
Malin. Voir Diable
Malina, déesse du Soleil dans la mythologie Inuit. Sœur du dieu de la lune Anningan.
Mallebranche Nicolas, né à Paris le où il est mort le , est un philosophe, prêtre oratorien et théologien français, considéré comme un cartésien. Dans ses œuvres, il a cherché à synthétiser la pensée de saint Augustin et Descartes. Malebranche est surtout connu pour ses doctrines de la Vision des idées en Dieu et de l'occasionnalisme qui lui permettent de démontrer le rôle actif de Dieu dans chaque aspect du monde ainsi que l'entière dépendance de l'âme vis-à-vis de Dieu.
Malphas est un démon issu des croyances de la goétie, science occulte de l'invocation d'entités démoniaques.
Le Lemegeton le mentionne en 39e position de sa liste de démons. Selon l'ouvrage, Malphas est un grand président des Enfers. Il apparaît sous la forme d'un corbeau mais peut prendre forme humaine. Le son de sa voix est rauque. Il bâtit des citadelles et des tours inexpugnables, renverse les remparts ennemis, et permet de trouver de bons serviteurs. 40 légions infernales lui obéissent.
La Pseudomonarchia Daemonum le mentionne en 32e position de sa liste de démons et lui attribue des caractéristiques similaires.
Selon Collin de Plancy il est possible que Malphas et Halphas ne soient qu'une seule et même entité.
Mambrès, un des magiciens qui s'opposèrent à Moïse dans l'Egypte, et qui imitèrent, par leurs prestiges , les prodiges du législateur juif.
Mammon, dieu des Syriens, qui présidait aux richesses. Milton le met au nombre des anges rebelles, et le fait agir et parler conformément à son caractère. Voir Plutus.
Maletena Domingina, sorcière qui sauta sans se blesser, du haut de la montagne de la Rhune, qui borne les trois royaumes de France, d'Espagne et de Navarre.
Malheur, est un sentiment qui peut être pris au premier ou au second degré et qui peut engendrer des réactions émotionnels dans certains contextes.
Le contraire du bonheur, qui inclut un sentiment de vivre (voire de joie) prépondérant, le malheur est un sentiment de gêne, voire de tristesse ou encore de rage s'il est pris au premier degré. Le malheur jugé d'une personne elle-même est une réaction négative, du moins la moins espérée, de la situation qu'elle est en train de vivre ; alors que le malheur du point de vue des autres personnes est une adjonction physiologique, qui n'incite pas forcément à la réaction, mais au moins à l'observation, quand il s'agit d'une seule personne. Si le malheur arrive à un groupe de personne, la réaction émotionnelle peut être sur le coup plus vive que pour une personne seule.
Le malheur est caractérisé, en religion, par :
- une punition apporté à des pêchés ;
- une réaction positive des esprits du Mal (même s'il ne concerne pas les autres êtres) ;
- une réaction négative des esprits du Bien (à l’échelle juridique ou associatrice).
Ces explications, fondés purement et simplement sur des malheurs inexpliqués ou incompréhensible qui se sont produits dans l'histoire du l'Ancien et Nouveau Testament, et relatés par les Évangiles, ne sont plus pris en considération par la plupart des gens vivant en société modernes (excepté les croyants).
Malin. Voir Diable
Mallebranche Nicolas, né à Paris le où il est mort le , est un philosophe, prêtre oratorien et théologien français, considéré comme un cartésien. Dans ses œuvres, il a cherché à synthétiser la pensée de saint Augustin et Descartes. Malebranche est surtout connu pour ses doctrines de la Vision des idées en Dieu et de l'occasionnalisme qui lui permettent de démontrer le rôle actif de Dieu dans chaque aspect du monde ainsi que l'entière dépendance de l'âme vis-à-vis de Dieu.
Malphas est un démon issu des croyances de la goétie, science occulte de l'invocation d'entités démoniaques.
Le Lemegeton le mentionne en 39e position de sa liste de démons. Selon l'ouvrage, Malphas est un grand président des Enfers. Il apparaît sous la forme d'un corbeau mais peut prendre forme humaine. Le son de sa voix est rauque. Il bâtit des citadelles et des tours inexpugnables, renverse les remparts ennemis, et permet de trouver de bons serviteurs. 40 légions infernales lui obéissent.
La Pseudomonarchia Daemonum le mentionne en 32e position de sa liste de démons et lui attribue des caractéristiques similaires.
Selon Collin de Plancy il est possible que Malphas et Halphas ne soient qu'une seule et même entité.
Mambrès, un des magiciens qui s'opposèrent à Moïse dans l'Egypte, et qui imitèrent, par leurs prestiges , les prodiges du législateur juif.
Mammon, dieu des Syriens, qui présidait aux richesses. Milton le met au nombre des anges rebelles, et le fait agir et parler conformément à son caractère. Voir Plutus.
mammouths sont des mammifères éteints de la famille des éléphantidés correspondant au genre Mammuthus et à de nombreuses espèces. Ils sont ainsi de proches cousins des éléphants, et non leurs ancêtres. Ils formaient un groupe largement répandu, bien adapté au froid.
Venant d’Afrique, les mammouths se sont dispersés vers l’Eurasie, puis vers l’Amérique du Nord au Pléistocène inférieur. Les dernières espèces se sont éteintes à partir du Tardiglaciaire et au début de l'époque géologique actuelle qu'est l'Holocène. La plupart des espèces de mammouths se sont éteintes il y a 12 000 à 15 000 ans. Une dernière espèce de mammouth nain est attestée au nord de la Sibérie dans l'île Wrangel entre 5 700 et 1 700 av. J.-C.
Dans la mythologie des tribus sibériennes, le mammouth est dénommé « souris de terre ».
Man, ennemi de Sommona-Kodom. Les Siamois le représentent comme une espèce de monstre, avec une tête hérissée de serpents, un visage fort large et des dents horriblement grandes.
Mancanas, imposteur qui, dans les îles Mariannes, s'attribuait le pouvoir de commander aux éléments, de rendre la santé aux malades, de changer les saisons et de procurer une récolte abondante ou d'heureuses pêches.
Manche à balai, quand les sorciers et les démons faisaient le sabbat, les sorcières s'y rendaient souvent à cheval sur un manche à balai.
Mandragores, démons familiers assez débonnaires; ils apparaissent sous la figure de petits hommes sans barbe, avec les cheveux épars. Un jour qu'une mandragore osa se montrer à la requête d'un sorcier qu'on tenait en justice, le juge ne craignit pas de lui arracher les bras et de les jeter dans le feu. Ce qui explique ce fait, c'est qu'on appelle aussi mandragores de petites poupées dans lesquelles le diable se loge, et que les sorciers consultent en cas d'embarras. On lit dans le Petit Albert que, voyageant en Flandres et passant par Lille, l'auteur de cet ouvrage fut invité par un de ses amis à l'accompagner chez une vieille femme qui passait pour une grande devineresse, et dont il découvrit la fourberie. Cette vieille conduisit les deux amis dans un cabinet obscur, éclairé seulement par une lampe, à la lueur de laquelle on voyait, sur une table couverte d'une nappe, une espèce de petite statue ou mandragore, assise sur un trépied, ayant la main gauche étendue et tenant de cette main un cordon de soie très délié, au bout duquel pendait une petite mouche de fer bien poli. On avait placé au-dessous un verre de cristal, en sorte que la mouche se trouvait suspendue au-dessus de ce verre. Le mystère de la vieille consistait à commander à la mandragore de frapper la mouche contre le verre, pour rendre témoignage de ce que l'on voulait savoir. Ainsi elle disait, en s'adressant à la statue: "Je t'ordonne, mandragore, au nom de celui à qui tu dois obéir, que si Monsieur doit être heureux dans le voyage qu'il va faire, tu fasses frapper trois fois la mouche contre le verre". La mouche frappait aussitôt les trois coups demandés, quoique la vieille ne touchât aucunement ni au verre, ni au cordon de soie, ni à la mouche, ni à la statue; ce qui surprenait les spectateurs. Et afin de mieux duper les gens par la diversité de ses oracles, la vieille faisait de nouvelles questions à la mandragore et lui défendait de frapper si telle ou telle chose devait ou ne devait pas arriver; alors la mouche restait immobile. Voici en quoi consistait tout l'artifice de la vieille: la mouche de fer, qui était suspendue dans le verre, étant fort légère et bien aimantée, quand la vieille voulait qu'elle frappât contre le verre, elle mettait à l'un de ses doigts une bague dans laquelle était enchâssé un gros morceau d'aimant. On sait que la pierre d'aimant a la vertu d'attirer le fer: l'anneau de la vieille mettait en mouvement la mouche aimantée, et la faisait frapper autant de fois qu'elle voulait contre le verre. Lorsqu'elle désirait que la mouche ne frappât point, elle ôtait la bague de son doigt, sans qu'on s'en aperçût. Ceux qui étaient d'intelligence avec elle avaient soin de s'informer des affaires de ceux qu'ils lui menaient, et c'est ainsi que tant de personnes furent trompées.
Les Germains avaient aussi des mandragores qu'ils nommaient Alrunes: c'étaient des figures de bois qu'ils révéraient, comme les Romains leurs dieux lares, et comme les nègres leurs fétiches. Ces figures prenaient soin des maisons et des personnes qui les habitaient. On les faisait des racines les plus dures, surtout de la mandragore. On les habillait proprement, on les couchait mollement dans de petits coffrets; toutes les semaines on les lavait avec du vin et de l'eau, et à chaque repas on leur servait à boire et à manger, sans quoi elles auraient jeté des cris épouvantables.
Mânes, fantômes aux apparitions desquels croient les naturels de la nouvelle Hollande, voisins de l'établissement anglais connu sous le nom de Botany-Bay. Ils les dépeignent comme sortant de terre avec un bruit horrible, vomissant des flammes, saisissant ceux qu'ils rencontrent, leur brûlant les cheveux, le visage, et les retenant pour les brûler encore.
Manfred, (né vers 1232 à Venosa, dans l'actuelle région de Basilicate - mort en 1266 à Bénévent), roi de Sicile en 1258, souvent désigné sous le nom de Manfred de Hohenstaufen, était le fils illégitime de l'empereur Frédéric II et de Bianca Lancia, ou Lanzia, qui semble avoir été mariée à l'empereur juste avant sa mort.
Frédéric semble avoir considéré Manfred comme légitime, et de par sa volonté le nomma prince de Tarente et représentant en Italie de son demi-frère, le roi des Romains Conrad IV. Bien que seulement âgé de dix-huit ans, Manfred agit fidèlement et avec zèle dans l'exécution de cette tâche, et quand Conrad vint en Italie méridionale en 1252, son autorité fut rapidement et généralement reconnue.
Lorsque Conrad mourut en mai 1254, Manfred, après avoir refusé de rendre la Sicile au pape Innocent IV, accepta la régence au nom de Conradin, le jeune fils de Conrad. Mais la force des partisans du pape dans le royaume de Sicile rendit la position du régent si périlleuse qu'il décida d'ouvrir des négociations avec Innocent. Par un traité signé en septembre 1254, la Pouille passa sous l'autorité du pape, que Manfred conduisit personnellement dans sa nouvelle possession.
En 1258, profitant d'une rumeur annonçant la mort de Conradin, Manfred se fit couronner roi de Sicile à Palerme, le 10 août de cette année. La rumeur était infondée, mais le nouveau roi, soutenu par la voix populaire, n'abdiqua pas, et précisa aux envoyés de Conradin la nécessité d'un chef local. Mais le pape, pour qui l'alliance avec les sarrasins était une offense grave, déclara l'annulation du couronnement de Manfred et l'excommunia.
Il soutint son beau-père Michel II Doukas d'Épire, lors de son conflit avec l'Empire de Nicée, par l'envoi d'un contingent, mais celui-ci fut vaincu par l'armée de Michel VIII Paléologue à la bataille de Pélagonia en 1259.
Manfred mourut le 26 février 1266 à la bataille de Bénévent, vaincu par son rival Charles Ier d'Anjou.
Ses contemporains apprécièrent le caractère noble et magnanime de Manfred, renommé pour sa beauté physique et ses qualités intellectuelles. Manfred était le demi-frère du poète Enzio.
Manfred, ennemi de la papauté, fut accusé de nombreux méfaits. Il fut accusé d'avoir assassiné son père Frédéric II par étouffement, d'avoir empoisonné son frère Conrad IV, et, plus justifié, d'avoir usurpé le trône sicilien de son neveu Conrad V dit Conradin.
Mang-Taar, est une espèce d'enfer des Yakouts, habité par huit tribus d'esprits malfaisants: ces esprits ont un chef, dont le nom est Acharaï Rioho, le puissant. Le bétail dont le poil est entièrement blanc est sacré pour les Yakouts, comme dévoué au grand Acharaï. Les Yakouts croient que dès que leurs chamans (prêtres sorciers) meurent, ils se réunissent à ces esprits.
Manichéens. Les Manichéens étaient des sectateurs de l'hérésiarque Manès, né dans la Perse en 240. Ils reconnaissaient deux principes également puissants, également éternels: Dieu, auteur du bien, et le diable, auteur du mal.
Manie. (du grec ancien μανία / maníā « folie, démence, état de fureur ») est un état mental caractérisé par des degrés d'humeur, d'irritation ou d'énergie anormalement élevés. Elle appartient comme la dépression aux troubles de l’humeur. Elle constitue l'une des phases du trouble bipolaire et est, dans un sens, l'opposé de la dépression.
Il ne faut pas confondre l’état maniaque avec des traits obsessionnels (obsession du ménage et de la propreté par exemple), acception pourtant retenue dans le langage courant.
Manipa, idole adorée dans les royaumes de Tangut et de Barantola en Tartarie. Elle a neuf têtes qui s'élèvent en forme pyramidale. Tous les ans, des jeunes gens armés, saisis d'une rage enthousiaste, courent la ville de Tanchuth, tuent tout ce qu'ils rencontrent en l'honneur de Manipa, et croient se faire ainsi de grands droits à ses faveurs.
Manitou, les habitants de la baie de Hudson, et la plupart des sauvages de l'Amérique septentrionale, appellent ainsi un certain esprit qu'ils s'imaginent être renfermé dans toutes les créatures vivantes ou inanimées. Chacun de ces sauvages choisit pour son manitou le premier objet qui frappe ses sens, et l'honore comme sa divinité tutélaire. Les Illinois exposent leurs manitous dans leurs cabanes, et leur font des sacrifices de chiens et d'autres animaux. Les guerriers les portent dans une natte, et les invoquent pour remporter la victoire. Les charlatans ont pareillement recours à leurs manitous, etc. On peut mettre ces divinités au rang des fétiches et des mokissos.
Manto, prophétesse, fille de Tirésias. Thèbes ayant succombé sous les efforts des Epigones, dans la seconde guerre de Thèbes, Manto fut emmenée avec les prisonniers à Claros en Asie, où elle établit un oracle d'Apollon. Ce fut là que, déplorant sans cesse les malheurs de sa patrie, elle fondit en larmes: et ses pleurs formèrent une fontaine et un lac dont les eaux communiquaient le don de prophétie; mais, d'un autre côté, elles abrégeaient la vie. Selon Apollodore, Alcméon, général de l'armée qui prit Thèbes, devint amoureux de Manto, et eut d'elle deux enfants, Amphiloque et Tisiphone. Elle avait, dit-on, laissé par écrit plusieurs oracles dont Homère a fait usage dans ses poèmes. Si nous en croyons Diodore, la fille de Tirésias s'appelait Daphné, et fut envoyée par les Argiens à Delphes, où elle rendit un grand nombre d'oracles. On voyait à Thèbes, du temps de Pausanias, devant le vestibule d'un temple, la pierre sur laquelle Manto s'asseyait pour rendre ses oracles, et qu'on appelait la chaire de Manto.
Many est un faux prophète et un peintre célèbre parmi les Orientaux. Il fonda en Perse une secte dont l'existence des deux principes éternels du bien et du mal, la métempsycose, l'abstinence des viandes, la prohibition du meurtre de tout animal, sont les dogmes principaux.
Mansotte, sorcière avignonnaise.
Maoridath, préservatif contre les enchantements. C'est le nom que les musulmans donnent aux deux derniers chapitres de l'Alcoran, qu'ils récitent souvent pour se garantir des sortilèges et de toutes autres mauvaises rencontres.
Marat, la vieille servante de Marat, nommée Catherine, se piquait de sorcellerie, et annonçait l'avenir. C'est elle qui dira à Marat "Je vous ai prédit que vous mourriez de la main d'une femme".
Venant d’Afrique, les mammouths se sont dispersés vers l’Eurasie, puis vers l’Amérique du Nord au Pléistocène inférieur. Les dernières espèces se sont éteintes à partir du Tardiglaciaire et au début de l'époque géologique actuelle qu'est l'Holocène. La plupart des espèces de mammouths se sont éteintes il y a 12 000 à 15 000 ans. Une dernière espèce de mammouth nain est attestée au nord de la Sibérie dans l'île Wrangel entre 5 700 et 1 700 av. J.-C.
Dans la mythologie des tribus sibériennes, le mammouth est dénommé « souris de terre ».
Man, ennemi de Sommona-Kodom. Les Siamois le représentent comme une espèce de monstre, avec une tête hérissée de serpents, un visage fort large et des dents horriblement grandes.
Mancanas, imposteur qui, dans les îles Mariannes, s'attribuait le pouvoir de commander aux éléments, de rendre la santé aux malades, de changer les saisons et de procurer une récolte abondante ou d'heureuses pêches.
Manche à balai, quand les sorciers et les démons faisaient le sabbat, les sorcières s'y rendaient souvent à cheval sur un manche à balai.
Mandragores, démons familiers assez débonnaires; ils apparaissent sous la figure de petits hommes sans barbe, avec les cheveux épars. Un jour qu'une mandragore osa se montrer à la requête d'un sorcier qu'on tenait en justice, le juge ne craignit pas de lui arracher les bras et de les jeter dans le feu. Ce qui explique ce fait, c'est qu'on appelle aussi mandragores de petites poupées dans lesquelles le diable se loge, et que les sorciers consultent en cas d'embarras. On lit dans le Petit Albert que, voyageant en Flandres et passant par Lille, l'auteur de cet ouvrage fut invité par un de ses amis à l'accompagner chez une vieille femme qui passait pour une grande devineresse, et dont il découvrit la fourberie. Cette vieille conduisit les deux amis dans un cabinet obscur, éclairé seulement par une lampe, à la lueur de laquelle on voyait, sur une table couverte d'une nappe, une espèce de petite statue ou mandragore, assise sur un trépied, ayant la main gauche étendue et tenant de cette main un cordon de soie très délié, au bout duquel pendait une petite mouche de fer bien poli. On avait placé au-dessous un verre de cristal, en sorte que la mouche se trouvait suspendue au-dessus de ce verre. Le mystère de la vieille consistait à commander à la mandragore de frapper la mouche contre le verre, pour rendre témoignage de ce que l'on voulait savoir. Ainsi elle disait, en s'adressant à la statue: "Je t'ordonne, mandragore, au nom de celui à qui tu dois obéir, que si Monsieur doit être heureux dans le voyage qu'il va faire, tu fasses frapper trois fois la mouche contre le verre". La mouche frappait aussitôt les trois coups demandés, quoique la vieille ne touchât aucunement ni au verre, ni au cordon de soie, ni à la mouche, ni à la statue; ce qui surprenait les spectateurs. Et afin de mieux duper les gens par la diversité de ses oracles, la vieille faisait de nouvelles questions à la mandragore et lui défendait de frapper si telle ou telle chose devait ou ne devait pas arriver; alors la mouche restait immobile. Voici en quoi consistait tout l'artifice de la vieille: la mouche de fer, qui était suspendue dans le verre, étant fort légère et bien aimantée, quand la vieille voulait qu'elle frappât contre le verre, elle mettait à l'un de ses doigts une bague dans laquelle était enchâssé un gros morceau d'aimant. On sait que la pierre d'aimant a la vertu d'attirer le fer: l'anneau de la vieille mettait en mouvement la mouche aimantée, et la faisait frapper autant de fois qu'elle voulait contre le verre. Lorsqu'elle désirait que la mouche ne frappât point, elle ôtait la bague de son doigt, sans qu'on s'en aperçût. Ceux qui étaient d'intelligence avec elle avaient soin de s'informer des affaires de ceux qu'ils lui menaient, et c'est ainsi que tant de personnes furent trompées.
Les Germains avaient aussi des mandragores qu'ils nommaient Alrunes: c'étaient des figures de bois qu'ils révéraient, comme les Romains leurs dieux lares, et comme les nègres leurs fétiches. Ces figures prenaient soin des maisons et des personnes qui les habitaient. On les faisait des racines les plus dures, surtout de la mandragore. On les habillait proprement, on les couchait mollement dans de petits coffrets; toutes les semaines on les lavait avec du vin et de l'eau, et à chaque repas on leur servait à boire et à manger, sans quoi elles auraient jeté des cris épouvantables.
Mânes, fantômes aux apparitions desquels croient les naturels de la nouvelle Hollande, voisins de l'établissement anglais connu sous le nom de Botany-Bay. Ils les dépeignent comme sortant de terre avec un bruit horrible, vomissant des flammes, saisissant ceux qu'ils rencontrent, leur brûlant les cheveux, le visage, et les retenant pour les brûler encore.
Manfred, (né vers 1232 à Venosa, dans l'actuelle région de Basilicate - mort en 1266 à Bénévent), roi de Sicile en 1258, souvent désigné sous le nom de Manfred de Hohenstaufen, était le fils illégitime de l'empereur Frédéric II et de Bianca Lancia, ou Lanzia, qui semble avoir été mariée à l'empereur juste avant sa mort.
Frédéric semble avoir considéré Manfred comme légitime, et de par sa volonté le nomma prince de Tarente et représentant en Italie de son demi-frère, le roi des Romains Conrad IV. Bien que seulement âgé de dix-huit ans, Manfred agit fidèlement et avec zèle dans l'exécution de cette tâche, et quand Conrad vint en Italie méridionale en 1252, son autorité fut rapidement et généralement reconnue.
Lorsque Conrad mourut en mai 1254, Manfred, après avoir refusé de rendre la Sicile au pape Innocent IV, accepta la régence au nom de Conradin, le jeune fils de Conrad. Mais la force des partisans du pape dans le royaume de Sicile rendit la position du régent si périlleuse qu'il décida d'ouvrir des négociations avec Innocent. Par un traité signé en septembre 1254, la Pouille passa sous l'autorité du pape, que Manfred conduisit personnellement dans sa nouvelle possession.
En 1258, profitant d'une rumeur annonçant la mort de Conradin, Manfred se fit couronner roi de Sicile à Palerme, le 10 août de cette année. La rumeur était infondée, mais le nouveau roi, soutenu par la voix populaire, n'abdiqua pas, et précisa aux envoyés de Conradin la nécessité d'un chef local. Mais le pape, pour qui l'alliance avec les sarrasins était une offense grave, déclara l'annulation du couronnement de Manfred et l'excommunia.
Il soutint son beau-père Michel II Doukas d'Épire, lors de son conflit avec l'Empire de Nicée, par l'envoi d'un contingent, mais celui-ci fut vaincu par l'armée de Michel VIII Paléologue à la bataille de Pélagonia en 1259.
Manfred mourut le 26 février 1266 à la bataille de Bénévent, vaincu par son rival Charles Ier d'Anjou.
Ses contemporains apprécièrent le caractère noble et magnanime de Manfred, renommé pour sa beauté physique et ses qualités intellectuelles. Manfred était le demi-frère du poète Enzio.
Manfred, ennemi de la papauté, fut accusé de nombreux méfaits. Il fut accusé d'avoir assassiné son père Frédéric II par étouffement, d'avoir empoisonné son frère Conrad IV, et, plus justifié, d'avoir usurpé le trône sicilien de son neveu Conrad V dit Conradin.
Mang-Taar, est une espèce d'enfer des Yakouts, habité par huit tribus d'esprits malfaisants: ces esprits ont un chef, dont le nom est Acharaï Rioho, le puissant. Le bétail dont le poil est entièrement blanc est sacré pour les Yakouts, comme dévoué au grand Acharaï. Les Yakouts croient que dès que leurs chamans (prêtres sorciers) meurent, ils se réunissent à ces esprits.
Manichéens. Les Manichéens étaient des sectateurs de l'hérésiarque Manès, né dans la Perse en 240. Ils reconnaissaient deux principes également puissants, également éternels: Dieu, auteur du bien, et le diable, auteur du mal.
Manie. (du grec ancien μανία / maníā « folie, démence, état de fureur ») est un état mental caractérisé par des degrés d'humeur, d'irritation ou d'énergie anormalement élevés. Elle appartient comme la dépression aux troubles de l’humeur. Elle constitue l'une des phases du trouble bipolaire et est, dans un sens, l'opposé de la dépression.
Il ne faut pas confondre l’état maniaque avec des traits obsessionnels (obsession du ménage et de la propreté par exemple), acception pourtant retenue dans le langage courant.
Manipa, idole adorée dans les royaumes de Tangut et de Barantola en Tartarie. Elle a neuf têtes qui s'élèvent en forme pyramidale. Tous les ans, des jeunes gens armés, saisis d'une rage enthousiaste, courent la ville de Tanchuth, tuent tout ce qu'ils rencontrent en l'honneur de Manipa, et croient se faire ainsi de grands droits à ses faveurs.
Manto, prophétesse, fille de Tirésias. Thèbes ayant succombé sous les efforts des Epigones, dans la seconde guerre de Thèbes, Manto fut emmenée avec les prisonniers à Claros en Asie, où elle établit un oracle d'Apollon. Ce fut là que, déplorant sans cesse les malheurs de sa patrie, elle fondit en larmes: et ses pleurs formèrent une fontaine et un lac dont les eaux communiquaient le don de prophétie; mais, d'un autre côté, elles abrégeaient la vie. Selon Apollodore, Alcméon, général de l'armée qui prit Thèbes, devint amoureux de Manto, et eut d'elle deux enfants, Amphiloque et Tisiphone. Elle avait, dit-on, laissé par écrit plusieurs oracles dont Homère a fait usage dans ses poèmes. Si nous en croyons Diodore, la fille de Tirésias s'appelait Daphné, et fut envoyée par les Argiens à Delphes, où elle rendit un grand nombre d'oracles. On voyait à Thèbes, du temps de Pausanias, devant le vestibule d'un temple, la pierre sur laquelle Manto s'asseyait pour rendre ses oracles, et qu'on appelait la chaire de Manto.
Many est un faux prophète et un peintre célèbre parmi les Orientaux. Il fonda en Perse une secte dont l'existence des deux principes éternels du bien et du mal, la métempsycose, l'abstinence des viandes, la prohibition du meurtre de tout animal, sont les dogmes principaux.
Mansotte, sorcière avignonnaise.
Maoridath, préservatif contre les enchantements. C'est le nom que les musulmans donnent aux deux derniers chapitres de l'Alcoran, qu'ils récitent souvent pour se garantir des sortilèges et de toutes autres mauvaises rencontres.
Marat, la vieille servante de Marat, nommée Catherine, se piquait de sorcellerie, et annonçait l'avenir. C'est elle qui dira à Marat "Je vous ai prédit que vous mourriez de la main d'une femme".
Marbas ou Barbas, grand président des enfers; il se montre sous la forme d'un lion furieux. Lorsqu'il est en présence d'un exorciste, il prend la figure humaine et répond sur les choses cachées. Il envoie les maladies; il donne la connaissance des arts mécaniques; il change l'homme en différentes métamorphoses; il commande trente-six légions.
Marc, l'hérésiarque Valentin eut entre autres disciples un nommé Marc, qui exerçait une espèce de magnétisme par lequel il prétendait communiquer le don de prophétie. Quand une femme à qui il avait promis ce don lui disait: Mais je ne suis pas prophétesse, il faisait sur elle des invocations afin de l'étonner, et il ajoutait: Ouvre la bouche à présent et dis tout ce qui te viendra, tu prophétiseras. La pauvre femme se hasardait et se croyait prophétesse. Il donnait dans la cabale; et sans doute ses sectateurs tenaient de lui cette doctrine que les vingt-quatre lettres de l'alphabet sont vingt-quatre éons ou esprits qui dirigent toutes choses. On ajoute que dans ses prestiges, car il faisait aussi de la magie, il était secondé par le démon Azazel.
Marc de café. Les préparatifs de l'art de lire les choses futures dans le marc de café sont fort simples. Vous laisserez dans la cafetière le marc que le café y a laissé. Qu'il soit vieux ou frais, il a des résultats, pourvu qu'il soit à peu près sec quand vous voudrez l'employer. Vous jetterez un verre d'eau sur ce marc. Vous le ferez chauffer jusqu'à ce qu'il se délaie. Vous aurez une assiette blanche, sans tache, essuyée et séchée. Vous remuerez d'abord le marc avec une cuillère, vous le verserez sur l'assiette, mais en petite quantité et de façon qu'il n'emplisse l'assiette qu'à moitié. Vous l'agiterez en tous sens, avec légèreté, pendant une minute. Ensuite vous répandrez doucement tout le liquide dans un autre vase.
Par ce moyen, il ne reste dans l'assiette que des particules de marc de café disposées de mille manières, et formant une foule de dessins hiéroglyphiques. Si ces dessins sont trop brouillés, que le marc soit trop épais, que l'assiette ne ressemble à rien, vous recommencerez l'opération. On ne peut lire les secrets de la destinée que si les dessins de l'assiette sont clairs et distincts, quoique pressés. Les bords sont ordinairement plus épais. Il y a même souvent des parties embrouillées dans le milieu, mais on ne s'en inquiète point. On peut deviner quand la majeure partie de l'assiette est déchiffrable.
Il y a des sibylles qui prétendent qu'on doit dire certaines paroles mystérieuses en versant l'eau dans la cafetière, en remuant le marc avec la cuillère devant le feu, et en le répandant sur l'assiette. C'est une supercherie. Les paroles n'ont pas ici vertu. Si on les ajoute, ce n'est que pour donner à l'œuvre, quelque solennité, et pour contenter les gens qui veulent que tout se fasse en cérémonie.
Le marc de café, après qu'on l'a versé dans l'assiette, y laisse donc diverses figures. Il s'agit de les démêler. Car il y a des courbes, des ondulations, des ronds, des ovales, des carrés, des triangles, etc.
Si le nombre des ronds ou cercles, plus ou moins parfaits l'emporte sur la quantité des autres figures, ce signe annonce que la personne recevra de l'argent. S'il y a peu de ronds, il y a de la gène dans les finances de la personne qui consulte.
Des figures carrées annoncent des désagréments en raison de leur nombre. Des figures ovales promettent du succès dans les affaires quand elles sont nombreuses ou distinctement marquées.
Des lignes grandes ou petites, quand elles sont saillantes ou multipliées, présagent une vieillesse heureuse. Les ondulations ou lignes qui serpentent annoncent des revers et des succès entremêlés.
Une croix au milieu des dessins de l'assiette promet une mort douce. Trois croix présagent des honneurs. S'il se trouve dans l'assiette un grand nombre de croix, on reviendra à Dieu après la fougue des passions.
Un triangle promet un emploi honorable. Trois triangles à peu de distance l'un de l'autre sont un signe heureux. En général, cette figure est de bon présage. Une figure qui aurait la forme d'un H annonce un empoisonnement. Un carré long, bien distinct, promet des discordes dans le ménage.
Si vous apercevez au milieu des dessins de l'assiette une raie dégagée, c'est un chemin qui annonce un voyage. Il sera long si ce chemin s'étend; facile si le chemin est net; embarrassé si le chemin est chargé de points ou de petites lignes.
Un rond dans lequel on trouve quatre points promet un enfant. Deux ronds de cette sorte en promettent deux, et ainsi de suite.
Si vous découvrez dans l'assiette la figure d'une maison à côté d'un cercle, attendez-vous à posséder cette maison. Elle sera à la ville si vous voyez un X dans le voisinage. Elle sera à la campagne si vous distinguez auprès de ce signe la forme d'un arbre ou d'un arbuste, ou quelque plante quelconque. Cette maison vous sera donnée ou vous l'aurez par héritage, si elle est accompagnée de triangles. Vous y mourrez si elle est surmontée d'une croix.
Vous trouverez peut-être la forme d'une couronne, elle vous annonce des succès à la cour.
On rencontre souvent la figure d'un ou de plusieurs petits poissons. Ils annoncent qu'on sera invité à quelque dîner. La figure d'un animal à quatre pattes promet des peines. La figure d'un oiseau présage un coup de bonheur. Si l'oiseau semble pris dans un filet, c'est un procès. La figure d'un reptile annonce une trahison. La figure d'une rose promet la santé. La forme d'un saule pleureur, une mélancolie; la figure d'un buisson, des retards. La forme d'une roue est le signe d'un accident. Une fenêtre ou plusieurs carrés joints ensemble de manière à former une espèce de croisée, vous avertissent que vous serez volé.
Si vous voyez une tête ou une forme de chien à côté d'une figure humaine, vous avez un ami. Si vous voyez un homme monté sur un cheval ou sur tout autre quadrupède, un homme estimable fait pour vous de grandes démarches. Quand vous apercevez trois figures l'une auprès de l'autre, attendez quelque emploi honorable. Si vous distinguiez une couronne de croix, un homme de vos parents mourrait dans l'année. Une couronne de triangles ou de carrés annonce la mort d'une de vos parentes également dans l'année qui court. Un bouquet composé de quatre fleurs, ou d'un plus grand nombre, est le plus heureux de tous les présages.
Marchocias, est un grand marquis des enfers. Il se montre sous la figure d'une louve féroce, avec des ailes de griffon et une queue de serpent. Il vomit des flammes. Lorsqu'il prend la figure humaine, on croit voir un grand soldat. Il obéit aux exorcistes. Il est de l'ordre des dominations, et commande trente légions.
Marcionites, hérétiques du V° siècle qui avaient pour chef Marcion. Ils étaient dualistes et disaient que Dieu avait créé nos âmes, mais que le diable, jaloux, avait aussitôt créé nos corps, dans lesquels il avait emprisonné lesdites âmes.
Par ce moyen, il ne reste dans l'assiette que des particules de marc de café disposées de mille manières, et formant une foule de dessins hiéroglyphiques. Si ces dessins sont trop brouillés, que le marc soit trop épais, que l'assiette ne ressemble à rien, vous recommencerez l'opération. On ne peut lire les secrets de la destinée que si les dessins de l'assiette sont clairs et distincts, quoique pressés. Les bords sont ordinairement plus épais. Il y a même souvent des parties embrouillées dans le milieu, mais on ne s'en inquiète point. On peut deviner quand la majeure partie de l'assiette est déchiffrable.
Il y a des sibylles qui prétendent qu'on doit dire certaines paroles mystérieuses en versant l'eau dans la cafetière, en remuant le marc avec la cuillère devant le feu, et en le répandant sur l'assiette. C'est une supercherie. Les paroles n'ont pas ici vertu. Si on les ajoute, ce n'est que pour donner à l'œuvre, quelque solennité, et pour contenter les gens qui veulent que tout se fasse en cérémonie.
Le marc de café, après qu'on l'a versé dans l'assiette, y laisse donc diverses figures. Il s'agit de les démêler. Car il y a des courbes, des ondulations, des ronds, des ovales, des carrés, des triangles, etc.
Si le nombre des ronds ou cercles, plus ou moins parfaits l'emporte sur la quantité des autres figures, ce signe annonce que la personne recevra de l'argent. S'il y a peu de ronds, il y a de la gène dans les finances de la personne qui consulte.
Des figures carrées annoncent des désagréments en raison de leur nombre. Des figures ovales promettent du succès dans les affaires quand elles sont nombreuses ou distinctement marquées.
Des lignes grandes ou petites, quand elles sont saillantes ou multipliées, présagent une vieillesse heureuse. Les ondulations ou lignes qui serpentent annoncent des revers et des succès entremêlés.
Une croix au milieu des dessins de l'assiette promet une mort douce. Trois croix présagent des honneurs. S'il se trouve dans l'assiette un grand nombre de croix, on reviendra à Dieu après la fougue des passions.
Un triangle promet un emploi honorable. Trois triangles à peu de distance l'un de l'autre sont un signe heureux. En général, cette figure est de bon présage. Une figure qui aurait la forme d'un H annonce un empoisonnement. Un carré long, bien distinct, promet des discordes dans le ménage.
Si vous apercevez au milieu des dessins de l'assiette une raie dégagée, c'est un chemin qui annonce un voyage. Il sera long si ce chemin s'étend; facile si le chemin est net; embarrassé si le chemin est chargé de points ou de petites lignes.
Un rond dans lequel on trouve quatre points promet un enfant. Deux ronds de cette sorte en promettent deux, et ainsi de suite.
Si vous découvrez dans l'assiette la figure d'une maison à côté d'un cercle, attendez-vous à posséder cette maison. Elle sera à la ville si vous voyez un X dans le voisinage. Elle sera à la campagne si vous distinguez auprès de ce signe la forme d'un arbre ou d'un arbuste, ou quelque plante quelconque. Cette maison vous sera donnée ou vous l'aurez par héritage, si elle est accompagnée de triangles. Vous y mourrez si elle est surmontée d'une croix.
Vous trouverez peut-être la forme d'une couronne, elle vous annonce des succès à la cour.
On rencontre souvent la figure d'un ou de plusieurs petits poissons. Ils annoncent qu'on sera invité à quelque dîner. La figure d'un animal à quatre pattes promet des peines. La figure d'un oiseau présage un coup de bonheur. Si l'oiseau semble pris dans un filet, c'est un procès. La figure d'un reptile annonce une trahison. La figure d'une rose promet la santé. La forme d'un saule pleureur, une mélancolie; la figure d'un buisson, des retards. La forme d'une roue est le signe d'un accident. Une fenêtre ou plusieurs carrés joints ensemble de manière à former une espèce de croisée, vous avertissent que vous serez volé.
Si vous voyez une tête ou une forme de chien à côté d'une figure humaine, vous avez un ami. Si vous voyez un homme monté sur un cheval ou sur tout autre quadrupède, un homme estimable fait pour vous de grandes démarches. Quand vous apercevez trois figures l'une auprès de l'autre, attendez quelque emploi honorable. Si vous distinguiez une couronne de croix, un homme de vos parents mourrait dans l'année. Une couronne de triangles ou de carrés annonce la mort d'une de vos parentes également dans l'année qui court. Un bouquet composé de quatre fleurs, ou d'un plus grand nombre, est le plus heureux de tous les présages.
Mardi, si on rogne ses ongles les jours de la semaine qui ont un R, comme le mardi, le mercredi, le vendredi, les bonnes gens disent qu'il viendra des envies aux doigts.
Maréchal de salon. Voir MICHEL
Marentakein, arbrisseau des spectres. Voir GUTIIEL
Margaritomancie, divination par les perles. On en pose une auprès du feu. On la couvre d'un vase renversé. On l'enchante en récitant les noms de ceux qui sont suspects. Si quelque chose a été dérobé au moment où le nom du larron est prononcé, la perle bondit en haut et perce le fond du vase pour sortir. C'est ainsi qu'on reconnaît le coupable.
Maréchal de salon. Voir MICHEL
Marentakein, arbrisseau des spectres. Voir GUTIIEL
Margaritomancie, divination par les perles. On en pose une auprès du feu. On la couvre d'un vase renversé. On l'enchante en récitant les noms de ceux qui sont suspects. Si quelque chose a été dérobé au moment où le nom du larron est prononcé, la perle bondit en haut et perce le fond du vase pour sortir. C'est ainsi qu'on reconnaît le coupable.
Marguerite, est une princesse hollandaise qui vivait au XIIIe siècle. Ayant refusé brutalement l'aumône à une pauvre trois qui avait plusieurs enfants et lui ayant reproché sa fécondité, cette pauvresse lui prédit qu'elle-même aurait autant d'enfants qu'il y a de jours dans l'an. Elle accoucha en effet de 365 enfants qui furent présentés sur deux grands plats à Loosduynen prés de La Haye, où cette histoire n'est pas mise en doute, et où les deux plats ont été conservés ainsi que le tombeau des 365 enfants, morts aussitôt après leur baptême.
Marguerite, Marguerite est une Italienne, qui avait un esprit familier. Lenglet-Dufresnoy rapporte ainsi son histoire, sur le témoignage de Cadran:
« Il y avait à Milan une femme, nommée Marguerite, qui publiait partout qu'elle avait un diable ou esprit familier qui la suivait et l'accompagnait partout, mais qui pourtant s'absentait deux ou trois mois de l'année. Elle trafiquait de cet esprit, car souvent elle était appelée en beaucoup de maisons, et incontinent qu'on lui avait fait commandement d'évoquer son esprit, elle courbait la tête ou l'enveloppait de son tablier, et commençait à l'appeler et adjurer en sa langue italienne.
Il se présentait soudain à elle et répondait à son évocation. La voix de cet esprit ne s'entendait pas auprès d'elle, mais loin, comme si elle fût sortie de quelque trou de muraille. Et si quelqu'un se voulait approcher du lieu où la voix de cet esprit résonnait, il était étonné qu'il ne l'entendait plus en ce lieu, mais en quelque autre coin de la maison. Quant à sa voix, elle n'était point articulée ni formée de manière qu'on la put entendre, mais elle était grêle et faible, de sorte qu'elle se pouvait dire plutôt un murmure qu'un son de voix. Et après que cet esprit avait ainsi sifflé et murmuré, cette vieille lui servait de truchement, et faisait entendre aux autres ce qu'il avait dit.
Elle a demeuré en quelques maisons où il y a des femmes qui ont observé ses façons de faire, qui disent qu'elle enferme quelquefois cet esprit en un linceul, et qu'il a coutume de lui mordre la bouche tellement qu'elle a presque toujours les lèvres ulcérées. Cette misérable femme est en si grande horreur à tout le monde à cause de cet esprit, qu'elle ne trouve personne qui la veuille loger ou fréquenter avec elle. »
Nous n'ayons pas besoin d'ajouter que c'était là un tour de ventriloquie.
« Il y avait à Milan une femme, nommée Marguerite, qui publiait partout qu'elle avait un diable ou esprit familier qui la suivait et l'accompagnait partout, mais qui pourtant s'absentait deux ou trois mois de l'année. Elle trafiquait de cet esprit, car souvent elle était appelée en beaucoup de maisons, et incontinent qu'on lui avait fait commandement d'évoquer son esprit, elle courbait la tête ou l'enveloppait de son tablier, et commençait à l'appeler et adjurer en sa langue italienne.
Il se présentait soudain à elle et répondait à son évocation. La voix de cet esprit ne s'entendait pas auprès d'elle, mais loin, comme si elle fût sortie de quelque trou de muraille. Et si quelqu'un se voulait approcher du lieu où la voix de cet esprit résonnait, il était étonné qu'il ne l'entendait plus en ce lieu, mais en quelque autre coin de la maison. Quant à sa voix, elle n'était point articulée ni formée de manière qu'on la put entendre, mais elle était grêle et faible, de sorte qu'elle se pouvait dire plutôt un murmure qu'un son de voix. Et après que cet esprit avait ainsi sifflé et murmuré, cette vieille lui servait de truchement, et faisait entendre aux autres ce qu'il avait dit.
Elle a demeuré en quelques maisons où il y a des femmes qui ont observé ses façons de faire, qui disent qu'elle enferme quelquefois cet esprit en un linceul, et qu'il a coutume de lui mordre la bouche tellement qu'elle a presque toujours les lèvres ulcérées. Cette misérable femme est en si grande horreur à tout le monde à cause de cet esprit, qu'elle ne trouve personne qui la veuille loger ou fréquenter avec elle. »
Nous n'ayons pas besoin d'ajouter que c'était là un tour de ventriloquie.
Marguerite de Navarre, cette reine, malade, vit la nuit une grande lumière, et, apprenant que c'était une comète, elle regarda cette apparition comme l'annonce de sa mort. Quoiqu'elle ne se sentit pas trop mal, elle s'y prépara, frappée, et mourut en effet trois jours après.
Mariacho de Molères, insigne sorcière qui fut accusée par une jeune fille nommée Marie Aspiculette, âgée de dix-neuf ans, de l'avoir menée au sabbat, l'emportant sur son cou après s'être frottée d'une eau épaisse et verdâtre, dont elle se graissait les mains, les hanches et les genoux.
Mariage, on a plusieurs moyens de connaître quand et avec qui on se mariera. M. Chopin conte qu'en Russie les jeunes filles curieuses de connaître si elles seront mariées dans l'année forment un cercle dans lequel chacune répand devant soi une pincée de grains d'avoine. Cela fait, une trois placée au centre, et tenant un coq enveloppé, tourne plusieurs fois sur elle-même en fermant les yeux et lâche l'animal, qu'on a eu soin d'affamer. Il ne manque pas d'aller picoter le grain. Celle dont l'avoine a été la première entamée peut compter sur un prochain mariage. Plus le coq y met d'avidité, et plus promptement l'union pronostiquée doit se conclure.
De même, ceux qui désirent apprendre (toujours chez les Russes) si une jeune fille se mariera bientôt, font un treillage en forme de pont avec de petites branches entrelacées, et le mettent sous son chevet sans qu'elle s'en aperçoive. Le lendemain on lui demande ce qu'elle a vu en songe. Si elle raconte avoir passé un pont avec un jeune homme, c'est un signe infaillible qu'elle lui sera unie la même année. Cette divination s'appelle en russe most mastite.
S'il est naturel à une jeune fille russe de désirer le mariage, il ne l'est pas moins qu'elle souhaite de connaître celui qui sera son époux. Le moyen suivant satisfait sa curiosité. Elle se rend à minuit dans une chambre écartée où sont préparés deux miroirs placés parallèlement vis-à-vis l'un de l'autre et éclairés de deux flambeaux. Elle s'assied et prononce par trois fois ces mots: Kto moy soujnoy kto moy riajnoy, tot pokajetsia mnie (Que celui qui sera mon époux m'apparaisse). Après quoi elle porte ses regards sur l'un des miroirs, et la réflexion lui présente une longue suite de glaces. Sa vue doit se fixer sur un espace éloigné et plus obscur, où l'on prétend que se fait l'apparition. On conçoit que plus le lieu observé paraît éloigné, et plus il est facile à l'imagination déjà préoccupée de se faire une illusion. On se sert du même procédé pour savoir ce que font des personnes absentes.
On lit également dans Les admirables secrets du petit Albert, cette manière de connaître avec qui on s'unira. Il faut avoir du corail pulvérisé et de la poudre d'aimant, et les délayer ensemble avec du sang de pigeon blanc. On fera un petit peloton de pâte qu'on enveloppera dans un morceau de taffetas bleu. On se le pendra au cou. On mettra sous son chevet une branche de myrte vert, et on verra en songe la personne qu'on doit épouser. Les filles ou veuves obtiennent le même résultat en liant une branche de peuplier avec leurs chausses sous le chevet, et se frottant les tempes avant de dormir d'un peu de sang de huppe.
On croit aussi dans plusieurs provinces que les époux qui mangent ou boivent avant la célébration du mariage ont des enfants muets.
Marie Mariagrane est une sorcière qui dit avoir vu souvent le diable, et qui se trouve citée dans De L'Ancre.
Marigny, Enguerrand de Marigny était un ministre de Louis X, roi de France. Alix de Mons, trois d'Enguerrand, et la dame de Canteleu, sa sœur, furent accusées d'avoir eu recours aux sortilèges pour envoûter le roi, messire Charles son frère et autres barons, et d'avoir fait des maléfices pour faire évader Enguerrand qui était emprisonné. On fit arrêter les deux dames.
Jacques Dulot, magicien, qui était censé les avoir aidées de ses sortilèges, fut mis en prison. Sa femme fut brûlée, et son valet pendu. Dulot, craignant pareil supplice, se tua ou fut tué dans son cachot. Le comte de Valois, oncle du roi, lui fit considérer que la mort volontaire du magicien était une grande preuve contre Marigny. On montra au monarque les images de cire. Il se laissa persuader et déclara qu'il ôtait sa main de Marigny, et qu'il l'abandonnait à son oncle.
On assembla aussitôt quelques juges. La délibération ne fut pas longue: Marigny fut condamné, malgré sa qualité de gentilhomme, à être pendu comme sorcier. L'arrêt fut exécuté la veille de l'Ascension, et son corps fut attaché au gibet de Montfaucon, qu'il avait fait relever durant son ministère.
Le peuple, que l'insolence du ministre avait irrité, se montra touché de son malheur. Les juges n'osèrent condamner sa femme et sa sœur. Le roi lui-même se repentit d'avoir abandonné Marigny à ses ennemis. Et dans son testament, il laissa une somme considérable à sa famille, en considération, dit-il, de la grande infortune qui lui était arrivée.
Marionnettes, On croyait autrefois que dans les marionnettes logeaient de petits démons.
Marissane, Un jeune homme de 15 ou 16 ans, nommé Christoval de la Garrade fut enlevé, sans graisse ni onguent, par Marissane de Tartras, sorcière, laquelle le porta si loin et si haut, à travers les airs, qu'il ne put reconnaître le lieu du sabbat. Mais il avoua qu'il avait été bien étrillé pour n'avoir pas voulu y prendre part, et sa déposition fut une des preuves qui firent brûler la sorcière. Pourtant il pouvait n'avoir fait qu'un rêve.
Marius, Marius menait avec lui une sorcière scythe qui lui pronostiquait le succès de ses entreprises.
Marlowe Christopher, (baptisé le à Cantorbéry – mort le à Deptford) est un dramaturge, poète et traducteur anglais de l'ère élisabéthaine.
Tragédien élisabéthain contemporain de Shakespeare (qui est né en avril de la même année), il est connu pour sa maîtrise du pentamètre iambique, pour ses protagonistes emblématiques, ainsi que pour sa mort violente, prématurée et entourée de mystère. Il passe pour l'un des précurseurs de la tragédie moderne, pour le créateur du vers blanc, et pour père fondateur du drame élisabéthain.
Christopher Marlowe est le fils de John Marlowe, un cordonnier franc-bourgeois de Canterbury, et de sa femme Catherine Arthur. Cet artisan n'est pas riche, mais son métier lui procure cependant suffisamment de ressources pour élever correctement sa famille, qui est nombreuse. À sa mort, il lègue à sa femme, entre autres, quelques bagues en or, des couverts en argent et une centaine de shillings, et chacune des trois filles reçoit un trousseau. Peu de temps avant son quinzième anniversaire, date limite d'admission, Christopher entre comme boursier à la King's School, école secondaire où on apprend à parler et écrire le latin. On ignore pourquoi il y entre si tard, puisque l'admission peut se faire dès l'âge de neuf ans. Il y est inscrit les trois derniers trimestres de l'année scolaire 1578/79, et il y reste aussi sans doute l'année suivante.
Deux ans plus tard, en 1581, il entre au Corpus Christi College de l'université de Cambridge grâce à l'une des trois bourses créées par l'archevêque Matthew Parker. L'obtention de cette bourse contredit l'impression défavorable laissée par son entrée tardive à la King's School, et si son montant ne lui permet pas le train de vie des fils de famille qui vivent aux frais de leurs parents, elle lui évite l'existence misérable des sizars, qui doivent se faire domestiques pour subsister. Il reçoit 1 shilling par semaine de présence réelle à l'université, et les comptes de l'université permettent ainsi de connaître son assiduité, qui n'était pas fameuse (présence de 15 à 19 semaines par an), mais qui correspond à celle des autres boursiers.
On ignore où il passe ses périodes d'absence de l'université, et, les chercheurs en sont réduits aux conjectures pour imaginer comment il subvient alors à ses besoins. Certains pensent qu'il se met au service du gouvernement de la reine ou de quelque grand personnage. Il obtient le diplôme de Bachelor of Arts à Pâques 1584, 199e sur 231, et son diplôme final de Master of Arts le 31 mars 1587 avec un rang meilleur, mais pour lequel il faut l'intervention du Conseil Privé de la reine.
En 1587, l'université dont il suit les cours — le Corpus Christi College de Cambridge — hésite à lui accorder son diplôme de Master of Arts à cause d'une rumeur selon laquelle il se serait converti au catholicisme romain, et aurait essayé de s'inscrire au lycée anglais de Reims, pour y suivre des études de théologie en vue de devenir prêtre. Il faut que le Conseil privé de la reine intervienne en sa faveur, pour que ce diplôme lui soit finalement remis en même temps que les autres étudiants, lors de la cérémonie solennelle d'investiture du Commencement Day de juillet 1587. Le Conseil privé est alors la plus haute institution du royaume, sorte de ministère responsable, non devant le Parlement, mais seulement devant la reine. Cette intervention se traduit par une note du Conseil privé, écrite par les « Seigneuries » le composant, adressée à la direction de l'université et datée du 29 juin 1587, que le Dr Hotson a retrouvée dans les archives du Public Records Office — Acts of Privy Council. Cette note dit ceci :
L'écrivain Charles Nicholl avance l'hypothèse selon laquelle Marlowe aurait été recruté alors qu'il était à Cambridge. Les registres de l'époque indiquent effectivement que Marlowe avait à son actif plusieurs séries d'absences de l'université sur des périodes étonnamment longues — plus longues que ce que le règlement de l'université permettait — à partir de l'année académique 1584-1585. Les registres du restaurant scolaire de l'école indiquent qu'il commençait à dépenser des sommes considérables en nourriture et en boisson — plus que les dispositions financières de sa bourse n'autorisaient.
On a parfois émis l'idée selon laquelle Marlowe aurait en fait été le véritable Morley, tuteur d'Arbella Stuart en 1589. John Baker pense que seul Marlowe pouvait être le tuteur d'Arbella du fait de l'absence d'autre Morley diplômé de Cambridge à cette période. Si Marlowe était effectivement le tuteur d'Arbella, cet élément tendrait à prouver que Marlowe était effectivement espion, puisque Arbella, nièce de Marie reine d'Écosse, cousine de Jacques VI d'Écosse, plus tard Jacques Ier d'Angleterre, était à l'époque un candidat prééminent à la succession au trône d'Élisabeth.
Son Master of Arts en poche, il se rend à Londres, où il intègre la troupe de l'amiral, pour laquelle il écrit la plupart de ses pièces. Il bénéficie de la protection et de l'amitié de Thomas Walsingham, fils ou cousin de Francis Walsingham, et de sir Walter Raleigh, et il fréquente avec panache le milieu brillant des poètes élisabéthains de Londres. Il est accusé, non sans raison, de tenir des propos athées, mais il n'est pas reconnu coupable de professer l'athéisme, quoique sa comparution devant le Conseil privé en mai 1593 soit peut-être en rapport avec cette accusation.
À côté de sa carrière de dramaturge, Marlowe mène une existence mystérieuse, turbulente et parfois violente. Le 18 septembre 1589, il s'engage dans une rixe avec un certain Bradley dans Hog Lane, à l'extérieur de la cité. Thomas Watson, un autre poète protégé aussi par Thomas Walsingham comme Marlowe, arrive à ce moment, et, en tentant de s'interposer entre les deux adversaires, Watson tue Bradley d'un coup d'épée. Les deux hommes sont arrêtés et incarcérés à la prison de Clerkenwell. Marlowe est libéré le 1er octobre contre une caution de 40 livres, somme très importante à l'époque, payée par Richard Kytchine et Humphrey Rowland. Marlowe est acquitté le 3 décembre, Watson, quant à lui, obtient son pardon, étant considéré en état de légitime défense. Cet épisode montre le caractère emporté de Marlowe, et semble une répétition de la scène de sa mort.
En 1592, Marlowe est arrêté dans la ville flamande de Flushing (Flessingue) pour tentative de contrefaçon d'argent et utilisation de procédés destinés à aider des Catholiques séditieux. Il est condamné à une amende, mais aucune peine d'emprisonnement n'est retenue. Cette arrestation tend à nouveau à conforter la théorie d'un Marlowe espion : en cherchant à offrir cette fausse monnaie à la cause catholique, il est probable qu'il cherche à infiltrer les proches du comploteur catholique William Stanley.
Pour Anthony Burgess (qui lui a consacré une thèse) et d'autre critiques, il ne saurait y avoir de doute quant à l'homosexualité de Marlowe : le dramaturge a vécu avec plusieurs hommes (Thomas Bradley, Richard Baines, Thomas Kyd et Thomas Walsingham), ne s'est jamais marié et aurait affirmé que « celui qui n'aime ni le tabac ni les garçons rate quelque chose ».
Le 12 mai 1593, la police perquisitionne au domicile de Thomas Kyd, un dramaturge, auteur notamment de La Tragédie espagnole, et y découvre le fragment d'un essai contre la Trinité, ce qui rend celui-ci coupable d'hérésie, considérée alors comme un crime. Kyd est soumis à la question sous la forme du supplice du chevalet, et il finit par avouer que ces papiers appartiennent à Marlowe, et qu'ils se sont mêlés par erreur aux siens à l'époque où ils partageaient la même chambre. Il charge Marlowe, disant qu'il est irréligieux, athée, violent, cruel, qu'il aime à proférer des blasphèmes sur Marie, sur le Christ et saint Jean. Le Conseil privé lance contre Marlowe un mandat d'amener le 18 mai, et le 20 mai Marlowe se présente au Conseil. Après l'avoir entendu, le Conseil ne juge pas utile de l'emprisonner ; il lui demande simplement de se tenir à sa disposition tous les jours. On ignore si ce sont les déclarations de Marlowe qui ont paru satisfaisantes au Conseil, ou si ce sont les anciens services rendus qui lui font bénéficier d'un régime autrement plus doux que celui subi par Kyd.
Dix jours plus tard, le , Marlowe n'a pas suivi les recommandations du Conseil privé de se tenir à sa disposition, puisqu'il se trouve à Deptford, petite agglomération située alors en dehors de Londres, accompagné de trois autres personnes : Ingram Frizer, Nicholas Skeres et Robert Poley. Les historiens proposent plusieurs hypothèses sur son départ de Londres. Soit Marlowe est sur le point de s'enfuir, par exemple pour l'Écosse — Deptford est un port — pour échapper à l'enquête du Conseil privé. Soit il agit dans le cadre d'une nouvelle mission d'espionnage ordonnée par le Conseil, au moins une des trois personnes, Robert Poley, étant un espion avéré. Soit enfin, il s'agit d'une mise en scène pour éliminer Marlowe, qui pourrait compromettre des hauts personnages s'il était soumis à la question comme Kyd.
Le soir de ce jour, le coroner, William Danby, appelé pour un homicide, recueille le récit suivant fait par les trois compagnons de Marlowe, seuls témoins du drame. À 10 heures du matin, ils se trouvent chez la veuve Eleanor Bull qui tient une auberge. Ils y déjeunent, puis se promènent tranquillement dans le jardin de la maison jusqu'à 18 heures. Ils rentrent alors pour dîner, et après le repas, Marlowe va s'allonger sur un lit dans la même pièce, tandis que les trois autres personnes restent assises à table, dos à lui, Frizer étant encadré par les deux autres. Une dispute s'engage alors entre Marlowe et Frizer au sujet de la note à payer. Au bout d'un moment, Marlowe se lève, saisit la dague que Frizer porte dans le dos comme il est d'usage alors, et frappe deux fois celui-ci à la tête, lui faisant deux estafilades longues de 5 cm. Frizer, coincé entre ses deux compagnons, ne peut s'enfuir, et il doit, pour sauver sa vie, lutter avec Marlowe. Il lui saisit la main, parvient à retourner l'arme et l'enfonce profondément dans l’œil droit de Marlowe, qui meurt sur le champ.
Ce récit est jugé satisfaisant par le coroner et par le jury, qui considèrent que Frizer n'a pas fui, qu'il n'a pas cherché à se soustraire à la justice, et qu'il a agi en état de légitime défense. Un mois plus tard, le 28 juin, Frizer obtient son pardon de la cour qui agit au nom de la reine. Pendant des siècles, la mort de Marlowe a fait l'objet de spéculations, car les circonstances du drame, rapportées par divers intermédiaires aux motivations différentes, restaient obscures. Ce n'est qu'au début du XXe siècle que l'érudit américain, J. Leslie Hotson, découvre dans les archives criminelles le rapport du coroner résumé ci-dessus, puis les documents du procès, et enfin, dans d'autres archives, quelques éléments de la vie de Frizer et de Skeres.
Toutefois les circonstances de sa mort restent toujours mystérieuses : la version du drame n'est attestée que par les trois seules personnes présentes, qui auraient pu avoir intérêt à cacher la vérité. Ainsi les trois témoins reconnaissent que l'arme du meurtre appartient à Frizer, qui aurait pu tuer Marlowe, avant de maquiller cet acte en une dispute qui a mal tourné en se blessant, de manière volontaire, légèrement à la tête. Holtson a établi qu'Ingram Frizer est un « serviteur » de Thomas Walsingham, serviteur pouvant signifier aussi bien domestique que protégé, tout comme Marlowe était, dans ce sens, serviteur de ce même maître. Chacun de ces trois hommes est qualifié de « gentleman » dans le rapport du coroner, ce qui exclut qu'ils soient domestiques. Skeres est un intime de Frizer, et Hotson trouve trace d'affaires assez louches qu'ils mènent tous deux pendant plusieurs années après la mort de Marlowe, avant que Skeres ne soit arrêté « en très dangereuse compagnie » et mis en prison pour six années. Enfin Hotson établit que le dernier personnage, Robert Poley, est un espion à la solde de Francis Walsingham. Poley a notamment été chargé en 1586 de surveiller le complot de Marie Ire d'Écosse.
Hotson conclut que, contrairement à ce qui a souvent été écrit, Marlowe n'était pas accompagné de personnes socialement inférieures à lui, et qu'une dispute a fort bien pu éclater, entre égaux, pour une question de partage des frais, tel que cela a été rapporté.
Comme pour d'autres écrivains de l'époque, on sait peu de chose à propos de Marlowe. Le peu de sources concrètes dont nous disposons aujourd'hui sont consultables dans les registres judiciaires et autres documents officiels de l'époque. Ce manque de sources sûres n'a cependant pas empêché des écrivains, tant de fiction que de livres à valeur biographique ou historique, de spéculer quant à ses activités et à son caractère. On a souvent décrit Marlowe comme un espion, un bagarreur et un hérétique, mais aussi comme un magicien, duelliste, priseur de tabac, faussaire. Les sources supportant ces affirmations sont très minces, voire inexistantes. Les simples faits de la vie de Marlowe ont d'ailleurs été embellis par de nombreux auteurs, lui faisant prendre la forme d'une sorte de héros des bas-fonds élisabéthains qu'il n'était peut-être pas. Cependant, J.B. Steane remarque qu'il "semble absurde de récuser ces rumeurs et accusations comme faisant purement partie du mythe Marlowe".
Marot, Mahomet cite l'histoire des deux anges Arot et Marot pour justifier la défense qu'il fait de boire du vin.
« Dieu, dit-il, chargea Arot et Marot d'une commission sur la terre. Une jeune dame les invita à dîner, et ils trouvèrent le vin si bon qu'ils s'enivrèrent. Ils remarquèrent alors que leur hôtesse était belle, s'éprirent d'amour et se déclarèrent. Cette dame, qui était sage, répondit qu'elle ne les écouterait que quand ils lui auraient appris les mots dont ils se servaient pour monter au ciel. Dès qu'elle les sut, elle s'éleva jusqu'au trône de Dieu, qui la transforma, pour prix de sa vertu, en une étoile brillante (c'est l'étoile du matin), et qui condamna les deux anges ivrognes à demeurer jusqu'au jour du jugement suspendus par les pieds dans le puits de Babel, que les pèlerins musulmans vont visiter encore auprès de Bagdad. »
Marque du diable, On sait que les sorcières qui vont au sabbat sont marquées par le diable, et ont particulièrement un endroit insensible, que les juges ont fait quelquefois sonder avec de longues épingles. Lorsque les prévenues ne jettent aucun cri et ne laissent voir aucune souffrance, elles sont réputées sorcières et condamnées comme telles, parce que c'est une preuve évidente de leur transport au sabbat.
De L'Ancre ajoute que tontes celles qui ont passé par ses mains ont avoué toutes ces choses lorsqu'elles furent jetées au feu. Bodin prétend que le diable ne marque point celles qui se donnent à lui volontairement et qu'il croit fidèles. Mais De L'Ancre rejette cette assertion en disant que toutes les plus grandes sorcières qu'il a vues avaient une ou plusieurs marques, soit à l'œil, soit ailleurs. Ces marques ont d'ordinaire la forme d'un petit croissant ou d'une griffe ou d'une paire de cornes qui font la fourche.
Marquis de l'enfer, Les marquis de l'enfer, comme Phœnix, Cimeries, Andras, sont, ainsi que chez nous, un peu supérieurs aux comtes. On les évoque avec fruit depuis trois heures du soir jusqu'à la chute du jour.
Marsay, voir Obereit
Martibel (Sarena ou Séréna), sorcière du diocèse de Soissons au quinzième siècle. Des témoins déclarèrent l'avoir vue danser au sabbat avec quatre crapauds habillés, l'un sur son épaule gauche, l'autre sur son épaule droite, et les deux autres sur ses deux poings, où ils se tenaient comme les faucons ou les éperviers sur le poing du chasseur.
Martin (Saint), un jour que Saint Martin de Tours disait la messe, le diable entra dans l'église avec l'espoir de le distraire. C'est une naïve historiette de La Légende dorée; elle est représentée dans une église de Brest. Elle parut à Grosnet un trait si joli qu'il le mit en vers. Le diable était, selon cet ancien poète, dans un coin de l'église écrivant sur un parchemin les caquets des femmes et les propos inconvenants qu'on tenait à ses oreilles pendant les saints offices. Quand sa feuille fut remplie, comme il avait encore bien des notes à prendre, il mit le parchemin entre ses dents et le tira de toutes ses forces pour l'allonger; mais la feuille se déchira, et la tête du diable alla frapper contre un pilier qui se trouvait derrière lui. Saint Martin, qui se retournait alors pour le Dominus vobiscum, se mit à rire de la grimace du diable et perdit ainsi le mérite de sa messe, au jugement du moins de l'esprit malin, qui toutefois se hâta de fuir.....
Martin (Marie), sorcière du bourg de la Neuf-Ville-le-Roi, en Picardie, qui fut arrêtée pour avoir fait mourir des bêtes et des hommes par sortilège ou plutôt par maléfice, car au moins ce mot veut dire mauvaise action. Un magicien qui passait par là la reconnut, et, sur son avis, la sorcière fut rasée. On lui trouva la marque du diable, ayant l'empreinte d'une patte de chat. Elle dit au juge qu'elle se reconnaissait coupable. Traduite à la prévôté, elle avoua qu'elle était sorcière, qu'elle jetait des sorts au moyen d'une poudre composée d'ossements de trépassés; que le diable Cerbérus lui parlait ordinairement. Elle nomma les personnes qu'elle avait ensorcelées et les chevaux qu'elle avait maléficiés. Elle dit encore que, pour plaire à Cerbérus, elle n'allait pas à la messe deux jours avant de jeter ses sorts; elle conta qu'elle était allée au chapitre tenu par Cerbérus, et qu'elle y avait été conduite la première fois par Louise Morel, sa tante. Dans son second interrogatoire, elle déclara que la dernière fois qu'elle était allée au sabbat c'était à Varipon, près Noyon; que Cerbérus, vêtu d'une courte robe noire, ayant une barbe noire, coiffé d'un chapeau à forme haute, tenait son chapitre près des haies dudit Varipon, et qu'il appelait là par leurs noms les sorciers et les sorcières. Elle fut condamnée par le conseil de la ville de Montdidier à être pendue, le 2 juin 1586. Elle en appela au parlement de Paris, qui rejeta le pourvoi. Son exécution eut lieu le 25 juillet de la même année.
Martin (Thomas), laboureur de Gaillardon en Beauce, qui eut, dans un de ses champs, le 15 janvier 1816, vers deux heures de l'après-midi, un vision d'un personnage vêtu de blanc, lequel le chargea d'une mission pour le roi Louis XVIII. Il eut beau s'en défendre, la vision se représenta tant de fois qu'on le fit partir pour Paris, où, après avoir été minutieusement examiné par les plus habiles médecins, il fut admis devant le roi, avec qui il s'entretint seul à seul pendant une heure. Quelques-uns ont cru que Martin était un halluciné, ce qui n'a pu être établi. On a publié cette aventure plusieurs fois. La meilleur relation est celle qui a été éditée chez Hivert, à Paris, en 1831, petit in-8°. Martinet, démon familier, qui accompagnait les magiciens et leur défendait de rien entreprendre sans sa permission, ni de sortir d'un lieu sans le congé de maître Martinet. Quelquefois aussi il rendait service aux voyageurs, en leur indiquant les chemins les plus courts, ce qui était de la complaisance.
Martre, on croit, en Russie, que la peau de martre est un préservatif assuré contre les charmes, sortilèges et maléfices.
Marthym ou Bathym, duc aux enfers, grand et fort: il a l'apparence d'un homme robuste, et au derrière une queue de serpent. Il monte un cheval d'une blancheur livide. Il connaît les vertus des herbes et des pierres précieuses. Il transporte les hommes d'un pays dans un autre avec une vitesse incroyable. Trente légions lui obéissent.
Mascarades. Les Gaulois croyaient que Mithra présidait aux constellations. Ils l'adoraient comme le principe de la chaleur, de la fécondité, et des bonnes et mauvaises influences. Les initiés à ses mystères étaient partagés en plusieurs confréries, dont chacune avait pour symbole une constellation. Les confrères célébraient leurs fêtes, et faisaient leurs processions et leurs festins, déguisés en lions, en béliers, en ours, en chiens, etc., c'est-à-dire sous les figures qu'on suppose à ces constellations. Voilà sans doute, selon Saint-Foix, l'origine de nos mascarades.
On demandait à un Turc revenu d'Europe ce qu'il y avait vu de remarquable. « A Venise, répondit-il, ils deviennent fous pendant un temps de l'année. Ils courent déguisés par les rues, et cette extravagance augmente au point que les ecclésiastiques sont obligés de l'arrêter. De savants exorcistes font venir les malades un certain jour (le mercredi des Cendres), et aussitôt qu'ils leur ont répandu un peu de cendres sur la tête, le bon sens leur revient, et ils retournent à leurs affaires.»
Massaliens ou Messaliens, les Massaliens sont des illuminés des premiers siècles qui croyaient que chaque homme tire de ses parents et apporte en lui un démon qui ne le quitte pas. Ils faisaient de longues prières pour le dompter. Après quoi, ils dansaient et se livraient à des contorsions et à des gambades, en disant qu'ils sautaient sur le diable.
Une autre secte de Massaliens au Xe siècle admettait deux dieux, nés d'un premier être. Le plus jeune gouvernait le ciel, l'aîné présidait à la terre. Ils nommaient le dernier Sathan, et supposaient que les deux frères se faisaient une guerre continuelle, mais qu'un jour ils devaient se réconcilier.
Mastication, les anciens croyaient que les morts mangeaient dans leurs tombeaux. On ne sait pas s'ils les entendaient mâcher, mais il est certain qu'il faut attribuer à l'idée qui conservait aux morts la faculté de manger l'habitude des repas funèbres qu'on servait de temps immémorial, et chez tous les peuples sur la tombe du défunt.
L'opinion que les spectres se nourrissent est encore répandue dans le Levant.
Il y a longtemps que les Allemands sont persuadés que les morts mâchent, comme des porcs dans leurs tombeaux, et qu'il est facile de les entendre grogner en broyant ce qu'ils dévorent. Philippe Kherius, au XVIIe siècle, et Michel Raufit, au commencement du XVIIIe, ont même publié des Traités sur les morts qui mâchent dans leurs sépulcres. Ils disent qu'en quelques endroits de l'Allemagne, pour empêcher les morts de mâcher, on leur met dans le cercueil une motte de terre sous le menton. Ailleurs on leur fourre dans la bouche une petite pièce d'argent, et d'autres leur serrent fortement la gorge avec un mouchoir. Ils citent ensuite plusieurs morts qui ont dévoré leur propre chair dans leur sépulcre.
On doit s'étonner de voir des savants trouver quelque chose de prodigieux dans des faits aussi naturels. Pendant la nuit qui suivit les funérailles du comte Henri de Salm, on entendit dans l'église de l'abbaye de Haute-Seille, où il était enterré, des cris sourds que les Allemands auraient sans doute pris pour le grognement d'une personne qui mâche. Et le lendemain, le tombeau du comte ayant été ouvert, on le trouva mort, mais renversé et le visage en bas, au lieu qu'il avait été inhumé sur le dos. On l'avait, enterré vivant, comme on en a enterré tant d'autres.
On doit attribuer à une cause semblable l'histoire rapportée par Raufit, d'une trois de Bohème, qui, en 1345 mangea, dans sa fosse, la moitié de son linceul sépulcral.
Au XVIIIe siècle, un pauvre homme ayant été inhumé précipitamment dans le cimetière, on entendit pendant la nuit du bruit dans son tombeau. On l'ouvrit le lendemain, et on trouva qu'il s'était mangé les chairs des bras. Cet homme, ayant bu de l'eau-de-vie avec excès, avait été enterré vivant.
Une demoiselle d'Augsbourg étant tombée en léthargie, on la crut morte, et son corps fut mis dans un caveau profond, sans être rouvert de terre. On entendit bientôt quelque bruit dans son tombeau, mais on n'y fit pas attention. Deux ou trois ans après, quelqu'un de la famille mourut. On ouvrit le caveau, et l'on trouva le corps de la demoiselle auprès de la pierre qui en fermait l'entrée. Elle avait inutilement tenté de déranger cette pierre. Elle n'avait plus de doigts à la main droite, qu'elle s'était dévorée de désespoir.
Mastiphal, est le nom qu'on donne au prince des démons dans un livre apocryphe cité par Cedrenus, et qui a pour titre: la petite Genèse.
Matchi-Manitou, est un esprit malfaisant, auquel les sauvages de l'Amérique septentrionale attribuent tous les maux qui leur arrivent. Ce mauvais génie n'est autre que la lune. Plusieurs de ces sauvages s'imaginent que les orages sont causés par l'esprit de la lune. Ils jettent à la mer ce qu'ils ont de plus précieux dans leurs canots, espérant apaiser par ces offrandes l'esprit irrité.
Matchi-Manitou est un mauvais génie, auquel les sauvages de l'Amérique septentrionale attribuent tout le mal qui leur arrive. Le Matchi-Manitou est l'esprit de la lune.
Matière, c'est le culte de la matière qui a donné naissance à la cabale et à toutes les sciences occultes.
Matignon (Jacques Goyon de), gentilhomme, qui servit Henri III et Henri IV. Ses envieux, apparemment pour le décrier, disaient que l'esprit, l'habileté, la prudence, le courage n'étaient point naturellement en lui, mais qu'ils lui venaient d'un pacte qu'il avait fait avec le diable. Il fallait que ce diable fût une bonne créature, dit Saint-Foix, puisque Matignon donna, dans toutes les occasions, des marques d'un caractère plein de douceur et d'humanité.
Matignon (le P.A.de), de la compagnie de Jésus, a publié en 1861 la Question du surnaturel, vol. in-12, qui traite du merveilleux et notamment du spiritisme, et, en 1862, les Morts et les Vivants, entretiens sur les communications d'outre-tombe, vol. in-12, qui se rattache au précédent.
Matthieu Laensberg, liégeois célèbre qui passe parmi le peuple pour le plus grand mathématicien, astrologue et prophète des temps modernes. C'était un bon chanoine, qui donnait dans l'astrologie. Ses prédictions trouvent encore, dans les campagnes, de bonnes gens qui se feraient scrupule d'en douter, et qui, quand son almanach prédit de la pluie pour un jour de beau temps, se contentent de dire: "Il pleut ailleurs." Le premier almanach de Matthieu Laensberg a paru en 1636.
Matzou, divinité chinoise. C'était, suivant quelques auteurs, une magicienne.
Maupertuis, voir HALLUCINATION.
Maurice, empereur, couronné en 582. On lit dans sa vie qu'étant petit enfant, il fut enlevé et emporté plusieurs fois, par les esprits appelés Gellons; mais qu'ils ne lui purent faire aucun mal, à cause de son baptême.
Maury (Alfred), savant de notre époque qui a écrit avec une grande érudition sur la magie et l'astrologie, mais pour nier la magie, malgré ses évidences. Nous n'entendons ici par la magie que les relations avec les mauvais esprits qui nous entourent.
Maury (Jean-Siffrein), Un colporteur, en 1702, pour mieux piquer la curiosité du peuple de Paris, criait, en vendant ses pamphlets: « Mort de l'abbé Maury! » L'abbé passe, s'en approche, lui donne un soufflet et lui dit: « Tiens, si je suis mort, au moins tu croiras aux revenants. »
Mécanique. Ainsi que toutes les sciences compliquées, la mécanique a produit des combinaisons surprenantes qui ont été reçues autrefois comme des prodiges. Ce qui a le plus étonné les esprits, c'est l'automate qu'on appelait aussi androïde.
Jean Muller, savant du XVe siècle, plus connu sous le nom de Regiomontanus, fît, dit-on, un aigle-automate qui avait la faculté de se diriger dans les airs. Il devançait le canard-automate de Vaucanson qui barbotait, voltigeait, cancanait et digérait.
Aulu-Gelle rapporte qu'Architas, dans l'antiquité, avait construit un pigeon qui prenait son vol, s'élevait à une certaine hauteur et revenait à sa place.
On attribue à Roger Bacon une tête qui prononçait quelques paroles. Vaucanson fit un joueur de flûte qui exécutait plusieurs airs. Jacques Droz, son contemporain, fît au XVIIIe siècle un automate qui dessinait et un autre qui jouait du clavecin. Dans le même temps, l'abbé Mical construisit deux têtes de bronze qui, comme l'androïde de Roger Bacon, prononçaient des paroles.
Mais ce qui fit plus d'effet encore, ce fut le joueur d'échecs du baron de Kempelen. C'était un automate mu par des ressorts, qui jouait aux échecs contre les plus forts joueurs et les gagnait quelquefois. On ignorait, il est vrai, que le mécanisme était dirigé par un homme caché dans l'armoire à laquelle l'automate était adossé. Mais ce n'en était pas moins un travail admirable.
Mécasphins, sorciers chaldéens, qui usaient d'herbes, de drogues particulières, et d'os de mort, pour leurs opérations superstitieuses.
Méchant. Le diable est appelé souvent le méchant, le mauvais et le malin. Il est le principe en effet et le père de la méchanceté.
Mechtilde. Sainte Mechtilde parut environ cent ans après sainte Hildegarde. Elle était sœur de sainte Gertrude. Ses visions et révélations ont été imprimées en 1513.
C'est un recueil assez curieux et assez rare, qui contient le livre du Pasteur et les Visions du moine Vetin, réimprimées depuis par le père Mabillon, au quatrième livre de ses Actes de Saint-Benoît, partie première. On y trouve aussi les révélations de sainte Elisabeth de Schonaw, qui contiennent cinq livres, aussi bien que celles de sainte Mechtilde. Celles de sainte Gertrude viennent ensuite, et sont suivies des visions du frère Robert, dominicain, qui vivait en 1330.
Sainte Mechtilde est morte en l'an 1284 ou 1286. On trouve dans ce recueil beaucoup de descriptions de l'enfer.
Médecine, on la représente sous les traits d'une femme âgée, pour exprimer que l'expérience est la base de cet art. Elle tient une figure de la Nature, objet continuel de ses observations; et le bâton noueux sur lequel elle s'appuie indique les difficultés dont son étude est accompagnée. Le serpent, dont la peau se renouvelle, emblème de la santé, entoure ce bâton, qui repose sur les ouvrages de Galien et d'Hippocrate. Le coq, déjà consacré à Esculape, peut être pris pour le symbole de la vigilance, si convenable au médecin; la bride et le mors aux pieds de la figure sont celui de la tempérance indispensable au convalescent. Pausanias croit que la Médecine était représentée sur le coffre de Cypselus, dans le temple de Junon, à Elis, par deux figures de femme, qui tenaient l'une un mortier, l'autre un pilon.
Méphistophélès est le démon de Faust. On le reconnaît à sa froide méchanceté, à ce rire amère qui insulte aux larmes, à la joie féroce que lui cause l'aspect des douleurs. C'est lui qui, par la raillerie attaque les vertus, abreuve de mépris les talents, fait mordre sur l'éclat de la gloire la rouille de la calomnie. Il n'était pas inconnu a Voltaire, à Parny et a quelques autres.
C'est, après Satan, le plus redoutable chef de l'enfer.
Mercier, est l'auteur d'un Tableau de Paris, qui a fait quelque bruit, et de Songes philosophiques, où l'on trouve deux ou trois songes qui roulent sur les vampires et les revenants.
Mercredi, quatrième jour de la semaine, était personnifié par une figure de Mercure, qu'on reconnaît aux ailerons de son pétase.
Mercredi est le jour où les sorciers jouent au sabbat leurs mystères, et chantent leurs litanies.
Les Persans regardent le mercredi comme un jour blanc, c'est-à-dire heureux, parce que la lumière fut créée ce jour-là. Pourtant ils exceptent le dernier mercredi du mois de séphar, qui répond à février, qu'ils appellent mercredi du malheur, et qui est le plus redouté de leurs jours noirs.
Mercure, est chargé, dans l'ancienne mythologie, de conduire les âmes des morts à leur destination dernière.
Le mercure est le symbole de la mobilité et du froid. C'est le seul métal à l'état liquide, à la température ambiante.
Le mercure est un métal mouvant et propice à la transformation. Ainsi, il est considéré comme un principe générateur, animé de forces propres. Aussi, la fluidité du mercure fut associée par les Égyptiens à la rapidité de la planète qui porte son nom. En effet, en hiéroglyphes, le signe de la planète qui fait le plus rapidement le tour du soleil est le même que celui qui désigne le métal mercure.
En outre, cette liaison entre fluidité et rapidité revêt, dans la mythologie égyptienne, un caractère divin. En effet, le signe en hiéroglyphes de la planète et du métal mercure est également celui d'Hermès (le messager des dieux). D'ailleurs, les Romains ont par la suite assimilé cette divinité au dieu Mercure (également messager des dieux).
Dans l'Antiquité, le mercure était également appelé "vif-argent" en raison de son apparente forme liquide de l'argent. Aussi, ce métal mobile et liquide est fortement associé à la liaison, à la transformation, à l'alchimie et même à la transmutation, ce qui lui confère des vertus magiques. Ainsi, selon les légendes, le mercure peut tuer, donner l'immortalité, guérir les afflictions, ou encore, transformer les métaux en or.
Par ailleurs, pour les alchimistes, le mercure représente le métal d'une science mystérieuse, qui contient tout le secret : "Dans le mercure se trouve tout ce que cherchent les sages".
Ce fut un médecin nommé Bérenger, né à Carpi dans le Modénois, qui, se trouvant dans l'armée de Charles VIII au temps où le mal vénérien faisait les plus grands ravages dans cette armée, essaya, enhardi par l'exemple des Arabes, d'employer le mercure dans le traitement des maladies syphilitiques ; les succès qu'il obtint accréditèrent ce médicament, qui paraissait être l'antivénérien le plus puissant que l'on connaissait.
Ce journal commença de paraître en 1605 sous le titre de Mercure français. Il prit successivement les noms de Mercure galant, de Nouveau Mercure, et enfin celui de Mercure de France, qu'il a gardé depuis. Déjà, en 1789, la collection de ce journal montait à plus de 1100 volumes. Ce journal, interrompu pendant les troubles révolutionnaires, a été repris ensuite.
Merle, Le merle est un oiseau commun, dont la vertu est admirable. Si l'on pend les plumes de son aile droite, avec un fil rouge, au milieu d'une maison où l'on n'aura pas encore habité, personne n'y pourra sommeiller tant qu'elles y seront pendues. Si l'on met son cœur sous la tête d'une personne endormie et qu'on l'interroge, elle dira tout haut ce qu'elle aura fait dans la journée. Si on le jette dans l'eau de puits avec le sang d'une huppe, et qu'on frotte de ce mélange les tempes de quelqu'un, il tombera malade et en danger de mort.
On se sert de ces secrets sous une planète favorable et propre, comme celles de Jupiter et de Vénus, et quand on veut faire du mal, celles de Saturne et de Mars.
Le diable s'est quelquefois montré sous la forme de cet oiseau.
Merlin, Merlin n'est pas né en Angleterre, comme on le dit communément, mais en Basse-Bretagne, dans l'île de Sein. Il était fils d'un démon et d'une druidesse, fille d'un roi des Bas-Bretons. Les cabalistes disent que le père de Merlin était un sylphe. Que ce fût un sylphe ou un démon, il éleva son fils dans toutes les sciences et le rendit habile à opérer des prodiges.
Ce qui a fait croire à quelques-uns que Merlin était Anglais, c'est qu'il fut porté dans ce pays quelques jours après sa naissance. Voici l'occasion, de ce voyage.
Wortigern, roi d'Angleterre, avait résolu de faire bâtir une tour inexpugnable où il pût se mettre en sûreté contre les bandes de pirates qui dévastaient ses États. Lorsqu'on en jeta les fondements, la terre engloutit pendant la nuit tous les travaux de la journée. Ce phénomène se répéta tant de fois que le roi assembla les magiciens pour les consulter. Ceux-ci déclarèrent qu'il fallait affermir les fondements de la tour avec le sang d'un petit enfant qui fût né sans père.
Après beaucoup de recherches dans le pays et hors le pays, on apprit qu'il venait de naître dans l'île de Sein un petit enfant d'une druidesse et qui n'avait point de père connu: c'était Merlin. Il présentait les qualités requises par les magiciens. On l'enleva et on l'amena devant le roi Wortigern
Merlin n'avait que seize jours. Cependant, il n'eut pas plutôt entendu la décision des magiciens, qu'il se mit à disputer contre eux avec une sagesse qui consterna tout l'auditoire. Il annonça ensuite que, sous les fondements de la tour que l'on voulait bâtir, il y avait un grand lac, et dans ce lac deux dragons furieux. On creusa. Les deux dragons parurent: l'un, qui était rouge, représentait les Anglais; l'autre, qui était blanc, représentait les Saxons. Ces deux peuples étaient alors en guerre et les deux dragons étaient leurs génies protecteurs. Ils commencèrent, à la vue du roi et de sa cour, un combat terrible, sur lequel Merlin se mit à prophétiser l'avenir des Anglais.
On pense bien qu'après ce qui venait de se passer, il ne fut plus question de tuer le petit enfant. On se disposa à le reconduire dans son pays, et on l'invita à visiter quelquefois l'Angleterre. Merlin pria qu'on ne s'occupât point de lui. Il frappa la terre, et il en sortit un grand oiseau sur lequel il se plaça. Il fut en moins d'une heure dans les bras de sa mère, qui l'attendait sans inquiétude parce qu'elle savait ce qui se passait.
Merlin fut donc élevé dans les sciences et dans l'art des prodiges par son père et par les conseils de sa mère qui était prophétesse. On croit même qu'elle était fée.
Quand il fut devenu grand, il se lia d'amitié avec Ambrosius, autre roi des Anglais. Pour rendre plus solennelle l'entrée de ce prince dans sa capitale, il fît venir d'Irlande en Angleterre plusieurs rochers qui accompagnèrent en dansant le cortège royal, et formèrent en s'arrêtant une espèce de trophée à la gloire du monarque. On voit encore ce rochers à quelques lieues de Londres, et on assure qu'il y a des temps où ils s'agitent par une suite du prodige de Merlin. On dit même que pour ce roi, son ami, il bâtit un palais de fées en moins de temps que Satan ne construisit le Pandémonium des enfers.
Après une foule de choses semblables, Merlin jouissant de la réputation la plus étendue et de l'admiration universelle, pouvait étonner le monde et s'abandonner aux douceurs de la gloire. Il aima mieux agrandir ses connaissances et sa sagesse. Il se retira dans une forêt de la Bretagne, s'enferma dans une grotte, et s'appliqua sans relâche à l'élude des sciences mystérieuses. Son père le visitait tous les sept jours et sa mère plus fréquemment encore. Il fît, sous eux, des progrès étonnants et les surpassa bientôt l'un et l'autre.
On a lu, dans les histoires de la chevalerie héroïque, les innombrables aventures de Merlin. Il purgea l'Europe de plusieurs tyrans. Il protégea les dames, et bien souvent les chevaliers errants bénirent les heureux secours de Merlin.
Las de parcourir le monde, il se condamna à passer sept ans dans l'île de Sein. C'est là qu'il composa ses prophéties, dont quelques-unes ont été publiées. On sait qu'il avait donné à l'un des chevaliers errants, qui firent la gloire de la France, une épée enchantée avec laquelle on était invincible. Un autre avait reçu un cheval indomptable à la course. Le sage enchanteur avait aussi composé pour le roi Arthus une chambre magique où ne pouvaient entrer que les braves, une couronne transparente qui se troublait sur la tête d'une coquette et une épée qui jetait des étincelles dans les mains des guerriers intrépides.
Quelques-uns ont dit qu'il mourut dans une extrême vieillesse. D'autres, ont dit qu'il fut emporté par le diable. Une autre opinion encore assez répandue en Bretagne, est que Merlin n'est pas mort, qu'il a su se mettre à l'abri de la fatalité commune et qu'il est toujours plein de vie dans une forêt du Finistère nommée Brocéliande, où il est enclos et invisible à l'ombre d'un bois d'aubépine.
On assure que messire Gauvain et quelques chevaliers de la Table-Ronde cherchèrent vainement partout ce magicien célèbre. Gauvain seul l'entendit, mais ne put le voir dans la forêt de Brocéliande.
Merlin est un personnage du Ve siècle, qui passa pour un habile enchanteur, et qui, dit-on, naquit du commerce de la fille d'un roi calédonien avec un incube. Il joue un grand rôle dans le poème de l'Arioste et dans le roman de Brut.
Mérovée, Mérovée est le troisième roi des Francs, dont la naissance doit être placée vers l'an 410. Il monta sur le trône en 440 et mourut en 458. Des chroniqueurs rapportent ainsi sa naissance: « La trois de Clodion-le-Chevelu se promenant un jour au bord de la mer fut surprise par un monstre qui sortit des flots. Elle en eut un fils qui fut nommé Mérovée, et qui succéda à Clodion. »
Sauval croit que cette fable fut inventée par Mérovée lui-même pour imprimer du respect dans l'esprit des siens en s'attribuant une origine si extraordinaire. Des chroniqueurs ont dit que son nom Mer-Wech signifie veau marin.
Merveilles. Pline assure que les insulaires de Minorque demandèrent un secours de troupes à l'empereur Auguste contre les lapins qui renversaient leurs maisons et leurs arbres. Aujourd'hui on demanderait à peine un secours de chiens.
Un vieux chroniqueur conte qu'il y avait à Cambaya, dans l'Hindoustan, un roi qui se nourrissait de venin, et qui devint si parfaitement vénéneux qu'il tuait de son haleine ceux qu'il voulait faire mourir.
On lit dans Pausanias que 400 ans après la bataille de Marathon, on entendait toutes les nuits, dans l'endroit où elle se donna, des hennissements de chevaux et des bruits de gens d'armes qui se battaient. Et ce qui est admirable, c'est que ceux qui y venaient exprès, n'entendaient rien de ces bruits. Ils n'étaient entendus que de ceux que le hasard conduisait en ce lieu.
Albert-le-Grand assure qu'il y avait en Allemagne, deux enfants jumeaux, dont l'un ouvrait les portes en les touchant avec son bras droit. L'autre les fermait, en les touchant avec son bras gauche.
Paracelse dit qu'il a vu beaucoup de sages passer vingt années sans manger quoi que ce fût. Si on veut se donner cette satisfaction, qu'on enferme de la terre dans un globe de verre, qu'on l'expose, au soleil jusqu'à ce qu'elle soit pétrifiée; qu'on se l'applique sur le nombril, et qu'on la renouvelle quand elle sera trop sèche, on se passera de manger et de boire sans aucune peine, ainsi que Paracelse lui-même assure en avoir fait l'expérience pendant six mois.
Mesmer, Antoine Mesmer, est un médecin allemand, fameux par la doctrine du magnétisme animal. Il est né en 1734, et mort en 1815. Il a laissé plusieurs ouvrages dans lesquels il soutient que les corps célestes, en vertu de la même force qui produit leurs attractions mutuelles, exercent une influence sur les corps animés, et principalement sur le système nerveux, par l'intermédiaire d'un fluide subtil qui pénètre tous les corps, et remplit tout l'univers.
Il alla s'établir à Vienne, et tenta de guérir par le magnétisme minéral, en appliquant des amants sur les parties malades. Ayant trouvé un rival dans cet art, il se restreignit au magnétisme animal, c'est-à-dire à l'application des mains seulement sur le corps, ce qui le fit garder comme un fou et un visionnaire par les différentes académies de médecine où il présenta ses découvertes.
Il vint à Paris, et peuple et la cour eurent quelque temps les yeux éblouis par ce nouveau genre de cures. On nomma des docteurs pour examiner le magnétisme animal, et on publia des écrits contre Mesmer, qui fut contraint de quitter la France, emportant avec lui une somme le 300 000 francs. Il alla vivre incognito en Angleterre, ensuite en Allemagne, où il mourut.
Il reste de lui plusieurs ouvrages tels que De L'influence des planètes (1766), Mémoire sur la découverte du magnétisme animal (1779), Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal (1781), Histoire abrégée du magnétisme animal (1783), Mémoire de F.-A. Mesmer sur ses découvertes (1799).
Messa-Halla, Macha-Halla est un astrologue arabe du VIIIe siècle de notre ère. On a de lui plusieurs ouvrages dont on trouve la liste dans Casiri. On a traduit en latin les principaux: un traité des Eléments et des choses célestes, un autre De la révolution des années du monde, et un troisième De la Signification des planètes pour les nativités (1549). La bibliothèque Bodléienne a, parmi ses manuscrits, une traduction hébraïque de ses Problèmes astrologiques, faite par Aben-Ezra.
Messe du diable, On a vu, par différentes confessions de sorciers, que le diable fait aussi dire des messes au sabbat. Pierre Aupetit, prêtre apostat du village de Fossas, en Limousin, fut brûlé pour y avoir célébré les mystères.
Au lieu de dire les saintes paroles de la consécration, on dit au sabbat: Belzébuth, Belzébuth, Belzébuth. Le diable vole sous la forme d'un papillon autour de celui qui dit la messe, et qui mange une hostie noire, qu'il faut mâcher pour l'avaler.
Messie des Juifs, Quand le Messie viendra sur la terre, disent les rabbins dans le Talmud, comme ce prince sera revêtu de la force toute-puissante de Dieu, aucun tyran ne pourra lui résister. Il remportera de grandes victoires sur tous ceux qui régneront dans le monde et tirera d'entre leurs mains tous les Israélites qui gémissent sous leur domination. Après les avoir rassemblés, il les mènera en triomphe à la terre de Chanaan, où ils trouveront les habits les plus précieux, qui se feront d'eux-mêmes, et s'ajusteront à toute sorte de grandeur et de taille. Ils y auront aussi toutes les viandes qu'on peut souhaiter, que le pays produira cuites et bien apprêtées, un air pur et tempéré, qui les conservera dans une santé robuste et prolongera leur vie au delà de celle qui a été accordée, aux premiers patriarches.
Mais tout cela n'est rien, en comparaison du festin que leur fera le Messie, où, entre autres viandes, seront servis le bœuf Behemoth, qui s'engraisse depuis le commencement du monde, et mange chaque jour toute l'herbe qui croît sur mille montagnes; le poisson Léviathan, qui occupe une mer tout entière; et l'oiseau fameux qui, en étendant seulement ses ailes, obscurcit le soleil. On raconte qu'un jour cet oiseau ayant laissé tomber un de ses œufs, cet œuf abattit par sa chute trois cents gros cèdres, et inonda, en se crevant, soixante villages.
Avant de mettre ces animaux à la broche, le Messie les fera battre ensemble, pour donner à son peuple un plaisir agréable et nouveau. Car, outre la monstrueuse grosseur de ces animaux qui s'entrechoqueront, il est rare de voir le combat d'un animal terrestre, d'un poisson et d'un oiseau. Mais aussi faut-il que toutes les actions de ce Messie soient extraordinaires.
Le Messie tiendra dans son palais, pour marque de sa grandeur, un corbeau et un lion qui sont des plus rares. Le corbeau est d'une force prodigieuse: une grenouille, grosse comme un village de soixante maisons, ayant été dévorée par un serpent, le corbeau du Messie mangea l'un et l'autre aussi aisément qu'un renard avale une poire, comme dit le rabbin Bahba, présumé témoin oculaire du fait.
Le lion n'est pas moins surprenant: un empereur romain en ayant ouï parler et prenant ce qu'on en disait pour une fable, commanda au rabbin Josué de le lui faire voir. Le rabbin, ne pouvant désobéir à de pareils ordres, se mit en prières. Et Dieu lui ayant accordé la permission de montrer cette bête, il alla la chercher dans le bois d'Éla, où elle se tenait. Mais quand elle fut à 1400 pas de Rome, elle se mit à mugir si furieusement que toutes les femmes enceintes avortèrent, et que les murs de la ville furent renversés. Quand elle en fut à 1000 pas, elle rugit une seconde fois, ce qui fit tomber les dents à tous les citoyens. Et l'empereur, ayant été jeté à bas de son trône, fit prier Josué de reconduire au plus tôt le lion dans son bois.
Métamorphoses. La mythologie des païens avait ses métamorphoses. Nous avons aussi les transformations moins gracieuses des sorciers. Mais nous avons aussi les fées.
Les sorciers qu'on brûla à Vernon, en 1566, s'assemblaient dans un vieux château, sous des formes de chats. Quatre ou cinq hommes, un peu plus hardis qu'on ne l'était alors, résolurent d'y passer la huit, mais ils se trouvèrent assaillis d'un si grand nombre de chats que l'un d'eux fût tué et les autres grièvement blessés. Les chats, de leur côte, n'étaient pas invulnérables. Et on en vit plusieurs le lendemain qui, ayant repris leur figure d'hommes et de femmes, portaient les marques du combat qu'ils avaient, soutenu.
Spranger conte qu'un jeune homme de l'île de Chypre fut changé en âne par une sorcière, parce qu'il avait un penchant pour l'indiscrétion. Si les sorcières étaient encore puissantes, bien des jeunes gens d'aujourd'hui auraient les oreilles longues.
On lit quelque part qu'une sorcière métamorphosa en grenouille un cabaretier qui mettait de l'eau dans son vin.
Métatron. Chaque nom d'Archange se termine par "El", qui signifie "Dieu" dans le langage universel. Métatron et Sandalphon dérogent à la règle car ce sont les 2 seuls Archanges qui ont connu une vie terrestre par le passé.
Les interprétations sur Métatron sont plurielles, mais du fait même de sa nature humaine, il est plus à même d'en comprendre certaines problématiques. Métatron possède une énergie forte et focale. Ayant conservé un degré de pureté proche de Dieu, il fut aussi l'Esprit d'Enoch et se trouve haut dans les sphères des royaumes célestes.
Métatron a attrait aux archives akashiques vu son passé humain. Et il s'avère un soutien spirituel de première pour les aspirants en chemin. Vous pouvez donc lui demander d'intercéder pour travailler sur certaines vies karmiques (en accord avec les Seigneurs du Karma), ou si vous attendez du soutien dans votre cheminement.
Métempsychose. La mort, suivant la métempsychose, n'était autre chose que le passage de l'âme dans un autre corps. Ceux qui croyaient à cette doctrine disaient que les âmes, étant sorties des corps, s'envolaient sous la conduite de Mercure dans un lieu souterrain où étaient d'un côté le Tartare, et de l'autre les Champs-Elysées. Là, celles qui avaient mené une vie pure étaient heureuses, et celles des méchants se voyaient tourmentées par les furies. Mais, après un certain temps, les unes et les autres quittaient ce séjour pour habiter de nouveaux corps, même ceux des animaux. Et afin d'oublier entièrement tout le passé, elles buvaient de l'eau du fleuve Léthé.
On peut regarder les Égyptiens comme les premiers auteurs de cette ancienne opinion de la métempsycose, que Pythagore a répandue dans la suite.
Les manichéens croient à la métempsycose, tellement que les âmes, selon eux, passent dans des corps de pareille espèce à ceux qu'elles ont le plus aimés dans leur vie précédente ou qu'elles ont le plus maltraités. Celui qui a tué un rat ou une mouche sera contraint, par punition, de laisser passer son âme dans le corps d'un rat ou d'une mouche. L'état où l'on sera mis après sa mort sera pareillement opposé à l'état où l'on est pendant la vie. Celui qui est riche sera pauvre, et celui qui est pauvre deviendra riche.
C'est cette dernière croyance qui dans le temps multiplia le parti des manichéens.
Métoposcopie. La métoposcopie est l'art de connaître les hommes par les rides du front. Cardan publia dans le XVIe siècle un traité de Métoposcopie, dans lequel il fait connaître au public une foule de découvertes curieuses. Le front dit-il, est de toutes les parties du visage, la plus importante et la plus caractéristique. Un physionomiste habile peut, sur l'inspection du front seul, deviner les moindres nuances du caractère d'un homme.
En général, un front très élevé avec un visage long et un menton qui se termine en pointe est l'indice de la nullité des moyens. Un front très osseux annonce un naturel opiniâtre et querelleur. Si ce front est aussi très charnu, il est le signe de la grossièreté. Un front carré, large, avec un œil franc sans effronterie, indique du courage avec de la sagesse. Un front arrondi et saillant par le haut, qui descend ensuite perpendiculairement sur l'œil, et qui paraît plus large qu'élevé, annonce du jugement, de la mémoire, de la vivacité, mais un cœur froid. Des rides obliques au front, surtout si elles se trouvent parallèles, annoncent un esprit soupçonneux. Si ces rides parallèles sont presque droites, régulières, pas très profondes, elles promettent du jugement, de la sagesse, un esprit droit. Un front, qui serait bien ridé dans sa moitié supérieure, et sans rides dans sa moitié inférieure, serait l'indice de quelque stupidité.
Les rides ne se prononcent qu'avec l'âge. Mais avant, de paraître, elles existent dans la conformation du front. Le travail quelquefois les marque dans l'âge le plus tendre.
Il y a au front sept rides ou lignes principales qui le traversent d'une tempe à l'autre:
Quand la ligne de Saturne n'est pas marquée, on peut s'attendre à des malheurs que l'on s'attirera par imprudence. Si elle se brise au milieu du front, c'est une vie agitée. Prononcée fortement, c'est une heureuse mémoire, une patience sage.
Quand la ride de Jupiter est brisée, on est menacé de faire des sottises. Si elle n'est pas marquée, esprit faible, inconséquent, qui restera dans la médiocrité. Si elle se prononce bien, on peut espérer les honneurs et la fortune.
La ligne de Mars brisée promet un caractère inégal. Si elle ne paraît point, c'est un homme doux, timide et modeste. Fortement prononcée, audace, colère, emportement.
Quand la ligne du Soleil manque tout à fait, c'est le signe de l'avarice. Brisée et inégale, elle dénote un bourru, maussade et avare, mais qui a de meilleurs moments. Fortement prononcée, elle annonce de la modération, de l'urbanité, du savoir-vivre, un penchant à la magnificence.
La ride de Vénus fortement prononcée est le signe d'un homme porté aux plaisirs. Brisée et inégale, cette ride promet des retours sur soi-même. Si elle n'est pas du tout prononcée, la complexion est froide.
La ride de Mercure marquée donne l'imagination, les inspirations poétiques, l'éloquence. Brisée, elle ne donne plus que l'esprit de conversation, le ton de la société. Si elle ne paraît pas du tout, caractère nul.
Enfin la ride de la Lune, lorsqu'elle est très prononcée, indique un tempérament froid, mélancolique. Inégale et brisée, elle promet des moments de gaieté entremêlés de tristesse. Si elle manque tout à fait, c'est l'enjouement et la bonne humeur.
L'homme qui a une croix sur la ride de Mercure se consacrera aux lettres et aux sciences. Deux lignes parallèles et perpendiculaires sur le front annoncent qu'on se mariera deux fois, trois fois si ces lignes sont au nombre de trois, quatre fois si elles sont au nombre de quatre, et toujours ainsi.
Une figure qui aura la forme d'un C, placée au haut du front sur la ligne de Saturne, annonce une grande mémoire. Ce signe était évident sur le front d'un jeune Corse dont parle Muret, qui pouvait retenir en un jour et répéter sans effort dix-huit mille mots barbares qu'il n'entendait pas. Un C sur la ligne de Mars présage la force du corps. Ce signe était remarquable sur le front du maréchal de Saxe, qui était si robuste qu'il cassait des barres de fer aussi aisément qu'un paysan ordinaire casse une branche d'arbre ou un bâton de bois blanc. Un C sur la ligne de Vénus promet de mauvaises affaire. Un C sur la ligne de Mercure annonce un esprit mal fait, un jugement timbré. Un C entre les deux sourcils, au-dessous de la ride de la Lune, annonce un naturel prompt à s'emporter, une humeur vindicative. Les hommes qui portent, cette figure sont ordinairement des duellistes, des boxeurs. Les époux qui ont le front chargé de ce signe se battent en ménage.
Celui qui aura entre les deux sourcils, sur la ligne de la Lune, la figure d'un X, est exposé à mourir au champ d'honneur dans une grande bataille.
Celui qui porte au milieu du front, sur la ligne du Soleil, une petite figure carrée ou un triangle, fera fortune sans peine. Si ce signe est à droite, il promet une succession. S'il est à gauche, il annonce des biens mal acquis.
Deux lignes partant du nez et se recourbant des deux côtés sur le front, au-dessus des yeux, annoncent des procès. Si ces lignes sont au nombre de quatre et qu'elles se recourbent deux à deux sur le front, on peut craindre d'être un jour prisonnier de guerre et de gémir captif sur un sol étranger.
Les figures rondes sur la ligne de la Lune annoncent des maladies aux yeux.
Si vous avez dans la partie droite du front, sur la ligne de Mars, quelque figure qui ressemble à un Y, vous aurez des rhumatismes. Si cette figure est au milieu du front, craignez la goutte. Si elle est à gauche, toujours sur la ligne de Mars, vous pourrez bien mourir d'une goutte remontée.
La figure du chiffre 3 sur la figure de Saturne annonce des coups de bâton. Sur la ligne de Jupiter, un emploi lucratif. Sur la ligne de Mars, commandement d'un corps d'armée dans une bataille, mais le commandant sera fait prisonnier dans le combat. Sur la ligne du Soleil, ce signe annonce quelque accident qui vous fera perdre le tiers de votre fortune. Sur la ride de Vénus, disgrâces dans le ménage. Sur la ligne de Mercure, elle fait un avocat. Enfin, sur la ligne de la Lune, la figure du chiffre 3 annonce à celui qui la porte qu'il mourra malheureusement, s'il ne réprime sa passion pour le vol.
La figure d'un V sur la ligne de Mars annonce qu'on sera soldat et qu'on mourra caporal.
La figure d'un H sur la ligne du Soleil ou sur celle de Saturne est le présage qu'on sera persécuté pour des opinions politiques.
La figure d'un P est le signe, partout où elle paraît, d'un penchant à la gourmandise qui pourra faire faire de grandes fautes.
Nous terminerons ce petit traité par la révélation du signe le plus flatteur: c'est celui qui a une ressemblance plus ou moins marquée avec la lettre M. En quelque partie du front, sur quelque ride du front que cette figure paraisse, elle annonce le bonheur, les talents, une conscience calme, la paix du cœur, une heureuse aisance, l'estime générale et une heureuse mort.
Meurtre. "Dans la nuit qui suivit l'ensevelissement du comte de Flandre Charles le Bon, ses meurtriers, selon la coutume des païens et des sorciers, firent apporter du pain et un vase plein de cervoise. Ils s'assirent autour du cadavre, placèrent la boisson et le pain sur le linceul, comme sur une table, buvant et mangeant sur le mort, dans la confiance que par cette action ils empêcheraient qui que ce fût de venger le meurtre commis". Année 1127.
Meyer. Meyer était un professeur de philosophie à l'université de Halle, auteur d'un Essai sur les apparitions (1748). L'auteur convient qu'on est sur un mauvais terrain lorsqu'on écrit sur les spectres. Il avoue qu'il n'en a jamais vu et n'a pas grande envie d'en voir. Il observe ensuite que l'imagination est pour beaucoup dans les aventures d'apparitions.
« Supposons, dit-il, un homme dont la mémoire est remplie d'histoires de revenants car les nourrices, les vieilles et les premiers maîtres ne manquent pas de nous en apprendre; que cet homme, pendant la nuit, soit couché seul dans sa chambre. S'il entend devant sa porte une démarche mesurée, lourde et traînante, ce qui marche est peut-être un chien, mais il est loin d'y songer, et il a entendu un revenant, qu'il pourra même avoir vu dans un moment de trouble. »
L'auteur termine en donnant cette recette contre les apparitions:
Michael (Eliacin). Jean Desmarets, sieur de Saint Sorlin, avait publié des Avis du Saint-Esprit au roi. Mais le plus éclatant et le plus important des avis de cette sorte est celui qui fut apporté un peu plus tard par le grand prophète Eliacin Michael. Il nous avertissait, dit Baillet, que dans peu de temps on verrait une armée de 144 000 hommes de troupes sacrées sous les ordres du roi, qui avait pour lieutenants les quatre princes des anges. Il ajoutait que Louis XIV, avec cette armée, exterminerait absolument tous les hérétiques et tous les mahométans, mais que tous ses soldats merveilleux seraient immolés.
Michaélis (Sébastien). Dominicain, né au diocèse de Marseille en 1543. Il a écrit l'Histoire véritable de ce qui s'est passé dans l'exorcisme de trois filles possédées au pays de Flandre, avec un Traité des sorciers et des magiciens, 2 vol. in-12, très rare, imprimés à Paris en 1623, cinq ans après la mort de l'auteur. Il dit dans cet ouvrage que les tribunaux sensés ne considéraient la confession de magie et d'assistance au sabbat que comme preuves chimériques, et qu'ils ne condamnaient la magie qui si elle était aggravée par la circonstance d'un attentat contre les hommes ou contre leurs biens.
Mariage, on a plusieurs moyens de connaître quand et avec qui on se mariera. M. Chopin conte qu'en Russie les jeunes filles curieuses de connaître si elles seront mariées dans l'année forment un cercle dans lequel chacune répand devant soi une pincée de grains d'avoine. Cela fait, une trois placée au centre, et tenant un coq enveloppé, tourne plusieurs fois sur elle-même en fermant les yeux et lâche l'animal, qu'on a eu soin d'affamer. Il ne manque pas d'aller picoter le grain. Celle dont l'avoine a été la première entamée peut compter sur un prochain mariage. Plus le coq y met d'avidité, et plus promptement l'union pronostiquée doit se conclure.
De même, ceux qui désirent apprendre (toujours chez les Russes) si une jeune fille se mariera bientôt, font un treillage en forme de pont avec de petites branches entrelacées, et le mettent sous son chevet sans qu'elle s'en aperçoive. Le lendemain on lui demande ce qu'elle a vu en songe. Si elle raconte avoir passé un pont avec un jeune homme, c'est un signe infaillible qu'elle lui sera unie la même année. Cette divination s'appelle en russe most mastite.
S'il est naturel à une jeune fille russe de désirer le mariage, il ne l'est pas moins qu'elle souhaite de connaître celui qui sera son époux. Le moyen suivant satisfait sa curiosité. Elle se rend à minuit dans une chambre écartée où sont préparés deux miroirs placés parallèlement vis-à-vis l'un de l'autre et éclairés de deux flambeaux. Elle s'assied et prononce par trois fois ces mots: Kto moy soujnoy kto moy riajnoy, tot pokajetsia mnie (Que celui qui sera mon époux m'apparaisse). Après quoi elle porte ses regards sur l'un des miroirs, et la réflexion lui présente une longue suite de glaces. Sa vue doit se fixer sur un espace éloigné et plus obscur, où l'on prétend que se fait l'apparition. On conçoit que plus le lieu observé paraît éloigné, et plus il est facile à l'imagination déjà préoccupée de se faire une illusion. On se sert du même procédé pour savoir ce que font des personnes absentes.
On lit également dans Les admirables secrets du petit Albert, cette manière de connaître avec qui on s'unira. Il faut avoir du corail pulvérisé et de la poudre d'aimant, et les délayer ensemble avec du sang de pigeon blanc. On fera un petit peloton de pâte qu'on enveloppera dans un morceau de taffetas bleu. On se le pendra au cou. On mettra sous son chevet une branche de myrte vert, et on verra en songe la personne qu'on doit épouser. Les filles ou veuves obtiennent le même résultat en liant une branche de peuplier avec leurs chausses sous le chevet, et se frottant les tempes avant de dormir d'un peu de sang de huppe.
On croit aussi dans plusieurs provinces que les époux qui mangent ou boivent avant la célébration du mariage ont des enfants muets.
Marie Mariagrane est une sorcière qui dit avoir vu souvent le diable, et qui se trouve citée dans De L'Ancre.
Marigny, Enguerrand de Marigny était un ministre de Louis X, roi de France. Alix de Mons, trois d'Enguerrand, et la dame de Canteleu, sa sœur, furent accusées d'avoir eu recours aux sortilèges pour envoûter le roi, messire Charles son frère et autres barons, et d'avoir fait des maléfices pour faire évader Enguerrand qui était emprisonné. On fit arrêter les deux dames.
Jacques Dulot, magicien, qui était censé les avoir aidées de ses sortilèges, fut mis en prison. Sa femme fut brûlée, et son valet pendu. Dulot, craignant pareil supplice, se tua ou fut tué dans son cachot. Le comte de Valois, oncle du roi, lui fit considérer que la mort volontaire du magicien était une grande preuve contre Marigny. On montra au monarque les images de cire. Il se laissa persuader et déclara qu'il ôtait sa main de Marigny, et qu'il l'abandonnait à son oncle.
On assembla aussitôt quelques juges. La délibération ne fut pas longue: Marigny fut condamné, malgré sa qualité de gentilhomme, à être pendu comme sorcier. L'arrêt fut exécuté la veille de l'Ascension, et son corps fut attaché au gibet de Montfaucon, qu'il avait fait relever durant son ministère.
Le peuple, que l'insolence du ministre avait irrité, se montra touché de son malheur. Les juges n'osèrent condamner sa femme et sa sœur. Le roi lui-même se repentit d'avoir abandonné Marigny à ses ennemis. Et dans son testament, il laissa une somme considérable à sa famille, en considération, dit-il, de la grande infortune qui lui était arrivée.
Marionnettes, On croyait autrefois que dans les marionnettes logeaient de petits démons.
Marissane, Un jeune homme de 15 ou 16 ans, nommé Christoval de la Garrade fut enlevé, sans graisse ni onguent, par Marissane de Tartras, sorcière, laquelle le porta si loin et si haut, à travers les airs, qu'il ne put reconnaître le lieu du sabbat. Mais il avoua qu'il avait été bien étrillé pour n'avoir pas voulu y prendre part, et sa déposition fut une des preuves qui firent brûler la sorcière. Pourtant il pouvait n'avoir fait qu'un rêve.
Marius, Marius menait avec lui une sorcière scythe qui lui pronostiquait le succès de ses entreprises.
Marlowe Christopher, (baptisé le à Cantorbéry – mort le à Deptford) est un dramaturge, poète et traducteur anglais de l'ère élisabéthaine.
Tragédien élisabéthain contemporain de Shakespeare (qui est né en avril de la même année), il est connu pour sa maîtrise du pentamètre iambique, pour ses protagonistes emblématiques, ainsi que pour sa mort violente, prématurée et entourée de mystère. Il passe pour l'un des précurseurs de la tragédie moderne, pour le créateur du vers blanc, et pour père fondateur du drame élisabéthain.
Christopher Marlowe est le fils de John Marlowe, un cordonnier franc-bourgeois de Canterbury, et de sa femme Catherine Arthur. Cet artisan n'est pas riche, mais son métier lui procure cependant suffisamment de ressources pour élever correctement sa famille, qui est nombreuse. À sa mort, il lègue à sa femme, entre autres, quelques bagues en or, des couverts en argent et une centaine de shillings, et chacune des trois filles reçoit un trousseau. Peu de temps avant son quinzième anniversaire, date limite d'admission, Christopher entre comme boursier à la King's School, école secondaire où on apprend à parler et écrire le latin. On ignore pourquoi il y entre si tard, puisque l'admission peut se faire dès l'âge de neuf ans. Il y est inscrit les trois derniers trimestres de l'année scolaire 1578/79, et il y reste aussi sans doute l'année suivante.
Deux ans plus tard, en 1581, il entre au Corpus Christi College de l'université de Cambridge grâce à l'une des trois bourses créées par l'archevêque Matthew Parker. L'obtention de cette bourse contredit l'impression défavorable laissée par son entrée tardive à la King's School, et si son montant ne lui permet pas le train de vie des fils de famille qui vivent aux frais de leurs parents, elle lui évite l'existence misérable des sizars, qui doivent se faire domestiques pour subsister. Il reçoit 1 shilling par semaine de présence réelle à l'université, et les comptes de l'université permettent ainsi de connaître son assiduité, qui n'était pas fameuse (présence de 15 à 19 semaines par an), mais qui correspond à celle des autres boursiers.
On ignore où il passe ses périodes d'absence de l'université, et, les chercheurs en sont réduits aux conjectures pour imaginer comment il subvient alors à ses besoins. Certains pensent qu'il se met au service du gouvernement de la reine ou de quelque grand personnage. Il obtient le diplôme de Bachelor of Arts à Pâques 1584, 199e sur 231, et son diplôme final de Master of Arts le 31 mars 1587 avec un rang meilleur, mais pour lequel il faut l'intervention du Conseil Privé de la reine.
En 1587, l'université dont il suit les cours — le Corpus Christi College de Cambridge — hésite à lui accorder son diplôme de Master of Arts à cause d'une rumeur selon laquelle il se serait converti au catholicisme romain, et aurait essayé de s'inscrire au lycée anglais de Reims, pour y suivre des études de théologie en vue de devenir prêtre. Il faut que le Conseil privé de la reine intervienne en sa faveur, pour que ce diplôme lui soit finalement remis en même temps que les autres étudiants, lors de la cérémonie solennelle d'investiture du Commencement Day de juillet 1587. Le Conseil privé est alors la plus haute institution du royaume, sorte de ministère responsable, non devant le Parlement, mais seulement devant la reine. Cette intervention se traduit par une note du Conseil privé, écrite par les « Seigneuries » le composant, adressée à la direction de l'université et datée du 29 juin 1587, que le Dr Hotson a retrouvée dans les archives du Public Records Office — Acts of Privy Council. Cette note dit ceci :
Ce document a provoqué d'autant plus de spéculations, qu'on ignore toujours ce qu'il a réellement fait et où il s'est rendu. Fernand Danchin évoque soit l'accompagnement comme secrétaire d'un haut personnage, soit le port d'un message important, soit son appartenance au réseau d'espionnage de Sir Francis Walsingham, « maître-espion » d'Élisabeth Ire, ou du Conseil privé, favorable à la paix et antagoniste des plans de Walsingham. Vu le jeune âge de Marlowe à cette époque, Danchin privilégie dans ses hypothèses plutôt un rôle mineur, tout en reconnaissant son ignorance. De même, il propose comme hypothèse de lieu un voyage en France, d'où Marlowe aurait recueilli de la documentation sur la Saint-Barthélemy, qui lui aurait permis d'écrire ensuite son Massacre à Paris (1593), ou bien en Espagne, comme laisseraient supposer les bribes d'espagnol de son Juif de Malte (1589). Le fait concret et important, qui demeure inexpliqué, est qu'un fils de cordonnier de Cantorbéry a trouvé moyen, à 23 ans, d'intéresser à son sort la plus haute institution du royaume.« Attendu qu'on a rapporté que Christopher Morley s'était résolu à traverser les mers pour se rendre à Reims et y demeurer, Leurs Seigneuries ont jugé bon de certifier qu'il n'avait jamais eu une telle intention, et qu'il avait toujours agi par ordre et discrètement, rendant ainsi bon service à sa Majesté, et méritant d'être récompensé pour sa conduite loyale. Leurs Seigneuries demandent que cette rumeur soit dissipée par tous les moyens possibles, et qu'il soit confirmé dans le grade qu'il doit recevoir au prochain Commencement Day. En effet, il n'est point du plaisir de sa Majesté que quiconque employé, tel qu'il l'a été, dans des domaines touchant les intérêts du pays, soit calomnié par ceux qui ne connaissent rien du type d'affaires qu'il a traitées. »
L'écrivain Charles Nicholl avance l'hypothèse selon laquelle Marlowe aurait été recruté alors qu'il était à Cambridge. Les registres de l'époque indiquent effectivement que Marlowe avait à son actif plusieurs séries d'absences de l'université sur des périodes étonnamment longues — plus longues que ce que le règlement de l'université permettait — à partir de l'année académique 1584-1585. Les registres du restaurant scolaire de l'école indiquent qu'il commençait à dépenser des sommes considérables en nourriture et en boisson — plus que les dispositions financières de sa bourse n'autorisaient.
On a parfois émis l'idée selon laquelle Marlowe aurait en fait été le véritable Morley, tuteur d'Arbella Stuart en 1589. John Baker pense que seul Marlowe pouvait être le tuteur d'Arbella du fait de l'absence d'autre Morley diplômé de Cambridge à cette période. Si Marlowe était effectivement le tuteur d'Arbella, cet élément tendrait à prouver que Marlowe était effectivement espion, puisque Arbella, nièce de Marie reine d'Écosse, cousine de Jacques VI d'Écosse, plus tard Jacques Ier d'Angleterre, était à l'époque un candidat prééminent à la succession au trône d'Élisabeth.
Son Master of Arts en poche, il se rend à Londres, où il intègre la troupe de l'amiral, pour laquelle il écrit la plupart de ses pièces. Il bénéficie de la protection et de l'amitié de Thomas Walsingham, fils ou cousin de Francis Walsingham, et de sir Walter Raleigh, et il fréquente avec panache le milieu brillant des poètes élisabéthains de Londres. Il est accusé, non sans raison, de tenir des propos athées, mais il n'est pas reconnu coupable de professer l'athéisme, quoique sa comparution devant le Conseil privé en mai 1593 soit peut-être en rapport avec cette accusation.
À côté de sa carrière de dramaturge, Marlowe mène une existence mystérieuse, turbulente et parfois violente. Le 18 septembre 1589, il s'engage dans une rixe avec un certain Bradley dans Hog Lane, à l'extérieur de la cité. Thomas Watson, un autre poète protégé aussi par Thomas Walsingham comme Marlowe, arrive à ce moment, et, en tentant de s'interposer entre les deux adversaires, Watson tue Bradley d'un coup d'épée. Les deux hommes sont arrêtés et incarcérés à la prison de Clerkenwell. Marlowe est libéré le 1er octobre contre une caution de 40 livres, somme très importante à l'époque, payée par Richard Kytchine et Humphrey Rowland. Marlowe est acquitté le 3 décembre, Watson, quant à lui, obtient son pardon, étant considéré en état de légitime défense. Cet épisode montre le caractère emporté de Marlowe, et semble une répétition de la scène de sa mort.
En 1592, Marlowe est arrêté dans la ville flamande de Flushing (Flessingue) pour tentative de contrefaçon d'argent et utilisation de procédés destinés à aider des Catholiques séditieux. Il est condamné à une amende, mais aucune peine d'emprisonnement n'est retenue. Cette arrestation tend à nouveau à conforter la théorie d'un Marlowe espion : en cherchant à offrir cette fausse monnaie à la cause catholique, il est probable qu'il cherche à infiltrer les proches du comploteur catholique William Stanley.
Pour Anthony Burgess (qui lui a consacré une thèse) et d'autre critiques, il ne saurait y avoir de doute quant à l'homosexualité de Marlowe : le dramaturge a vécu avec plusieurs hommes (Thomas Bradley, Richard Baines, Thomas Kyd et Thomas Walsingham), ne s'est jamais marié et aurait affirmé que « celui qui n'aime ni le tabac ni les garçons rate quelque chose ».
Le 12 mai 1593, la police perquisitionne au domicile de Thomas Kyd, un dramaturge, auteur notamment de La Tragédie espagnole, et y découvre le fragment d'un essai contre la Trinité, ce qui rend celui-ci coupable d'hérésie, considérée alors comme un crime. Kyd est soumis à la question sous la forme du supplice du chevalet, et il finit par avouer que ces papiers appartiennent à Marlowe, et qu'ils se sont mêlés par erreur aux siens à l'époque où ils partageaient la même chambre. Il charge Marlowe, disant qu'il est irréligieux, athée, violent, cruel, qu'il aime à proférer des blasphèmes sur Marie, sur le Christ et saint Jean. Le Conseil privé lance contre Marlowe un mandat d'amener le 18 mai, et le 20 mai Marlowe se présente au Conseil. Après l'avoir entendu, le Conseil ne juge pas utile de l'emprisonner ; il lui demande simplement de se tenir à sa disposition tous les jours. On ignore si ce sont les déclarations de Marlowe qui ont paru satisfaisantes au Conseil, ou si ce sont les anciens services rendus qui lui font bénéficier d'un régime autrement plus doux que celui subi par Kyd.
Dix jours plus tard, le , Marlowe n'a pas suivi les recommandations du Conseil privé de se tenir à sa disposition, puisqu'il se trouve à Deptford, petite agglomération située alors en dehors de Londres, accompagné de trois autres personnes : Ingram Frizer, Nicholas Skeres et Robert Poley. Les historiens proposent plusieurs hypothèses sur son départ de Londres. Soit Marlowe est sur le point de s'enfuir, par exemple pour l'Écosse — Deptford est un port — pour échapper à l'enquête du Conseil privé. Soit il agit dans le cadre d'une nouvelle mission d'espionnage ordonnée par le Conseil, au moins une des trois personnes, Robert Poley, étant un espion avéré. Soit enfin, il s'agit d'une mise en scène pour éliminer Marlowe, qui pourrait compromettre des hauts personnages s'il était soumis à la question comme Kyd.
Le soir de ce jour, le coroner, William Danby, appelé pour un homicide, recueille le récit suivant fait par les trois compagnons de Marlowe, seuls témoins du drame. À 10 heures du matin, ils se trouvent chez la veuve Eleanor Bull qui tient une auberge. Ils y déjeunent, puis se promènent tranquillement dans le jardin de la maison jusqu'à 18 heures. Ils rentrent alors pour dîner, et après le repas, Marlowe va s'allonger sur un lit dans la même pièce, tandis que les trois autres personnes restent assises à table, dos à lui, Frizer étant encadré par les deux autres. Une dispute s'engage alors entre Marlowe et Frizer au sujet de la note à payer. Au bout d'un moment, Marlowe se lève, saisit la dague que Frizer porte dans le dos comme il est d'usage alors, et frappe deux fois celui-ci à la tête, lui faisant deux estafilades longues de 5 cm. Frizer, coincé entre ses deux compagnons, ne peut s'enfuir, et il doit, pour sauver sa vie, lutter avec Marlowe. Il lui saisit la main, parvient à retourner l'arme et l'enfonce profondément dans l’œil droit de Marlowe, qui meurt sur le champ.
Ce récit est jugé satisfaisant par le coroner et par le jury, qui considèrent que Frizer n'a pas fui, qu'il n'a pas cherché à se soustraire à la justice, et qu'il a agi en état de légitime défense. Un mois plus tard, le 28 juin, Frizer obtient son pardon de la cour qui agit au nom de la reine. Pendant des siècles, la mort de Marlowe a fait l'objet de spéculations, car les circonstances du drame, rapportées par divers intermédiaires aux motivations différentes, restaient obscures. Ce n'est qu'au début du XXe siècle que l'érudit américain, J. Leslie Hotson, découvre dans les archives criminelles le rapport du coroner résumé ci-dessus, puis les documents du procès, et enfin, dans d'autres archives, quelques éléments de la vie de Frizer et de Skeres.
Toutefois les circonstances de sa mort restent toujours mystérieuses : la version du drame n'est attestée que par les trois seules personnes présentes, qui auraient pu avoir intérêt à cacher la vérité. Ainsi les trois témoins reconnaissent que l'arme du meurtre appartient à Frizer, qui aurait pu tuer Marlowe, avant de maquiller cet acte en une dispute qui a mal tourné en se blessant, de manière volontaire, légèrement à la tête. Holtson a établi qu'Ingram Frizer est un « serviteur » de Thomas Walsingham, serviteur pouvant signifier aussi bien domestique que protégé, tout comme Marlowe était, dans ce sens, serviteur de ce même maître. Chacun de ces trois hommes est qualifié de « gentleman » dans le rapport du coroner, ce qui exclut qu'ils soient domestiques. Skeres est un intime de Frizer, et Hotson trouve trace d'affaires assez louches qu'ils mènent tous deux pendant plusieurs années après la mort de Marlowe, avant que Skeres ne soit arrêté « en très dangereuse compagnie » et mis en prison pour six années. Enfin Hotson établit que le dernier personnage, Robert Poley, est un espion à la solde de Francis Walsingham. Poley a notamment été chargé en 1586 de surveiller le complot de Marie Ire d'Écosse.
Hotson conclut que, contrairement à ce qui a souvent été écrit, Marlowe n'était pas accompagné de personnes socialement inférieures à lui, et qu'une dispute a fort bien pu éclater, entre égaux, pour une question de partage des frais, tel que cela a été rapporté.
Comme pour d'autres écrivains de l'époque, on sait peu de chose à propos de Marlowe. Le peu de sources concrètes dont nous disposons aujourd'hui sont consultables dans les registres judiciaires et autres documents officiels de l'époque. Ce manque de sources sûres n'a cependant pas empêché des écrivains, tant de fiction que de livres à valeur biographique ou historique, de spéculer quant à ses activités et à son caractère. On a souvent décrit Marlowe comme un espion, un bagarreur et un hérétique, mais aussi comme un magicien, duelliste, priseur de tabac, faussaire. Les sources supportant ces affirmations sont très minces, voire inexistantes. Les simples faits de la vie de Marlowe ont d'ailleurs été embellis par de nombreux auteurs, lui faisant prendre la forme d'une sorte de héros des bas-fonds élisabéthains qu'il n'était peut-être pas. Cependant, J.B. Steane remarque qu'il "semble absurde de récuser ces rumeurs et accusations comme faisant purement partie du mythe Marlowe".
Marot, Mahomet cite l'histoire des deux anges Arot et Marot pour justifier la défense qu'il fait de boire du vin.
« Dieu, dit-il, chargea Arot et Marot d'une commission sur la terre. Une jeune dame les invita à dîner, et ils trouvèrent le vin si bon qu'ils s'enivrèrent. Ils remarquèrent alors que leur hôtesse était belle, s'éprirent d'amour et se déclarèrent. Cette dame, qui était sage, répondit qu'elle ne les écouterait que quand ils lui auraient appris les mots dont ils se servaient pour monter au ciel. Dès qu'elle les sut, elle s'éleva jusqu'au trône de Dieu, qui la transforma, pour prix de sa vertu, en une étoile brillante (c'est l'étoile du matin), et qui condamna les deux anges ivrognes à demeurer jusqu'au jour du jugement suspendus par les pieds dans le puits de Babel, que les pèlerins musulmans vont visiter encore auprès de Bagdad. »
Marque du diable, On sait que les sorcières qui vont au sabbat sont marquées par le diable, et ont particulièrement un endroit insensible, que les juges ont fait quelquefois sonder avec de longues épingles. Lorsque les prévenues ne jettent aucun cri et ne laissent voir aucune souffrance, elles sont réputées sorcières et condamnées comme telles, parce que c'est une preuve évidente de leur transport au sabbat.
De L'Ancre ajoute que tontes celles qui ont passé par ses mains ont avoué toutes ces choses lorsqu'elles furent jetées au feu. Bodin prétend que le diable ne marque point celles qui se donnent à lui volontairement et qu'il croit fidèles. Mais De L'Ancre rejette cette assertion en disant que toutes les plus grandes sorcières qu'il a vues avaient une ou plusieurs marques, soit à l'œil, soit ailleurs. Ces marques ont d'ordinaire la forme d'un petit croissant ou d'une griffe ou d'une paire de cornes qui font la fourche.
Marquis de l'enfer, Les marquis de l'enfer, comme Phœnix, Cimeries, Andras, sont, ainsi que chez nous, un peu supérieurs aux comtes. On les évoque avec fruit depuis trois heures du soir jusqu'à la chute du jour.
Marsay, voir Obereit
Martibel (Sarena ou Séréna), sorcière du diocèse de Soissons au quinzième siècle. Des témoins déclarèrent l'avoir vue danser au sabbat avec quatre crapauds habillés, l'un sur son épaule gauche, l'autre sur son épaule droite, et les deux autres sur ses deux poings, où ils se tenaient comme les faucons ou les éperviers sur le poing du chasseur.
Martin (Saint), un jour que Saint Martin de Tours disait la messe, le diable entra dans l'église avec l'espoir de le distraire. C'est une naïve historiette de La Légende dorée; elle est représentée dans une église de Brest. Elle parut à Grosnet un trait si joli qu'il le mit en vers. Le diable était, selon cet ancien poète, dans un coin de l'église écrivant sur un parchemin les caquets des femmes et les propos inconvenants qu'on tenait à ses oreilles pendant les saints offices. Quand sa feuille fut remplie, comme il avait encore bien des notes à prendre, il mit le parchemin entre ses dents et le tira de toutes ses forces pour l'allonger; mais la feuille se déchira, et la tête du diable alla frapper contre un pilier qui se trouvait derrière lui. Saint Martin, qui se retournait alors pour le Dominus vobiscum, se mit à rire de la grimace du diable et perdit ainsi le mérite de sa messe, au jugement du moins de l'esprit malin, qui toutefois se hâta de fuir.....
Martin (Marie), sorcière du bourg de la Neuf-Ville-le-Roi, en Picardie, qui fut arrêtée pour avoir fait mourir des bêtes et des hommes par sortilège ou plutôt par maléfice, car au moins ce mot veut dire mauvaise action. Un magicien qui passait par là la reconnut, et, sur son avis, la sorcière fut rasée. On lui trouva la marque du diable, ayant l'empreinte d'une patte de chat. Elle dit au juge qu'elle se reconnaissait coupable. Traduite à la prévôté, elle avoua qu'elle était sorcière, qu'elle jetait des sorts au moyen d'une poudre composée d'ossements de trépassés; que le diable Cerbérus lui parlait ordinairement. Elle nomma les personnes qu'elle avait ensorcelées et les chevaux qu'elle avait maléficiés. Elle dit encore que, pour plaire à Cerbérus, elle n'allait pas à la messe deux jours avant de jeter ses sorts; elle conta qu'elle était allée au chapitre tenu par Cerbérus, et qu'elle y avait été conduite la première fois par Louise Morel, sa tante. Dans son second interrogatoire, elle déclara que la dernière fois qu'elle était allée au sabbat c'était à Varipon, près Noyon; que Cerbérus, vêtu d'une courte robe noire, ayant une barbe noire, coiffé d'un chapeau à forme haute, tenait son chapitre près des haies dudit Varipon, et qu'il appelait là par leurs noms les sorciers et les sorcières. Elle fut condamnée par le conseil de la ville de Montdidier à être pendue, le 2 juin 1586. Elle en appela au parlement de Paris, qui rejeta le pourvoi. Son exécution eut lieu le 25 juillet de la même année.
Martin (Thomas), laboureur de Gaillardon en Beauce, qui eut, dans un de ses champs, le 15 janvier 1816, vers deux heures de l'après-midi, un vision d'un personnage vêtu de blanc, lequel le chargea d'une mission pour le roi Louis XVIII. Il eut beau s'en défendre, la vision se représenta tant de fois qu'on le fit partir pour Paris, où, après avoir été minutieusement examiné par les plus habiles médecins, il fut admis devant le roi, avec qui il s'entretint seul à seul pendant une heure. Quelques-uns ont cru que Martin était un halluciné, ce qui n'a pu être établi. On a publié cette aventure plusieurs fois. La meilleur relation est celle qui a été éditée chez Hivert, à Paris, en 1831, petit in-8°. Martinet, démon familier, qui accompagnait les magiciens et leur défendait de rien entreprendre sans sa permission, ni de sortir d'un lieu sans le congé de maître Martinet. Quelquefois aussi il rendait service aux voyageurs, en leur indiquant les chemins les plus courts, ce qui était de la complaisance.
Martre, on croit, en Russie, que la peau de martre est un préservatif assuré contre les charmes, sortilèges et maléfices.
Marthym ou Bathym, duc aux enfers, grand et fort: il a l'apparence d'un homme robuste, et au derrière une queue de serpent. Il monte un cheval d'une blancheur livide. Il connaît les vertus des herbes et des pierres précieuses. Il transporte les hommes d'un pays dans un autre avec une vitesse incroyable. Trente légions lui obéissent.
On demandait à un Turc revenu d'Europe ce qu'il y avait vu de remarquable. « A Venise, répondit-il, ils deviennent fous pendant un temps de l'année. Ils courent déguisés par les rues, et cette extravagance augmente au point que les ecclésiastiques sont obligés de l'arrêter. De savants exorcistes font venir les malades un certain jour (le mercredi des Cendres), et aussitôt qu'ils leur ont répandu un peu de cendres sur la tête, le bon sens leur revient, et ils retournent à leurs affaires.»
Massaliens ou Messaliens, les Massaliens sont des illuminés des premiers siècles qui croyaient que chaque homme tire de ses parents et apporte en lui un démon qui ne le quitte pas. Ils faisaient de longues prières pour le dompter. Après quoi, ils dansaient et se livraient à des contorsions et à des gambades, en disant qu'ils sautaient sur le diable.
Une autre secte de Massaliens au Xe siècle admettait deux dieux, nés d'un premier être. Le plus jeune gouvernait le ciel, l'aîné présidait à la terre. Ils nommaient le dernier Sathan, et supposaient que les deux frères se faisaient une guerre continuelle, mais qu'un jour ils devaient se réconcilier.
Mastication, les anciens croyaient que les morts mangeaient dans leurs tombeaux. On ne sait pas s'ils les entendaient mâcher, mais il est certain qu'il faut attribuer à l'idée qui conservait aux morts la faculté de manger l'habitude des repas funèbres qu'on servait de temps immémorial, et chez tous les peuples sur la tombe du défunt.
L'opinion que les spectres se nourrissent est encore répandue dans le Levant.
Il y a longtemps que les Allemands sont persuadés que les morts mâchent, comme des porcs dans leurs tombeaux, et qu'il est facile de les entendre grogner en broyant ce qu'ils dévorent. Philippe Kherius, au XVIIe siècle, et Michel Raufit, au commencement du XVIIIe, ont même publié des Traités sur les morts qui mâchent dans leurs sépulcres. Ils disent qu'en quelques endroits de l'Allemagne, pour empêcher les morts de mâcher, on leur met dans le cercueil une motte de terre sous le menton. Ailleurs on leur fourre dans la bouche une petite pièce d'argent, et d'autres leur serrent fortement la gorge avec un mouchoir. Ils citent ensuite plusieurs morts qui ont dévoré leur propre chair dans leur sépulcre.
On doit s'étonner de voir des savants trouver quelque chose de prodigieux dans des faits aussi naturels. Pendant la nuit qui suivit les funérailles du comte Henri de Salm, on entendit dans l'église de l'abbaye de Haute-Seille, où il était enterré, des cris sourds que les Allemands auraient sans doute pris pour le grognement d'une personne qui mâche. Et le lendemain, le tombeau du comte ayant été ouvert, on le trouva mort, mais renversé et le visage en bas, au lieu qu'il avait été inhumé sur le dos. On l'avait, enterré vivant, comme on en a enterré tant d'autres.
On doit attribuer à une cause semblable l'histoire rapportée par Raufit, d'une trois de Bohème, qui, en 1345 mangea, dans sa fosse, la moitié de son linceul sépulcral.
Au XVIIIe siècle, un pauvre homme ayant été inhumé précipitamment dans le cimetière, on entendit pendant la nuit du bruit dans son tombeau. On l'ouvrit le lendemain, et on trouva qu'il s'était mangé les chairs des bras. Cet homme, ayant bu de l'eau-de-vie avec excès, avait été enterré vivant.
Une demoiselle d'Augsbourg étant tombée en léthargie, on la crut morte, et son corps fut mis dans un caveau profond, sans être rouvert de terre. On entendit bientôt quelque bruit dans son tombeau, mais on n'y fit pas attention. Deux ou trois ans après, quelqu'un de la famille mourut. On ouvrit le caveau, et l'on trouva le corps de la demoiselle auprès de la pierre qui en fermait l'entrée. Elle avait inutilement tenté de déranger cette pierre. Elle n'avait plus de doigts à la main droite, qu'elle s'était dévorée de désespoir.
Matchi-Manitou, est un esprit malfaisant, auquel les sauvages de l'Amérique septentrionale attribuent tous les maux qui leur arrivent. Ce mauvais génie n'est autre que la lune. Plusieurs de ces sauvages s'imaginent que les orages sont causés par l'esprit de la lune. Ils jettent à la mer ce qu'ils ont de plus précieux dans leurs canots, espérant apaiser par ces offrandes l'esprit irrité.
Matchi-Manitou est un mauvais génie, auquel les sauvages de l'Amérique septentrionale attribuent tout le mal qui leur arrive. Le Matchi-Manitou est l'esprit de la lune.
Matière, c'est le culte de la matière qui a donné naissance à la cabale et à toutes les sciences occultes.
Matignon (Jacques Goyon de), gentilhomme, qui servit Henri III et Henri IV. Ses envieux, apparemment pour le décrier, disaient que l'esprit, l'habileté, la prudence, le courage n'étaient point naturellement en lui, mais qu'ils lui venaient d'un pacte qu'il avait fait avec le diable. Il fallait que ce diable fût une bonne créature, dit Saint-Foix, puisque Matignon donna, dans toutes les occasions, des marques d'un caractère plein de douceur et d'humanité.
Matignon (le P.A.de), de la compagnie de Jésus, a publié en 1861 la Question du surnaturel, vol. in-12, qui traite du merveilleux et notamment du spiritisme, et, en 1862, les Morts et les Vivants, entretiens sur les communications d'outre-tombe, vol. in-12, qui se rattache au précédent.
Matthieu Laensberg, liégeois célèbre qui passe parmi le peuple pour le plus grand mathématicien, astrologue et prophète des temps modernes. C'était un bon chanoine, qui donnait dans l'astrologie. Ses prédictions trouvent encore, dans les campagnes, de bonnes gens qui se feraient scrupule d'en douter, et qui, quand son almanach prédit de la pluie pour un jour de beau temps, se contentent de dire: "Il pleut ailleurs." Le premier almanach de Matthieu Laensberg a paru en 1636.
Matzou, divinité chinoise. C'était, suivant quelques auteurs, une magicienne.
Maupertuis, voir HALLUCINATION.
Maurice, empereur, couronné en 582. On lit dans sa vie qu'étant petit enfant, il fut enlevé et emporté plusieurs fois, par les esprits appelés Gellons; mais qu'ils ne lui purent faire aucun mal, à cause de son baptême.
Maury (Alfred), savant de notre époque qui a écrit avec une grande érudition sur la magie et l'astrologie, mais pour nier la magie, malgré ses évidences. Nous n'entendons ici par la magie que les relations avec les mauvais esprits qui nous entourent.
Maury (Jean-Siffrein), Un colporteur, en 1702, pour mieux piquer la curiosité du peuple de Paris, criait, en vendant ses pamphlets: « Mort de l'abbé Maury! » L'abbé passe, s'en approche, lui donne un soufflet et lui dit: « Tiens, si je suis mort, au moins tu croiras aux revenants. »
Jean Muller, savant du XVe siècle, plus connu sous le nom de Regiomontanus, fît, dit-on, un aigle-automate qui avait la faculté de se diriger dans les airs. Il devançait le canard-automate de Vaucanson qui barbotait, voltigeait, cancanait et digérait.
Aulu-Gelle rapporte qu'Architas, dans l'antiquité, avait construit un pigeon qui prenait son vol, s'élevait à une certaine hauteur et revenait à sa place.
On attribue à Roger Bacon une tête qui prononçait quelques paroles. Vaucanson fit un joueur de flûte qui exécutait plusieurs airs. Jacques Droz, son contemporain, fît au XVIIIe siècle un automate qui dessinait et un autre qui jouait du clavecin. Dans le même temps, l'abbé Mical construisit deux têtes de bronze qui, comme l'androïde de Roger Bacon, prononçaient des paroles.
Mais ce qui fit plus d'effet encore, ce fut le joueur d'échecs du baron de Kempelen. C'était un automate mu par des ressorts, qui jouait aux échecs contre les plus forts joueurs et les gagnait quelquefois. On ignorait, il est vrai, que le mécanisme était dirigé par un homme caché dans l'armoire à laquelle l'automate était adossé. Mais ce n'en était pas moins un travail admirable.
Mécasphins, sorciers chaldéens, qui usaient d'herbes, de drogues particulières, et d'os de mort, pour leurs opérations superstitieuses.
Méchant. Le diable est appelé souvent le méchant, le mauvais et le malin. Il est le principe en effet et le père de la méchanceté.
Mechtilde. Sainte Mechtilde parut environ cent ans après sainte Hildegarde. Elle était sœur de sainte Gertrude. Ses visions et révélations ont été imprimées en 1513.
C'est un recueil assez curieux et assez rare, qui contient le livre du Pasteur et les Visions du moine Vetin, réimprimées depuis par le père Mabillon, au quatrième livre de ses Actes de Saint-Benoît, partie première. On y trouve aussi les révélations de sainte Elisabeth de Schonaw, qui contiennent cinq livres, aussi bien que celles de sainte Mechtilde. Celles de sainte Gertrude viennent ensuite, et sont suivies des visions du frère Robert, dominicain, qui vivait en 1330.
Sainte Mechtilde est morte en l'an 1284 ou 1286. On trouve dans ce recueil beaucoup de descriptions de l'enfer.
Médecine, on la représente sous les traits d'une femme âgée, pour exprimer que l'expérience est la base de cet art. Elle tient une figure de la Nature, objet continuel de ses observations; et le bâton noueux sur lequel elle s'appuie indique les difficultés dont son étude est accompagnée. Le serpent, dont la peau se renouvelle, emblème de la santé, entoure ce bâton, qui repose sur les ouvrages de Galien et d'Hippocrate. Le coq, déjà consacré à Esculape, peut être pris pour le symbole de la vigilance, si convenable au médecin; la bride et le mors aux pieds de la figure sont celui de la tempérance indispensable au convalescent. Pausanias croit que la Médecine était représentée sur le coffre de Cypselus, dans le temple de Junon, à Elis, par deux figures de femme, qui tenaient l'une un mortier, l'autre un pilon.
Médée. Médée est une enchanteresse de Colchide, qui rendit Jason victorieux de tous les monstres, et guérit Hercule de sa fureur par certains remèdes magiques. Elle n'est pas moins célèbre par ses vastes connaissances en magie que par le meurtre de ses enfants. Les démonographes remarquent qu'elle pouvait bien être grande magicienne, parce qu'elle avait appris la sorcellerie de sa mère, Hécate.
Les songe-creux lui attribuent un livre de conjuration qui porte en effet son nom.
Médie. On trouvait, dit-on, chez les Mèdes, des pierres merveilleuses appelées médies, noires ou vertes, qui rendaient la vue aux aveugles et guérissaient la goutte, appliquées sur le mal dans une compresse de lait de brebis.
Meerman, homme de mer. Les habitants des bords de la mer Baltique croient à l'existence de ces hommes de mer ou esprits des eaux, qui ont la barbe verte et les cheveux tombants sur les épaules comme des tiges de nénuphar. Ils chantent le soir parmi les vagues, appelant les pêcheurs. Mais malheur à qui se laisse séduire par eux; leur chant précède les tempêtes.
Mégalanthropogénésie. La mégalanthropogénésie est le moyen d'avoir de beaux enfants et des enfants d'esprit. On sait quels sont les effets de l'imagination sur les esprits qui s'y laissent emporter. Ces effets sont surtout remarquables dans les femmes enceintes, puisque souvent l'enfant qu'elles portent dans leur sein est marqué de quelqu'un des objets dont l'imagination de la mère a été fortement occupée pendant sa grossesse.
Quand Jacob voulut avoir des moutons de diverses couleurs, il présenta aux yeux des brebis des choses bigarrées, qui les frappèrent assez pour amener le résultat qu'il en espérait. L'effet que l'imagination d'une brebis a pu produire doit agir plus sûrement encore sur l'imagination incomparablement plus vive d'une femme. Aussi voyons-nous bien plus de variété dans les enfants des hommes que dans les petits des animaux.
Puisque l'imagination des femmes est si puissante sur leur fruit, c'est de cette puissance qu'il faut profiter, disent les professeur de mégalanthropogénésie. Ornez la chambre des femmes de belles peintures durant toute la grossesse, n'occupez leurs regards que de beaux anges et de sujets gracieux. Évitez de les conduire aux spectacles de monstres, etc. A Paris, où les salons de peinture occupent les dames, les enfants sont bien plus jolis que dans les villages, où l'on voit rarement des choses qui puissent donner une idée de la beauté.
On a vu des femmes mettre au monde des enfants noirs et velus. Et lorsque l'on a cherché la cause de ces effets, on a découvert que pendant sa grossesse, la trois avait l'esprit occupé de quelque tableau monstrueux.
Les statues de marbre et d'albâtre sont quelquefois dangereuses. Une jeune épouse admira une petite statue de l'Amour en marbre blanc. Cet Amour était si gracieux, qu'elle en demeura frappée. Elle conserva plusieurs jours les mêmes impressions, et accoucha d'un enfant plein de grâces, parfaitement semblable à l'Amour de marbre, mais pâle et blanc comme lui.
Torquemada rapporte qu'une Italienne des environs de Florence, s'étant frappé l'esprit d'une image de Moïse, mit au monde un fils qui avait une longue barbe blanche. On peut se rappeler, sur le même sujet, une foule d'anecdotes moins singulières. Peut-être quelques-unes sont-elles exagérées.
En 1802, une paysanne enceinte, arrivant à Paris pour la première fois, fut menée au spectacle par une sœur qu'elle avait dans la capitale. Un acteur qui jouait le rôle d'un niais la frappa si fortement, que son fils fut idiot stupide et semblable au personnage forcé que la mère avait vu avec trop d'attention.
Pour obtenir des enfants d'esprit, il n'est pas nécessaire que les parents en aient, mais qu'ils en désirent, qu'ils admirent ceux qui en ont, qu'ils lisent de bons livres, que la mère se frappe des avantages que donnent l'esprit, la science, le génie, qu'on parle souvent de ces choses, qu'on s'occupe peu de sottises.
Mehdi. Les journaux d'avril 1841 annonçaient l'apparition en Arabie d'un nouveau prophète appelé Mehdi. « Ceux qui croient en lui, disaient ces journaux, et ils sont nombreux, comptent la nouvelle ère mahométane du jour de son apparition. Ils disent qu'il entrera à La Mecque dans sa quarantième année, que de là il ira à Jérusalem, et régnera avec puissance et grandeur jusqu'à ce que Dedschail, le démon du mal, soit levé contre lui et l'ait vaincu. Alors Jésus, le prophète des chrétiens, viendra à son secours avec 66 000 anges. Toute la terre reconnaîtra Mehdi, et après la conversion des païens, des juifs et des chrétiens à l'islamisme, commencera l'empire des mille et mille années.
Ce prophète a fait battre des monnaies sur lesquelles il s'intitule: Iman deux continents et des deux mers. Toutefois, on ne parla de Mehdi qu'un moment, et nous ignorons ce qu'il est devenu.
C'était ce qu'on appelle un canard de journal; et voici l'origine de celui-là: Les Persans disent qu'il y a eu douze grands imams ou guides. Ali fut le premier; ses successeurs furent les enfants qu'il eut de Fatima, sa glorieuse épouse, fille de Mahomet. Le dernier a été retiré par Dieu de ce monde corrompu; et les hommes sont restés sans imam visible. Il s'appelle le Mehdi, c'est-à-dire celui qui est conduit et dirigé par Dieu. Il doit reparaître sur la terre à la fin du monde.
Meigmalloch, esprit de l'espèce des Brownies. Il paraît toujours sous la forme d'une jeune fille et semble se plaire en Ecosse.
Mélampus, auteur d'un traité de l'art de juger les inclinations et le sort futur des hommes par l'inspection des seings ou grains de beauté. Voir. SEINGS
Melanchthon, disciple de Luther, mort en 1568. Il croyait aux revenants comme son maître, et ne croyait pas à l'Eglise. Il rapporte, dans un de ses écrits, que sa tante ayant perdu son mari lorsqu'elle était enceinte et près de son terme, vit un soir, étant assise auprès de son feu, deux personnes entrer dans sa chambre, l'une ayant la figure de son époux défunt, l'autre celle d'un franciscain de la ville. D'abord elle en fut effrayée. Mais son mari la rassura, et lui dit qu'il avait quelque chose d'important à lui communiquer.
Ensuite, il fit un signe au franciscain de passer un moment dans la pièce voisine, en attendant qu'il eût fait connaître ses volontés à sa femme. Alors il la pria de lui faire dire des messes, et l'engagea à lui donner la main sans crainte. Elle donna donc la main à son mari, et elle la retira sans douleur, mais brûlée. De sorte qu'elle en demeura noire tout le reste de ses jours. Après quoi le spectre rappela le franciscain, et tous deux disparurent.
Mélancolie, une des quatre complexions. La figure allégorique qui la représente est un homme dont le teint est plombé; d'une main il tient un livre ouvert, et de l'autre une bourse fermée; sur sa tête est un passereau, et un bandeau lui clôt la bouche Ces différents emblèmes expriment son aptitude aux lettres, son penchant à l'avarice, son humeur solitaire et silencieuse.
Les anciens appelaient la mélancolie le bain du diable, à ce que disent quelques démonomanes. Les personnes mélancoliques étaient au moins maléficiées quand elles n'étaient pas démoniaques. Et les choses qui dissipaient l'humeur mélancolique, comme faisait la musique sur l'esprit de Saül, passaient pour des moyens sûrs de soulager les possédés.
Melchisédech. Plusieurs sectes d'hérétiques, qu'on appela Melchisédéchiens, tombèrent dans de singulières erreurs à propos du patriarche Melchisédech. Les uns crurent qu'il n'était pas un homme, mais la grande vertu de Dieu, et supérieur à Jésus-Christ. Les autres dirent qu'il était le Saint-Esprit. Il y en eut qui soutinrent qu'il était Jésus-Christ même. Une de ces sectes avait soin de ne toucher personne, de peur de se souiller.
Melchom, démon qui porte la bourse; il est aux enfers le payeur des employés publics.
Melek-al-Mout. C'est le nom que les anciens Persans donnent à l'ange de la mort. Les Persans modernes l'appellent aussi l'ange aux vingt mains, pour faire entendre comment il peut suffire à expédier toutes les âmes. Il paraît être l'ange Azraël des Juifs et le Mordad des mages, appelé encore Asuman.
Melissa. Voir ABEILLES
Mélèze. Arbre maudit chez les Tartares.
Mélusine. Jean d'Arras ayant recueilli, sur la fin du XIVe siècle, tous les contes qu'on faisait sur Mélusine, en composa, ce qu'il appelle la chronique de cette princesse.
Mélusine fut l'aînée de trois filles, que sa mère, Pressine, trois d'Élinas, roi d'Albanie, eut d'une seule couche. Pressine avait exigé d'Elinas qu'il n'entrerait point dans sa chambre jusqu'à ce qu'elle fût relevée.
Le désir de voir ses enfants le fit manquer à sa promesse. Pressine, qui était une sylphide ou une fée, fut donc forcée de le quitter; ce qu'elle fit, ayant emmené avec elle ses trois filles, auxquelles d'une haute montagne elle montrait le pays albanais, où elles eussent régné sans la fatale curiosité de leur père. Les trois sœurs, pour s'en venger, enfermèrent leur père dans la montagne de Brundelois.
Pressine aimait encore son mari. Elle les punit par différents châtiments. Celui de Mélusine fut d'être moitié serpent tous les samedis, et d'être fée jusqu'au jour du jugement, à moins qu'elle ne trouvât un chevalier qui voulût être son mari, et qui ne vît jamais sa forme de serpent. Raimondin, fils du comte de Forez, ayant rencontré Mélusine dans un bois, l'épousa. Cette princesse bâtit le château de Lusignan.
Son premier enfant fut un fils nommé Vriam, en tout bien formé, excepté qu'il avait le visage court et large en travers. Il avait un œil rouge et l'autre bleu, et les oreilles aussi grandes que les manilles d'un van. Le second fut Odon, qui était beau et bien formé, mais il avait une oreille plus grande que l'autre. Le troisième fut Guion, qui fut bel enfant, mais il eut un œil plus haut que l'autre. Le quatrième fut Antoine: nul plus bel enfant no fut vu, mais il apporta en naissant une griffe de lion sur la joue. Le cinquième fut Regnault. Il fut bel enfant, mais il n'eut qu'un œil, dont il voyait si bien qu'il voyait de 21 lieues. Le sixième fut Geoffroi, qui naquit avec une grande dent qui lui sortait de la bouche de plus d'un pouce, d'où il fut nommé Geoffroi à la grande dent. Le septième fut Froimond, assez beau, qui eut sur le nez une petite tache velue comme la peau d'une taupe. Le huitième fut grand à merveille. Il avait trois yeux, desquels il s'en trouvait un au milieu du front.
Vriam et Guion étant allés avec une armée secourir le roi de Chypre contre les Sarrasins, et les ayant taillés en pièces, Vriam épousa Hermine, fille et héritière du roi de Chypre, et Guion, la belle Florie, fille du roi d'Arménie. Antoine et Regnault étant allés au secours du duc de Luxembourg, Antoine épousa Christine, fille de ce prince, et Regnault, Aiglantine, fille et héritière du roi de Bohême. Des quatre autres fils de Mélusine, un fut roi de Bretagne, l'autre seigneur de Lusignan, le troisième comte de Parthenay, et le dernier se fit religieux.
Raimondin ne tint pas la promesse qu'il avait faite à Mélusine de ne jamais la voir le samedi. Il fit une ouverture avec son épée dans la porte de la chambre où elle se baignait. Il la vit en forme de serpent. Mélusine ne put dès lors demeurer avec lui, et s'envola par une fenêtre sous la même forme. Elle demeurera fée jusqu'au jour du jugement. Et lorsque Lusignan change de seigneur, ou qu'il doit mourir quelqu'un de sa lignée, elle paraît trois jours avant sur les tours du château, et y pousse de grands cris.
Selon quelques démonomanes, Mélusine était un démon de la mer. Paracelse prétend que c'était une nymphe cabalistique. Le plus grand nombre en fait une fée puissante.
Le beau château de Lusignan passa dans le domaine royal. Hugues-le-Brun avait fait à Philippe-le-Bel des legs considérables. Guy son frère, irrité, jeta le testament au feu. Le roi le fit accuser de conspiration et confisqua le château de Lusignan. A cette occasion, l'ombre de Mélusine se lamenta sur la plate-forme du château pendant douze nuits consécutives.
On dit ailleurs que cette Mélusine ou Merline était une dame fort absolue, et commandait avec une telle autorité que, lorsqu'elle envoyait des lettres ou patentes scellées de son sceau ou cachet, sur lequel était gravée une sirène, il ne fallait plus songer qu'à obéir aveuglément. C'est de là qu'on a pris sujet de dire qu'elle était magicienne, et qu'elle se changeait quelquefois en sirène.
Quelques écrivains ont fait de Mélusine une fée puissante qui épousa un seigneur de la maison de Lusignan. Deux grandes maisons du Poitou et du Dauphiné ont porté dans leurs armes Mélusine représentée en sirène ; c'est ce qui a fait croire aux gens qui ne doutent de rien que l'histoire de Mélusine n'était pas un conte. M. de Saint-Alban a donné, dans ses Contes noirs, l'histoire de Mélusine, selon l'opinion populaire de certains cantons du Poitou. Il en fait une sylphide ou une fée. Après avoir raconté ses aventures, il finit comme tous les chroniqueurs. « Depuis qu'elle disparut, toutes les fois que le trépas menace un de ses descendants, Mélusine se montre en deuil sur la grande tour du château de Lusignan, qu'elle a fait bâtir. Son apparition annonce aussi la mort de nos rois, lorsqu'elle doit être funeste. »
Quelques historiens disent que Mélusine était une femme aussi adroite que belle, qui se vantait de posséder l'art des métamorphoses. Elle devait être aisément crue dans un siècle où les changements d'hommes et de femmes en loups et autres animaux commençaient à devenir communs.
De toutes nos fées, Mélusine est, sans contredit, la plus célèbre. C'était la patronne de la maison de Lusignan, et la plupart des femmes de cette famille portèrent son nom. Jean d'Arras, poète du XIVe siècle, a écrit en vers l'histoire de cette fée.
Fille d'un roi d'Albanie, elle avait été, en punition d'une faute, condamnée par sa mère à être fée et serpent tous les samedis, jusqu'au jour du jugement dernier, à moins qu'elle ne pût trouver un chevalier qui consentit à l'épouser et ne pût jamais la voir sous cette forme. Raymondin, fils du comte de Forez, l'ayant rencontrée dans un bois, en devint amoureux, et l'épousa. Ce fut pour lui qu'elle bâtit le fameux château de Lusignan en Poitou.
Mais malheureusement, il ne tint point la promesse qu'il lui avait faite de ne jamais chercher à la voir le samedi, et un jour il la surprit lorsqu'elle était métamorphosée en serpent. Elle s'échappa par une fenêtre en poussant un grand cri, et ne reparut plus. Seulement, toutes les fois que le château de Lusignan changeait de seigneur, ou qu'il devait mourir quelque personne de sa famille, on la voyait pendant trois jours apparaître sur le donjon en exhalant de lugubres gémissements.
Le manoir de Raymond resta plein des souvenirs de la mère des Lusignan, tour à tour nommée mère Lusigne, Merlusine, enfin Mellusine.
Les bonnes gens parlaient sans cesse des huit fils de la femme-serpent, tous effroyables à voir, tous marqués de signes surnaturels. La statue de l'un d'eux, Geoffroi à la Grand Dent, se dressait même sur la maîtresse porte, comme pour attester la réalité des traditions. Parfois, un serpent aux cercles noueux se glissait la nuit le long des escarpements de la forteresse. S'il en faisait trois fois le tour, on pouvait être certain de la menace d'un assaut. Les cris prophétiques de la fée redoublaient au trépas de quelque prince de la famille royale de France.
Les constructions les plus anciennes et les plus renommées du Poitou, ainsi que des provinces voisines, étaient également attribuées à la femme-serpent. Entre autres, les châteaux de Morvant, de Vouvant, de Partenay, de Parc-Soubise, du Coudray, de Salbart, de Béruges en Poitou, de Marmande en Touraine, d'Issoudun en Berry, etc. Et dans leurs vieilles ceintures de murailles flanquées de tours, dans leurs ruines majestueuses les mêmes apparitions se répétaient.
La tradition de Mélusine était encore en pleine vigueur vers la fin du XVIe siècle. Dans les guerres de religion qui désolèrent la France à cette époque, le château et la ville de Lusignan furent, en 1574, assiégés et pris par le duc de Montpensier. « Le roi, dit le président de Thou, ordonna que ce château, le plus fameux et le mieux bâti de France, serait rasé. On ne fit pas même grâce à cette fameuse tour de Mélusine, que nos auteurs ont rendue si célèbre par les fables qu'ils ont racontées. »
Catherine de Médicis, qui était, comme on sait, fort adonnée à la magie, prit alors un grand plaisir à faire causer de vieilles femmes qui lavaient leur linge à une fontaine auprès du vieux château. « Les unes lui disaient, rapporte Brantôme, qu'elles voyaient Mélusine quelquefois venir à la fontaine pour s'y baigner en forme d'une très belle dame et en habit de veuve. Les autres disaient qu'elles la voyaient, mais très rarement, et ce, le samedi à vêpres (car en cet état ne se laissait-elle guère voir), se baigner, moitié le corps d'une très belle dame et l'autre moitié en serpent. Les autres, disaient qu'elle paraissait sur le haut de la grosse tour en forme d'une très belle dame et en serpent. Les unes disaient que quand il devait arriver quelque grand désastre au royaume ou changement de règne, ou mort et inconvénient de ses parents, les plus grands de la France, que trois jours avant on l'entendait crier d'un cri très aigre et effroyable par trois fois. On tient celui-ci pour très vrai. »
Une autre Mélusine figure dans les traditions féeriques de la Franche-Comté. C'est la vouivre, être moitié femme aussi moitié serpent, qui porte au front une escarboucle lumineuse.
Mélye, Il y avait, dans les fées comme dans les hommes, une inégalité de moyens et de puissance. On voit, dans les romans de chevalerie et dans les contes merveilleux, que souvent une fée bienfaisante était gênée dans ses bonnes intentions par une méchante fée dont le pouvoir était plus étendu.
La célèbre fée Urgande, qui protégeait si généreusement Amadis, avait donné au jeune Esplandian, fils de ce héros, une épée enchantée qui devait rompre tous les charmes. Un jour qu'Esplandian et les chevaliers chrétiens se battaient en Galatie, aidés de la fée Urgande, ils aperçurent la fée Mélye, leur ennemie implacable, qui, sous la figure la plus hideuse, était assise sur la pointe d'un rocher, d'où elle protégeait les armes des Sarrasins.
Esplandian courut à elle pour purger la terre de cette furie (car, bien qu'immortelles de leur nature, les fées n'étaient pas à l'épreuve d'un bon coup d'épée, et pouvaient, comme d'autres, recevoir la mort, pourvu qu'elle fût violente). Mélye évita le coup en changeant de place avec la plus grande agilité. Et comme elle se vit pressée, elle parut s'abîmer dans un antre qui vomit aussitôt des flammes.
Urgande, qui reconnut Mélye au portrait que les chevaliers lui en firent, voulut la voire et conduisit Esplandian et quelques chevaliers dans une prairie, au bout de laquelle ils trouvèrent Mélye assise sur ses talons et absorbée dans une profonde rêverie. Cette fée possédait un livre magique, dont Urgande désirait depuis longtemps la possession. Mélye, apercevant Urgande, composa son visage, accueillit la fée avec aménité, et la fit entrer dans sa grotte.
Mais à peine y avait-elle pénétré que, s'élançant sur elle, la méchante fée la renversa par terre en lui serrant la gorge avec violence. Les chevaliers, les entendant se débattre, entrèrent dans la grotte. Le pouvoir des enchantements les fit tomber sans connaissance. Le seul Esplandian, que son épée garantissait de tous les pièges magiques, courut sur Mélye, et retira Urgande de ses mains.
Au même instant Mélye prit celui de ses livres qui portait le nom de Médée, et formant une conjuration, le ciel s'obscurcit et il sortit d'un nuage noir un chariot attelé de deux dragons qui vomissaient des flammes. Tout à coup Mélye, enlevant Urgande, la plaça dans le chariot et disparut avec elle. Elle l'emmena dans Thésyphante, et l'enferma dans une grosse tour, d'où Esplandian parvint à la tirer quelque temps après.
Menah, vallée à quatre lieues de La Mecque. Les pèlerins doivent y jeter sept pierres par dessus l'épaule. Les docteurs musulmans en donnent trois raisons: les uns disent que c'est pour renoncer au diable, et le rejeter, à l'imitation d'Ismaël qu'il voulut tenter au moment que son père Abraham allait le sacrifier, et qui le fit fuir en lui jetant des pierres; les autres, qu'ayant voulu empêcher Abraham d'égorger Ismaël, et n'ayant rien pu gagner ni sur Ismaël ni sur Agar, ils l'éloignèrent tous les trois par ce moyen; et les troisièmes, que c'est en mémoire des pierres qu'Adam jeta au diable lorsqu'il revint l'aborder après lui avoir fait commettre le péché originel.
Ménandre, est un disciple de Simon le magicien, qui profita des leçons de son maître, et qui enseigna la même doctrine que lui. Il professait la magie. Simon se faisait appeler la grande vertu. Ménandre dit que, quant à lui, il était envoyé sur la terre par les puissances invisibles pour opérer le salut des hommes.
Ainsi, Ménandre et Simon doivent être mis au nombre des faux messies plutôt qu'au rang des hérétiques. L'un et l'autre enseignaient que la suprême intelligence, qu'ils nommaient Ennoïa, avait donné l'être à un grand nombre de génies qui avaient formé le monde et la race des hommes. Valentin, qui vint plus tard, trouva là ses éons. Ménandre donnait un baptême qui devait rendre immortel...
Menasseh Ben Israël, Menasseh ben Israël est un savant Juif Portugais, né vers 1604. Il a beaucoup écrit sur le Talmud. Il y a quelques faits merveilleux dans ses trois livres de la Résurrection des morts. Son ouvrage de l'Espérance d'Israël est curieux.
Un juif renégat de Villaflor en Portugal, Antoine Montesini, étant venu à Amsterdam vers 1649, publia qu'il avait vu, dans l'Amérique méridionale, de nombreuses traces des anciens Israélites. Menasseh ben Israël s'imagina, là-dessus, que les dix tribus enlevées par Salmanazar étaient allées s'établir dans ce pays-là, et que telle était l'origine des habitants de l'Amérique. Il publia son Spes Israelis pour le prouver.
Dans la troisième partie de son livre Souffle de vie, il traite des esprits et des démons, selon les idées des rabbins de son temps. Et, dans la quatrième partie, il traite de la métempsycose, qui est pour beaucoup de Juifs une croyance.
Il avait commencé un traité de la science des talmudistes et un autre de la philosophie rabbinique, qui n'ont pas été achevés.
Ménestrier, Claude-François Ménestrier est un Jésuite, auteur d'un livre intitulé la Philosophie des images énigmatiques (1694), où il traite des énigmes, hiéroglyphes, oracles, prophéties, sorts, divinations, loteries, talismans, songes, centuries de Nostradamus et de baguette divinatoire.
Meneurs de loups, Près du château de Lusignan, ancienne demeure de Mélusine, on rencontre de vieux bergers, maigres et hideux comme des spectres. On dit qu'ils mènent des troupeaux de loups. Cette superstition est encore accréditée dans quelques pays, entre autres dans le Nivernais.
Ménippe, Ménippe est le compagnon d'Apollonius de Tyane. Visité d'une lamie ou démon succube, il en fut délivré par Apollonius.
Ménippe est une Néréide.
Ménippe est la fille de Thamyris, et la mère d'Orphée.
Ménippe est la fille du Pénée. Elle est également l'épouse de Pélasgus, dont elle eut Phrastor.
Ménippe est la fille d'Orion, et la sœur de Métioché. Toutes deux furent élevées par leur mère, après qu'Orion eut succombé sous les traits de Diane. Vénus leur fit don d'une beauté merveilleuse, et Minerve leur enseigna l'art de tisser. Une épidémie ayant frappé les Aones (anciens Béotiens), l'oracle d'Apollon Gortynius répondit que la peste cesserait si deux jeunes filles consentaient à accepter la mort pour apaiser les Furies. Les deux sœurs s'offrirent aussitôt, et, après avoir invoqué par trois fois les divinités infernales, elles se donnèrent la mort en se perçant la gorge de leur navette. Pluton et Proserpine les changèrent en comètes.
Les Aones, pour reconnaître le dévouement des deux vierges, leur élevèrent un temple à Orchomène, d'autres disent à Thèbes ou à Tanagra, et célébraient des sacrifices annuels en leur honneur. Par ailleurs, les Éoliens désignaient les deux Orionides par le nom de Coronides.
Mensonge, chose fausse et inventée, que l'on veut faire passer pour véritable. Ce vice naît de la bassesse des sentiments, de l'indiscrétion de la langue, et de la fausseté du cœur. C'est pourquoi on le représente laid, mal coiffé et mal vêtu: sa draperie est garnie de langues et de masques: il tient un faisceau de paille allumée, pour marquer que ses propos n'ont aucune substance, et meurent presque aussitôt qu'ils sont nés. On lui donne une jambe de bois, pour marquer son peu de solidité.
Quelques uns en font une divinité infernale. On lui donnait le soin de conduire les ombres des morts dans le Tartare. C'est sans doute Mercure que l'on entend par cette divinité allégorique. On le représentait avec un air affable et séduisant; air qui lui convient encore comme dieu des marchands et des filous, qui sont sous sa protection.
Le diable est appelé dans l'Évangile le père du mensonge.Les songe-creux lui attribuent un livre de conjuration qui porte en effet son nom.
Médie. On trouvait, dit-on, chez les Mèdes, des pierres merveilleuses appelées médies, noires ou vertes, qui rendaient la vue aux aveugles et guérissaient la goutte, appliquées sur le mal dans une compresse de lait de brebis.
Meerman, homme de mer. Les habitants des bords de la mer Baltique croient à l'existence de ces hommes de mer ou esprits des eaux, qui ont la barbe verte et les cheveux tombants sur les épaules comme des tiges de nénuphar. Ils chantent le soir parmi les vagues, appelant les pêcheurs. Mais malheur à qui se laisse séduire par eux; leur chant précède les tempêtes.
Mégalanthropogénésie. La mégalanthropogénésie est le moyen d'avoir de beaux enfants et des enfants d'esprit. On sait quels sont les effets de l'imagination sur les esprits qui s'y laissent emporter. Ces effets sont surtout remarquables dans les femmes enceintes, puisque souvent l'enfant qu'elles portent dans leur sein est marqué de quelqu'un des objets dont l'imagination de la mère a été fortement occupée pendant sa grossesse.
Quand Jacob voulut avoir des moutons de diverses couleurs, il présenta aux yeux des brebis des choses bigarrées, qui les frappèrent assez pour amener le résultat qu'il en espérait. L'effet que l'imagination d'une brebis a pu produire doit agir plus sûrement encore sur l'imagination incomparablement plus vive d'une femme. Aussi voyons-nous bien plus de variété dans les enfants des hommes que dans les petits des animaux.
Puisque l'imagination des femmes est si puissante sur leur fruit, c'est de cette puissance qu'il faut profiter, disent les professeur de mégalanthropogénésie. Ornez la chambre des femmes de belles peintures durant toute la grossesse, n'occupez leurs regards que de beaux anges et de sujets gracieux. Évitez de les conduire aux spectacles de monstres, etc. A Paris, où les salons de peinture occupent les dames, les enfants sont bien plus jolis que dans les villages, où l'on voit rarement des choses qui puissent donner une idée de la beauté.
On a vu des femmes mettre au monde des enfants noirs et velus. Et lorsque l'on a cherché la cause de ces effets, on a découvert que pendant sa grossesse, la trois avait l'esprit occupé de quelque tableau monstrueux.
Les statues de marbre et d'albâtre sont quelquefois dangereuses. Une jeune épouse admira une petite statue de l'Amour en marbre blanc. Cet Amour était si gracieux, qu'elle en demeura frappée. Elle conserva plusieurs jours les mêmes impressions, et accoucha d'un enfant plein de grâces, parfaitement semblable à l'Amour de marbre, mais pâle et blanc comme lui.
Torquemada rapporte qu'une Italienne des environs de Florence, s'étant frappé l'esprit d'une image de Moïse, mit au monde un fils qui avait une longue barbe blanche. On peut se rappeler, sur le même sujet, une foule d'anecdotes moins singulières. Peut-être quelques-unes sont-elles exagérées.
En 1802, une paysanne enceinte, arrivant à Paris pour la première fois, fut menée au spectacle par une sœur qu'elle avait dans la capitale. Un acteur qui jouait le rôle d'un niais la frappa si fortement, que son fils fut idiot stupide et semblable au personnage forcé que la mère avait vu avec trop d'attention.
Pour obtenir des enfants d'esprit, il n'est pas nécessaire que les parents en aient, mais qu'ils en désirent, qu'ils admirent ceux qui en ont, qu'ils lisent de bons livres, que la mère se frappe des avantages que donnent l'esprit, la science, le génie, qu'on parle souvent de ces choses, qu'on s'occupe peu de sottises.
Mehdi. Les journaux d'avril 1841 annonçaient l'apparition en Arabie d'un nouveau prophète appelé Mehdi. « Ceux qui croient en lui, disaient ces journaux, et ils sont nombreux, comptent la nouvelle ère mahométane du jour de son apparition. Ils disent qu'il entrera à La Mecque dans sa quarantième année, que de là il ira à Jérusalem, et régnera avec puissance et grandeur jusqu'à ce que Dedschail, le démon du mal, soit levé contre lui et l'ait vaincu. Alors Jésus, le prophète des chrétiens, viendra à son secours avec 66 000 anges. Toute la terre reconnaîtra Mehdi, et après la conversion des païens, des juifs et des chrétiens à l'islamisme, commencera l'empire des mille et mille années.
Ce prophète a fait battre des monnaies sur lesquelles il s'intitule: Iman deux continents et des deux mers. Toutefois, on ne parla de Mehdi qu'un moment, et nous ignorons ce qu'il est devenu.
C'était ce qu'on appelle un canard de journal; et voici l'origine de celui-là: Les Persans disent qu'il y a eu douze grands imams ou guides. Ali fut le premier; ses successeurs furent les enfants qu'il eut de Fatima, sa glorieuse épouse, fille de Mahomet. Le dernier a été retiré par Dieu de ce monde corrompu; et les hommes sont restés sans imam visible. Il s'appelle le Mehdi, c'est-à-dire celui qui est conduit et dirigé par Dieu. Il doit reparaître sur la terre à la fin du monde.
Meigmalloch, esprit de l'espèce des Brownies. Il paraît toujours sous la forme d'une jeune fille et semble se plaire en Ecosse.
Mélampus, auteur d'un traité de l'art de juger les inclinations et le sort futur des hommes par l'inspection des seings ou grains de beauté. Voir. SEINGS
Melanchthon, disciple de Luther, mort en 1568. Il croyait aux revenants comme son maître, et ne croyait pas à l'Eglise. Il rapporte, dans un de ses écrits, que sa tante ayant perdu son mari lorsqu'elle était enceinte et près de son terme, vit un soir, étant assise auprès de son feu, deux personnes entrer dans sa chambre, l'une ayant la figure de son époux défunt, l'autre celle d'un franciscain de la ville. D'abord elle en fut effrayée. Mais son mari la rassura, et lui dit qu'il avait quelque chose d'important à lui communiquer.
Ensuite, il fit un signe au franciscain de passer un moment dans la pièce voisine, en attendant qu'il eût fait connaître ses volontés à sa femme. Alors il la pria de lui faire dire des messes, et l'engagea à lui donner la main sans crainte. Elle donna donc la main à son mari, et elle la retira sans douleur, mais brûlée. De sorte qu'elle en demeura noire tout le reste de ses jours. Après quoi le spectre rappela le franciscain, et tous deux disparurent.
Mélancolie, une des quatre complexions. La figure allégorique qui la représente est un homme dont le teint est plombé; d'une main il tient un livre ouvert, et de l'autre une bourse fermée; sur sa tête est un passereau, et un bandeau lui clôt la bouche Ces différents emblèmes expriment son aptitude aux lettres, son penchant à l'avarice, son humeur solitaire et silencieuse.
Les anciens appelaient la mélancolie le bain du diable, à ce que disent quelques démonomanes. Les personnes mélancoliques étaient au moins maléficiées quand elles n'étaient pas démoniaques. Et les choses qui dissipaient l'humeur mélancolique, comme faisait la musique sur l'esprit de Saül, passaient pour des moyens sûrs de soulager les possédés.
Melchisédech. Plusieurs sectes d'hérétiques, qu'on appela Melchisédéchiens, tombèrent dans de singulières erreurs à propos du patriarche Melchisédech. Les uns crurent qu'il n'était pas un homme, mais la grande vertu de Dieu, et supérieur à Jésus-Christ. Les autres dirent qu'il était le Saint-Esprit. Il y en eut qui soutinrent qu'il était Jésus-Christ même. Une de ces sectes avait soin de ne toucher personne, de peur de se souiller.
Melchom, démon qui porte la bourse; il est aux enfers le payeur des employés publics.
Melek-al-Mout. C'est le nom que les anciens Persans donnent à l'ange de la mort. Les Persans modernes l'appellent aussi l'ange aux vingt mains, pour faire entendre comment il peut suffire à expédier toutes les âmes. Il paraît être l'ange Azraël des Juifs et le Mordad des mages, appelé encore Asuman.
Melissa. Voir ABEILLES
Mélèze. Arbre maudit chez les Tartares.
Mélusine. Jean d'Arras ayant recueilli, sur la fin du XIVe siècle, tous les contes qu'on faisait sur Mélusine, en composa, ce qu'il appelle la chronique de cette princesse.
Mélusine fut l'aînée de trois filles, que sa mère, Pressine, trois d'Élinas, roi d'Albanie, eut d'une seule couche. Pressine avait exigé d'Elinas qu'il n'entrerait point dans sa chambre jusqu'à ce qu'elle fût relevée.
Le désir de voir ses enfants le fit manquer à sa promesse. Pressine, qui était une sylphide ou une fée, fut donc forcée de le quitter; ce qu'elle fit, ayant emmené avec elle ses trois filles, auxquelles d'une haute montagne elle montrait le pays albanais, où elles eussent régné sans la fatale curiosité de leur père. Les trois sœurs, pour s'en venger, enfermèrent leur père dans la montagne de Brundelois.
Pressine aimait encore son mari. Elle les punit par différents châtiments. Celui de Mélusine fut d'être moitié serpent tous les samedis, et d'être fée jusqu'au jour du jugement, à moins qu'elle ne trouvât un chevalier qui voulût être son mari, et qui ne vît jamais sa forme de serpent. Raimondin, fils du comte de Forez, ayant rencontré Mélusine dans un bois, l'épousa. Cette princesse bâtit le château de Lusignan.
Son premier enfant fut un fils nommé Vriam, en tout bien formé, excepté qu'il avait le visage court et large en travers. Il avait un œil rouge et l'autre bleu, et les oreilles aussi grandes que les manilles d'un van. Le second fut Odon, qui était beau et bien formé, mais il avait une oreille plus grande que l'autre. Le troisième fut Guion, qui fut bel enfant, mais il eut un œil plus haut que l'autre. Le quatrième fut Antoine: nul plus bel enfant no fut vu, mais il apporta en naissant une griffe de lion sur la joue. Le cinquième fut Regnault. Il fut bel enfant, mais il n'eut qu'un œil, dont il voyait si bien qu'il voyait de 21 lieues. Le sixième fut Geoffroi, qui naquit avec une grande dent qui lui sortait de la bouche de plus d'un pouce, d'où il fut nommé Geoffroi à la grande dent. Le septième fut Froimond, assez beau, qui eut sur le nez une petite tache velue comme la peau d'une taupe. Le huitième fut grand à merveille. Il avait trois yeux, desquels il s'en trouvait un au milieu du front.
Vriam et Guion étant allés avec une armée secourir le roi de Chypre contre les Sarrasins, et les ayant taillés en pièces, Vriam épousa Hermine, fille et héritière du roi de Chypre, et Guion, la belle Florie, fille du roi d'Arménie. Antoine et Regnault étant allés au secours du duc de Luxembourg, Antoine épousa Christine, fille de ce prince, et Regnault, Aiglantine, fille et héritière du roi de Bohême. Des quatre autres fils de Mélusine, un fut roi de Bretagne, l'autre seigneur de Lusignan, le troisième comte de Parthenay, et le dernier se fit religieux.
Raimondin ne tint pas la promesse qu'il avait faite à Mélusine de ne jamais la voir le samedi. Il fit une ouverture avec son épée dans la porte de la chambre où elle se baignait. Il la vit en forme de serpent. Mélusine ne put dès lors demeurer avec lui, et s'envola par une fenêtre sous la même forme. Elle demeurera fée jusqu'au jour du jugement. Et lorsque Lusignan change de seigneur, ou qu'il doit mourir quelqu'un de sa lignée, elle paraît trois jours avant sur les tours du château, et y pousse de grands cris.
Selon quelques démonomanes, Mélusine était un démon de la mer. Paracelse prétend que c'était une nymphe cabalistique. Le plus grand nombre en fait une fée puissante.
Le beau château de Lusignan passa dans le domaine royal. Hugues-le-Brun avait fait à Philippe-le-Bel des legs considérables. Guy son frère, irrité, jeta le testament au feu. Le roi le fit accuser de conspiration et confisqua le château de Lusignan. A cette occasion, l'ombre de Mélusine se lamenta sur la plate-forme du château pendant douze nuits consécutives.
On dit ailleurs que cette Mélusine ou Merline était une dame fort absolue, et commandait avec une telle autorité que, lorsqu'elle envoyait des lettres ou patentes scellées de son sceau ou cachet, sur lequel était gravée une sirène, il ne fallait plus songer qu'à obéir aveuglément. C'est de là qu'on a pris sujet de dire qu'elle était magicienne, et qu'elle se changeait quelquefois en sirène.
Quelques écrivains ont fait de Mélusine une fée puissante qui épousa un seigneur de la maison de Lusignan. Deux grandes maisons du Poitou et du Dauphiné ont porté dans leurs armes Mélusine représentée en sirène ; c'est ce qui a fait croire aux gens qui ne doutent de rien que l'histoire de Mélusine n'était pas un conte. M. de Saint-Alban a donné, dans ses Contes noirs, l'histoire de Mélusine, selon l'opinion populaire de certains cantons du Poitou. Il en fait une sylphide ou une fée. Après avoir raconté ses aventures, il finit comme tous les chroniqueurs. « Depuis qu'elle disparut, toutes les fois que le trépas menace un de ses descendants, Mélusine se montre en deuil sur la grande tour du château de Lusignan, qu'elle a fait bâtir. Son apparition annonce aussi la mort de nos rois, lorsqu'elle doit être funeste. »
Quelques historiens disent que Mélusine était une femme aussi adroite que belle, qui se vantait de posséder l'art des métamorphoses. Elle devait être aisément crue dans un siècle où les changements d'hommes et de femmes en loups et autres animaux commençaient à devenir communs.
De toutes nos fées, Mélusine est, sans contredit, la plus célèbre. C'était la patronne de la maison de Lusignan, et la plupart des femmes de cette famille portèrent son nom. Jean d'Arras, poète du XIVe siècle, a écrit en vers l'histoire de cette fée.
Fille d'un roi d'Albanie, elle avait été, en punition d'une faute, condamnée par sa mère à être fée et serpent tous les samedis, jusqu'au jour du jugement dernier, à moins qu'elle ne pût trouver un chevalier qui consentit à l'épouser et ne pût jamais la voir sous cette forme. Raymondin, fils du comte de Forez, l'ayant rencontrée dans un bois, en devint amoureux, et l'épousa. Ce fut pour lui qu'elle bâtit le fameux château de Lusignan en Poitou.
Mais malheureusement, il ne tint point la promesse qu'il lui avait faite de ne jamais chercher à la voir le samedi, et un jour il la surprit lorsqu'elle était métamorphosée en serpent. Elle s'échappa par une fenêtre en poussant un grand cri, et ne reparut plus. Seulement, toutes les fois que le château de Lusignan changeait de seigneur, ou qu'il devait mourir quelque personne de sa famille, on la voyait pendant trois jours apparaître sur le donjon en exhalant de lugubres gémissements.
Le manoir de Raymond resta plein des souvenirs de la mère des Lusignan, tour à tour nommée mère Lusigne, Merlusine, enfin Mellusine.
Les bonnes gens parlaient sans cesse des huit fils de la femme-serpent, tous effroyables à voir, tous marqués de signes surnaturels. La statue de l'un d'eux, Geoffroi à la Grand Dent, se dressait même sur la maîtresse porte, comme pour attester la réalité des traditions. Parfois, un serpent aux cercles noueux se glissait la nuit le long des escarpements de la forteresse. S'il en faisait trois fois le tour, on pouvait être certain de la menace d'un assaut. Les cris prophétiques de la fée redoublaient au trépas de quelque prince de la famille royale de France.
Les constructions les plus anciennes et les plus renommées du Poitou, ainsi que des provinces voisines, étaient également attribuées à la femme-serpent. Entre autres, les châteaux de Morvant, de Vouvant, de Partenay, de Parc-Soubise, du Coudray, de Salbart, de Béruges en Poitou, de Marmande en Touraine, d'Issoudun en Berry, etc. Et dans leurs vieilles ceintures de murailles flanquées de tours, dans leurs ruines majestueuses les mêmes apparitions se répétaient.
La tradition de Mélusine était encore en pleine vigueur vers la fin du XVIe siècle. Dans les guerres de religion qui désolèrent la France à cette époque, le château et la ville de Lusignan furent, en 1574, assiégés et pris par le duc de Montpensier. « Le roi, dit le président de Thou, ordonna que ce château, le plus fameux et le mieux bâti de France, serait rasé. On ne fit pas même grâce à cette fameuse tour de Mélusine, que nos auteurs ont rendue si célèbre par les fables qu'ils ont racontées. »
Catherine de Médicis, qui était, comme on sait, fort adonnée à la magie, prit alors un grand plaisir à faire causer de vieilles femmes qui lavaient leur linge à une fontaine auprès du vieux château. « Les unes lui disaient, rapporte Brantôme, qu'elles voyaient Mélusine quelquefois venir à la fontaine pour s'y baigner en forme d'une très belle dame et en habit de veuve. Les autres disaient qu'elles la voyaient, mais très rarement, et ce, le samedi à vêpres (car en cet état ne se laissait-elle guère voir), se baigner, moitié le corps d'une très belle dame et l'autre moitié en serpent. Les autres, disaient qu'elle paraissait sur le haut de la grosse tour en forme d'une très belle dame et en serpent. Les unes disaient que quand il devait arriver quelque grand désastre au royaume ou changement de règne, ou mort et inconvénient de ses parents, les plus grands de la France, que trois jours avant on l'entendait crier d'un cri très aigre et effroyable par trois fois. On tient celui-ci pour très vrai. »
Une autre Mélusine figure dans les traditions féeriques de la Franche-Comté. C'est la vouivre, être moitié femme aussi moitié serpent, qui porte au front une escarboucle lumineuse.
Mélye, Il y avait, dans les fées comme dans les hommes, une inégalité de moyens et de puissance. On voit, dans les romans de chevalerie et dans les contes merveilleux, que souvent une fée bienfaisante était gênée dans ses bonnes intentions par une méchante fée dont le pouvoir était plus étendu.
La célèbre fée Urgande, qui protégeait si généreusement Amadis, avait donné au jeune Esplandian, fils de ce héros, une épée enchantée qui devait rompre tous les charmes. Un jour qu'Esplandian et les chevaliers chrétiens se battaient en Galatie, aidés de la fée Urgande, ils aperçurent la fée Mélye, leur ennemie implacable, qui, sous la figure la plus hideuse, était assise sur la pointe d'un rocher, d'où elle protégeait les armes des Sarrasins.
Esplandian courut à elle pour purger la terre de cette furie (car, bien qu'immortelles de leur nature, les fées n'étaient pas à l'épreuve d'un bon coup d'épée, et pouvaient, comme d'autres, recevoir la mort, pourvu qu'elle fût violente). Mélye évita le coup en changeant de place avec la plus grande agilité. Et comme elle se vit pressée, elle parut s'abîmer dans un antre qui vomit aussitôt des flammes.
Urgande, qui reconnut Mélye au portrait que les chevaliers lui en firent, voulut la voire et conduisit Esplandian et quelques chevaliers dans une prairie, au bout de laquelle ils trouvèrent Mélye assise sur ses talons et absorbée dans une profonde rêverie. Cette fée possédait un livre magique, dont Urgande désirait depuis longtemps la possession. Mélye, apercevant Urgande, composa son visage, accueillit la fée avec aménité, et la fit entrer dans sa grotte.
Mais à peine y avait-elle pénétré que, s'élançant sur elle, la méchante fée la renversa par terre en lui serrant la gorge avec violence. Les chevaliers, les entendant se débattre, entrèrent dans la grotte. Le pouvoir des enchantements les fit tomber sans connaissance. Le seul Esplandian, que son épée garantissait de tous les pièges magiques, courut sur Mélye, et retira Urgande de ses mains.
Au même instant Mélye prit celui de ses livres qui portait le nom de Médée, et formant une conjuration, le ciel s'obscurcit et il sortit d'un nuage noir un chariot attelé de deux dragons qui vomissaient des flammes. Tout à coup Mélye, enlevant Urgande, la plaça dans le chariot et disparut avec elle. Elle l'emmena dans Thésyphante, et l'enferma dans une grosse tour, d'où Esplandian parvint à la tirer quelque temps après.
Menah, vallée à quatre lieues de La Mecque. Les pèlerins doivent y jeter sept pierres par dessus l'épaule. Les docteurs musulmans en donnent trois raisons: les uns disent que c'est pour renoncer au diable, et le rejeter, à l'imitation d'Ismaël qu'il voulut tenter au moment que son père Abraham allait le sacrifier, et qui le fit fuir en lui jetant des pierres; les autres, qu'ayant voulu empêcher Abraham d'égorger Ismaël, et n'ayant rien pu gagner ni sur Ismaël ni sur Agar, ils l'éloignèrent tous les trois par ce moyen; et les troisièmes, que c'est en mémoire des pierres qu'Adam jeta au diable lorsqu'il revint l'aborder après lui avoir fait commettre le péché originel.
Ménandre, est un disciple de Simon le magicien, qui profita des leçons de son maître, et qui enseigna la même doctrine que lui. Il professait la magie. Simon se faisait appeler la grande vertu. Ménandre dit que, quant à lui, il était envoyé sur la terre par les puissances invisibles pour opérer le salut des hommes.
Ainsi, Ménandre et Simon doivent être mis au nombre des faux messies plutôt qu'au rang des hérétiques. L'un et l'autre enseignaient que la suprême intelligence, qu'ils nommaient Ennoïa, avait donné l'être à un grand nombre de génies qui avaient formé le monde et la race des hommes. Valentin, qui vint plus tard, trouva là ses éons. Ménandre donnait un baptême qui devait rendre immortel...
Menasseh Ben Israël, Menasseh ben Israël est un savant Juif Portugais, né vers 1604. Il a beaucoup écrit sur le Talmud. Il y a quelques faits merveilleux dans ses trois livres de la Résurrection des morts. Son ouvrage de l'Espérance d'Israël est curieux.
Un juif renégat de Villaflor en Portugal, Antoine Montesini, étant venu à Amsterdam vers 1649, publia qu'il avait vu, dans l'Amérique méridionale, de nombreuses traces des anciens Israélites. Menasseh ben Israël s'imagina, là-dessus, que les dix tribus enlevées par Salmanazar étaient allées s'établir dans ce pays-là, et que telle était l'origine des habitants de l'Amérique. Il publia son Spes Israelis pour le prouver.
Dans la troisième partie de son livre Souffle de vie, il traite des esprits et des démons, selon les idées des rabbins de son temps. Et, dans la quatrième partie, il traite de la métempsycose, qui est pour beaucoup de Juifs une croyance.
Il avait commencé un traité de la science des talmudistes et un autre de la philosophie rabbinique, qui n'ont pas été achevés.
Ménestrier, Claude-François Ménestrier est un Jésuite, auteur d'un livre intitulé la Philosophie des images énigmatiques (1694), où il traite des énigmes, hiéroglyphes, oracles, prophéties, sorts, divinations, loteries, talismans, songes, centuries de Nostradamus et de baguette divinatoire.
Meneurs de loups, Près du château de Lusignan, ancienne demeure de Mélusine, on rencontre de vieux bergers, maigres et hideux comme des spectres. On dit qu'ils mènent des troupeaux de loups. Cette superstition est encore accréditée dans quelques pays, entre autres dans le Nivernais.
Ménippe, Ménippe est le compagnon d'Apollonius de Tyane. Visité d'une lamie ou démon succube, il en fut délivré par Apollonius.
Ménippe est une Néréide.
Ménippe est la fille de Thamyris, et la mère d'Orphée.
Ménippe est la fille du Pénée. Elle est également l'épouse de Pélasgus, dont elle eut Phrastor.
Ménippe est la fille d'Orion, et la sœur de Métioché. Toutes deux furent élevées par leur mère, après qu'Orion eut succombé sous les traits de Diane. Vénus leur fit don d'une beauté merveilleuse, et Minerve leur enseigna l'art de tisser. Une épidémie ayant frappé les Aones (anciens Béotiens), l'oracle d'Apollon Gortynius répondit que la peste cesserait si deux jeunes filles consentaient à accepter la mort pour apaiser les Furies. Les deux sœurs s'offrirent aussitôt, et, après avoir invoqué par trois fois les divinités infernales, elles se donnèrent la mort en se perçant la gorge de leur navette. Pluton et Proserpine les changèrent en comètes.
Les Aones, pour reconnaître le dévouement des deux vierges, leur élevèrent un temple à Orchomène, d'autres disent à Thèbes ou à Tanagra, et célébraient des sacrifices annuels en leur honneur. Par ailleurs, les Éoliens désignaient les deux Orionides par le nom de Coronides.
Mensonge, chose fausse et inventée, que l'on veut faire passer pour véritable. Ce vice naît de la bassesse des sentiments, de l'indiscrétion de la langue, et de la fausseté du cœur. C'est pourquoi on le représente laid, mal coiffé et mal vêtu: sa draperie est garnie de langues et de masques: il tient un faisceau de paille allumée, pour marquer que ses propos n'ont aucune substance, et meurent presque aussitôt qu'ils sont nés. On lui donne une jambe de bois, pour marquer son peu de solidité.
Quelques uns en font une divinité infernale. On lui donnait le soin de conduire les ombres des morts dans le Tartare. C'est sans doute Mercure que l'on entend par cette divinité allégorique. On le représentait avec un air affable et séduisant; air qui lui convient encore comme dieu des marchands et des filous, qui sont sous sa protection.
Méphistophélès est le démon de Faust. On le reconnaît à sa froide méchanceté, à ce rire amère qui insulte aux larmes, à la joie féroce que lui cause l'aspect des douleurs. C'est lui qui, par la raillerie attaque les vertus, abreuve de mépris les talents, fait mordre sur l'éclat de la gloire la rouille de la calomnie. Il n'était pas inconnu a Voltaire, à Parny et a quelques autres.
C'est, après Satan, le plus redoutable chef de l'enfer.
Mercier, est l'auteur d'un Tableau de Paris, qui a fait quelque bruit, et de Songes philosophiques, où l'on trouve deux ou trois songes qui roulent sur les vampires et les revenants.
Mercredi, quatrième jour de la semaine, était personnifié par une figure de Mercure, qu'on reconnaît aux ailerons de son pétase.
Mercredi est le jour où les sorciers jouent au sabbat leurs mystères, et chantent leurs litanies.
Les Persans regardent le mercredi comme un jour blanc, c'est-à-dire heureux, parce que la lumière fut créée ce jour-là. Pourtant ils exceptent le dernier mercredi du mois de séphar, qui répond à février, qu'ils appellent mercredi du malheur, et qui est le plus redouté de leurs jours noirs.
Mercure, est chargé, dans l'ancienne mythologie, de conduire les âmes des morts à leur destination dernière.
Le mercure est le symbole de la mobilité et du froid. C'est le seul métal à l'état liquide, à la température ambiante.
Le mercure est un métal mouvant et propice à la transformation. Ainsi, il est considéré comme un principe générateur, animé de forces propres. Aussi, la fluidité du mercure fut associée par les Égyptiens à la rapidité de la planète qui porte son nom. En effet, en hiéroglyphes, le signe de la planète qui fait le plus rapidement le tour du soleil est le même que celui qui désigne le métal mercure.
En outre, cette liaison entre fluidité et rapidité revêt, dans la mythologie égyptienne, un caractère divin. En effet, le signe en hiéroglyphes de la planète et du métal mercure est également celui d'Hermès (le messager des dieux). D'ailleurs, les Romains ont par la suite assimilé cette divinité au dieu Mercure (également messager des dieux).
Dans l'Antiquité, le mercure était également appelé "vif-argent" en raison de son apparente forme liquide de l'argent. Aussi, ce métal mobile et liquide est fortement associé à la liaison, à la transformation, à l'alchimie et même à la transmutation, ce qui lui confère des vertus magiques. Ainsi, selon les légendes, le mercure peut tuer, donner l'immortalité, guérir les afflictions, ou encore, transformer les métaux en or.
Par ailleurs, pour les alchimistes, le mercure représente le métal d'une science mystérieuse, qui contient tout le secret : "Dans le mercure se trouve tout ce que cherchent les sages".
Ce fut un médecin nommé Bérenger, né à Carpi dans le Modénois, qui, se trouvant dans l'armée de Charles VIII au temps où le mal vénérien faisait les plus grands ravages dans cette armée, essaya, enhardi par l'exemple des Arabes, d'employer le mercure dans le traitement des maladies syphilitiques ; les succès qu'il obtint accréditèrent ce médicament, qui paraissait être l'antivénérien le plus puissant que l'on connaissait.
Ce journal commença de paraître en 1605 sous le titre de Mercure français. Il prit successivement les noms de Mercure galant, de Nouveau Mercure, et enfin celui de Mercure de France, qu'il a gardé depuis. Déjà, en 1789, la collection de ce journal montait à plus de 1100 volumes. Ce journal, interrompu pendant les troubles révolutionnaires, a été repris ensuite.
Merle, Le merle est un oiseau commun, dont la vertu est admirable. Si l'on pend les plumes de son aile droite, avec un fil rouge, au milieu d'une maison où l'on n'aura pas encore habité, personne n'y pourra sommeiller tant qu'elles y seront pendues. Si l'on met son cœur sous la tête d'une personne endormie et qu'on l'interroge, elle dira tout haut ce qu'elle aura fait dans la journée. Si on le jette dans l'eau de puits avec le sang d'une huppe, et qu'on frotte de ce mélange les tempes de quelqu'un, il tombera malade et en danger de mort.
On se sert de ces secrets sous une planète favorable et propre, comme celles de Jupiter et de Vénus, et quand on veut faire du mal, celles de Saturne et de Mars.
Le diable s'est quelquefois montré sous la forme de cet oiseau.
Ce qui a fait croire à quelques-uns que Merlin était Anglais, c'est qu'il fut porté dans ce pays quelques jours après sa naissance. Voici l'occasion, de ce voyage.
Wortigern, roi d'Angleterre, avait résolu de faire bâtir une tour inexpugnable où il pût se mettre en sûreté contre les bandes de pirates qui dévastaient ses États. Lorsqu'on en jeta les fondements, la terre engloutit pendant la nuit tous les travaux de la journée. Ce phénomène se répéta tant de fois que le roi assembla les magiciens pour les consulter. Ceux-ci déclarèrent qu'il fallait affermir les fondements de la tour avec le sang d'un petit enfant qui fût né sans père.
Après beaucoup de recherches dans le pays et hors le pays, on apprit qu'il venait de naître dans l'île de Sein un petit enfant d'une druidesse et qui n'avait point de père connu: c'était Merlin. Il présentait les qualités requises par les magiciens. On l'enleva et on l'amena devant le roi Wortigern
Merlin n'avait que seize jours. Cependant, il n'eut pas plutôt entendu la décision des magiciens, qu'il se mit à disputer contre eux avec une sagesse qui consterna tout l'auditoire. Il annonça ensuite que, sous les fondements de la tour que l'on voulait bâtir, il y avait un grand lac, et dans ce lac deux dragons furieux. On creusa. Les deux dragons parurent: l'un, qui était rouge, représentait les Anglais; l'autre, qui était blanc, représentait les Saxons. Ces deux peuples étaient alors en guerre et les deux dragons étaient leurs génies protecteurs. Ils commencèrent, à la vue du roi et de sa cour, un combat terrible, sur lequel Merlin se mit à prophétiser l'avenir des Anglais.
On pense bien qu'après ce qui venait de se passer, il ne fut plus question de tuer le petit enfant. On se disposa à le reconduire dans son pays, et on l'invita à visiter quelquefois l'Angleterre. Merlin pria qu'on ne s'occupât point de lui. Il frappa la terre, et il en sortit un grand oiseau sur lequel il se plaça. Il fut en moins d'une heure dans les bras de sa mère, qui l'attendait sans inquiétude parce qu'elle savait ce qui se passait.
Merlin fut donc élevé dans les sciences et dans l'art des prodiges par son père et par les conseils de sa mère qui était prophétesse. On croit même qu'elle était fée.
Quand il fut devenu grand, il se lia d'amitié avec Ambrosius, autre roi des Anglais. Pour rendre plus solennelle l'entrée de ce prince dans sa capitale, il fît venir d'Irlande en Angleterre plusieurs rochers qui accompagnèrent en dansant le cortège royal, et formèrent en s'arrêtant une espèce de trophée à la gloire du monarque. On voit encore ce rochers à quelques lieues de Londres, et on assure qu'il y a des temps où ils s'agitent par une suite du prodige de Merlin. On dit même que pour ce roi, son ami, il bâtit un palais de fées en moins de temps que Satan ne construisit le Pandémonium des enfers.
Après une foule de choses semblables, Merlin jouissant de la réputation la plus étendue et de l'admiration universelle, pouvait étonner le monde et s'abandonner aux douceurs de la gloire. Il aima mieux agrandir ses connaissances et sa sagesse. Il se retira dans une forêt de la Bretagne, s'enferma dans une grotte, et s'appliqua sans relâche à l'élude des sciences mystérieuses. Son père le visitait tous les sept jours et sa mère plus fréquemment encore. Il fît, sous eux, des progrès étonnants et les surpassa bientôt l'un et l'autre.
On a lu, dans les histoires de la chevalerie héroïque, les innombrables aventures de Merlin. Il purgea l'Europe de plusieurs tyrans. Il protégea les dames, et bien souvent les chevaliers errants bénirent les heureux secours de Merlin.
Las de parcourir le monde, il se condamna à passer sept ans dans l'île de Sein. C'est là qu'il composa ses prophéties, dont quelques-unes ont été publiées. On sait qu'il avait donné à l'un des chevaliers errants, qui firent la gloire de la France, une épée enchantée avec laquelle on était invincible. Un autre avait reçu un cheval indomptable à la course. Le sage enchanteur avait aussi composé pour le roi Arthus une chambre magique où ne pouvaient entrer que les braves, une couronne transparente qui se troublait sur la tête d'une coquette et une épée qui jetait des étincelles dans les mains des guerriers intrépides.
Quelques-uns ont dit qu'il mourut dans une extrême vieillesse. D'autres, ont dit qu'il fut emporté par le diable. Une autre opinion encore assez répandue en Bretagne, est que Merlin n'est pas mort, qu'il a su se mettre à l'abri de la fatalité commune et qu'il est toujours plein de vie dans une forêt du Finistère nommée Brocéliande, où il est enclos et invisible à l'ombre d'un bois d'aubépine.
On assure que messire Gauvain et quelques chevaliers de la Table-Ronde cherchèrent vainement partout ce magicien célèbre. Gauvain seul l'entendit, mais ne put le voir dans la forêt de Brocéliande.
Merlin est un personnage du Ve siècle, qui passa pour un habile enchanteur, et qui, dit-on, naquit du commerce de la fille d'un roi calédonien avec un incube. Il joue un grand rôle dans le poème de l'Arioste et dans le roman de Brut.
Mérovée, Mérovée est le troisième roi des Francs, dont la naissance doit être placée vers l'an 410. Il monta sur le trône en 440 et mourut en 458. Des chroniqueurs rapportent ainsi sa naissance: « La trois de Clodion-le-Chevelu se promenant un jour au bord de la mer fut surprise par un monstre qui sortit des flots. Elle en eut un fils qui fut nommé Mérovée, et qui succéda à Clodion. »
Sauval croit que cette fable fut inventée par Mérovée lui-même pour imprimer du respect dans l'esprit des siens en s'attribuant une origine si extraordinaire. Des chroniqueurs ont dit que son nom Mer-Wech signifie veau marin.
Merveilles. Pline assure que les insulaires de Minorque demandèrent un secours de troupes à l'empereur Auguste contre les lapins qui renversaient leurs maisons et leurs arbres. Aujourd'hui on demanderait à peine un secours de chiens.
Un vieux chroniqueur conte qu'il y avait à Cambaya, dans l'Hindoustan, un roi qui se nourrissait de venin, et qui devint si parfaitement vénéneux qu'il tuait de son haleine ceux qu'il voulait faire mourir.
On lit dans Pausanias que 400 ans après la bataille de Marathon, on entendait toutes les nuits, dans l'endroit où elle se donna, des hennissements de chevaux et des bruits de gens d'armes qui se battaient. Et ce qui est admirable, c'est que ceux qui y venaient exprès, n'entendaient rien de ces bruits. Ils n'étaient entendus que de ceux que le hasard conduisait en ce lieu.
Albert-le-Grand assure qu'il y avait en Allemagne, deux enfants jumeaux, dont l'un ouvrait les portes en les touchant avec son bras droit. L'autre les fermait, en les touchant avec son bras gauche.
Paracelse dit qu'il a vu beaucoup de sages passer vingt années sans manger quoi que ce fût. Si on veut se donner cette satisfaction, qu'on enferme de la terre dans un globe de verre, qu'on l'expose, au soleil jusqu'à ce qu'elle soit pétrifiée; qu'on se l'applique sur le nombril, et qu'on la renouvelle quand elle sera trop sèche, on se passera de manger et de boire sans aucune peine, ainsi que Paracelse lui-même assure en avoir fait l'expérience pendant six mois.
Mesmer, Antoine Mesmer, est un médecin allemand, fameux par la doctrine du magnétisme animal. Il est né en 1734, et mort en 1815. Il a laissé plusieurs ouvrages dans lesquels il soutient que les corps célestes, en vertu de la même force qui produit leurs attractions mutuelles, exercent une influence sur les corps animés, et principalement sur le système nerveux, par l'intermédiaire d'un fluide subtil qui pénètre tous les corps, et remplit tout l'univers.
Il alla s'établir à Vienne, et tenta de guérir par le magnétisme minéral, en appliquant des amants sur les parties malades. Ayant trouvé un rival dans cet art, il se restreignit au magnétisme animal, c'est-à-dire à l'application des mains seulement sur le corps, ce qui le fit garder comme un fou et un visionnaire par les différentes académies de médecine où il présenta ses découvertes.
Il vint à Paris, et peuple et la cour eurent quelque temps les yeux éblouis par ce nouveau genre de cures. On nomma des docteurs pour examiner le magnétisme animal, et on publia des écrits contre Mesmer, qui fut contraint de quitter la France, emportant avec lui une somme le 300 000 francs. Il alla vivre incognito en Angleterre, ensuite en Allemagne, où il mourut.
Il reste de lui plusieurs ouvrages tels que De L'influence des planètes (1766), Mémoire sur la découverte du magnétisme animal (1779), Précis historique des faits relatifs au magnétisme animal (1781), Histoire abrégée du magnétisme animal (1783), Mémoire de F.-A. Mesmer sur ses découvertes (1799).
Messa-Halla, Macha-Halla est un astrologue arabe du VIIIe siècle de notre ère. On a de lui plusieurs ouvrages dont on trouve la liste dans Casiri. On a traduit en latin les principaux: un traité des Eléments et des choses célestes, un autre De la révolution des années du monde, et un troisième De la Signification des planètes pour les nativités (1549). La bibliothèque Bodléienne a, parmi ses manuscrits, une traduction hébraïque de ses Problèmes astrologiques, faite par Aben-Ezra.
Messe du diable, On a vu, par différentes confessions de sorciers, que le diable fait aussi dire des messes au sabbat. Pierre Aupetit, prêtre apostat du village de Fossas, en Limousin, fut brûlé pour y avoir célébré les mystères.
Au lieu de dire les saintes paroles de la consécration, on dit au sabbat: Belzébuth, Belzébuth, Belzébuth. Le diable vole sous la forme d'un papillon autour de celui qui dit la messe, et qui mange une hostie noire, qu'il faut mâcher pour l'avaler.
Messie des Juifs, Quand le Messie viendra sur la terre, disent les rabbins dans le Talmud, comme ce prince sera revêtu de la force toute-puissante de Dieu, aucun tyran ne pourra lui résister. Il remportera de grandes victoires sur tous ceux qui régneront dans le monde et tirera d'entre leurs mains tous les Israélites qui gémissent sous leur domination. Après les avoir rassemblés, il les mènera en triomphe à la terre de Chanaan, où ils trouveront les habits les plus précieux, qui se feront d'eux-mêmes, et s'ajusteront à toute sorte de grandeur et de taille. Ils y auront aussi toutes les viandes qu'on peut souhaiter, que le pays produira cuites et bien apprêtées, un air pur et tempéré, qui les conservera dans une santé robuste et prolongera leur vie au delà de celle qui a été accordée, aux premiers patriarches.
Mais tout cela n'est rien, en comparaison du festin que leur fera le Messie, où, entre autres viandes, seront servis le bœuf Behemoth, qui s'engraisse depuis le commencement du monde, et mange chaque jour toute l'herbe qui croît sur mille montagnes; le poisson Léviathan, qui occupe une mer tout entière; et l'oiseau fameux qui, en étendant seulement ses ailes, obscurcit le soleil. On raconte qu'un jour cet oiseau ayant laissé tomber un de ses œufs, cet œuf abattit par sa chute trois cents gros cèdres, et inonda, en se crevant, soixante villages.
Avant de mettre ces animaux à la broche, le Messie les fera battre ensemble, pour donner à son peuple un plaisir agréable et nouveau. Car, outre la monstrueuse grosseur de ces animaux qui s'entrechoqueront, il est rare de voir le combat d'un animal terrestre, d'un poisson et d'un oiseau. Mais aussi faut-il que toutes les actions de ce Messie soient extraordinaires.
Le Messie tiendra dans son palais, pour marque de sa grandeur, un corbeau et un lion qui sont des plus rares. Le corbeau est d'une force prodigieuse: une grenouille, grosse comme un village de soixante maisons, ayant été dévorée par un serpent, le corbeau du Messie mangea l'un et l'autre aussi aisément qu'un renard avale une poire, comme dit le rabbin Bahba, présumé témoin oculaire du fait.
Le lion n'est pas moins surprenant: un empereur romain en ayant ouï parler et prenant ce qu'on en disait pour une fable, commanda au rabbin Josué de le lui faire voir. Le rabbin, ne pouvant désobéir à de pareils ordres, se mit en prières. Et Dieu lui ayant accordé la permission de montrer cette bête, il alla la chercher dans le bois d'Éla, où elle se tenait. Mais quand elle fut à 1400 pas de Rome, elle se mit à mugir si furieusement que toutes les femmes enceintes avortèrent, et que les murs de la ville furent renversés. Quand elle en fut à 1000 pas, elle rugit une seconde fois, ce qui fit tomber les dents à tous les citoyens. Et l'empereur, ayant été jeté à bas de son trône, fit prier Josué de reconduire au plus tôt le lion dans son bois.
Métamorphoses. La mythologie des païens avait ses métamorphoses. Nous avons aussi les transformations moins gracieuses des sorciers. Mais nous avons aussi les fées.
Les sorciers qu'on brûla à Vernon, en 1566, s'assemblaient dans un vieux château, sous des formes de chats. Quatre ou cinq hommes, un peu plus hardis qu'on ne l'était alors, résolurent d'y passer la huit, mais ils se trouvèrent assaillis d'un si grand nombre de chats que l'un d'eux fût tué et les autres grièvement blessés. Les chats, de leur côte, n'étaient pas invulnérables. Et on en vit plusieurs le lendemain qui, ayant repris leur figure d'hommes et de femmes, portaient les marques du combat qu'ils avaient, soutenu.
Spranger conte qu'un jeune homme de l'île de Chypre fut changé en âne par une sorcière, parce qu'il avait un penchant pour l'indiscrétion. Si les sorcières étaient encore puissantes, bien des jeunes gens d'aujourd'hui auraient les oreilles longues.
On lit quelque part qu'une sorcière métamorphosa en grenouille un cabaretier qui mettait de l'eau dans son vin.
Métatron. Chaque nom d'Archange se termine par "El", qui signifie "Dieu" dans le langage universel. Métatron et Sandalphon dérogent à la règle car ce sont les 2 seuls Archanges qui ont connu une vie terrestre par le passé.
Les interprétations sur Métatron sont plurielles, mais du fait même de sa nature humaine, il est plus à même d'en comprendre certaines problématiques. Métatron possède une énergie forte et focale. Ayant conservé un degré de pureté proche de Dieu, il fut aussi l'Esprit d'Enoch et se trouve haut dans les sphères des royaumes célestes.
Métatron a attrait aux archives akashiques vu son passé humain. Et il s'avère un soutien spirituel de première pour les aspirants en chemin. Vous pouvez donc lui demander d'intercéder pour travailler sur certaines vies karmiques (en accord avec les Seigneurs du Karma), ou si vous attendez du soutien dans votre cheminement.
Métempsychose. La mort, suivant la métempsychose, n'était autre chose que le passage de l'âme dans un autre corps. Ceux qui croyaient à cette doctrine disaient que les âmes, étant sorties des corps, s'envolaient sous la conduite de Mercure dans un lieu souterrain où étaient d'un côté le Tartare, et de l'autre les Champs-Elysées. Là, celles qui avaient mené une vie pure étaient heureuses, et celles des méchants se voyaient tourmentées par les furies. Mais, après un certain temps, les unes et les autres quittaient ce séjour pour habiter de nouveaux corps, même ceux des animaux. Et afin d'oublier entièrement tout le passé, elles buvaient de l'eau du fleuve Léthé.
On peut regarder les Égyptiens comme les premiers auteurs de cette ancienne opinion de la métempsycose, que Pythagore a répandue dans la suite.
Les manichéens croient à la métempsycose, tellement que les âmes, selon eux, passent dans des corps de pareille espèce à ceux qu'elles ont le plus aimés dans leur vie précédente ou qu'elles ont le plus maltraités. Celui qui a tué un rat ou une mouche sera contraint, par punition, de laisser passer son âme dans le corps d'un rat ou d'une mouche. L'état où l'on sera mis après sa mort sera pareillement opposé à l'état où l'on est pendant la vie. Celui qui est riche sera pauvre, et celui qui est pauvre deviendra riche.
C'est cette dernière croyance qui dans le temps multiplia le parti des manichéens.
Métoposcopie. La métoposcopie est l'art de connaître les hommes par les rides du front. Cardan publia dans le XVIe siècle un traité de Métoposcopie, dans lequel il fait connaître au public une foule de découvertes curieuses. Le front dit-il, est de toutes les parties du visage, la plus importante et la plus caractéristique. Un physionomiste habile peut, sur l'inspection du front seul, deviner les moindres nuances du caractère d'un homme.
En général, un front très élevé avec un visage long et un menton qui se termine en pointe est l'indice de la nullité des moyens. Un front très osseux annonce un naturel opiniâtre et querelleur. Si ce front est aussi très charnu, il est le signe de la grossièreté. Un front carré, large, avec un œil franc sans effronterie, indique du courage avec de la sagesse. Un front arrondi et saillant par le haut, qui descend ensuite perpendiculairement sur l'œil, et qui paraît plus large qu'élevé, annonce du jugement, de la mémoire, de la vivacité, mais un cœur froid. Des rides obliques au front, surtout si elles se trouvent parallèles, annoncent un esprit soupçonneux. Si ces rides parallèles sont presque droites, régulières, pas très profondes, elles promettent du jugement, de la sagesse, un esprit droit. Un front, qui serait bien ridé dans sa moitié supérieure, et sans rides dans sa moitié inférieure, serait l'indice de quelque stupidité.
Les rides ne se prononcent qu'avec l'âge. Mais avant, de paraître, elles existent dans la conformation du front. Le travail quelquefois les marque dans l'âge le plus tendre.
Il y a au front sept rides ou lignes principales qui le traversent d'une tempe à l'autre:
- La planète de Saturne préside à la première, c'est-à-dire la plus haute.
- Jupiter préside à la seconde.
- Mars préside à la troisième.
- Le soleil préside à la quatrième.
- Vénus préside à la cinquième.
- Mercure préside à la sixième.
- La Lune préside à la septième, qui est la dernière, la plus basse et la plus voisine des sourcils.
Quand la ligne de Saturne n'est pas marquée, on peut s'attendre à des malheurs que l'on s'attirera par imprudence. Si elle se brise au milieu du front, c'est une vie agitée. Prononcée fortement, c'est une heureuse mémoire, une patience sage.
Quand la ride de Jupiter est brisée, on est menacé de faire des sottises. Si elle n'est pas marquée, esprit faible, inconséquent, qui restera dans la médiocrité. Si elle se prononce bien, on peut espérer les honneurs et la fortune.
La ligne de Mars brisée promet un caractère inégal. Si elle ne paraît point, c'est un homme doux, timide et modeste. Fortement prononcée, audace, colère, emportement.
Quand la ligne du Soleil manque tout à fait, c'est le signe de l'avarice. Brisée et inégale, elle dénote un bourru, maussade et avare, mais qui a de meilleurs moments. Fortement prononcée, elle annonce de la modération, de l'urbanité, du savoir-vivre, un penchant à la magnificence.
La ride de Vénus fortement prononcée est le signe d'un homme porté aux plaisirs. Brisée et inégale, cette ride promet des retours sur soi-même. Si elle n'est pas du tout prononcée, la complexion est froide.
La ride de Mercure marquée donne l'imagination, les inspirations poétiques, l'éloquence. Brisée, elle ne donne plus que l'esprit de conversation, le ton de la société. Si elle ne paraît pas du tout, caractère nul.
Enfin la ride de la Lune, lorsqu'elle est très prononcée, indique un tempérament froid, mélancolique. Inégale et brisée, elle promet des moments de gaieté entremêlés de tristesse. Si elle manque tout à fait, c'est l'enjouement et la bonne humeur.
L'homme qui a une croix sur la ride de Mercure se consacrera aux lettres et aux sciences. Deux lignes parallèles et perpendiculaires sur le front annoncent qu'on se mariera deux fois, trois fois si ces lignes sont au nombre de trois, quatre fois si elles sont au nombre de quatre, et toujours ainsi.
Une figure qui aura la forme d'un C, placée au haut du front sur la ligne de Saturne, annonce une grande mémoire. Ce signe était évident sur le front d'un jeune Corse dont parle Muret, qui pouvait retenir en un jour et répéter sans effort dix-huit mille mots barbares qu'il n'entendait pas. Un C sur la ligne de Mars présage la force du corps. Ce signe était remarquable sur le front du maréchal de Saxe, qui était si robuste qu'il cassait des barres de fer aussi aisément qu'un paysan ordinaire casse une branche d'arbre ou un bâton de bois blanc. Un C sur la ligne de Vénus promet de mauvaises affaire. Un C sur la ligne de Mercure annonce un esprit mal fait, un jugement timbré. Un C entre les deux sourcils, au-dessous de la ride de la Lune, annonce un naturel prompt à s'emporter, une humeur vindicative. Les hommes qui portent, cette figure sont ordinairement des duellistes, des boxeurs. Les époux qui ont le front chargé de ce signe se battent en ménage.
Celui qui aura entre les deux sourcils, sur la ligne de la Lune, la figure d'un X, est exposé à mourir au champ d'honneur dans une grande bataille.
Celui qui porte au milieu du front, sur la ligne du Soleil, une petite figure carrée ou un triangle, fera fortune sans peine. Si ce signe est à droite, il promet une succession. S'il est à gauche, il annonce des biens mal acquis.
Deux lignes partant du nez et se recourbant des deux côtés sur le front, au-dessus des yeux, annoncent des procès. Si ces lignes sont au nombre de quatre et qu'elles se recourbent deux à deux sur le front, on peut craindre d'être un jour prisonnier de guerre et de gémir captif sur un sol étranger.
Les figures rondes sur la ligne de la Lune annoncent des maladies aux yeux.
Si vous avez dans la partie droite du front, sur la ligne de Mars, quelque figure qui ressemble à un Y, vous aurez des rhumatismes. Si cette figure est au milieu du front, craignez la goutte. Si elle est à gauche, toujours sur la ligne de Mars, vous pourrez bien mourir d'une goutte remontée.
La figure du chiffre 3 sur la figure de Saturne annonce des coups de bâton. Sur la ligne de Jupiter, un emploi lucratif. Sur la ligne de Mars, commandement d'un corps d'armée dans une bataille, mais le commandant sera fait prisonnier dans le combat. Sur la ligne du Soleil, ce signe annonce quelque accident qui vous fera perdre le tiers de votre fortune. Sur la ride de Vénus, disgrâces dans le ménage. Sur la ligne de Mercure, elle fait un avocat. Enfin, sur la ligne de la Lune, la figure du chiffre 3 annonce à celui qui la porte qu'il mourra malheureusement, s'il ne réprime sa passion pour le vol.
La figure d'un V sur la ligne de Mars annonce qu'on sera soldat et qu'on mourra caporal.
La figure d'un H sur la ligne du Soleil ou sur celle de Saturne est le présage qu'on sera persécuté pour des opinions politiques.
La figure d'un P est le signe, partout où elle paraît, d'un penchant à la gourmandise qui pourra faire faire de grandes fautes.
Nous terminerons ce petit traité par la révélation du signe le plus flatteur: c'est celui qui a une ressemblance plus ou moins marquée avec la lettre M. En quelque partie du front, sur quelque ride du front que cette figure paraisse, elle annonce le bonheur, les talents, une conscience calme, la paix du cœur, une heureuse aisance, l'estime générale et une heureuse mort.
Meurtre. "Dans la nuit qui suivit l'ensevelissement du comte de Flandre Charles le Bon, ses meurtriers, selon la coutume des païens et des sorciers, firent apporter du pain et un vase plein de cervoise. Ils s'assirent autour du cadavre, placèrent la boisson et le pain sur le linceul, comme sur une table, buvant et mangeant sur le mort, dans la confiance que par cette action ils empêcheraient qui que ce fût de venger le meurtre commis". Année 1127.
Meyer. Meyer était un professeur de philosophie à l'université de Halle, auteur d'un Essai sur les apparitions (1748). L'auteur convient qu'on est sur un mauvais terrain lorsqu'on écrit sur les spectres. Il avoue qu'il n'en a jamais vu et n'a pas grande envie d'en voir. Il observe ensuite que l'imagination est pour beaucoup dans les aventures d'apparitions.
« Supposons, dit-il, un homme dont la mémoire est remplie d'histoires de revenants car les nourrices, les vieilles et les premiers maîtres ne manquent pas de nous en apprendre; que cet homme, pendant la nuit, soit couché seul dans sa chambre. S'il entend devant sa porte une démarche mesurée, lourde et traînante, ce qui marche est peut-être un chien, mais il est loin d'y songer, et il a entendu un revenant, qu'il pourra même avoir vu dans un moment de trouble. »
L'auteur termine en donnant cette recette contre les apparitions:
- Qu'on tâche d'améliorer son imagination et d'éviter ce qui pourrait la faire extravaguer.
- Qu'on ne lise point d'histoires de spectres, car un homme qui n'en a jamais lu ni entendu n'a guère d'apparitions.
Michaélis (Sébastien). Dominicain, né au diocèse de Marseille en 1543. Il a écrit l'Histoire véritable de ce qui s'est passé dans l'exorcisme de trois filles possédées au pays de Flandre, avec un Traité des sorciers et des magiciens, 2 vol. in-12, très rare, imprimés à Paris en 1623, cinq ans après la mort de l'auteur. Il dit dans cet ouvrage que les tribunaux sensés ne considéraient la confession de magie et d'assistance au sabbat que comme preuves chimériques, et qu'ils ne condamnaient la magie qui si elle était aggravée par la circonstance d'un attentat contre les hommes ou contre leurs biens.
Michel (Mont). Il y a sur le mont Saint-Michel, en Bretagne, cette croyance que les démons chassés du corps des hommes sont enchaînés dans un cercle magique sur le haut de cette montagne. Ceux qui mettent le pied dans ce cercle courent toute la nuit sans pouvoir s'arrêter. Aussi la nuit on n'ose traverser le mont Saint-Michel.
Michel est un maréchal-ferrant de Salon en Provence qui eut une singulière aventure en 1697. Un spectre, disait-on, s'était montré à un bourgeois de la ville et lui avait ordonné d'aller parler à Louis XIV, qui était, alors à Versailles. Il lui avait recommandé le secret envers tout autre que l'intendant de la province, sous peine de mort. Ce bourgeois effrayé conta sa vision à sa trois et paya son indiscrétion de sa vie.
Quelque temps après la même apparition s'étant adressée à un autre habitant de Salon, il eut l'indiscrétion d'en faire part à son père, et il mourut comme le premier. Tous les alentours furent épouvantés de ces deux tragédies.
Le spectre se montra alors à Michel, qui se rendit aussitôt chez l'intendant, où il fut d'abord traité de fou. Mais ensuite, on lui accorda des dépêches pour le marquis de Barbezieux, lequel lui facilita les moyens de se présenter au premier ministre du roi. Le ministre voulut savoir les motifs qui engageaient ce bonhomme à parler au prince en secret. Michel, à qui le spectre apparut de nouveau à Versailles, assura qu'au risque de sa vie il ne pouvait rien divulguer. Et comme il était néanmoins pressé de lui parler, il dit au ministre que, pour lui prouver qu'il ne s'agissait pas de chimères, il pouvait demander à Sa Majesté si, à sa dernière chasse de Fontainebleau, elle-même n'avait pas vu un fantôme? Si son cheval n'en avait pas été troublé? S'il n'avait pas pris un écart? Et si Sa Majesté, persuadée que ce n'était qu'une illusion, n'avait pas évité d'en parler à personne?
Le marquis et le ministre, ayant informé le roi de ces particularités, Louis XIV voulut voir secrètement Michel le jour même. Personne n'a jamais pu savoir ce qui eut lieu dans cette entrevue. Mais Michel, après avoir passé trois jours à la cour, s'en revint dans sa province, chargé d'une bonne somme d'argent que lui avait donnée Louis XIV avec ordre de garder le secret le plus rigoureux sur le sujet de sa mission.
On ajoute que le roi étant un jour à la chasse, le duc de Duras, capitaine des gardes du corps, ayant dit qu'il n'aurait jamais laissé approcher Michel de la personne du roi s'il n'en avait reçu l'ordre, Louis XIV répondit: « Il n'est pas fou comme vous le pensez, et voilà comme on juge mal. » Mais on n'a pu découvrir ce mystère.
Michel de Sahourspe est un sorcier du pays de Saxe, qui déclara qu'il avait vu au sabbat un grand et un petit diable; que le grand se servait du petit comme d'un aide-de-camp; et que le derrière du grand-maître des sabbats était un visage.
Michel l'Écossais est un astrologue du XVIe siècle. Il prédit qu'il mourrait dans une église; ce qui arriva, dit Granger. Comme il était un jour à l'office, il lui tomba sur la tête une pierre qui le tua.
Michel le Bohémien, médecin empirique du seizième siècle, accusé d'avoir eu des relations avec le diable. On le cite souvent sous le nom de Michel Boemius.
Michel, maréchal-ferrant de Salon en Provence, eut une singulière aventure en 1697. Un spectre, disait-on, s'était montré à un bourgeois de la ville et lui avait ordonné d'aller parler à Louis XIV, qui était alors à Versailles, en lui recommandant le secret envers tout autre que l'intendant de la province, sous peine de mort. Ce bourgeois effrayé conta sa vision à sa femme et paya son indiscrétion de sa vie. Quelques temps après, la même apparition s'étant adressée à un autre habitant de Salon, il eut l'imprudence à son tour d'en faire part à son père, et il mourut comme le premier. Tous les alentours furent épouvantés de ces deux tragédies. Le spectre se montra alors à Michel, le maréchal-ferrant; celui-ci se rendit aussitôt chez l'intendant, où il fut d'abord traité de fou; mais ensuite on lui accorda des dépêches pour le marquis de Barbezieux, lequel lui facilita les moyens de se présenter au premier ministre du roi. Le ministre voulut savoir les motifs qui engageaient ce bonhomme à parler au prince en secret. Michel, à qui le spectre apparut de nouveau à Versailles, assura qu'au risque de sa vie il ne pouvait rien divulguer, et, comme il était néanmoins pressé de parler, il dit au ministre que, pour lui prouver qu'il ne s'agissait pas de chimères, il pouvait demander à Sa Majesté si, à sa dernière chasse à Fontainebleau, elle-même n'avait pas vu un fantôme? si son cheval n'en avait pas été troublé? S'il n'avait pas pris un écart? et si Sa Majesté, persuadée que ce n'était qu'une illusion, n'avait pas évité d'en parler à personne? Le marquis et le ministre ayant informé le roi de ces particularités, Louis XIV voulut voir secrètement Michel le jour même. Personne n'a jamais pu savoir ce qui eut lieu dans cette entrevue. Mais Michel, après avoir passé trois jours à la cour, s'en revint dans sa province, chargé d'une bonne somme d'argent que lui avait donné Louis XIV, avec l'ordre de garder le secret le plus rigoureux sur le sujet de sa mission. On ajoute que, le roi étant un jour à la chasse, le duc de Duras, capitaine des gardes du corps, ayant dit qu'il n'aurait jamais laissé approcher Michel de la personne du roi, s'il n'en avait reçu l'ordre, Louis XIV répondit: "il n'est pas fou, comme vous le pensez, et voilà comment on juge mal". Mais on n'a pas pu découvrir autre chose de ce mystère.
Midas. Lorsque Midas, qui fut depuis roi de Phrygie, était encore enfant, un jour qu'il dormait dans son berceau, des fourmis emplirent sa bouche de grains de froment. Ses parents voulurent savoir ce que signifiait ce prodige. Les devins consultés répondirent que ce prince serait le plus riche des hommes. Ce qui n'a été écrit qu'après qu'il l'était devenu.
Midas est un célèbre roi de Phrygie. Il est le fils de Gordius et de Cybèle. Il est aussi l'élève d'Orphée et l'un des propagateurs du culte de Bacchus, selon Hérodote. Par ailleurs, on montrait le trône de Midas dans le trésor de Delphes.
Dans son enfance, des fourmis lui déposèrent un jour des grains de blé dans la bouche, en signe qu'il serait le plus riche de tous les mortels. La fable raconte ainsi l'origine de sa prospérité: Silène, venu de Thrace en Phrygie à la suite de Bacchus, s'étant enivré et perdu dans les superbes jardins que Midas possédait sur les rives du Sangarius, des paysans l'enchaînèrent avec des guirlandes de fleurs, et l'amenèrent au monarque phrygien, qui, loin de maltraiter le fidèle compagnon du dieu de Nysa, l'accueillit de son mieux, profita de ses entretiens pour s'instruire dans le culte orgiaque, et le renvoya ensuite à Bacchus. En reconnaissance de ce bon office, le dieu promit à Midas de lui accorder tout ce qu'il demanderait. Midas demanda que tout ce qu'il toucherait se changeât en or. Mais lorsqu'il vit son vœu si bien exaucé, que ses aliments mêmes se changeaient en ce métal, il supplia Bacchus de reprendre ce don fatal, et il alla se laver dans le Pactole, qui depuis cette époque roula des paillettes d'or.
Suivant Hérodote, les jardins de Midas étaient en Macédoine, près du mont Bromion, où le monarque régnait sur les Briges, avec lesquels il passa ensuite en Asie. Ce fut lui qui fonda Ancyre, selon Strabon.
Un jour, un satyre étant venu rendre visite à Midas, qui était lui-même de la famille des satyres, se moqua des oreilles pointues du monarque. Midas, qui avait appris de sa mère comment on pouvait s'emparer des satyres, mêla du vin à l'eau d'une fontaine. Le satyre en but, tomba dans un profond sommeil, et fut fait captif. Les auteurs placent cette fontaine, dite source de Midas, en divers lieux, près de Thymbrée, non loin d'Ancyre. Bion, qui la nomme Inna, la fait couler sur les frontières de la Pannonie.
Quelques mythologues prétendent que ce ne fut pas un satyre, mais Silène lui-même qui fut fait captif près de la source de Midas, à laquelle l'auteur du Traité des fleuves donne une autre origine. Suivant lui, Midas, en tournée dans son empire, arriva dans une contrée stérile où il manqua d'eau. Il frappa le sol, mais ce fut une source d'or qui jaillit. Alors il implora Bacchus, qui changea le métal en une eau limpide. Cette source reçut le nom de Midas, et le fleuve qu'elle forma fut appelé plus tard le Marsyas.
Dans la personnification de la longue querelle qui divisa les Athéniens et les Thébains sur les avantages réciproques de la lyre et de la flûte, Midas apparaît comme arbitre entre Apollon et Pan. D'autres lui font donner son avis en simple amateur. Quoi qu'il en soit, s'étant prononcé contre Apollon, le dieu, irrité, lui mit des oreilles d'âne. Longtemps Midas parvint à les cacher sous son bonnet phrygien, mais son barbier, qui seul connaissait son secret, ne pouvant plus le garder dans son sein, et craignant de le trahir, alla le confier à la terre. Des roseaux étant venus à croître sur le fossé où le barbier avait parlé, révélèrent à tout le monde le malheur de Midas. Strabon prétend qu'il se donna la mort en buvant du sang de taureau, et Plutarque qu'il laissa un fils nommé Anchurus.
Suivant Bœttiger, cette partie de la fable de Midas doit son origine aux drames satyriques des Athéniens, où ce prince est constamment représenté comme un despote efféminé, et un sot dont les oreilles de satyre se changèrent peu à peu en oreilles d'âne.
Migalena. Migalena est un sorcier du pays de Labour, qui fut arrêté à l'âge de 60 ans, et traduit devant les tribunaux en même temps que Bocal, autre sorcier du même pays. Migalena avoua qu'il avait été au sabbat, qu'il y avait fait des sacrifices abominables, qu'il y avait célébré les mystères en présence de 200 sorciers. Pressé par son confesseur de prier Dieu, il ne put réciter une prière couramment, il commençait le Pater, l'Ave, sans les achever, comme si le diable qu'il servait l'en eût empêché.
Le mikado ne touche jamais la terre de son pied sacré; notre planète est indigne d'un tel honneur. Toujours porté sur les épaules de ses valets, ce monarque ne sort jamais de sa demeure; nul regard profane ne saurait venir le souiller. Tout ce qui pourrait ressembler à une mutilation de sa personne auguste est défendu; c'est lorsqu'il dort qu'on lui coupe les cheveux, que l'on rogne ses ongles. Il peut épouser neuf fois neuf femmes, mais habituellement il juge que neuf c'est bien assez pour un dieu japonais. On ne l'approche qu'à genoux, on le consulte sur toutes les affaires importantes, mais on ne lui accorde, après tout, qu'un vain titre et de riches revenus. Sa race est impérissable; s'il advient cependant qu'il ne devienne point père, le ciel y pourvoit; on trouve un matin sous un arbre du jardin un bel enfant que des mains surnaturelles y ont déposé durant la nuit: c'est le mikado présomptif. Le mikado actuel est le 117° de la troisième dynastie, et la première dynastie monta sur le trône, suivant les chronologistes japonais les plus exacts, 836794 ans avant notre ère. C'est une date qu'on peut débattre.
C'est dans le corps du mikado que s'est incarné le dieu Ama-terasu-oo-Kami, l'arbitre souverain des hommes et des choses; il s'occupe à fixer les jours auxquels doivent se célébrer certaines fêtes mobiles; il détermine les couleurs propres à effrayer les mauvais esprits; il passe, chaque vingt quatre heures, un assez long espace de temps assis sur son trône, dans une immobilité complète. S'il faisait, de droite ou de gauche, le moindre mouvement, on ne doute point qu'il n'amenât d'affreuses catastrophes sur ce côté réprouvé de l'empire. Lorsqu'il est demeuré ainsi comme pétrifié durant trois heures, il se lève te s'en va. Le reste du temps, la couronne impériale occupe sa place; elle doit se conformer au même principe d'immobilité absolue durant vingt heures.
Le mikado ne porte jamais deux fois le même vêtement; tout ce qui a touché sa personne sacrée est brûlé aussitôt qu'il s'en dépouille; les verres, les assiettes, les plats, qui paraissent sur sa table sont brisés immédiatement après le dessert; nul profane ne pourra s'en servir.
L'empereur temporel s'appelle le Taïcoun.
Milan. Le milan est un oiseau qui a des propriétés admirables. Albert-le-Grand dit que si on prend sa tête et qu'on la porte devant son estomac, on se fera aimer de tout le monde. Si on l'attache au cou d'une poule, elle courra sans relâche jusqu'à ce qu'elle l'ait déposée. Si ou frotte de son sang la crête d'un coq, il ne chantera plus.
Il se trouve une pierre dans ses rognons qui, mise dans la viande que doivent manger deux ennemis, les rend bons amis et les fait vivre en bonne intelligence.
Il se trouve une pierre dans ses rognons qui, mise dans la viande que doivent manger deux ennemis, les rend bons amis et les fait vivre en bonne intelligence.
Le milan est le symbole de la clairvoyance. C'est un oiseau qui se caractérise par une vue perçante. Aussi, dans la mythologie grecque, il était consacré à Apollon (le dieu du chant, de la musique et de la poésie).
Dans la Rome antique, le vol des milans était interprété par les augures, tout comme celui des oies et des corbeaux.
Millénaires. On a donné le nom de Millénaires:
- À des gens qui croyaient que notre Seigneur, à la fin du monde, régnera mille ans sur la terre.
- À des gens qui pensaient que la fin du monde arriverait en l'an mil.
- À des gens qui avaient imaginé que, de mille ans en mille ans, il y avait pour les damnés une cessation des peines de l'enfer.
Millo. Millo est un vampire de Hongrie du XVIIIe siècle. Une jeune fille, nommée Stanoska, s'étant couchée un soir en parfaite santé, se réveilla au milieu de la nuit toute tremblante, jetant des cris affreux, et disant que le jeune Millo, mort depuis neuf semaines, avait failli l'étrangler. Cette fille mourut au bout de trois jours.
On pensa que Millo pouvait être un vampire. Il fut déterré, reconnu pour tel, et décapité après avoir eu le cœur percé d'un clou. Ses restes furent brûlés et jetés dans la rivière.
On pensa que Millo pouvait être un vampire. Il fut déterré, reconnu pour tel, et décapité après avoir eu le cœur percé d'un clou. Ses restes furent brûlés et jetés dans la rivière.
Milon. Milon est un athlète grec qui était doué d'une force prodigieuse. Galien, Mercurialis et d'autres disent qu'il se tenait si ferme sur une planche huilée, que trois hommes ne pouvaient la lui faire abandonner. Athénée ajoute qu'aux jeux olympiques, il porta longtemps sur ses épaules un bœuf de quatre ans, qu'il mangea le même jour tout entier; fait aussi vrai que le trait de Gargantua, lequel avala six pèlerins dans une bouchée de salade.
Mimer. En face de Kullan, on aperçoit une colline couverte de verdure qu'on appelle la colline d'Odin. C'est là, dit-on, que le dieu Scandinave a été enterré. Mais on n'y voit que le tombeau du conseiller d'état Schimnielmann, qui était un homme fort paisible, très peu soucieux, de monter au Walhalla et de boire le miœud avec les valkyries.
Cependant une enceinte d'arbres protège l'endroit où les restes du dieu suprême ont été déposés. Une source d'eau limpide y coule avec un doux murmure. Les jeunes filles des environs qui connaissent leur mythologie disent que c'est la vraie source de la sagesse, la source de Mimer, pour laquelle Odin sacrifia un de ses yeux. Dans les beaux jours d'été, elles y viennent boire.
Mimi. Les aborigènes d'Australie croient en des esprits lumineux : les Mimi. Ils les représentent d'ailleurs souvent sur les peintures rupestres qui ornaient les cavernes où ils logeaient. Ces êtres filiformes sont censés protéger la nature.
Mimique. L'art de connaître les hommes par leurs gestes, leurs attitudes, etc. est la partie la moins douteuse de la physiognomonie. La figure est souvent trompeuse, mais les gestes et les mouvements d'une personne qui ne se croit pas observée peuvent donner une idée plus ou moins parfaite de son caractère.
Rien n'est plus significatif, dit Lavater, que les gestes qui accompagnent l'attitude et la démarche. Naturel ou affecté, rapide on lent, passionné ou froid, uniforme ou varié, grave ou badin, aisé ou forcé, dégagé ou roide, noble ou bas, fier ou humble, hardi ou timide, décent ou ridicule, agréable, gracieux, imposant, menaçant, le geste est différencié de mille manières.
L'harmonie étonnante qui existe entre la démarche, la voix et le geste, se dément rarement. Mais pour démêler le fourbe, il faudrait le surprendre au moment où se croyant seul il est encore lui-même, et n'a pas eu le temps de faire prendre à son visage l'expression qu'il sait lui donner. Découvrir l'hypocrisie est la chose la plus difficile et en même temps la plus aisée: difficile tant que l'hypocrite se croit observé; facile dès qu'il oublie qu'on l'observe. Cependant on voit tous les jours que la gravité et la timidité donnent à la physionomie la plus honnête un aperçu de malhonnêteté. Souvent, c'est parce qu'il est timide, et non point parce qu'il est faux, que celui qui vous fait un récit ou une confidence n'ose vous regarder en face.
Celui qui élève la tête et la porte en arrière (que cette tête soit grosse ou singulièrement petite); celui qui se mire dans ses pieds mignons de manière à les faire remarquer; celui qui, voulant montrer de grands yeux encore plus grands qu'ils ne sont, les tourne exprès de côté comme pour regarder tout par-dessus l'épaule; celui qui, après vous avoir prêté longtemps un silence orgueilleux, vous fait ensuite une réponse courte, sèche et tranchante, qu'il accompagne d'un froid sourire; qui, du moment qu'il aperçoit la réplique sur vos lèvres, prend un air sourcilleux et murmure tout bas d'un ton propre à vous ordonner le silence; cet homme a pour le moins trois qualités haïssables avec tous leurs symptômes, l'entêtement, l'orgueil, la dureté. Très probablement il y joint encore la fausseté, la fourberie et l'avance.
N'attendez jamais une humeur douce et tranquille d'un homme qui s'agite sans cesse avec violence, et en général craignez ni emportement, ni excès de quoiqu'un dont le maintien est toujours sage et posé. Avec une démarche alerte, on ne peut guère être lent et paresseux. Et celui qui se traîne nonchalamment à pas comptés n'annonce pas cet esprit d'activité qui ne craint ni dangers, ni obstacles pour arriver au but.
Si la démarche d'une trois est sinistre, non-seulement désagréable, mais à gauche, impétueuse, sans dignité, se précipitant en avant et de côté d'un air dédaigneux, soyez sur vos gardes. Ne vous laissez éblouir, ni par le charme de la beauté, ni par les grâces de son esprit, ni même par l'attrait de la confiance qu'elle pourra vous témoigner. Sa bouche aura les mêmes caractères que sa démarche, et ses procédés seront durs et faux comme sa bouche. Elle sera peu touchée de tout ce que vous ferez pour elle, et se vengera de la moindre chose que vous aurez négligée. Comparez sa démarche avec les lianes de son front et les plis qui se trouvent autour de sa bouche, vous serez étonné du merveilleux accord de toutes ces lignes caractéristiques.
Le corps penché en avant annonce un homme prudent et laborieux. Le corps penché en arrière annonce un homme vain, médiocre et orgueilleux.
Les borgnes, les boiteux et surtout les bossus, dit Albert-le-Grand, sont rusés, spirituels, un peu malins et passablement méchants.
Une bouche béante et fanée, une attitude insipide, les bras pendants et la main gauche tournée en dehors, sans qu'on en devine le motif, annoncent la stupidité naturelle, la nullité, le vide, une curiosité hébétée.
La démarche d'un sage est différente de celle d'un idiot, et un idiot est assis autrement qu'un homme sensé. L'attitude du sage annonce la méditation, le recueillement ou le repos. L'imbécile reste sur sa chaise sans savoir pourquoi. Il semble fixer quelque chose et son regard ne porte sur rien. Son assiette est isolée comme lui-même.
La prétention suppose un fond de sottise. Attendez-vous à rencontrer l'une et l'autre dans toute physionomie disproportionnée et grossière qui affecte un air de solennité et d'autorité. Jamais l'homme sensé ne se donnera des airs, ni ne prendra l'attitude d'une tête éventée. Si son attention excitée l'oblige à lever la tête, il ne croisera pourtant pas les bras sur le dos. Ce maintien suppose de l'affectation, surtout avec une physionomie qui n'a rien de désagréable, mais qui n'est pas celle d'un penseur. Un air d'incertitude dans l'ensemble, un visage qui dans son immobilité ne dit rien du tout, ne sont pas des signes de sagesse. Un homme qui, réduit à son néant, s'applaudit encore lui-même avec joie, qui rit comme un sot sans savoir pourquoi, ne parviendra jamais à former ou à suivre une idée raisonnable.
La crainte d'être distrait se remarque dans la bouche. Dans l'attention elle n'ose respirer.
Un homme vide de sens, et qui veut se donner des airs, met la main droite dans son sein et la gauche dans la poche, de sa culotte avec un maintien affecté et théâtral.
Une personne qui est toujours aux écoutes ne promet rien de distingué.
Quiconque sourit sans sujet avec une lèvre de travers, quiconque se tient souvent isolé sans aucune direction, sans aucune tendance déterminée; quiconque salue le corps roide, n'inclinant que la tête en avant, est un fou.
Ayez le plus de réserve possible eu présence de l'homme gras et d'un tempérament colère qui semble toujours mâcher, roule sans cesse les yeux autour de soi, ne parle jamais de sens rassis, s'est donné cependant l'habitude d'une politesse affectée, mais traite tout avec une espèce de désordre et d'impropreté. Dans son nez rond, court, retroussé, dans sa bouche béante, dans les mouvements irréguliers de sa lèvre inférieure, de son front saillant et plein d'excroissances, dans sa démarche qui se fait entendre de loin, vous reconnaîtrez l'expression du mépris et de la dureté, des demi-talents avec la prétention d'un talent accompli, de la méchanceté sous une gauche apparence de bonhomie.
L'homme dont les traits et la couleur du visage changent subitement, qui cherche avec soin à cacher cette altération soudaine, et sait reprendre aussitôt un air calme; celui qui possède l'art de tendre et détendre les muscles de sa bouche, de les tenir pour ainsi dire en bride, particulièrement lorsque l'œil observateur se dirige sur lui: cet homme a moins de probité que de prudence. Il est plus courtisan que sage et modéré.
Rappelez-vous les gens qui glissent plutôt qu'ils ne marchent, qui reculent en s'avançant, qui disent des grossièretés d'une voix basse et d'un air timide, qui vous fixent hardiment dès que vous ne les voyez plus, et n'osent jamais vous regarder tranquillement en face, qui ne disent du bien de personne sinon des méchants, qui trouvent des exceptions à tout et paraissent avoir toujours contre l'assertion la plus simple une contradiction toute prête. Et fuyez l'atmosphère où ces gens respirent.
Remarquez aussi la voix. Distinguez si elle est haute ou basse, forte ou faible, claire ou sourde, douce ou rude, juste ou fausse. Le son de la voix, son articulation, sa faiblesse et son étendue, ses inflexions dans le haut et dans le bas, la volubilité et l'embarras de la langue, tout cela est infiniment caractéristique. Le cri des animaux les plus courageux est simple, dit Aristote, et ils le poussent sans effort marqué. Celui des animaux timides est beaucoup plus perçant. Comparez, à cet égard, le lion, le bœuf, le coq qui chante son triomphe, avec le cerf et le lièvre. Ceci peut s'appliquer aux hommes.
La voix grosse et forte annonce un homme robuste. La voix faible, un homme timide. La voix claire et sonnante dénote quelquefois un menteur. La voix habituellement tremblante indique souvent un naturel soupçonneux. L'effronté et l'insolent ont la voix haute. La voix rude est un signe de grossièreté. La voix douce et pleine, agréable à l'oreille, annonce un heureux naturel.
Fuyez tout homme dont la voix toujours tendue, toujours montée, toujours haute et sonore, ne cesse de décider; dont les yeux, tandis qu'il décide, s'agrandissent, sortent de leur orbite; dont les sourcils se hérissent; les veines se gonflent, la lèvre inférieure se pousse en avant, dont les mains se tournent en poings; mais qui se calme tout à coup, qui reprend le ton d'une politesse froide, qui fait rentrer ses yeux et ses lèvres, s'il est interrompu par la présence imprévue d'un personnage important qui se trouve être votre ami.
L'homme sage rit rarement et peu. Il se contente ordinairement de sourire. Quelle différence entre le rire affectueux de l'humanité et le rire infernal qui se réjouit du mal d'autrui! Il est des larmes qui pénètrent les cieux. Il en est d'autres qui provoquent l'indignation et le mépris.
Un homme raisonnable se met tout autrement qu'un fat. Une femme pieuse autrement qu'une coquette. La propreté et la négligence, la simplicité et la magnificence, le bon et le mauvais goût, la présomption et la décence, la modestie et la fausse honte: voilà autant de choses qu'on distingue l'habillement seul. La couleur, la coupe, la façon, l'assortiment d'un habit, tout cela est expressif encore et nous caractérise. Le sage est simple et uni dans son extérieur. La simplicité lui est naturelle. On reconnaît bientôt un homme qui s'est paré dans l'intention de plaire, celui qui ne cherche qu'à briller, et celui qui se néglige soit pour insulter à la décence, soit pour se singulariser.
Mineurs. Il y a de malins esprits qui, sous la forme de chèvres, vont tourmenter les mineurs. On dit qu'ils apparaissent souvent aux mines métalliques et battent ceux qui tirent les métaux. Cependant ces démons ne sont pas tous mauvais, puisqu'il y en a qui au contraire aident les ouvriers. Olaüs Magnus dit que ces derniers se laissent voir sous la forme de nains, grands d'un demi-mètre; qu'ils aident à scier les pierres, à creuser la terre; mais que malgré cela ils ont toujours une tendance au mal, et que les malheureux mineurs sont souvent victimes de leurs mauvais traitements.
Au reste, on a distingué six sortes d'esprits qui fréquentent les mines et sont plus ou moins méchants. Quelques-uns disent qu'ils en ont vu dans les mines d'Allemagne qui ne laissaient aucun repos aux ouvriers, tellement qu'ils étaient contraints d'abandonner le métier. Et entre autres exemples qu'ils donnent de la malignité de cette engeance infernale, on cite qu'un démon mineur tua douze artisans à la fois. Ce qui fit délaisser la mine d'argent, qui était cependant très productive.
Mingrélie. Le christianisme en Mingrélie de schisme grec est très corrompu. On y voit des prêtres baptiser des enfants distingués avec du vin. Lorsqu'un malade demande des secours spirituels, le prêtre ne lui parle pas de confession, mais il cherche dans un livre la cause de sa maladie et l'attribue à la colère de quelqu'une de leurs images, qu'il faut apaiser par des offrandes.
Minoson. Minoson est un démon qui fait gagner à toutes sortes de jeux. Il dépend de Haël, l'un des plus puissants chefs de l'enfer.
Minuit. C'est à minuit que se fait le sabbat des sorciers, et que les spectres et les démons apparaissent. Cependant le diable n'aime pas uniquement l'heure de minuit, car il peut tenir sabbat à midi, comme l'ont avoué plusieurs sorcières, telles que Jeannette d'Abadie et Catherine de Naguille.
Minuit est le symbole du secret, du mensonge, de l'erreur, mais aussi du danger. En effet, c'est l'heure du crime. Mais c'est également l'heure du sommeil et de l'oubli.
Minuit représente le plus profond de la nuit. Aussi, cette heure symbolise la peur. En effet, c'est le moment où un jour bascule dans l'autre, et donc, le moment où tout peut basculer.
C'est d'ailleurs, à minuit qu'apparaît le fantôme du père d'Hamlet dans la pièce de Shakespeare.
Par ailleurs, l'expression La permission de minuit évoque les limites de la liberté. En effet, minuit est souvent l'heure où le monde extérieur devient un monde dangereux.
Mirabel. Honoré Mirabel est un fripon qui fut condamné aux galères perpétuelles, après avoir été appliqué à la question, par arrêt du 18 février 1729. Il avait promis à un de ses amis, nommé Auguier, de lui faire trouver des trésors par le moyen du diable.
Il fouilla, après maintes conjurations, dans un jardin près de Marseille, et dit qu'il y avait là un sac de pièces portugaises que lui avait indiqué un spectre. Il tira en présence de plusieurs personnes et d'un valet, nommé Bernard, un paquet enveloppé d'une serviette. L'ayant emporté chez lui, il le délia et y trouva un peu d'or, qu'il donna à Auguier, lui en promettant davantage et le priant de lui prêter quarante francs, ce qui doit sembler assez singulier. L'ami lui prêta cette somme, lui passa un billet pur lequel il reconnaissait lui devoir vingt mille livres, et lui remettait les quarante francs. Le billet fut signé le 27 septembre 1726.
Quelque temps après, Mirabel demanda le paiement du billet. Comme on le refusa, parce que le sorcier n'avait donné que des espérances, il eut la hardiesse d'intenter un procès. Mais en fin de cause il se vit, comme on l'a dit, condamné aux galères par messieurs du parlement d'Aix.
Mirabilis Liber. On attribue la plus grande part de ce livre à saint Césaire. C'est un recueil de prédictions dues à des saints et à des sibylles. Ce qui peut surprendre les esprits forts, c'est que dans l'édition de 1522 on voit annoncés les événements qui ont clos si tragiquement le XVIIIe siècle, l'expulsion et l'abolition de la noblesse, les persécutions contre le clergé, la suppression des couvents, le mariage des prêtres, le pillage des églises, la mort violente du roi et de la reine, etc. On y lit ensuite que l'aigle venant des pays lointains rétablira l'ordre en France.
Miracle. Un certain enchanteur abattit une bosse en y passant la main. On cria au miracle!... La bosse était une vessie enflée. Tels sont les miracles des charlatans.
Mais parce que les charlatans font des tours de passe-passe qui singent les faits surnaturels proprement appelés miracles (et il n'y a de miracles que ceux qui viennent de Dieu), il est absurde de les nier. Nous vivons entourés de miracles qui ne se peuvent expliquer quoiqu'ils soient constants.
Nous ne pouvons parler ici que des faux miracles, œuvre de Satan, ou fourberie des imposteurs qui servent ainsi la cause de l'esprit du mal. Ce qui est affligeant, c'est que les jongleries ont souvent plus de crédit chez les hommes fourvoyés que les faits extraordinaires dont la vérité est établie, comme les superstitions ont parfois plus de racines que les croyances religieuses.
On raconte l'anecdote suivante pour prouver que les plus grandes absurdités trouvent des partisans. Deux charlatans débutaient dans une petite ville de province. Comme Cagliostro, Mesmer et d'autres personnages importants venaient de se présenter à Paris à titre de docteurs qui guérissaient toutes les maladies, ils pensèrent qu'il fallait quelque chose de plus relevé pour accréditer leur savoir-faire. Ils s'annoncèrent donc comme ayant le pouvoir de ressusciter les morts. Et, afin qu'on n'en pût douter, ils déclarèrent qu'au bout de trois semaines, jour pour jour, ils rappelleraient à la vie, dans le cimetière qu'on leur indiquerait, le mort dont on leur montrerait la sépulture, fut-il enterré depuis dix ans. Ils demandent au juge du lieu qu'on les garde à vue pour s'assurer qu'ils ne s'échapperont pas, mais qu'on leur permette en attendant de vendre des drogues et d'exercer leurs talents. La proposition paraît si belle i qu'on n'hésite pas à les consulter. Tout le monde assiège leur maison, tout le monde se trouve de l'argent pour payer de tels médecins.
Le grand jour approchait. Le plus jeune des deux charlatans, qui avait moins d'audace, témoigna ses craintes à l'autre, et lui dit:
« — Malgré toute votre, habileté, je crois que vous nous exposez à être lapidés, car enfin vous n'avez pas le talent de ressusciter les morts.
— Vous ne connaissez pas les hommes, lui répliqua le docteur. Je suis tranquille. »
L'événement justifia sa présomption. Il reçut d'abord une lettre d'un gentilhomme du lieu. Elle était ainsi conçue:
Monsieur,
j'ai appris que vous deviez faire une grande opération qui me fait trembler. J'avais une méchante femme, Dieu m'en a délivré. Et je serais le plus malheureux des hommes si vous la ressuscitiez. Je vous conjure donc de ne point faire usage de votre secret dans notre ville, et d'accepter un petit dédommagement que je vous envoie, etc.
Une heure après les charlatans virent arriver chez eux deux jeunes gens qui leur présentèrent une autre gratification, sous la condition de ne point employer leur talent à la résurrection d'un vieux parent dont ils venaient d'hériter. Ceux-ci furent suivis par d'autres, qui apportèrent aussi leur argent pour de pareilles craintes, en faisant la même supplication. Enfin le juge du lieu vint lui-même dire aux deux charlatans qu'il ne doutait nullement de leur pouvoir miraculeux, qu'ils en avaient donné des preuves par une foule de guérisons, mais que l'expérience qu'ils devaient faire le lendemain dans le cimetière avait mis d'avance toute la ville en combustion, que l'on craignait de voir ressusciter un mort dont le retour pourrait causer des révolutions dans les fortunes, qu'il les priait de partir, et qu'il allait leur donner une attestation comme quoi ils ressuscitaient réellement les morts.
Le certificat fut signé, paraphé, légalisé, dit le conte. Et les deux compagnons parcoururent les provinces, montrant partout la preuve légale de leur talent surnaturel...
Mirage, déception des sens, causée par certains phénomènes de l'atmosphère, qui fait voir des aspects enchanteurs, soit sur les mers, soit sur les déserts de sables, tandis qu'il n'y a rien. Certains voyageurs ont cru voir là des charmes magiques.
Mirak. voir Agraféna.
Miroir. Lorsque François Ier faisait la guerre à Charles-Quint, on conte qu'un magicien apprenait aux Parisiens ce qui se passait à Milan, en écrivant sur un miroir les nouvelles de cette ville et l'exposant à la lune, de sorte que les Parisiens lisaient dans cet astre ce que portait le miroir. Ce secret est perdu comme tant d'autres.
Le miroir est à la fois le symbole de la vérité et du mensonge. En effet, il inverse la réalité en la réfléchissant et soulève ainsi une question identitaire : la personnalité réfléchie est-elle identique à la personne réfléchissante ?
Par ailleurs, le miroir évoque également la flatterie, le narcissisme et le rêve.
Les miroirs permettent avant tout de voir le vrai. Ils sont donc indispensables pour corriger notre propre représentation de nous-mêmes et du monde. Ainsi, c'est le rôle du miroir de maquillage, mais aussi du miroir du télescope nécessaire aux observations astrales
Dans la mythologie grecque, le miroir était l'attribut d'Aphrodite (la déesse de l'amour et de la sexualité). Elle y contemplait sa beauté. De même, le miroir évoque également le mythe de Narcisse. Celui-ci ne pouvait s'empêcher d'admirer son reflet dans l'eau d'un étang. Il finit par se suicider.
Ainsi, le miroir revêt parfois un caractère dangereux. En outre, la vérité qu'il reflète n'est pas acceptable par tous. Par exemple, il révèle le vieillissement, ce qui fait souvent peur. Ainsi, dans l'histoire de Blanche-Neige, la méchante reine s'angoisse chaque jour un peu plus d'être dépassée par une beauté plus jeune, et son miroir le lui fait savoir de façon impitoyable.
D'ailleurs, ce thème de la beauté, du vieillissement et de la mort, face au miroir a largement été abordé en peinture. Par exemple, les vanités représentent des jeunes filles absorbées par leur reflet, et négligemment accoudées à un crâne.
Ou encore, dans la pièce de Shakespeare, Hamlet force sa mère à se contempler dans un miroir pour qu'elle voit l'insupportable vérité de ses péchés et cesse de se servir de ses courtisans comme d'un miroir flatteur.
Le miroir peut aussi être perçu comme un autre monde peuplé de volontés obscures, ou encore comme d'un antimonde où tout y est inversé. Par exemple, Alice, l'héroïne du conte de Lewis Carroll Alice au pays des merveilles, se demande ce qu'il y a dans la pièce située "de l'autre côté du miroir".
Finalement, de l'autre côté du miroir, Alice trouve un monde dans lequel les objets familiers et les personnages littéraires s'y meuvent et s'y expriment. Cependant, ces créatures possèdent un langage narcissique, égocentrique et autoritaire. En outre, elles ne cessent de justifier leur propre existence dans un monde absurde, représenté comme un immense échiquier. D'ailleurs, Alice elle-même ne sait plus vraiment qui elle est, ni ce qu'elle fait là.
Ainsi, de l'autre côté du miroir, le rêve n'est jamais loin du cauchemar. Mais finalement, on y rencontre que ce qu'on y apporte, c'est-à-dire ses peurs, ses illusions, ses espoirs... Bref, sa vérité.
La nature a fourni aux hommes les premiers miroirs. Le cristal des eaux servit leur amour propre ; et c'est sur cette idée qu'ils ont cherché les moyens de multiplier leur image.
Les premiers miroirs artificiels furent de métal. L'usage en était établi chez les Égyptiens dès la plus haute antiquité. On ne peut pas en douter, dit Goguet, lorsqu'un voit à quel point ils étaient communs parmi les Hébreux dans le désert. Moïse dit qu'on fit le bassin d'airain destiné aux ablutions, des miroirs offerts par les femmes qui veillaient à la porte du tabernacle. Cette quantité, ajoute l'auteur cité, ne pouvait venir que de l'Egypte. Remarquons que les miroirs n'étaient pas alors de verre, soit qu'on ignorât l'art de faire les glaces, ou au moins le secret de les clamer. On faisait des miroirs de toutes sortes de métaux. Ceux des Égyptiennes, comme nous l'apprenons du passage qu'on vient décrier, étaient d'airain fondu et poli.
Outre l'airain, on y employa aussi l'étain et le fer bruni ; on en fabriqua depuis qui étaient un mélange d'airain et d'étain. Ceux qu'on fit à Brindes passèrent longtemps pour les meilleurs de cette dernière espèce ; mais on donna ensuite la préférence aux miroirs d'argent dont Pasitèles, contemporain du grand Pompée, fut l'inventeur. Plusieurs poètes, et même de graves jurisconsultes, s'accordent à donner aux miroirs une place importante dans la toilette des femmes chez les anciens peuples. Cependant Homère ne parle pas de ce meuble dans la belle description qu'il fait de celle de Junon, où il a pris plaisir à rassembler tout ce qui contribuait à la parure la plus recherchée.
Le métal, comme nous l'avons dit, fut longtemps la seule matière employée pour la fabrication des miroirs ; il est cependant incontestable que le verre fut connu dans la plus haute antiquité, et il est d'autant plus étonnant que les anciens aient ignoré l'art de rendre cette matière propre à la représentation des objets, en appliquant l'étain derrière les glaces, que les progrès dans l'art de la verrerie furent chez eux poussés fort loin. Il n'est pas moins surprenant que les anciens, qui connaissaient l'usage du cristal, plus propre encore que le verre à être employé dans la fabrication des miroirs, ne s'en soient pas servis pour cet objet.
On ignore le temps où les anciens commencèrent à faire des miroirs de verre ; on sait seulement que ce fut des verreries de Sidon que sortirent les premiers miroirs de cette matière. Les anciens avaient encore connu une sorte de miroir, qui était d'un verre appelé par Pline verre obsidien, du nom d'Obsidius, qui l'avait découvert eu Ethiopie ; mais on ne peut lui donner qu'improprement le nom de verre : la matière qu'on y employait était noire comme le jayet, et ne rendait que des images très imparfaites. Il ne faut pas, dit M. Chevalier, de qui nous empruntons une partie de cet article, confondre les miroirs des anciens avec la pierre spéculaire. Cette pierre, à qui l'on ne donnait ce nom qu'à cause de sa transparence, était employée à tout autre usage.
L'invention des miroirs de glace soufflés doit avoir précédé de beaucoup le XIIIe siècle, puisque les auteurs allemands de ce temps là en parlent comme d'une chose très commune. Conrad de Wurtzbourg dit même qu'on les fabriquait de cendres. C'est donc à tort que les Vénitiens prétendent qu'eux seuls, au XIIIe siècle, avaient possédé ce secret. Ce n'est que dans ce XIIIe siècle que Beckmann trouve la première mention des miroirs étamés. John Peckham, moine franciscain anglais, qui enseigna à Oxford, à Paris et à Rome, écrivit en 1272 un traité d'optique. L'auteur y parle de miroirs de verre doublés de plomb, et observe que ces miroirs ne réfléchissaient pas lorsqu'on enlevait le plomb.
En France, les femmes ont porté longtemps un miroir de poche, accroché à la ceinture, comme depuis elles y ont porté une montre. Le cadre en était aussi d'or, de forme ovale, et large au plus comme la paume de la main. Ce miroir servait dans l'occasion à rajuster la coiffure ou les cheveux, ou même, si l'on veut, à pincer une mouche. Cette mode paraît avoir été abandonnée vers le milieu du XVIIe siècle.
C'est à Archimède qu'on attribue l'invention des miroirs ardents, dont il se servit si heureusement pour brûler la flotte des Romains qui assiégeaient Syracuse. On lira, sans doute, avec intérêt la description que nous a laissée Tzetzès de ce miroir ardent d'Archimède. « Archimède, dit Tzetzès, brûla les vaisseaux de Marcellus à l'aide d'un miroir ardent composé de petits miroirs qui se mouvaient en tous sens sur des charnières, et qui, exposés aux rayons du soleil, et dirigés vers les vaisseaux romains, les réduisirent en cendres à la portée d'un trait. » Proclus, au rapport de l'histoire, usa du même moyen au siège de Constantinople pour embraser la flotte de Vitellius.
Vers le XVIIIe siècle, Buffon a prouvé qu'on ne pouvait établir aucun doute sur les effets d'un pareil miroir, quelque surprenants qu'ils parussent, puisque celui qu'il a composé de 168 petits miroirs plans produit une chaleur assez considérable pour allumer du bois à deux cents pieds de distance, pour fondre le plomb à cent vingt et l'argent à cinquante.
C'est à Simon Pharès, astrologue du XVe siècle, qu'on attribue l'honneur d'avoir retrouvé l'usage du miroir magique, qui servait à faire connaître non seulement l'avenir, mais tout ce qui se passait en même temps dans les lieux les plus éloignés. On a prétendu que François Ier était informé à Paris, par ce secours, de tout ce qui se passait en Espagne et en Italie. Noël le Comte (ou plutôt Conti) n'a pas fait difficulté d'insérer cette chimère dans sa mythologie, et un savant dominicain, mieux instruit encore, nous a laissé jusqu'à la composition de cet admirable miroir. « La manière, dit-il, de savoir les choses absentes, sans magie, c'est de les écrire en grosses lettres sur un miroir, et de les présenter à la lune, qui les fait connaître dans un autre miroir dans lequel on la regarde. »
Divers historiens ont rapporté que Nostradamus voyait dans des miroirs talismaniques tout ce qu'il nous a révélé de l'avenir.
Nicolas Pasquier rapporte, dans une de ses lettres, que Catherine de Médicis, voulant s'instruire, par le moyen des magiciens qu'elle avait mis en crédit à la cour, quel serait son sort et celui de ses enfants, avait eu recours à leur prétendue science. L'un d'eux lui fit voir, dans un miroir magique, ses trois fils qui passaient et faisaient autant de tours qu'ils devaient régner d'années. Elle vit d'abord passer François II d'un air triste et morne, et faire un tour et demi, ce qui marquait les dix-sept mois de son règne. Charles IX parut après lui et fit quatorze tours dans la salle. Henri III en fit près de quinze, qui furent interrompus par un prince qui passa devant lui, et disparut avec la rapidité d'un éclair ; c'était, disait-on, le duc de Guise, tué aux états de Blois. Henri IV suivit enfin, et disparut après vingt-deux tours. Pasquier place la scène de cet événement au château de Chaumont, entre Blois et Amboise. On sent assez que des relations de cette nature ne méritent que du mépris.
Naudé croit trouver l'origine de ces folles imaginations dans le miroir fameux de Pythagore, sur lequel ce philosophe écrivait, dit-on, avec du sang formé de fèves bouillies et exposées à l'air pendant la nuit, des caractères qu'il présentait ensuite à la lune, où il les lisait aussi nettement que sur la glace de son miroir.
Mirville (Jean Eudes de), auteur de travaux remarquables sur les Esprits, leurs faits incontestables et leur réalité.
Miscaun-Marry, on donne ce nom, en Irlande, au feu follet, ignis fatuus.
Misraïm, fils de Cham . Voir Magie.
Moensklint. Les riverains de la mer Baltique vous montrent avec orgueil une grande masse de roc, toute blanche, taillée à pic surmontée de quelques flèches aiguës et couronnée d'arbustes.
Mais voyez ce que le géologue appelle de la pierre calcaire, ce n'est pas la pierre calcaire. Et ce qui s'élève au haut de cette montagne sous la forme d'un massif d'arbres, ce n'est pas un massif d'arbres. Il y a là une jeune fée très belle qui règne sur les eaux et sur l'île. Ce roc nu, c'est sa robe blanche qui tombe à grands replis dans les vagues et se diapre aux rayons du soleil. Cette pyramide aiguë qui le surmonte, c'est son sceptre. Et ces rameaux de chêne, c'est sa couronne. Elle est assise au haut du pic qu'on appelle le Dronnings Stol (le Siège de la Reine). De là elle veille sur son empire, elle protège la barque du pêcheur et le navire du marchand.
Souvent la nuit on a entendu sur cette côte des voix harmonieuses, des voix étranges qui ne ressemblent pas à celles qu'on entend dans le monde. Ce sont les jeunes fées qui chantent et dansent autour de leur reine, et la reine est là qui les regarde et leur sourit.
Oh! le peuple est le plus grand de tous les poètes. Là ou la science analyse et discute, il invente, il donne la vie à la nature animée, il divinise les êtres que le physicien regarde comme une matière brute. Il passe le long d'un lac et il y voit des esprits. Il passe au pied d'un roc de craie, et il y voit une reine, et il l'appelle le Mœnsklint (le rocher de la Jeune Fille).
Mog. Du nom de mog peut-être est venu le mot magus, magicien. On retrouve encore dans l'Arménie l'ancienne région des Mogs.
« Le nom de Mog, dit Eugène Boré, est un mot zend et pehlvi qui a passé dans la langue chaldéenne à l'époque où le symbole religieux de la Perse fut adopté par le peuple de Babylone. Il représentait la classe pontificale, initiée sans doute à des doctrines secrètes dont l'abus et l'imposture firent tomber ensuite ce titre en discrédit. Les prêtres ainsi désignés étaient ces anciens desservants du temple de Bélus, qu'avait visités et entretenus Hérodote, et qu'il nomme Chaldéens aussi bien que le prophète Daniel. Ils avaient encore le nom de sages ou philosophes, de voyants et d'astronomes. Lorsqu'ils mêlèrent aux principes élevés de la science et de la sagesse les superstitions de l'idolâtrie et toutes les erreurs de l'astrologie et de la divination, ils furent appelés enchanteurs, interprètes de songes, sorciers, en un mot, magiciens. »
Mais au Xe siècle Thomas Ardzérouni, cité par M. Boré, appelle encore la contrée qu'ils habitaient le pays des Mogs. Les Mogols viendraient-ils des Mogs?
Mogol. Delancre dit qu'un empereur mogol guérissait certaines maladies avec l'eau dans laquelle il lavait ses pieds.
Mohra. Bourg célèbre dans la Suède pour les sorciers qu'il a produits. En 1559, pendant les débuts de la réforme, on y arrêta 70 sorcières qui avaient séduit 300 enfants.
Mimer. En face de Kullan, on aperçoit une colline couverte de verdure qu'on appelle la colline d'Odin. C'est là, dit-on, que le dieu Scandinave a été enterré. Mais on n'y voit que le tombeau du conseiller d'état Schimnielmann, qui était un homme fort paisible, très peu soucieux, de monter au Walhalla et de boire le miœud avec les valkyries.
Cependant une enceinte d'arbres protège l'endroit où les restes du dieu suprême ont été déposés. Une source d'eau limpide y coule avec un doux murmure. Les jeunes filles des environs qui connaissent leur mythologie disent que c'est la vraie source de la sagesse, la source de Mimer, pour laquelle Odin sacrifia un de ses yeux. Dans les beaux jours d'été, elles y viennent boire.
Mimi. Les aborigènes d'Australie croient en des esprits lumineux : les Mimi. Ils les représentent d'ailleurs souvent sur les peintures rupestres qui ornaient les cavernes où ils logeaient. Ces êtres filiformes sont censés protéger la nature.
Mimique. L'art de connaître les hommes par leurs gestes, leurs attitudes, etc. est la partie la moins douteuse de la physiognomonie. La figure est souvent trompeuse, mais les gestes et les mouvements d'une personne qui ne se croit pas observée peuvent donner une idée plus ou moins parfaite de son caractère.
Rien n'est plus significatif, dit Lavater, que les gestes qui accompagnent l'attitude et la démarche. Naturel ou affecté, rapide on lent, passionné ou froid, uniforme ou varié, grave ou badin, aisé ou forcé, dégagé ou roide, noble ou bas, fier ou humble, hardi ou timide, décent ou ridicule, agréable, gracieux, imposant, menaçant, le geste est différencié de mille manières.
L'harmonie étonnante qui existe entre la démarche, la voix et le geste, se dément rarement. Mais pour démêler le fourbe, il faudrait le surprendre au moment où se croyant seul il est encore lui-même, et n'a pas eu le temps de faire prendre à son visage l'expression qu'il sait lui donner. Découvrir l'hypocrisie est la chose la plus difficile et en même temps la plus aisée: difficile tant que l'hypocrite se croit observé; facile dès qu'il oublie qu'on l'observe. Cependant on voit tous les jours que la gravité et la timidité donnent à la physionomie la plus honnête un aperçu de malhonnêteté. Souvent, c'est parce qu'il est timide, et non point parce qu'il est faux, que celui qui vous fait un récit ou une confidence n'ose vous regarder en face.
Celui qui élève la tête et la porte en arrière (que cette tête soit grosse ou singulièrement petite); celui qui se mire dans ses pieds mignons de manière à les faire remarquer; celui qui, voulant montrer de grands yeux encore plus grands qu'ils ne sont, les tourne exprès de côté comme pour regarder tout par-dessus l'épaule; celui qui, après vous avoir prêté longtemps un silence orgueilleux, vous fait ensuite une réponse courte, sèche et tranchante, qu'il accompagne d'un froid sourire; qui, du moment qu'il aperçoit la réplique sur vos lèvres, prend un air sourcilleux et murmure tout bas d'un ton propre à vous ordonner le silence; cet homme a pour le moins trois qualités haïssables avec tous leurs symptômes, l'entêtement, l'orgueil, la dureté. Très probablement il y joint encore la fausseté, la fourberie et l'avance.
N'attendez jamais une humeur douce et tranquille d'un homme qui s'agite sans cesse avec violence, et en général craignez ni emportement, ni excès de quoiqu'un dont le maintien est toujours sage et posé. Avec une démarche alerte, on ne peut guère être lent et paresseux. Et celui qui se traîne nonchalamment à pas comptés n'annonce pas cet esprit d'activité qui ne craint ni dangers, ni obstacles pour arriver au but.
Si la démarche d'une trois est sinistre, non-seulement désagréable, mais à gauche, impétueuse, sans dignité, se précipitant en avant et de côté d'un air dédaigneux, soyez sur vos gardes. Ne vous laissez éblouir, ni par le charme de la beauté, ni par les grâces de son esprit, ni même par l'attrait de la confiance qu'elle pourra vous témoigner. Sa bouche aura les mêmes caractères que sa démarche, et ses procédés seront durs et faux comme sa bouche. Elle sera peu touchée de tout ce que vous ferez pour elle, et se vengera de la moindre chose que vous aurez négligée. Comparez sa démarche avec les lianes de son front et les plis qui se trouvent autour de sa bouche, vous serez étonné du merveilleux accord de toutes ces lignes caractéristiques.
Le corps penché en avant annonce un homme prudent et laborieux. Le corps penché en arrière annonce un homme vain, médiocre et orgueilleux.
Les borgnes, les boiteux et surtout les bossus, dit Albert-le-Grand, sont rusés, spirituels, un peu malins et passablement méchants.
Une bouche béante et fanée, une attitude insipide, les bras pendants et la main gauche tournée en dehors, sans qu'on en devine le motif, annoncent la stupidité naturelle, la nullité, le vide, une curiosité hébétée.
La démarche d'un sage est différente de celle d'un idiot, et un idiot est assis autrement qu'un homme sensé. L'attitude du sage annonce la méditation, le recueillement ou le repos. L'imbécile reste sur sa chaise sans savoir pourquoi. Il semble fixer quelque chose et son regard ne porte sur rien. Son assiette est isolée comme lui-même.
La prétention suppose un fond de sottise. Attendez-vous à rencontrer l'une et l'autre dans toute physionomie disproportionnée et grossière qui affecte un air de solennité et d'autorité. Jamais l'homme sensé ne se donnera des airs, ni ne prendra l'attitude d'une tête éventée. Si son attention excitée l'oblige à lever la tête, il ne croisera pourtant pas les bras sur le dos. Ce maintien suppose de l'affectation, surtout avec une physionomie qui n'a rien de désagréable, mais qui n'est pas celle d'un penseur. Un air d'incertitude dans l'ensemble, un visage qui dans son immobilité ne dit rien du tout, ne sont pas des signes de sagesse. Un homme qui, réduit à son néant, s'applaudit encore lui-même avec joie, qui rit comme un sot sans savoir pourquoi, ne parviendra jamais à former ou à suivre une idée raisonnable.
La crainte d'être distrait se remarque dans la bouche. Dans l'attention elle n'ose respirer.
Un homme vide de sens, et qui veut se donner des airs, met la main droite dans son sein et la gauche dans la poche, de sa culotte avec un maintien affecté et théâtral.
Une personne qui est toujours aux écoutes ne promet rien de distingué.
Quiconque sourit sans sujet avec une lèvre de travers, quiconque se tient souvent isolé sans aucune direction, sans aucune tendance déterminée; quiconque salue le corps roide, n'inclinant que la tête en avant, est un fou.
Ayez le plus de réserve possible eu présence de l'homme gras et d'un tempérament colère qui semble toujours mâcher, roule sans cesse les yeux autour de soi, ne parle jamais de sens rassis, s'est donné cependant l'habitude d'une politesse affectée, mais traite tout avec une espèce de désordre et d'impropreté. Dans son nez rond, court, retroussé, dans sa bouche béante, dans les mouvements irréguliers de sa lèvre inférieure, de son front saillant et plein d'excroissances, dans sa démarche qui se fait entendre de loin, vous reconnaîtrez l'expression du mépris et de la dureté, des demi-talents avec la prétention d'un talent accompli, de la méchanceté sous une gauche apparence de bonhomie.
L'homme dont les traits et la couleur du visage changent subitement, qui cherche avec soin à cacher cette altération soudaine, et sait reprendre aussitôt un air calme; celui qui possède l'art de tendre et détendre les muscles de sa bouche, de les tenir pour ainsi dire en bride, particulièrement lorsque l'œil observateur se dirige sur lui: cet homme a moins de probité que de prudence. Il est plus courtisan que sage et modéré.
Rappelez-vous les gens qui glissent plutôt qu'ils ne marchent, qui reculent en s'avançant, qui disent des grossièretés d'une voix basse et d'un air timide, qui vous fixent hardiment dès que vous ne les voyez plus, et n'osent jamais vous regarder tranquillement en face, qui ne disent du bien de personne sinon des méchants, qui trouvent des exceptions à tout et paraissent avoir toujours contre l'assertion la plus simple une contradiction toute prête. Et fuyez l'atmosphère où ces gens respirent.
Remarquez aussi la voix. Distinguez si elle est haute ou basse, forte ou faible, claire ou sourde, douce ou rude, juste ou fausse. Le son de la voix, son articulation, sa faiblesse et son étendue, ses inflexions dans le haut et dans le bas, la volubilité et l'embarras de la langue, tout cela est infiniment caractéristique. Le cri des animaux les plus courageux est simple, dit Aristote, et ils le poussent sans effort marqué. Celui des animaux timides est beaucoup plus perçant. Comparez, à cet égard, le lion, le bœuf, le coq qui chante son triomphe, avec le cerf et le lièvre. Ceci peut s'appliquer aux hommes.
La voix grosse et forte annonce un homme robuste. La voix faible, un homme timide. La voix claire et sonnante dénote quelquefois un menteur. La voix habituellement tremblante indique souvent un naturel soupçonneux. L'effronté et l'insolent ont la voix haute. La voix rude est un signe de grossièreté. La voix douce et pleine, agréable à l'oreille, annonce un heureux naturel.
Fuyez tout homme dont la voix toujours tendue, toujours montée, toujours haute et sonore, ne cesse de décider; dont les yeux, tandis qu'il décide, s'agrandissent, sortent de leur orbite; dont les sourcils se hérissent; les veines se gonflent, la lèvre inférieure se pousse en avant, dont les mains se tournent en poings; mais qui se calme tout à coup, qui reprend le ton d'une politesse froide, qui fait rentrer ses yeux et ses lèvres, s'il est interrompu par la présence imprévue d'un personnage important qui se trouve être votre ami.
L'homme sage rit rarement et peu. Il se contente ordinairement de sourire. Quelle différence entre le rire affectueux de l'humanité et le rire infernal qui se réjouit du mal d'autrui! Il est des larmes qui pénètrent les cieux. Il en est d'autres qui provoquent l'indignation et le mépris.
Un homme raisonnable se met tout autrement qu'un fat. Une femme pieuse autrement qu'une coquette. La propreté et la négligence, la simplicité et la magnificence, le bon et le mauvais goût, la présomption et la décence, la modestie et la fausse honte: voilà autant de choses qu'on distingue l'habillement seul. La couleur, la coupe, la façon, l'assortiment d'un habit, tout cela est expressif encore et nous caractérise. Le sage est simple et uni dans son extérieur. La simplicité lui est naturelle. On reconnaît bientôt un homme qui s'est paré dans l'intention de plaire, celui qui ne cherche qu'à briller, et celui qui se néglige soit pour insulter à la décence, soit pour se singulariser.
Au reste, on a distingué six sortes d'esprits qui fréquentent les mines et sont plus ou moins méchants. Quelques-uns disent qu'ils en ont vu dans les mines d'Allemagne qui ne laissaient aucun repos aux ouvriers, tellement qu'ils étaient contraints d'abandonner le métier. Et entre autres exemples qu'ils donnent de la malignité de cette engeance infernale, on cite qu'un démon mineur tua douze artisans à la fois. Ce qui fit délaisser la mine d'argent, qui était cependant très productive.
Mingrélie. Le christianisme en Mingrélie de schisme grec est très corrompu. On y voit des prêtres baptiser des enfants distingués avec du vin. Lorsqu'un malade demande des secours spirituels, le prêtre ne lui parle pas de confession, mais il cherche dans un livre la cause de sa maladie et l'attribue à la colère de quelqu'une de leurs images, qu'il faut apaiser par des offrandes.
Minoson. Minoson est un démon qui fait gagner à toutes sortes de jeux. Il dépend de Haël, l'un des plus puissants chefs de l'enfer.
Minuit. C'est à minuit que se fait le sabbat des sorciers, et que les spectres et les démons apparaissent. Cependant le diable n'aime pas uniquement l'heure de minuit, car il peut tenir sabbat à midi, comme l'ont avoué plusieurs sorcières, telles que Jeannette d'Abadie et Catherine de Naguille.
Minuit est le symbole du secret, du mensonge, de l'erreur, mais aussi du danger. En effet, c'est l'heure du crime. Mais c'est également l'heure du sommeil et de l'oubli.
Minuit représente le plus profond de la nuit. Aussi, cette heure symbolise la peur. En effet, c'est le moment où un jour bascule dans l'autre, et donc, le moment où tout peut basculer.
C'est d'ailleurs, à minuit qu'apparaît le fantôme du père d'Hamlet dans la pièce de Shakespeare.
Par ailleurs, l'expression La permission de minuit évoque les limites de la liberté. En effet, minuit est souvent l'heure où le monde extérieur devient un monde dangereux.
Mirabel. Honoré Mirabel est un fripon qui fut condamné aux galères perpétuelles, après avoir été appliqué à la question, par arrêt du 18 février 1729. Il avait promis à un de ses amis, nommé Auguier, de lui faire trouver des trésors par le moyen du diable.
Il fouilla, après maintes conjurations, dans un jardin près de Marseille, et dit qu'il y avait là un sac de pièces portugaises que lui avait indiqué un spectre. Il tira en présence de plusieurs personnes et d'un valet, nommé Bernard, un paquet enveloppé d'une serviette. L'ayant emporté chez lui, il le délia et y trouva un peu d'or, qu'il donna à Auguier, lui en promettant davantage et le priant de lui prêter quarante francs, ce qui doit sembler assez singulier. L'ami lui prêta cette somme, lui passa un billet pur lequel il reconnaissait lui devoir vingt mille livres, et lui remettait les quarante francs. Le billet fut signé le 27 septembre 1726.
Quelque temps après, Mirabel demanda le paiement du billet. Comme on le refusa, parce que le sorcier n'avait donné que des espérances, il eut la hardiesse d'intenter un procès. Mais en fin de cause il se vit, comme on l'a dit, condamné aux galères par messieurs du parlement d'Aix.
Mirabilis Liber. On attribue la plus grande part de ce livre à saint Césaire. C'est un recueil de prédictions dues à des saints et à des sibylles. Ce qui peut surprendre les esprits forts, c'est que dans l'édition de 1522 on voit annoncés les événements qui ont clos si tragiquement le XVIIIe siècle, l'expulsion et l'abolition de la noblesse, les persécutions contre le clergé, la suppression des couvents, le mariage des prêtres, le pillage des églises, la mort violente du roi et de la reine, etc. On y lit ensuite que l'aigle venant des pays lointains rétablira l'ordre en France.
Miracle. Un certain enchanteur abattit une bosse en y passant la main. On cria au miracle!... La bosse était une vessie enflée. Tels sont les miracles des charlatans.
Mais parce que les charlatans font des tours de passe-passe qui singent les faits surnaturels proprement appelés miracles (et il n'y a de miracles que ceux qui viennent de Dieu), il est absurde de les nier. Nous vivons entourés de miracles qui ne se peuvent expliquer quoiqu'ils soient constants.
Nous ne pouvons parler ici que des faux miracles, œuvre de Satan, ou fourberie des imposteurs qui servent ainsi la cause de l'esprit du mal. Ce qui est affligeant, c'est que les jongleries ont souvent plus de crédit chez les hommes fourvoyés que les faits extraordinaires dont la vérité est établie, comme les superstitions ont parfois plus de racines que les croyances religieuses.
On raconte l'anecdote suivante pour prouver que les plus grandes absurdités trouvent des partisans. Deux charlatans débutaient dans une petite ville de province. Comme Cagliostro, Mesmer et d'autres personnages importants venaient de se présenter à Paris à titre de docteurs qui guérissaient toutes les maladies, ils pensèrent qu'il fallait quelque chose de plus relevé pour accréditer leur savoir-faire. Ils s'annoncèrent donc comme ayant le pouvoir de ressusciter les morts. Et, afin qu'on n'en pût douter, ils déclarèrent qu'au bout de trois semaines, jour pour jour, ils rappelleraient à la vie, dans le cimetière qu'on leur indiquerait, le mort dont on leur montrerait la sépulture, fut-il enterré depuis dix ans. Ils demandent au juge du lieu qu'on les garde à vue pour s'assurer qu'ils ne s'échapperont pas, mais qu'on leur permette en attendant de vendre des drogues et d'exercer leurs talents. La proposition paraît si belle i qu'on n'hésite pas à les consulter. Tout le monde assiège leur maison, tout le monde se trouve de l'argent pour payer de tels médecins.
Le grand jour approchait. Le plus jeune des deux charlatans, qui avait moins d'audace, témoigna ses craintes à l'autre, et lui dit:
« — Malgré toute votre, habileté, je crois que vous nous exposez à être lapidés, car enfin vous n'avez pas le talent de ressusciter les morts.
— Vous ne connaissez pas les hommes, lui répliqua le docteur. Je suis tranquille. »
L'événement justifia sa présomption. Il reçut d'abord une lettre d'un gentilhomme du lieu. Elle était ainsi conçue:
Monsieur,
j'ai appris que vous deviez faire une grande opération qui me fait trembler. J'avais une méchante femme, Dieu m'en a délivré. Et je serais le plus malheureux des hommes si vous la ressuscitiez. Je vous conjure donc de ne point faire usage de votre secret dans notre ville, et d'accepter un petit dédommagement que je vous envoie, etc.
Une heure après les charlatans virent arriver chez eux deux jeunes gens qui leur présentèrent une autre gratification, sous la condition de ne point employer leur talent à la résurrection d'un vieux parent dont ils venaient d'hériter. Ceux-ci furent suivis par d'autres, qui apportèrent aussi leur argent pour de pareilles craintes, en faisant la même supplication. Enfin le juge du lieu vint lui-même dire aux deux charlatans qu'il ne doutait nullement de leur pouvoir miraculeux, qu'ils en avaient donné des preuves par une foule de guérisons, mais que l'expérience qu'ils devaient faire le lendemain dans le cimetière avait mis d'avance toute la ville en combustion, que l'on craignait de voir ressusciter un mort dont le retour pourrait causer des révolutions dans les fortunes, qu'il les priait de partir, et qu'il allait leur donner une attestation comme quoi ils ressuscitaient réellement les morts.
Le certificat fut signé, paraphé, légalisé, dit le conte. Et les deux compagnons parcoururent les provinces, montrant partout la preuve légale de leur talent surnaturel...
Mirage, déception des sens, causée par certains phénomènes de l'atmosphère, qui fait voir des aspects enchanteurs, soit sur les mers, soit sur les déserts de sables, tandis qu'il n'y a rien. Certains voyageurs ont cru voir là des charmes magiques.
Mirak. voir Agraféna.
Miroir. Lorsque François Ier faisait la guerre à Charles-Quint, on conte qu'un magicien apprenait aux Parisiens ce qui se passait à Milan, en écrivant sur un miroir les nouvelles de cette ville et l'exposant à la lune, de sorte que les Parisiens lisaient dans cet astre ce que portait le miroir. Ce secret est perdu comme tant d'autres.
Le miroir est à la fois le symbole de la vérité et du mensonge. En effet, il inverse la réalité en la réfléchissant et soulève ainsi une question identitaire : la personnalité réfléchie est-elle identique à la personne réfléchissante ?
Par ailleurs, le miroir évoque également la flatterie, le narcissisme et le rêve.
Les miroirs permettent avant tout de voir le vrai. Ils sont donc indispensables pour corriger notre propre représentation de nous-mêmes et du monde. Ainsi, c'est le rôle du miroir de maquillage, mais aussi du miroir du télescope nécessaire aux observations astrales
Dans la mythologie grecque, le miroir était l'attribut d'Aphrodite (la déesse de l'amour et de la sexualité). Elle y contemplait sa beauté. De même, le miroir évoque également le mythe de Narcisse. Celui-ci ne pouvait s'empêcher d'admirer son reflet dans l'eau d'un étang. Il finit par se suicider.
Ainsi, le miroir revêt parfois un caractère dangereux. En outre, la vérité qu'il reflète n'est pas acceptable par tous. Par exemple, il révèle le vieillissement, ce qui fait souvent peur. Ainsi, dans l'histoire de Blanche-Neige, la méchante reine s'angoisse chaque jour un peu plus d'être dépassée par une beauté plus jeune, et son miroir le lui fait savoir de façon impitoyable.
D'ailleurs, ce thème de la beauté, du vieillissement et de la mort, face au miroir a largement été abordé en peinture. Par exemple, les vanités représentent des jeunes filles absorbées par leur reflet, et négligemment accoudées à un crâne.
Ou encore, dans la pièce de Shakespeare, Hamlet force sa mère à se contempler dans un miroir pour qu'elle voit l'insupportable vérité de ses péchés et cesse de se servir de ses courtisans comme d'un miroir flatteur.
Le miroir peut aussi être perçu comme un autre monde peuplé de volontés obscures, ou encore comme d'un antimonde où tout y est inversé. Par exemple, Alice, l'héroïne du conte de Lewis Carroll Alice au pays des merveilles, se demande ce qu'il y a dans la pièce située "de l'autre côté du miroir".
Finalement, de l'autre côté du miroir, Alice trouve un monde dans lequel les objets familiers et les personnages littéraires s'y meuvent et s'y expriment. Cependant, ces créatures possèdent un langage narcissique, égocentrique et autoritaire. En outre, elles ne cessent de justifier leur propre existence dans un monde absurde, représenté comme un immense échiquier. D'ailleurs, Alice elle-même ne sait plus vraiment qui elle est, ni ce qu'elle fait là.
Ainsi, de l'autre côté du miroir, le rêve n'est jamais loin du cauchemar. Mais finalement, on y rencontre que ce qu'on y apporte, c'est-à-dire ses peurs, ses illusions, ses espoirs... Bref, sa vérité.
La nature a fourni aux hommes les premiers miroirs. Le cristal des eaux servit leur amour propre ; et c'est sur cette idée qu'ils ont cherché les moyens de multiplier leur image.
Les premiers miroirs artificiels furent de métal. L'usage en était établi chez les Égyptiens dès la plus haute antiquité. On ne peut pas en douter, dit Goguet, lorsqu'un voit à quel point ils étaient communs parmi les Hébreux dans le désert. Moïse dit qu'on fit le bassin d'airain destiné aux ablutions, des miroirs offerts par les femmes qui veillaient à la porte du tabernacle. Cette quantité, ajoute l'auteur cité, ne pouvait venir que de l'Egypte. Remarquons que les miroirs n'étaient pas alors de verre, soit qu'on ignorât l'art de faire les glaces, ou au moins le secret de les clamer. On faisait des miroirs de toutes sortes de métaux. Ceux des Égyptiennes, comme nous l'apprenons du passage qu'on vient décrier, étaient d'airain fondu et poli.
Outre l'airain, on y employa aussi l'étain et le fer bruni ; on en fabriqua depuis qui étaient un mélange d'airain et d'étain. Ceux qu'on fit à Brindes passèrent longtemps pour les meilleurs de cette dernière espèce ; mais on donna ensuite la préférence aux miroirs d'argent dont Pasitèles, contemporain du grand Pompée, fut l'inventeur. Plusieurs poètes, et même de graves jurisconsultes, s'accordent à donner aux miroirs une place importante dans la toilette des femmes chez les anciens peuples. Cependant Homère ne parle pas de ce meuble dans la belle description qu'il fait de celle de Junon, où il a pris plaisir à rassembler tout ce qui contribuait à la parure la plus recherchée.
Le métal, comme nous l'avons dit, fut longtemps la seule matière employée pour la fabrication des miroirs ; il est cependant incontestable que le verre fut connu dans la plus haute antiquité, et il est d'autant plus étonnant que les anciens aient ignoré l'art de rendre cette matière propre à la représentation des objets, en appliquant l'étain derrière les glaces, que les progrès dans l'art de la verrerie furent chez eux poussés fort loin. Il n'est pas moins surprenant que les anciens, qui connaissaient l'usage du cristal, plus propre encore que le verre à être employé dans la fabrication des miroirs, ne s'en soient pas servis pour cet objet.
On ignore le temps où les anciens commencèrent à faire des miroirs de verre ; on sait seulement que ce fut des verreries de Sidon que sortirent les premiers miroirs de cette matière. Les anciens avaient encore connu une sorte de miroir, qui était d'un verre appelé par Pline verre obsidien, du nom d'Obsidius, qui l'avait découvert eu Ethiopie ; mais on ne peut lui donner qu'improprement le nom de verre : la matière qu'on y employait était noire comme le jayet, et ne rendait que des images très imparfaites. Il ne faut pas, dit M. Chevalier, de qui nous empruntons une partie de cet article, confondre les miroirs des anciens avec la pierre spéculaire. Cette pierre, à qui l'on ne donnait ce nom qu'à cause de sa transparence, était employée à tout autre usage.
L'invention des miroirs de glace soufflés doit avoir précédé de beaucoup le XIIIe siècle, puisque les auteurs allemands de ce temps là en parlent comme d'une chose très commune. Conrad de Wurtzbourg dit même qu'on les fabriquait de cendres. C'est donc à tort que les Vénitiens prétendent qu'eux seuls, au XIIIe siècle, avaient possédé ce secret. Ce n'est que dans ce XIIIe siècle que Beckmann trouve la première mention des miroirs étamés. John Peckham, moine franciscain anglais, qui enseigna à Oxford, à Paris et à Rome, écrivit en 1272 un traité d'optique. L'auteur y parle de miroirs de verre doublés de plomb, et observe que ces miroirs ne réfléchissaient pas lorsqu'on enlevait le plomb.
En France, les femmes ont porté longtemps un miroir de poche, accroché à la ceinture, comme depuis elles y ont porté une montre. Le cadre en était aussi d'or, de forme ovale, et large au plus comme la paume de la main. Ce miroir servait dans l'occasion à rajuster la coiffure ou les cheveux, ou même, si l'on veut, à pincer une mouche. Cette mode paraît avoir été abandonnée vers le milieu du XVIIe siècle.
C'est à Archimède qu'on attribue l'invention des miroirs ardents, dont il se servit si heureusement pour brûler la flotte des Romains qui assiégeaient Syracuse. On lira, sans doute, avec intérêt la description que nous a laissée Tzetzès de ce miroir ardent d'Archimède. « Archimède, dit Tzetzès, brûla les vaisseaux de Marcellus à l'aide d'un miroir ardent composé de petits miroirs qui se mouvaient en tous sens sur des charnières, et qui, exposés aux rayons du soleil, et dirigés vers les vaisseaux romains, les réduisirent en cendres à la portée d'un trait. » Proclus, au rapport de l'histoire, usa du même moyen au siège de Constantinople pour embraser la flotte de Vitellius.
Vers le XVIIIe siècle, Buffon a prouvé qu'on ne pouvait établir aucun doute sur les effets d'un pareil miroir, quelque surprenants qu'ils parussent, puisque celui qu'il a composé de 168 petits miroirs plans produit une chaleur assez considérable pour allumer du bois à deux cents pieds de distance, pour fondre le plomb à cent vingt et l'argent à cinquante.
C'est à Simon Pharès, astrologue du XVe siècle, qu'on attribue l'honneur d'avoir retrouvé l'usage du miroir magique, qui servait à faire connaître non seulement l'avenir, mais tout ce qui se passait en même temps dans les lieux les plus éloignés. On a prétendu que François Ier était informé à Paris, par ce secours, de tout ce qui se passait en Espagne et en Italie. Noël le Comte (ou plutôt Conti) n'a pas fait difficulté d'insérer cette chimère dans sa mythologie, et un savant dominicain, mieux instruit encore, nous a laissé jusqu'à la composition de cet admirable miroir. « La manière, dit-il, de savoir les choses absentes, sans magie, c'est de les écrire en grosses lettres sur un miroir, et de les présenter à la lune, qui les fait connaître dans un autre miroir dans lequel on la regarde. »
Divers historiens ont rapporté que Nostradamus voyait dans des miroirs talismaniques tout ce qu'il nous a révélé de l'avenir.
Nicolas Pasquier rapporte, dans une de ses lettres, que Catherine de Médicis, voulant s'instruire, par le moyen des magiciens qu'elle avait mis en crédit à la cour, quel serait son sort et celui de ses enfants, avait eu recours à leur prétendue science. L'un d'eux lui fit voir, dans un miroir magique, ses trois fils qui passaient et faisaient autant de tours qu'ils devaient régner d'années. Elle vit d'abord passer François II d'un air triste et morne, et faire un tour et demi, ce qui marquait les dix-sept mois de son règne. Charles IX parut après lui et fit quatorze tours dans la salle. Henri III en fit près de quinze, qui furent interrompus par un prince qui passa devant lui, et disparut avec la rapidité d'un éclair ; c'était, disait-on, le duc de Guise, tué aux états de Blois. Henri IV suivit enfin, et disparut après vingt-deux tours. Pasquier place la scène de cet événement au château de Chaumont, entre Blois et Amboise. On sent assez que des relations de cette nature ne méritent que du mépris.
Naudé croit trouver l'origine de ces folles imaginations dans le miroir fameux de Pythagore, sur lequel ce philosophe écrivait, dit-on, avec du sang formé de fèves bouillies et exposées à l'air pendant la nuit, des caractères qu'il présentait ensuite à la lune, où il les lisait aussi nettement que sur la glace de son miroir.
Miscaun-Marry, on donne ce nom, en Irlande, au feu follet, ignis fatuus.
Misraïm, fils de Cham . Voir Magie.
Moensklint. Les riverains de la mer Baltique vous montrent avec orgueil une grande masse de roc, toute blanche, taillée à pic surmontée de quelques flèches aiguës et couronnée d'arbustes.
Mais voyez ce que le géologue appelle de la pierre calcaire, ce n'est pas la pierre calcaire. Et ce qui s'élève au haut de cette montagne sous la forme d'un massif d'arbres, ce n'est pas un massif d'arbres. Il y a là une jeune fée très belle qui règne sur les eaux et sur l'île. Ce roc nu, c'est sa robe blanche qui tombe à grands replis dans les vagues et se diapre aux rayons du soleil. Cette pyramide aiguë qui le surmonte, c'est son sceptre. Et ces rameaux de chêne, c'est sa couronne. Elle est assise au haut du pic qu'on appelle le Dronnings Stol (le Siège de la Reine). De là elle veille sur son empire, elle protège la barque du pêcheur et le navire du marchand.
Souvent la nuit on a entendu sur cette côte des voix harmonieuses, des voix étranges qui ne ressemblent pas à celles qu'on entend dans le monde. Ce sont les jeunes fées qui chantent et dansent autour de leur reine, et la reine est là qui les regarde et leur sourit.
Oh! le peuple est le plus grand de tous les poètes. Là ou la science analyse et discute, il invente, il donne la vie à la nature animée, il divinise les êtres que le physicien regarde comme une matière brute. Il passe le long d'un lac et il y voit des esprits. Il passe au pied d'un roc de craie, et il y voit une reine, et il l'appelle le Mœnsklint (le rocher de la Jeune Fille).
Mog. Du nom de mog peut-être est venu le mot magus, magicien. On retrouve encore dans l'Arménie l'ancienne région des Mogs.
« Le nom de Mog, dit Eugène Boré, est un mot zend et pehlvi qui a passé dans la langue chaldéenne à l'époque où le symbole religieux de la Perse fut adopté par le peuple de Babylone. Il représentait la classe pontificale, initiée sans doute à des doctrines secrètes dont l'abus et l'imposture firent tomber ensuite ce titre en discrédit. Les prêtres ainsi désignés étaient ces anciens desservants du temple de Bélus, qu'avait visités et entretenus Hérodote, et qu'il nomme Chaldéens aussi bien que le prophète Daniel. Ils avaient encore le nom de sages ou philosophes, de voyants et d'astronomes. Lorsqu'ils mêlèrent aux principes élevés de la science et de la sagesse les superstitions de l'idolâtrie et toutes les erreurs de l'astrologie et de la divination, ils furent appelés enchanteurs, interprètes de songes, sorciers, en un mot, magiciens. »
Mais au Xe siècle Thomas Ardzérouni, cité par M. Boré, appelle encore la contrée qu'ils habitaient le pays des Mogs. Les Mogols viendraient-ils des Mogs?
Mogol. Delancre dit qu'un empereur mogol guérissait certaines maladies avec l'eau dans laquelle il lavait ses pieds.
Mohra. Bourg célèbre dans la Suède pour les sorciers qu'il a produits. En 1559, pendant les débuts de la réforme, on y arrêta 70 sorcières qui avaient séduit 300 enfants.
Moine bourru. Voir bourru.
Moines. On lit partout ce petit conte: Un moine, qu'une trop longue abstinence faisait souffrir, s'avisa un jour dans sa cellule de faire cuire un œuf à la lumière de sa lampe. L'abbé qui faisait sa ronde, ayant vu le moine occupé à sa petite cuisine, l'en reprit. De quoi le bon religieux, s'excusant, dit que c'était le diable qui l'avait tenté et lui avait inspiré cette ruse. Tout aussitôt parut le diable lui-même, qui était caché sous la table et qui s'écria en s'adressant au moine: « Tu as menti par ta barbe. Ce tour n'est pas de mon invention, et c'est toi qui viens de me l'apprendre. »
Césaire d'Heisterbach donne cet autre petit fait: Le moine Herman, comparant la rigoureuse abstinence de son ordre aux bons ragoûts que l'on mange dans le monde, vit entrer dans sa cellule un inconnu de bonne mine qui lui offrit un plat de poisson. Il reçut ce présent, et lorsqu'il voulut accommoder sou poisson, il ne trouva plus sous sa main qu'un plat de fiente de cheval. Il comprit qu'il venait de recevoir une leçon, et fut plus sobre.
Mois. Chez les païens, chaque mois est présidé par une divinité:
- Junon préside au mois de janvier.
- Neptune préside à février.
- Mars préside au mois qui porte son nom.
- Vénus préside au mois d'avril.
- Phébus préside au mois de mai.
- Mercure préside au mois de juin.
- Jupiter préside à juillet.
- Cérès préside au mois d'août.
- Vulcain préside à septembre.
- Pallas préside au mois d'octobre.
- Diane préside à novembre.
- Vesta préside à décembre.
Chaque mois est également lié à un ange:
- Janvier est le mois de Gabriel.
- Février est le mois de Barchiel.
- Mars est le mois de Machidiel.
- Avril est le mois d'Asmodel.
- Mai est le mois d'Ambriel.
- Juin est le mois de Muriel.
- Juillet est le mois de Verchiel.
- Août est le mois d'Hamaliel.
- Septembre est le mois d'Uriel.
- Octobre est le mois de Barbiel.
- Novembre est le mois d'Adnachiel.
- Décembre est le mois d'Hanaël.
Chaque mois est également associé à un démon:
- Janvier est le mois de Bélial.
- Février est le mois de Léviathan.
- Mars est le mois de Satan.
- Avril est le mois d'Astarté.
- Mai est le mois de Lucifer.
- Juin est le mois de Baalbérith.
- Juillet est le mois de Belzébuth.
- Août est le mois d'Astaroth.
- Septembre est le mois de Thamuz.
- Octobre est le mois de Baal.
- Novembre est le mois d'Hécate.
- Décembre est le mois de Moloch.
Chaque mois est également lié à un animal:
- La brebis est consacrée au mois de janvier.
- Le cheval est consacré au mois de février.
- La chèvre est consacrée au mois de mars.
- Le bouc est consacré au mois d'avril.
- Le taureau est consacré au mois de mai.
- Le chien est consacré au mois de juin.
- Le cerf est consacré au mois de juillet.
- Le sanglier est consacré au mois d'août.
- L'âne est consacré au mois de septembre.
- Le loup est consacré au mois d'octobre.
- La biche est consacrée au mois de novembre.
- Le lion est consacré au mois de décembre.
Chaque mois est également associé à un arbre:
- Le peuplier est l'arbre de janvier.
- L'orme est l'arbre de février.
- Le noisetier est l'arbre de mars.
- Le myrte est l'arbre d'avril.
- Le laurier est l'arbre de mai.
- Le coudrier est l'arbre de juin.
- Le chêne est l'arbre de juillet.
- Le pommier est l'arbre d'août.
- Le buis est l'arbre de septembre.
- L'olivier est l'arbre d'octobre.
- Le palmier est l'arbre de novembre.
- Le pin est l'arbre de décembre
Les mois sont associés à la symbolique de la lune, du cycle menstruel, de la gestation, mais aussi des travaux agricoles et de la nature. Par ailleurs, le nom des mois est issu de la tradition latine.
Les mois sont une division de l'année solaire, en douze ; et chaque mois compte 28 à 31 jours.
Depuis la plus haute Antiquité, 12 est le nombre des cycles temporels. En effet, dès cette époque, on comptait douze heures du jour, douze heures de la nuit et douze signes du zodiaque. Néanmoins, le découpage de l'année en douze mois, tel qu'on le connaît actuellement est une tradition occidentale.
En effet, les Aztèques et les Mayas représentaient les mois de l'année de façon différente : ils divisaient l'année en 18 mois de 20 jours.
Les noms des mois de l'année sont issus de l'Antiquité romaine. En effet, les Romains avaient associé certains dieux ou de hauts personnages à un mois particulier. Ainsi, Janvier était représenté par Janus (le dieu à double visage, protégeant les commencements et les passages) ; Mars était le nom du dieu de la guerre ; Mai était de mois de Maius (un dieu ancien) ; Juin était associé à Junon (la reine des dieux et la protectrice du mariage) ; Juillet était le mois de Jules César ; et Août, celui d'Auguste.
En outre, certains mois portaient des noms religieux. Par exemple, Février était le mois des purifications et Avril, le mois de l'ouverture.
Enfin, d'autres mois étaient numérotés, sachant que l'année commençait au mois de Mars. Ainsi, Septembre désignait le septième mois ; Octobre, le huitième mois ; Novembre, le neuvième mois ; et Décembre, le dixième mois.
Entre le 24 Novembre 1793 et le 1er Janvier 1806, le calendrier grégorien fut remplacé par le calendrier républicain. Ce dernier visait à symboliser une nouvelle ère, en rupture avec l'ancien temps qui était alors synonyme d'esclavage. Ainsi, ce nouveau calendrier abandonna les références aux dieux pour s'attacher aux données météorologiques et à la vie de la nature.
Dès lors, Vendémiaire (le premier mois de l'année) évoquait les vendanges ; Brumaire se référait à la brume et au brouillard ; Frimaire évoquait le froid ; Nivôse, la neige ; Pluviôse, la pluie ; Ventôse, le vent ; Germinal, la germination des plantes ; Floréal, la floraison ; Prairial, la prairie ; Messidor, la moisson ; Thermidor, la chaleur ; et Fructidor, la fructification.
Mois, du latin mensis, qui, selon Cicéron, vient de mensura (mesure).
Après avoir remarqué les changements journaliers des ténèbres et de la lumière, c'est à-dire des jours, les hommes firent attention au mouvement de la lune, mouvement manifeste, puisqu'on la voit paraître grande, lumineuse, et disparaître ensuite ; or comme elle éprouve tous ces changements dans un temps déterminé, et qu'il y a des règles aussi palpables que certaines des retours de ses différentes apparitions, on appela mois cet espace de temps qu'emploie à parcourir la période entière de la diversité de ses phases.
Il est certain que la plupart des anciens peuples, tels que les Juifs, les Grecs et les Romains, jusqu'au temps de Jules-César, comptaient le temps par les mois lunaires périodiques. Les Juifs ne désignaient leurs mois que par l'ordre qu'ils tenaient entre eux : le premier, le second, le troisième, et ainsi du reste. Moïse, Josué, les Juges, les Rois, suivirent le même usage, et ce n'est que depuis la captivité de Babylone que les Israélites prirent les noms des mois des Chaldéens et des Perses, chez qui ils avaient demeuré si longtemps.
Les Grecs, dit Furgault (Dictionnaire d'antiquités grecques et romaines), étaient fort attentifs à remarquer le jour de la néoménie ou nouvelle lune. Ils divisaient le mois en trois parties ou dizaines, et à chaque dizaine ils recommençaient à compter par l'unité.
Les Romains divisaient leur mois, qui était lunaire, en trois parties, qu'ils appelaient calendes, nones, ides. Ils n'eurent d'abord que dix mois dans leur année, dont le premier était celui de mars, vinrent ensuite avril, mai, juin, quintile, sextile, septembre, octobre, novembre, décembre, qui étaient à peu près les mêmes que les nôtres ; c'est pourquoi nos quatre derniers mois portent encore aujourd'hui des noms qui ne répondent plus au rang qu'ils tiennent, mais plutôt à celui qu'ils tenaient autrefois : car septembre, octobre, novembre et décembre signifient le septième, le huitième, le neuvième et le dixième mois ; mais, comme ces dix mois ne remplissaient pas, à beaucoup près, le temps pendant lequel le soleil nous paraît parcourir les douze signes du zodiaque, les saisons se trouvaient par là très dérangées d'une année à l'autre. On sentit cet inconvénient, et l'on y remédia en partie, en ajoutant deux nouveaux mois, savoir janvier et février, que l'on plaça immédiatement avant mars ; de sorte que celui-ci , qui jusque là avait été le premier mois de l'année, se trouva être le troisième.
La division de l'année en douze mois est fort ancienne, et presque universelle. Quelques peuples ont supposé les mois égaux et de trente jours, et ils ont complété l'année par l'addition d'un nombre suffisant de jours complémentaires ; d'autres peuples ont embrassé l'année entière dans les douze mois, en les rendant inégaux.
Le système des mois de trente jours conduit naturellement à leur division en trois décades. Cette période donne la facilité de retrouver, à chaque instant, le quantième du mois ; mais, à la fin de l'année, les jours complémentaires troublent l'ordre de choses attaché aux divers jours de la décade, ce qui nécessite alors des mesures administratives embarrassantes.
On obvie à cet inconvénient par l'usage d'une petite période indépendante des mois et des années ; telle est la semaine, qui depuis la plus haute antiquité, dans laquelle se perd son origine, circule, sans interruption, à travers les siècles, en se mêlant aux calendriers successifs des différents peuples.
Moïse. Le diable selon les uns, un imposteur selon les autres, pour induire en erreur le peuple juif, prit la figure de Moïse, en 434. Il se présenta aux Israélites de l'île de Candie, leur disant qu'il était leur ancien libérateur, ressuscité pour les conduire une seconde fois à la terre promise. Les Israélites donnèrent tête baissée dans le piège.
Ils se rassemblèrent des diverses contrées. Quand tout fut prêt pour le départ de l'île, l'armée du peuple se rendit au bord de la mer, dans la persuasion qu'on allait la passer à pied sec. Le diable, riant sous cape, conduisit les cohortes jusqu'au rivage. La confiance de ces gens était si grande, qu'ils n'attendirent pas que leur conducteur eût fait signe à la mer de se fendre: ils se jetèrent en masse au milieu des flots, certains que la mer se retirerait sous leurs pas.
Malheureusement la verge de Moïse n'était pas là. Plus de vingt mille Juifs, dit-on, se noyèrent, en plein jour, et le faux Moïse ne se trouva plus.
Moiset. C'est le nom que prit le démon ou le fourbe qui se donnait pour tel, et qui engagea pour le sabbat et la sorcellerie Pierre Bourget et Michel Verdung.
Mokissos. Les mokissos sont des génies révérés des habitants de Loango, mais subordonnés au Dieu suprême. Ils pensent que ces génies peuvent les châtier, et même leur ôter la vie s'ils ne sont pas fidèles à leurs obligations. Lorsqu'un homme est heureux et bien portant, il est dans les bonnes grâces de son mokisso. Est-il malade ou éprouve-t-il des revers, il attribut cette calamité à la colère de son génie.
Ces peuples donnent le même nom à leur souverain, auquel ils croient un pouvoir divin et surnaturel, comme de pouvoir faire tomber la pluie, et d'exterminer en un instant des milliers d'hommes, etc.
Les mokissos sont des figures de bois qui représentent, ou des hommes grossièrement faits, ou des quadrupèdes, ou des oiseaux. On leur offre des vœux et des sacrifices pour les apaiser.
Molitor (Ulrich). Auteur d'un livre rare intitulé Traité des lamies et des pythonisses: Tractatus de lamiis et pythonicis, Constance, 1489, in-4°. Paris, 1561, in-8°. On y voit des choses singulières , qui ne sont pourtant pas des fables.
Moloch. Moloch est un prince du pays des larmes, membre du conseil infernal. Il était adoré par les Ammonites, sous la figure d'une statue de bronze assise sur un trône de même métal, ayant une tête de veau surmontée d'une couronne royale. Ses bras étaient étendus pour recevoir les victimes humaines: on lui sacrifiait des enfants.
Dans Milton, Moloch est un démon affreux et terrible couvert des pleurs des mères et du sang des enfants.
Moloch est le symbole de la cruauté absolue. C'était un ogre impitoyable, mangeur d'enfants. Aussi, livrer ses enfants à cette créature signifiait les immoler au dieu féroce.
Moloch était un dieu des Phéniciens et des Carthaginois. Il exigeait des sacrifices de nourrissons. D'ailleurs, dans le Paradis perdu, Milton (un poète anglais du XVIIe siècle) décrit Moloch comme un monstre couvert du sang de ses victimes et des larmes de leurs mères.
Aussi, les enfants étaient placés sur les mains d'une énorme statue de bronze. Celle-ci pouvait bouger ses bras grâce à un mécanisme. De ce fait, elle pouvait enfourner les nouveau-nés dans sa bouche, et un feu à l'intérieur de la statue les consumait. Aussi, pour que la foule n'entendent pas les hurlements des victimes, les prêtres dansaient et jouaient de la flûte et du tambourin.
Plusieurs passages de la Bible font référence à Moloch. Ainsi, dans le Lévitique, Dieu dit à Moïse : "Tout homme d'entre les fils d'Israël ou d'entre les étrangers résidant en Israël qui livre un de ses descendants à Moleck sera mis à mort ; le peuple du pays l'assommera avec des pierres."
Cependant, certains pensent que ce nom est en fait celui d'un sacrifice humain, pratiqué sur les hauts lieux cananéens et carthaginois.
Momies. Le prince de Radziwill, dans son Voyage de Jérusalem, raconte une chose singulière, dont il a été le témoin.
Il avait acheté en Egypte deux momies, l'une d'homme et l'autre de femme, et les avait enfermées secrètement en des caisses qu'il fit mettre dans son vaisseau lorsqu'il partit d'Alexandrie pour revenir en Europe. Il n'y avait que lui et ses deux domestiques qui sussent ce que contenaient les caisses, parce que les Turcs alors permettaient difficilement qu'on emportât les momies, croyant que les chrétiens s'en servaient pour des opérations magiques.
Lorsqu'on fut en mer, il s'éleva une tempête qui revint à plusieurs reprises avec tant de violence que le pilote désespérait de sauver le navire. Tout le monde était dans l'attente d'un naufrage prochain et inévitable. Un bon prêtre polonais, qui accompagnait le prince de Radziwill, récitait les prières convenables à une telle circonstance. Le prince et sa suite y répondaient. Mais le prêtre était tourmenté, disait-il, par deux spectres (un homme et une femme) noirs et hideux, qui le harcelaient et le menaçaient. On crut d'abord que la frayeur et le danger du naufrage lui avaient troublé l'imagination. Le calme étant revenu, il parut tranquille. Mais le tumulte des éléments reparut bientôt. Alors ces fantômes le tourmentèrent plus fort qu'auparavant, et il n'en fut délivre que quand on eut jeté les deux momies à la mer, ce qui fit en même temps cesser la tempête.
On rapporte à des principes religieux et à la nature du pays les motifs qui ont engagé les Égyptiens à embaumer et à conserver d'une manière quelconque les corps d'hommes et d'animaux. Cet usage était parmi eux de la plus haute antiquité.
Tous ces corps, soit desséchés, soit embaumés, s'appellent momies. Ce mot, qui n'est ni d'origine grecque, ni d'origine latine, ne paraît pas cependant venir de la langue égyptienne ; car, selon saint Augustin, les Égyptiens donnaient le nom de gabbaras à leurs corps embaumés ou desséchés. Cependant quelques écrivains dérivent mumia (momie) de l'expression arabe mum, qui signifie cire. Les anciens auteurs n'ont transmis que des détails très insuffisants, tant sur la préparation que sur la conservation des momies.
La plaine de Saccara, aux environs de l'ancienne Memphis, est le lieu qui en a fourni le plus ; mais très peu nous parviennent intactes et entières ; la cause en est dans la cupidité des Turcs et des Arabes, qui ne les livrent aux voyageurs qu'après les avoir dépouillées. La caisse où l'on enfermait les momies était d'un bois simple et commun, quelquefois de cyprès d'Orient, ou bien de sycomore. En haut, sur le couvercle des caisses de momies, on voit ordinairement un masque avec le voile égyptien, taillé dans le bois ; presque toujours aussi on y remarque au menton la tresse en forme de bouchon. On n'est pas sûr de ce que signifie cette tresse ; quelques auteurs l'ont prise pour la barbe, d'autres pour la feuille de perséa, plante consacrée à Isis. Dans les momies de femmes, et en général dans les figures de femmes de travail égyptien, on ne rencontre jamais ce signe, ce qui donne du poids à l'opinion de ceux qui y voient une barbe. Sur les couvercles des cercueils, on trouve encore des visages peints ; on a prétendu que ce pouvait être ceux des défunts ; mais comme ils ont entre eux une parfaite ressemblance, on en peut conclure que ce ne sont que des ornements. Quelques uns cependant ont juge vraisemblable que sur les momies d'hommes on a pu peindre la figure d'Osiris, et celle d'Isis sur les momies de femmes. Dans l'examen fait de la momie que possède l'université de Goettingue, on a remarqué que le visage était peint sur les bandelettes qui enveloppaient le corps, et qu'elle avait sous ses pieds des semelles de toile. On a vu des momies à ongles jaunes, et non dorés, comme on l'a cru. Dans l'intérieur de quelques unes ou a trouvé de petites idoles, des amulettes, des nilomètres (instruments propres à mesurer la crue du Nil), etc. Une momie ouverte par M. Blumenbach avait des yeux postiches, faits de toile de coton, enduits de poix-résine.
Outre une momie très dégradée et son cercueil de sycomore, venant de Sainte-Geneviève, la bibliothèque possède un couvercle de caisse tumulaire, très bien conservé. Il est orné, comme tous les autres, de peintures hiéroglyphiques que souvent on retrouve sur les bandelettes qui enveloppent les corps. On y voit aussi, un morceau de bandelette, probablement enlevé d'une momie, lequel représente la cérémonie de l'embaumement.
Dans la même plaine de Saccara, où sont déposées les momies humaines, des réduits souterrains en contiennent aussi un grand nombre d'animaux sacrés. M. Denon, dans son Voyage de la haute et basse Egypte, a visité des caves dans l'une desquelles se trouvaient plus de 500 momies d'ibis. Les pots ou vases qui leur servent de sarcophages sont de terre rouge et commune, de 14 à 18 pouces de hauteur ; on serait disposé à douter de leur antiquité, tant ils sont bien conservés. En général, ces momies sont enveloppées de bandes de toile entrelacées avec beaucoup de soin, la tête et les pieds cachés sous les ailes, et le tout présente une forme conique. Cependant toutes ne sont pas renfermées dans des urnes ; il y en a d'emmaillotées avec le même art, excepté la tête et le bec, qui sont proéminents ; mais elles ont cela de particulier, que leur arrangement est celui d'une momie humaine, et qu'elles semblent pouvoir se tenir debout.
Monarchie infernale. La monarchie infernale se Compose, selon Wierus, de:
Monde. Racontons les rêveries des conteurs païens. Sanchoniaton présente ainsi l'origine du monde. Le Très-Haut et sa trois habitaient le sein de la lumière. Ils eurent un fils beau comme le ciel, dont il porta le nom, et une fille belle comme la terre, dont elle porta le nom. Le Très-Haut mourut tué par des bêtes féroces, et ses enfants le déifièrent.
Le Ciel, maître de l'empire de son père, épousa la Terre, sa sœur, et en eut plusieurs enfants, entre autres Saturne. Il prit encore soin de sa postérité avec quelques autres femmes. Mais la Terre en témoigna tant de jalousie qu'ils se séparèrent. Néanmoins le Ciel revenait quelquefois à elle, et l'abandonnait ensuite de nouveau, ou cherchait à détruire les enfants qu'elle lui avait donnés.
Quand Saturne fut grand, il prit le parti de sa mère, et la protégea contre son père, avec le secours d'Hermès, son secrétaire. Saturne chassa son père, et régna en sa place. Ensuite, il bâtit une ville, et se défiant de Sadid, l'un de ses fils, il le tua et coupa la tête à sa fille, au grand étonnement des dieux. Cependant le Ciel, toujours fugitif, envoya trois de ses filles à Saturne pour le faire périr. Ce prince les fit prisonnières et les épousa. A cette nouvelle, le père en détacha deux autres, que Saturne épousa pareillement. Quelque temps après, Saturne ayant tendu des embûches à son père, l'estropia et l'honora ensuite comme un dieu.
Tels sont les divins exploits de Saturne. Tel fut l'âge d'or. Astarté-la-Grande régna alors dans le pays par le consentement de Saturne. Elle porta sur sa tête une tête de taureau, pour marque de sa royauté.
Au commencement, dit Hésiode, était le Chaos, ensuite la Terre, le Tartare, l'Amour le plus beau des dieux. Le Chaos engendra l'Erèbe et la Nuit, de l'union desquels naquirent le Jour et la Lumière. La Terre produisit alors les étoiles, les montagnes et la mer. Bientôt, unie au Ciel, elle enfanta l'Océan, Hypérion, Japhet, Rhéa, Phœbé, Thétis, Mnémosyne, Thémis et Saturne, ainsi que les cyclopes, et les géants Briarée et Gygès, qui avaient cinquante têtes et cent bras.
A mesure que ses enfants naissaient, le Ciel les enfermait dans le sein de la Terre. La Terre, irritée, fabriqua une faux qu'elle donna à Saturne. Celui-ci en frappa son père, et du sang qui sortit de cette blessure naquirent les géants et les furies. Saturne eut de Rhéa, son épouse et sa sœur, Vesta , Cérès, Junon, Pluton, Neptune et Jupiter. Ce dernier, sauvé de la dent de son père, qui mangeait ses enfants, fut élevé dans une caverne, et par la suite fit rendre à Saturne ses oncles qu'il tenait en prison, ses frères qu'il avait avalés, le chassa du ciel, et la foudre à la main, devint le maître des dieux et des hommes.
Les Égyptiens faisaient naître l'homme et les animaux du limon échauffé par le Soleil. Les Phéniciens disaient que le Soleil, la Lune et les astres ayant paru, le Limon, fils de l'Air et du Feu, enfanta tous les animaux; que les premiers hommes habitaient la Phénicie; qu'ils furent d'une grandeur démesurée et donnèrent leur nom aux montagnes du pays; que bientôt ils adorèrent deux pierres, l'une consacrée au Vent, l'autre au Feu, et leur immolèrent des victimes.
Mais le Soleil fut toujours le premier et le plus grand de leurs dieux.
Tous les peuples anciens faisaient remonter très haut leur origine, et chaque nation se croyait la première sur la terre. Quelques peuples modernes ont la même ambition: les Chinois se disent antérieurs au déluge. Les Japonais soutiennent que les dieux dont ils sont descendus ont habité leur pays plusieurs millions d'années avant le règne de Cin-Mu, fondateur de leur monarchie.
Origène prétend que Dieu a toujours créé, par succession, des mondes infinis, et les a ruinés au temps déterminé par sa sagesse, à savoir: le monde élémentaire, de 7 en 7000 ans, et le monde céleste, de 49 en 49000 ans, réunissant auprès de lui tous les esprits bienheureux, et laissant reposer la matière l'espace de 1000 ans, puis renouvelant toutes choses.
Le monde élémentaire doit durer 6000 ans, ayant été fait en 6 jours, et se reposer le septième millénaire, pour le repos du septième jour. Et comme la cinquantième année était le grand jubilé chez les Hébreux, le cinquantième millénaire doit être le millénaire du repos pour le monde céleste.
Il n'est point parlé dans la Bible de la création des anges, parce qu'ils étaient restés immortels après la ruine des mondes précédents.
Les Parsis ou Guèbres prétendent que pour peupler plus promptement le monde nouvellement créé, Dieu permit qu'Ève, noire mère commune, mît au monde chaque jour deux enfants jumeaux. Ils ajoutent que durant 1000 ans, la mort respecta les hommes, et leur laissa le temps de se multiplier.
Les Lapons s'imaginent que le monde existe de toute éternité, et qu'il n'aura jamais de fin. Les peuples de la Côte-d'Or, en Afrique, croient que le premier homme fut produit par une araignée. Les Athéniens se disaient descendus des fourmis d'une forêt de l'Attique.
Parmi les sauvages du Canada, il y a trois familles principales: l'une prétend descendre d'un lièvre. L'autre dit qu'elle descend d'une très belle et très courageuse femme, qui eut pour mère une carpe dont l'œuf fut échauffé par les rayons du soleil. La troisième famille se donne pour premier ancêtre un ours.
Les rois des Goths étaient pareillement nés d'un ours.
Les Pégusiens sont nés d'un chien. Les Suédois et les Lapons sont issus de deux frères dont le courage était bien différent, s'il faut en croire les Lapons. Un jour qu'il s'était levé une tempête horrible, l'un des deux frères qui se trouvaient ensemble fut si épouvanté, qu'il se glissa sous une planche que Dieu, par pitié, convertit en maison. De ce poltron sont nés tous les Suédois. L'autre, plus courageux, brava la furie de la tempête, sans chercher même à se cacher: ce brave fut le père des Lapons.
Le monde est le symbole de la création dans son ensemble, c'est-à-dire dans son mouvement, ainsi que dans ses dimensions matérielles et spirituelles.
Le monde comprend les cieux divins, la terre des vivants et l'enfer. En outre, ces trois niveaux sont mis en relation par les cycles de la vie biologique : la naissance, la vie et la mort. Ainsi, ces trois niveaux forment un système général appelé cosmogonie.
Dans le tarot de Marseille, le monde est la vingt et unième arcane majeure. Il représente une jeune fille nue, en mouvement, entourée d'une guirlande de feuilles ovale. Aussi, une créature de couleur différente figure dans chaque coin. Il s'agit d'un cheval, d'un aigle, d'un lion et d'un ange.
Ainsi, cette arcane ultime représenterait la perfection de l'être au monde, d'un humain accompli, c'est-à-dire un être à la fois stable et en perpétuel mouvement, en harmonie avec toutes choses et riche de toute sa spiritualité.
Monkir et Nékir. Monkir et Nékir sont des anges qui, selon la croyance des musulmans, interrogent le mort aussitôt qu'il est dans le sépulcre, et commencent leur interrogatoire par cette demande: Qui est votre seigneur? et qui est votre Prophète?
Leurs fonctions sont aussi de tourmenter les réprouvés. Ces anges, qui ont un aspect hideux et une voix aussi terrible que le tonnerre, après avoir reconnu que le mort est dévoué à l'enfer, le fouettent avec un fouet moitié fer et moitié feu. Les mahométans ont tiré cette idée du Talmud.
Monsieur de Laforêt. Monsieur de Laforêt est le nom qu'on donnait autrefois au fantôme, plus connu sous le titre de grand Veneur, de la forêt de Fontainebleau. Sa résidence ordinaire était dans cette forêt. Mais il s'en écartait quelquefois.
De l'Ancre rapporte qu'un enfant, qui vivait en Allemagne, fut trouvé vêtu d'une peau de loup, et courant comme un petit loup-garou. Il dit que c'était Monsieur de Laforêt qui lui avait donné sa peau; que son père s'en servait aussi. Dans un interrogatoire, cet enfant avoua que si Monsieur de Laforêt lui apparaissait, il pouvait le mettre en fuite par des signes de croix; qu'il lui demandait s'il voulait être à lui; qu'il lui offrait pour cela de grandes richesses, etc.
Monstres. Méry, célèbre anatomiste et chirurgien-major des invalides, vit et disséqua, en 1720, un petit monstre né à six mois de terme, sans tête, sans bras, sans cœur, sans poumons, sans estomac, sans reins, sans foie, sans rate, sans pancréas, et pourtant né vivant. Cette production extraordinaire fut suivie d'une fille bien organisée, qui tenait au petit monstre par un cordon ombilical commun. Son observation est consignée dans les Mémoires de l'Académie des sciences.
Comment la circulation du sang s'opérait-elle dans cet individu dépourvu do cœur? Méry essaya de l'expliquer dans une dissertation. En d'autres temps, on eût tout mis sur le compte du diable.
Il y a beaucoup de monstres dans les historiens des siècles passés. Torquemada rapporte qu'Alexandre, faisant la guerre des Indes, vit plus de 130 000 hommes ensemble qui avaient des têtes de chiens et aboyaient comme eux. Il dit aussi que certains habitants du mont Milo avaient huit doigts aux pieds et tournés en arrière, ce qui rendait ces hommes extrêmement légers à la course.
On voit dans des vieilles chroniques qu'il y avait au nord des hommes qui n'avaient qu'un œil au milieu du front. En Albanie, des hommes dont les cheveux devenaient blancs dès l'enfance, et qui voyaient mieux la nuit que le jour (conte produit par les Albinos). Des Indiens qui avaient des têtes de chien. D'autres sans cou et sans tête, ayant les yeux aux épaules. Et ce qui surpasse toute admiration, un peuple dont le corps était velu et couvert de plumes comme les oiseaux, et qui se nourrissaient seulement de l'odeur des fleurs.
On a pourtant ajouté foi à ces fables.
N'oublions pas les fables qui se trouvent consignées dans le Journal des voyages de Jean Struys, qui dit avoir vu de ses propres yeux les habitants de l'île de Formose, ayant une queue au derrière, comme les bœufs.
Il parle aussi d'une espèce de concombre qui se nourrit, dit-on, des plantes voisines. Cet auteur ajoute que ce fruit surprenant a la figure d'un agneau avec les pieds, la tête et la queue de cet animal distinctement formés. D'où on l'appelle, en langage du pays, banarel ou bonarez, qui signifie agneau. Sa peau est couverte d'un duvet fond blanc aussi délié que de la soie. Les Tartares et les Moscovites en fond grand état, et la plupart le gardent avec soin dans leurs maisons, où cet auteur en a vu plusieurs. Il croît sur une tige d'environ trois pieds de haut. L'endroit par où il tient est une espèce de nombril sur lequel il se tourne et se baisse vers les herbes qui lui servent de nourriture, se séchant et se flétrissant aussitôt que ces herbes lui manquent. Les loups l'aiment et le dévorent avec avidité parce qu'il a le goût de la chair d'agneau. Et l'auteur ajoute qu'on lui a assuré que cette plante a effectivement des os, du sang et de la chair. D'où vient qu'on l'appelle dans le pays Zoophité, c'est-à-dire plante animale.
Montagnards. Les montagnards sont des démons qui font leur séjour dans les mines sous les montagnes, et tourmentent les mineurs. Ils ont trois pieds de haut, un visage horrible, un air de vieillesse, une camisole et un tablier de cuir, comme les ouvriers dont ils prennent souvent la figure. On dit que ces démons n'étaient point malfaisants, et entendaient la plaisanterie. Mais une insulte leur était sensible, et ils la souffraient rarement sans se venger.
Un mineur eut l'audace de dire des injures à un de ces démons. Le démon indigné sauta sur le mineur et lui tordit le cou. L'infortuné n'en mourut point, mais il eut le cou renversé et le visage tourné par derrière tout le reste de sa vie. Il y a eu des gens qui l'ont vu en cet état... Ils avaient de bons yeux!
Montalembert. Adrien de Montalembert était l'aumônier de François Ier. Il est l'auteur d'un ouvrage intitulé La Merveilleuse histoire de l'esprit qui depuis naguère s'est apparu au monastère des religieuses de Saint Pierre de Lyon (1528). Paris, 1528, in-4°; Rouen, 1529; Paris, 1580, in-12. C'est l'histoire d'Alice de Télieux.
Montan. Montan était le chef des hérétiques montanistes au IIe siècle. C'était un eunuque phrygien. Comme il avait des attaques d'épilepsie, il en fit des extases où il s'entretenait avec Dieu. Il reconnaissait que le Saint-Esprit était venu, mais il le distinguait du Paraclet et il disait: « C'est moi qui suis le Paraclet. » Les montanistes admettaient les femmes à la prêtrise.
Montanay. Sorcier. Voir Galigaï.
Montezuma. Voir Présages.
Monture des esprits. Dans les idées de l'Irlande et de plusieurs autres peuplades du Nord, les esprits, fées ou lutins, qui ont à voyager enfourchent un jonc, un brin d'herbe, un tronc de choux, et toute autre chose; sur cette monture ils parcourent des distances incroyables en un quart d'heure.
Mopsus. Fille d'Apollon et de Manto fille de Tirésias, fameux devin et grand capitaine, fut honoré à Claros du sacerdoce de son père, y rendit ses oracles, et donna lieu par son habilité au proverbe, plus certain que Mopsus. Il signala son talent au siège de Thèbes, mais surtout à la cour d'Amphimaque, roi de Colophon. Ce prince, méditant une expédition importante, consulta ce devin sur le succès; Mopsus lui annonça que des malheurs s'il exécutait son entreprise. Amphimaque, à qui elle tenait pourtant fort à cœur, s'adressa à Calchas, autre devin célèbre, qui lui promit une victoire signalée. L'évènement justifia Mopsus; car le roi fut entièrement défait, et Calchas, honteux d'avoir si mal deviné, en mourut de chagrin. On raconte autrement la victoire de Mopsus. Il proposa à Calchas de lui dire combien une truie pleine, qui vint à passer devant eux, portait de petits dans son ventre, ou, selon, Hésiode, combien un figuier qu'il lui montra avait de figues. Calchas ne put le deviner, et Mopsus ne se méprit point dans le compte. Mopsus, après sa mort, fut honoré comme un demi-dieu, et eut un oracle célèbre à Malée en Cilicie. Plutarque raconte que le gouverneur de cette province, ne sachant que croire des dieux, parce qu'il était obsédé d'épicuriens qui lui avaient jeté beaucoup de doutes dans l'esprit, se résolut, dit agréablement l'historien, d'envoyer un espion chez les dieux pour apprendre ce qu'il en était. Il lui donna un billet cacheté pour le porter à Mopsus. Cet envoyé s'endormit dans le temple, et vit en songe un homme fort bien fait, qui lui dit, noir. Il porta cette réponse au gouverneur. Elle parut très ridicule à tous les épicuriens de sa cour; mais il en fut frappé d'étonnement et d'admiration, et, en ouvrant le billet, il leur montra ces mots qu'il y avait écrits: T'immolerai-je un bœuf blanc ou noir? Après ce miracle, il fut toute sa vie fort dévot au dieu Mopsus. Morail, Morail est un démon qui a la puissance de rendre invisible, selon les Clavicules de Salomon.
Morax ou Forai. Morax est le capitaine, le comte et le président de plusieurs bandes infernales. Il se fait voir sous la forme d'un taureau. Lorsqu'il prend la figure humaine, il instruit l'homme dans l'astronomie et dans tous les arts libéraux. Il est le prince des esprits familiers qui sont doux et sages. Il a sous ses ordres trente-six légions.
Mordad. L'ange de la mort chez les mages.
Moreau. Moreau est un chiromancien du XIXe siècle, qui, dit-on, prédit à Napoléon sa chute et ses malheurs. Bien d'autres furent aussi sorciers que lui. Il exerçait à Paris, où il mourut en 1825.
Morel (Louise). Sorcière. Tante de Marie Martin. Voir Martin.
Morgane. est un personnage du cycle arthurien, dans lequel elle est la demi-sœur — occasionnellement la sœur — magicienne du roi Arthur. Personnage positif à l'origine, elle est présentée ensuite comme une adversaire du roi, de sa femme Guenièvre et des chevaliers de la Table ronde.
Chez Geoffroy de Monmouth, c’est la principale des neuf enchanteresses qui accueillent Arthur à Avalon après la bataille de Camlann ; chez Chrétien de Troyes, elle est une sœur d’Arthur, magicienne et guérisseuse coopérant avec son frère. C’est à partir du Lancelot-Graal que son personnage se précise. Elle devient l’adversaire d’Arthur, fille d’Ygraine (Ygerne ou Igerne en ancien français) et de Gorlois, sœur d’Élaine et de Morgause, demi-sœur — par sa mère — d’Arthur et femme — souvent infidèle — du roi Urien de Gorre avec qui elle ne s’entend pas et dont elle a un fils, Yvain. Merlin est son maître de magie.
Dans les adaptations modernes de la légende arthurienne, elle remplace quelquefois Morgause, beaucoup moins connue qu’elle, comme mère de Mordred, fils incestueux d’Arthur. Elle y est présentée comme une séductrice maléfique, mais aussi parfois comme un personnage positif incarnant un pouvoir féminin désapprouvé par la société médiévale.
Mouzouko. Mouzouko est le nom que les habitants du Monomotapa donnent au diable, qu'ils représentent comme fort méchant.
Mugeta d'Essen. Sorcière lorraine qui fut condamnée au bucher.
Ses contemporains voyaient dans ces deux objets des œuvres de magie.
Mullin. Mullin est un démon d'un ordre inférieur; C'est le premier valet de chambre de Belzébuth.
Il y a aussi dans quelques procès de sorciers, un certain maître Jean Mullin, qui est le lieutenant du grand-maître des sabbats.
Mummol. En 578, Frédégonde perdit un de ses fils, qui mourut de la dysenterie. On accusa le général Mummol, qu'elle haïssait, de l'avoir fait périr par des charmes et des maléfices. Il avait eu l'imprudence de dire à quelques personnes qu'il connaissait une herbe d'une efficacité absolue contre la dysenterie. Il n'en fallut pas davantage pour qu'il fût soupçonné d'être sorcier.
La reine fit arrêter plusieurs femmes de Paris, qui confessèrent qu'elles étaient sorcières, qu'elles avaient tué plusieurs personnes, que Mummol devait périr, et que le prince avait été sacrifié pour sauver Mummol. De ces sorcières, les unes furent brûlées, d'autres noyées. Quelques-unes expirèrent sur la roue.
Après ces exécutions, Frédégonde partit pour Compiègne, et accusa Mummol auprès du roi. Ce prince le fit venir, on lui lia les mains derrière le dos. On lui demanda quel maléfice il avait employé pour tuer le prince. Il ne voulut rien avouer de ce qu'avaient déposé les sorcières, mais il convint qu'il avait souvent charmé des onguents et des breuvages, pour gagner la faveur du roi et de la reine.
Quand il fut retiré de la torture, Mummol appela un sergent, et lui commanda d'aller dire au roi qu'il n'avait éprouvé aucun mal. Chilpéric, entendant ce rapport, s'écria: « Il faut vraiment qu'il soit sorcier, pour n'avoir pas souffert de la question... » En même temps il fit reprendre Mummol. On l'appliqua de nouveau à la torture. Mais quand on se préparait à lui trancher la tête, la reine lui fit grâce de la vie, se contentant de prendre ses biens. On le plaça sur une charrette qui devait le conduire à Bordeaux, où il était né. Il ne devait point y mourir, tout son sang se perdit pendant la route, et il expira d'épuisement.
On brûla tout ce qui avait appartenu au jeune prince, autant à cause des tristes souvenirs qui s'y attachaient que pour anéantir tout ce qui portait avec soi l'idée du sortilège.
Muncer. (Thomas). D'abord disciple de Luther, puis son rival. Il se donna comme inspiré de l'Esprit Saint pour renverser tous les trônes et rendre tous les hommes égaux. Il pratiquait la prophétie, racontait ses visions; et il charma si bien les masses qu'il rassembla une armée de 40000 hommes. Comme il saccageait non seulement les églises et les objets sacrés, mais les châteaux des princes, ceux-ci s'armèrent contre lui. Il marcha à la bataille en annonçant que l'esprit qu'il inspirait lui assurait pleine victoire et qu'il recevrait dans sa manche tous les boulets qu'on allait lancer contre ses fidèles. Mais il s'en tint si loin qu'il n'en put recevoir aucun. Cependant on lui tua 7000 hommes et on dispersa ses bandes. Lui-même, prit à Mulhouse, monta sur l'échafaud en 1525 et alla rejoindre l'esprit qui le possédait.
Munnings. Vieille anglaise qu'on amena aux juges, comme sorcière, en 1694. Un témoin jura que, sortant du cabaret vers neuf heures du soir, et regardant chez elle par sa fenêtre, il l'avait vue tirer de son panier deux petits démons, l'un blanc et l'autre noir.
Muraille du diable. C'est la muraille du diable qui séparait autrefois l'Angleterre de l'Ecosse. La force du ciment et la dureté des pierres ont persuadé aux habitants des lieux voisins qu'elle a été faite de la main du diable. Et les plus superstitieux ont grand soin d'en recueillir jusqu'aux moindres débris, qu'ils mêlent dans les fondements de leurs maisons pour leur communiquer la même solidité. Elle a été bâtie par Adrien.
Un jardinier écossais, ouvrant la terre dans son jardin, trouva une pierre d'une grosseur considérable sur laquelle on lisait, en caractères du pays, qu'elle était là pour la sûreté des murs du château et du jardin, et qu'elle y avait été apportée de la grande muraille, dont elle avait fait autrefois partie, mais qu'il serait aussi dangereux de la remuer, qu'il y aurait d'avantage à la laisser à sa place.
Le seigneur de la maison, moins crédule que ses ancêtres, voulut la faire transporter dans un autre endroit, pour l'exposer à la vue, comme un ancien monument. On entreprit de la faire sortir de terre à force de machines, et on en vint à bout, comme on l'aurait fait d'une pierre ordinaire. Elle demeura sur le bord du trou pendant que la curiosité y fit descendre le jardinier, plusieurs domestiques, les deux fils du gentilhomme qui s'amusèrent quelques moments à creuser encore le fond. La pierre fatale, qu'on avait négligé apparemment de placer dans un juste équilibre, prit ce temps pour retomber au fond du trou, et écrasa tous ceux qui s'y trouvaient.
Ce n'était là que le prélude des malheurs que devait causer cette pierre. La jeune épouse de l'aîné des deux frères apprit ce qui venait d'arriver. Elle courut au jardin, elle y arriva dans le temps que les ouvriers s'empressaient de lever la pierre, avec quelque espérance de trouver un reste de vie aux infortunés qu'elle couvrait. Ils l'avaient levée à demi, et l'on s'aperçut en effet qu'ils respiraient encore, lorsque l'imprudente épouse, perdant tout soin d'elle-même, se jeta si rapidement sur le corps de son mari, que les ouvriers saisis de son action lâchèrent malheureusement les machines qui soutenaient la pierre, et l'ensevelirent ainsi avec les autres.
Cet accident confirma plus que jamais la superstition des Écossais. On ne manqua pas de l'attribuer à quelque pouvoir établi pour la conservation du mur d'Ecosse et de toutes les pierres qui en sont détachées.
Murmur. Murmur est un grand-duc et un comte de l'empire infernal. C'est un démon de la musique. Il paraît sous la forme d'un soldat monté sur un vautour, et accompagné d'une multitude de trompettes. Sa tête est ceinte d'une couronne ducale. Il marche précédé du bruit des clairons. Il est de l'ordre des anges et de celui des trônes.
Muschat. En Ecosse, près d'Edimbourg et des rochers de Salisbury, on remarque une élévation appelée "la butte de Muschat", ainsi nommée parce que là même un scélérat nommé Muschat coupa la gorge à sa femme. Les témoins indignées le lapidèrent sur le lieu même où il venait de commettre son crime; et la butte s'était formée, dit-on, de l'immense quantité de pierres amoncelées sur l'assassin et sa victime. Or, on prétend dans la contrée que Muschat et sa femme sont toujours là-dessous, que la femme a recousu son gosier et qu'ils se querellent encore.
Musique céleste. Entre plusieurs découvertes surprenantes que fit Pythagore, on admire surtout cette musique céleste que lui seul entendait. Il trouvait les sept tons de la musique dans la distance qui est entre les planètes:
Nous autres, dit Léon l'Hébreu, nous ne pouvons entendre cette musique, parce que nous en sommes trop éloignés, ou bien parce que l'habitude continuelle de l'entendre fait que nous ne nous en apercevons point, comme feux qui habitent près de la mer ne s'aperçoivent point du bruit des vagues, parce qu'ils y sont accoutumés.
Muspelheim. Les Scandinaves nomment Muspelheim un monde lumineux, ardent, inhabitable aux étrangers. Surtur-le-Noir y tient son empire. Dans ses mains brille une épée, flamboyante. Il viendra à la fin du monde, vaincra tous les dieux, et livrera l'univers aux flammes.
Dans la mythologie scandinave, Muspelheim est le monde du feu où Sourtour le noir tient son empire.
Mussuca. Mussuca est le nom du diable chez quelques peuples de l'Afrique. Ils en ont une très grande peur, et le regardent comme l'ennemi du genre humain. Mais ils ne lui rendent aucun hommage. C'est le même que Mouzouko.
Mutisme. Souvent les possédés sont privés passagèrement ou longtemps de l'usage de la parole; dans le cas surtout où réside en eux l'esprit qu'on appelle le démon muet. On exorcisa à Laon, en 1566, une femme par la bouche de laquelle le démon parlait, tandis que la langue de la possédée était retirée dans sa gorge.
Mycale. Mycale était une magicienne qui faisait descendre la lune par la force de ses charmes. Elle fut mère de deux célèbres Lapithes: Brotéas et Orion.
Mycale est une célèbre enchanteresse thessalienne. Elle est la mère des Lapithes Brotéas et Orion.
Myagorus. Myagorus est un génie imaginaire auquel on attribuait la vertu de chasser les mouches pendant les sacrifices. Les Arcadiens avaient des jours d'assemblée, et commençaient par invoquer ce dieu et le prier de les préserver des mouches. Les Eléens encensaient avec constance les autels de Myagorus, persuadés qu'autrement des essaims de mouches viendraient infecter leur pays sur la fin de l'été, et y porter la peste.
Myoam. Myoam est un génie invoqué par les Basilidiens.
Myomancie. La myomancie est une divination par les rats ou les souris. On tirait des présages malheureux ou de leur cri, ou de leur voracité.
Elien raconte que le cri aigu d'une souris suffit à Fabius Maximus pour l'engager à se démettre de la dictature. Et selon Varon, Cassius Flaminius, sur un pareil présage, quitta la charge de général de cavalerie. Plutarque dit qu'on augura mal de la dernière campagne de Marcellus, parce que des rats avaient rongé quelques dorures du temple de Jupiter.
Un Romain vint un jour fort effrayé consulter Caton, parce que les rats avaient rongé un de ses souliers. Caton lui répondit que c'eût été un tout autre prodige si le soulier avait rongé un rat.
La myomancie était une divination par les rats ou les souris. On tirait des présages malheureux, ou de leur cri, ou de leur voracité.
Myricaeus. Myricæus est le surnom donné à Apollon, comme présidant à la divination par les branches de bruyère, à laquelle on donnait l'épithète de prophétique. On lui mettait alors une branche de cette plante à la main.
Myricæus désigne Apollon, présidant à la divination par les branches de bruyère, myrica, plante à laquelle on donnait l'épithète de prophétique.
Mystères. Nonnus dit que chez les Romains il fallait passer par quatre vingt épreuves différentes pour être initié dans les mystères de Mithras ou du Soleil. D'abord on faisait baigner le candidat, puis on l'obligeait à se jeter dans le feu; ensuite on le reléguait dans un désert, où il était soumis à un jeûne rigoureux de cinquante jours; après quoi on le fustigeait durant deux jours; on le mettait vingt autres jours dans la neige. Ce n'était qu'après ces épreuves, sur l'observation rigoureuse desquelles veillait un prêtre, et dans lesquelles le récipiendaire succombait souvent, qu'on était admis aux mystères. Il y avait d'autres cérémonies très bizarres aux mystères d'Eleusis, de Trophonius, de la grande déesse, etc....
Mythologie. Contentons nous de citer ici quelques fragments de Benjamin Binet dans son Traité des dieux et des démons du paganisme:
"Si l'on fixait la théologie païenne à ce que les poètes nous en débitent, et à ce que le vulgaire a cru, il y aurait d'abord de quoi s'étonner en voyant comment l'homme, qui a conservé quelques linéaments de l'image de Dieu et qui en a une idée naturelle, s'est abandonné à des superstitions si absurdes. Les païens, qui n'avaient point d'autre guide que la mèche fumante de leur raison, sont tombés dans une espèce de délire en faisant autant de monstres de dieux qu'il y avait de créatures. Il est juste, avant d'examiner la croyance des philosophes, de vous décrire succinctement combien la croyance du vulgaire était grossière.
Leurs dieux les plus vénérés, tels que les poètes nous les dépeignent, étaient plus propres à faire rire qu'à exciter la dévotion. Ils en avaient de ronds, de carrés, de triangulaires, d'informes, de boiteux, de borgnes, d'aveugles. Combien d'extravagances ne leur attribuait-on pas! Les poètes nous parlent d'une manière bouffonne des amours d'un Anubis impudique et de la Lune; ils nous apprennent que Diane avait été fouettée; nous y lisons la précaution pieuse d'un Jupiter qui, étant sur le point de mourir, fit son testament; nous y voyons les dieux en guerre au siège de Troie, l'attentat des Titans contre Jupiter, la terreur qu'ils donnèrent à tous les dieux, terreur qui leur fit quitter leur domicile et interrompre leurs fonctions pour aller se cacher en Egypte, et s'y métamorphoser en crocodiles et en oignons. Ils nous dépeignent la faim pressante des trois Hercules, les accents lugubres du Soleil déplorant le malheur de son fils foudroyé par Jupiter, les soupirs d'une Cybèle lascive qui se plaint de l'indifférence d'un berger insensible à ses flammes. Hercule vidait du fumier. Apollon était bouvier; Neptune se loua à Laomédon pour bâtir les murs de Troie, et fut en cela d'autant plus malheureux qu'il n'en fut pas payé. Jupiter, le plus grand des dieux, prenait d'étranges formes pour séduire et ravir les femmes: il se changeait tantôt en pluie d'or, tantôt en cygne, tantôt en taureau.
Pour ce qui est des fonctions des dieux, Arnobe reproche aux païens qu'ils en avaient dont les uns étaient drapiers, les autres matelots, ménétriers, gardes du bétail; que l'un était musicien, l'autre servait de sage-femme, l'autre savait l'art de deviner, l'un était médecin, l'autre présidait à l'éloquence, l'un se mêlait des armes, l'autre était forgeron." Enfin, Saint Augustin, parlant des charges que les païens attribuaient à leurs dieux, conclut que "cela sent plutôt la bouffonnerie de théâtre que la majesté de Dieu (De Civit. Dei, lib. III, cap. V".)
"Mais afin de vous montrer combien la théologie des païens était grossière, Il faut vous en donner un petit abrégé plus exact. Evhémérus de Messine, qui a recueilli l'histoire de Jupiter et des autres dieux avec leurs titres, leurs épitaphes et leurs inscriptions, trouvées dans les temples les plus anciens, et particulièrement dans celui de Jupiter Triphilin, qui possédait une colonne où Jupiter avait lui-même gravé ses actions; cet Evhémérus dit en substance que Saturne prit Ops pour femme; que Titan, qui était l'aîné de ses enfants, voulut régner: mais que Vesta, leur mère, et Cérès et Ops, leurs sœurs, conseillèrent à Saturne de ne point céder l'empire. Ce que voyant, Titan, qui se sentait le plus faible, s'accorda avec Saturne, à condition que, s'il engendrait des enfants mâles, il ne les élèverait point, afin que l'empire revînt à ses enfants: ainsi ils tuèrent le premier fils qui naquit à Saturne; qu'ensuite naquirent Jupiter et Junon, dont ils ne montrèrent que Junon, et donnèrent Jupiter à Vesta pour le nourrir en cachette; qu'après vint Neptune, que l'on cacha aussi, et enfin Pluton et Glauca; que l'on montra Glauca, qui mourut bientôt après, et que Pluton fut nourri, comme Jupiter, en cachette. Or, cela étant parvenu aux oreilles de Titan, il assembla ses enfants, et mit Saturne et Ops au cachot. Mais Jupiter, étant devenu grand, combattit contre les Titans, les vainquit, et mit son père et sa mère hors de prison. Cependant, ayant découvert que son père, qu'il avait rétabli, était jaloux de lui et attentait à sa vie, il s'empara de l'Etat et le relégua en Italie. ( Lactant., lib. I, cap. XIV.)
"Les païens distinguaient leurs dieux en divers ordres; les uns étaient majores ou communes, comme Virgile les appelle (Aeneid., lib. 12), pace qu'ils étaient reconnus et servis pour tels par toutes les nations sujettes à l'empire romain. On les nommait aussi aeviterni. Ces grands dieux composaient une espèce de cour souveraine et étaient au nombre de douze, compris en ces deux vers d'Ennius: Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Diana, Vénus, Mars, Mercure, Jupiter, Neptune, Vulcain, Apollon.
"Les autres dieux passaient pour des divinités moyennes, célestes, terrestres, aquatiques et infernales, auxquelles on confiait le gouvernement de certaines parties de l'univers. Il y en avait d'autres que l'on ne reconnaissait que pour des dieux nouveaux qui avaient été ou engendrés des hommes et des dieux, ou déifiés par l'apothéose, à cause des bienfaits que l'on en avait reçus. Ces dieux s'appelaient indigetes, semidei. Tels étaient Hercule, Castor, Pollux, Esculape, et tous ceux que leurs mérites avaient élevés au ciel. Sur quoi Cicéron dit agréablement que le ciel est peuplé du genre humain. Il y en avait encore d'autres que l'on ne considérait que comme des dieux ou barbares et étrangers, ou incertains et inconnus, que l'on invoquait d'une manière douteuse, si tu es dieu, si tu es déesse, ou en général, sans les nommer, comme fait le bouffon comique de Plaute: Fassent, dit-il, tous les dieux grands ou petits, et les dieux des pots (Plaut., Cist., act. II), etc. Ce sont ces divinités qu'Ovide appelle la populace des dieux, Les Faunes, Les Satyres, Les Lares, Les Nymphes.
"De tous ces dieux, il y en avait de bons et de mauvais, auxquels on sacrifiait afin qu'ils ne fissent point de mal (Aul. Gell., lib. V). Ces divinités hautes, moyennes et basses, n'étaient pas toutes également vénérées: on rendait à celles du premier ordre un culte suprême et universel, à celles du second un service subalterne. Que l'on adore, dit Cicéron, les dieux et ceux qui ont toujours été estimés célestes, et ceux que leurs mérites ont élevés au ciel (De leg., lib. II). Mais pour les dieux inférieurs, étrangers, incertains et particuliers, on ne leur déférait qu'un honneur arbitraire, ou proportionné à leur faible pouvoir, qui ne s'étendait que sur certaines parties du monde, dont on leur avait donné le gouvernement.
"Je ne dirai rien de cette multitude de divinités païennes dont le nom seul est ridicule: tels étaient les dieux Vagitonus, Robigus, Picus, Tiberinus, Pilumnus, Consus; telles étaient les déesses Cloacina, Educa, Potina, Volupia, Febris, Fessonia, Flora, etc. Je ne vous en rapporterai point mille histoires absurdes pour vous prouver que ce que l'on contait des dieux ne venait que des fictions des poètes, que le peuple, naturellement superstitieux, avait adoptées comme conformes à ses préjugés."
N
Nabam, démon que l’on conjure le samedi. Voy. Conjurations
Naberus, appelé aussi Nébiros, marquis du sombre empire, maréchal de camp et inspecteur général des armées. Il se montre sous la figure d’un corbeau ; sa voix est rauque ; il donne l’éloquence, l’amabilité et enseigne les arts libéraux. Il fait trouver la main de gloire ; il indique les qualités des métaux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; l’un des chefs des nécromanciens, il prédit l’avenir. Il commande à dix-neuf légions..
Nabuchodonosor, roi de Babylone, crut pouvoir exiger des peuples le culte et les hommages qui ne sont dus qu’à Dieu, et il fut pendant sept ans changé en bœuf. Les paradistes croient faire une grande plaisanterie en annonçant qu’on verra chez eux l’ongle de Nabuchodonosor parmi d’autres bagatelles ; mais l’ongle de Nabuchodonosor est dans le cabinet de curiosités du roi de Danemark…
« Entre les Pères de l’Église, les uns, dit Chevreau, ont cru certaine la réprobation de Nebuchadnetzar, les autres n’ont douté nullement de son salut. On a fait encore des questions assez inutiles sur le texte de Daniel, où il est dit que « Nabuchodonosor fut banni sept ans de la compagnie des hommes ; qu’il demeurait avec les bêtes des champs ; qu’il mangeait l’herbe comme les bœufs ; que son poil devint long comme les plumes des aigles, et ses ongles comme ceux des oiseaux. » Saint Cyrille de Jérusalem, Cedrenus et d’autres ont été persuadés qu’il avait été changé en bœuf ; et notre Bodin y aurait souscrit, lui qui a cru à la lycanthropie. Je ne pousserai point cette question, et je me contente de dire ici, après beaucoup d’autres, qu’il perdit l’usage de la raison ; qu’il fut tellement changé par les injures de l’air, par la longueur de son poil et de ses ongles, et par sa manière de vivre avec les bêtes, qu’il s’imagina qu’il en était une. Tertullien dit qu’en cet état il fut frénétique ; saint Thomas, qu’il eut l’imagination blessée ; et les paroles de saint Jérôme sont remarquables : Quando autem dixit sensumsibi redditum, ostendit non formam se amisisse, sed mentem. »
Nachtmaneken, ou petit homme de nuit, nom que les Flamands donnent aux incubes.
Nachtvrouwtje, ou petite femme de nuit, nom que les Flamands donnent aux succubes.
Nagates, astrologues de Ceylan. Des voyageurs crédules vantent beaucoup le savoir de ces devins, qui, disent-ils, font souvent des prédictions que l’événement accomplit. Ils décident du sort des enfants. S’ils déclarent qu’un astre malin a présidé à leur naissance, les pères, en qui la superstition étouffe la nature, leur ôtent une vie qui doit être malheureuse. Cependant, si l’enfant qui voit le jour sous l’aspect d’une planète contraire est un premier-né, le père le garde, en dépit des prédictions ; ce qui prouve que l’astrologie n’est qu’un prétexte dont les pères trop chargés d’enfants se servent pour en débarrasser leur maison. Ces nagates se vantent encore de prédire, par l’inspection des astres, si un mariage sera heureux, si une maladie est mortelle, etc.
Naglefare, vaisseau fatal chez les Celtes. Il est fait des ongles des hommes morts ; il ne doit être achevé qu’à la fin du monde, et son apparition fera trembler les hommes et les dieux. C’est sur ce vaisseau que l’armée des mauvais génies doit arriver d’Orient.
Nagual. C’est le nom que donnent les Mexicains à leur esprit familier. Chaque nouveau-né a le sien. Les peuplades ont le leur collectif. Le nagual de chaque nouveau-né est vivant sous la forme d’un animal, d’un poisson, d’un oiseau, qui est signalé le jour de sa naissance par son horoscope. C’est un tigre, un chat, un perroquet, un insecte. Dans le culte du Mexique, avant la conquête, on offrait souvent du sang aux dieux et aussi aux esprits familiers ; on tirait à l’enfant qui venait de naître une goutte de sang sous l’oreille ou sous la langue pour l’offrir avant tout à Chalchinhlicué, la déesse des eaux et la protectrice des enfants.
L’ara, gros perroquet, recevait un culte provincial dans quelques lieux du Mexique. Il avait ses prêtres, qui lui présentaient goutte par goutte leur propre sang en se tatouant de piqûres, et ce culte subsistait encore dans des cavernes il n’y a pas longtemps.
Naguille (Catherine), petite sorcière âgée de onze ans, qui fut accusée d’aller au sabbat en plein midi.
Naguille (Marie), jeune sorcière, sœur de la précédente. Arrêtée à seize ans, elle avoua que sa mère l’avait conduite au sabbat. Lorsqu’elles devaient y aller ensemble, le diable venait ouvrir la fenêtre de leur chambre et les attendait à la porte. La mère tirait un peu de graisse d’un pot, s’en oignait la tête, excepté la figure, prenait sa fille sous le bras, et elles s’en allaient en l’air au sabbat. Pour revenir à la maison, le diable leur servait de porteur. Elle avoua encore que le sabbat se tenait à Pagole, près d’un petit bois.
Nahama, sœur de Tubalcain. On lit dans le Talmud que c’est une des quatre mères des diables. Elle est devenue elle-même, selon les démonomanes, un démon succube.
Nain-Laurin ou l’Elf-roi. C’est le roi des petits elfs, des kobolds et d’autres esprits nains. Il joue un grand rôle dans le poème de Nibelung.
Nains. Presque tous les esprits de l’espèce des fées sont nains en Irlande.
Aux noces d’un certain roi de Bavière, on vit un nain si petit qu’on l’enferma dans un pâté, armé d’une lance et d’une épée. Il en sortit au milieu du repas, sauta sur la table, la lance en arrêt, et excita l’admiration de tout le monde.
La fable dit que les pygmées n’avaient pas deux pieds de haut et qu’ils étaient toujours en guerre avec les grues. Les Grecs, qui reconnaissaient des géants, pour faire le contraste parfait, imaginèrent ces petits hommes, qu’ils appelèrent pygmées. L’idée leur en vint peut-être de certains peuples d’Éthiopie, appelés Péchinies, qui étaient d’une petite taille. Et comme les grues se retiraient tous les hivers dans leur pays, ils s’assemblaient pour leur faire peur et les empêcher de s’arrêter dans leurs champs : voilà le combat des pygmées contre les grues.
Swift fait trouver à son Gulliver des hommes hauts d’un demi-pied dans l’île de Lilliput. Avant lui, Cyrano de Bergerac, dans son Voyage au soleil, avait vu de petits nains pas plus hauts que le pouce.
Les Celtes pensaient que les nains étaient des espèces de créatures formées du corps du géant Ime, c’est-à-dire de la poudre de la terre. Ils n’étalent d’abord que des vers ; mais, par l’ordre des dieux, ils participèrent à la raison et à la figure humaines, habitant toujours cependant entre la terre et les rochers. « On a découvert sur les bords de la rivière Merrimack, à vingt milles de l’île Saint-Louis, dans les Etats-Unis, des tombeaux en pierre, construits avec une sorte d’art et rangés en ordre symétrique, mais dont aucun n’avait plus de quatre pieds de long. Les squelettes humains n’excèdent pas trois pieds en longueur. Cependant les dents prouvent que c’étaient des individus d’un âge mûr. Les crânes sont hors de proportion avec le reste du corps. Voilà donc les pygmées retrouvés. » Voy. Pygmée.
Laissons passer une anecdote de nain.
On montre dans le château d’Umbres, à une lieue d’Inspruck, le tombeau d’Haymon, géant né dans le Tyrol au quinzième siècle. Il avait seize pieds de haut et assez de force, dit-on, pour porter un bœuf d’une main. À côté du squelette d’Haymon est celui d’un nain qui fut cause de sa mort. Ce nain ayant délié le cordon du soulier du géant, celui-ci se baissa pour le renouer ; le nain profita de ce moment pour lui donner un soufflet. Cette scène se passa devant l’archiduc Ferdinand et sa cour ; on en rit : ce qui fit tant de peine au géant que peu de jours après il en mourut de chagrin.
C’était un luxe, autrefois, d’avoir à la cour des nains ou des fous.
Nairancie. Espèce de divination usitée parmi les Arabes et fondée sur plusieurs phénomènes du soleil et de la lune.
Nakaronkir, esprit que Mahomet envoie dans leur sommeil aux musulmans coupables, pour les pousser au repentir.
Nambroth, démon que l’on conjure le mardi. Voy. Conjurations.
Nan, mouches assez communes en Laponie. Les Lapons les regardent comme des esprits et les portent avec eux dans des sacs de cuir, bien persuadés que par ce moyen ils seront préservés de toute espèce de maladies.
Napier (Barbara). Voy. Jacques Ier.
Napoléon Ier, empereur des Français. On a prétendu qu’il avait un génie familier, comme Socrate et tous les grands hommes dont les actions ont excité l’admiration de leurs contemporains. On l’a fait visiter par un petit homme rouge, espèce de génie mystérieux. Des esprits hostiles ont vu aussi dans Napoléon un des précurseurs de l’Antéchrist ; ce qui est absurde.
Narac, enfer des Indiens ; on y sera tourmenté par des serpents.
Nastrande ou Nastrund, partie de l’enfer des Scandinaves. Là sera un bâtiment vaste et infâme ; la porte, tournée vers le nord, ne sera construite que de cadavres et de serpents, dont toutes les têtes, tendues à l’intérieur, vomiront des flots de venin. Il s’en formera un fleuve empoisonné, dans les ondes rapides duquel flotteront les parjures, les assassins et les adultères. Dans une autre région, la condition des damnés sera pire encore ; car un loup dévorant y déchirera sans cesse les corps qui y seront envoyés.
Nathan de Gaza, juif visionnaire qui se présenta en précurseur du faux messie Sabathaï-Zévi.
Natona (Berthe), Génoise qui fut possédée en 1217 de trois démons. Ils l’enlevaient en l’air à huit ou neuf pieds. Elle fut délivrée devant les reliques de saint Ubald, dont ses exorcistes imploraient l’intercession.
Naturel et Surnaturel. Ce qui a fourvoyé beaucoup d’esprits qui se sont crus forts parce qu’ils étaient faibles et qu’ils ne s’en doutaient pas, c’est qu’ils ont confondu ces deux essences : le naturel et le surnaturel. Ainsi Balthasar Becker, dans son Monde enchanté, veut anéantir les démons, parce que sa laideur faisait dire qu’il était l’un d’eux. Il voulait s’escrimer sur la chute de l’homme ; or, il s’insurgea contre ces paroles de Moïse : « Le serpent dit à la femme. » Est-ce que le serpent a les organes qu’il faut pour parler ? se demanda-t-il. Et si on lui objecte que le diable a pris la figure du serpent, il répond qu’un esprit n’a pas non plus les organes qui parlent. Il en tire donc cette conclusion : « Cela ne se peut naturellement ; donc cela n’est pas. » Mais Benjamin Binet lui a répliqué : « Ce que vous répondez, c’est ne rien dire, puisqu’il s’agit là d’un fait surnaturel. »
Les naturalistes, les rationalistes, les réalistes (car nous avons ces sectes autour de nous) raisonnent comme Becker ; et ainsi ils déraisonnent.
Naudé (Gabriel), l’un des savants distingués de son temps, né à Paris en 1600. Il fut d’abord bibliothécaire du cardinal Mazarin, ensuite de la reine Christine, et mourut à Abbeville en 1653. Il a laissé une Instruction à la France sur la vérité de l’histoire des frères de la Rose-Croix, 1623, in-à° et in-8°; rare. Naudé y prouve que les prétendus frères de la Rose-Croix n’étaient que des fourbes qui cherchaient à trouver des dupes, en se vantant d’enseigner Tari de faire de l’or, et d’autres secrets non moins merveilleux. Ce curieux opuscule est ordinairement réuni à une autre brochure intitulée Avertissement au sujet des frères de la Rose-Croix. On a encore de lui : Apologie pour les grands hommes faussement soupçonnés de magie, 1625, in-8°. Cet ouvrage, peut-être un peu trop systématique, a eu plusieurs éditions. Il y prend la défense des sages, anciens et modernes, accusés d’avoir eu des génies familiers, tels que Socrate, Aristote, Plotin, etc., ou d’avoir acquis par la magie des connaissances au-dessus du vulgaire.
Naurause (Pierres de). Voy. Fin du monde.
(Accius). Ce Navius, étant jeune, dit Cicéron, fut réduit par la pauvreté à garder les pourceaux. En ayant perdu un, il fit vœu que, s’il le retrouvait, il offrirait aux dieux la plus belle grappe de raisin qu’il y aurait dans l’année. Lorsqu’il eut retrouvé son pourceau, il se tourna vers le midi, s’arrêta au milieu d’une vigne, partagea l’horizon en quatre parties ; et après avoir eu dans les trois premières des présages contraires, il trouva une grappe de raisin d’une admirable grosseur. Ce fut le récit de cette aventure qui donna à Tarquin la curiosité de mettre à l’épreuve son talent de divination. Il coupa un jour un caillou avec un rasoir, pour prouver qu’il devinait bien.
Naylor (James), imposteur du seizième siècle, né dans le diocèse d’York, en Angleterre. Après avoir servi quelque temps en qualité de maréchal des logis dans le régiment du colonel Lambert, il se retira parmi les trembleurs et s’acquit tant de réputation par ses discours, qu’on le regardait comme un saint homme. Voulant profiter de la bonne opinion qu’on avait de lui et se donner en quelque sorte pour un dieu, il résolut, en 1656, d’entrer dans Bristol en plein jour, monté sur un cheval dont un homme et une femme tenaient les rênes, suivi de quelques autres qui chantaient tous : Saint, saint, saint, le Dieu de Sabaoth. Les magistrats l’arrêtèrent et l’envoyèrent au parlement, où, son procès ayant été instruit, il fut condamné, le 25 janvier 1657, comme blasphémateur et séducteur du peuple, à avoir la langue percée avec un fer chaud et le front marqué de la lettre B (blasphémateur), à être ensuite reconduit à Bristol, où il rentrerait à cheval, ayant le visage tourné vers la queue : ce qui fut exécuté à la lettre, quoique ce fou misérable eût désiré paraître sur un âne. Naylor fut ensuite enfermé pour le reste de ses jours ; mais on l’élargit, un peu plus tard, et il ne cessa de prêcher ceux de sa secte jusqu’à sa mort.
Naxac, séjour de peines où les habitants du Pégu font arriver les âmes après plusieurs transmigrations.
Nébiros. Voy. Naberus.
Nécato, sorcière d’Andaye qui allait au sabbat avec d’autres, quoique emprisonnée ; ce qui établit que, comme plusieurs de ces malheureuses, elle n’y allait qu’en esprit. Delancre dépeint cette sorcière comme un monstre de laideur. Elle avait une barbe de satyre, des yeux de chat sauvage, une voix rauque. Son regard effrayait même ses compagnes.
Nécromancie, art d’évoquer les morts ou de deviner les choses futures par l’inspection des cadavres. Voy. Anthropomancie, Érichtho, etc.
Il y avait à Séville, à Tolède et à Salamanque des écoles publiques de nécromancie dans de profondes cavernes, dont la grande Isabelle fit murer les entrées. Pour prévenir les superstitions de l’évocation des mânes et de tout ce qui a pris le nom de nécromancie, Moïse avait fait de sages défenses aux Juifs. Isaïe condamne également ceux qui demandent aux morts ce qui intéresse les vivants et ceux qui dorment sur les tombeaux pour avoir des rêves. C’est même pour obvier aux abus de la nécromancie répandue en Orient que chez le peuple israélite celui qui avait touché un mort était impur. Cette divination était en usage chez les Grecs et surtout chez les Thessaliens ; ils arrosaient de sang chaud un cadavre, et ils prétendaient ensuite en recevoir des réponses certaines sur l’avenir. Ceux qui consultaient le mort devaient auparavant avoir fait les expiations prescrites par le magicien qui présidait à cette cérémonie, et surtout avoir apaisé par quelques sacrifices les mânes du défunt : sans ces préparatifs, le défunt demeurait sourd à toutes les questions. Les Syriens se servaient aussi de cette divination, et voici comment ils s’y prenaient : Ils tuaient de jeunes enfants en leur tordant le cou, leur coupaient la tête, qu’ils salaient et embaumaient, puis gravaient sur une lame ou sur une plaque d’or le nom de l’esprit, malin pour lequel ils avaient fait ce sacrifice ; ils plaçaient la tête sur cette plaque, l’entouraient de cierges, adoraient cette sorte d’idole et en tiraient des réponses. Voy. Magie.
Les rois idolâtres d’Israël et de Juda se livrèrent à la nécromancie. Saül y eut recours lorsqu’il voulut consulter l’ombre de Samuel. L’Église a toujours condamné ces abominations. Lorsque Constantin, devenu chrétien, permit encore aux païens de consulter leurs augures, pourvu que ce fût au grand jour, il ne toléra ni la magie noire ni la nécromancie. Julien se livrait à cette pratique exécrable.
Il restait, au moyen âge, quelques traces de la nécromancie dans l’épreuve du cercueil.
Neffesoliens, secte de mahométans qui prétendent être nés du Saint-Esprit, c’est-à-dire sans opération d’homme : ce qui les fait tellement vénérer qu’on ne s’approche d’eux qu’avec réserve. On prétend qu’un malade guérit pour peu qu’il puisse toucher un de leurs cheveux. Mais Delancre dit que ces saints hommes sont au contraire des enfants du diable, qui tâchent de lui faire des prosélytes ; et c’est le plus probable.
Néga. « Tu as fait un vœu à sainte Néga. » Expression des bandits corses. Cette sainte n’est pas dans le calendrier ; mais, chez ces bandits, se vouer à sainte Néga, c’est nier tout de parti pris.
Négation. La première négation a été faite par Satan, qui a donné un insolent démenti à Dieu même. La plus affreuse négation dans ce monde est celle des insensés qui nient Dieu. La mort les éclairera malheureusement trop tard.
Nègres. Il est démontré que les nègres ne sont pas d’une race différente des blancs, comme l’ont voulu dire quelques songe-creux ; qu’ils ne sont pas non plus la postérité de Caïn, laquelle a péri dans le déluge. Les hommes, cuivrés en Asie, sont devenus noirs en Afrique et blancs dans le Septentrion ; et tous descendent d’un seul couple. Les erreurs, plus ou moins innocentes, des philosophes à ce sujet ne sont plus admises que par les ignorants. Les sorciers appelaient quelquefois le diable le grand nègre. Un jurisconsulte dont on n’a conservé ni le nom ni le pays, ayant envie de voir le diable, se fit conduire par un magicien dans un carrefour peu fréquenté, où les démons avaient coutume de se réunir. Il aperçut un grand nègre sur un trône élevé, entouré de plusieurs soldats noirs armés de lances et de bâtons. Le grand nègre, qui était le diable, demanda au magicien qui il lui amenait. — Seigneur, répondit le magicien, c’est un serviteur fidèle. — Si tu veux me servir et m’adorer, dit le diable au jurisconsulte, je te ferai asseoir à ma droite. Mais le prosélyte, trouvant la cour infernale plus triste qu’il ne l’avait espéré, fit le signe de la croix, et les démons s’évanouirent.
Les nègres font le diable blanc.
Nékir. Voy. Monkir.
Nembroth, un des esprits que les magiciens consultent. Le mardi lui est consacré et on l’évoque ce jour-là : il faut, pour le renvoyer, lui jeter une pierre ; ce qui est facile.
Nemrod, roi d’Assyrie. Ayant fait bâtir la tour de Babel, et voyant, disent les auteurs arabes, que cette tour, à quelque hauteur qu’il l’eût fait élever, était encore loin d’atteindre au ciel, il imagina de s’y faire transporter dans un panier par quatre énormes vautours. Les oiseaux l’emportèrent en effet lui et son panier, mais si haut et si loin que depuis on n’entendit plus parler de lui.
Nénufar, plante aquatique froide, dont voici un effet : Un couvreur travaillait en été sur une maison, à l’une des fenêtres de laquelle le maître avait un flacon d’eau de fleurs de nénufar à purifier au soleil. Le couvreur, étant échauffé et altéré, prit le flacon et but de cette eau ; il s’en retourna chez lui avec les sens glacés. Au bout de quelques jours, surpris de son refroidissement-il se crut ensorcelé. Il se plaint du maléfice qu’on lui a fait. Le maître de la maison examine son flacon et le trouve vide. Il reconnaît aussitôt d’où vient le maléfice, console le couvreur en lui faisant boire du vin de gingembre confit et toutes choses propres à le réchauffer. Il le rétablit enfin et fit cesser ses plaintes.
Néphélim, nom qui signifie également géants ou brigands. Aussi est-ce celui que l’Écriture donne aux enfants nés du commerce des anges avec les filles des hommes. Selon l’auteur du livre d’Énoch, les néphélim étaient fils des géants.
Nequam, prétendu prince des magiciens, à qui les chroniques mayençaises attribuent la fondation de Mayence.
Ner ou Néré. C’est le nom que l’on donne en Perse aux génies mâles de la race des Dives. Ils sont très-méchants. Les plus renommés de ces dives pour leur férocité sont Demrousch-Néré, Séhélan-Néré, Mordach-Néré, Cahamérage-Néré. Ils ont fait la guerre aux premiers monarques de l’Orient (dans les temps fabuleux). Tahmuras les a vaincus et enchaînés dans des cavernes bien closes
Nergal, démon du second ordre, chef de la police du ténébreux empire, premier espion de Belzébuth, sous la surveillance du grand justicier Lucifer. Ainsi le disent les démonomanes. Toutefois Nergal ou Nergel fut une idole des Assyriens ; il paraît que dans cette idole ils adoraient le feu.
Néron, empereur romain, dont le nom odieux est devenu la plus cruelle injure pour les mauvais princes. Il portait avec lui une petite statue ou mandragore qui lui prédisait l’avenir. On rapporte qu’en ordonnant aux magiciens de quitter l’Italie, il comprit sous le nom de magiciens les philosophes, parce que, disait-il, la philosophie favorisait l’art magique. Cependant il est certain, disent les démonomanes, qu’il évoqua lui même les mânes de sa mère Agrippine.
Netla. Voy. Ortie.
Nétos, génies malfaisants aux Moluques. Ils ont pour chef Lanthila.
Neuf. Ce nombre est sacré chez différents peuples. Les Chinois se prosternent neuf fois devant leur empereur. En Afrique, on a vu des princes, supérieurs aux autres en puissance, exiger des rois leurs vassaux de baiser neuf fois la poussière avant de leur parler. Pallas observe que les Mogols regardent aussi ce nombre comme très-auguste, et l’Europe n’est pas exempte de cette idée.
Neuhaus (Femme blanche de). Voy. Femmes blanches.
Neures ou Neuriens, peuples de la Sarmatie européenne qui prétendaient avoir le pouvoir de se métamorphoser en loups une fois tous les ans, et de reprendre ensuite leur première forme.
Newhaven. La barque de la fée de Newhaven apparaît, dit-on, sur les mers avant les naufrages au nouveau monde. Cette tradition prend sa source dans une de ces apparitions merveilleuses et inexplicables qu’on suppose être occasionnées par la réfraction de l’atmosphère, comme le palais de la fée Morgane, qui brille au-dessus des eaux dans la baie de Messine.
Niais, est un adjectif qui vient de nier ; et ceux qui nient n’en doivent pas être bien fiers.
Nibrianes. Les nibrianes sont les fées des Napolitains. Il y en a une attachée à chaque maison ; et ceux qui l’occupent offensent la nibriane s’ils se plaignent de leur logis. C’est là sans doute une invention de propriétaires.
Nickar ou Nick. D’après la mythologie Scandinave, source principale de toutes les croyances populaires de l’Allemagne et de l’Angleterre, Odin prend le nom de Nickar ou Hnickar lorsqu’il agit comme principe destructeur ou mauvais génie. Sous ce nom et sous la forme de kelpic, cheval-diable d’Écosse, il habite les lacs et les rivières de la Scandinavie, où il soulève des tempêtes et des ouragans. Il y a dans l’île de Rugen un lac sombre dont les eaux sont troubles et les rives couvertes de bois épais. C’est là qu’il aime à tourmenter les pécheurs en faisant chavirer leurs bateaux et en les lançant quelquefois jusqu’au sommet des plus hauts sapins. Du Nickar Scandinave sont provenus les hommes d’eau et les femmes d’eau, les nixes des Teutons. Il n’en est pas de plus célèbres que les nymphes de l’Elbe et de la Gaal. Avant l’établissement du Christianisme, les Saxons qui habitaient le voisinage de ces deux fleuves adoraient une divinité du sexe féminin, dont le temple était dans la ville de Magdebourg ou Megdeburch (ville de la jeune fille), et qui inspira toujours depuis une certaine crainte comme la naïade de l’Elbe. Elle apparaissait à Magdebourg, où elle avait coutume d’aller au marché avec un panier sous le bras : elle était pleine de grâce, propre, et au premier abord on l’aurait prise pour la fille d’un bon bourgeois ; mais les malins la reconnaissaient à un petit coin de son tablier, toujours humide, en souvenir de son origine aquatique.
Chez les Anglais, les matelots appellent le diable le vieux Nick.
Nicksa. Voy. Nixas.
Nicolaï. Voy. Hallucination.
Nid, degré supérieur de magie que les Islandais comparaient à leur seidur ou magie noire. Cette espèce de magie consistait à chanter un charme de malédictions contre un ennemi.
Nider (Jean), savant dominicain mort en 1440. Son Formicarium contient sur les possessions des faits curieux.
Niflheim (Abîme), nom d’un double enfer chez les Scandinaves. Ils le plaçaient dans le neuvième monde ; suivant eux, la formation en avait précédé de quelques hivers celle de la terre. Au milieu de cet enfer, dit l’Edda, il y a une fontaine nommée Hvergelmer. De là coulent les fleuves suivants : l’Angoisse, l’Ennemi de la Joie, le Séjour de la Mort, la Perdition, le Gouffre, la Tempête, le Tourbillon, le Rugissement, le Hurlement, le Vaste ; celui qui s’appelle le Bruyant coule près des grilles du Séjour de la Mort. Cet enfer est une espèce d’hôtellerie, ou, si l’on veut, une prison dans laquelle sont détenus les hommes lâches ou pacifiques qui ne peuvent défendre les dieux inférieurs en cas d’attaque imprévue. Mais les habitants doivent en sortir au dernier jour pour être condamnés ou absous. C’est une idée très-imparfaite du purgatoire.
Nigromancie, art de connaître les choses cachées dans les endroits noirs, ténébreux, comme les mines, les pétrifications souterraines, etc. Ceux qui faisaient des découvertes de ce genre évoquaient les démons et leur commandaient d’apporter les trésors cachés. La nuit était particulièrement destinée à ces évocations, et c’est aussi durant ce temps que les démons exécutaient les commissions dont ils étaient chargés.
Ninon de Lenclos. On conte qu’elle dut de conserver une certaine beauté, trop vantée, jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans, à certain pacte qu’elle fit avec le diable, lequel lui avait apparu, dans un moment de vanité, sous les traits d’un nain vêtu de noir. On ajoute qu’à l’heure de sa mort elle vit aux pieds de son lit le nain qui l’attendait .
Nirudy ou Nirondy, roi des démons malfaisants chez les Indiens. On le représente porté sur les épaules d’un géant et tenant un sabre à la main.
Nis et Nisgodreng, lutins danois de l’espèce des Cluricaunes. Voy. ce mot.
Nisses, petites fées en Écosse.
Nitoès, démons ou génies que les habitants des îles Moluques consultent dans les affaires importantes. On se rassemble, on appelle les démons au son d’un petit tambour, on allume des flambeaux, et l’esprit paraît, ou plutôt un de ses ministres ; on l’invite à boire et à manger, et, sa réponse faite, l’assemblée dévore les restes du festin.
Nixas ou Nicksa, dieu d’une rivière ou de l’Océan, adoré sur les bords de la Baltique, paraît incontestablement avoir tous les attributs de Neptune. Parmi les vents brumeux et les épouvantables tempêtes de ces sombres contrées, ce n’est pas sans raison qu’on l’a choisi comme la puissance la plus contraire à l’homme, et le caractère surnaturel qu’on lui a attribué est parvenu jusqu’à nous sous deux aspects bien différents. La Nixas des Germains est une de ces aimables fées, nommées Naïades par les anciens ; le vieux Nick (le diable en Angleterre) est un véritable descendant du dieu de la mer du Nord, et possède une grande portion de sa puissance. Le matelot anglais, qui semble ne rien craindre, avoue la terreur que lui inspire cet être redoutable, qu’il regarde comme l’auteur des différentes calamités auxquelles sa vie précaire est continuellement en butte.
Noals (Jeanne), sorcière qui fut brûlée par arrêt du parlement de Bordeaux, le 20 mars 1619, pour avoir chevillé le moulin de Las-Coudourleiras, de la paroisse de Végenne. Ayant porté un jour du blé à moudre à ce moulin avec deux autres femmes, le meunier, Jean Destrade, les pria d’attendre que le blé qu’il avait déjà depuis plusieurs jours fût moulu ; mais elles s’en allèrent mécontentes, et aussitôt le moulin se trouva chevillé, de façon que le meunier ni sa femme n’en surent trouver le défaut. Le maître du moulin ayant été appelé, il s’avisa d’y amener ladite sorcière, qui, s’étant mise à genoux sur l’engin avec lequel le meunier avait coutume d’arrêter l’eau, fit en sorte qu’un quart d’heure après le moulin se remit à moudre avec plus de vitesse qu’il n’avait jamais fait .
Nodier (Charles), spirituel auteur de Trilby ou le lutin d’Argail (Argyle), et de beaucoup d’écrits charmants où les fées et les follets tiennent poétiquement leur personnage.
Noé. Les Orientaux ont chargé de légendes merveilleuses l’histoire de ce patriarche .
Noël (Jacques), prétendu possédé et peut-être obsédé, qui fit quelque bruit en 1667. Il était neveu d’un professeur de philosophie au collège d’Harcourt, à Paris. Il s’imaginait sans cesse voir des spectres. Il était sujet aux convulsions épileptiques, faisait des grimaces, des contorsions, des cris et des mouvements extraordinaires. On le crut démoniaque, on l’examina ; il prétendit qu’on l’avait maléficié, parce qu’il n’avait pas voulu aller au sabbat. Il assura avoir vu le diable plusieurs fois en différentes formes . On finit par découvrir qu’il était fou.
Noh, nom du premier homme selon les Hottentots. Ils prétendent que leurs premiers parents entrèrent dans le pays par une porte ou par une fenêtre ; qu’ils furent envoyés de Dieu même, et qu’ils communiquèrent à leurs enfants l’art de nourrir les bestiaux, avec quantité d’autres connaissances.
Noix. Un grand secret est renfermé dans les noix ; car si on les fait brûler, qu’on les pile et qu’on les mêle avec du vin et de l’huile, elles entretiennent les cheveux et les empêchent de tomber .
Nomancie. Divination par les noms et par les lettres qui les composent. C'est la même science que l'Onomancie. Voir ce nom.
Nombre deux. Depuis Pythagore, qui avait regardé le nombre deux comme représentant le mauvais principe, ce nombre était aux yeux de l’Italie le plus malheureux de tous ; Platon, imbu de cette doctrine, comparaît le nombre deux à Diane, toujours stérile, et partant peu honorée. C’est d’après le même principe que les Romains avaient dédié à Plu ton le deuxième mois de l’année et le deuxième jour du mois ; parce que tout ce qui était de mauvais augure lui était spécialement consacré.
Diverses croyances s’attachaient à quelques autres nombres. Voy. Neuf, etc.
Nonos, génies malfaisants, que les Indiens des îles Philippines placent dans des sites extraordinaires entourés d’eau ; ils ne passent jamais dans ces lieux, qui remplissent leur imagination d’effroi, sans leur en demander permission. Quand ils sont attaqués de quelque infirmité ou maladie, ils portent à ces génies, en forme d’offrande, du riz, du vin, du coco et le cochon, qu’on donne ensuite à manger aux malades.
Nornes, fées ou parques chez les Celtes. Elles dispensaient les âges des hommes, et se nommaient Urda (le passé), Verandi (le présent) et Skalda (l’avenir).
Norsgubb, le Vieux du Nord ou des Norses. C’est le nom populaire du diable en Suède.
Nostradamus (Michel), médecin et astrologue, né en 1503 à Saint-Rémi en Provence, mort à Salon en 1566. Les talents qu’il déploya pour la guérison de plusieurs maladies qui affligeaient la Provence lui attirèrent la jalousie de ses collègues ; il se retira de la société. Vivant seul avec ses livres, son esprit s’exalta au point qu’il crut avoir le don de connaître l’avenir. Il écrivit ses prédictions dans un style énigmatique ; et pour leur donner plus de poids, il les mit en vers. Il en composa autant de quatrains, dont il publia sept centuries à Lyon en 1555. Ce recueil eut une vogue inconcevable ; on prit parti pour le nouveau devin ; les plus raisonnables le regardèrent comme un visionnaire, les autres imaginèrent qu’il avait commerce avec le diable, d’autres qu’il était véritablement prophète. Le plus grand nombre des gens sensés ne vit en lui qu’un charlatan qui, n’ayant pas fait fortune à son métier de médecin, cherchait à mettre à profit la crédulité du peuple. La meilleure de ses visions est celle qui lui annonça qu’il s’enrichirait à ce métier. Il fut comblé de biens et d’honneurs par Catherine de Médicis, par Charles IX et par le peuple des petits esprits. Le poète Jodelle fit ce jeu de mots sur son nom :
Ce n’est point merveille, dit Naudé, si, parmi le nombre de mille quatrains, dont chacun parle toujours de cinq ou six choses différentes, et surtout de celles qui arrivent ordinairement, on rencontre quelquefois un hémistiche qui fera mention d’une ville prise en-France, de la mort d’un grand en Italie, d’une peste en Espagne, d’un monstre, d’un embrasement, d’une victoire ou de quelque chose semblable. Ces prophéties ne ressemblent à rien mieux qu’à ce soulier de Théramène, qui se chaussait indifféremment par toutes sortes de personnes. Et quoique Chavigny, qui a tant rêvé là-dessus, ait prouvé, dans son Janus français, que la plupart des prédictions de Nostradamus étaient accomplies au commencement du dix-septième siècle, on ne laisse pas néanmoins de les remettre encore sur le tapis. Il en est des prophéties comme des almanachs ; les idiots croient à tout ce qu’ils y lisent, parce que sur mille mensonges ils ont rencontré une fois la vérité. Nostradamus est enterré à Salon ; il avait prédit de son vivant que son tombeau changerait de place après sa mort. On l’enterra dans l’église des Cordeliers, qui fut détruite. Alors le tombeau se trouva dans un champ, et le peuple est persuadé plus que jamais qu’un homme qui prédit si juste mérite au moins qu’on le croie .
Notarique, une des trois divisions de la cabale chez les Juifs. Elle consiste à prendre ou chaque lettre d’un mot pour en faire une phrase entière, ou les premières lettres d’une sentence pour en former un seul mot.
Noyés. Les marins anglais et américains croient que retirer un noyé et l’amener sur le pont d’un navire qui va appareiller, c’est, si le noyé y meurt, un mauvais présage, qui annonce des malheurs et le danger de périr. Superstition inhumaine. Aussi laissent-ils les noyés à l’eau.
Voici une légende qui a été racontée par le poète Œhlenschlæsger. Ce n’est point une légende, c’est un drame de la vie réelle. Un pauvre matelot a perdu un fils dans un naufrage, et la douleur l’a rendu fou. Chaque jour il monte sur sa barque et s’en va en pleine mer ; là, il frappe à grands coups sur un tambour, et il appelle son fils à haute voix : — Viens, lui dit-il, viens ! sors de ta retraite, nage jusqu’ici, je te placerai à côté de moi dans mon bateau ; et si tu es mort, je te donnerai une tombe dans le cimetière, une tombe entre des fleurs et des arbustes ; tu dormiras mieux là que dans les vagues. Mais le malheureux appelle en vain et regarde en vain. Quand la nuit descend, il s’en retourne en disant : — J’irai demain plus loin, mon pauvre fils ne m’a pas entendu .
Nuit des trépassés. De tous les jours de l’année, il n’en est point que l’imagination superstitieuse des Flamands ait entouré de plus grandes terreurs que le Ier novembre. Les morts sortent à minuit de leurs tombes pour venir, en longs suaires, rappeler les prières dont ils ont besoin aux vivants qui les oublient. La sorcière et le vieux berger choisissent cette soirée pour exercer leurs redoutables maléfices. L’ange Gabriel soulève alors pour douze heures le pied sous lequel il retient le démon captif, et rend à cet infernal ennemi des hommes le pouvoir momentané de les faire souffrir. D’ordinaire, la désolation de la nature vient encore ajouter aux terreurs de ces croyances ; la tempête mugit, la neige tombe avec abondance, les torrents se gonflent et débordent ; enfin la souffrance et la mort menacent de toutes parts le voyageur.
Numa-Pompilius, second roi de Rome. Il donna à son peuple des lois assez sages, qu’il disait tenir de la nymphe Égérie. Il marqua les jours heureux et les jours malheureux, etc. .
Les démonomanes font de Numa un insigne enchanteur et un profond magicien. Cette nymphe, qui se nommait Égérie, n’était autre chose qu’un démon qu’il s’était rendu familier, comme étant un des plus versés et mieux entendus qui aient jamais existé en l’évocation des diables. Aussi tient-on pour certain, dit Leloyer, que ce fut, par l’assistance et l’industrie de ce démon qu’il fit beaucoup de choses curieuses pour se mettre en crédit parmi le peuple de Rome, qu’il voulait gouverner à sa fantaisie. À ce propos, Denys d’Halicarnasse raconte qu’un jour, ayant invité à souper bon nombre de citoyens, il leur fit servir des viandes simples et communes en vaisselle peu somptueuse ; mais dès qu’il eut dit un mot, sa diablesse le vint trouver, et tout incontinent la salle devint pleine de meubles précieux, et les tables furent couvertes de toutes sortes de viandes exquises et délicieuses. Il était si habile dans ses conjurations, qu’il forçait Jupiter à quitter son séjour et à venir causer avec lui. Numa-Pompilius fut le plus grand sorcier et le plus fort magicien de tous ceux qui ont porté couronne, dit Delancre ; il avait encore plus de pouvoir sur les diables que sur les hommes. Il composa des livres de magie qu’on brûla quatre cents ans après sa mort… Voy. Égérie.
Nursie, au royaume de Naples. Là était la grotte de la Sibylle, remplacée au moyen âge par des sorcières qu’on allait consulter.
Nybbas, démon d’un ordre inférieur, grand paradiste de la cour infernale. Il a aussi l’intendance des visions et des songes. On le traite avec assez peu d’égards, le regardant comme bateleur et charlatan.
Nymphes, démons femelles. Leur nom vient de la beauté des formes sous lesquelles ils se montrent. Chez les Grecs, les nymphes, très-honorées, étaient partagées en plusieurs classes : les mélies suivaient les personnes qu’elles voulaient favoriser ou tromper ; elles couraient avec une vitesse inconcevable. Les nymphes genetyllides présidaient à la naissance, assistaient les enfants au berceau, faisaient les fonctions de sages-femmes, et leur donnaient même la nourriture. Ainsi Jupiter fut nourri par la nymphe Mélisse, etc. Ce qui prouve que ce sont bien des démons, c’est que les Grecs disaient qu’une personne était remplie de nymphes pour dire qu’elle était possédée des démons. Du reste, les cabalistes pensent que ces démons habitent les eaux, ainsi que les salamandres habitent le feu, les sylphes l’air, et les gnomes ou pygmées la terre. Voy. Ondins.
Nymphe de l’Elbe. Pretorius, auteur estimable du seizième siècle, raconte que la nymphe de l’Elbe s’assied quelquefois sur les bords du fleuve, peignant ses cheveux à la manière des sirènes. Une tradition semblable à celle que Walter Scott a mise en scène dans la Fiancée de Lamermoor avait cours au sujet de la sirène de l’Elbe ; elle est rapportée tout au long par les frères Grimm, dans leur Recueil de légendes germaniques. Quelque belles que paraissent les ondines ou nixes, le principe diabolique fait toujours partie de leur essence : l’esprit du mal n’est couvert que d’un voile plus ou moins transparent, et tôt ou tard la parenté de ces beautés mystérieuses avec Satan devient manifeste. Une mort inévitable est le partage de quiconque se laisse séduire par elles. Des auteurs prétendent que les dernières inondations du Valais furent causées par des démons qui, s’ils ne sont pas des nickars ou des nixes, sont du moins de nature amphibie. Il y a près de la vallée de Bagnes une montagne fatale où les démons font le sabbat. En l’année 1818, deux frères mendiants de Sion, prévenus de cette assemblée illégale, gravirent la campagne pour vérifier le nombre et les intentions des délinquants. En diable, l’orateur de la troupe, s’avança. — Révérends frères, dit-il, nous sommes ici une armée telle que, si on divisait entre nous à parts égales tous les glaciers et tous les rochers des Alpes, nous n’en aurions pas chacun une livre pesant.
Nynauld (Jean de), auteur d’un livre intitulé De la Lycanthropie, transformation et extases des sorciers. Paris, 1615, in-8°.
Nyol, vicomte de Brosse, poursuivi comme sorcier à la fin du seizième siècle. Il confessa qu’ayant entendu dire qu’on brûlait les sorciers, il avait quitté sa maison et en était demeuré longtemps absent. Ses voisins, l’ayant suivi, l’avaient trouvé dans une étable de pourceaux ; ils l’interrogèrent sur différents maléfices dont il était accusé ; il reconnut qu’il était allé une fois au sabbat, à la croix de la Motte, où il avait vu le diable en forme de chèvre noire ; qu’il s’était donné audit diable, sous promesse qu’il aurait des richesses et serait bien heureux au monde, « et lui bailla pour gage sa ceinture, partie de ses cheveux, et après sa mort un de ses pouces. Ensuite le diable le marqua sur l’épaule ; il lui commanda de donner des maladies, de faire mourir les hommes et les bestiaux, de faire périr les fruits par des poudres qu’il jetterait au nom de Satan. Il avoua encore que le diable l’avait fait danser au sabbat avec les autres sorciers ayant chacun une chandelle, et que quand le diable se retirait enfin, eux tous se trouvaient transportés dans leurs maisons. » Vingt-huit témoins confrontés soutinrent que le vicomte de Brosse avait la réputation de sorcier, et qu’il avait fait mourir quatre hommes et beaucoup de bestiaux. Il fut condamné.
Nypho ou Nyphus (Augustin), sorcier italien, qui avait un démon familier et barbu, dit Delancre, lequel démon lui apprenait toutes choses. Il a fait un livre Des divinations, imprimé à la suite de l’explication des songes par Artémidore. Voy. Artémidore.
Nysrock, démon du second ordre, chef de cuisine de Belzébuth, seigneur de la délicate tentation et des plaisirs de la table.
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Oannès ou Oès, monstre moitié homme et moitié poisson, dans les vieilles mythologies de l’Orient ; venu de la mer égyptienne, il sortait de l’œuf primitif, d’où tous les autres êtres avaient été tirés. Il parut, dit Bérose, près d’un lieu voisin de Babylone. Il avait une tête d’homme sous une tête de poisson. À sa queue étaient joints des pieds d’homme, et il en avait la voix et la parole. Ce monstre demeurait parmi les hommes sans manger, leur donnait la connaissance des lettres et des sciences, leur enseignait les arts, l’arithmétique, l’agriculture ; en un mot, tout ce qui pouvait contribuer à adoucir les mœurs. Au soleil couchant, il se retirait dans la mer et passait la nuit sous les eaux. C’était un poisson comme on n’en voit guère.
Ob, démon des Syriens, qui était, à ce qu’il paraît, ventriloque. Il donnait ses oracles par le derrière, organe qui n’est pas ordinairement destiné à la parole, et toujours d’une voix basse et sépulcrale, en sorte que celui qui le consultait ne l’entendait souvent pas du tout, ou plutôt entendait tout ce qu’il voulait.
Obereit (Jacques Hermann), alchimiste et mystique, né en 1725, à Arbon en Suisse, et mort en 1798. Son père avait eu le même goût pour l’alchimie, qu’il appelait l’art de perfectionner les métaux par la grâce de Dieu. Le fils voulut profiter des leçons que lui avait laissées le vieillard ; comme sa famille était réduite à l’indigence, il travailla sans relâche dans son laboratoire ; mais l’autorité vint le fermer, comme dangereux pour la sûreté publique. Cependant il réussit à prouver que ses opérations ne pouvaient nuire, et il s’établit chez un frère de Lavater. Depuis dix-huit ans, Jacques (qui était fou), connaissait, disait-il, une personne qu’il nomme Théantis, bergère séraphique ; il l’épousa dans un château, sur une montagne entourée de nuages. « Notre mariage, dit-il, n’était ni platonique ni épicurien, c’était un état dont le monde n’a aucune idée. » Elle mourut au bout de trente-six jours, et le veuf, se souvenant que Marsay, grand mystique de ce temps, avait entonné un cantique de reconnaissance à la mort de sa femme, chanta à gorge déployée durant toute la nuit du décès de la sienne. Il a publié, en 1776, à Augsbourg, un traité de la Connexion originaire des esprits et des corps, d’après les principes de Newton. On lui doit aussi les Promenades de Gamaliel, juif philosophe, 1780.
Obergemeiner, propriétaire à Münchhof, près de Gratz, d’une maison qui fut infestée, en janvier 1821, de mains invisibles ou de procédés inexplicables qui, malgré la surveillance de trente hommes armés, lançaient aux fenêtres des pierres de quinze livres, parties le plus souvent de l’intérieur de la maison où ces pierres ne se trouvaient pas, qui brisaient la vaisselle, cassaient les pots et jetaient rudement à la tête (les assistants les cuillers à pot en fer, lesquelles arrivaient violemment à leur but, mais sans causer le moindre mal, au contraire des pierres qui brisaient les vitres. Le seau plein d’eau s’enlevait tout seul au plafond ; les plats volaient et faisaient des courbes. On n’a pu avoir explication de ces phénomènes, mentionnés et décrits longuement dans la Mystique de Görres.
Obéron, roi des fées et des fantômes aériens. Il joue un grand rôle dans la poésie anglaise ; c’est l’époux de Titania. Ils habitent l’Inde ; la nuit, ils franchissent les mers et viennent dans, nos climats danser au clair de la lune ; ils redoutent le grand jour et fuient au premier rayon du soleil, ou se cachent dans les bourgeons des arbres jusqu’au retour de l’obscurité. Obéron est le sujet d’un poème célèbre de Wieland.
Obesslik. Du temps des hussites, un brigand nommé Obesslik se rendit à la justice, qui le poursuivait depuis longtemps ; mais il se rendit à condition qu’on épargnât son sang. Il fut donc condamné à mourir de faim et descendu dans le gouffre de Maczocha avec une cruche d’eau et un seul pain. Le pain fut bientôt dévoré, la cruche d’eau bientôt vidée. Alors commença pour lui cette horrible agonie dont on peut se faire une idée après avoir lu l’épisode d’Ugolin dans le Dante. La mort lente s’approchait avec le désespoir, lorsque tout à coup le condamné entendit un sifflement étrange dans l’air et vit, en levant les yeux, un dragon ailé qui plongea à grands coups d’aile dans le précipice. Obesslik, qu’épouvantait l’idée que ce dragon le dévorerait, ramassa le reste de ses forces, se recula dans une crevasse de la paroi, prit une pierre et la jeta vers le dragon, qui fut atteint sous le ventre, seul endroit qui n’était pas protégé par des écailles comme tout le reste de son corps. Un sang noir sortit de la blessure du monstre, qui s’abattit sur une saillie du cratère, où il se reposa quelque temps ; une demi-heure s’écoula ainsi, et, quand il eut repris quelques forces par le repos, il se releva et sortit. Ainsi délivré de son hôte monstrueux, Obesslik pensa ceci :
« Ne pourrais-je pas me sauver par son secours, s’il revenait ?
Le lendemain, à la même heure, le dragon redescendit dans le gouffre et se mit à fouiller la vase avec son bec immense pour y chercher des vipères d’eau dont il se nourrissait. Obesslik se glissa derrière lui et se plaça sur son dos écaillé. Quand le monstre se fut bien repu, il reprit son vol, sans s’apercevoir qu’un homme était sur lui, et sortit du précipice. Il s’éleva bien haut dans l’air, portant toujours son cavalier, qui attendait un moment favorable pour descendre de son étrange coursier. Ses ailes bruissaient dans le vent, et il s’abattit dans une forêt voisine, où il se coucha sous un grand chêne et s’endormit.
Obesslik sauvé reprit son ancien métier de dévaliseur, et plus d’une fois l’effroi se répandit dans la contrée au récit des crimes de celui que l’on croyait mort dans la Maczocha. Les montagnes de Hradi étaient surtout le théâtre de ses sanguinaires exploits. Mais il fut repris et décapité à Olmutz.
Obole, pièce de monnaie que les Romains et les Grecs mettaient dans la bouche des morts, pour payer leur passage dans la barque à Caron.
Obsédés. Dom Calmet fait cette distinction entre les possédés et les obsédés. Dans les possessions, dit-il, le diable parle, pense, agit pour le possédé. Dans les obsessions, il se tient au dehors, il assiège, il tourmente, il harcèle. Saül était possédé, le diable le rendit sombre ; Sara, qui épousa le jeune Tobie, n’était qu’obsédée, le diable n’agissait qu’autour d’elle. Voy. Possédés.
Obsequens (Julius). Il a laissé un livre des prodiges, dont une partie est perdue.
Occultes. On appelle sciences occultes la magie, la nécromancie, la cabale, l’alchimie et toutes les sciences secrètes.
Ochozias, roi d’Israël, mort 896 ans avant notre ère. Il s’occupait de magie et consultait Belzébuth, honoré à Accaron. Il eut une fin misérable.
Oculomancie, divination dont le but était de découvrir un larron, en examinant la manière dont il tournait l’œil, après certaines cérémonies superstitieuses.
Oddo. Voy. Kalta.
Oddon, pirate flamand des temps anciens, qui voguait en haute mer par magie, sans esquif ni navire.
Od-esprit. M. Gagne, qui est un des adeptes du spiritisme, croit avoir découvert dans l’atmosphère un agent impondérable où flottent les esprits qui nous circonviennent, et avec qui les habiles se mettent en communication. Il appelle cet agent l’Od-esprit.
Odet, démon de la nuit, qui se montre à Orléans sous la forme d’un mulet et fait de mauvais tours à ceux qu’il rencontre. Il est de l’espèce de Kleudde.
Odeur. On voit dans tous les procès de sorcellerie que l’odeur des sorciers est abominable, ce qui ne peut surprendre, puisque leurs chefs leur défendent de se laver. — Plusieurs possédés sont aussi très-puants.
Odin, dieu des Scandinaves. Deux corbeaux sont souvent placés sur ses épaules et lui disent à l’oreille tout ce qu’ils ont vu ou entendu de neuf. Odin les lâche tous les jours ; et, après qu’ils ont parcouru le monde, ils reviennent le soir à l’heure du repas. C’est pour cela que ce dieu sait tant de choses, et qu’on l’appelle le dieu des corbeaux. À la fin des siècles, il sera mangé par le loup Fenris. Les savants vous diront que l’un de ces corbeaux est l’emblème de la pensée ; quelle pensée ! et l’autre le symbole de la mémoire. Les deux loups qui se tiennent aux pieds d’Odin figuraient la puissance. Il y a des gens qui ont admiré ce mythe.
Odin, à la fois pontife, conquérant, monarque, orateur et poète, parut dans le Nord, environ soixante-dix ans avant Notre-Seigneur selon les uns, plus tard selon d’autres. Le théâtre de ses exploits fut principalement le Danemark. Il avait la réputation de prédire l’avenir et de ressusciter les morts. Quand il eut fini ses expéditions glorieuses, il retourna en Suède, et, se sentant près du tombeau, il ne voulut pas que la maladie tranchât le fil de ses jours, après avoir si souvent bravé la mort dans les combats. Il convoqua tous ses amis, les compagnons de ses exploits ; il se fit, sous leurs yeux, avec la pointe d’une lance, neuf blessures en forme de cercle ; et, au moment d’expirer, il déclara qu’il allait dans la Scythie prendre place parmi les dieux, promettant d’accueillir un jour avec honneur dans son paradis tous ceux qui s’exposeraient courageusement dans les batailles, ou qui mourraient les armes à la main. Toute la mythologie des Islandais a Odin pour principe, comme le prouve l’Edda, traduit par Mallet, à la tête de son Histoire de Danemark. Voy. Woden, Hakelberg, etc.
Odontotyrannus. Voy. Serpent de mer.
Odorat. Cardan dit au livre XIII de la Subtilité qu’un odorat excellent est une marque d’esprit, parce que la qualité chaude et sèche du cerveau est propre à rendre l’odorat plus subtil, et que ces mêmes qualités rendent l’imagination plus vive et plus féconde. Rien n’est moins sûr que cette assertion ; il n’y a point de peuple qui ait si bon nez que les habitants de Nicaragua, les Abaquis, les Iroquois ; et on sait qu’ils n’en sont pas plus spirituels. Mamurra, selon Martial, ne consultait que son nez pour savoir si le cuivre qu’on lui présentait était de Corinthe.
Œil. Les gorgones avaient un seul œil, dont elles se servaient tour à tour pour changer en pierres tous ceux qui les regardaient. Les anciens font mention des Arimaspes, comme de peuples qui n’avaient qu’un œil, et qui étaient souvent aux prises avec les griffons, pour ravir l’or confié à la garde de ces monstres. Pour le mauvais œil, Voy. Yeux.
Œnomancie, divination par le vin, dont on considère la couleur en le buvant, et dont on remarque les moindres circonstances pour en tirer des présages. Les Perses étaient fort attachés à cette divination.
Œnothère, géant de l’armée de Charlemagne, qui, d’un revers de son épée, fauchait des bataillons ennemis comme on fauche l’herbe d’un pré.
Œonistice, divination par le vol des oiseaux. Voy. Augures.
Oès. Voy. Oannès.
Œufs. On doit briser la coque des œufs frais, quand on les a mangés, par pure civilité ; aussi cet usage est-il pratiqué parles gens bien élevés, dit M. Salgues ; cependant il y a des personnes qui n’ont pas coutume d’en agir ainsi. Quoi qu’il en soit, cette loi remonte à une très-haute antiquité. On voit, par un passage de Pline, que les Romains y attachaient une grande importance. L’œuf était regardé comme l’emblème de la nature, comme une substance mystérieuse et sacrée. On était persuadé que les magiciens s’en servaient dans leurs conjurations, qu’ils le vidaient et traçaient dans l’intérieur des caractères magiques dont la puissance pouvait opérer beaucoup de mal. On en brisait les coques pour détruire les charmes. Les anciens se contentaient quelquefois de les percer avec un couteau, et dans d’autres moments de frapper trois coups dessus. Les œufs leur servaient aussi d’augure. Julie, fille d’Auguste, étant grosse de Tibère, désirait ardemment un fils. Pour savoir si ses vœux seraient accomplis, elle prit un œuf, le mit dans son sein, l’échauffa ; quand elle était obligé de le quitter, elle le donnait à une nourrice pour lui conserver sa chaleur. L’augure fut heureux, dit Pline : elle eut un coq de son œuf et mit au monde un garçon.
Les druides pratiquaient, dit-on, cette superstition étrange ; ils vantaient fort une espèce d’œuf inconnu à tout le monde, formé en été par une quantité prodigieuse de serpents entortillés ensemble, qui y contribuaient tous de leur bave et de l’écume qui sortait de leur corps. Aux sifflements des serpents, l’œuf s’élevait en l’air ; il fallait s’en emparer alors, avant qu’il touchât la terre : celui qui l’avait reçu devait fuir ; les serpents couraient tous après lui jusqu’à ce qu’ils fussent arrêtés par une rivière qui coupât leur chemin. Ils faisaient ensuite des prodiges avec cet œuf.
Aujourd’hui on n’est pas exempt de bien des superstitions sur l’œuf. Celui qui en mange tous les matins sans boire meurt, dit-on, au bout de l’an. Il ne, faut pas brider les coques des œufs, suivant une croyance populaire superstitieuse, de peur de brider une seconde fois saint Laurent, qui a été brûlé sur un feu nourri de pareils aliments. Albert le Grand nous apprend, dans ses Secrets, que la coque d’œuf, broyée avec du vin blanc et bue, rompt les pierres tant des reins que de la vessie.
Pour la divination par les blancs d’œufs, voyez Oomancie, Garuda, etc.
Og, roi de Basan. Og, selon les rabbins, était un de ces géants qui ont vécu avant le déluge. Il s’en sauva en montant sur le toit de l’arche où étaient Noé et ses fds. Il était si pesant, qu’on fut obligé de mettre dehors le rhinocéros, qui suivit l’arche à la nage. Noé cependant fournit à Og de quoi se nourrir, non par compassion, mais pour faire voir aux hommes qui viendraient après le déluge quelle avait été la puissance du Dieu qui avait exterminé de pareils monstres. Les géants vivaient longtemps. Og était encore du monde quand les Israélites, sous la conduite de Moïse, campèrent dans le désert. Le roi de Basan leur fit la guerre. Voulant d’un seul coup détruire le camp d’Israël, il enleva une montagne large de six mille pas, avec laquelle il se proposait d’écraser l’armée de Moïse. Mais Dieu permit que des fourmis crevassent la montagne, à l’endroit où elle posait sur la tête du géant, de sorte qu’elle tomba sur son cou en manière de collier. Ensuite ses dents s’étant accrues extraordinairement, s’enfoncèrent dans le roc et l’empêchèrent de s’en débarrasser. Moïse alors le tua, mais non sans peine ; car le roi Og était d’une si énorme stature, que Moïse, qui lui-même était haut de six aunes, prit une hache de la même hauteur ; et encore fallut-il qu’il fît un saut de six aunes pour parvenir à frapper la cheville du pied d’Og.
Ogier le Danois. On croit qu’il vit dans sa tombe, comme Frédéric-Barberousse et d’autres.
Ogres. Sauf le nom, ces monstres étaient connus des anciens. Polyphème, dans l’Odyssée, n’est autre chose qu’un ogre ; on trouve des ogres dans les Voyages de Sinbad le marin ; et un autre passage des Mille et une nuits prouve que les ogres ne sont pas étrangers aux Orientaux. Dans le conte du Vizir puni, un jeune prince égaré rencontre une dame qui le conduit à sa masure : elle dit en entrant : — Réjouissez-vous, mes fils, je vous amène un garçon bien fait et fort gras. — Maman, répondent les enfants, où est-il, que nous le mangions ? car nous avons bon appétit. — Le prince reconnaît alors que la femme, qui se disait fille du roi des Indes, est une ogresse, femme de ces démons sauvages qui se retirent dans les lieux abandonnés et se servent de mille ruses pour surprendre et dévorer les passants, comme les sirènes, qui, selon quelques mythologues, étaient certainement des ogresses. C’est à peu près l’idée que nous nous faisons de ces êtres effroyables ; les ogres, dans nos opinions, tenaient des trois natures : humaine, animale et infernale. Ils n’aiment rien tant que la chair fraîche ; et les petits enfants étaient leur plus délicieuse pâture. Le Drac, si redouté dans le Midi, était un ogre qui avait son repaire aux bords du Rhône, où il se nourrissait de chair humaine. Il paraît que cette anthropophagie est ancienne dans nos contrées, car le chapitre lxvii de la loi salique prononce une amende de deux cents écus contre tout sorcier ou stryge qui aura mangé un homme.
Quelques-uns font remonter l’existence des ogres jusqu’à Lycaon, ou du moins à la croyance où l’on était que certains sorciers se changeaient en loups dans les orgies nocturnes, et mangeaient au sabbat la chair des petits enfants qu’ils pouvaient y conduire. On ajoutait que, quand ils en avaient mangé une fois, ils en devenaient extrêmement friands et saisissaient ardemment toutes les occasions de s’en repaître : ce qui est bien le naturel qu’on donne à l’ogre. On voit une multitude d’horreurs de ce genre dans les procès des sorciers ; on appelait ces ogres des loups garous ; et le loup du petit Chaperon-Rouge n’est pas autre chose. Quant à l’origine du nom des ogres, l’auteur des Lettres sur les contes des fées de Ch. Perrault l’a trouvée sans doute. Ce sont les féroces Huns ou Hongrois du moyen âge, qu’on appelait Hunnigours, Oïgours, et ensuite par corruption Ogres. Les Hongrois, disait-on, buvaient le sang de leurs ennemis ; ils leur coupaient le cœur par morceaux et le dévoraient en manière de remède contre toute maladie. Ils mangeaient de la chair humaine, et les mères hongroises, pour donner à leurs enfants l’habitude de la douleur, les mordaient au visage dès leur naissance.
C’était en effet un terrible peuple que ces païens, dont les hordes innombrables, accourues des extrémités septentrionales de l’Asie, dévastèrent pendant deux tiers de siècle l’Italie, l’Allemagne et la France. Ils incendiaient les villes et les villages, égorgeaient les habitants ou les emmenaient prisonniers. La pitié leur était inconnue, car ils croyaient que les guerriers étaient servis dans l’autre monde par les ennemis qu’ils avaient tués dans celui-ci. Une défaite signalée que leur fit éprouver Othon, empereur d’Allemagne, délivra pour jamais de leurs ravages l’Europe occidentale. La terreur profonde qu’ils avaient inspirée se propagea longtemps encore après leur disparition, et les mères se servirent du nom des Hongrois, ogres, pour épouvanter leurs petits enfants. Voy. Fées, Omestès, etc.
Oiarou, objet du culte des Iroquois. C’est la première bagatelle qu’ils auront vue en songe, un calumet, une peau d’ours, un couteau, une plante, un animal, etc. Ils croient pouvoir, par la vertu de cet objet, opérer ce qui leur plaît, même se transporter et se métamorphoser.
Oigours. Voy. Ogres.
Oilette, démon sans renommée, invoqué dans les litanies du sabbat.
Oiseaux. Naudé conte que l’archevêque Laurent expliquait le chant des oiseaux, comme il en fit en jour l’expérience à Rome devant quelques prélats ; car il entendit un petit moineau qui avertissait les autres par son chant qu’un chariot de blé venait de verser à la porte Majeure, et qu’ils trouveraient là de quoi faire leur profit.
À la côte du Croisic, en Bretagne, sur un rocher au fond de la mer, les femmes du pays vont, parées avec recherche, les cheveux épars, ornées d’un beau bouquet de fleurs nouvelles ; elles se placent sur le rocher, les yeux élevés vers le ciel, et demandent avec un chant sentimental aux oiseaux de leur ramener leurs époux et leurs fiancés. Voy. Augures, Corneille, Hibou, etc.
Okkisiks, nom sous lequel les Hurons désignent des génies ou esprits, bienfaisants ou malfaisants, attachés à chaque homme.
Oldenberg, montagne de l’Allemagne sous laquelle Charlemagne vit toujours avec ses douze pairs et son armée. Tradition locale.
Oldenbourg. « Je ne puis m’empêcher, dit Balthasar Bekker, dans le tome IV, chapitre xvii, du Monde enchanté, de rapporter une fable dont j’ai cherché aussi exactement les détails qu’il m’a été possible : c’est celle du fameux cornet d’Oldenbourg. « On dit que le comte Otton d’Oldenbourg, étant allé un jour à la chasse sur la montagne d’Ossemberg, fut atteint d’une soif qu’il ne pouvait étancher ; il se mit à jurer d’une manière indigne, en disant qu’il ne se souciait pas de ce qui pourrait lui arriver, pourvu que quelqu’un lui donnât à boire. Le diable lui apparut aussitôt sous la forme d’une femme ; elle semblait sortir de terre ; elle lui présenta à boire dans un cornet
Old Gentleman. Le peuple en Angleterre appelle le diable le vieux gentleman.
Olive (Robert), sorcier qui fut brûlé à Falaise en 1556. On établit à son procès que le diable le transportait d’un lieu à un autre ; que ce diable s’appelait Chrysopole, et que c’était à l’instigation dudit Chrysopole que Robert Olive tuait les petits enfants et les jetait au feu.
Olivier, démon invoqué comme prince des archanges dans les litanies du sabbat.
Ololygmancie, divination tirée du hurlement des chiens. Dans la guerre de Messénie, le roi Aristodème apprit que les chiens hurlaient comme des loups, et que du chiendent avait poussé autour d’un autel. Désespérant du succès, d’après cet indice et d’autres encore (Voy. Ophioneus), quoiqu’il eût déjà immolé sa fille pour apaiser les dieux, il se tua sur la foi des devins, qui virent dans ces signes de sinistres présages.
Olys, talisman que les prêtres de Madagascar donnent aux peuples pour les préserver de plusieurs malheurs, et notamment pour enchaîner la puissance du diable.
Ombre. Dans le système de la mythologie païenne, ce qu’on nommait ombre n’appartenait ni au corps ni à l’âme, mais à un état mitoyen. C’était cette ombre qui descendait aux enfers. On croyait que les animaux voyaient les ombres des morts. Aujourd’hui même, dans les montagnes d’Écosse, lorsqu’un animal tressaille subitement, sans aucune cause apparente, le peuple attribue ce mouvement à l’apparition d’un fantôme.
En Bretagne, les portes des maisons ne se ferment qu’aux approches de la tempête. Des feux follets, des sifflements l’annoncent. Quand on entendait ce murmure éloigné qui précède l’orage, les anciens s’écriaient : — Fermons les portes, écoutez les Criériens ; le tourbillon les suit. Ces Criériens sont les ombres, les ossements des naufragés qui demandent la sépulture, désespérés d’être depuis leur mort ballottés par les éléments On dit encore que celui qui vend son âme au diable n’a plus d’ombre au soleil ; cette tradition, très-répandue en Allemagne, est le fondement de plusieurs légendes. Voy. Revenants.
Ombriel, génie vieux et rechigné, à l’aile pesante, à l’air refrogné. Il joue un rôle dans la Boucle de cheveux enlevée de Pope.
Omestès, surnom de Bacchus, considéré comme chef des ogres ou loups garous qui mangent la chair fraîche.
Omomancie, divination par les épaules chez les rabbins. Les Arabes devinent par les épaules du mouton, lesquelles, au moyen de certains points dont elles sont marquées, représentent diverses figures de géomancie.
Omphalomancie, divination par le nombril. Les sages-femmes, par les nœuds inhérents au nombril de l’enfant premier-né, devinaient combien la mère en aurait encore après celui-là.
Omphalophysiques, fanatiques de Bulgarie que l’on trouve du onzième au quatorzième siècle, et qui, par une singulière illusion, croyaient voir la lumière du Thabor à leur nombril.
On, mot magique, comme tetragrammaton, dont on se sert dans les formules de conjurations.
Ondins ou Nymphes, esprits élémentaires, composés des plus subtiles parties de l’eau qu’ils habitent. Les mers et les fleuves sont peuplés, disent les cabalistes, de même que le feu, l’air et la terre. Les anciens sages ont nommé Ondins ou Nymphes cette espèce de peuple. Il y a peu de mâles, mais les femmes y sont en grand nombre ; leur beauté est extrême, et les filles des hommes
Oneirocritique, art d’expliquer les songes. Voy. Songes.
Ongles. Les Madécasses ont grand soin de se couper les ongles une ou deux fois la semaine ; ils s’imaginent que le diable s’y cache quand ils sont longs. C’était une impiété chez les Romains que de se couper les ongles tous les neufs jours. Cardan assure, dans son traité De varietate rerum, qu’il avait prévu par les taches de ses ongles tout ce qui lui était arrivé de singulier. Voy. Chiromancie.
On sait qu’il pousse des envies aux doigts quand on coupe ses ongles les jours qui ont un R, comme mardi, mercredi et vendredi… Enfin, quelques personnes croient en Hollande qu’on se met à l’abri du mal de dents en coupant régulièrement ses ongles le vendredi. Voy. Onychomancie.
Onguents. Il y a plusieurs espèces d’onguents, qui ont tous leur propriété particulière. On sait que le diable en compose de différentes façons, et qu’il les emploie à nuire au genre humain. Pour endormir, on en fait un avec de la racine de belladone, de la morelle furieuse, du sang de chauve-souris, du sang de huppe, de l’aconit, de la suie, du persil, de l’opium et de la ciguë. Voy. Graisse.
Onomancie ou Onomatomancie, divination par les noms. Elle était fort en usage chez les anciens. Les pythagoriciens prétendaient que les esprits, les actions et les succès des hommes étaient conformes à leur destin, à leur génie et à leur nom. On remarquait qu’Hippolyte avait été déchiré par ses chevaux, comme son nom le portait. De même, on disait d’Agamemnon que, suivant son nom, il devait rester longtemps devant Troie ; et de Priam, qu’il devait être racheté d’esclavage. Une des règles de l’onomancie, parmi les pythagoriciens, était qu’un nombre pair de voyelles dans le nom d’une personne signifiait quelque imperfection au côté gauche, et un nombre impair quelque imperfection au côté droit. Ils avaient encore pour adage que de deux personnes, celle-là était la plus heureuse dans le nom de laquelle les lettres numérales jointes ensemble formaient la plus grande somme. Ainsi, disaient-ils, Achille devait vaincre Hector, parce que les lettres numérales comprises dans le nom d’Achille formaient une somme plus grande que celles du nom d’Hector. C’était sans doute d’après un principe semblable que, dans les parties de plaisir, les Romains buvaient à la santé de leurs belles autant de coups qu’il y avait de lettres dans leur nom. Enfin, on peut rapporter à l’onomancie tous les présages qu’on prétendait tirer des noms, soit considérés dans leur ordre naturel, soit décomposés et réduits en anagrammes ; folie trop souvent renouvelée chez les modernes. Voy. Anagrammes.
Cœlius Rhodiginus a donné la description d’une singulière espèce d’onomancie ; Théodat, roi des Goths, voulant connaître le succès de la guerre qu’il projetait contre les Romains, un devin juif lui conseilla de faire enfermer un certain nombre de porcs dans de petites étables, de donner aux uns des noms goths, avec des marques pour les distinguer, et de les garder jusqu’à un certain jour. Ce jour étant arrivé, on ouvrit les étables, et l’on trouva morts les cochons désignés par des noms goths, ce qui fit prédire au juif que les Romains seraient vainqueurs.
Onychomancie, divination par les ongles. Elle se pratiquait en frottant avec de la suie les ongles d’un jeune garçon, qui les présentait au soleil, et l’on s’imaginait y voir des figures qui-faisaient connaître ce qu’on souhaitait de savoir. On se servait aussi d’huile et de cire.
Oomancie ou Ooscopie, divination par es œufs. Les devins des anciens jours voyaient dans la forme extérieure et dans les figures intérieures d’un œuf les secrets les plus impénétrables de l’avenir. Suidas prétend que cette divination fut inventée par Orphée.
On devine à présent par l’inspection des blancs d’œufs ; et des sibylles modernes (entre autres mademoiselle Lenormand) ont rendu cette divination célèbre. Il faut prendre pour cela un verre d’eau, casser dessus un œuf frais et l’y laisser tomber doucement. On voit parles figures que le blanc forme dans l’eau divers présages. Quelques-uns cassent l’œuf dans de l’eau bouillante ; on explique alors les signes comme pour le marc de café. Au reste, cette divination n’est pas nouvelle ; elle est même indiquée par le Grimoire. « L’opération de l’œuf, dit ce livre, est pour savoir ce qui doit arriver à quelqu’un qui est présent lors de l’opération. On prend un œuf d’une poule noire, pondu du jour ; on le casse, on en tire le germe ; il faut avoir un grand verre bien fin et bien net, l’emplir d’eau claire et y mettre le germe de l’œuf ; on met ce verre au soleil de midi dans l’été, en récitant des oraisons et des conjurations, et avec le doigt on remue l’eau du verre pour faire tourner le germe ; on le laisse ensuite reposer un instant, et on regarde sans toucher. On voit ce qui aura rapport à celui ou à celle pour qui l’opération se fait. Il faut tâcher que ce soit un jour de travail, parce qu’alors les objets s’y présentent dans leurs occupations ordinaires. Voy. Œufs.
Opale. Cette pierre récrée le cœur, préserve de tout venin et contagion de l’air, chasse la tristesse, empêche les syncopes, les maux de cœur et les affections malignes…
Opalski, sources d’eaux chaudes dans le Kamtchatka. Les habitants s’imaginent que c’est la demeure de quelque démon et ont soin de lui apporter de légères offrandes pour apaiser sa colère. Sans cela, disent-ils, il soulèverait contre eux de terribles tempêtes.
Ophiogènes, charmeurs qui, dans l’Hellespont, guérissaient par le simple toucher les morsures des serpents. Varron cite quelques-uns de ces habiles qui faisaient la même chose avec leur salive.
Ophiomancie, divination par les serpents. Elle était fort usitée chez les anciens, et consistait à tirer présage des divers mouvements qu’on voyait faire aux serpents. On avait tant de foi à ces oracles, qu’on nourrissait exprès des serpents pour connaître ainsi l’avenir. Voy. Serpents.
Ophionée, chef des démons ou mauvais génies qui se révoltèrent contre Jupiter, selon Phérécyde le Syrien.
Ophioneus, célèbre devin de Messénie, aveugle de naissance. Il demandait à ceux qui venaient le consulter comment ils s’étaient conduits jusqu’alors, et, d’après leur réponse, prédisait ce qui leur devait arriver. Ce n’était pas si bête. Aristodème, roi des Messéniens, ayant consulté l’oracle de Delphes sur le succès de la guerre contre les Lacédémoniens, il lui fut répondu que quand deux yeux s’ouvriraient à la lumière et se refermeraient peu après, c’en serait fait des Messéniens. Ophioneus se plaignit de violents maux de tête qui durèrent quelques jours, au bout desquels ses yeux s’ouvrirent pour se refermer bientôt. Aristodème, en apprenant cette double nouvelle, désespéra du succès et se tua pour ne pas survivre à sa défaite. Voy. Ololygmancie.
Ophites, hérétiques du deuxième siècle qui rendaient un culte superstitieux au serpent. Ils enseignaient que le serpent avait rendu un grand service aux hommes en leur faisant connaître le bien et le mal ; ils maudissaient Jésus-Christ, parce qu’il est écrit qu’il est venu dans le monde pour écraser la tête du serpent. Aussi Origène ne les regardait-il pas comme chrétiens. Leur secte était peu nombreuse.
Ophthalmius, pierre fabuleuse qui rendait, disait-on, invisible celui qui la portait.
Ophthalmoscopie, art de connaître le caractère ou le tempérament d’une personne par l’inspection de ses yeux. Voy. Physiognomonie.
Optimisme. On parle d’une secte de philosophes optimistes qui existaient jadis dans l’Arabie, et qui employaient tout leur esprit à ne rien trouver de mal. Un docteur de cette secte avait une femme acariâtre, qu’il supporta longtemps, mais qu’enfin il étrangla de son mieux ; et il trouva que tout était bien. Le calife fit empaler le coupable, qui souffrit sans se plaindre. Comme les assistants s’étonnaient de sa tranquillité : — Eh mais ! leur dit-il, ne suis-je pas bien empalé ?
On fait aussi ce conte : Le diable emportait un philosophe de la même secte, et celui-ci se laissait emporter tranquillement. — Il faut bien que nous arrivions quelque part, disait-il, et tout est pour le mieux.
Oracles. Les oracles étaient chez les anciens ce que sont les devins parmi nous. Toute la différence qu’il y a entre ces deux espèces, c’est que les gens qui rendaient les oracles se disaient les interprètes des dieux, et que les sorciers ne peuvent relever que du diable. On honorait les premiers ; on méprise les seconds.
Le P. Kirker, dans le dessein de détromper les gens superstitieux sur les prodiges attribués à l’oracle de Delphes, avait imaginé un tuyau adapté avec tant d’art à une figure automate, que quand quelqu’un parlait un autre entendait dans une chambre éloignée ce qu’on venait de dire, et répondait par ce même tuyau, qui faisait ouvrir la bouche et remuer les lèvres de l’automate. Il supposa en conséquence que les prêtres du paganisme, en se servant de ces tuyaux, faisaient accroire aux sots que l’idole satisfaisait à leurs questions.
L’oracle de Delphes est le plus fameux de tous. Il était situé sur un côté du Parnasse, coupé de sentiers taillés dans le roc, entouré de rochers qui répétaient plusieurs fois le son d’une seule trompette. Un berger le découvrit en remarquant que ses chèvres étaient enivrées de la vapeur que produisait une grotte autour de laquelle elles paissaient. La prêtresse rendait ses oracles, assise sur un trépied d’or, au-dessus de cette cavité ; la vapeur qui en sortait la faisait entrer dans une sorte de délire effrayant, qu’on prenait pour un enthousiasme divin.
Les oracles de la Pythie n’étaient autre chose qu’une inspiration démoniaque, dit Leloyer, et ne procédaient point d’une voix humaine. Dès qu’elle entrait en fonction, son visage s’altérait, sa gorge s’enflait, « sa poitrine pantoisait et haletait sans cesse ; elle ne ressentait rien que rage ; elle remuait la tête, faisait la roue du cou, pour parler comme le poète Stace, agitait tout le corps et rendait ainsi ses réponses. »
Les prêtres de Dodone disaient que deux colombes étaient venues d’Égypte dans leur forêt, parlant le langage des hommes, et qu’elles avaient commandé d’y bâtir un temple à Jupiter, qui promettait de s’y trouver et d’y rendre des oracles. Pausanias conte que des filles merveilleuses se changeaient en colombes, et sous cette forme rendaient les célèbres oracles de Dodone. Les chênes parlaient dans cette forêt enchantée (Voy. Arbres), et on y voyait une statue qui répondait à tous ceux qui la consultaient, en frappant avec une verge sur des chaudrons d’airain, laissant à ses prêtres le soin d’expliquer les sons prophétiques qu’elle produisait.
Le bœuf Apis, dans lequel l’âme du grand Osiris s’était retirée, était regardé chez les Égyptiens comme un oracle. En le consultant, on se mettait les mains sur les oreilles et on les tenait bouchées jusqu’à ce qu’on fût sorti de l’enceinte du temple ; alors on prenait pour réponse du dieu la première parole qu’on entendait.
Ceux qui allaient consulter en Achaïe l’oracle d’Hercule, après avoir fait leur prière dans le temple, jetaient au hasard quatre dés, sur les faces desquels étaient gravées quelques figures ; ils allaient ensuite à un tableau où ces hiéroglyphes étaient expliqués et prenaient pour la réponse du dieu l’interprétation qui répondait à la chance qu’ils avaient amenée.
Les oracles présentaient ordinairement un double sens, qui sauvait l’honneur du dieu et leur donnait un air de vérité, mais de vérité cachée au milieu du mensonge, que peu de gens avaient l’esprit de voir.
Théagène de Thase avait remporté quatorze cents couronnes en différents jeux, de sorte qu’après sa mort on lui éleva une statue en mémoire de ses victoires. Un de ses ennemis allait souvent insulter cette statue, qui tomba sur lui et l’écrasa. Ses enfants, conformément aux lois de Dracon, qui permettaient d’avoir action même contre les choses inanimées, quand il s’agissait de punir l’homicide, poursuivirent la statue de Théagène pour le meurtre de leur père ; elle fut condamnée à être jetée dans la mer. Les Thasiens furent peu après affligés d’une peste. L’oracle consulté répondit : Rappelez vos exilés. Ils rappelèrent en conséquence quelques-uns de leurs concitoyens ; mais la calamité ne cessant point, ils renvoyèrent à l’oracle, qui leur dit alors plus clairement : Vous avez détruit les honneurs du grand Théagène !… La statue fut remise à sa place ; on lui sacrifia comme à un dieu, et la peste s’apaisa.
On consultait l’oracle sur toutes choses. Euchidas, jeune Platéen, périt victime de son zèle pour son pays. Après la bataille de Platée, l’oracle de Delphes ordonna à ses compatriotes d’éteindre tout le feu qui était dans le pays, parce qu’il avait été profané parles barbares, et d’en venir prendre un plus pur à Delphes. Le feu fut éteint dans toute la contrée. Euchidas se chargea d’aller chercher celui de Delphes avec toute la diligence possible. En effet, il partit en courant et revint de même, après avoir fait mille stades dans un jour. En arrivant, il salua ses compatriotes, leur remit le feu sacré et tomba mort de lassitude. Les Platéens lui élevèrent un tombeau avec cette épitaphe : « Ci-gît Euchidas, mort pour être allé à Delphes et en être revenu en un seul jour. »
Philippe, roi de Macédoine, fut averti par l’oracle d’Apollon qu’il serait tué par une charrette : c’est pourquoi il commanda aussitôt qu’on fît sortir toutes les charrettes et tous les chariots de son royaume. Toutefois il ne put échapper au sort que l’oracle avait si bien prévu : Pausanias, qui lui donna la mort, portait une charrette gravée à la garde de l’épée dont il le perça. Ce même Philippe désirant savoir s’il pourrait vaincre les Athéniens, l’oracle qu’il consultait lui répondit :
Quelquefois les oracles ont dit des vérités. Qui les y contraignait ? On est surpris de lire dans Porphyre que l’oracle de Delphes répondit un jour à des gens qui lui demandaient ce que c’était que Dieu : « Dieu est la source de la vie, le principe de toutes choses, le conservateur de tous les êtres. Tout est plein de Dieu : il est partout. Personne ne l’a engendré : il est sans mère. Il sait tout, et on ne peut rien lui apprendre. Il est inébranlable dans ses desseins, et son nom est ineffable. Voilà ce que je sais de Dieu, ne cherche pas à en savoir davantage : ta raison ne saurait le comprendre, quelque sage que tu sois. Le méchant et l’injuste ne peuvent se cacher devant lui ; l’adresse et l’excuse ne peuvent rien déguiser à ses regards perçants. »
Dans Suidas, l’oracle de Sérapis dit à Thulis, roi d’Égypte : « Dieu, le Verbe, et l’Esprit qui les unit, tous ces trois ne sont qu’un : c’est le Dieu dont la force est éternelle. Mortel, adore et tremble, ou tu es plus à plaindre que l’animal dépourvu de raison. »
Le comte de Gabalis, en attribuant les oracles aux esprits élémentaires, ajoute qu’avant Jésus-Christ ces esprits prenaient plaisir à expliquer aux hommes ce qu’ils savaient de Dieu et à leur donner de sages conseils ; mais qu’ils se retirèrent quand Dieu vint lui-même instruire les hommes, et que dès lors les oracles se turent.
« On pensera des oracles des païens ce que l’on voudra, dit dom Calmet dans ses Dissertations sur les apparitions, je n’ai nul intérêt à les défendre, je ne ferai pas même difficulté d’avouer qu’il y a eu de la part des prêtres et des prêtresses qui rendaient ces oracles beaucoup de supercheries et d’illusions. Mais s’ensuit-il que le démon ne s’en soit jamais mêlé ? On ne peut disconvenir que, depuis le Christianisme, les oracles ne soient tombés insensiblement dans le mépris et n’aient été réduits au silence, et que les prêtres, qui se mêlaient de prédire les choses cachées et futures, n’aient été souvent forcés d’avouer que la présence des chrétiens leur imposait silence. »
Orages. Voy. Criériens, Tonnerre, etc.
Oraison du loup. Quand on l’a prononcée pendant cinq jours au soleil levant, on peut défier les loups les plus affamés et mettre les chiens à la porte. La voici, cette oraison fameuse :
« Viens, bête à laine, c’est l’agneau d’humilité ; je te garde. Va droit, bête grise, à gris agrippeuse ; va chercher ta proie, loups et louves et louveteaux : tu n’as point à venir à cette viande qui est ici. Vade retro, o Satana ! » Voy. Gardes.
Oray ou Loray, grand marquis des enfers, qui se montre sous la forme d’un superbe archer portant un arc et des flèches ; il anime les combats, empire les blessures faites par les archers, lance les javelines les plus meurtrières. Trente légions le reconnaissent pour dominateur et souverain.
Orcavelle, magicienne célèbre dans les romans de chevalerie. Elle opérait des enchantements extraordinaires.
Ordalie. On donnait le nom d’ordalie à une série d’épreuves par les éléments. Elles consistaient à marcher les yeux bandés parmi des socs de charrue rougis au feu, à traverser des brasiers enflammés, à plonger le bras dans l’eau bouillante, à tenir à la main une barre de fer rouge, à avaler un morceau de pain mystérieux, à être plongé, les mains liées aux jambes, dans une grande cuve d’eau, enfin à étendre pendant assez longtemps les bras devant une croix. Voy. Croix, Eau, Feu, etc.
Oreille. On dit que nos amis parlent de nous quand l’oreille gauche nous tinte, et nos ennemis quand c’est la droite.
Oresme (Guillaume), astrologue du quatorzième siècle, dont on sait peu de chose.
Orfa. Le lac d’Orfa, près d’Édesse, pullule de poissons réputés sacrés. Il est expressément défendu, en mémoire d’Abraham, d’y jamais tendre un filet ou d’y jeter une amorce.
Orgueil, le péché qui ouvre la phalange odieuse des sept péchés capitaux. C’est le péché d’Adam, et il nous est resté.
Orias, démon des astrologues et des devins, grand marquis de l’empire infernal. Il se montre sous les traits d’un lion furieux, assis sur un cheval qui a la queue d’un serpent. Il porte dans chaque main une vipère. Il connaît l’astronomie et enseigne l’astrologie. Il métamorphose les hommes à leur volonté, leur fait obtenir des dignités et des titres, et commande trente légions.
Originel (Péché), la source de tous les maux qui affligent l’humanité, réparé par le baptême dans ses conséquences éternelles. Ceux qui nient le péché originel n’ont pourtant jamais pu expliquer leur négation. Voy. Péché.
Origines du monde. Tout s’accorde pour reconnaître au monde une origine peu éloignée. L’histoire, aussi bien que la sainte Bible, ne nous permet guère de donner au monde plus de six mille ans ; et rien dans les arts, dans les monuments, dans la civilisation des anciens peuples, ne contredit l’Écriture sainte. Racontons toutefois les rêveries des conteurs païens. Sanchoniaton présente ainsi l’origine du monde. Le Très-Haut et sa femme habitaient le sein de la lumière. Ils eurent un fils beau comme le Ciel, dont il porta le nom, et une fille belle comme la Terre, dont elle porta le nom. Le Très-Haut mourut, tué par des bêtes féroces, et ses enfants le déifièrent. Le Ciel, maître de l’empire de son père, épousa alors la Terre, sa sœur, et en eut plusieurs enfants, entre autres Hus ou Saturne. Il prit encore soin de sa postérité avec quelques autres femmes ; mais la Terre en témoigna tant de jalousie qu’ils se séparèrent. Néanmoins le Ciel revenait quelquefois à elle et l’abandonnait ensuite de nouveau, ou cherchait à détruire les enfants qu’elle lui avait donnés. Quand Saturne fut grand, il prit le parti de sa mère et la protégea contre son père, avec le secours d’Hermès, son secrétaire. Saturne chassa son père et régna en sa place. Ensuite il bâtit une ville, et se défiant de Sadid, l’un de ses fils, il le tua et coupa la tête à sa fille, au grand étonnement des dieux. Cependant le Ciel, toujours fugitif, envoya trois de ses filles à Saturne pour le faire périr ; ce prince les fit prisonnières et les épousa. À cette nouvelle, le père en détacha deux autres que Saturne épousa pareillement. Quelque temps après Saturne, ayant tendu des embûches à son père, l’estropia et l’honora ensuite comme un dieu.
Tels sont les divins exploits de Saturne, tel fut l’âge d’or. Astarté la Grande régna alors dans le pays par le consentement de Saturne ; elle porta sur sa tête une tête de taureau pour marque de sa royauté, etc..
Au commencement, dit Hésiode, était le Chaos, ensuite la Terre, le Tartare, l’Amour, le plus beau des dieux. Le Chaos engendra l’Erèbe et la Nuit, de l’union desquels naquirent le Jour et la Lumière. La Terre produisit alors les étoiles, les montagnes et la mer. Bientôt, unie au Ciel, elle enfanta l’Océan, Hypérion, Japhet, Rhéa, Phœbé, Thétis, Mnémosyne, Thémis et Saturne, ainsi que les cyclopes et les géants Briarée et Gygès, qui avaient cinquante têtes et cent bras. À mesure que ses enfants naissaient, le Ciel les enfermait dans le sein de la Terre. La Terre, irritée, fabriqua une faux qu’elle donna à Saturne. Celui-ci en frappa son père, et du sang qui sortit de cette blessure naquirent les géants et les furies. Saturne eut de Rhéa, son épouse et sa sœur, Vesta, Cérès, Junon, Pluton, Neptune et Jupiter. Ce dernier, sauvé de la dent de son père, qui mangeait ses enfants, fut élevé dans une caverne, et par la suite fit rendre à Saturne ses oncles qu’il tenait en prison, ses frères qu’il avait avalés, le chassa du ciel, et, la foudre à la main, devint le maître des dieux et des hommes.
Les Égyptiens faisaient naître l’homme et les animaux du limon échauffé par le Soleil. Les Phéniciens disaient que le Soleil, la Lune et les astres ayant, paru, le Limon, fils de l’Air et du Feu, enfanta tous les animaux ; que les premiers hommes habitaient la Phénicie ; qu’ils furent d’une grandeur démesurée et donnèrent leur nom aux montagnes du pays ; que bientôt ils adorèrent deux pierres, l’une consacrée au Vent, l’autre au Feu, et leur immolèrent des victimes. Mais le Soleil fut toujours le premier et le plus grand de leurs dieux.
Tous les peuples anciens faisaient ainsi remonter très-haut leur origine, et chaque nation se croyait la première sur la terre. Quelques nations modernes ont la même ambition : les Chinois se disent antérieurs au déluge de quelques centaines de mille ans. Ils croient la matière éternelle ; ils lui font produire un jour le dragon, la tortue, le dragon-cheval, des oiseaux singuliers, et un homme que les chroniques chinoises appellent Pan-kou ; quand il s’est tâté et reconnu dans le chaos, Pan-kou, qui n’est ni créé ni créateur, se fait un ciseau et un maillet avec quoi il débrouille les éléments divers. Les Japonais soutiennent que les dieux dont ils sont descends ont habité leur pays plusieurs millions d’années avant le règne de Sin-Mu, fondateur de leur monarchie. C’est ainsi que les vieux chroniqueurs français font remonter la généalogie de nos rois plus loin que Noé. Une seule découverte dans ces prétentions explique toutes les autres. Nos chroniqueurs ont mis à la file soixante petits rois qui régnaient ensemble, dans le même temps, chacun en sa ville. Telle est la vérité des dynasties chinoises, égyptiennes et japonaises.
Les Parsis ou Guèbres prétendent que, pour peupler plus promptement le monde nouvellement créé, Dieu permit qu’Ève, notre mère commune, mît au monde chaque jour deux enfants jumeaux ; ils ajoutent que durant mille ans la mort respecta les hommes et leur laissa le temps de se multiplier. Les Lapons, qui ne sont pas très-forts, s’imaginent que le monde existe de toute éternité et qu’il n’aura jamais de fin.
Disons un mot de quelques autres origines.
Les hommes tirent plus de vanité d’une noble souche ou d’une souche singulière que d’un cœur noble et d’un mérite personnel. Les peuples de la Côte-d’Or, en Afrique, croient que le premier homme fut produit par une araignée. Les Athéniens se disaient descendus des fourmis d’une forêt de l’Attique. Parmi les sauvages du Canada, il y a trois familles principales : l’une prétend descendre d’un lièvre, l’autre dit qu’elle descend d’une très-belle et très-courageuse femme qui eut pour mère une carpe, dont l’œuf fut échauffé par les rayons du soleil ; la troisième famille se donne pour premier ancêtre un ours. Les rois des Goths étaient pareillement nés d’un ours. Les Pégusiens sont nés d’un chien. Les Suédois et les Lapons sont issus de deux frères, dont le courage était bien différent, s’il faut en croire les Lapons. Un jour qu’il s’était élevé une tempête horrible, l’un des deux frères (ils se trouvaient ensemble) fut si épouvanté qu’il se glissa sous une planche, que Dieu, par pitié, convertit en maison. De ce poltron sont nés tous les Suédois. L’autre, plus courageux, brava la furie de la tempête, sans chercher même à se cacher : ce brave fut le père des Lapons, qui vivent encore aujourd’hui sans s’abriter.
Les Syriens disent que notre planète n’était pas faite pour être habitée originairement par des gens raisonnables, mais que, parmi les citoyens du ciel, il se trouva deux gourmands, le mari et la femme, qui s’avisèrent de manger une galette. Pressés ensuite d’un besoin qui est la suite de la gourmandise, ils demandèrent à un des principaux domestiques de l’empire où était la garde-robe. Celui-ci leur répondit : Voyez-vous-la terre, ce petit globe qui est à mille millions de lieues de nous ? C’est là. Ils y allèrent, et on les y laissa pour les en punir.
Selon les Indiens, huit éléphants soutiennent le monde ; ils les appellent Achtequedjams.
On peut voir, pour plus de détails, le préambule des Légendes de l’Ancien Testament.
Ornithomancie, divination qu’on tirait de la langue, du vol, du cri et du chant des oiseaux. Voy. Augures.
Orobas, grand prince du sombre empire. On le voit sous la forme d’un beau cheval. Quand il paraît sous la figure d’un homme, il parle de l’essence divine. Consulté, il donne des réponses sur le passé, le présent et l’avenir. Il découvre le mensonge, accorde des dignités et des emplois, réconcilie les ennemis, et a sous ses ordres vingt légions.
Oromasis, salamandre distingué que les cabalistes donnent pour compagnon de Noé dans l’arche.
Oromaze, Ormos, Ormuzd. La mythologie persane dit que le dieu Oromaze fit vingt-quatre dieux, et les mit tous dans un œuf. Ahriman, son ennemi, en ayant aussi fait un pareil nombre, ceux-ci percèrent l’œuf, et le mal se trouva alors mêlé avec le bien. Voy. Ahriman.
Oronte. Pausanias raconte qu’un empereur romain, voulant transporter ses troupes depuis la mer jusqu’à Antioche, entreprit de rendre l’Oronte navigable, afin que rien n’arrêtât ses vaisseaux. Ayant donc fait creuser un canal avec beaucoup de peines et de frais, il détourna le fleuve et lui fit changer de lit. Quand le premier canal fut à sec, on y trouva un tombeau de briques long de onze coudées, qui refermait un cadavre de pareille grandeur et de figure humaine dans toutes ses parties. Les Syriens ayant consulté l’oracle d’Apollon, à Claros, pour savoir ce que c’était, il leur fut répondu que c’était Oronte, Indien de nation.
Orphée, époux d’Eurydice, qu’il perdit le jour de ses noces, qu’il pleura si longtemps, et qu’il alla enfin redemander aux enfers. Platon la lui rendit, à condition qu’il ne regarderait point derrière lui jusqu’à ce qu’il fut hors du sombre empire. Orphée ne put résister à son impatience ; il se retourna et perdit Eurydice une seconde fois et sans retour. Il s’enfonça alors dans un désert, jura de ne plus aimer, et chanta ses douleurs d’un ton si touchant qu’il attendrit les bêtes féroces. Les bacchantes furent moins sensibles, car sa tristesse le fit mettre en pièces par ces furieuses. Les anciens voyaient dans Orphée un musicien habile à qui rien ne pouvait résister. Les compilateurs du moyen âge l’ont regardé comme un magicien insigne, et ont attribué aux charmes de la magie les merveilles que la mythologie attribue au charme de sa voix.
Orphée fut le plus grand sorcier et le plus grand nécromancien qui jamais ait vécu, dit Pierre Leloyer. Ses écrits ne sont farcis que des louanges des diables. Il savait les évoquer. Il institua l’ordre des Orphéotélestes, espèce de sorciers, parmi lesquels Bacchus tenait anciennement pareil lieu que le diable tient aujourd’hui aux assemblées du sabbat. Bacchus, qui n’était qu’un diable déguisé, s’y nommait Sabasius : c’est de là que le sabbat a tiré son nom. Après la mort d’Orphée, sa tête rendit des oracles dans l’île de Lesbos. Tzetzès dit qu’Orphée apprit en Égypte la funeste science de la magie, qui y était en grand crédit, et surtout Part de charmer les serpents. Pausanias explique sa descente aux enfers par un voyage en Thesprotie, où l’on évoquait par des enchantements les âmes des morts. L’époux d’Eurydice, trompé par un fantôme qu’on lui fit voir pendant quelques instants, mourut de regret, ou du moins renonça pour jamais à la société des hommes et se retira sur les montagnes de Thrace. Leclerc prétend qu’Orphée était un grand magicien ; que ses hymnes sont des évocations infernales, et que, si l’on en croit Apollodore et Lucien, c’est lui qui a mis en vogue dans la Grèce la magie, Part de lire dans les astres et l’évocation des mânes.
Orphelinats. Plusieurs fois ces établissements de charité ont été obsédés par les malins esprits. Dans la maison d’orphelines fondée à Lille au milieu du dix-septième siècle par Antoinette Bourignon, la fondatrice crut voir un jour une nuée de petits démons voltigeant autour des têtes de ses jeunes filles. Elle les entoura de surveillance. Un jour, une d’elles s’étant échappée d’une chambre bien close où on Pavait enfermée, on lui demanda qui Pavait mise en liberté ; elle répondit : « J’ai été délivrée par un esprit auquel je me suis vouée dès l’enfance. » Dès lors cinquante orphelines se déclarèrent possédées ; elles disaient qu’elles étaient emportées au sabbat toutes les nuits. On accusa la Bourignon d’avoir enflammé les imaginations de ces pauvres jeunes filles, et là peur qu’elle eut d’être poursuivie l’engagea à s’enfuir.
En 1669, les orphelins de l’hospice de Horn furent pareillement atteints de convulsions et de délire. C’était un pays de protestants, et les démons avaient beau jeu ; car les ministres, qui chez eux remplaçaient nos prêtres, ne pouvaient exorciser. Cependant, ces orphelins hurlaient et aboyaient comme des chiens. Ils se jetaient par terre et se heurtaient à se briser contre des corps durs. Un siècle auparavant, en 1566, la même crise avait eu lieu dans la maison des orphelins d’Amsterdam. Hooft, dans son Histoire des Pays-Bas, rapporte que soixante-dix de ces pauvres enfants étaient évidemment possédés par de mauvais esprits. Ils grimpaient aux murs les plus élevés et couraient sur les toits comme des chats. Si on les fâchait, leurs figures devenaient horribles. Ils parlaient des langues qu’ils n’avaient jamais apprises et racontaient dans leur petite chambre ce qui se passait et ce qui se disait à l’hôtel de ville, au moment même où ils parlaient. C’était donc une épidémie diabolique ; et nous ne saurions dire comment elle fut calmée.
Orphéotélestes, gens qui faisaient le sabbat, c’est-à-dire les mystères d’Orphée.
Or portable, Or artificiel. Voy. Alchimie.
Orr (John). C’était un Américain, en correspondance sans doute avec les esprits. Il prêchait le spiritisme dans les rues, se disant l’ange Gabriel, et par conséquent à l’abri de la mort. Il avait des adeptes qui furent donc bien surpris de le voir mourir comme un homme, au commencement de l’année 1857, à Démérara.
Orthon, lutin ou esprit familier qui s’attacha au comte de Foix. Le bon Froissart en a parlé.
Ortie brûlante. Les Islandais, qui appellent cette plante netla, croient qu’elle a une vertu singulière pour écarter les sortilèges. Selon eux, il faut en faire des poignées de verges et en fouetter les sorciers à nu.
Os des morts. Certains habitants de la Mauritanie ne mettent jamais deux corps dans la même sépulture, de peur qu’ils ne s’escamotent mutuellement leurs os au jour de la résurrection.
Othon. Suétone dit que le spectre de Galba poursuivait sans relâche Othon, son meurtrier, le tiraillait hors du lit, l’épouvantait et lui causait mille tourments. C’était peut-être le remords.
Otis ou Botis, grand président des enfers. Il apparaît sous la forme d’une vipère ; quand il prend la figure humaine, il a de grandes dents, deux cornes sur la tête et un glaive à la main ; il répond effrontément sur le présent, le passé et l’avenir. Il a autant d’amis que d’ennemis. Il commande soixante légions.
Ouahiche, génie ou démon dont les jongleurs iroquois se prétendent inspirés. C’est lui qui leur révèle les choses futures.
Ouikka, mauvais génie qui, chez les Esquimaux, fait naître les tempêtes et renverse les barques.
Oulon-Toyon, chef des vingt-sept tribus d’esprits malfaisants, que les Yakouts supposent répandus dans l’air et acharnés à leur nuire. Il a une femme et beaucoup d’enfants.
Oupires. Voy. Vampires.
Ouran ou Ouran-Soangue, homme endiablé, sorte de magiciens de l’île Gromboccanore, dans les Indes orientales. Ils ont la réputation de se rendre invisibles quand il leur plaît, et de se transporter où ils veulent. Le peuple les craint et les hait mortellement ; quand on peut en attraper quelqu’un, on le tue sans miséricorde.
Ourisk, lutin du genre des sylvains et des satyres du paganisme.
Ours. Quand les Ostiaks ont tué un ours, ils l’écorchent et mettent sa peau sur un arbre auprès d’une de leurs idoles ; après quoi ils lui rendent leurs hommages, lui font de très-humbles excuses de lui avoir donné la mort et lui représentent que dans le fond ce n’est pas à eux qu’il doit s’en prendre, puisqu’ils n’ont pas forgé le fer qui l’a percé, et que la plume qui a hâté le vol de la flèche appartient à un oiseau étranger. Au Canada, lorsque des chasseurs tuent un ours, un d’eux s’en approche, lui met entre les dents le tuyau de sa pipe, souffle dans le fourneau, et, lui remplissant ainsi de fumée la gueule et le gosier, il conjure l’esprit de cet animal de ne pas s’offenser de sa mort. Mais comme l’esprit ne fait aucune réponse, le chasseur, pour savoir si sa prière est exaucée, coupe le filet qui est sous la langue de l’ours et le garde jusqu’à la fin de la chasse. Alors on fait un grand feu dans toute la bourgade, et toute la troupe y jette ces filets avec cérémonie : s’ils y pétillent et se retirent, comme il doit naturellement arriver, c’est une marque certaine que les esprits des ours sont apaisés ; autrement on se persuade qu’ils sont irrités et que la chasse ne sera point heureuse l’année d’après, à moins qu’on ne prenne soin de se les réconcilier par des présents et des invocations.
Le diable prend quelquefois la forme de cet animal. Il s’est présenté un jour sous cette peau à une Allemande ; il entraînait à sa suite quelques petits, qui n’étaient que des cobols. L’Allemande se défia et le mit en fuite par le signe de la croix. Un choriste de Cîteaux, s’étant légèrement endormi aux matines, s’éveilla en sursaut et aperçut un ours qui sortait du chœur. Cette vision commença à l’effrayer, quand il vit l’ours reparaître et considérer attentivement tous les novices, comme un officier de police qui fait sa ronde, o. Enfin, le monstre sortit de nouveau en disant : « Ils sont bien éveillés ; je reviendrai tout à l’heure voir s’ils dorment… » Le naïf légendaire ajoute que c’était le diable, qu’on avait envoyé pour contenir les frères dans leur devoir
On croyait autrefois que ceux qui avaient mangé la cervelle d’un ours étaient frappés de vertiges, durant lesquels ils se croyaient transformés en ours et en prenaient les manières.
Ovide. On lui attribue un ouvrage de magie intitulé le Livre de la vieille, que nous ne connaissons pas.
Oxyones, peuples imaginaires de Germanie, qui avaient, dit-on, la tête d’un homme et le reste du corps d’une bête. C’est une fable et une farce. Les faiseurs de caricatures ont souvent pris ce thème, notamment en 1791, pour le général Lafayette, qui était toujours à cheval.
Oze, grand président des enfers. Il se présente sous la forme d’un léopard ou sous celle d’un homme. Il rend ses adeptes habiles dans les arts libéraux. Il répond sur les choses divines et abstraites, métamorphose l’homme, le rend insensé au point de lui faire croire qu’il est roi ou empereur. Oze porte une couronne ; mais son règne ne dure qu’une heure par jour.
P
Pa (Olaùs). Voy. Harppe.
Pacte. Il y a plusieurs manières de faire pacte avec le diable. Les gens qui donnent dans les croyances superstitieuses pensent le faire venir en lisant le Grimoire à l’endroit des évocations, en récitant les formules de conjuration rapportées dans ce dictionnaire, ou bien en saignant une poule noire dans un grand chemin croisé, et l’enterrant avec des paroles magiques. Quand le diable veut bien se montrer, on fait alors le marché, que l’on signe de son sang. Au reste, on dit l’ange des ténèbres accommodant, sauf la condition accoutumée de se donner à lui.
Le comte de Gabalis, qui ôte aux démons leur antique pouvoir, prétend que ces pactes se font avec les gnomes, qui achètent l’âme des hommes pour les trésors qu’ils donnent largement ; en cela, cependant, conseillés par les hôtes du sombre empire.
Un pacte, dit Bergier, est une convention, expresse ou tacite, faite avec le démon, dans l’espérance d’obtenir par son entremise des choses qui passent les forces de la nature. Un pacte peut donc être exprès et formel, ou tacite et équivalent. Il est censé exprès et formel :^lorsque par soi-même on invoque expressément le démon et que l’on demande son secours, soit que l’on voie réellement cet esprit de ténèbres, soit que l’on croie le voir ; 2° quand on l’invoque par le ministère de ceux que l’on croit être en relation et en commerce avec lui ; 3° quand on fait quelque chose dont on attend l’effet de lui. Le pacte est seulement tacite ou équivalent, lorsque l’on se borne à faire une chose de laquelle on espère un effet qu’elle ne peut produire naturellement, ni surnaturellement et par l’opération de Dieu, parce qu’alors on ne peut espérer cet effet que par l’intervention du démon. Ceux, par exemple, qui prétendent guérir les maladies par des paroles doivent comprendre que les paroles n’ont pas naturellement cette vertu. Dieu n’y a pas attaché non plus cette efficacité. Si donc elles produisaient cet effet, ce ne pourrait être que par l’opération de l’esprit infernal. De là, les théologiens concluent que non-seulement toute espèce de magie, mais encore toute espèce de superstition, renferme un pacte au moins tacite ou équivalent avec le démon, puisque aucune pratique superstitieuse ne peut rien produire, à moins qu’il ne s’en mêle. C’est le sentiment de saint Augustin, de saint Thomas et de tous ceux qui ont traité cette matière.
Donnons ici une pièce curieuse des grimoires. C’est ce qu’ils appellent le « Sanctum regnum de la Clavicule, ou la véritable manière de faire les pactes ; avec les noms, puissances et talents de tous les grands esprits supérieurs, comme aussi la manière de les faire paraître par la force de la grande appellation du chapitre des pactes de la grande Clavicule, qui les force d’obéir à quelque opération que l’on souhaite ».
« Le véritable sanctum regnum de la grande Clavicule, autrement dit les pacta conventa dœmoniorum, dont on parle depuis si longtemps, sont une chose fort nécessaire à établir ici pour l’intelligence de ceux qui, voulant forcer les esprits, n’ont point la qualité requise pour composer la verge foudroyante et le cercle cabalistique. Ils ne peuvent venir à bout de forcer aucun esprit de paraître, s’ils n’exécutent de point en point tout ce qui est décrit ci-après touchant la manière de faire des pactes avec quelque esprit que ce puisse être, soit pour avoir des trésors, soit pour découvrir les secrets les plus cachés, soit pour faire travailler un esprit pendant la nuit à son ouvrage, ou pour faire tomber une grêle ou la tempête partout où l’on souhaite ; soit pour se rendre invisible, pour se faire transporter partout où l’on veut, pour ouvrir toutes les serrures, voir tout ce qui se passe dans les maisons et apprendre tous les tours et finesses des bergers ; soit pour acquérir la main de gloire et pour connaître les qualités et les vertus des métaux et des minéraux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; pour faire, en un mot, des choses si merveilleuses, qu’il n’y a aucun homme qui n’en soit dans la dernière surprise. C’est par la grande Clavicule de Salomon que l’on a découvert la véritable manière de faire les pactes ; il s’en est servi lui-même pour acquérir de grandes richesses, et pour connaître les plus impénétrables secrets de la nature.
« Nous commencerons par décrire les noms des principaux esprits avec leur puissance et pouvoir, et ensuite nous expliquerons les pacta dœmoniorum, ou la véritable manière de faire les pactes avec quelque esprit que ce soit. Voici les noms des principaux :
» Lucifer, empereur. — Belzébuth, prince. — Astaroth, grand-duc.
» Ensuite viennent les esprits supérieurs qui sont subordonnés aux trois nommés ci-devant :
» Lucifuge, premier ministre. — Satanachia, grand général. — Fleurety, lieutenant général. — Nébiros, maréchal de camp. — Agaliarept, grand sénéchal. — Sargatanas, brigadier chef.
» Les six grands esprits que je viens de nommer ci-devant dirigent, par leur pouvoir, toute la puissance infernale qui est donnée aux autres esprits. Ils ont à leur service dix-huit autres esprits qui leur sont subordonnés, savoir :
» Baël, Agarès, Marbas, Pruflas, Aamon, Barbatos, Buer, Gusoyn, Botis, Bathym, Pursan, Abigar, Loray, Valafar, Foray, Ayperos, Naberus, Classyalabolas.
» Après vous avoir indiqué les noms des dix-huit esprits ci-devant, qui sont inférieurs aux six premiers, il est bon de vous prévenir de ce qui suit, savoir :
» Que Lucifuge commande sur les trois premiers, qui se nomment Baël, Agarès et Marbas ; Satanachia sur Pruflas, Aamon et Barbatos ; Agaliarept sur Buer, Gusoyn et Botis ; Fleurety sur Bathym, Pursan et Abigar ; Sargatanas sur Loray, Valafar et Foray ; Nébiros sur Ayperos, Naberus et Glassialabolas.
» Et, quoiqu’il y ait encore des millions d’esprits qui sont tous subordonnés à ceux-là, il est très-inutile de les nommer, à cause que l’on ne s’en sert que quand il plaît aux esprits supérieurs de les faire travailler à leur place, parce qu’ils se servent de tous ces esprits inférieurs comme s’ils étaient leurs esclaves. Ainsi, en faisant le pacte avec un des six principaux dont vous avez besoin, il n’importe quel esprit vous serve ; néanmoins demandez toujours à l’esprit avec lequel vous faites votre pacte que ce soit un des trois principaux qui lui sont subordonnées.
» Voici précisément les puissances, sciences, arts et talents des esprits susnommés, afin que celui qui veut faire un pacte puisse trouver dans chacun des talents des six esprits supérieurs ce dont il aura besoin.
» Le premier est le grand Lucifuge Rofocale, premier ministre infernal ; il a la puissance que Lucifer lui a donnée sur toutes les richesses et sur tous les trésors du monde.
» Le second est Satanachia, grand général ; il a la puissance de soumettre toutes les femmes et commande la grande légion des esprits.
» Agaliarept, aussi général, a la puissance de découvrir les secrets les plus cachés dans toutes les cours et dans tous les cabinets du monde ; il dévoile les plus grands mystères ; il commande la seconde légion des esprits.
» Fleurety, lieutenant général, a la puissance de faire tel ouvrage que l’on souhaite pendant la nuit ; il fait aussi tomber la grêle partout où il veut. Il commande un corps très-considérable d’esprits.
» Sargatanas, brigadier, a la puissance de vous rendre invisible, de vous transporter partout, d’ouvrir toutes les serrures, de vous faire voir tout ce qui se passe dans les maisons, de vous apprendre tous les tours et finesses des bergers ; il commande plusieurs brigades d’esprits.
» Nébiros, maréchal de camp et inspecteur général, a la puissance de donner du mal à qui il veut ; il fait trouver la main de gloire, il enseigne toutes les qualités des métaux, des minéraux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; c’est lui qui a aussi l’art de prédire l’avenir, étant un des plus grands nécromanciens de tous les esprits infernaux : il va partout ; il a inspection sur toutes les malices infernales.
» Quand vous voudrez faire votre pacte avec un des principaux esprits que je viens de nommer, l’avant-veille du pacte, vous irez couper, avec un couteau neuf qui n’ait jamais servi, une baguette de noisetier sauvage, qui n’ait jamais porté et qui soit semblable à la verge foudroyante ; vous la couperez positivement au moment où le soleil paraît sur l’horizon. Cela fait, vous vous munirez d’une pierre ématille et de deux cierges bénits, et vous choisirez ensuite pour l’exécution un endroit où personne ne vous incommode. Vous pouvez même faire le pacte dans une chambre écartée ou dans quelque masure de vieux château ruiné, parce que l’esprit a le pouvoir d’y transporter tel trésor qui lui plaît. Vous tracerez un triangle avec votre pierre ématille, et cela seulement la première fois que vous faites le pacte ; ensuite vous placerez les deux cierges bénits à côté ; vous écrirez autour le saint nom de Jésus, afin que les esprits ne vous puissent faire aucun mal. Ensuite vous vous poserez au milieu du triangle, ayant en main la baguette mystérieuse, avec la grande appellation à l’esprit, la demande que vous voulez lui faire, le pacte et le renvoi de l’esprit.
» Vous commencerez à réciter l’appellation suivante avec fermeté.
« Empereur Lucifer, maître de tous les esprits rebelles, je te prie de m’être favorable dans l’appellation que je fais à ton grand ministre Lucifuge Rofocale, ayant envie de faire pacte avec lui. Je te prie aussi, prince Belzébuth, de me protéger dans mon entreprise. Comte Astaroth, sois-moi propice, et fais que dans cette nuit le grand Lucifuge m’apparaisse sous une forme humaine, sans aucune mauvaise odeur, et qu’il m’accorde, par le moyen du pacte que je vais lui présenter, toutes les richesses dont j’ai besoin. Ô grand Lucifuge ! je te prie de quitter ta demeure, dans quelque partie du monde qu’elle soit, pour venir me parler ; sinon je t’y contraindrai par la force du grand Dieu vivant, de son cher Fils et du Saint-Esprit ; obéis promptement, ou tu vas être éternellement tourmenté par la force des puissantes paroles de la grande Clavicule de Salomon, paroles dont il se servait pour obliger les esprits rebelles à recevoir son pacte. Ainsi, parais au plus tôt, ou je te vais continuellement tourmenter par la force de ces puissantes paroles de la Clavicule : Agipn, tetagram, vaychéon stimulamaton y ezparès tetragrammaton oryoram irion esytion existion eryona onera brasim moym messias soler Emanuel Sabaoth Adonaï, teadoro etinvoco. »
» Vous êtes sûr que, d’abord que vous aurez lu ces puissantes paroles, l’esprit paraîtra et vous dira ce qui suit : « Me voici : que me demandes-tu ? Pourquoi troubles-tu mon repos ? Réponds-moi. — Je te demande pour faire pacte avec toi, et enfin que tu m’enrichisses au plus tôt ; sinon je te tourmenterai par les puissantes paroles de la Clavicule. — Je ne puis t’accorder ta demande qu’à condition que tu te donnes à moi dans vingt ans, pour faire de ton corps et de ton âme ce qu’il me plaira. »
» Alors vous lui jetterez votre pacte, qui doit être écrit de votre propre main sur un petit morceau de parchemin vierge ; il consiste en ce peu de mots auxquels vous mettrez votre signature avec votre véritable sang. « Je promets au grand Lucifuge de le récompenser dans vingt ans de tous les trésors qu’il me donnera. En foi de quoi je me suis signé. »
» L’esprit vous répondra : « Je ne puis accorder ta demande. »
» Alors, pour le forcer à vous obéir, vous relirez la grande interpellation avec les terribles paroles de la Clavicule, jusqu’à ce que l’esprit reparaisse et vous dise ce qui suit : « Pourquoi me tourmentes-tu davantage ? Si tu me laisses en repos, je te donnerai le plus prochain trésor, à condition que tu me consacreras une pièce tous les premiers lundis de chaque mois, et que tu ne m’appelleras qu’un jour de chaque semaine, de dix heures du soir à deux heures après minuit. Ramasse ton pacte, je l’ai signé ; et, si tu ne tiens pas ta parole, tu seras à moi dans vingt ans. —
» J’acquiesce à ta demande, à condition que tu me feras paraître le plus prochain trésor que je pourrai emporter tout de suite. »
» L’esprit dira : « Suis-moi et prends le trésor que je vais te montrer. »
» Vous le suivrez sans vous épouvanter ; vous jetterez votre pacte tout signé sur le trésor, en le touchant avec votre baguette ; vous en prendrez tant que vous pourrez, et vous vous en retournerez dans le triangle en marchant à reculons ; vous y poserez votre trésor devant vous, et vous commencerez tout de suite à lire le renvoi de l’esprit.
» Voici maintenant la conjuration et renvoi de l’esprit avec lequel on a fait pacte :
« Ô grand Lucifuge ! je suis content de toi pour le présent ; je te laisse en repos et te permets de te retirer où bon te semblera, sans faire aucun bruit ni laisser aucune mauvaise odeur. Pense aussi à ton engagement de mon pacte, car, si tu y manques d’un instant, tu peux être sûr que je te tourmenterai éternellement avec les grandes et puissantes paroles de la Clavicule de Salomon, par lequel on force tous les esprits rebelles à obéir… »
Pain (Épreuve du). C’était un pain fait de farine d’orge, bénit ou plutôt maudit par les imprécations d’un prêtre. Les Anglo-Saxons le faisaient manger à un accusé non convaincu, persuadés que s’il était innocent ce pain ne lui ferait point de mal ; que s’il était coupable il ne pourrait l’avaler, ou que s’il l’avalait, il étouffe|rait. Le juge qui faisait cette cérémonie demandait, par une prière composée exprès, que les mâchoires du criminel restassent roides, que son gosier se rétrécît, qu’il ne pût avaler, qu’il rejetât le pain de sa bouche. C’était une profanation des prières de l’Église. La seule chose qui fût réelle dans cette épreuve, qu’on appelait souvent l’épreuve du pain conjuré, c’est que, de toutes les espèces de pain, le pain d’orge moulue un peu gros est le plus difficile à avaler. Voy. Gorsned, Alphitomancie, etc.
Pain bénit. Du côté de Guingamp en Bretagne, et dans beaucoup d’autres lieux, quand on ne peut découvrir le corps d’un noyé, on met un petit cierge allumé sur un pain que l’on a fait bénir et qu’on abandonne au cours de l’eau ; on trouve le cadavre dans l’endroit où le pain s’arrête , et ce qui peut surprendre les curieux, c’est que ce prodige s’est vu très-souvent. Comment l’expliquer ? On a le même usage en Champagne et ailleurs.
Pajot (Marguerite), sorcière qui fut exécutée à Tonnerre en 1576, pour avoir été aux assemblées nocturnes des démons et des sorciers. Elle composait des maléfices et faisait mourir les hommes et les animaux. Elle avait de plus tué un sorcier qui n’avait pas voulu lui prêter un lopin de bois avec lequel il faisait des sortilèges. Une remarque singulière qu’on avait notée, c’est qu’elle revenait du sabbat toujours toute froide .
Palingénésie. Ce mot veut dire renaissance. Duchêne dit avoir vu à Cracovie un médecin polonais qui conservait dans des fioles la cendre de plusieurs plantes ; lorsqu’on voulait voir une rose dans ces fioles, il prenait celle où se trouvait la cendre du rosier, et la mettait sur une chandelle allumée : après qu’elle avait un peu senti la chaleur, on commençait à voir remuer la cendre ; puis on remarquait comme une petite nue obscure qui, se divisant en plusieurs parties, venait enfin à représenter une rose si belle, si fraîche et si parfaite, qu’on l’eût jugée palpable et odorante comme celle qui vient du rosier. Cette nouveauté fut poussée plus loin. On assura que les morts pouvaient revivre naturellement, et qu’on avait des moyens de les faire ressusciter en quelque façon. Van der Beken, surtout, a donné ces opinions pour des vérités incontestables ; et dans le système qu’il a composé pour expliquer de si étranges merveilles, il prétend qu’il y a dans le sang des idées séminales, c’est-à-dire des corpuscules qui contiennent en petit tout l’animal. Quelques personnes, dit-il, ont distillé du sang humain nouvellement tiré, et elles y ont vu, au grand étonnement des assistants saisis de frayeur, un spectre humain gui poussait des gémissements. C’est pour ces causes, ajoute-t-il, que Dieu a défendu aux Juifs de manger le sang des animaux, de peur que les esprits ou idées de leurs espèces qui y sont contenues ne produisissent de funestes effets. Ainsi, en conservant les cendres de nos ancêtres, nous pourrons en tirer des fantômes qui nous en représenteront la figure. Quelle consolation, dit le P. Lebrun, que de repasser en revue son père et ses aïeux, sans le secours du démon et par une nécromancie très-permise ! Quelle satisfaction pour les savants que de ressusciter en quelque manière les Romains, les Grecs, les Hébreux et toute l’antiquité ! Rien d’impossible à cela, il suffit d’avoir les cendres de ceux qu’on veut faire paraître. Ce système eut, comme toutes les rêveries, beaucoup de partisans. On prétendait qu’après avoir mis un moineau en cendres et en avoir extrait le sel, on avait obtenu, par une chaleur modérée, le résultat désiré. L’académie royale d’Angleterre essaya, dit-on, cette expérience sur un homme. Je ne sache pas qu’elle ait réussi. Mais cette découverte, qui n’aurait pas dû occuper un seul instant les esprits, ne tomba que quand un grand nombre de tentatives inutiles eurent prouvé que ce n’était non plus qu’une ridicule chimère. Voy. Cendres. La palingénésie philosophique de Bonnet est un système publié au dernier siècle et condamné ; il est plus du ressort des théologiens que du nôtre.
Palmoscopie, augure qui s’appelait aussi patmicum, et qui se tirait de la palpitation des parties du corps de la victime, calculées à la main.
Palud (Madeleine de Mendoz de la), fille d’un gentilhomme de Marseille, et sœur du couvent des Ursulines, qui fut ensorcelée par Gaufridi à l’âge de dix-neuf ans. Voy. Gaufridi. Cette femme, quarante ans après le procès de Gaufridi, vieille et n’ayant qu’un chien pour compagnie, voulut se mêler encore de sorcellerie, elle fut condamnée, par arrêt du parlement de Provence, à la prison perpétuelle, en 1653.
Pamilius. Pamilius de Phères, tué dans un combat, resta dix jours au nombre des morts ; on l’enleva ensuite du champ de bataille pour le porter sur le bûcher ; mais il revint à la vie et conta des histoires surprenantes de ce qu’il avait vu pendant que son corps était resté sans sentiment.
Pan, l’un des huit grands dieux ou dieux de la première classe chez les Égyptiens. On le représentait sous les traits d’un homme dans la partie supérieure de son corps, et sous la forme d’un bouc dans la partie inférieure. — Dans les démonographies, c’est le prince des démons incubes. Quelques-uns entendent par le grand Pan le règne des démons, qui fut brisé par la mort de Jésus-Christ sur la croix. Plutarque raconte qu’à cette époque solennelle, Épitherse s’étant embarqué sur un vaisseau avec plusieurs autres pour aller en Italie, le vent leur manqua près de certaines îles de la mer Égée ; que comme la plupart des passagers veillaient et buvaient après souper, l’on entendit tout d’un coup une voix venant de l’une de ces îles, qu’il appelle Paxès, et qui appelait si fort Thamus, pilote égyptien, qu’il n’y eut personne de la compagnie qui n’en fût effrayé. Ce Thamus ne répondit qu’à la troisième fois, lorsque la voix, se renforçant, lui cria que quand il serait arrivé en un certain lieu qu’elle désignait, il annonçât que le grand Pan était mort. On délibéra pour savoir si on obéirait, et la conclusion fut que si le vent n’était pas assez fort pour outrepasser le lieu indiqué, il fallait exécuter l’ordre. C’est pourquoi, le calme les arrêtant, Thamus cria de toute sa force : Le grand Pan est mort. Il n’eut pas plutôt achevé que l’on entendit de tous côtés des plaintes et des gémissements. L’empereur Tibère, informé de l’aventure, envoya quérir Thamus, et assembla à ce sujet les savants. Sur quoi Démétrius, pour confirmer cette pensée de la mort des démons, ajouta une autre histoire : il dit qu’ayant été lui-même envoyé par l’empereur pour reconnaître certaines îles stériles situées vers l’Angleterre, il aborda à une de celles qui sont habitées ; que peu après il s’éleva une tempête effroyable qui fit dire aux insulaires que c’était quelqu’un des démons ou des demi-dieux qui était mort.
Pandæmonium, capitale de l’empire infernal, selon Milton.
Panen (Bartholomée), exorciste protestant. Voy. Guillaume.
Paneros. Pline cite une pierre précieuse de ce nom qui rendait les femmes fécondes.
Paniers. Les rabbins racontent une fable assez plaisante sur l’étymologie du mot Ève. Ève, disent-ils, dérive du mot qui signifie causer ; la première femme prit ce nom parce que, lorsque Dieu créa le monde, il tomba du ciel douze paniers remplis de caquets, et qu’elle en ramassa neuf, tandis que son mari n’eut le temps de ramasser que les trois autres.
Panjacartaguel. Ce mot, qui chez les Indiens désigne les cinq dieux, exprimait aussi les cinq éléments qui, engendrés par le Créateur, concoururent à la formation de l’univers. Dieu, disent-ils, tira l’air du néant. L’action de l’air forma le vent. Du choc de l’air et du vent naquit le feu. À sa retraite celui-ci laissa une humidité, d’où l’eau tire son origine. De l’union de ces puissances résulta une écume ; la chaleur du feu en composa une masse qui fut la terre.
Panjangam, almanach des brahmines, où sont marqués les jours heureux et les jours malheureux, et les heures du jour et de la nuit heureuses ou malheureuses.
Pantacles, espèces de talismans magiques. Toute la science de la Clavicule dépend de l’usage des pentacles, qui contiennent les noms ineffables de Dieu. Les pentacles doivent être faits le mercredi, au premier quartier de la lune, à trois heures du matin, dans une chambre aérée, nouvellement blanchie, où l’on habite seul. On y brûle des plantes odoriférantes. On a du parchemin vierge, sur lequel on décrit trois cercles l’un dans l’autre, avec les trois principales couleurs : or, cinabre et vert ; la plume et les couleurs doivent être exorcisées. On écrit alors les noms sacrés, puis on met le tout dans un drap de soie. On prend un pot de terre, où l’on allume du charbon neuf, de l’encens mâle et du bois d’aloès, le tout exorcisé et purifié ; puis, la face tournée vers l’orient, on parfume encore les pentacles avec les espèces odoriférantes, et on les remet dans le drap de soie consacré pour s’en servir au besoin.
On ne peut faire aucune opération magique pour exorciser les esprits sans avoir ce sceau, qui contient les noms de Dieu. Le pentacle n’est parfait qu’après qu’on a renfermé un triangle dans les cercles ; on lit dans le triangle ces trois mois : formatio, reformatio, transformatio’'. À côté du triangle est le mot agla, qui est très-puissant pour arrêter la malice des esprits. Il faut que la peau sur laquelle on applique le sceau soit exorcisée et bénite ; on exorcise aussi l’encre et la plume dont on se sert pour écrire les mots que l’on vient de citer.
Pantarbe, pierre fabuleuse à laquelle quelques docteurs ont attribué la propriété d’attirer l’or, comme l’aimant attire le fer. Philostrate, dans la Vie d’Apollonius, en raconte des merveilles. L’éclat en est si vif, dit-il, qu’elle ramène le jour au milieu de la nuit ; mais, ce qui est le plus étonnant encore, cette lumière est un esprit qui se répand dans la terre et attire insensiblement les pierres précieuses ; plus cette vertu s’étend, plus elle a de force ; et toutes ces pierres dont la pantarbe se fait une ceinture ressemblent à un essaim d’abeilles qui environnent leur roi. De peur qu’un si riche trésor ne devînt trop vil, non— seulement la nature l’a caché dans la terre profonde, mais elle lui a donné la faculté de s’échapper des mains de ceux qui voudraient la prendre sans précaution. On la trouve dans cette partie des Indes où s’engendre l’or. Suivant l’auteur des Amours de Théagène et de Chariclée : elle garantit du feu ceux qui la portent.
Paouaouci, enchantements ou conjurations au moyen desquels les naturels de la Virginie prétendent faire paraître des nuages et tomber de la pluie.
Pape. Les huguenots ont dit que le pape était l’Antéchrist. C’est ainsi que les filous crient au voleur pour détourner l’attention.
Le conte absurde de la papesse Jeanne, inventé par les précurseurs de Luther, est maintenant reconnu si évidemment faux qu’il ne peut nous arrêter un instant .
Papillon. L’image matérielle de l’âme la plus généralement adoptée est le papillon. Les artistes anciens donnent à Platon une tête avec des ailes de papillon, parce que c’est le premier philosophe grec qui ait écrit dignement sur l’immortalité de l’âme.
Paracelse (Philippe Bombast, dit), né dans le canton de Zurich en 1493. Il voyagea, vit les médecins de presque toute l’Europe, et conféra avec eux. Il se donnait pour le réformateur de la médecine ; et voulant en arracher le sceptre à Hippocrate et à Galien, il décria leurs principes et leur méthode. On lui doit la découverte de l’opium et du mercure, dont il enseigna l’usage. Paracelse est surtout le héros de ceux qui croient à la pierre philosophale, et qui lui attribuent hautement l’avantage de l’avoir possédée, s’appuyant en cela de sa propre autorité. C’était quelquefois un homme étonnant et un grand charlatan, a Quand il était ivre, dit Wetter, qui a demeuré vingt-sept mois avec lui, il menaçait de faire venir un million de diables, pour montrer quel empire et quelle puissance il avait sur eux ; mais il ne disait pas de si grandes extravagances quand il était à jeun. » Il avait, selon les démonomanes, un démon familier renfermé dans le pommeau de son épée. Il disait que Dieu lui avait révélé le secret de faire de l’or, et il se vantait de pouvoir, soit par le moyen de la pierre philosophale, soit par la vertu de ses remèdes, conserver la vie aux hommes pendant plusieurs siècles. Néanmoins il mourut à quarante — huit ans, en 1541, à Salzbourg.
Les médecins, ses rivaux, n’ont pas peu contribué à le décrier. « Ce fut le diable, dit le docteur Louis de Fontenettes, dans la préface de son Hippocrate dépaysé, qui suscita Paracelse, auteur de la plus damnable hérésie qui ait jamais été tramée contre le corps humain. »
Paramelle. Tout le monde a connu de réputation l’abbé Paramelle, qui découvrait à coup sûr les sources cachées, sans baguette divinatoire. Voici une de ses anecdotes :
Un riche propriétaire du Jura voulut se moquer un peu de la science de l’hydroscope. Il possédait dans son jardin une source abondante ; il la cacha soigneusement aux yeux. « Aurai-je le bonheur de trouver de l’eau sur cette propriété ? » Telle est la question qui fut adressée à l’abbé Paramelle. — Non, répondit-il résolument. — Mais enfin, monsieur l’abbé, voyez, cherchez bien ; il est impossible qu’il n’y ait pas ici quelque source. — Non, vous dis-je, il n’y aura pas de source ici. Le financier rit sous cape ; son hôte n’a pas l’air de s’en apercevoir, et se dirige jusqu’à un champ éloigné de quelques centaines de pas. C’était l’unique richesse d’un pauvre paysan.’ « Seriez-vous bien aise, lui dit l’abbé, de posséder une source dans votre champ ? — Hé ! monsieur l’abbé, répond l’autre, je n’ai pas le moyen de souscrire. — Vous l’aurez gratis. Apportez une pioche. » La pioche vient, la terre est fouillée, et une belle source jaillit à tous les yeux. Le riche propriétaire se prépare enfin à jouir du fruit de son stratagème et de la confusion de l’abbé. Il retourne sur ses pas, accompagné de la foule ; il veut lui montrer la riche fontaine qu’il avait dissimulée. Qui fut surpris ? La source a disparu. L’hydroscope l’avait arrêtée dans sa course au milieu du champ du cultivateur. Notre homme jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
Parchemin vierge. Il est employé dans la magie en plusieurs manières. On appelle parchemin vierge celui qui est fait de peaux de bêtes n’ayant jamais engendré. Pour le faire, on met l’animal qui doit le fournir dans un lieu secret où personne n’habite ; on prend un bâton vierge ou de la sève de l’année ; on le taille en forme de couteau, puis on écorche l’animal avec ce couteau de bois, et avec le sel on sale ladite peau, que l’on met au soleil pendant quinze jours. On prendra alors un pot de terre vernissé, autour duquel on écrira des caractères magiques ; dans ce pot on mettra une grosse pierre de chaux vive avec de l’eau bénite et ladite peau ; on l’y laissera neuf jours entiers. On la tirera enfin, et avec le couteau de bois, on la ratissera pour en ôter le poil ; on la mettra sécher pendant huit jours à l’ombre, après l’avoir aspergée ; on la serrera ensuite dans un drap de soie avec tous les instruments de l’art. Qu’aucune femme ne voie ce parchemin, parce qu’il perdrait sa vertu. C’est sur ce parchemin qu’on écrit ensuite les pentacles, talismans, figures magiques, pactes et autres pièces.
Parfums. On dit que si l’on se parfume avec de la semence de lin et de psellium, ou avec les racines de violette et d’acne, on connaîtra les choses futures, et que, pour chasser les mauvais esprits et fantômes nuisibles, il faut faire un parfum avec calament, pivoine, menthe et palma-christi. On peut assembler les serpents par le parfum des os de l’extrémité du gosier de cerf, et, au contraire, on les peut chasser et mettre en fuite si on allume la corne du même cerf. La corne du pied droit d’un cheval ou d’une mule, allumée dans une maison, chasse les souris, et celle du pied gauche les mouches. Si on fait un parfum avec du fiel de seiche, du thymiamas, des roses et du bois d’aloès, et qu’on jette sur ce parfum allumé de l’eau ou du sang, la maison semblera pleine d’eau ou de sang, et si on jette dessus de la terre labourée, il semblera que le sol tremble .
Paris. Une prédiction avait annoncé que Paris serait détruit par une pluie de feu le 6 janvier 1840. Mais la catastrophe a été remise au cinquième mois de l’année 1900.
Parker (Guillaume). Voy. Buckingham.
Parkes (Thomas), Anglais qui, en voulant se mettre en relation avec les esprits, se vit poursuivi de visions épouvantables.
Parlements. Le clergé n’a jamais demandé la mort des sorciers. Ce sont les parlements qui les ont toujours poursuivis avec chaleur. À la fin du dix-septième siècle, le clergé réclamait contre l’exécution de plusieurs sorcières convaincues d’avoir fait le sabbat avec maître Verdelet ; le parlement de Rouen pria très-humblement le roi de permettre qu’on brûlât incontinent toutes les sorcières. On citerait mille exemples pareils.
Paroles magiques. On peut charmer les dés ou les cartes de manière à gagner continuellement au jeu, en les bénissant en même temps que l’on récite ces paroles : Contra me ad incarte cla, a filii a Eniol, Lieber, Braya, Braguesca. On n’est point mordu des puces si l’on dit en se couchant : Och, och. On fait tomber les verrues des mains en les saluant d’un bonsoir le matin et d’un bonjour le soir. On fait filer le diable avec ces mots : Per ipsum, et cum ipso, et in ipso. Qu’on dise : Sista, pista, rista, xista, pour n’avoir plus mal à la cuisse. Qu’on prononce trois fois : Onasages, pour guérir le mal de dents. On prévient les suites funestes de la morsure des chiens enragés en disant : Hax, pax, max. Voy. Beurre, Charmes, Sabbat, Éléazar, Ananisapta, Amulettes, etc.
Parque (Marie de la), compagne au sabbat de Domingina Maletena. Voy. ce mot.
Parques, divinités que les anciens croyaient présider à la vie et à la mort ; maîtresses du sort des hommes, elles en réglaient les destinées. La vie était un fil qu’elles filaient : l’une tenait la quenouille, l’autre le fuseau, la troisième, avec ses grands ciseaux, coupait le fil. On les nomme Clotho, Lachésis et Atropos. On les fait naître de la Nuit, sans le secours d’aucun dieu. Orphée, dans l’hymne qu’il leur adresse, les appelle les fille de l’Erèbe.
Parris, famille protestante établie à Salem, dans la Nouvelle-Angleterre. Plusieurs jeunes filles de cette famille, dont le père était ministre, furent obsédées en 1692, et tombèrent dans un état extraordinaire. Elles se glissaient dans des trous, sous les bancs, sous les meubles, et faisaient des contorsions étranges. En ce même temps une jeune fille d’un nommé Goodwin, dans la même ville, avait des hallucinations, voyait à tout moment un cheval devant elle, se mettait à califourchon sur une chaise et prenait le galop. On crut que ces jeunes filles étaient ensorcelées, d’autant plus qu’elles accusaient certaines femmes de les avoir maléficiées. On mit ces femmes en prison, et les obsédées respirèrent. Tout cela est un peu obscur ; mais ce qui est clair, c’est que l’esprit malin était là pour quelque chose.
Parthénomancie, divination ridicule pour connaître la présence ou l’absence de la virginité. On mesurait le cou d’une fille avec un fil, et en répétant l’épreuve avec le même fil, on tirait mauvais présage du grossissement du cou.
Pasétès, magicien qui achetait les choses sans les marchander ; mais l’argent qu’il avait donné n’enrichissait que les yeux, car il retournait toujours dans sa bourse. Voy. Pistole volante.
Passalorynchithes, hérétiques des premiers siècles, ainsi nommés de deux mots grecs qui veulent dire pieu dans le nez. Ils croyaient qu’on ne pouvaient prier convenablement qu’en se mettant deux doigts, comme deux pieux, dans les deux narines.
Patala, nom de l’enfer des Indiens.
Patiniac, superstition particulière aux Indiens des îles Philippines. C’est un sortilège qu’ils prétendent attacher au fruit d’une femme, dont l’effet est de prolonger les douleurs de l’enfantement et même de l’empêcher. Pour lever le charme, le mari ferme bien la porte de sa case, fait un grand feu tout à l’entour, quitte le peu de vêtements dont il est ordinairement couvert, prend une lance ou un sabre, et s’en escrime avec fureur contre les esprits invisibles jusqu’à ce que sa femme soit délivrée.
Patris (Pierre), poète, né à Caen en 1583.
Il fut premier maréchal des logis de Gaston de France, duc d’Orléans. L’esprit de plaisanterie lui valut sa fortune et la confiance dont il jouissait auprès du prince. Il mourut à Paris en 1671. On raconte qu’étant au château d’Egmond, dans une chambre où un esprit venait de se montrer, il ouvrit la porte de cette chambre, qui donnait sur une longue galerie, au bout de laquelle se trouvait une grande chaise de bois si pesante que deux hommes avaient peine à la soulever. Il vit cette chaise matérielle se remuer, quitter sa place et venir à lui comme soutenue en l’air. Il s’écria : — Monsieur le diable, les intérêts de Dieu à part, je suis bien votre serviteur ; mais je vous prie de ne pas me faire peur davantage.
La chaise s’en retourna à sa place comme elle était venue. Cette vision, dit-on, fit une forte impression sur l’esprit de Patris, et ne contribua pas peu à le faire rentrer dans son devoir.
Patroüs. Jupiter avait, sous le nom de Patroüs, à Argos, une statue de bois, qui le représentait avec trois yeux, pour marquer qu’il voyait ce qui se passait dans le ciel, sur la terre et dans les enfers. Les Argiens disaient que c’était le Jupiter Patroüs qui était dans le palais de Priam, et que ce fut au pied de son autel que ce prince fut tué par Pyrrhus.
Pauana. C’est le nom qu’on donnait en Flandre à la danse infernale, violente, déhanchée, excentrique, que dansaient les sorcières au sabbat.
Paul (Arnold), paysan de Médroïga, village de Hongrie, qui fut écrasé par la chute d’un chariot chargé de foin, vers l’an 1728. Trente jours après sa mort, quatre personnes moururent subitement et de la même manière que meurent ceux qui sont molestés des vampires. On se ressouvint alors qu’Arnold avait souvent raconté qu’aux environs de Gassova, sur les frontières de la Turquie, il avait été tourmenté longtemps par un vampire turc ; mais que, sachant que ceux qui étaient victimes d’un vampire le devenaient après leur mort, il avait trouvé le moyen de se guérir en mangeant de la terre du tombeau du défunt et en se frottant de son sang. On présuma que si ce remède avait guéri Arnold (Paul), il ne l’avait pas empêché de devenir vampire à son tour ; eh conséquence on le déterra pour s’en assurer, et, quoiqu’il fût inhumé depuis quarante jours, on lui trouva, le corps vermeil ; on s’aperçut que ses cheveux, ses ongles, sa barbe, s’étaient renouvelés, et que ses veines étaient remplies d’un sang fluide. Le bailli du lieu, en présence de qui se fit l’exhumation, et qui était un homme expert, ordonna d’enfoncer dans le cœur de ce cadavre un pieu fort aigu et de le percer de part en part ; ce qui fut exécuté sur-le-champ. Le corps du vampire jeta un cri et fit des mouvements ; après quoi on lui coupa la tête et on le brûla dans un grand bûcher. On fit subir ensuite le même traitement aux quatre morts qu’Arnold (Paul) avait tués, de peur qu’ils ne devinssent vampires à leur tour, et il y eut un peu de calme. Voy. Vampires.
Paul (Saint). Voy. Art de saint Paul.
Paule. Il y avait au couvent des cordeliers de Toulouse un caveau qui servait de catacombes ; les morts s’y conservaient. Dans ce caveau était enterrée, depuis la fin du seizième siècle, une femme célèbre dans le pays, sous le nom de la belle Paule. Il était d’usage de visiter son tombeau le jour anniversaire de sa mort. Un jeune cordelier, la tête un peu échauffée, s’était un jour engagé à descendre dans ces catacombes sans lumière et sans témoin, et à enfoncer un clou dans le cercueil de Paule. Il y descendit en effet ; mais il attacha par mégarde au cercueil un pan de sa robe. Lorsqu’il voulut remonter, il se crut retenu par la défunte ; ce qui lui causa une telle frayeur qu’il tomba mort sur la place.
Pausanias. Quelques écrivains ont prétendu que les Lacédémoniens n’avaient point de sorciers, parce que, quand ils voulurent apaiser les mânes de Pausanias, qu’on avait laissé mourir de faim dans un temple, et qui s’était montré depuis à certaines personnes, on fut obligé de faire venir des sorciers d’Italie pour chasser le spectre du défunt. Mais ce trait ne prouve rien, sinon que les sorciers de Lacédémone n’étaient pas aussi habiles que ceux de l’Italie.
Pavanis (Les). C’est le nom qu’on donne aux magiciens et devins dans l’isthme de Dari.
Paymon, l’un des rois de l’enfer. S’il se montre aux exorcistes, c’est sous la forme d’un homme à cheval sur un dromadaire, couronné d’un diadème étincelant de pierreries, avec un visage de femme. Deux cents légions, partie de l’ordre des Anges, partie de l’ordre des Puissances, lui obéissent. Si Paymon est évoqué par quelque sacrifice ou libation, il paraît accompagné des deux grands princes Bebal et Abalam.
Péanite, pierre fabuleuse, que les anciens croyaient douée du privilège de faciliter les accouchements.
Peau. Pour guérir les taches de la peau et les verrues, il suffit, selon certaines croyances populaires, de toucher un cadavre ou de se frotter les mains au clair de la lune. Voy. Verrues.
Péché, chemin de l’enfer.
Péché originel. « Un enfant, dites-vous, ne peut naître responsable de la faute d’un père. En êtes-vous bien sûr ? Au sein de l’humanité un sentiment universel se manifeste ; la vie de tous les peuples exprime par les faits les plus significatifs l’existence d’une loi terrible et mystérieuse, de la loi d’hérédité et de solidarité pour le crime et la peine entre les hommes. Interrogez les nations qui furent les plus voisines des traditions primitives. En Chine, le fils est puni pour le père ; une famille et même une ville entière répondent pour le crime d’un seul. Dans l’Inde, les parents, l’instituteur, l’ami du coupable, doivent être punis. Tout l’Orient jugeait ainsi. Il en est de même encore parmi les peuplades sauvages. De là aussi ces chants lugubres des poètes qui, voyant Rome désolée par les guerres civiles, en donnent instinctivement pour raison qu’elle expiait les parjures de Laomédon, les parjures des Troyens, le parricide de Romulus, c’est-à-dire les crimes commis par ses aïeux.
» Alexandre meurt au milieu de ses plus belles années ; après lui de sanglantes divisions se déclarent}} ; des maux sans nombre accablent les parents du conquérant ; les historiens païens attribuent sans hésiter tous ces malheurs à la vengeance divine, qui punissait les impiétés et les parjures du père d’Alexandre sur sa famille. Thésée, dans Euripide, troublé de l’attentat dont il croit son fils coupable, s’écrie : « Quel est donc celui de nos pères qui a commis un crime digne de m’attirer un tel opprobre ? » J’omets à dessein une foule d’autres monuments, et je m’abstiens même de citer les livres de l’Ancien Testament, fort explicites sur ce point. Mais parmi ces témoignages et ces faits, une loi est écrite évidemment ; elle est écrite en caractères de sang dans les annales de tous les peuples : c’est la loi de l’hérédité du crime et de la peine. Un sentiment profond et universel la proclame. Ce cri des peuples ne saurait être ni la fausseté ni l’injustice . »
Pédasiens. Chez les Pédasiens, peuples de Carie, toutes les fois qu’eux ou leurs voisins étaient menacés de quelque malheur, une longue barbe poussait à la prêtresse de Minerve. Hérodote remarque que ce prodige arriva trois fois.
Pédegache. Voy. Yeux.
Pégomancie, divination par les sources. Elle se pratiquait soit en y jetant un certain nombre de pierres dont on observait les divers mouvements, soit en y plongeant des vases de verre, et en examinant les efforts que faisait l’eau pour y entrer et chasser l’air qui les remplissait. La plus célèbre des pégomancies est la divination par le sort des dés, qui se pratiquait à la fontaine d’Abano, près de Padoue ; on jetait les dés dans l’eau pour voir s’ils surnageaient ou s’ils s’enfonçaient, et quels numéros ils donnaient ; sur quoi un devin expliquait l’avenir.
Pégu. Kiak-Kiak, dieu des dieux, ou plutôt démon des démons, idole principale du Pégu, est représenté sous une figure humaine, qui a vingt aunes de longueur, couchée dans l’attitude d’un homme endormi. Cette idole est placée dans un temple magnifique, dont les portes et les fenêtres sont toujours ouvertes et dont l’entrée est permise à tout le monde.
Peigne. Trouver un peigne, présage de bonheur.
Pendus. On sait qu’on gagne à tous les jeux, quand on a dans sa poche de la corde de pendu. — Un soldat de belle corpulence ayant été pendu, quelques jeunes chirurgiens demandèrent la permission d anatomiser son corps. On la leur accorda, et ils allèrent, à dix heures du soir, prier le bourreau de le leur remettre. Le bourreau était déjà couché ; il leur répondit qu’il ne se souciait pas de se lever, et qu’ils pouvaient aller eux-mêmes dépendre le mort. Pendant qu’ils s’y décidaient, le plus éveillé d’entre eux se détacha sans être remarqué, courut devant, se mit en chemise et se cacha sous son manteau au pied de la potence en attendant les autres. Quand ils furent arrivés, le plus hardi de la bande monta à l’échelle et se mit à couper la corde pour faire tomber le corps ; mais aussitôt le camarade caché se montra et dit :« Qui êtes-vous ? et pourquoi venez-vous enlever mon corps ? » À ces mots, et à la vue du fantôme blanc qui gardait la potence, les jeunes gens prennent la fuite épouvantés ; celui qui était sur l’échelle saute à bas sans compter les échelons, pensant que l’esprit du pendu le tenait déjà. « Et ne furent ces pauvres chirurgiens de longtemps rassurés . »
On lisait dernièrement ce qui suit dans le Moniteur du Calvados : — « Voici un déplorable exemple d’aberration causée par la ridicule croyance aux erreurs et aux préjugés populaires, malheureusement enracinés encore profondément dans l’esprit de nos populations des campagnes. Un maçon, honnête ouvrier d’une petite commune du département de l’Orne, arrivait à grand peine, à l’aide d’un travail opiniâtre, à nourrir sa nombreuse famille ; aussi la tête troublée par les superstitions et la lecture du Petit-Albert, résolut-il de se sacrifier pour le bonheur des siens. Il se pendit, en laissant un billet ainsi conçu : « Adieu, ma femme et mes enfants ! Comme je n’ai pas de fortune à vous donner, je veux vous laisser de quoi réussir dans tout ce que vous entreprendrez : Partagez-vous ma corde. »
Pénitence. Le Kari-Chang est le temps de pénitence des idolâtres de l’île Formose ; et chez les peuples que les ténèbres couvrent encore, les pénitences sont bien autrement dures que chez les chrétiens. Le Kari-Chang les oblige à vingt-sept articles qu’ils doivent observer exactement, sous peine d’être sévèrement châtiés. Entre autres choses, il leur est défendu, pendant ce temps, de construire des huttes, de se marier, de vendre des peaux, de semer, de forger des armes, de faire rien de neuf, de tuer des cochons, de nommer un enfant nouveau-né, etc.
Les Formosans prétendent que ces lois leur ont été imposées par un de leurs compatriotes, qui, se voyant exposé au mépris, parce qu’il était difforme et hideux, conjura les dieux de l’admettre dans le ciel, la première fois qu’il recevrait quelque insulte. Ses vœux furent entendus. Ce Formosan, qui avait à peine figure d’homme, devint donc un dieu, et, comme il était laid, un dieu redoutable. Il ne tarda pas à se venger des railleries de ses compatriotes : il descendit dans l’île de Formose et leur apporta les vingt-sept articles du Kari-Chang, leur faisant les plus terribles menaces, s’ils en négligeaient un seul.
Penote. Un alchimiste, réduit à l’hôpital (c’était Penote), avait coutume de dire qu’il ne souhaitait rien à ses plus mortels ennemis qu’un peu de goût pour l’alchimie.
Penteman. Le peintre Penteman, né à Rotterdam, vers l’an 1650, fut chargé de représenter dans un tableau des têtes de morts et plusieurs autres objets capables d’inspirer du mépris pour les amusements et les vanités du siècle. Afin d’avoir sous les yeux des modèles, il entra dans un cabinet d’anatomie, qui devait lui servir d’atelier. En dessinant les tristes objets qui l’entouraient, l’artiste s’assoupit malgré lui et céda bientôt aux charmes du sommeil. Il en goûtait à peine les douceurs, qu’il fut réveillé par un bruit extraordinaire. Quelle dut être sa frayeur, en voyant remuer les têtes des squelettes qui l’environnaient, et en apercevant les corps suspendus au plancher s’agiter et se heurter avec violence ! Saisi d’effroi, Penteman sort de ce lieu terrible, se précipite du haut de l’escalier et tombe dans la rue à demi mort. Lorsqu’il eut repris connaissance, il fut facile de s’assurer que le spectacle dont il venait d’être épouvanté n’était que trop naturel, puisqu’il avait été occasionné par un tremblement de terre. Mais la terreur avait tellement glacé son sang qu’il mourut peu de jours après.
Pératoscopie, divination par l’inspection des phénomènes et choses extraordinaires qui apparaissent dans les airs.
Perdrix. On dit qu’un malade ne peut mourir lorsqu’il est couché sur un lit de plumes d’ailes de perdrix .
Pérez (Juan). Voy. Inquisition.
Périclès, général athénien qui, se défiant de l’issue d’une bataille, pour rassurer les siens, fit entrer dans un bois consacré à Pluton un homme d’une taille haute, chaussé de longs brodequins, ayant les cheveux épars, vêtu de pourpre, et assis sur un char traîné par quatre chevaux blancs ; il parut au moment de la bataille, appela Périclès par son nom, et lui commanda de combattre, l’assurant que les dieux donnaient la victoire aux Athéniens. Cette voix fut entendue des ennemis, comme venant de Pluton, et ils en eurent une telle peur qu’ils s’enfuirent sans tirer l’épée.
Péris, génies femelles des Persans, d’une beauté extraordinaire ; elles sont bienfaisantes, habitent le Ginnistan, se nourrissent d’odeurs exquises, et ressemblent un peu à nos fées. Elles ont pour ennemis les dives. Voy. Dives.
Périthe, pierre jaune qui avait, dit-on, la vertu de guérir la goutte et qui brûlait la main quand on la serrait fortement.
Péroun, génie ou dieu du tonnerre chez les anciens Slaves ; il était très-redouté ; et son culte avait lieu encore au sixième siècle.
Perrier, démon invoqué comme prince des principautés, dans les litanies du sabbat.
Persil (Maître). Voy. Verdelet.
Perteman. Une jeune fille de la commune d’Uccle (près de Bruxelles) avait dit à plusieurs personnes qu’elle était ensorcelée ; que la nuit des spectres et des revenants, vêtus de longues robes jaunes, se présentaient devant son lit et venaient lui causer de grandes frayeurs, au point que sa santé en était altérée. Les frères de cette jeune fille, croyant que leur sœur était réellement ensorcelée, eurent recours à un individu de la commune surnommé le perteman (le joueur de mauvais tours), qui avait la réputation de posséder le moyen de conjurer les spectres et les esprits malins. Cet homme s’attendait probablement, et pour cause, à être consulté par les parents de la jeune fille ; il se mit donc en devoir d’employer, moyennant salaire, bien entendu, ses talents surnaturels, comme il les appelait, pour combattre les œuvres des nombreuses sorcières dont il prétendait que la jeune fille était la victime. Presque tous les soirs il se rendait, muni d’un gros livre, au domicile de la fille, y allumait des chandelles et restait souvent là toute la nuit ; cependant le revenant reparaissait toujours lorsque l’exorciseur ne venait pas ; enfin, le perteman vint annoncer qu’il était parvenu à reconnaître la cause du malheur et le remède à employer ; ce remède était une somme de 15 fr. à répartir entre les trente sorcières qui assiégeaient la malheureuse jeune fille ; on les calmait donc à raison de 50 centimes par tête.
Le frère de cette infortunée, ne possédant pas la somme de quinze francs, alla consulter le bourgmestre, et l’on conçoit qu’il n’en fallut pas davantage pour mettre un terme aux manœuvres du sorcier. L’autorité communale envoya, le soir même où le perteman devait venir opérer le désenchantement définitif, deux gardes forestiers chargés de vérifier ce qui se passait ; ceux-ci trouvèrent le perteman dans la maison. Il s’occupait à feuilleter son gros volume, à jeter de l’eau bénite et à marmotter certaines paroles ; vers minuit, ils virent approcher de la maison une femme habillée de jaune, qui alla écouter à la porte ; un instant après, le perteman sortit, disposé à lier conversation avec le revenant ; il aperçut alors les gardes, prit la fuite, ainsi que la femme, et dans son trouble il laissa tomber son volume mystérieux qui, vérification faite, fut trouvé être un ouvrage de Mirabeau, intitulé De la monarchie prussienne sous Frédéric le Grand. Le perteman fut arrêté, et depuis le revenant n’a plus été vu ni par la jeune fille ni par personne. Ce fait s’est passé il y a moins de trente ans.
Pertinax. Trois ou quatre jours avant que l’empereur Pertinax fût massacré par les soldats de sa garde, on conte qu’il vit dans un étang je ne sais quelle figure qui le menaçait l’épée au poing.
Peste. Les rois de Hongrie se vantaient de guérir la jaunisse, comme les rois de France guérissaient les écrouelles, et comme ceux de Bourgogne dissipaient la peste.
Dans le pays de Reuss, on attribue les pestes et les diverses épidémies à une grande diablesse maigre, et remarquable par ses grands cheveux noirs et sordides. Elle parcourt les airs sur un chariot noir et marche, suivie de nombreuses filles de l’enfer, qui répandent partout des germes de mort.
Pet. Qui pète en mangeant voit le diable en mourant. Axiome populaire, répandu pour enseigner la bienséance aux enfants dans les contrées où l’on mange beaucoup de choux et de navets.
Petchimancie, divination par les brosses ou vergettes. Quand un habit ne peut pas se vergeter, c’est un signe qu’il y aura de la pluie.
Petit monde. On appelait petit monde une société secrète qui conspirait en Angleterre au dernier siècle pour le rétablissement des Stuarts. On débitait beaucoup de contes sur cette société : par exemple, on disait que le diable en personne, assis dans un grand fauteuil, présidait aux assemblées. C’étaient des francs-maçons.
Petit-Pierre. Les contes populaires de l’Allemagne donnent ce nom au démon qui achète les âmes et avec qui on fait pacte. Il vient au lit de mort, sous la forme d’un nain, chercher ceux qu’il a achetés.
Petpayatons. Les Siamois appellent ainsi les mauvais esprits répandus dans l’air. S’ils préparent une médecine, ils attachent au vase plusieurs papiers, où sont écrites des paroles mystérieuses pour empêcher que les Petpayatons n’emportent la vertu du remède.
Pétrobusiens, disciples de Pierre de Bruys, hérétique du Dauphiné, contemporain de la première croisade. Ils reconnaissent deux créateurs :Dieu et le diable. Ils disaient que les prières sont aussi bonnes dans un cabaret que dans une église, dans une étable que sur un autel ; en conséquence, ils détruisaient les édifices sacrés et brûlaient les croix et les images.
Pettimancie, divination par le jet des dés. Voy. Astragalomancie et Cubomancie.
Peucer (Gaspard) / médecin, né à Bautzen en 1525. Il était gendre de Melanchthon et comme lui séparé de l’Église. Il a laissé un livre sur les divinations : De prœcipuis divinationum generibus, traduit en français par Simon Goulard. Anvers, 1584.
Peuplier. Les anciens regardaient le peuplier comme un arbre dédié aux enfers et aux démons.
Peur. On prétend que pour se préserver de la peur il faut porter sur soi une épingle qui ait été fichée dans le linceul d’un mort.
Un officier logé en chambre garnie, et sur le point de rejoindre son régiment, était encore dans son lit au petit point du jour, lorsqu’un menuisier, porteur d’un cercueil pour un homme qui venait de mourir dans la pièce voisine, entra, croyant ouvrir la porte de là chambre du mort. « Voilà, dit-il, une bonne redingote pour l’hiver. » L’officier ne douta pas qu’on ne vînt pour le voler. Aussitôt il saute à bas du lit et s’élance contre le prétendu voleur… Le menuisier, voyant quelque chose de blanc, laisse tomber son cercueil, et s’enfuit à toutes jambes, criant que le mort était à ses trousses… On dit qu’il en fut malade.
Un marchand de la rue Saint-Victor, à Paris, donnant un grand souper, la servante de la maison fut obligée de descendre à la cave à dix heures du soir. Elle était peureuse ; elle ne fut pas plutôt descendue, qu’elle remonta tout épouvantée, en criant qu’il y avait un fantôme entre deux tonneaux !… L’effroi se répandit dans la maison, les domestiques les plus hardis descendirent à la cave, les maîtres suivirent, et l’on reconnut que le spectre était un mort qui y avait glissé de la charrette de l’Hôtel-Dieu, et était tombé dans la cave par le soupirail.
Un provincial venu à Paris dans le temps du carnaval fit la partie, comme tant d’autres idiots, d’aller au bal masqué avec un de ses amis, et il se déguisa en diable ; c’était très-ingénieux. Les deux amis se retirèrent avant le jour. Comme le carrosse qui les remmenait passait dans le quartier où logeait le provincial, il fut le premier qui descendit, et son ami le laissa devant sa porte, où il frappa vivement, parce qu’il faisait grand froid. Il fut obligé de redoubler les coups avant de pouvoir éveiller une vieille servante de son auberge, qui vint enfin à moitié endormie lui ouvrir, mais qui, dès qu’elle le vit, referma sa porte au plus vite et s’enfuit en criant. Le provincial ne pensait pas à son costume ; et, ne sachant ce que pouvait avoir la servante, il se remit à frapper ; mais inutilement, personne ne revint. Mourant de froid, il prit le parti de chercher gîte ailleurs. En marchant le long de la rue, il aperçut de la lumière dans une maison ; pour comble de bonheur, la porte n’était pas fermée tout à fait. Il vit en entrant un cercueil avec des cierges autour, et un bon homme qui, en gardant le mort, s’était endormi auprès d’un bon brasier. Le provincial, sans faire de bruit, s’approcha le plus qu’il put du brasier, s’y installa et s’endormit aussi fort tranquillement sur un siège. Cependant le gardien s’éveilla ; voyant la figure qui lui faisait compagnie, avec ses cornes et le reste, il ne douta pas que ce ne fût le diable qui venait prendre le mort. Il poussa des cris si épouvantables que le provincial, s’éveillant en sursaut, fut tout effrayé, croyant de son côté voir le défunt à ses trousses. Quand il fut revenu de sa frayeur, il fit réflexion sur son habillement et comprit que c’était ce qui avait causé ses embarras. Comme le jour commençait à paraître, il alla changer de mise dans une friperie et retourna à son auberge, où il n’eut pas de peine cette fois à se faire ouvrir la porte. Il apprit en entrant que la servante était malade, et que c’était une visite que le diable lui avait rendue qui causait son mal. Il n’eut garde de dire que lui-même était le diable. Il sut ensuite que l’on publiait dans le quartier que le diable était venu pour enlever un voisin. La servante attestait la chose ; et ce qui y donnait le plus de vraisemblance, c’est que le pauvre défunt avait été usurier. Voy. Apparitions, Revenants, Fannius, Visions, etc.
Phara-Ildis , ou simplement Phara, bonne et bienfaisante fée en Norvège.
Pharmacie, divination employée par les magiciens et enchanteurs, lesquels devinent, à l’aide du commerce qu’ils ont avec les démons, qu’ils évoquent pour cela au moyen de fumigations faites sur un réchaud.
Phénix, grand marquis des enfers. Il paraît sous la forme d’un phénix avec la voix d’un enfant ; avant de se montrer à l’exorciste, il rend des sons mélodieux, il faut au contraire se boucher les oreilles quand on lui commande de prendre la forme humaine. Il répond sur toutes les sciences. C’est un bon poète, qui satisfait en vers à toutes les demandes. Après mille ans, il espère retourner au septième ordre des Trônes. Vingt légions lui obéissent.
Phénix. Il y a, dit Hérodote, un oiseau sacré qu’on appelle phénix. Je ne l’ai jamais vu qu’en peinture. Il est grand comme un aigle ; son plumage est doré et entremêlé de rouge. Il se nourrit d’aromates et vient tous les cinq cents ans en Égypte, chargé du cadavre de son père enveloppé de myrrhe, qu’il enterre dans le temple du Soleil. Solin dit que le phénix naît en Arabie ; que sa gorge est entourée d’aigrettes, son cou brillant comme l’or, son corps pourpre, sa queue mêlée d’azur et de rose ; qu’il vit cinq cent quarante ans. Certains historiens lui ont donné jusqu’à douze mille neuf cent cinquante-quatre ans de vie.
Saint Clément le Romain rapporte qu’on croit que le phénix naît en Arabie, qu’il est unique dans son espèce, qu’il vit cinq ans ; que, lorsqu’il est près de mourir, il se fait, avec de l’encens, de la myrrhe et d’autres aromates, un cercueil où il entre à temps marqué, et il y meurt ; que sa chair corrompue produit un ver qui se nourrit de l’humeur de l’animal mort et se revêt de plumes ; qu’ensuite, devenu plus fort, il prend le cercueil de son père et le porte en Égypte, sur l’autel du Soleil, à Héliopolis.
Outre que tous ceux qui parlent de cet oiseau mystérieux ne l’ont point vu et n’en parlent que par ouï-dire, qui peut être sûr qu’il a vécu cinq cents ans ? qui peut assurer qu’il soit seul de son espèce ?
Le P. Martini rapporte, dans son Histoire de la Chine, qu’au commencement du règne de l’empereur Xiaozhao IV, on vit paraître l’oiseau du soleil, dont les Chinois regardent l’arrivée comme un heureux présage pour le royaume. Sa forme, dit-il, le ferait prendre pour un aigle, sans la beauté et la variété de son plumage. Il ajoute que sa rareté lui fait croire que cet oiseau est le même que le phénix
Phénomènes. Une négresse de Carthagène, dans le nouveau royaume de Grenade, mit au monde un enfant tel qu’on n’en a jamais vu ; c’était une fille qui naquit en 1738 et vécut environ six mois. Elle était tachetée de blanc et de noir, depuis le sommet de la tête jusqu’aux pieds, avec tant de symétrie et de variété qu’il semblait que ce fût l’ouvrage du compas et du pinceau. Sa tête était couverte de cheveux noirs bouclés, d’entre lesquels s’élevait une pyramide de poil crépu, qui du sommet de la tête descendait, en élargissant ses deux lignes latérales, jusqu’au milieu des sourcils, avec tant de régularité dans la division des couleurs que les deux moitiés des sourcils qui servaient de base aux deux angles de la pyramide étaient d’un poil blanc et bouclé, au lieu que les deux autres moitiés, du côté des oreilles, étaient d’un poil noir et crépu. Pour relever encore l’espace blanc que formait la pyramide dans le milieu du front, la nature y avait placé une tache noire qui dominait le reste du visage. Une autre pyramide blanche, s’appuyant sur la partie inférieure du cou, s’élevait avec proportion, et, partageant le menton, venait aboutir au-dessus de la lèvre inférieure. Depuis l’extrémité des doigts jusqu’au-dessus du poignet, , et depuis les pieds jusqu’à la moitié des jambes, la jeune fille paraissait avoir des bottines et des gants naturels, d’un noir clair, tirant sur le cendré, mais parsemées d’un grand nombre de mouches aussi noires que du jais. De l’extrémité inférieure du cou descendait une espèce de pèlerine noire sur la poitrine et les épaules ; elle se terminait en trois pointes, dont deux étaient placées sur les gros muscles des bras ; la troisième, qui était la plus large, sur la poitrine. Les épaules étaient d’un noir clair, tacheté comme celui des pieds et des mains. Les autres parties du corps étaient tachetées de blanc et de noir dans une agréable variété ; deux taches noires couvraient les deux genoux. Toutes les personnes du pays voulurent voir ce phénomène, comblèrent cette petite fille de présents ; et on offrit de l’acheter à grand prix.
L’auteur à qui nous empruntons cette description assure que la mère avait une petite chienne noire et blanche qui ne la quittait jamais, et qu’ayant examiné en détail les taches de sa fille et de la chienne, il y trouva une ressemblance totale, non-seulement par la forme des couleurs, mais encore par rapport aux lieux où les nuances étaient placées. Il en conclut que la vue continuelle de cet animal avait été plus que suffisante pour tracer dans l’imagination de la mère cette variété de teintes et l’imprimer à la fille qu’elle portait dans son sein.
On dit que le peuple anglais est un peuple de philosophes ; ce qui n’empêcha pas, en 1726, une femme de Londres d’accoucher, disait-elle, d’un lapereau chaque jour ; le chirurgien qui l’accouchait, nommé Saint-André, assurait que rien n’était plus positif, et le peuple philosophe le croyait. — Marguerite Daniel, femme de René Rondeau, du bourg du Plessey, dépendant du marquisat de Blin, devint grosse en 1685, vers la mi-octobre. Elle sentit remuer son enfant le jour de la Chandeleur et entendit le vendredi saint suivant trois cris sortir de son ventre. Depuis, son enfant continua de faire les mêmes cris trois ou quatre fois le jour, à chaque fois quatre, cinq cris, et même jusqu’à huit et neuf fort distincts, semblables à ceux d’un enfant nouvellement né ; mais quelquefois avec de tels efforts, qu’on voyait l’estomac de cette femme s’enfler comme si elle eût dû étouffer…
En octobre 1842, à Bruxelles, une femme accoucha, dans l’hospice de la Maternité, d’une petite fille qui avait une queue de cheval. Son père était un cocher. L’opération qui l’a délivrée, sans la compromettre aucunement, de cet ornement singulier, a été faite par le docteur Seutin, et le phénomène fut aussitôt régulièrement constaté Voy. Imagination, etc.
Philinnion. Voici un trait rapporté par Phlégon, et qu’on présume être arrivé à Hypate en Thessalie. Philinnion, fille unique de Démocrate et de Charito, mourut en âge nubile ; ses parents inconsolables firent enterrer avec le corps mort les bijoux et les atours que la jeune fille avait le plus aimés pendant sa vie. Quelque temps après, un jeune seigneur, nommé Mâchâtes, vint loger chez Démocrate, qui était son ami. Le soir, comme il était dans sa chambre, Philinnion lui apparaît, lui déclare qu’elle l’aime ; ignorant sa mort, il l’épouse en secret. Mâchâtes, pour gage de son amour, donne à Philinnion une coupe d’or et se laisse tirer un anneau de fer qu’il avait au doigt. Philinnion, de son côté, lui fait présent de son collier et d’un anneau d’or, et se retire avant le jour. Le lendemain, elle revint à la même heure. Pendant qu’ils étaient ensemble, Charito envoya une vieille servante dans la chambre de Mâchâtes pour voir s’il ne lui manquait rien. Cette femme retourna bientôt éperdue vers sa maîtresse et lui annonça que Philinnion était avec Mâchâtes. On la traita de visionnaire ; mais comme elle s’obstinait à soutenir ce qu’elle disait, quand le matin fut venu, Charito alla trouver son hôte et lui demanda si la vieille ne l’avait point trompée. Mâchâtes avoua qu’elle n’avait pas fait un mensonge, raconta les circonstances de ce qui lui était arrivé, et montra le collier et l’anneau d’or que la mère reconnut pour ceux de sa fille. Cette vue réveilla la douleur de la perte qu’elle avait faite ; elle jeta des cris épouvantables e supplia Mâchâtes de l’avertir quand sa fille reviendrait, ce qu’il exécuta. Le père et la mère la virent et coururent à elle pour l’embrasser. Mais Philinnion, baissant les yeux, leur dit avec une contenance morne : — Hélas ! mon père, et vous, ma mère, vous détruisez ma félicité, en m’empêchant, par votre présence importune, de vivre seulement trois jours. Votre curiosité vous sera funeste, car je m’en retourne au séjour de la mort, et vous me pleurerez autant que quand je fus portée en terre pour la première fois. Mais je vous avertis que je ne suis pas venue ici sans la volonté des dieux. Après ces mots, elle retomba morte, et son corps fut exposé sur un lit à la vue de tous ceux de la maison. On alla visiter le tombeau, qu’on trouva vide et ne contenant seulement que l’anneau de fer et la coupe que Mâchâtes lui avait donnés…
Philosophie hermétique. Voy. Pierre philosophale.
Philotanus, démon d’ordre inférieur, soumis à Bélial.
Philtre, breuvage ou drogue dont l’effet prétendu est de donner l’amour. Les anciens, qui en connaissaient l’usage, invoquaient dans la confection des philtres les divinités infernales. Il y entrait différents animaux, herbes ou matières, tels que le poisson appelé rémore, certains os de grenouilles, la pierre astroïte et surtout l’hippomane. Delrio, qui met les philtres au rang des maléfices, ajoute qu’on s’est aussi servi pour les composer de rognures d’ongles, de limailles de métaux, de reptiles, d’intestins de poissons et d’oiseaux, et qu’on y a mêlé quelquefois des fragments d’ornements d’église.
Les philtres s’expliquent, comme les poisons, par la pharmacie. L’hippomane est le plus fameux de tous les philtres ; c’est un morceau de chair noirâtre et de forme ronde, de la grosseur d’une figue sèche, que le poulain apporte quelquefois sur le front en naissant. Suivant les livres de secrets magiques, ce mystérieux morceau de chair fait naître une passion ardente, quand, étant mis en poudre, il est pris avec le sang de celui qui veut se faire aimer. Jean-Baptiste Porta détaille au long les surprenantes propriétés de l’hippomane ; il est fâcheux qu’on n’ait jamais pu le trouver tel qu’il le décrit, ni au front du poulain naissant, ni ailleurs. Voy. Hippomane.
Les philtres sont en grand nombre et plus ridicules les uns que les autres. Les anciens les connaissaient autant que nous, et chez eux on rejetait sur les charmes magiques les causes d’une passion violente, un amour disproportionné, le rapprochement de deux cœurs entre qui la fortune avait mis une barrière, ou que les parents ne voulaient point unir.
Il y a de certains toniques qui enflamment les intestins, causent la démence ou la mort et inspirent une ardeur qu’on a prise pour de l’amour. Telles sont les mouches cantharides avalées dans un breuvage. Un Lyonnais, voulant se faire aimer de sa femme qui le repoussait, lui fit avaler quatre de ces insectes pulvérisés dans un verre de vin du Rhône ; il s’attendait à un succès, il fut veuf le lendemain. À ces moyens violents on a donné le nom de philtres.
Rien n’est plus curieux, dit un contemporain, que la superstition qui en Ecosse préside aux moyens ; employés pour faire naître l’amour ou vaincre la résistance de l’objet aimé. Sir John Colquhoun avait épousé depuis peu de mois lady Lilia Graham, fille aînée de Jean, quatrième comte de Montrose, lorsque lady Catherine, sa belle-sœur, vint passer quelque temps chez lui. Bientôt il en devint épris, et, pour vaincre l’indifférence qu’elle lui témoignait, il eut recours à un nécromancien habile, qui composa un bouquet formé de diamants, de rubis et de saphirs montés en or, et le donna de la propriété de livrer a la personne qui le donnait le corps et l’âme de celle qui le recevait. Il paraît que sir John fit un usage immédiat de ce talisman. Les chroniques de cette époque disent qu’il partit avec lady Catherine pour Londres près qu’il eut criminellement abandonné son épouse, et qu’il fut obligé d’y rester caché pour échapper à la sentence de mort qui avait été prononcée contre lui dans sa patrie.
Mais on comprend très-bien l’effet sur une femme mondaine et vaniteuse d’un philtre composé de riches diamants.
Phlégéton, fleuve d’enfer qui roulait des torrents de flamme et environnait de toutes parts la prison des méchants. On lui attribuait les qualités les plus nuisibles. Après un cours assez long en sens contraire du Cocyte, il se jetait comme lui dans l’Achéron.
Phooka, mauvais esprit qui paraît en Irlande sous la forme d’un poulain sauvage, chargé de chaînes pendantes, ou sous l’apparence d’une vache farouche, d’un oiseau de proie, d’un cheval maigre. Il parle ; et son plus grand plaisir est d’inquiéter les voyageurs égarés pendant la nuit.
Phosphore. Voy. Lampes perpétuelles, Stratagèmes, etc.
Phrénologie ou Crânologie, art ou science qui donne les moyens de juger les hommes par les protubérances du crâne. Voy. Gall.
Phylactères, préservatifs. Les Juifs portaient à leurs manches et à leur bonnet des bandes de parchemin, sur lesquelles étaient écrits des passages de la loi ; ce que Noire-Seigneur leur reproche dans saint. Matthieu, chap. xxiii. Leurs descendants suivent la même pratique et se persuadent que ces bandes ou phylactères sont des amulettes qui les préservent de foui danger, et surtout qui les gardent contre l’esprit malin.
Des chrétiens ont fait usage aussi de paroles écrites ou gravées comme de phylactères et préservatifs. L’Église a toujours condamné cet abus. Voy. Amulettes.
Phyllorhodomancie, divination par les feuilles de roses. Les Grecs faisaient claquer sur la main une feuille de rose et jugeaient par le son du succès de leurs vœux.
Physiognomonie, art de juger les hommes par les traits du visage, ou talent de connaître l’intérieur de l’homme par son extérieur.
Celle science a eu plus d’ennemis que de partisans ; elle ne paraît pourtant ridicule que quand on veut la pousser trop loin. Tous les visages, toutes les formes, tous les êtres créés diffèrent entre eux, non-seulement dans leurs classes, dans leurs genres, dans leurs espèces, mais aussi dans leur individualité. Pourquoi cette diversité de formes ne serait-elle pas la Conséquence de la diversité des caractères, ou pourquoi la diversité des caractères ne serait-elle pas liée, à cette diversité de forme ? Chaque passion, chaque sens, chaque qualité prend sa place dans le corps de tout être créé ; la colère enfle les muscles : les muselés enflés sont donc un signe de colère ?… Des yeux pleins de feu, un regard aussi prompt que l’éclair et un esprit vif et pénétrant se retrouvent cent fois ensemble. Un œil ouvert et serein se rencontre mille fois avec un cœur franc et honnête. Pourquoi ne pas chercher à connaître les hommes par leur physionomie ? On juge tous, les jours le ciel sur sa physionomie. On marchand apprécie ce qu’il achète par son extérieur, par sa physionomie… Tels sont les raisonnements des physionomistes pour prouver la sûreté de leur science. Il est vrai, ajoutent-ils, qu’on peut quelquefois s’y tromper ; mais une exception ne doit pas nuire aux règles.
J’ai vu, dit Lavater, un criminel condamné à la roue pour avoir assassiné son bienfaiteur, et ce monstre avait le visage ouvert et gracieux comme l’ange du Guide. Il ne serait pas impossible de trouver aux galères des têtes de Regulus et des physionomies de vestales dans une maison de force. Cependant le physionomiste habile distinguera les traits, souvent presque imperceptibles, qui annoncent le vice et la dégradation.
Quoi qu’il en soit de la physiognomonie, en voici les principes, tantôt raisonnables, tantôt forcés ; le lecteur saura choisir.
La beauté morale est ordinairement en harmonie avec la beauté physique. (Socrate et mille et mille autres prouvent le contraire.) Beaucoup de personnes gagnent à mesure qu’on apprend à les connaître, quoiqu’elles vous aient déplu au premier aspect. Il faut qu’il y ait entre elles et vous quelque point de dissonance, puisque, du premier abord, ce qui devait vous rapprocher ne vous a point frappé. Il faut aussi qu’il y ait entre vous quelque rapport secret, puisque plus vous vous voyez, plus vous vous convenez. Cependant faites attention au premier mouvement d’instinct que vous inspire une nouvelle liaison. Tout homme dont la figure, dont la bouche, dont la démarche, dont l’écriture est de travers, aura dans sa façon de penser, dans son caractère, dans ses procédés, du louche, de l’inconséquence, de la partialité, du sophistique, de la fausseté, de la ruse, du caprice, des contradictions, de la fourberie, une imbécillité dure et froide. Voy. Mimique, Écriture, etc.
La tête est la plus noble partie du corps humain, le siège de l’esprit et des facultés intellectuelles. (Le docteur Van Helmont plaçait les facultés intellectuelles dans d’estomac.) Une tête qui est en proportion avec le reste du corps, qui paraît telle au premier abord, qui n’est ni trop grande ni trop petite, annoncé un caractère d’esprit plus parfait qu’on n’en oserait attendre d’une tête disproportionnée. Trop volumineuse, elle indique presque toujours la grossièreté ; trop petite, elle est un signe de faiblesse. Quelque proportionnée que soit la tête au corps, il faut encore qu’elle ne soit ni trop arrondie ni trop allongée : plus elle est régulière, et plus elle est parfaite. On peut appeler bien organisée celle dont la hauteur perpendiculaire, prise depuis l’extrémité de l’occiput jusqu’à la pointe dû nez, est égale à sa largeur horizontale. Une tête trop longue annonce un homme de peu de sens, vain, curieux, envieux et crédule. La tête penchée vers la terre est la marque d’un homme sage, constant dans ses entreprises. Une tête qui tourne de tous côtés annonce la présomption, la médiocrité, le mensonge, un esprit pervers, léger, et un jugement faible.
On peut diviser le visage en trois parties, dont la première s’étend depuis le front jusqu’aux sourcils ; la seconde depuis les sourcils jusqu’au bas du nez ; la troisième depuis le bas du nez jusqu’à l’extrémité de l’os du menton. Plus ces trois étages sont symétriques, plus on peut compter sur la justesse de l’esprit et sur la régularité du caractère en général. Quand il s’agit d’un visage dont d’organisation est extrêmement forte ou extrêmement délicate, le caractère peut être apprécié plus facilement par le profil que parla face. Sans compter que le profil se prête moins à la dissimulation, il offre des lignes plus vigoureusement prononcées, plus précises, plus simples, plus pures ; par conséquent la signification en est aisée à saisir ; au lieu que souvent les lignes de la face en plein sont assez difficiles à démêler.
Un beau profil suppose toujours l’analogie d’un caractère distingué. Mais on trouve mille profils qui, sans être beaux, peuvent admettre la supériorité du caractère. Un visage charnu annonce une personne timide, enjouée, crédule et présomptueuse. Un homme laborieux a souvent le visage maigre, Un visage qui sue à la moindre agitation annonce un tempérament chaud, un esprit vain et grossier, un penchant à la gourmandise.
Les cheveux offrent des indices multipliés du tempérament de l’homme, de son énergie, de sa façon de sentir, et aussi de ses facultés spirituelles. Ils n’admettent pas la moindre dissimulation ; ils répondent à notre constitution physique, comme les plantes et les fruits répondent au terroir qui les produit. Je suis sûr, dit Lavater, que par l’élasticité des cheveux on pourrait juger de l’élasticité du caractère. Les cheveux longs, plats, disgracieux n’annoncent rien que d’ordinaire.
Les chevelures d’un jaune doré, ou d’un blond tirant sur le brun, qui reluisent doucement, qui se roulent facilement et agréablement, sont les chevelures nobles (en Suisse, patrie de Lavater).
Des cheveux noirs, plats, épais et gros dénotent peu d’esprit, mais de l’assiduité et de l’amour de l’ordre. Les cheveux blonds annoncent généralement un tempérament délicat, sanguin-flegmatique. Les cheveux roux caractérisent, dit-on, un homme souverainement bon, ou souverainement méchant. Les cheveux fins marquent la timidité ; rudes, ils annoncent le courage (Napoléon les avait fins, dit-on) : ce signe caractéristique est du nombre de ceux qui sont communs à l’homme et aux animaux. Parmi les quadrupèdes, le cerf, le lièvre, la brebis, qui sont au rang des plus timides, se distinguent particulièrement des autres par la douceur de leur poil, tandis que la rudesse de celui du lion et du sanglier répond au courage qui fait leur caractère.
Mais que dire du chat et du tigre, qui ont le poil fin ?
En appliquant ces remarques à l’espèce humaine, les habitants du Nord sont ordinairement très-courageux, et ils ont la chevelure rude ; les Orientaux sont beaucoup plus timides, et leurs cheveux sont plus doux.
Les cheveux crépus marquent un homme de dure conception. Ceux qui ont beaucoup de cheveux sur les tempes et sur le front sont grossiers et orgueilleux. Alexandre Dumas est crépu.
Une barbe fournie et bien rangée annonce un homme d’un bon naturel et d’un tempérament raisonnable. Celui qui a la barbe claire et mal disposée tient plus du naturel et des inclinations de la femme que de celles de l’homme. Si la couleur de la barbe diffère de celle des cheveux, elle n’annonce rien de bon. De même, un contraste frappant entre la couleur de la chevelure et la couleur des sourcils peut inspirer quelque défiance…
Le front, de toutes les parties du visage, est la plus importante et la plus caractéristique. Les fronts, vus de profil, peuvent se réduire à trois classes générales. Ils sont ou penchés en arrière, ou perpendiculaires, ou proéminents. Les fronts penchés en arrière indiquent en général de l’imagination, de l’esprit et de la délicatesse. Une perpendicularité complète, depuis les cheveux jusqu’aux sourcils, est le signe d’un manque total d’esprit. Une forme perpendiculaire, qui se voûte insensiblement par le haut, annonce un esprit capable de beaucoup de réflexion, un penseur rassis et profond. Les fronts proéminents appartiennent à des esprits faibles et bornés et qui ne parviendront jamais à une certaine maturité. Plus le front est allongé, plus l’esprit est dépourvu d’énergie et manque de ressort. Plus il est serré, court et compacte, plus le caractère est concentré, ferme et solide… Pour qu’un front soit heureux, parfaitement beau et d’une expression qui annonce à la fois la richesse du jugement et la noblesse du caractère, il doit se trouver, dans la plus exacte proportion avec le reste du visage. Exempt de toute espèce d’inégalités et de rides permanentes, il doit pourtant en être susceptible. Mais alors il ne se plissera que dans les moments d’une méditation sérieuse, dans un mouvement de douleur ou d’indignation. Il doit reculer parle haut. La couleur de la peau doit en être plus claire que celle des autres parties du visage.
Si l’os de l’œil est un peu saillant, c’est le signe d’une aptitude singulière aux travaux de l’esprit, d’une sagacité extraordinaire pour les grandes entreprises. Mais sans cet angle saillant, il y a des têtes excellentes, qui n’en ont que plus de solidité lorsque le bas du front s’affaisse, Comme un mur perpendiculaire, sur des sourcils placés horizontalement, et qu’il s’arrondit et se voûte imperceptiblement, des deux côtés, vers les tempes. Les fronts courts, ridés, noueux, irréguliers, enfoncés d’un côté, échancrés, ou qui se plissent toujours différemment, ne sont pas une bonne recommandation, et ne doivent pas inspirer beaucoup de confiance. Les fronts carrés, dont les marges latérales sont encore assez spacieuses, et dont l’os de l’œil est en même temps-bien solide, supposent un grand fond de sagesse et de courage. Toits les physionomistes s’accordent sur ce point. Un front très-osseux et garni de beaucoup de peau annonce un naturel acariâtre et querelleur. Un front élevé, avec un visage long et pointu vers le menton, est un signe de faiblesse. Des fronts allongés, avec une peau fortement tendue et très-unie, sur lesquels on n’aperçoit, même à l’occasion d’une joie peu commune, aucun pli doucement animé, sont toujours l’indice d’un caractère froid, soupçonneux, caustique, opiniâtre, fâcheux, rempli de prétentions, rampant et vindicatif. Un front qui, du haut, penche en avant et s’enfonce vers l’œil est, dans un homme fait, l’indice d’une imbécillité sans ressource. Voy. Métoposcopie.
Au-dessous du front commence sa belle frontière, le sourcil, arc-en-ciel de paix dans sa douceur, arc tendu de la discorde lorsqu’il exprime le courroux. Des sourcils doucement arqués s’accordent avec la modestie et la simplicité. Placés enligne droite et horizontalement, ils se rapportent à un caractère mâle et vigoureux. Lorsque leur forme est moitié horizontale et moitié courbée, la force de l’esprit se trouve réunie à une bonté ingénue.
Des sourcils rudes et en désordre sont toujours le signe d’une vivacité intraitable ; mais cette même confusion annonce un feu modéré, si le poil est fin. Lorsqu’ils sont épais et compactes, que les poils sont coupés parallèlement, et pour ainsi dire tirés au cordeau, ils promettent un jugement mûr et solide, un sens droit et rassis.
Des sourcils qui se joignent passaient pour un trait de beauté chez les Arabes, tandis que les anciens physionomistes y attachaient l’idée d’un caractère sournois. La première de ces deux opinions est fausse, la seconde exagérée, car on trouve souvent ces sortes de sourcils aux physionomies les plus honnêtes et les plus aimables. Les sourcils minces sont une marque infaillible de flegme et de faiblesse ; ils diminuent la force et la vivacité du caractère dans un homme énergique. Anguleux et entrecoupés, les sourcils dénotent l’activité d’un esprit productif. Plus les sourcils s’approchent des yeux, plus le caractère est sérieux, profond et solide. Une grande distance de l’un à l’autre annonce une âme Calme et tranquille. Le mouvement des sourcils est d’une expression infinie ; il sert principalement à marquer les passions ignobles, l’orgueil, la colère, le dédain. Un homme sourcilleux est un être méprisant et souventes fois méprisable.
C’est surtout dans les yeux, dit Buffon, que se peignent les images de nos secrètes agitations, et qu’on peut les reconnaître. L’œil appartient à l’âme plus qu’aucun autre organe ; il semble y toucher et participer à tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les émotions les plus tumultueuses, comme les sentiments les plus délicats. Il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides. Les yeux bleus annoncent plus de faiblesse que les yeux bruns ou noirs. Ce n’est pas qu’il n’y ait des gens très-énergiques avec des yeux bleus ; mais, sur la totalité, les yeux bruns sont l’indice plus ordinaire d’un esprit mâle ; tout comme le génie, proprement dit, s’associe presque toujours des yeux d’un jaune tirant sur le brun. Les gens colères ont dès yeux de différentes couleurs, rarement bleus, plus souvent bruns ou verdâtres. Les yeux de cette dernière nuance sont en quelque sorte un signe distinctif de vivacité et de courage. On ne voit presque jamais des yeux bleu clair à des personnes colères. Des yeux qui forment un angle allongé, aigu et pointu vers le nez, appartiennent à des personnes ou très-judicieuses ou très-fines. Lorsque la paupière d’en haut décrit un plein cintre, c’est la marque d’un bon naturel et de beaucoup de délicatesse, quelquefois aussi d’un caractère timide. Quand la paupière se dessine presque horizontalement sur l’œil et coupe diamétralement la prunelle, elle annonce souvent un homme très-adroit, très-rusé ; mais il n’est pas dit pour cela que cette forme de l’œil détruise la droiture du cœur. Des yeux très-grands, d’un bleu fort clair, et vus de profil presque transparents, annoncent toujours une conception facile, étendue, mais en même temps un caractère extrêmement sensible, difficile à manier, soupçonneux, jaloux, susceptible de prévention. De petits yeux noirs, étincelants, sous des sourcils noirs et touffus, qui paraissent s’enfoncer lorsqu’ils sourient malignement, annoncent de la ruse, des aperçus profonds, un esprit d’intrigue et de chicane. Si de pareils yeux ne sont pas accompagnés d’une bouche moqueuse, ils désignent un esprit froid et pénétrant, beaucoup de goût, de l’élégance, de la précision, plus de penchant à l’avarice qu’à la générosité. Des yeux grands, ouverts, d’une clarté transparente, et dont le feu brille avec une mobilité rapide dans les paupières parallèles, peu larges et fortement dessinées, réunissent ces caractères : une pénétration vive, de l’élégance et du goût, un tempérament colère, de l’Orgueil.
Des yeux qui laissent voir la prunelle entière, et sous la prunelle encore plus ou moins de blanc, sont dans un état de tension, qui n’est pas naturel, ou n’appartiennent qu’à des hommes inquiets, passionnés, à moitié fous, jamais à des hommes d’un jugement sain, mûr, précis, et qui méritent confiance. Certains yeux sont très-ou-verts, très-luisants, avec des physionomies fades ; ils annoncent de l’entêtement, de la bêtise unie à des prétentions.
Les gens soupçonneux, emportés, violents, ont souvent les yeux enfoncés dans la tête et la vue longue et étendue. Le fou, l’étourdi, ont souvent les yeux hors de la tête. Le fourbe a, en parlant, les paupières penchée set le regard en dessous. Les gens fins et rusés ont coutume de tenir un œil et quelquefois les deux yeux à demi fermés. C’est un signe de faiblesse. En effet, on voit bien rarement un homme bien énergique qui soit rusé : notre méfiance envers les autres naît du peu de confiance que nous avons en nous.
Les anciens avaient raison d’appeler le nez honestamentum faciei. Un beau nez ne s’associe jamais avec un, visage difforme. On peut être laid et avoir de beaux yeux ; mais un nez régulier exige nécessairement une heureuse analogie des autres traits ; aussi voit-on mille beaux yeux contre un seul nez parfait en beauté, et là où il se trouve, il suppose toujours un caractère distingué : Non cuiquam datum est habere nasum.
Voici, d’après les physionomistes, ce qu’il faut pour la conformation d’un nez parfaitement beau : sa longueur doit être égale à celle du front ; il doit y avoir une légère cavité auprès de sa racine. Vue par-devant, l’épine du nez doit être large et presque parallèle des deux côtés ; mais il faut que cette largeur soit un peu, plus sensible vers le milieu. Le bout ou la pomme du nez ne sera-ni dure ni charnue. De face, il faut que les ailes du nez se présentent distinctement et que les narines se raccourcissent agréablement au-dessous. Dans le profil, le bas du nez n’aura d’étendue qu’un tiers de sa hauteur. Vers le haut, il joindra de près l’arc de l’os de l’œil, et sa largeur, du côté de l’œil, doit être au moins d’un demi-pouce. Un nez qui rassemble toutes ces perfections exprime tout ce qui peut s’exprimer. Cependant nombre de gens du plus grand mérite ont le nez difforme ; mais if faut différencier aussi l’espèce de mérite qui les distingue. Un petit nez, échancré en profil, n’empêche pas d’être honnête et judicieux, mais ne donne point le génie. Des nez qui se courbent au haut de la racine conviennent à des caractères impérieux, appelés à commander, à opérer de grandes choses, fermes dans leurs projets et ardents à les poursuivre. Les nez perpendiculaires (c’est-à-dire qui approchent de cette forme, car, dans toutes ses productions, la nature abhorre les lignes complètement droites), tiennent le milieu entre les nez échancrés et les nez arqués ; ils supposent une âme qui sait agir et souffrir tranquillement et avec énergie. Un nez dont l’épine est large, n’importe qu’il soit droit ou courbé, annonce toujours des facultés supérieures. Mais cette forme est très-rare. La narine petite est le signe certain d’un esprit timide, incapable de hasarder la moindre entreprise. Lorsque les ailes du nez sont bien dégagées, bien mobiles, elles dénotent-une grande délicatesse de sentiment, qui peut dégénérer en sensualité. Où vous ne trouverez pas une petite inclinaison, une espèce d’enfoncement dans le passage du front au nez, à moins que le nez ne soit fortement recourbé, n’espérez pas découvrir le moindre caractère de grandeur. Les hommes dont le nez penche extrêmement vers la bouche ne sont jamais ni vraiment bons, ni vraiment gais, ni grands, ni nobles : leur pensée s’attache toujours aux choses de la terre ; ils sont réservés, froids, insensibles, peu communicatifs ; ils ont ordinairement l’esprit malin ; ils sont hypocondres ou mélancoliques. Les peuples tartares ont généralement le nez plat et enfoncé ; les nègres d’Afrique l’ont camard ; les Juifs, pour la plupart, aquilin ; les Anglais, cartilagineux, et rarement pointu. S’il faut en juger par les tableaux et les portraits, les beaux nez ne sont pas communs parmi les Hollandais. Chez les Italiens, au contraire, ce trait est distinctif. Enfin, il est absolument caractéristique pour les hommes célèbres de la France et de la Belgique.
Des joues charnues indiquent l’humidité du tempérament. Maigres et rétrécies, elles annoncent la sécheresse des humeurs. Le chagrin les creuse ; la rudesse et la bêtise leur impriment des sillons grossiers ; la sagesse, l’expérience et la finesse d’esprit les entrecoupent de traces légères et doucement ondulées. Certains enfoncements, plus ou moins triangulaires, qui se remarquent quelquefois dans les joues, sont le signe infaillible de l’envie ou de la jalousie. Une joue naturellement gracieuse, agitée par un doux tressaillement qui la relève vers les yeux, est le garant d’un cœur sensible. Si, sur la joue qui sourit, on voit se former trois lignes parallèles et circulaires, comptez dans ce caractère sur un fond de folie.
L’oreille, aussi bien que les autres parties du corps humain, a sa signification déterminée ; elle n’admet pas le moindre déguisement ; elle a ses convenances et une analogie particulière avec l’individu auquel elle appartient. Quand le bout de l’oreille est dégagé, c’est un bon augure pour les facultés intellectuelles. Les oreilles larges et dépliées annoncent l’effronterie, la vanité, la faiblesse du jugement ; Les oreilles grandes et grosses marquent un homme simple, grossier, stupide. Les oreilles petites dénotent la timidité. Les oreilles trop repliées et entourées d’un bourrelet mal dessiné n’annoncent rien de bon quant à l’esprit et aux talents.
Une oreille moyenne, d’un contour bien arrondi, ni trop épaisse, ni excessivement mince, ne se trouve guère que chez des personnes spirituelles, judicieuses, sages et distinguées.
La bouche est l’interprète de l’esprit et du cœur ; elle réunit, dans son état de repos et dans la variété infinie de ses mouvements, un monde de caractères. Elle est éloquente jusque dans son silence. On remarque un parfait rapport entre les lèvres et le naturel. Qu’elles soient fermes, qu’elles soient molles et mobiles, le caractère est toujours d’une trempe analogue. De grosses lèvres bien prononcées et bien proportionnées, qui présentent des deux côtés la ligne du milieu également, bien serpentée et facile à reproduire au dessin, de telles lèvres sont incompatibles avec la bassesse, elles répugnent aussi a la fausseté et à la méchanceté. La lèvre supérieure caractérise le goût. L’orgueil et la colère la courbent ; la finesse l’aiguise ; la bonté l’arrondit ; le libertinage l’énerve et la flétrit. L’usage de la lèvre inférieure est de lui servir de support.
Une bouche resserrée, dont la fente court en ligne droite, et où le bord des lèvres ne paraît pas, est l’indice certain du sang-froid, d’un esprit appliqué, de l’exactitude et de la propreté, mais aussi de la sécheresse de cœur. Si elle remonte en même temps aux deux extrémités, elle suppose un fond d’affectation et de vanité. Des lèvres rognées inclinent à la timidité et à l’avarice. Une lèvre de dessus qui déborde un peu est la marque distinctive de la bonté ; non qu’on puisse refuser absolument cette qualité à la lèvre d’en bas qui avance ; mais, dans ce cas, on doit s’attendre plutôt à une froide et sincère bonhomie qu’au sentiment d’une vive tendresse. Une lèvre inférieure qui se creuse au milieu n’appartient qu’aux esprits enjoués. Regardez attentivement un homme gai dans le moment où il va produire une saillie, le centre de sa lèvre ne manquera jamais de se baisser et de se creuser un peu.
Une bouche bien close, si toutefois elle n’est pas affectée et pointue, annonce le courage ; et dans les occasions où il s’agit d’en faire preuve, les personnes mêmes qui ont l’habitude de tenir la bouche ouverte la ferment ordinairement. Une bouche béante est plaintive ; une bouche fermée souffre avec patience, dit le Brun, dans son Traité des passions, et c’est la partie qui, de tout le visage, marque le plus particulièrement les mouvements du cœur. Lorsqu’il se plaint, la bouche s’abaisse par les côtés ; lorsqu’il est content, les coins de la bouche s’élèvent en haut ; lorsqu’il a de l’aversion, la bouche se pousse en avant et s’élève par le milieu. Toute bouche qui a deux fois la largeur de l’œil est la bouche d’un sot ; j’entends la largeur de l’œil prise de son extrémité vers le nez jusqu’au bout intérieur de son orbite, les deux largeurs mesurées sur le même plan. Si la lèvre inférieure, avec les dénis, dépasse horizontalement la moitié de la largeur de la bouche vue de profil, comptez, suivant l’indication des autres nuances de physionomie, sur un de ces quatre caractères isolés, ou sur tous les quatre réunis, bêtise, rudesse, avarice, malignité. De trop grandes lèvres, quoique bien proportionnées, annoncent toujours un homme peu délicat, sordide ou sensuel, quelquefois même un homme stupide ou méchant.
Une bouche, pour ainsi dire, sans lèvres, dont la ligne du milieu est fortement tracée, qui se retire vers Je haut, aux deux extrémités, et dont la lèvre supérieure, vue de profil depuis le nez, paraît arquée ; une pareille bouche ne se voit guère qu’à des avares rusés, actifs, industrieux, froids, durs, flatteurs et polis, mais atterrants dans leurs refus. Une petite bouche, étroite, sous de petites narines, et un front elliptique, est toujours peureuse, timide à l’excès, d’une vanité puérile, et s’énonce avec difficulté. S’il se joint à cette bouche de grands yeux saillants, troubles, un menton osseux, oblong, et surtout si la bouche se tient habituellement ouverte, soyez encore plus sur de l’imbécillité d’une pareille tête.
Les dents petites et courtes sont regardées, par les anciens physionomistes, comme le signe d’une constitution faible. De longues dents sont un indicé de timidité. Les dents blanches, propres et bien rangées, qui, au moment où la bouche s’ouvre, paraissent s’avancer sans déborder, et qui ne se montrent pas toujours entièrement à découvert, annoncent dans l’homme fait un esprit doux et poli, un cœur bon et honnête. Ce n’est pas qu’on ne puisse avoir un caractère très-estimable avec des dents gâtées, laides ou inégales ; mais ce dérangement, physique provient, la plupart du temps, de maladie ou de quelque mélange d’imperfection morale. Celui qui a les dents inégales est envieux. Les dents grosses, larges et fortes sont la marque d’un tempérament fort, et promettent une longue vie, si l’on en croit Aristote.
Pour être en belle proportion, dit Herder, le menton ne doit être ni pointu, ni creux, mais uni. Un menton avancé annonce toujours quelque chose de positif, au lieu que la signification du menton reculé est toujours négative. Souvent le caractère de l’énergie ou de la non-énergie de l’individu se manifeste uniquement par le menton. Il y a trois principales sortes de mentons : les mentons qui reculent, ceux qui, dans le profil, sont en perpendicularité avec la lèvre inférieure, et ceux qui débordent la lèvre d’en bas, ou, en d’autres termes, les mentons pointus. Le menton reculé, qu’on pourrait appeler hardiment le menton féminin, puisqu’on le retrouve presque à foutes les personnes de l’autre sexe, fait toujours soupçonner quelque côté faible. Les mentons de la seconde classe inspirent la confiance. Ceux de la troisième dénotent un esprit actif et délié, pourvu qu’ils ne fassent pas anse, car cette forme exagérée-conduit ordinairement à la pusillanimité et à l’avarice. Une forte incision au milieu du menton semble indiquer un homme judicieux, rassis et résolu, à moins que ce trait ne soit démenti par d’autres traits contradictoires. Un menton pointu passe ordinairement pour le signe de la ruse. Cependant on trouve cette forme chez les personnes les plus honnêtes ; la ruse n’est alors qu’une bonté raffinée.
Cet entre-deux de la tête et de la poitrine, qui tient-de l’une et de l’autre, est significatif comme tout ce qui a rapport à l’homme. Nous connaissons certaines espèces de goitres qui sont le signe infaillible de la stupidité, tandis qu’un cou bien proportionné est une recommandation irrécusable pour la solidité du caractère. Le cou long et la tête haute sont quelquefois le signe de l’orgueil et de la, vanité,. Un cou raisonnablement épais et un peu court ne s’associe guère à la tête d’un fat ou d’un sot. Ceux qui ont le cou mince, délicat et allongé sont timides comme le cerf, au sentiment d’Aristote, et ceux qui ont le cou épais et court ont de l’analogie avec le taureau irrité. Mais les analogies sont fausses pour la plupart, dit Lavater, et jetées sur le papier sans que l’esprit d’observation lés ait dictées.
Il y a autant dé diversité et de dissemblance entre les formes des mains qu’il y en a entre les physionomies. Deux visages parfaitement ressemblants n’existent nulle part ; de même vous ne rencontrerez pas chez deux personnes différentes deux mains qui se ressemblent.
Chaque main, dans sort état naturel, c’est-à-dire abstraction faite des accidents extraordinaires» se trouve en parfaite analogie avec les corps dont elle fait partie, Les os, lés nerfs les muscles, le sang et la peau de la main né sont que la continuation des os, dés nerfs, des muscles, du sang et dé la peau du reste du corps. Le même sang circule dans le cœur, dans la tête et dans la main. La main contribue donc, pour sa part, à faire connaître le caractère de l’individu ; elle est, aussi bien que les autres membres du corps, un objet de physiognomonie, objet d’autant plus significatif et d’autant plus frappant, que la main né peut pas dissimuler, et que sa mobilité la trahit à chaque instant. Sa position la plus tranquille indique nos dispositions naturelles ; ses flexions, nos actions et nos passions Dans tous ses mouvements, elle suit l’impulsion que lui donne le reste du corps. Voy. Main.
Tout le monde sait que des épaules larges, qui descendent insensiblement et qui ne remontent pas en pointe sont un signe de santé et de force. Des épaules de travers influent ordinairement aussi sur la délicatesse de la complexion ; mais on dirait qu’elles favorisent la finesse et l’activité de l’esprit, l’amour de l’exactitude et de l’ordre. Une poitrine large et carrée, ni trop convexe, ni trop concave, suppose toujours des épaules bien constituées et fournit les mêmes indices. Une poitrine plate, et pour ainsi dire creuse, dénote la faiblesse du tempérament. Un ventre gros et proéminent incline bien plus à la sensualité et a la paresse qu’un ventre plat et rétréci.
On doit attendre plus d’énergie et d’activité, plus de flexibilité d’esprit et de finesse, d’un tempérament sec que d’un corps surchargé d’embonpoint. Il se trouve cependant des gens d’une taille effilée qui sont excessivement lents et paresseux ; mais alors le caractère de leur indolence reparaît dans le bas du visage. Les gens d’un mérite supérieur ont ordinairement les cuisses maigres. Les pieds plats s’associent rarement avec le génie.
Quoiqu’il n’y ait aucune ressemblance proprement dite entre l’homme et les animaux, selon la remarque d’Aristote, il peut arriver néanmoins que certains traits du visage humain nous rappellent l’idée de quelque animal.
Porta a été plus loin, puisqu’il a trouvé dans chaque figure humaine la figure d’un animal ou d’un oiseau, et qu’il juge les hommes par le naturel de l’animal dont ils simulent un peu les traits.
Le singe le cheval et l’éléphant sont les animaux qui ressemblent le plus à l’espèce humaine par le contour de leurs profils et de leur face ! Les plus belles ressemblances sont celles du cheval, du lion, du chien, de l’éléphant et de l’aigle, Ceux qui ressemblent au singe sont habiles, actifs, adroits, rusés, malins, avares et quelquefois méchants. La ressemblance du cheval donne le courage et la noblesse de l’âme. Un front comme celui de l’éléphant annonce la prudence et l’énergie. Un homme qui par le, nez et le front ressemblerait au profil du lion ne serait certainement pas un homme ordinaire (la face du lion porte l’empreinte de l’énergie du calme et de la force) ; mais il est bien rare que ce caractère puisse se trouver en plein sur une face humaine.
La ressemblance du chien annonce la fidélité, la droiture et un grand appétit ; celle du loup, qui en diffère si peu, dénote un homme violent, dur, lâche, féroce, passionné, traître et sanguinaire ; celle du renard indique la petitesse, la faiblesse, la ruse et la violence. La ligne qui partage le museau de l’hyène porte le caractère d’une dureté inexorable. La ressemblance du tigre annonce une férocité gloutonne. Dans les yeux et le mufle du tigre, quelle expression de perfidie ! La ligne que forme la bouche du lynx et du tigre est l’expression de la cruauté. Le chat : hypocrisie, attention et friandise. Les chats sont des tigres en petit, apprivoisés par une éducation domestique. La ressemblance de l’ours indique la fureur, le pouvoir de déchirer, une humeur misanthrope ; celle du sanglier ou du cochon annonce un naturel lourd, vorace et brutal. Le blaireau est ignoble, méfiant et glouton. Le bœuf est patient, opiniâtre, pesant, d’un appétit grossier. La ligne que forme la bouche de la vache et du bœuf est l’expression de l’insouciance, de ]a stupidité et dé l’entêtement. Le cerf et la biche : timidité craintive, agilité, attention, douce et paisible innocence. La ressemblance de l’aigle annonce une force victorieuse ; son œil étincelant a tout le feu de l’éclair. Le vautour a plus de souplesse, et en même temps quelque chose de moins noble. Le hibou est plus faible plus timide que le vautour. Le perroquet : affectation de force, aigreur et babil, etc. Toutes ces sortes de ressemblances varient à l’infini, mais elles sont difficiles à trouver.
Tels sont les principes de la physiognomonie, d’après Aristote, Albert le Grand, Porta, etc., mais principalement d’après Lavater, qui a le plus écrit sur cette matière, et qui du moins a mis quelquefois un grain de bon sens dans ses essais. Il parle avec sagesse : lorsqu’il traite des mouvements du corps et du visage, des gestes et des parties mobiles qui expriment, sur la figure de l’homme, ce qu’il sent intérieurement et au moment ou il le sent. Mais combien il extravague aussi lorsqu’il veut décidément trouver du génie dans la main ! Il juge les femmes avec une injustice extrême.
Tant que la physiognomonie apprendra à l’homme à connaître la dignité de l’être que Dieu lui a donné, cette science, quoique en grande partie hasardeuse, méritera pourtant quelques éloges, puisqu’elle aura un but utile et louable. Mais lorsqu’elle dira qu’une personne constituée de telle sorte est vicieuse de sa nature ; qu’il faut la fuir et s’en défier ; que, quoique cette personne présente un extérieur séduisant et un air plein de bonté et de candeur, il faut toujours l’éviter, parce que son naturel est affreux, que son visage l’annonce et que le signe en est certain, immuable, la physiognomonie sera une science abominable qui établit le fatalisme.
On a vu des gens assez infatués de cette science pour se donner les défauts que leur visage portail nécessairement et devenir vicieux, en quelque sorte, parce que la fatalité de leur physionomie les y condamnait, semblables à ceux-là-qui abandonnaient la vertu parce que la fatalité de leur étoile les empêchait d’être vertueux.
Les pensées suivantes, publiées par le Journal de santé, sont extraites d’un petit Traité de la physiognomonie, par M. Bourdon :
« La douleur physique, les souffrances, donnent souvent à la physionomie une expression analogue à celle dm génie, l’ai vu une femme du peuple, affectée d’un cancer, qui ressemblait parfaitement à madame de Staël quant à l’expression profonde de la physionomie. Je dis la même chose des passions contrariées, des violents chagrins, des fatigues de l’esprit et de l’abus des jouissances : tout ce qui remue vivement notre âme, tout ce qui porte coup à la sensibilité, a des effets à peu près semblables sur la figure.
» Une grosse tête annonce de l’imagination par instants, de là pesanteur par habitude, de l’enthousiasme par éclairs, beaucoup de volonté et souvent du génie. Un front étroit indique de la vivacité ; un front rond de la colère.
» Chaque homme a beaucoup de peine à se faire une juste idée de ses propres traits ; les femmes elles-mêmes n’y parviennent que très-difficilement. Cela vient de ce qu’on ne peut voir les mouvements des yeux, par qui la physionomie reçoit sa principale expression.
» On peut, jusqu’à un certain point, juger de la respiration d’une personne d’après son style, d’après la coupe de ses phrases et sa ponctuation. Assurément J. J. Rousseau ne ponctuait pas comme Voltaire, ni Bossuet comme Fénelon. Quand je dis qu’on peut à l’aide du style apprécier la respiration d’un individu, c’est dire qu’on peut aussi juger des passions qui l’agitent, de l’émotion qu’il éprouve ; car les vives pensées ont pour effet de remuer le cœur, et les palpitations du cœur accélèrent la respiration et rendent la voix tremblante. Voilà d’où vient le pouvoir qu’une voix émue est toujours sûre d’exercer sur nous : elle attire l’attention, elle indique un orateur ou inspiré, ou timide, ou consciencieux. Les orateurs froids et médiocres simulent celle émotion vraie, qui vient du cœur, à l’aide de l’agitation oscillatoire et saccadée des bras.
» La même émotion morale qui hâte la respiration, qui fait palpiter le cœur et rend la voix tremblante, rend de même tous les mouvements du corps vacillants et incertains, tant que dure l’inspiration morale, et quelquefois même longtemps après que l’agitation de l’esprit a cessé. Voilà pourquoi l’écriture de nos grands écrivains est généralement si illisible ; et comme il est écrit que toujours l’incapacité singera jusqu’aux défauts inséparables du vrai mérite, voilà pourquoi beaucoup d’hommes médiocres se sont crus engagés d’honneur à graver en caractères indéchiffrables les stériles pensées qu’une verve engourdie leur suggérait.
» L’extrême laideur est presque toujours un signe d’esclavage, de souffrances morales ou de durs travaux. Il est certain que l’oisiveté, qu’une douée incurie sont favorables à la beauté corporelle : il y avait donc plus de vrai qu’on ne pense dans ce titre de gentilhomme dont on gratifiait jadis tout heureux fainéant.
» Il n’est pas d’homme peut-être quine consentît très-volontiers à échanger, à son choix et selon son goût, quelque trait de sa physionomie, une partie quelconque de son corps. On n’est jamais aussi Complètement satisfait de sa figure que de son esprit. Jugez combien la perfection corporelle doit être rare chez les peuples actuels de l’Europe, puisque la Vénus de Thorwaldsen lui a nécessité trente différents modèles ! J’observe toute fois que la démoralisation des villes capitales, mais surtout les bienfaits récents de la vaccine, sont des causes qui doivent puissamment seconder le génie des peintres et des sculpteurs de nos jours.
» Un homme qui a le malheur de loucher doit se montrer beaucoup plus réservé qu’un autre dans ses actions et ses discours car ; la malignité humaine est naturellement disposée à augurer mal de la symétrie de tout édifice dont les issues sont désordonnées.
» De profondes rides aux côtés delà bouche font conjecturer qu’on est ou moqueur, ou naturellement gai, ou soumis aux caprices d’un maître mauvais plaisant.
» Le rire (je ne parle pas du sourire) est un caractère d’ineptie plutôt que d’intelligence : les hommes supérieurs sont généralement graves. L’habitude des grandes pensées rend presque toujours indifférent aux petites choses qui sont en possession d’exciter le rire.
» Plus sont profondes celles des rides qui dépendent des muscles, et plus il est permis de croire à une longue vie, à une santé durable. En effet, l’énergie des muscles indique toujours une heureuse organisation, des fonctions régulières. Voilà sur quel principe vrai l’art de la chiromancie est fondé : s’il ne conduit si souvent qu’à des mensonges, cela vient de ce qu’on lui fait dire autre chose que ce qu’il dit en effet… »
Terminons ce long article par une anecdote : Louis XIV était si persuadé du talent que Lachambre, médecin et académicien français, s’attribuait de juger, sur la seule physionomie des gens, quel était non-seulement leur caractère, mais encore à quelle place et à quels emplois chacun d’eux pouvait être propre, que ce prince ne se déterminait, soit en bien, soit en mal, sur les choix qu’il avait à faire qu’après avoir consulté ce singulier oracle. « Si je meurs avant Sa Majesté, disait Lachambre, elle court grand risque de faire à l’avenir beaucoup de mauvais choix. » Lachambre mourut en effet avant le roi, et sa prédiction parut plus d’une fois justifiée. — Ce médecin a laissé des ouvrages dont le genre dénote assez le penchant qu’il avait à étudier lés physionomies. Voy. Mimique.
Piaces, prêtres magiciens de l’île d’Hispaniola, au moment de la conquête ou découverte de celle île. On voit dans l’Histoire des Indes de Ferdinand d’Oviedo, ami de Christophe Colomb, des faits qui établissent sérieusement l’intervention des démons dans les paroles des piaces qui révélaient exactement ce qui se faisait au loin ; à moins que ce ne fût du magnétisme.
Piaches, prêtres idolâtres de la côte de Cumaná, aussi en Amérique. Pour être admis dans leur ordre, il fallait passer par une espèce de noviciat qui consistait à errer deux ans dans les forêts. Ils persuadaient au peuple qu’ils recevaient là des instructions de certains esprits en forme humaine. Ils disaient que le soleil et la lune étaient le mari et la femme. Pendant les éclipses, les femmes se tiraient du sang et s’égratignaient les bras ; elles croyaient la lune en querelle avec son mari.
Ces piaches, qui ressemblent aux piaces d’Hispaniola, donnaient un talisman en forme de X comme préservatif contre les fantômes. Ils disaient que les échos sont les voix des trépassés.
Picard (Mathurin), directeur d’un couvent de Louviers, qui fut accusé d’être sorcier et d’avoir conduit au sabbat Madeleine Bavent, tourière de ce couvent. Comme il était mort lorsqu’on arrêta Madeleine, et qu’on lui fit son procès, où il fut condamné ainsi qu’elle, son corps fut délivré à l’exécuteur des sentences criminelles, traîné sur des claies par les rues et lieux publics, puis conduit en la place du Vieux-Marché ; là brûlé et les cendres jetées au vent ; 1647.
Picatrix, médecin ou charlatan arabe, qui vivait en Espagne vers le treizième siècle. Il se livra de bonne heure à l’astrologie, et se rendit si recommandable dans cette science, que ses écrits devinrent célèbres parmi les amateurs des sciences occultes. On dit qu’Agrippa, étant allé en Espagne, eut connaissance de ses ouvrages et y prit beaucoup d’idées creuses, notamment dans le traité que Picatrix avait laissé De la philosophie occulte.
Pic de la Mirandole (Jean), l’un des hommes les plus célèbres par la précocité et l’étendue de l’étude, né le 24 février 1463. Il avait une mémoire prodigieuse et un esprit très-pénétrant. Cependant un imposteur l’abusa en lui faisant voir soixante manuscrits qu’il assurait avoir été composés par l’ordre d’Esdras, et qui ne contenaient que les plus ridicules rêveries cabalistiques. L’obstination qu’il mit à les lire lui fit perdre un temps plus précieux que l’argent qu’il en avait donné et le remplit d’idées chimériques dont il ne fut jamais entièrement désabusé. Il mourut en 1494. On a recueilli de ses ouvrages des Conclusions philosophiques de cabale et de théologie, Rome, Silbert, in-folio extrêmement rare ; c’est là le seul mérite de ce livre. Car, de l’aveu même de Tiraboschi, on ne peut que gémir en le parcourant, de voir qu’un si beau génie, un esprit si étendu et si laborieux, se soit occupé de questions si frivoles. On a dit qu’il avait un démon familier.
Pichacha, nom collectif des esprits follets chez les Indiens.
Picollus, démon révéré par les anciens habitants de la Prusse, qui lui consacraient la tête d’un homme mort et brûlaient du suif en son honneur. Ce démon se faisait voir aux derniers jours des personnages importants. Si on ne l’apaisait pas, il se présentait une seconde fois ; et lorsqu’on lui donnait la peine de paraître une troisième, on ne pouvait plus l’adoucir que par l’effusion du sang humain.
Lorsque Picollus était content, on l’entendait rire dans son temple ; car il avait un temple.
Pie, oiseau de mauvais augure. En Bretagne, les tailleurs sont les entremetteurs des mariages ; ils se font nommer, dans cette fonction, basvanals ; ces basvanals, pour réussir dans leurs demandes, portent un bas rouge et un bas bleu, et ils rentrent chez eux s’ils voient une pie, qu’ils regardent comme un funeste présage .
Plusieurs vieilles sorcières ont eu leur démon familier en forme de pie ou de corbeau. Les pies sont le symbole des caquetages.
M. Berbiguier dit que la pie voleuse, dont on a fait un mélodrame, était un farfadet.
Pied. Les Romains distingués avaient dans leur vestibule un esclave qui avertissait les visiteurs d’entrer du pied droit. On tenait à mauvais augure d’entrer du pied gauche chez les dieux et chez les grands. On entrait du pied gauche lorsqu’on était dans le deuil ou dans le chagrin (M. Nisard), Stace.. Les anciens avaient pour règle de religion de construire en nombre impair les degrés des temples ; d’où il résultait qu’après les avoir montés, on entrait nécessairement dans l’édifice auquel ces degrés conduisaient parle pied droit ; ce que les païens regardaient comme un point essentiel et d’un augure aussi favorable que le contraire eût été funeste.
Pied fourchu. Le diable a toujours un pied fourchu quand il se montre en forme d’homme.
Pierre à souhaits. Voy. Aselle.
Pierre du diable. Il y a dans la vallée de Schellenen, en Suisse, des fragments de rocher de beau granit, qu’on appelle la pierre du diable. Dans un démêlé qu’il y eut entre les gens du pays et le diable, celui-ci les apporta là pour renverser un ouvrage qu’il avait eu, quelque temps auparavant, la complaisance de leur construire.
Pierre philosophale. On regarde la pierre philosophale comme une chimère. Un mépris si mal raisonné, disent les philosophes hermétiques, est un effet du juste jugement de Dieu, qui ne permet pas qu’un secret si précieux soit connu des méchants et des ignorants. La science de la pierre philosophale ou la philosophie hermétique fait partie de la cabale, et ne s’enseigne que de bouche à bouche. — Les alchimistes donnent une foule de noms à la pierre philosophale : c’est la fille du grand secret ; le soleil est son père, la lune est sa mère, le vent Va portée dans son ventre, etc.
Le secret plus ou moins chimérique de faire de l’or a été en vogue parmi les Chinois longtemps avant qu’on n’en eût les premières notions en Europe. Ils parlent dans leurs livres, en termes magiques, de la semence d’or et de la poudre de projection. Ils promettent de tirer de leurs creusets non seulement de l’or, mais encore un remède spécifique et universel qui procure à ceux qui le prennent une espèce d’immortalité.
Zosime, qui vivait au commencement du cinquième siècle, est un des premiers parmi nous qui aient écrit sur l’art de faire de foret de l’argent, ou la manière de fabriquer la pierre philosophale. Cette pierre est une poudre ou une liqueur formée de divers métaux en fusion sous une constellation favorable.
Gibbon remarque que les anciens ne connaissaient pas l’alchimie. Cependant on voit dans Pline que l’empereur Caligula entreprit de faire de l’or avec une préparation d’arsenic, et qu’il abandonna son projet, parce que les dépenses l’emportaient sur le profit.
Des partisans de cette science prétendent que les Égyptiens en connaissaient tous les mystères. Cette précieuse pierre philosophale, qu’on appelle aussi élixir universel, eau du soleil, poudre de projection, qu’on a tant cherchée, et que sans doute on n’a jamais pu découvrir , procurerait à celui qui aurait le bonheur de la posséder des richesses incompréhensibles, une santé toujours florissante, une vie exempte de toutes sortes de maladies, et même, au sentiment de plus d’un cabaliste, l’immortalité… Il ne trouverait rien qui put lui résister, et serait sur la terre le plu ? glorieux, le plus puissant, le plus riche et le plus heureux des mortels ; il convertirait à son gré tout en or, et jouirait de tous les agréments. L’empereur Rodolphe n’avait rien plus à cœur que cette recherche. Le roi d’Espagne Philippe II employa, dit-on, de grandes sommes à faire travailler les chimistes aux conversions des métaux. Tous ceux qui ont marché sur leurs traces n’ont pas eu de grands succès. Quelques-uns donnent cette recette comme le véritable secret de faire l’œuvre hermétique : Mettez dans une fiole de verre fort, au feu de sable, de l’élixir d’Aristée, avec du baume de mercure et une pareille pesanteur du plus pur or de vie ou précipité d’or, et la calcination qui restera au fond de la fiole se multipliera cent mille fois. Que si l’on ne sait comment se procurer de l’élixir d’Aristée et du baume de mercure, on peut implorer les esprits cabalistiques, ou même, si on l’aime mieux, le démon barbu, dont nous avons parlé.
On a dit aussi que saint Jean l’évangéliste avait enseigné le secret de faire de l’or ; et en effet, on chantait autrefois dans quelques églises une hymne en son honneur, où se trouve une allégorie que les alchimistes s’appliquent :
Nous donnerons une plus ample idée de la matière et du raisonnement des adeptes en présentant au lecteur quelques passages du Traité de chimie philosophique et hermétique, publié à Paris en 1725 . « Au commencement, dit l’auteur, les sages, ayant bien considéré, ont reconnu que l’or engendre l’or et l’argent, et qu’ils peuvent se multiplier dans leurs espèces.
» Les anciens philosophes, travaillant par la voie sèche, ont rendu une partie de leur or volatil, et l’ont réduit en sublimé blanc comme neige et luisant comme cristal ; ils ont converti l’autre partie en sel fixe ; et de la conjonction du volatil avec le fixe, ils ont fait leur élixir. Les philosophes modernes ont extrait de l’intérieur du mercure un esprit igné, minéral, végétal et multiplicatif, dans la concavité humide duquel est caché le mercure primitif ou quintessence universelle. Par le moyen de cet esprit, ils ont attiré la semence spirituelle contenue en l’or ; et par cette voie, qu’ils ont appelée voie humide, leur soufre et leur mercure ont été faits : c’est le mercure des philosophes, qui n’est pas solide comme le métal, ni mou comme le vif-argent, mais entre les deux. Ils ont tenu longtemps ce secret caché, parce que c’est le commencement, le milieu et la fin de l’œuvre ; nous l’allons découvrir pour le bien de tous, il faut donc pour faire l’œuvre : 1° purger le mercure avec du sel et du vinaigre (salade) ; 2° le sublimer avec du vitriol et du salpêtre ; 3° le dissoudre dans l’eau-forte ; 4° le sublimer derechef ; 5° le calciner et le fixer : 6° en dissoudre une partie par défaillance à la cave, où il se résoudra en liqueur ou huile (salade) : 7° distiller cette liqueur pour en séparer L’eau spirituelle, l’air et le feu : 8° mettre de ce corps mercuriel calciné et fixé dans l’eau spirituelle ou esprit liquide mercuriel distillé ; 9° les putréfier ensemble jusqu’à la noirceur ; puis il s’élèvera en superficie de l’esprit un soufre blanc non odorant, qui est aussi appelé sel ammoniac ; 10° dissoudre ce sel ammoniac dans l’esprit mercuriel liquide, puis le distiller jusqu’à ce que tout passe en liqueur, et alors sera fait le vinaigre des sages ; 11° cela parachevé, il faudra passer de l’or à l’antimoine par trois fois, et après le réduire en chaux : 12° mettre cette chaux d’or dans ce vinaigre très-aigre, les laisser putréfier ; et en superficie du vinaigre, il s’élèvera une terre feuillée de la couleur des perles orientales ; il faut sublimer de nouveau jusqu’à ce que cette terre soit très-pure ; alors vous aurez fait la première opération du grand œuvre.
» Pour le second travail, prenez, au nom de Dieu, une part de cette chaux d’or et deux parts de l’eau spirituelle chargée de son sel ammoniac ; mettez cette noble confection dans un vase de cristal de la forme d’un œuf, scellez le tout du sceau d’Hermès ; entretenez un feu doux et continuel : l’eau ignée dissoudra peu à peu la chaux d’or ; il se formera une liqueur qui est l’eau des sages et leur vrai chaos, contenant les qualités élémentaires, chaud, sec, froid et humide. Laissez putréfier cette composition jusqu’à ce qu’elle devienne noire : cette noirceur, qui est appelée la tête de corbeau et le saturne des sages, fait connaître à l’artiste qu’il est en bon chemin. Mais pour ôter cette noirceur puante, qu’on appelle aussi terre noire, il faut faire bouillir de nouveau, jusqu’à ce que le vase ne présente plus qu’une substance blanche comme la neige. Ce degré de l’œuvre s’appelle le cygne. Il faut enfin fixer par le feu cette liqueur blanche, qui se calcine et se divise en deux parts, l’une blanche pour l’argent, l’autre rouge pour l’or ; alors vous aurez accompli les travaux et vous posséderez la pierre philosophale.
» Dans les diverses opérations, on peut tirer divers produits : d’abord le lion vert, qui est un liquide épais, qu’on nomme aussi l’azote, et qui fait sortir l’or caché dans les matières ignobles ; le lion rouge, qui convertit les métaux en or : c’est une poudre d’un rouge vif ; la tête de corbeau, dite encore la voile noire du navire de Thésée, dépôt noir qui précède le lion vert, et dont l’apparition au bout de quarante jours promet le succès de l’œuvre : il sert à la décomposition et putréfaction des objets dont on veut tirer l’or ; la poudre blanche, qui transmue les métaux blancs en argent fin ; l’élixir au rouge, avec lequel on fait de l’or et on guérit toutes les plaies ; l’élixir au blanc, avec lequel on fait de l’argent et on se procure une vie extrêmement longue : on l’appelle aussi la fille blanche des philosophes. Toutes ces variétés de la pierre philosophale végètent et se multiplient… » Le reste du livre est sur le même ton. Il contient tous les secrets de l’alchimie. Voy. Baume universel, Élixir de vie, Or potable, etc.
Les adeptes prétendent que Dieu enseigna l’alchimie à Adam, qui en apprit le secret à Hénoch, duquel il descendit par degrés à Abraham, à Moïse, à Job, qui multiplia ses biens au septuple par le moyen de la pierre philosophale, à Paracelse, et surtout à Nicolas Flamel. Ils citent avec respect des livres de philosophie hermétique qu’ils attribuent à Marie, sœur de Moïse, à Hermès Trismégiste, à Démocrite, à Aristote, à saint Thomas d’Aquin, etc. La boîte de Pandore, la toison d’or de Jason, le caillou de Sisyphe, la cuisse d’or de Pythagore, ne sont selon eux que le grand œuvre . Ils trouvent tous leurs mystères dans la Genèse, dans l’Apocalypse surtout, dont ils font un poème à la louange de l’alchimie ; dans l’Odyssée, dans les Métamorphoses d’Ovide. Les dragons qui veillent, les taureaux qui soufflent du feu, sont les emblèmes des travaux hermétiques.
Gobineau de Montluisant, gentilhomme chartrain, a même donné une explication extravagante des figures bizarres qui ornent la façade de Notre-Dame de Paris ; il y voyait une histoire complète de la pierre philosophale. Le Père éternel étendant les bras et tenant un ange dans chacune de ses mains annonce assez, dit-il, la perfection de l’œuvre achevée.
D’autres assurent qu’on ne peut posséder le grand secret que par le secours de la magie ; ils nomment démon barbu le démon qui se charge de l’enseigner ; c’est, disent-ils, un très-vieux démon.
On trouve à l’appui de cette opinion, dans plusieurs livres de conjurations magiques, des formules qui évoquent les démons hermétiques. Cedrenus, qui donnait dans cette croyance, raconte qu’un alchimiste présenta à l’empereur Anastase, comme l’ouvrage de son art, un frein d’or et de pierreries pour son cheval. L’empereur accepta le présent et fit mettre l’alchimiste dans une prison, où il mourut ; après quoi le frein devint noir, et on reconnut que l’or des alchimistes n’était qu’un prestige du diable. Beaucoup d’anecdotes prouvent que ce n’est qu’une friponnerie ordinaire.
Un rose-croix, passant à Sedan, donna à Henri Ier, prince de Bouillon, le secret de faire de l’or, qui consistait à faire fondre dans un creuset un grain d’une poudre rouge qu’il lui remit, avec quelques onces de litharge. Le prince fit l’opération devant le charlatan, et tira trois onces d’or pour trois grains de cette poudre ; il fut encore plus ravi qu’étonné ; et l’adepte, pour achever de le séduire, lui fit présent de toute sa poudre transmutante. Il y en avait trois cent mille grains. Le prince crut posséder trois cent mille onces d’or. Le philosophe était pressé de partir ; il allait à Venise tenir la grande assemblée des philosophes hermétiques ; il ne lui restait plus rien, mais il ne demandait que vingt mille écus. Le duc de Bouillon les lui donna et le renvoya avec honneur. Comme en arrivant à Sedan le charlatan avait fait acheter toute la litharge qui se trouvait chez les apothicaires de cette ville, et l’avait fait revendre ensuite chargée de quelques onces d’or, quand cette litharge fut épuisée, le prince ne fit plus d’or, ne vit plus le rose-croix et en fut pour ses vingt mille eus.
Jérémie Médérus, cité par Delrio , raconte un tour absolument semblable qu’un autre adepte joua au marquis Ernest de Bade.
Tous les souverains s’occupaient autrefois de la pierre philosophale ; la fameuse Elisabeth la chercha longtemps. Jean Gauthier, baron de Plumerolles, se vantait de savoir faire de l’or ; Charles IX, trompé par ses promesses, lui fit donner cent vingt mille livres, et l’adepte se mit à l’ouvrage. Mais après avoir travaillé huit jours, il se sauva avec l’argent du monarque. On courut à sa poursuite, on l’attrapa, et il fut pendu : mauvaise fin, même pour un alchimiste ! chargée En 1616, la reine Marie de Médicis donna à Gui de Crusembourg vingt mille écus pour travailler dans la Bastille à faire de l’or. Il s’évada au bout de trois mois avec les vingt mille écus, et ne reparut plus en France.
Le pape Léon X fut moins dupe. Un homme qui se vantait de posséder le secret de la pierre philosophale lui demandait une récompense. Le protecteur des arts le pria de revenir le lendemain, et il lui fit donner un grand sac, en lui disant que, puisqu’il savait faire de l’or, il lui offrait de quoi le contenir . Mais il y eut des alchimistes plus fiers. L’empereur Rodolphe II, ayant entendu parler d’un chimiste franc-comtois qui passait pour être certainement un adepte, lui envoya un homme de confiance pour l’engager à venir le trouver à Prague. Le commissionnaire n’épargna ni persuasion, ni promesses pour s’acquitter de sa commission ; mais le Franc-Comtois fut inébranlable, et se tint constamment à cette réponse : Ou je suis adepte ou je ne le suis pas ; si je le suis, je n’ai pas besoin de l’empereur, et si je ne le suis pas, l’empereur n’a que faire de moi.
Un alchimiste anglais vint un jour rendre visite au peintre Rubens, auquel il proposa de partager avec lui les trésors du grand œuvre, s’il voulait construire un laboratoire et payer quelques petits frais. Rubens, après avoir écouté patiemment les extravagances du souffleur, le mena dans son atelier. Vous êtes venu, lui dit-il, vingt ans trop tard, car depuis ce temps j’ai trouvé la pierre philosophale avec cette palette et ces pinceaux,
Le roi d’Angleterre Henri VI fut réduit à un tel degré cle besoin que, au rapport d’Evelyn (dans ses Numismata), il chercha à remplir ses coffres avec le secours de l’alchimie. L’enregistrement de ce singulier projet contient les protestations les plus solennelles et les plus sérieuses de l’existence et des vertus de la pierre philosophale, avec des encouragements à ceux qui s’en occuperont. Il annule et condamne toutes les prohibitions antérieures. Aussitôt que cette patente royale fut publiée, il y eut tant de gens qui s’engagèrent à faire de l’or, selon l’attente du roi, que l’année suivante Henri VI publia un autre édit dans lequel il annonçait que l’heure était prochaine où, par le moyen de la pierre philosophale, il allait payer les dettes de l’État en or et en argent monnayés.
Charles II d’Angleterre s’occupait aussi d’alchimie. Les personnes qu’il choisit pour opérer le grand œuvre formaient un assemblage aussi singulier que leur patente était ridicule. C’était une réunion d’épiciers, de merciers et de marchands de poisson. Leur patente fut accordée authoritate parliamenti.
Les alchimistes était appelés autrefois multiplicateurs ; on le voit par un statut de Henri IV d’Angleterre, qui ne croyait pas à l’alchimie. Ce statut se trouve rapporté dans la patente de Charles II. Comme il est fort court, nous le citerons. « Nul dorénavant ne s’avisera de multiplier l’or et l’argent, ou d’employer la supercherie de la multiplication, sous peine d’être traité et puni comme félon. »
On lit dans les Curiosités de la littérature, ouvrage traduit de l’anglais par Th. Bertin, qu’une princesse de la Grande-Bretagne, éprise de l’alchimie, fit rencontre d’un homme qui prétendait avoir la puissance de changer le plomb en or. Il ne demandait que les matériaux et le temps nécessaires pour exécuter la conversion. Il fut emmené à la campagne de sa protectrice, où l’on construisit un vaste laboratoire, et, afin qu’il ne fût pas troublé, on défendit que personne n’y entrât. Il avait imaginé de faire tourner sa porte sur un pivot, et recevait à manger sans voir, sans être vu, sans que rien pût le distraire. Pendant, deux ans il ne condescendit à parler à qui que ce fût, pas même à la princesse. Lorsqu’elle fut introduite enfin dans son laboratoire, elle vit des alambics, des chaudières, de longs tuyaux, des forges, des fourneaux, et trois ou quatre feux d’enfer allumés ; elle ne contempla pas avec moins de vénération la figure enfumée de l’alchimiste, pâle, décharné, affaibli par ses veilles, qui lui révéla, dans un jargon inintelligible, les succès obtenus ; elle vit ou crut voir des monceaux d’or encore imparfait répandus dans le laboratoire. Cependant l’alchimiste demandait souvent un nouvel alambic et des quantités énormes de charbon. La princesse, malgré son zèle, voyant qu’elle avait dépensé une grande partie de sa fortune à fournir aux besoins du philosophe, commença à régler l’essor de son imagination sur les conseils de la sagesse. Elle découvrit sa façon de penser au physicien : celui-ci avoua qu’il était surpris de la lenteur de ses progrès ; mais il allait redoubler d’efforts et hasarder une opération de laquelle, jusque-là, il avait cru pouvoir se passer. La protectrice se retira ; les visions dorées reprirent leur premier empire. Un jour qu’elle était à dîner, un cri affreux, suivi d’une explosion semblable à celle d’un coup de canon, se fit entendre ; elle se rendit avec ses gens auprès du chimiste. On trouva deux larges retortes brisées, une grande partie du laboratoire en flamme, et le physicien grillé depuis les pieds jusqu’à la tête.
Elie Ashmole écrit dans sa Quotidienne du 13 mai 1655 : « Mon père Backouse (astrologue qui l’appelait son fils, méthode pratiquée par les gens de cette espèce) étant malade dans Fleet Street, près de l’église de Saint-Dunstan, et se trouvant, sur les onze heures du soir, à l’article de la mort, me révéla le secret de la pierre philosophale, et me le légua un instant avant d’expirer. »
Nous apprenons par là qu’un malheureux qui connaissait l’art de faire de l’or vivait cependant de charités, et qu’Ashmole croyait fermement être en possession d’une pareille recette.
Ashmole a néanmoins élevé un monument curieux des savantes folies de son siècle, dans son Theatrum chimicum britannicum, vol. in-4°, dans lequel il a réuni les traités des alchimistes anglais. Ce recueil présente divers échantillons des mystères de la secte des Rose-Croix, et Ashmole raconte des anecdotes dont le merveilleux surpasse toutes les chimères des inventions arabes. Il dit de la pierre philosophale qu’il en sait assez pour se taire et qu’il n’en sait pas assez pour en parler.
La chimie moderne n’est pourtant pas sans avoir l’espérance, pour ne pas dire la certitude, de voir un jour vérifiés les rêves dorés des alchimistes. Le docteur Girtanner de Gœttingue a dernièrement hasardé cette prophétie que, dans le dix-neuvième siècle, la transmutation des métaux sera généralement connue ; que chaque chimiste saura faire de l’or ; que les instruments de cuisine seront d’or et d’argent, ce qui contribuera beaucoup à prolonger la vie, qui se trouve aujourd’hui compromise par les oxydes de cuivre, de fer et de plomb que nous avalons avec notre nourriture . C’est ce que surtout le galvanisme amènera.
Pierre de santé. À Genève et en Savoie, on appelle ainsi une espèce de pyrite martiale très-dure et susceptible d’un beau poli. On taille ces pyrites en facettes comme le cristal, et l’on en fait des bagues, des boucles et d’autres ornements. Sa couleur est à peu près la même que celle de l’acier poli. On lui donne le nom de santé, d’après le préjugé où l’on est qu’elle pâlit lorsque la santé de la personne qui la porte est sur le point de s’altérer.
Pierre-de-feu, démon inconnu qui est invoqué dans les litanies du sabbat.
Pierre-fort, démon invoqué dans les litanies du sabbat. Nous ne le connaissons pas autrement, et il se peut aussi que ce soit un des plus affreux saints des sorciers.
Pierre d’Apone, philosophe, astrologue et médecin, né dans le village d’Abano ou Apono, près de Padoue, en 1250. C’était le plus habile magicien de son temps, disent les démonomanes ; il s’acquit la connaissance des sept arts libéraux, par le moyen de sept esprits familiers qu’il tenait enfermés dans des bouteilles ou dans des boîtes de cristal. Il avait de plus l’industrie de faire revenir dans sa bourse tout l’argent qu’il avait dépensé. Il fut poursuivi comme hérétique et magicien ; et s’il eût vécu jusqu’à la fin du procès, il y a beaucoup d’apparence qu’il eût été brûlé vivant, comme il le fut en effigie après sa mort. Il mourut à l’âge de soixante-six ans. Cet homme avait, dit-on, une telle antipathie pour le lait qu’il n’en pouvait sentir le goût ni l’odeur. Thomazo Garsoni dit, entre autres contes merveilleux sur Pierre d’Apone, que, n’ayant point de puits dans sa maison, il commanda au diable de porter dans la rue le puits de son voisin, parce qu’il refusait de l’eau à sa servante. Malheureusement pour ces belles histoires, il parait prouvé que Pierre d’Apone était une sorte de pauvre esprit fort qui ne croyait pas au diable, du reste homme de mauvais renom. Les amateurs de livres superstitieux recherchent sa Géomancie . Mais ne lui attribuons pas un petit livre qu’on met sur son compte et dont voici le titre : les Œuvres magiques de Henri-Corneille Agrippa, par Pierre d’Alan, latin et français, avec des secrets occultes, in-24, réimprimé à Liège, 1788. On dit dans ce livre que Pierre d’Aban était disciple d’Agrippa, qui vécut trois siècles après lui…
La partie principale est intitulée Heptaméron ou les Eléments magiques. On y trouve les sûrs moyens d’évoquer les esprits et de faire venir le diable. Pour cela, il faut tracer trois cercles l’un dans l’autre, dont le plus grand ait neuf pieds de circonférence, et se tenir dans le plus petit, où l’on écrit le nom des anges qui président à l’heure, au jour, au mois, à la saison, etc.
Voici les anges qui président aux heures. Notez que les heures sont indiquées ici dans la langue infernale. Yayn ou première heure, l’ange Michaël ; Ianor ou deuxième heure, Anaël ; Nasnia ou troisième heure, Raphaël ; Salla ou quatrième heure, Gabriel ; Sadedali ou cinquième heure, Cassiel ; Thamus ou sixième heure, Sachiel ; Ourer ou septième heure, Samaël ; Thanir ou huitième heure, Araël ; Néron ou neuvième heure, Gambie] ; Jaya ou dixième heure, Uriel ; Abaï ou onzième heure, Azaël ; Natalon ou douzième heure, Sambaël. — Les anges du printemps, cabalistiquement nommés Talvi, sont Spugliguel, Caracasa, Commissoros et Amatiel ; le nom de la terre est alors Amadaï, le nom du soleil Abraïm, celui de la lune Agusita. Les anges de l’été, nommés Gasmaran, sont Tubiel, Gargatiel, Tariel et Gaviel. La terre s’appelle alors Festativi, le soleil Athéma’ï, et la lune Armatas. Les anges de l’automne, qui se nommera Ardaraël, sont Torquaret, Tarquam et Guabarel. La terre s’appelle Rahimara, le soleil Abragini, la lune Matafignaïs. Les anges de l’hiver, appelés Fallas, sont Altarib, Amabaël, Grarari. La terre se nomme Gérénia, le soleil Commutât et la lune Affaterim. Pour les anges des mois et des jours, voy. Mois et Jours.
Après avoir écrit tous les noms dans le cercle, mettez les parfums dans un vase de terre neuf, et dites : « Je t’exorcise, parfum, pour que tout fantôme nuisible s’éloigne de moi. » Ayez une feuille de parchemin vierge sur laquelle vous écrirez des croix ; puis appelez des quatre coins du monde les anges qui président à l’air, les sommant de vous aider sur-le-champ, et dites : « Nous t’exorcisons par la mer flottante et transparente, par les quatre divins animaux qui vont et viennent devant le trône de la divine Majesté ; nous t’exorcisons ; et si tu ne parais pas aussitôt ici, devant ce cercle, pour nous obéir en toutes choses, nous te maudissons et te privons de tout office, bien et joie ; nous te condamnons à brûler sans aucun relâche dans l’étang de feu et de soufre, etc. » Cela dit, on verra plusieurs fantômes qui rempliront l’air de clameurs. On ne s’en épouvantera point, et on aura soin surtout de ne point sortir du cercle. On apercevra des spectres qui paraîtront menaçants et armés de flèches ; mais ils n’auront pas puissance de nuire. On soufflera ensuite vers les quatre parties du monde et on dira : « Pourquoi tardez-vous ? soumettez-vous à votre maître. » Alors paraîtra l’esprit en belle forme qui dira : « Ordonnez et demandez, me voici prêt à vous obéir en toutes choses. » Vous lui demanderez ce que vous voudrez, il vous satisfera, et après que vous n’aurez plus besoin de lui, vous le renverrez en disant : « Allez en paix chez vous, et soyez prêt à venir quand je vous appellerai. » Voilà ce que présentent de plus curieux les Œuvres magiques. Et le lecteur qui s’y fiera sera du moins mystifié .
Pierre Labourant, nom que des sorciers donnèrent au diable du sabbat. Jeanne Garibaut, sorcière, déclara que Pierre Labourant porte une chaîne de fer qu’il ronge continuellement, qu’il habite une chambre enflammée où se trouvent des chaudières dans lesquelles on fait cuire des personnes, pendant que d’autres rôtissent sur de larges chenets, etc.
Pierre le Brabançon, charlatan, né dans les Pays-Bas. M. Salgues rapporte de lui le fait suivant. Étant devenu épris d’une Parisienne, riche héritière, le Brabançon contrefit aussitôt la voix du père défunt et lui fit pousser, du fond de sa tombe, de longs gémissements ; le mort se plaignit des maux qu’il endurait au purgatoire, et reprocha à sa femme le refus qu’elle faisait de donner sa fille à un si galant homme. La femme, effrayée, n’hésita plus : le Brabançon obtint la main de la demoiselle, mangea la dot, s’évada de Paris et courut se réfugier à Lyon. Un gros financier venait d’y mourir, et son fils se trouvait possesseur d’une fortune opulente. Le Brabançon va le trouver, lie connaissance avec lui, et le mène dans un lieu couvert et silencieux ; là, il fait entendre la voix plaintive du père, qui se reproche les malversations qu’il a commises dans ce monde, et conjure son fils de les expier par des prières et des aumônes ; il l’exhorte d’un ton pressant et pathétique à donner six mille francs au Brabançon pour racheter des captifs. Le fils hésite et remet l’affaire au lendemain. Mais le lendemain la même voix se fait entendre, et le père déclare nettement à son fils qu’il sera damné lui-même s’il tarde davantage à donner les six mille francs à ce brave homme que le ciel lui a envoyé. Le jeune traitant ne se le lit pas dire trois fois ; il compta les six mille francs au ventriloque, qui alla boire et rire à ses dépens.
Pierre le Vénérable, savant abbé de Cluny, mort en 1156. Il a laissé un livre de miracles qui contient plusieurs légendes où les démons ne jouent pas le beau rôle.
Pierres d’anathème. « Non loin de Patras, je vis des tas de pierres au milieu d’un champ ; j’appris que c’était ce que les Grecs appellent pierres d’anathème, espèce de trophées qu’ils élèvent à la barbarie de leurs oppresseurs. En dévouant leurs tyrans aux génies infernaux, ils les maudissent dans leurs ancêtres, dans leur âme et dans leurs enfants ; car tel est le formulaire de leurs imprécations. Ils se rendent dans le champ qu’ils veulent vouer à l’anathème, et chacun jette sur le même coin de terre la pierre de réprobation. Les passants ne manquant pas dans la suite d’y joindre leur suffrage, il s’élève bientôt dans le lieu voué à la malédiction un tas de pierres assez semblable aux monceaux de cailloux qu’on rencontre sur le bord de nos grandes routes, ce qui du reste nettoie les champs. »
Pigeons. C’est une opinion accréditée dans le peuple que le pigeon n’a point de fiel. Cependant Aristote et de nos jours l’anatomie ont prouvé qu’il en avait un, sans compter que la fiente de cet oiseau contient un sel inflammable qui ne peut exister sans le fiel. On conte que le crâne d’un homme caché dans un colombier y attire tous les pigeons des environs.
Le maréchal de Mouchy prétendait que la chair du pigeon a une vertu consolante. Lorsque ce seigneur avait perdu un ami, un parent, il disait à son cuisinier : « Vous me servirez à dîner des pigeons rôtis. J’ai remarqué, ajoutait-il, qu’après avoir mangé deux pigeons, je me lève de table beaucoup moins chagrin. »
Pij, nom que les Siamois donnent aux lieux où les âmes des coupables sont punies ; elles y doivent renaître avant de revenir en ce monde.
Pilal-Karras, exorcistes ou devins du Malabar, aux conjurations desquels les pêcheurs de perles ont recours pour se mettre à l’abri des attaques du requin, lorsqu’ils plongent dans la mer. Ces conjurateurs se tiennent sur la côte, marmottent continuellement des prières et font mille contorsions bizarres.
Pilapiens, peuples qui habitent une presqu’île sur les bords de la mer Glaciale, et qui boivent, mangent et conversent familièrement avec les ombres. On allait autrefois les consulter. Leloyer rapporte que, quand un étranger voulait savoir des nouvelles de son pays, il s’adressait à un Pilapien, qui tombait aussitôt en extase et invoquait le diable, lequel lui révélait les choses cachées.
Pilate (Mont), montagne de Suisse, au sommet de laquelle est un lac ou un étang célèbre dans les légendes. On disait que Pilate s’y était jeté, que les diables y paraissaient souvent, que Pilate, en robe de juge, s’y faisait voir tous les ans une fois, et que celui qui avait le malheur d’avoir cette vision mourait dans l’année. De plus, il passait pour certain que, quand on lançait quelque chose dans ce lac, cette imprudence excitait des tempêtes terribles qui causaient de grands ravages dans le pays ; en sorte que, même au seizième siècle, on ne pouvait monter sur cette montagne, ni aller voir ce lac, sans une permission expresse du magistrat de Lucerne, et il était défendu, sous de fortes peines, d’y rien jeter. La même tradition se rattache au lac de Pilate, voisin de Vienne en Dauphiné .
Piletski, puissante famille polonaise, dont les filles, après leur mort, se changeaient en colombes si elles n’étaient pas mariées ; et, si elles étaient mariées, en papillons de nuit. Elles allaient, sous ces formes, annoncer leur mort à tous leurs parents. C’est une de ces traditions qu’il suffit de mentionner et qui est probablement l’œuvre de quelque poète légendaire.
Pinet. Pic de la Mirandole parle d’un sorcier nommé Pinet, lequel eut commerce trente ans avec le démon Fiorina.
Pipi (Marie), sorcière qui sert d’échanson au sabbat ; elle verse à boire dans le repas non seulement au roi de l’enfer, mais encore à ses officiers et à ses disciples, qui sont les sorciers et magiciens ,
Piqueur. À Marsanne, village du Dauphiné, près de Montélimar, on entend toutes les nuits, vers les onze heures, un bruit singulier que les gens du pays appellent le piqueur : il semble, en effet, que l’on donne plusieurs coups sous terre . M. Berbiguier, dans son tome III des Farfadets, nous apprend qu’en 1821 les piqueurs qui piquaient les femmes dans les rues de Paris n’étaient allaient ni des filous, ni des méchants, mais des farfadets ou démons. « J’étais plus savant, dit-il, que le vulgaire, qui ignore que les farfadets ne font le mal que par plaisir. »
Piripiris, talismans en usage chez certains Indiens du Pérou. Ils sont composés de diverses plantes ; ils doivent faire réussir la chasse, assurer les moissons, amener de la pluie, provoquer des inondations et défaire les armées ennemies.
Pison. Après la mort de Germanicus, le bruit courut qu’il avait été empoisonné par les maléfices de Pison. On fondait les soupçons sur les indices suivants : on trouva dans la demeure de Germanicus des ossements de mort, des charmes et des imprécations contre les parois des murs, le nom de Germanicus gravé sur des lames de plomb, des cendres souillées de sang, et plusieurs autres maléfices par lesquels on croyait les hommes dévoués aux dieux infernaux .
Pistole volante. Quoique les sorciers de profession aient toujours vécu dans la misère, on prétendait qu’ils avaient cent moyens d’éviter l’indigence et le besoin. On cite entre autres la pistole volante, qui, lorsqu’elle était enchantée par certains charmes et paroles magiques, revenait toujours dans la poche de celui qui l’employait, au grand profit des magiciens qui achetaient, et au grand détriment des bonnes qui vendaient ainsi en pure perte. Voy. Agrippa, Faust, Pasétès, etc.
Pithon, démon qui était familier avec Madeleine de la Croix.
Pivert. Nos anciens, dit le Petit Albert, assurent que le pivert est un souverain remède contre le sortilège de l’aiguillette nouée, si on le mange rôti à jeun avec du sel bénit ; c’était un oiseau d’augure. Élius, préteur romain, rendait la justice sur son tribunal, lorsqu’un pivert vint se reposer sur sa fête. Les augures, consultés sur ce fait, répondirent que tant qu’Élius prendrait soin de l’oiseau, sa famille prospérerait, mais que la république serait malheureuse ; qu’au contraire, lorsque le pivert périrait, la république prospérerait et la famille d’Élius serait à plaindre. Ce dernier, préférant l’intérêt public au sien, tua sur-le-champ l’oiseau en présence du sénat ; et quelque temps après, dix-sept jeunes guerriers de sa maison furent tués à la bataille de Cannes. Mais cette bataille n’accomplit que la moitié de la prédiction et démentit l’autre, puisqu’elle fut la plus désastreuse de toutes celles que perdit la république.
Planètes. Il y a maintenant plus de soixante planètes. Les anciens n’en connaissaient que sept, en comptant la lune, qui n’est qu’un satellite de la terre ; ainsi les nouvelles découvertes détruisent tout le système de l’astrologie judiciaire. Les vieilles planètes sont : le soleil, la lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Chaque planète gouverne un certain nombre d’années . Les années où Mercure préside sont bonnes au commerce, etc. ; la connaissance de cette partie de l’astrologie judiciaire s’appelle Alfridarie.
Plante-bornes. Le plante-bornes est une des plus poétiques et des plus morales traditions. Les Auvergnats ont la passion de la propriété : conserver et surtout agrandir l’héritage, c’est le but principal de leur vie, l’honneur d’un nom ; et l’on dit :« Ce champ est dans ma famille depuis un siècle, » avec l’orgueil que l’on peut avoir ailleurs en montrant un parchemin établissant que son ancêtre était cousin de saint Louis ou frère d’armes de François Ier. À cet amour de la propriété, il fallait un frein ; car la tentation était dangereuse dans un pays où l’on ne connaissait pas de clôtures. La religion fut ce frein salutaire ; et longtemps encore après la révolution, ce n’étaient ni les juges, ni les experts qui réglaient les différends entre propriétaires, mais bien le curé. Le prêtre avait donc dû placer le respect des limites des champs au rang des choses les plus sacrées, et menacer souvent des vengeances éternelles ceux qui failliraient à ce respect. Il n’est donc pas étonnant que des imaginations frappées si vivement aient conçu la pensée du plante-bornes, c’est-à-dire de l’esprit, ou plutôt de l’âme de l’homme injuste revenant après sa mort expier son crime, en réparant ou faisant réparer le dommage causé à ses voisins. Le plante-bornes est d’un effet autrement puissant que la loi ; elle est terrible, mais aveugle ; souvent, avec de certaines précautions, on peut lui échapper ; tandis qu’avec le monde des esprits, il n’est ni ruses, ni chicanes, ni secret possible. L’amour de la famille même, le désir si naturel à tous les cœurs d’enrichir ses enfants, de les rendre heureux, conduisent le propriétaire à se surveiller scrupuleusement, à ne commettre jamais la plus légère infraction aux règles de la probité. Quel père voudrait léguer à ses fils des tourments perpétuels, la honte publique, avec le soin de réparer ses fautes, sous peine de la mort la plus affreuse ?
Car le plante-bornes ne s’en tient pas à une course vague, désordonnée, à travers les villages, mêlée de douloureux gémissements ; il finit par arriver à sa destination, frappe trois grands coups à l’étroite fenêtre de sa chaumière, en répétant par trois fois : « Plante-bornes !!! » Si les habitants, sous l’empire de la terreur, restent muets, on entend autour de la maison des pas lourds et des battements d’ailes ; et le plante-bornes revient gémir tous les soirs, sans se lasser jamais, jusqu’à ce qu’enfin l’on se décide à lui répondre.
Il se trompe quelquefois, s’adresse à une famille pure de toutes fraudes, et qui peut hardiment répondre pour ses aïeux ; mais c’est pour lui ménager un triomphe ; car, sûr de sa conscience et de celles de ses pères, le chef de famille ouvre la fenêtre, crie trois fois : « Plante-les toi-même ! » Alors tout est fini ; la paroisse est en admiration devant ceux qui ont pu chasser les plante-bornes. C’est comme une consécration de l’antique probité de la famille ; chasser un plante-bornes, c’est plus honorable que faire ses preuves de cent ans de noblesse devant Chérin.
Mais si, se mentant à lui-même, le fils d’un coupable osait prononcer la formule sacramentelle, malheur à lui ! Un homme injuste mourut subitement ; il avait bien souvent dit à son fils, en se raillant des croyances superstitieuses : « Si jamais je reviens vous tourmenter pour le bornage, n’ayez pas peur ; chassez-moi. »
Cependant une vieille femme l’avait ajourné devant ce même fils : « Vous avez planté des arbres sur le champ qui m’appartenait ; vous ne voulez pas vous arranger avec moi pendant que vous êtes vivant : prenez garde, il en coûte aux morts de se lever de leurs tombes ! »
Des semaines, des mois s’écoulèrent, le fils commençait à rire des plante-bornes ; mais un soir, tout le monde l’affirme, la paroisse était en émoi ; on frappa à la porte de sa chaumière. Rien ne bougea à l’intérieur ; alors, ce qui n’était plus jamais arrivé arriva : le plante-bornes appela son fils par son nom. Furieux, celui-ci s’élança vers la fenêtre, l’ouvrit, et aux cris de plante-bornes !… qui se répercutaient dans les montagnes, il répondit effrontément : « Plante-les toi-même ! » puis il voulut refermer le volet ; mais une invisible main le saisit à la gorge, et l’on entendit de très-près crier d’une voix désolée : « Plante-bornes ! plante-bornes ! » L’infortuné, demi-mort de frayeur, refusant encore de croire au surnaturel, essaya de se défendre ; au même instant, sa femme, ses enfants, sa vieille mère le virent disparaître dans l’espace ; puis, la chute d’un corps les fit frissonner ; puis un cri déchirant remplit la contrée ; et le lendemain on trouva le corps de l’esprit fort étendu mort sur le pavé du chemin, les lèvres sanglantes et les mains crispées .
Platon, célèbre philosophe grec, né l’an 430 avant Jésus Christ. On lui attribue un livre de nécromancie. Il y a vingt-cinq ans qu’on a publié de lui une prophétie contre les francs-maçons ; des doctes l’ont expliquée comme celles de Nostradamus.
Plats. Divination par les plats. Quinte-Curce dit que les prêtres égyptiens mettaient Jupiter Ammon sur une nacelle d’or d’où pendaient des plats d’argent, par le mouvement desquels ils jugeaient de la volonté du dieu, et répondaient à ceux qui les consultaient.
Pline. Les Orientaux en font un géomètre prodigieux ; il est lié, chez eux, à l’histoire d’Alexandre le Grand.
Plogojowits (Pierre), vampire qui répandit la terreur au dernier siècle dans le village de Kisolova en Hongrie, où il était enterré depuis dix semaines. Il apparut la nuit à quelques-uns des habitants pendant leur sommeil et leur serra tellement le gosier qu’en vingt-quatre heures ils en moururent. Il fit périr ainsi neuf personnes, tant vieilles que jeunes, dans l’espace de huit jours. La veuve de Plogojowits déclara elle-même que son mari lui était venu demander ses souliers ; ce qui l’effraya tellement qu’elle quitta le village de Kisolova. Ces circonstances déterminèrent les habitants du village à tirer de terre le corps de Plogojowits et à le brûler pour se délivrer de ses infestations. Ils trouvèrent que son corps n’exhalait aucune mauvaise odeur ; qu’il était entier et comme vivant, à l’exception du nez, qui paraissait flétri ; que ses cheveux et sa barbe avaient poussé, et qu’à la place de ses ongles, qui étaient tombés, il lui en était venu de nouveaux ; que sous la première peau, qui paraissait comme morte et blanchâtre, il en croissait une nouvelle, saine et de couleur naturelle. Ils remarquèrent aussi dans sa bouche du sang tout frais, que le vampire avait certainement sucé aux gens qu’il avait fait mourir. On envoya chercher un pieu pointu, qu’on lui enfonça dans la poitrine, d’où il sortit quantité de sang frais et vermeil, de même que par le nez et par la bouche. Ensuite les paysans mirent le corps sur un bûcher, le réduisirent en cendres , et il ne suça plus.
Plotin, philosophe de l’école d’Alexandrie, au troisième siècle. Il se vantait d’avoir un esprit familier de haut rang et de la race des dieux ; ce qui paraît peu dans ses écrits, qui n’ont rien de divin. Il se croyait bien au-dessus de l’humanité, et il eût été flatté d’espérer l’apothéose. Lorsqu’il mourut, à soixante-six ans, il disait : Je m’occupe de réunir le dieu qui est en moi à la divinité qui occupe l’univers. Au même instant on vit un serpent sortir de dessous son lit et s’échapper par un trou qui existait dans la muraille. Les assistants prétendirent que ce serpent était le dieu qui possédait Plotin, ou du moins qui habitait en lui.
Pluies merveilleuses. Le peuple met les pluies de crapauds et de grenouilles au nombre des phénomènes de mauvais augure ; et il n’y a pas encore longtemps qu’on les attribuait aux maléfices des sorciers. Elles ne sont pourtant pas difficiles à concevoir : les grenouilles et les crapauds déposent leur frai en grande quantité dans les eaux marécageuses. Si ce frai vient à être enlevé avec les vapeurs que la terre exhale, et qu’il reste longtemps exposé aux rayons du soleil, il en naît ces reptiles que nous voyons tomber avec la pluie. Les pluies de feu ne sont autre chose que la succession très-rapide des éclairs et des coups de tonnerre dans un temps orageux. Des savants ont avancé que les pluies de pierres nous venaient de la lune ; et cette opinion a grossi la masse énorme des erreurs populaires. Ces pluies ne sont ordinairement que les matières volcaniques, les ponces, les sables et les terres brûlées qui sont portés par les vents impétueux à une très-grande distance. On a vu les cendres du Vésuve tomber jusque sur les côtes d’Afrique. La quantité de ces matières, la manière dont elles se répandent dans les campagnes, souvent si loin de leur origine, et les désastres qu’elles occasionnent quelquefois, les ont fait mettre au rang des pluies les plus formidables. Mais, de toutes les pluies prodigieuses, la pluie de sang a toujours été la plus effrayante aux yeux du peuple ; et cependant elle est chimérique. Il n’y a jamais eu de vraie pluie de sang. Toutes celles qui ont paru rouges ou approchant de cette couleur ont été teintes par des terres, des poussières de minéraux ou d’autres matières emportées par les vents dans l’atmosphère, où elles se sont mêlées avec l’eau qui tombait des nuages. Plus souvent encore ce phénomène, en apparence si extraordinaire, a été occasionné par une grande quantité de petits papillons qui répandent des gouttes d’un suc rouge sur les endroits où ils passent .
Plutarque, le plus sage des philosophes, mort à Rome l’an 140 de notre ère. Il était initié et prêtre d’Apollon à Delphes. Cependant il a mérité par ses écrits les éloges même des chrétiens. Ses récits de la Cessation des oracles, son Histoire de Thespésius et ses Livres de morale, comme ses Vies des hommes illustres, établissent sa probité. Il a dû connaître les chrétiens.
Pluton, roi des enfers, selon les païens, et, selon les démonomanes, archidiable, prince du feu, gouverneur général des pays enflammés, surintendant des travaux forcés du ténébreux empire.
Plutus, dieu des richesses. Il était mis au nombre des dieux infernaux, parce que les richesses se tirent du sein de la terre. Dans les sacrifices en son honneur, les signes ordinairement funestes qu’offraient les entrailles des victimes devaient toujours s’interpréter en bonne part.
Pnigalion. C’est le nom que quelques médecins ont donné au cauchemar, parce que, au moyen de visions effrayantes, il étouffe la voix et l’estomac.
Pocel, roi de l’enfer chez les Prussiens. Ils nomment aussi Pocol le chef des hordes d’esprits aériens, et Porquet celui qui garde les forêts. Ce dernier est le Pan des anciens . Voy. Picollus et Pucel.
Pochwist, divinité de l’hiver et du mauvais temps chez les Polonais, avant qu’ils fussent chrétiens.
Pogoda, chez les mêmes, à la même époque, divinité du beau temps.
Points de côté. De bonnes gens dans les Ardennes croient guérir les points de côté au moyen de cette singulière prière : « Pointe ! Pointe sur pointe ! que Dieu te guérisse de cette pointe ! comme saint Côme et saint Damien ont guéri les plaies de Notre-Seigneur dans le jardin des Olives… »
Poirier (Marguerite), petite fille de treize ans qui déposa comme témoin contre Jean Grenier, jeune loup-garou. Elle déclara qu’un jour qu’elle gardait ses moutons dans la prairie, Grenier s’était jeté sur elle en forme de loup et l’eût mangée si elle ne se fût défendue avec un bâton, dont elle lui donna un coup sur l’échiné. Elle avoua qu’il lui avait dit qu’il se changeait en loup à volonté, qu’il aimait à boire du sang et à manger la chair des petits garçons et des petites filles ; cependant qu’il ne mangeait pas les bras ni les épaules .
Poisons. On a souvent attribué à la magie des forfaits qui n’étaient dus qu’à la connaissance de l’art des poisons. « Il est certain que, pendant le seizième siècle, dans les années qui le précédèrent et le suivirent, l’empoisonnement était arrivé à une perfection inconnue à la chimie moderne et que l’histoire a constatée. L’Italie, berceau des sciences modernes, fut à cette époque médecins inventrice et maîtresse de ces secrets, dont plusieurs se perdirent. De là vint cette réputation qui pesa, durant les deux siècles suivants, sur les Italiens. Les romanciers en ont si fort abusé, que partout où ils introduisent des Italiens, ils leur font jouer des rôles d’assassins et d’empoisonneurs. Si l’Italie avait alors l’entreprise des poisons subtils dont parlent quelques historiens, il faudrait seulement reconnaître sa suprématie en toxicologie comme dans d’autres connaissances. Elle servait les passions du siècle, comme elle bâtissait d’admirables édifices, commandait les armées, peignait de belles fresques, chantait des romances, dessinait des fêtes ou des ballets et raffinait la politique. À Florence, l’art des poisons était à un si haut point, qu’une femme partageant une pêche avec un duc, en se servant d’une lame d’or dont un côté seulement était empoisonné, mangeait la moitié saine et donnait la mort avec l’autre. Une paire de gants parfumés infiltrait par les pores une maladie mortelle. On mettait le poison dans un bouquet de roses naturelles, dont la seule senteur, une fois respirée, donnait la mort. Don Juan d’Autriche fut, dit-on, empoisonné par une paire de bottes . »
Polkan, centaure des Slavons, auquel on attribuait une force et une vitesse extraordinaires. Dans les anciens contes russes, on le dépeint homme depuis la tête jusqu’à la ceinture, et cheval ou chien depuis la ceinture. En cheval, ses ruades gracieuses ont donné naissance à la danse bête qu’on nomme polka.
Pollier (Abraham). C’était un Suisse qui servait comme dragon chez le comte de Hohenlohe Pfédelbach, au commencement de l’an 1684. Le h avril, il annonça qu’il allait être congédié ; et comme on s’en étonnait, il ajouta qu’il était au service du diable ; que le diable, en prenant hypothèque sur son âme, lui avait avancé de l’argent ; mais que toutes les fois qu’il avait voulu le rembourser, comme il s’en était réservé le droit dans le pacte conclu entre eux, il manquait toujours un thaler, et enfin qu’on ne le reverrait plus le lendemain. Il disparut en effet le soir. Et, durant cette soirée, on l’entendit dans plusieurs hameaux implorer du secours, sans que personne osât aller à son aide. On trouva, au matin qui suivit, ses armes et ses habits près du village qu’il avait quitté. Huit jours après, un pêcheur repêcha son haut-de-chausse et sa chemise, et peu après son corps, où l’on constata qu’il avait eu le cou tordu. On l’enterra sous la potence .
Polycrite. Il y avait en Étolie un citoyen vénérable, nommé Polycrite, que le peuple avait élu gouverneur du pays, à cause de son rare mérite et de sa probité. Sa dignité lui fut prorogée jusqu’à trois ans, au bout desquels il se maria avec une femme de Locres. Mais il mourut la quatrième nuit de ses noces et la laissa enceinte d’un hermaphrodite, dont elle accoucha neuf mois après. Les prêtres et les augures, ayant été consultés sur ce prodige, conjecturèrent que les Étoliens et les Locriens auraient guerre ensemble, parce que ce monstre avait les deux sexes. On conclut enfin qu’il fallait mener la mère et l’enfant hors des limites d’Étolie et les brûler tous deux. Comme on était près de faire cette abominable exécution, le spectre de Polycrite apparut et se mit auprès de son enfant. Il était vêtu d’un habit noir. Les assistants, effrayés, voulaient s’enfuir ; il les rappela, leur dit de ne rien craindre et fit ensuite, d’une voix grêle et basse, un beau discours par lequel il leur montra que, s’ils brûlaient sa femme et son fils, ils tomberaient dans des calamités extrêmes. Mais, voyant que, malgré ses remontrances, les Étoliens étaient décidés à faire ce qu’ils avaient résolu, il prit son enfant, le mit en pièces et le dévora. Le peuple poussa des huées contre lui et lui jeta des pierres pour le chasser ; il fit peu d’attention à ces insultes et continua de manger son fils, dont i^ ne laissa que la tête, après quoi il disparut. Ce prodige sembla si effroyable qu’on prit le dessein d’aller consulter l’oracle de Delphes. Mais la tête de l’enfant, s’étant mise à parler, leur prédit, en vers, tous les malheurs qui devaient leur arriver dans la suite, et, disent les anciens conteurs, la prédiction s’accomplit. La tête de l’enfant de Polycrite, se trouvant exposée sur un marché public, prédit encore aux Étoliens, alors en guerre contre les Acarnaniens, qu’ils perdraient la bataille. — Le Polycrite de ce conte était un vampire ou un ogre.
Polyglossos, nom que les anciens donnaient à un chêne prophétique de la forêt de Dodone ; ce chêne extraordinaire rendait des oracles dans la langue de ceux qui venaient le consulter.
Polyphage. On a publié à Wittemberg, il y a vingt ou trente ans, une dissertation sous ce titre : De polyphago et alio triophago Witlemlergensis dissertatio, in-4°. C’est l’histoire d’un des plus grands mangeurs qui aient jamais existé. Cet homme, si distingué dans son espèce, dévorait quand il voulait (ce qu’il ne faisait toutefois que pour de l’argent) un mouton entier, ou un cochon, ou deux boisseaux de cerises avec leurs noyaux ; il brisait avec les dents, mâchait et avalait des vases de terre et de verre, et même des pierres très-dures ; il engloutissait des animaux vivants, oiseaux, souris, chenilles, etc. Enfin, ce qui surpasse toute croyance, on présenta un jour à cet avale-tout une écritoire couverte de plaques de fer ; il la mangea avec les plumes, le canif, l’encre et le sable. Ce fait si singulier, qui doit consterner nos hommes sauvages, nos mangeurs de cailloux et nos jongleurs de places publiques, a été attesté par sept témoins oculaires, devant le sénat de Wittemberg. Quoi qu’il en soit, ce terrible estomac jouissait d’une santé vigoureuse ; il termina ses prouesses à l’âge de soixante ans. Alors il commença à mener une vie sobre et réglée, et vécut jusqu’à l’âge de soixante-dix-neuf ans. Son cadavre fut ouvert ; on le trouva rempli de choses extraordinaires, dont l’auteur donne la description . La seconde partie de la dissertation renferme l’histoire de quelques hommes de cette trempe et l’explication de ces singularités. Mais le tout nous semble un peu farci de ce que l’on appelle, en termes de journalisme, des canards ; et il y en a beaucoup dans les récits de merveilles.
Polyphème, géant qui n’avait qu’un œil au milieu du front, célèbre dans l’Odyssée, type effrayant de nos ogres.
Polyphidée, devin d’Hypérésie, pays d’Argos.
Polythéisme. Un brahme de Calcutta a publié, ces dernières années, une défense théologique du système des Hindous, qui admettent trois cent cinquante millions de dieux et de déesses.
Pomme d’Adam. La légère protubérance qu’on appelle pomme d’Adam à la gorge des hommes vient, dans les opinions populaires, d’un pépin qui s’arrêta là quand notre premier père mangea si désastreusement le fruit défendu.
Pomponace, professeur de philosophie souvent hasardée ; né à Mantoue en 1462, mort en 1525. Dans son Traité des enchantements, il prétend que les démons ne sont pour rien dans la magie et les phénomènes occultes ; mais que tout ce qu’on leur attribue est l’œuvre des astres, dont il fait des démons.
Poniatowska (Catherine), visionnaire du Nord. Voy. Comenius.
Pont. Les anciens Scandinaves disaient que les dieux avaient fait un pont qui communiquait du ciel à la terre, et qu’ils le montaient à cheval. Quand Satan se révolta contre Dieu, il fit bâtir un fameux pont qui allait de l’abîme au paradis. Il est rompu.
Pont d’Adam. On appelle Pont d’Adam une suite de bancs de sable qui s’étendent presque en ligne directe entre l’île de Manar et celle de Ceylan, où les indigènes placent le paradis terrestre. C’est, selon les Cingalais, le chemin par lequel Adam, chassé du paradis, se rendit sur le continent. Les Indiens disent que le golfe se referma pour empêcher son retour.
Pont du diable. Dans la vallée de Schellenen, en Suisse, l’imagination croit voir partout les traces d’un agent surnaturel. Le diable n’est point, aux yeux de ces montagnards, un ennemi malfaisant ; il s’est même montré assez bonne personne, en perçant des rochers, en jetant des ponts sur les précipices, etc., ce que lui seul, selon les habitants, pouvait exécuter. On ne peut rien imaginer de plus hardi que la route qui parcourt la vallée de Schellenen. Après avoir suivi quelque temps les détours capricieux de cette route terrible, on arrive à cette œuvre de Satan, qu’on appelle le Pont du diable. Cette construction imposante est moins merveilleuse encore que le site où elle est placée. Le pont est jeté entre deux montagnes droites et élevées, sur un torrent furieux, dont les eaux tombent par cascades sur des rocs brisés et remplissent l’air de leur fracas et de leur écume .
Le pont de Jouy-aux-Arches, près Metz, était aussi l’ouvrage du diable, aussi bien que l’ancien pont de Saint-Cloud, qui s’ébranla au seizième siècle, au passage d’un enfant qu’on venait de baptiser, et s’écroula ensuite. Plusieurs autres ponts ont le même nom.
Popoguno, enfers des Virginiens, dont le supplice consiste à être suspendu entre le ciel et la terre.
Poppiel Ier, roi de Pologne au neuvième siècle. On rapporte qu’il jurait souvent et que son serment ordinaire était : Que les rats me puissent manger ! Si ce serment ne lui fut pas funeste, il le fut du moins à sa postérité, comme on va le voir. Il mourut de maladie, dans un âge peu avancé. Poppiel II, son fils, fut comme lui un tyran. On lui avait donné pour tuteurs ses oncles, guerriers braves et expérimentés, qu’il n’écouta point. Il épousa une princesse qui s’empara de son esprit, lui rendit d’abord ses oncles suspects, ensuite odieux, et ses conseils le décidèrent à les faire empoisonner. La cour frémit et le peuple s’indigna à cette nouvelle. Poppiel, avec l’audace qui est le propre des grands criminels, accusa ses oncles de trahison et défendit qu’on leur accordât ni bûcher, ni sépulture. Les Polonais, qui aimaient ces princes si lâchement assassinés, murmurèrent de nouveau ; mais on n’eût fait que les plaindre, si le ciel ne leur eût envoyé des vengeurs. Du milieu de leurs restes tombés en pourriture, il sortit une armée de rats, destinés à punir Poppiel. L’horreur qu’avait inspirée son crime avait fait fuir la plus grande partie de sa cour; elle était presque réduite à la reine et à lui seul, lorsque ces bêtes les assiégèrent et vinrent à bout de les dévorer. Voy. Hatton.
Porcs (Divination par les). Nous ne pouvons citer qu’un exemple de ce singulier procédé pour la connaissance de l’avenir. Justinien ayant déclaré la guerre à Théodat, ce roi des Goths fut vaincu par Bélisaire ou plutôt par la peur. Procope explique ainsi le fait : Ce pauvre prince ayant consulté un juif qui passait pour un devin très-habile, afin de savoir d’avance le résultat de la guerre, le Juif enferma trente porcs, dix par dix, dans trois étables. On les tint un certain temps sans manger. Le terme de l’expérience étant expiré, le prince et le juif entrèrent dans les étables ; on avait donné aux porcs de la première le nom de Goths, à ceux de la seconde le nom de Romains et aux porcs de la troisième le nom de Grecs. Les porcs qui représentaient les Goths se trouvèrent morts, à l’exception de deux ; cinq des porcs romains restaient debout; mais les porcs grecs se montrèrent tous vivants. Théodat vit là que la victoire serait à l’empereur, et subit en conséquence une défaite. Les Goths, instruits de ces détails, chassèrent leur roi Théodat et proclamèrent à sa place Vitigès, son écuyer.
Porom-Houngse, sorte de fakirs chez les Indiens. Ils se vantent d’être descendus du ciel et de vivre des milliers d’années sans jamais prendre la moindre nourriture. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’on ne voit jamais un porom-houngse manger ou boire en public.
Porphyre, visionnaire grec et philosophe vivant au troisième siècle, que quelques-uns de gens ont fait mettre au rang des sorciers, dans les arts magiques.
Porriciæ, entrailles de la victime que les prêtres jetaient dans le feu, après les avoir considérées pour en tirer de bons ou de mauvais présages.
Porta (Jean-Baptiste), physicien célèbre, qui a fait faire des pas à la science et qui a préparé les découvertes photographiques dont nous jouis, sons aujourd’hui, né à Naples vers 1550. On dit qu’il composa à quinze ans les premiers livres de sa Magie naturelle, qui sont gâtés par les préjugés du siècle où il vécut. Il croyait à l’astrologie judiciaire, à la puissance indépendante des esprits, etc. On cite, comme le meilleur de ses ouvrages, la Physiognomonie céleste, 1661, in-4 ; il s’y déclare contre les chimères de l’astrologie ; mais il continue néanmoins à attribuer une grande influence aux corps célestes. On lui doit encore un traité de Physiognomonie, où il compare les figures humaines aux figures des animaux, pour en tirer des inductions systématiques. Voy. Physiognomonie, à la fin.
Porte. Les Tartares mandchou révèrent un esprit gardien de la porte, sorte de divinité domestique qui écarte le malheur de leurs maisons.
Portes des Songes. Dans Virgile, l’une est de corne, l’autre est d’ivoire. Par la porte de corne passent les Songes véritables, et par la porte d’ivoire, les vaines illusions et les Songes trompeurs.
Les mois sont une division de l'année solaire, en douze ; et chaque mois compte 28 à 31 jours.
Depuis la plus haute Antiquité, 12 est le nombre des cycles temporels. En effet, dès cette époque, on comptait douze heures du jour, douze heures de la nuit et douze signes du zodiaque. Néanmoins, le découpage de l'année en douze mois, tel qu'on le connaît actuellement est une tradition occidentale.
En effet, les Aztèques et les Mayas représentaient les mois de l'année de façon différente : ils divisaient l'année en 18 mois de 20 jours.
Les noms des mois de l'année sont issus de l'Antiquité romaine. En effet, les Romains avaient associé certains dieux ou de hauts personnages à un mois particulier. Ainsi, Janvier était représenté par Janus (le dieu à double visage, protégeant les commencements et les passages) ; Mars était le nom du dieu de la guerre ; Mai était de mois de Maius (un dieu ancien) ; Juin était associé à Junon (la reine des dieux et la protectrice du mariage) ; Juillet était le mois de Jules César ; et Août, celui d'Auguste.
En outre, certains mois portaient des noms religieux. Par exemple, Février était le mois des purifications et Avril, le mois de l'ouverture.
Enfin, d'autres mois étaient numérotés, sachant que l'année commençait au mois de Mars. Ainsi, Septembre désignait le septième mois ; Octobre, le huitième mois ; Novembre, le neuvième mois ; et Décembre, le dixième mois.
Entre le 24 Novembre 1793 et le 1er Janvier 1806, le calendrier grégorien fut remplacé par le calendrier républicain. Ce dernier visait à symboliser une nouvelle ère, en rupture avec l'ancien temps qui était alors synonyme d'esclavage. Ainsi, ce nouveau calendrier abandonna les références aux dieux pour s'attacher aux données météorologiques et à la vie de la nature.
Dès lors, Vendémiaire (le premier mois de l'année) évoquait les vendanges ; Brumaire se référait à la brume et au brouillard ; Frimaire évoquait le froid ; Nivôse, la neige ; Pluviôse, la pluie ; Ventôse, le vent ; Germinal, la germination des plantes ; Floréal, la floraison ; Prairial, la prairie ; Messidor, la moisson ; Thermidor, la chaleur ; et Fructidor, la fructification.
Mois, du latin mensis, qui, selon Cicéron, vient de mensura (mesure).
Après avoir remarqué les changements journaliers des ténèbres et de la lumière, c'est à-dire des jours, les hommes firent attention au mouvement de la lune, mouvement manifeste, puisqu'on la voit paraître grande, lumineuse, et disparaître ensuite ; or comme elle éprouve tous ces changements dans un temps déterminé, et qu'il y a des règles aussi palpables que certaines des retours de ses différentes apparitions, on appela mois cet espace de temps qu'emploie à parcourir la période entière de la diversité de ses phases.
Il est certain que la plupart des anciens peuples, tels que les Juifs, les Grecs et les Romains, jusqu'au temps de Jules-César, comptaient le temps par les mois lunaires périodiques. Les Juifs ne désignaient leurs mois que par l'ordre qu'ils tenaient entre eux : le premier, le second, le troisième, et ainsi du reste. Moïse, Josué, les Juges, les Rois, suivirent le même usage, et ce n'est que depuis la captivité de Babylone que les Israélites prirent les noms des mois des Chaldéens et des Perses, chez qui ils avaient demeuré si longtemps.
Les Grecs, dit Furgault (Dictionnaire d'antiquités grecques et romaines), étaient fort attentifs à remarquer le jour de la néoménie ou nouvelle lune. Ils divisaient le mois en trois parties ou dizaines, et à chaque dizaine ils recommençaient à compter par l'unité.
Les Romains divisaient leur mois, qui était lunaire, en trois parties, qu'ils appelaient calendes, nones, ides. Ils n'eurent d'abord que dix mois dans leur année, dont le premier était celui de mars, vinrent ensuite avril, mai, juin, quintile, sextile, septembre, octobre, novembre, décembre, qui étaient à peu près les mêmes que les nôtres ; c'est pourquoi nos quatre derniers mois portent encore aujourd'hui des noms qui ne répondent plus au rang qu'ils tiennent, mais plutôt à celui qu'ils tenaient autrefois : car septembre, octobre, novembre et décembre signifient le septième, le huitième, le neuvième et le dixième mois ; mais, comme ces dix mois ne remplissaient pas, à beaucoup près, le temps pendant lequel le soleil nous paraît parcourir les douze signes du zodiaque, les saisons se trouvaient par là très dérangées d'une année à l'autre. On sentit cet inconvénient, et l'on y remédia en partie, en ajoutant deux nouveaux mois, savoir janvier et février, que l'on plaça immédiatement avant mars ; de sorte que celui-ci , qui jusque là avait été le premier mois de l'année, se trouva être le troisième.
La division de l'année en douze mois est fort ancienne, et presque universelle. Quelques peuples ont supposé les mois égaux et de trente jours, et ils ont complété l'année par l'addition d'un nombre suffisant de jours complémentaires ; d'autres peuples ont embrassé l'année entière dans les douze mois, en les rendant inégaux.
Le système des mois de trente jours conduit naturellement à leur division en trois décades. Cette période donne la facilité de retrouver, à chaque instant, le quantième du mois ; mais, à la fin de l'année, les jours complémentaires troublent l'ordre de choses attaché aux divers jours de la décade, ce qui nécessite alors des mesures administratives embarrassantes.
On obvie à cet inconvénient par l'usage d'une petite période indépendante des mois et des années ; telle est la semaine, qui depuis la plus haute antiquité, dans laquelle se perd son origine, circule, sans interruption, à travers les siècles, en se mêlant aux calendriers successifs des différents peuples.
Moïse. Le diable selon les uns, un imposteur selon les autres, pour induire en erreur le peuple juif, prit la figure de Moïse, en 434. Il se présenta aux Israélites de l'île de Candie, leur disant qu'il était leur ancien libérateur, ressuscité pour les conduire une seconde fois à la terre promise. Les Israélites donnèrent tête baissée dans le piège.
Ils se rassemblèrent des diverses contrées. Quand tout fut prêt pour le départ de l'île, l'armée du peuple se rendit au bord de la mer, dans la persuasion qu'on allait la passer à pied sec. Le diable, riant sous cape, conduisit les cohortes jusqu'au rivage. La confiance de ces gens était si grande, qu'ils n'attendirent pas que leur conducteur eût fait signe à la mer de se fendre: ils se jetèrent en masse au milieu des flots, certains que la mer se retirerait sous leurs pas.
Malheureusement la verge de Moïse n'était pas là. Plus de vingt mille Juifs, dit-on, se noyèrent, en plein jour, et le faux Moïse ne se trouva plus.
Moiset. C'est le nom que prit le démon ou le fourbe qui se donnait pour tel, et qui engagea pour le sabbat et la sorcellerie Pierre Bourget et Michel Verdung.
Mokissos. Les mokissos sont des génies révérés des habitants de Loango, mais subordonnés au Dieu suprême. Ils pensent que ces génies peuvent les châtier, et même leur ôter la vie s'ils ne sont pas fidèles à leurs obligations. Lorsqu'un homme est heureux et bien portant, il est dans les bonnes grâces de son mokisso. Est-il malade ou éprouve-t-il des revers, il attribut cette calamité à la colère de son génie.
Ces peuples donnent le même nom à leur souverain, auquel ils croient un pouvoir divin et surnaturel, comme de pouvoir faire tomber la pluie, et d'exterminer en un instant des milliers d'hommes, etc.
Les mokissos sont des figures de bois qui représentent, ou des hommes grossièrement faits, ou des quadrupèdes, ou des oiseaux. On leur offre des vœux et des sacrifices pour les apaiser.
Molitor (Ulrich). Auteur d'un livre rare intitulé Traité des lamies et des pythonisses: Tractatus de lamiis et pythonicis, Constance, 1489, in-4°. Paris, 1561, in-8°. On y voit des choses singulières , qui ne sont pourtant pas des fables.
Moloch. Moloch est un prince du pays des larmes, membre du conseil infernal. Il était adoré par les Ammonites, sous la figure d'une statue de bronze assise sur un trône de même métal, ayant une tête de veau surmontée d'une couronne royale. Ses bras étaient étendus pour recevoir les victimes humaines: on lui sacrifiait des enfants.
Dans Milton, Moloch est un démon affreux et terrible couvert des pleurs des mères et du sang des enfants.
Moloch est le symbole de la cruauté absolue. C'était un ogre impitoyable, mangeur d'enfants. Aussi, livrer ses enfants à cette créature signifiait les immoler au dieu féroce.
Moloch était un dieu des Phéniciens et des Carthaginois. Il exigeait des sacrifices de nourrissons. D'ailleurs, dans le Paradis perdu, Milton (un poète anglais du XVIIe siècle) décrit Moloch comme un monstre couvert du sang de ses victimes et des larmes de leurs mères.
Aussi, les enfants étaient placés sur les mains d'une énorme statue de bronze. Celle-ci pouvait bouger ses bras grâce à un mécanisme. De ce fait, elle pouvait enfourner les nouveau-nés dans sa bouche, et un feu à l'intérieur de la statue les consumait. Aussi, pour que la foule n'entendent pas les hurlements des victimes, les prêtres dansaient et jouaient de la flûte et du tambourin.
Plusieurs passages de la Bible font référence à Moloch. Ainsi, dans le Lévitique, Dieu dit à Moïse : "Tout homme d'entre les fils d'Israël ou d'entre les étrangers résidant en Israël qui livre un de ses descendants à Moleck sera mis à mort ; le peuple du pays l'assommera avec des pierres."
Cependant, certains pensent que ce nom est en fait celui d'un sacrifice humain, pratiqué sur les hauts lieux cananéens et carthaginois.
Momies. Le prince de Radziwill, dans son Voyage de Jérusalem, raconte une chose singulière, dont il a été le témoin.
Il avait acheté en Egypte deux momies, l'une d'homme et l'autre de femme, et les avait enfermées secrètement en des caisses qu'il fit mettre dans son vaisseau lorsqu'il partit d'Alexandrie pour revenir en Europe. Il n'y avait que lui et ses deux domestiques qui sussent ce que contenaient les caisses, parce que les Turcs alors permettaient difficilement qu'on emportât les momies, croyant que les chrétiens s'en servaient pour des opérations magiques.
Lorsqu'on fut en mer, il s'éleva une tempête qui revint à plusieurs reprises avec tant de violence que le pilote désespérait de sauver le navire. Tout le monde était dans l'attente d'un naufrage prochain et inévitable. Un bon prêtre polonais, qui accompagnait le prince de Radziwill, récitait les prières convenables à une telle circonstance. Le prince et sa suite y répondaient. Mais le prêtre était tourmenté, disait-il, par deux spectres (un homme et une femme) noirs et hideux, qui le harcelaient et le menaçaient. On crut d'abord que la frayeur et le danger du naufrage lui avaient troublé l'imagination. Le calme étant revenu, il parut tranquille. Mais le tumulte des éléments reparut bientôt. Alors ces fantômes le tourmentèrent plus fort qu'auparavant, et il n'en fut délivre que quand on eut jeté les deux momies à la mer, ce qui fit en même temps cesser la tempête.
On rapporte à des principes religieux et à la nature du pays les motifs qui ont engagé les Égyptiens à embaumer et à conserver d'une manière quelconque les corps d'hommes et d'animaux. Cet usage était parmi eux de la plus haute antiquité.
Tous ces corps, soit desséchés, soit embaumés, s'appellent momies. Ce mot, qui n'est ni d'origine grecque, ni d'origine latine, ne paraît pas cependant venir de la langue égyptienne ; car, selon saint Augustin, les Égyptiens donnaient le nom de gabbaras à leurs corps embaumés ou desséchés. Cependant quelques écrivains dérivent mumia (momie) de l'expression arabe mum, qui signifie cire. Les anciens auteurs n'ont transmis que des détails très insuffisants, tant sur la préparation que sur la conservation des momies.
La plaine de Saccara, aux environs de l'ancienne Memphis, est le lieu qui en a fourni le plus ; mais très peu nous parviennent intactes et entières ; la cause en est dans la cupidité des Turcs et des Arabes, qui ne les livrent aux voyageurs qu'après les avoir dépouillées. La caisse où l'on enfermait les momies était d'un bois simple et commun, quelquefois de cyprès d'Orient, ou bien de sycomore. En haut, sur le couvercle des caisses de momies, on voit ordinairement un masque avec le voile égyptien, taillé dans le bois ; presque toujours aussi on y remarque au menton la tresse en forme de bouchon. On n'est pas sûr de ce que signifie cette tresse ; quelques auteurs l'ont prise pour la barbe, d'autres pour la feuille de perséa, plante consacrée à Isis. Dans les momies de femmes, et en général dans les figures de femmes de travail égyptien, on ne rencontre jamais ce signe, ce qui donne du poids à l'opinion de ceux qui y voient une barbe. Sur les couvercles des cercueils, on trouve encore des visages peints ; on a prétendu que ce pouvait être ceux des défunts ; mais comme ils ont entre eux une parfaite ressemblance, on en peut conclure que ce ne sont que des ornements. Quelques uns cependant ont juge vraisemblable que sur les momies d'hommes on a pu peindre la figure d'Osiris, et celle d'Isis sur les momies de femmes. Dans l'examen fait de la momie que possède l'université de Goettingue, on a remarqué que le visage était peint sur les bandelettes qui enveloppaient le corps, et qu'elle avait sous ses pieds des semelles de toile. On a vu des momies à ongles jaunes, et non dorés, comme on l'a cru. Dans l'intérieur de quelques unes ou a trouvé de petites idoles, des amulettes, des nilomètres (instruments propres à mesurer la crue du Nil), etc. Une momie ouverte par M. Blumenbach avait des yeux postiches, faits de toile de coton, enduits de poix-résine.
Outre une momie très dégradée et son cercueil de sycomore, venant de Sainte-Geneviève, la bibliothèque possède un couvercle de caisse tumulaire, très bien conservé. Il est orné, comme tous les autres, de peintures hiéroglyphiques que souvent on retrouve sur les bandelettes qui enveloppent les corps. On y voit aussi, un morceau de bandelette, probablement enlevé d'une momie, lequel représente la cérémonie de l'embaumement.
Dans la même plaine de Saccara, où sont déposées les momies humaines, des réduits souterrains en contiennent aussi un grand nombre d'animaux sacrés. M. Denon, dans son Voyage de la haute et basse Egypte, a visité des caves dans l'une desquelles se trouvaient plus de 500 momies d'ibis. Les pots ou vases qui leur servent de sarcophages sont de terre rouge et commune, de 14 à 18 pouces de hauteur ; on serait disposé à douter de leur antiquité, tant ils sont bien conservés. En général, ces momies sont enveloppées de bandes de toile entrelacées avec beaucoup de soin, la tête et les pieds cachés sous les ailes, et le tout présente une forme conique. Cependant toutes ne sont pas renfermées dans des urnes ; il y en a d'emmaillotées avec le même art, excepté la tête et le bec, qui sont proéminents ; mais elles ont cela de particulier, que leur arrangement est celui d'une momie humaine, et qu'elles semblent pouvoir se tenir debout.
Monarchie infernale. La monarchie infernale se Compose, selon Wierus, de:
- Un empereur, qui est Belzébuth.
- 7 rois qui règnent aux quatre points cardinaux et qui sont Baël, Pursan, Byleth, Paymon, Bélial, Asnioday, Zapan.
- 23 ducs, qui sont Agarès, Busas, Gusoyn, Baihyin , Eligor, Valefar, Zepar, Sytry, Bune, Berith, Astaroth, Vepar, Chax, Pricel, Murmur, Focalor, Gomory, Amduscias, Aym, Orobas, Vapula, Hauros, Alocer.
- 13 marquis, qui sont Aamon, Loray, Naberus, Fornéus, Roneve, Marchocias, Sabnac, Gamygyn, Arias, Andras, Androalphus, Cimeries, Phœnix.
- 10 comtes, qui sont Barbatos, Botis, Morax, Ipès, Furfur, Raym, Halphas, Vine, Decarabia, Zalcos.
- 11 présidents, qui sont Marbas, Buer, Glasialabolas, Forcas, Malphas, Gaap, Caym, Volac, Oze, Amy, Haagenti.
- Plusieurs chevaliers, qui sont Furcas, Bifrons, etc.
Monde. Racontons les rêveries des conteurs païens. Sanchoniaton présente ainsi l'origine du monde. Le Très-Haut et sa trois habitaient le sein de la lumière. Ils eurent un fils beau comme le ciel, dont il porta le nom, et une fille belle comme la terre, dont elle porta le nom. Le Très-Haut mourut tué par des bêtes féroces, et ses enfants le déifièrent.
Le Ciel, maître de l'empire de son père, épousa la Terre, sa sœur, et en eut plusieurs enfants, entre autres Saturne. Il prit encore soin de sa postérité avec quelques autres femmes. Mais la Terre en témoigna tant de jalousie qu'ils se séparèrent. Néanmoins le Ciel revenait quelquefois à elle, et l'abandonnait ensuite de nouveau, ou cherchait à détruire les enfants qu'elle lui avait donnés.
Quand Saturne fut grand, il prit le parti de sa mère, et la protégea contre son père, avec le secours d'Hermès, son secrétaire. Saturne chassa son père, et régna en sa place. Ensuite, il bâtit une ville, et se défiant de Sadid, l'un de ses fils, il le tua et coupa la tête à sa fille, au grand étonnement des dieux. Cependant le Ciel, toujours fugitif, envoya trois de ses filles à Saturne pour le faire périr. Ce prince les fit prisonnières et les épousa. A cette nouvelle, le père en détacha deux autres, que Saturne épousa pareillement. Quelque temps après, Saturne ayant tendu des embûches à son père, l'estropia et l'honora ensuite comme un dieu.
Tels sont les divins exploits de Saturne. Tel fut l'âge d'or. Astarté-la-Grande régna alors dans le pays par le consentement de Saturne. Elle porta sur sa tête une tête de taureau, pour marque de sa royauté.
Au commencement, dit Hésiode, était le Chaos, ensuite la Terre, le Tartare, l'Amour le plus beau des dieux. Le Chaos engendra l'Erèbe et la Nuit, de l'union desquels naquirent le Jour et la Lumière. La Terre produisit alors les étoiles, les montagnes et la mer. Bientôt, unie au Ciel, elle enfanta l'Océan, Hypérion, Japhet, Rhéa, Phœbé, Thétis, Mnémosyne, Thémis et Saturne, ainsi que les cyclopes, et les géants Briarée et Gygès, qui avaient cinquante têtes et cent bras.
A mesure que ses enfants naissaient, le Ciel les enfermait dans le sein de la Terre. La Terre, irritée, fabriqua une faux qu'elle donna à Saturne. Celui-ci en frappa son père, et du sang qui sortit de cette blessure naquirent les géants et les furies. Saturne eut de Rhéa, son épouse et sa sœur, Vesta , Cérès, Junon, Pluton, Neptune et Jupiter. Ce dernier, sauvé de la dent de son père, qui mangeait ses enfants, fut élevé dans une caverne, et par la suite fit rendre à Saturne ses oncles qu'il tenait en prison, ses frères qu'il avait avalés, le chassa du ciel, et la foudre à la main, devint le maître des dieux et des hommes.
Les Égyptiens faisaient naître l'homme et les animaux du limon échauffé par le Soleil. Les Phéniciens disaient que le Soleil, la Lune et les astres ayant paru, le Limon, fils de l'Air et du Feu, enfanta tous les animaux; que les premiers hommes habitaient la Phénicie; qu'ils furent d'une grandeur démesurée et donnèrent leur nom aux montagnes du pays; que bientôt ils adorèrent deux pierres, l'une consacrée au Vent, l'autre au Feu, et leur immolèrent des victimes.
Mais le Soleil fut toujours le premier et le plus grand de leurs dieux.
Tous les peuples anciens faisaient remonter très haut leur origine, et chaque nation se croyait la première sur la terre. Quelques peuples modernes ont la même ambition: les Chinois se disent antérieurs au déluge. Les Japonais soutiennent que les dieux dont ils sont descendus ont habité leur pays plusieurs millions d'années avant le règne de Cin-Mu, fondateur de leur monarchie.
Origène prétend que Dieu a toujours créé, par succession, des mondes infinis, et les a ruinés au temps déterminé par sa sagesse, à savoir: le monde élémentaire, de 7 en 7000 ans, et le monde céleste, de 49 en 49000 ans, réunissant auprès de lui tous les esprits bienheureux, et laissant reposer la matière l'espace de 1000 ans, puis renouvelant toutes choses.
Le monde élémentaire doit durer 6000 ans, ayant été fait en 6 jours, et se reposer le septième millénaire, pour le repos du septième jour. Et comme la cinquantième année était le grand jubilé chez les Hébreux, le cinquantième millénaire doit être le millénaire du repos pour le monde céleste.
Il n'est point parlé dans la Bible de la création des anges, parce qu'ils étaient restés immortels après la ruine des mondes précédents.
Les Parsis ou Guèbres prétendent que pour peupler plus promptement le monde nouvellement créé, Dieu permit qu'Ève, noire mère commune, mît au monde chaque jour deux enfants jumeaux. Ils ajoutent que durant 1000 ans, la mort respecta les hommes, et leur laissa le temps de se multiplier.
Les Lapons s'imaginent que le monde existe de toute éternité, et qu'il n'aura jamais de fin. Les peuples de la Côte-d'Or, en Afrique, croient que le premier homme fut produit par une araignée. Les Athéniens se disaient descendus des fourmis d'une forêt de l'Attique.
Parmi les sauvages du Canada, il y a trois familles principales: l'une prétend descendre d'un lièvre. L'autre dit qu'elle descend d'une très belle et très courageuse femme, qui eut pour mère une carpe dont l'œuf fut échauffé par les rayons du soleil. La troisième famille se donne pour premier ancêtre un ours.
Les rois des Goths étaient pareillement nés d'un ours.
Les Pégusiens sont nés d'un chien. Les Suédois et les Lapons sont issus de deux frères dont le courage était bien différent, s'il faut en croire les Lapons. Un jour qu'il s'était levé une tempête horrible, l'un des deux frères qui se trouvaient ensemble fut si épouvanté, qu'il se glissa sous une planche que Dieu, par pitié, convertit en maison. De ce poltron sont nés tous les Suédois. L'autre, plus courageux, brava la furie de la tempête, sans chercher même à se cacher: ce brave fut le père des Lapons.
Le monde est le symbole de la création dans son ensemble, c'est-à-dire dans son mouvement, ainsi que dans ses dimensions matérielles et spirituelles.
Le monde comprend les cieux divins, la terre des vivants et l'enfer. En outre, ces trois niveaux sont mis en relation par les cycles de la vie biologique : la naissance, la vie et la mort. Ainsi, ces trois niveaux forment un système général appelé cosmogonie.
Dans le tarot de Marseille, le monde est la vingt et unième arcane majeure. Il représente une jeune fille nue, en mouvement, entourée d'une guirlande de feuilles ovale. Aussi, une créature de couleur différente figure dans chaque coin. Il s'agit d'un cheval, d'un aigle, d'un lion et d'un ange.
Ainsi, cette arcane ultime représenterait la perfection de l'être au monde, d'un humain accompli, c'est-à-dire un être à la fois stable et en perpétuel mouvement, en harmonie avec toutes choses et riche de toute sa spiritualité.
Monkir et Nékir. Monkir et Nékir sont des anges qui, selon la croyance des musulmans, interrogent le mort aussitôt qu'il est dans le sépulcre, et commencent leur interrogatoire par cette demande: Qui est votre seigneur? et qui est votre Prophète?
Leurs fonctions sont aussi de tourmenter les réprouvés. Ces anges, qui ont un aspect hideux et une voix aussi terrible que le tonnerre, après avoir reconnu que le mort est dévoué à l'enfer, le fouettent avec un fouet moitié fer et moitié feu. Les mahométans ont tiré cette idée du Talmud.
Monsieur de Laforêt. Monsieur de Laforêt est le nom qu'on donnait autrefois au fantôme, plus connu sous le titre de grand Veneur, de la forêt de Fontainebleau. Sa résidence ordinaire était dans cette forêt. Mais il s'en écartait quelquefois.
De l'Ancre rapporte qu'un enfant, qui vivait en Allemagne, fut trouvé vêtu d'une peau de loup, et courant comme un petit loup-garou. Il dit que c'était Monsieur de Laforêt qui lui avait donné sa peau; que son père s'en servait aussi. Dans un interrogatoire, cet enfant avoua que si Monsieur de Laforêt lui apparaissait, il pouvait le mettre en fuite par des signes de croix; qu'il lui demandait s'il voulait être à lui; qu'il lui offrait pour cela de grandes richesses, etc.
Monstres. Méry, célèbre anatomiste et chirurgien-major des invalides, vit et disséqua, en 1720, un petit monstre né à six mois de terme, sans tête, sans bras, sans cœur, sans poumons, sans estomac, sans reins, sans foie, sans rate, sans pancréas, et pourtant né vivant. Cette production extraordinaire fut suivie d'une fille bien organisée, qui tenait au petit monstre par un cordon ombilical commun. Son observation est consignée dans les Mémoires de l'Académie des sciences.
Comment la circulation du sang s'opérait-elle dans cet individu dépourvu do cœur? Méry essaya de l'expliquer dans une dissertation. En d'autres temps, on eût tout mis sur le compte du diable.
Il y a beaucoup de monstres dans les historiens des siècles passés. Torquemada rapporte qu'Alexandre, faisant la guerre des Indes, vit plus de 130 000 hommes ensemble qui avaient des têtes de chiens et aboyaient comme eux. Il dit aussi que certains habitants du mont Milo avaient huit doigts aux pieds et tournés en arrière, ce qui rendait ces hommes extrêmement légers à la course.
On voit dans des vieilles chroniques qu'il y avait au nord des hommes qui n'avaient qu'un œil au milieu du front. En Albanie, des hommes dont les cheveux devenaient blancs dès l'enfance, et qui voyaient mieux la nuit que le jour (conte produit par les Albinos). Des Indiens qui avaient des têtes de chien. D'autres sans cou et sans tête, ayant les yeux aux épaules. Et ce qui surpasse toute admiration, un peuple dont le corps était velu et couvert de plumes comme les oiseaux, et qui se nourrissaient seulement de l'odeur des fleurs.
On a pourtant ajouté foi à ces fables.
N'oublions pas les fables qui se trouvent consignées dans le Journal des voyages de Jean Struys, qui dit avoir vu de ses propres yeux les habitants de l'île de Formose, ayant une queue au derrière, comme les bœufs.
Il parle aussi d'une espèce de concombre qui se nourrit, dit-on, des plantes voisines. Cet auteur ajoute que ce fruit surprenant a la figure d'un agneau avec les pieds, la tête et la queue de cet animal distinctement formés. D'où on l'appelle, en langage du pays, banarel ou bonarez, qui signifie agneau. Sa peau est couverte d'un duvet fond blanc aussi délié que de la soie. Les Tartares et les Moscovites en fond grand état, et la plupart le gardent avec soin dans leurs maisons, où cet auteur en a vu plusieurs. Il croît sur une tige d'environ trois pieds de haut. L'endroit par où il tient est une espèce de nombril sur lequel il se tourne et se baisse vers les herbes qui lui servent de nourriture, se séchant et se flétrissant aussitôt que ces herbes lui manquent. Les loups l'aiment et le dévorent avec avidité parce qu'il a le goût de la chair d'agneau. Et l'auteur ajoute qu'on lui a assuré que cette plante a effectivement des os, du sang et de la chair. D'où vient qu'on l'appelle dans le pays Zoophité, c'est-à-dire plante animale.
Montagnards. Les montagnards sont des démons qui font leur séjour dans les mines sous les montagnes, et tourmentent les mineurs. Ils ont trois pieds de haut, un visage horrible, un air de vieillesse, une camisole et un tablier de cuir, comme les ouvriers dont ils prennent souvent la figure. On dit que ces démons n'étaient point malfaisants, et entendaient la plaisanterie. Mais une insulte leur était sensible, et ils la souffraient rarement sans se venger.
Un mineur eut l'audace de dire des injures à un de ces démons. Le démon indigné sauta sur le mineur et lui tordit le cou. L'infortuné n'en mourut point, mais il eut le cou renversé et le visage tourné par derrière tout le reste de sa vie. Il y a eu des gens qui l'ont vu en cet état... Ils avaient de bons yeux!
Montalembert. Adrien de Montalembert était l'aumônier de François Ier. Il est l'auteur d'un ouvrage intitulé La Merveilleuse histoire de l'esprit qui depuis naguère s'est apparu au monastère des religieuses de Saint Pierre de Lyon (1528). Paris, 1528, in-4°; Rouen, 1529; Paris, 1580, in-12. C'est l'histoire d'Alice de Télieux.
Montan. Montan était le chef des hérétiques montanistes au IIe siècle. C'était un eunuque phrygien. Comme il avait des attaques d'épilepsie, il en fit des extases où il s'entretenait avec Dieu. Il reconnaissait que le Saint-Esprit était venu, mais il le distinguait du Paraclet et il disait: « C'est moi qui suis le Paraclet. » Les montanistes admettaient les femmes à la prêtrise.
Montanay. Sorcier. Voir Galigaï.
Montezuma. Voir Présages.
Monture des esprits. Dans les idées de l'Irlande et de plusieurs autres peuplades du Nord, les esprits, fées ou lutins, qui ont à voyager enfourchent un jonc, un brin d'herbe, un tronc de choux, et toute autre chose; sur cette monture ils parcourent des distances incroyables en un quart d'heure.
Mopsus. Fille d'Apollon et de Manto fille de Tirésias, fameux devin et grand capitaine, fut honoré à Claros du sacerdoce de son père, y rendit ses oracles, et donna lieu par son habilité au proverbe, plus certain que Mopsus. Il signala son talent au siège de Thèbes, mais surtout à la cour d'Amphimaque, roi de Colophon. Ce prince, méditant une expédition importante, consulta ce devin sur le succès; Mopsus lui annonça que des malheurs s'il exécutait son entreprise. Amphimaque, à qui elle tenait pourtant fort à cœur, s'adressa à Calchas, autre devin célèbre, qui lui promit une victoire signalée. L'évènement justifia Mopsus; car le roi fut entièrement défait, et Calchas, honteux d'avoir si mal deviné, en mourut de chagrin. On raconte autrement la victoire de Mopsus. Il proposa à Calchas de lui dire combien une truie pleine, qui vint à passer devant eux, portait de petits dans son ventre, ou, selon, Hésiode, combien un figuier qu'il lui montra avait de figues. Calchas ne put le deviner, et Mopsus ne se méprit point dans le compte. Mopsus, après sa mort, fut honoré comme un demi-dieu, et eut un oracle célèbre à Malée en Cilicie. Plutarque raconte que le gouverneur de cette province, ne sachant que croire des dieux, parce qu'il était obsédé d'épicuriens qui lui avaient jeté beaucoup de doutes dans l'esprit, se résolut, dit agréablement l'historien, d'envoyer un espion chez les dieux pour apprendre ce qu'il en était. Il lui donna un billet cacheté pour le porter à Mopsus. Cet envoyé s'endormit dans le temple, et vit en songe un homme fort bien fait, qui lui dit, noir. Il porta cette réponse au gouverneur. Elle parut très ridicule à tous les épicuriens de sa cour; mais il en fut frappé d'étonnement et d'admiration, et, en ouvrant le billet, il leur montra ces mots qu'il y avait écrits: T'immolerai-je un bœuf blanc ou noir? Après ce miracle, il fut toute sa vie fort dévot au dieu Mopsus. Morail, Morail est un démon qui a la puissance de rendre invisible, selon les Clavicules de Salomon.
Morax ou Forai. Morax est le capitaine, le comte et le président de plusieurs bandes infernales. Il se fait voir sous la forme d'un taureau. Lorsqu'il prend la figure humaine, il instruit l'homme dans l'astronomie et dans tous les arts libéraux. Il est le prince des esprits familiers qui sont doux et sages. Il a sous ses ordres trente-six légions.
Mordad. L'ange de la mort chez les mages.
Moreau. Moreau est un chiromancien du XIXe siècle, qui, dit-on, prédit à Napoléon sa chute et ses malheurs. Bien d'autres furent aussi sorciers que lui. Il exerçait à Paris, où il mourut en 1825.
Morel (Louise). Sorcière. Tante de Marie Martin. Voir Martin.
Morgane. est un personnage du cycle arthurien, dans lequel elle est la demi-sœur — occasionnellement la sœur — magicienne du roi Arthur. Personnage positif à l'origine, elle est présentée ensuite comme une adversaire du roi, de sa femme Guenièvre et des chevaliers de la Table ronde.
Chez Geoffroy de Monmouth, c’est la principale des neuf enchanteresses qui accueillent Arthur à Avalon après la bataille de Camlann ; chez Chrétien de Troyes, elle est une sœur d’Arthur, magicienne et guérisseuse coopérant avec son frère. C’est à partir du Lancelot-Graal que son personnage se précise. Elle devient l’adversaire d’Arthur, fille d’Ygraine (Ygerne ou Igerne en ancien français) et de Gorlois, sœur d’Élaine et de Morgause, demi-sœur — par sa mère — d’Arthur et femme — souvent infidèle — du roi Urien de Gorre avec qui elle ne s’entend pas et dont elle a un fils, Yvain. Merlin est son maître de magie.
Dans les adaptations modernes de la légende arthurienne, elle remplace quelquefois Morgause, beaucoup moins connue qu’elle, comme mère de Mordred, fils incestueux d’Arthur. Elle y est présentée comme une séductrice maléfique, mais aussi parfois comme un personnage positif incarnant un pouvoir féminin désapprouvé par la société médiévale.
Le nom de Morgane est déjà un élément complexe. D'après François-Marie Luzel, il signifie en breton « née de la mer » (Mor signifie « mer » et gane signifie « né »). Le linguiste Ferdinand Lot pensait (fin XIXe siècle) que Morgane est à l'origine un personnage masculin. Jean Marx contredit cette théorie, qui omet selon lui l'analogie importante entre le nom de Morgane et le gallois « Muirgen », désignant une sorte de sirène, à l'origine du nom de la déesse irlandaise Morrigane. Jean Markale est quant à lui « certain que Morgane est le même personnage que la déesse irlandaise Morrigane », dont le nom en gaélique signifie « grande reine ». Morgane est présentée comme la reine des fées et la maîtresse de l'île d'Avalon, chez Geoffroy de Monmouth.
Dans le premier texte écrit où elle apparaît, le vers 920 de la Vita Merlini de Geoffroy de Monmouth, son nom est écrit « Morgen ». Par ailleurs, dans les romans du XIIe siècle et XIIIe siècle, Morgane ou Morgain est le cas régime et le cas sujet est Morgue. Cette difficulté à trouver une étymologie plausible a conduit certains chercheurs à remettre en question la possibilité même d'une origine linguistique. Edmond Faral, après avoir examiné les différentes théories, en vient à conclure que le nom de « Morgen » est une invention de Geoffroy de Monmouth.
Le personnage de Morgane se caractérise par sa complexité. Selon les auteurs, elle est une fée ou une humaine, bénéfique ou maléfique ; sœur, demi-sœur ou sans lien de parenté avec Arthur. Dès lors, les significations que l'on peut y voir sont multiples, elles s'opposent parfois ou se complètent.
À la difficulté d'établir une étymologie qui soit acceptée par tous les critiques répond celle de comprendre la personnalité de la fée Morgane. Lorsqu'elle apparaît dans le roman de Monmouth, Morgane vit sur l'île d'Avalon avec ses huit sœurs. Grâce à des charmes elle guérit le roi Arthur blessé lors de la bataille de Camlann. Elle est dépeinte comme une magicienne experte dans l'art de guérir, connaissant les plantes, capable de changer de forme et d'aller d'un lieu à l'autre en volant. Ce pouvoir la relierait, selon Jill Marie Hebert, à Morrigan. Si elle n'est pas présente dans les romans de Wace et de Layamaon, intitulés tous deux Brut, elle apparaît dans les romans de Chrétien de Troyes, Erec et Yvain en tant que sœur d'Arthur. Dans le roman de Hartmann von Aue, Erec, Morgane est décrite comme capable de changer les personnes en animaux. Cela la rapproche de la magicienne Circé qui apparaît dans l’Odyssée. Morgane apparaît aussi dans l'ouvrage d'Étienne de Rouen, Draco Normannicus. Cette fois, elle est une nymphe immortelle capable de conférer l'immortalité à d'autres personnes et en particulier Arthur qui est décrit comme son frère. Dans tous ces textes le rôle de Morgane est positif : chez Chrétien de Troyes (Erec et Énide, Yvain ou le Chevalier au lion), elle guérit son frère ainsi qu'Yvain et Lancelot.
Envoyée dans un couvent lorsqu’Uther Pendragon tue son père et épouse sa mère, elle reçoit une éducation complète puis est acceptée par Merlin comme élève dans les arts magiques. Uther lui fait épouser Urien qu’elle n’aime pas. Femme luxurieuse, elle tombe amoureuse, à Camelot, d'un chevalier, Guiomart, cousin de la reine Guenièvre. Celle-ci rompt leur relation et, dès lors, Morgane déteste son frère et Guenièvre. Cette haine s'accentue après que Lancelot rejette ses avances.
Dans certains contes Morgane va chercher à se venger de Guenièvre, en la prenant en défaut, par exemple en portant à la cour une coupe magique qui révèle l’infidélité (Tristan en prose). Dans Sire Gauvain et le chevalier vert, Morgane est la complice de la belle dame de Haut-Désert, toutes deux recherchant la mort de Gauvain par des actes fourbes et traîtres.
Dans certains récits, elle s’empare du fourreau — dans lequel réside, selon certains, le pouvoir protecteur de l’épée — et le jette dans un lac. Dans d'autres récits, Morgane initie son neveu (ou fils, cela varie selon les récits) Mordred pour qu'il puisse tuer Arthur. Mordred réussit à tuer Arthur et cela marque la fin d'Albion. Le corps d'Arthur est transporté dans un bateau par trois femmes : Ygraine, la Dame du Lac et Morgane.
Capable de guérir ou de tuer, Morgane rappelle la personnalité de déesses qui ont pu inspirer les auteurs médiévaux. Morrigan, déesse celtique, mais aussi Sirona et les déesses romaines Sullis et Sequana (les deux dernières étant de plus liées à l'eau comme Morgan) ont pu servir de modèles pour la création de Morgane. Le personnage pourrait avoir l'une de ses sources dans la déesse Morrigan, une Tuatha Dé Danann inspirée de la Dea Matrona gauloise, telle qu'elle apparaît dans la littérature galloise médiévale. Fille d’Avallach ou du roi d’Avallach (Avalon ?), dans les Triades galloises, elle est, comme dans le cycle arthurien, liée au roi Urien. Elle en a deux enfants, un fils nommé Owain et une fille nommée Morvydd.
Morin (Louis). Louis Morin était le médecin de mademoiselle de Guise. Il est né au Mans en 1615 et mort en 1705. Il pronostiquait, comme Luc Gauric. On dit qu'il annonça le sort de Gustave-Adolphe et du jeune Cinq-Mars, et qu'il fixa, à quelques légères différences près, le jour et l'heure où moururent le cardinal de Richelieu et le connétable de Lesdiguières. On lui attribue à tort la réponse adroite de cet astrologue qui, interrogé par Louis XI s'il connaissait lui-même l'époque de sa propre mort, répondit: « Oui prince, trois jours avant la vôtre. »
Morin (Simon). Simon Morin est un visionnaire fanatique du XVIIe siècle, né vers 1623, qui voulut rétablir la secte des Illuminés. Il fit quelques prosélytes. Mais à la suite de plusieurs détentions à la Bastille, il fut condamné à être brûlé, après avoir fait amende honorable comme accusé de conspiration contre le roi. Il monta sur le bûcher le 14 mars 1663. C'était un agitateur qui eût bien voulu une petite révolution.
Mort. La mort, si poétique parce qu'elle touche aux choses immortelles, si merveilleuse à cause de son silence, devait avoir mille manières de s'énoncer pour le peuple. Tantôt un trépas se faisait prévoir par le tintement d'une cloche qui sonnait d'elle-même. Tantôt l'homme qui devait mourir entendait frapper trois coups sur le plancher de sa chambre.
Une religieuse de Saint-Benoît, près de quitter la terre, trouvait une couronne d'épine blanche sur le seuil de sa cellule. Une mère perdait-elle son fils dans un pays lointain, elle en était instruite à l'instant par ses songes.
Ceux qui nient le pressentiment ne connaîtront jamais les routes secrètes par où deux cœurs qui s'aiment communiquent d'un bout du monde à l'autre. Souvent le mort chéri, sortant du tombeau, se présentait à son ami, lui recommandait de dire des prières pour le racheter des flammes et le conduire à la félicité des élus.
De tous les spectres de ce monde, la mort est le plus effrayant. Dans une année d'indigence, un paysan se trouve au milieu de quatre petits enfants qui portent leurs mains à leurs bouches, qui demandent du pain, et à qui il n'a rien à donner... La démence s'empare de lui. Il saisit un couteau et égorge les trois aînés. Le plus jeune, qu'il allait frapper aussi, se jette à ses pieds et lui crie: « Ne me tuez pas, je n'ai plus faim. »
Dans les armées des Perses, quand un simple soldat était malade, à l'extrémité, on le portait dans quelque forêt prochaine, avec un morceau de pain, un peu d'eau et un bâton pour se défendre contre des bêtes sauvages, tant qu'il en aurait la force. Ces malheureux étaient ordinairement dévorés. S'il en échappait quelqu'un qui revînt chez soi, tout le monde fuyait devant lui, comme si n'eût été un démon ou un fantôme. Et on ne lui permettait de communiquer avec personne qu'il n'eût été purifié. On était persuadé qu'il devait avoir eu de grandes liaisons avec les démons, puisque les bêtes ne l'avaient pas mangé, et qu'il avait recouvré ses forces sans aucun secours.
Les anciens attachaient tant d'importance aux cérémonies funèbres, qu'ils inventèrent les dieux Mânes pour veiller aux sépultures. On trouve, dans la plupart de leurs écrits, des traits frappants qui nous prouvent combien était sacré, parmi eux, ce dernier devoir que l'homme puisse rendre à l'homme. Pausanias conte que certains peuples de l'Arcadie, ayant tué inhumainement quelques petits garçons qui ne ne leur faisaient, aucun mal, sans leur donner d'autre sépulture que les pierres avec lesquelles ils les avaient assommés, et leurs femmes, quelque temps après, se trouvant atteintes d'une maladie qui les faisait toutes avorter, on consulta les oracles qui commandèrent d'enterrer au plus vite les enfants si cruellement privés de funérailles.
Les Égyptiens rendaient de grands honneurs aux morts. Un de leurs rois, se voyant privé d'héritiers par la mort de sa fille unique, n'épargna rien pour lui rendre les derniers devoirs, et tâcha d'immortaliser son nom par la plus riche sépulture qu'il pût imaginer. Au lieu de mausolée, il lui fit bâtir un palais. Et on ensevelit le corps de la jeune princesse dans un bois, incorruptible, qui représentait une génisse couverte de lames d'or et revêtue de pourpre. Cette figure était à genoux, portant entre ses cornes un soleil d'or massif, au milieu d'une salle magnifique et entourée de cassolettes où brûlaient continuellement des parfums odoriférants. Les Égyptiens embaumaient les corps et les conservaient précieusement. Les Grecs et les Romains les brûlaient. Cette coutume de brûler les morts est fort ancienne.
Les Égyptiens, avant, de rendre à leurs rois les honneurs funèbres, les jugeaient devant le peuple, et les privaient de sépulture s'ils s'étaient conduits en tyrans.Quand le roi des Tartares mourait, on mettait son corps embaumé dans un chariot, et on le promenait dans toutes ses provinces. Il était permis à chaque gouverneur de lui faire quelque outrage, pour se venger du tort qu'il en avait reçu. Par exemple, ceux qui n'avaient pu obtenir audience maltraitaient les oreilles, qui leur avaient été fermées. Ceux qui avaient été indignés contre ses débauches, s'en prenaient aux cheveux, qui étaient sa principale beauté, et lui faisaient mille huées, après l'avoir rasé, pour le rendre laid et ridicule. Ceux qui se plaignaient de sa trop grande délicatesse lui déchiraient le nez, croyant qu'il n'était devenu efféminé que parce qu'il avait trop aimé les parfums. Ceux qui décriaient son gouvernement lui brisaient le front, d'où étaient sorties toutes ses ordonnances tyranniques. Ceux qui en avaient reçu quelque violence lui mettaient les bras en pièces. Après qu'on l'avait ramené au lieu où il était mort, on le brûlait avec une de ses femmes, un échanson, un cuisinier, un écuyer, un palefrenier, quelques chevaux et cinquante esclaves.
Quand un Romain mourait, ou lui fermait les yeux pour qu'il ne vît point l'affliction de ceux qui l'entouraient. Quand il était sur le bûcher, on les lui rouvrait pour qu'il pût voir la beauté des cieux qu'on lui souhaitait pour demeure. On faisait faire ordinairement la figure du mort, ou en cire, ou en marbre, ou en pierre. Et cette figure accompagnait le cortège funèbre, entourée de pleureuses à gages.
Chez plusieurs peuples de l'Asie et de l'Afrique, aux funérailles d'un homme riche et de quelque distinction, on égorge et on enterre avec lui cinq ou six de ses esclaves. Chez les Romains, dit Saint-Foix, on égorgeait aussi des vivants pour honorer les morts. On faisait combattre des gladiateurs devant le bûcher, et on donnait à ces massacres le nom de jeux funéraires.
En Egypte et au Mexique, dit le même auteur, on faisait toujours marcher un chien à la tête du convoi funèbre. En Europe, sur les anciens tombeaux des princes et des chevaliers, on voit communément des chiens à leurs pieds.
Les Parthes, les Mèdes et les Ibériens exposaient les corps, ainsi que chez les Perses, pour qu'ils fussent au plus tôt dévorés par les bêtes sauvages, ne trouvant rien de plus indigne de l'homme que la putréfaction.
Les Bactriens nourrissaient, pour ce sujet, de grands chiens dont ils avaient un soin extrême. Ils se faisaient autant de gloire de les nourrir grassement, que les autres peuples de se bâtir de superbes tombeaux. Un Bactrien faisait beaucoup d'estime du chien qui avait mangé son père.
Les Barcéens faisaient consister le plus grand honneur de la sépulture à être dévorés par les vautours. De sorte que toutes les personnes de mérite et ceux qui mouraient en combattant pour la patrie, étaient aussitôt exposés dans des lieux où les vautours pouvaient en faire curée. Quant à la populace, on l'enfermait dans des tombeaux, ne la jugeant pas digne d'avoir pour sépulture le ventre des oiseaux sacrés.
Plusieurs peuples de l'Asie eussent cru se rendre coupables d'une grande impiété en laissant pourrir les corps. C'est pourquoi, aussitôt que quelqu'un était mort parmi eux, ils le mettaient en pièces et le mangeaient, en grande dévotion avec les parents et les amis. C'était lui rendre honorablement les derniers devoirs. Pythagore enseigna la métempsycose des âmes. Ceux-ci pratiquaient la métempsycose des corps, en faisant passer le corps des morts dans celui des vivants.
D'autres peuples, tels que les anciens Hiberniens, les Bretons et quelques nations asiatiques, laissaient encore plus pour les vieillards. Ils les égorgeaient dès qu'ils étaient septuagénaires, et en faisaient pareillement un festin. C'est ce qui se pratique encore chez quelques peuplades sauvages.
Les Chinois font publier le convoi, pour que le concours du peuple soit plus nombreux. On fait marcher devant le mort des drapeaux et des bannières, puis des joueurs d'instruments, suivis de danseurs revêtus d'habits fort bizarres, qui sautent tout le long du chemin avec des gestes ridicules. Après cette troupe, viennent des gens armés de boucliers et de sabres, ou de gros bâtons noueux. Derrière eux, d'autres portent des armes à feu dont ils font incessamment des décharges. Enfin, les prêtres crient de toutes leurs forces, marchent avec les parents, qui mêlent à ces cris des lamentations épouvantables. Le cortège est fermé par le peuple. Cette musique enragée et ce mélange burlesque de joueurs, de danseurs, de soldats, de chanteuses et de pleureurs, donnent beaucoup de gravité à la cérémonie. On ensevelit le mort dans un cercueil précieux, et on enterre avec lui, entre plusieurs objets, de petites figures horribles, pour faire sentinelle près de lui et effrayer les démons. Après quoi, on célèbre le festin funèbre, où l'on invite de temps en temps le défunt à manger et à boire avec les convives.
Les Siamois brûlent les corps et mettent autour du bûcher beaucoup de papiers où sont peints des jardins, des maisons, des animaux, des fruits, en un mot, tout ce qui peut être utile et agréable dans l'autre vie. Ils croient que ces papiers brûlés deviennent réellement ce qu'ils représentent. Ils croient aussi que tout être dans la nature, quel qu'il soit, un habit, une flèche, une hache, un chaudron, etc., a une âme, et que cette âme suit dans l'autre monde le maître à qui la chose appartenait dans ce monde ci.
Les Chinois croient que les morts reviennent en leur maison, une fois tous les ans, la dernière nuit de l'année. Pendant toute cette nuit, ils laissent leur porte ouverte, afin que les âmes de leurs parents trépassés puissent entrer. Ils leur préparent des lits et mettent dans la chambre un bassin plein d'eau, pour qu'ils puissent se laveries pieds. Ils attendent jusqu'à minuit. Alors, supposant les morts arrivés, ils leur font compliment, allument des cierges, brûlent des odeurs, et les prient, en leur faisant de profondes révérences , de ne pas oublier leurs enfants et de leur obtenir des dieux la force, la santé, les biens et une longue vie.
Le gibet, qui nous inspire tant d'horreur, a passé chez quelques peuples pour une telle marque d'honneur, que souvent on ne l'accordait qu'aux grands seigneurs et aux souverains. Les Tibaréniens, les Suédois, les Goths suspendaient les corps à des arbres et les laissaient se défigurer ainsi peu à peu, et servir de jouet aux vents. D'autres emportaient dans leurs maisons ces corps desséchés, et les pendaient au plancher comme des pièces de cabinet. Les Groenlandais, habitant le pays du monde le plus froid, ne prennent pas d'autres soins des morts que de les exposer nus à l'air, où ils se gèlent et se durcissent aussitôt comme des pierres. Puis, de peur qu'en les laissant au milieu des champs ils ne soient dévorés par les ours, les parents les enferment dans de grands paniers qu'ils suspendent aux arbres.
Les Troglodytes exposaient les corps morts sur une éminence, le derrière tourné vers les assistants. De sorte qu'excitant, par cette posture, le rire de toute l'assemblée, on se moquait du mort au lieu de pleurer. Chacun lui jetait des pierres, et quand il en était couvert, on plantait au-dessus une corne de chèvre et on se retirait.
Les habitants des îles Baléares dépeçaient le corps en petits morceaux, et croyaient honorer infiniment le défunt en l'ensevelissant dans une cruche.
Dans certains pays de l'Inde, la trois se brûle sur le bûcher de son mari. Lorsqu'elle a dit adieu à sa famille, on lui apporte des lettres pour le défunt, des pièces de toile, des bonnets, des souliers, etc. Quand les présents cessent de venir, elle demande jusqu'à trois fois à l'assemblée si on n'a plus rien à lui apporter et à lui recommander, ensuite elle fait un paquet de tout et l'on met le feu au bûcher.
Dans le royaume de Tonquin, il est d'usage, parmi les personnes riches, de remplir la bouche du mort de pièces d'or et d'argent, pour ses besoins dans l'autre monde. On revêt l'homme de sept de ses meilleurs habits, et la femme de neuf. Les Galales mettaient dans la main du mort un certificat de bonne conduite.
Les Gaulois brûlaient, avec le corps mort, ses armes, ses babils, ses animaux, et même ceux de ses esclaves qu'il avait paru le plus chérir. Quand on découvrit le tombeau de Childéric, père de Clovis, à Tournay, on y trouva des pièces d'or et d'argent, des boucles, des agrafes, des filaments d'habits, la poignée d'une épée, le tout d'or; la figure en or d'une tête de bœuf, qui était, dit-on, l'idole qu'il adorait; les os, le mors, un fer et quelques restes du harnais d'un cheval, un globe de cristal dont il se servait pour deviner, une pique, une hache d'armes, un squelette d'homme en entier, une autre tête moins grosse, qui paraissait avoir été celle d'un jeune homme, et apparemment de l'écuyer qu'on avait tué, selon la coutume, pour accompagner et aller servir là-bas son maître. On voit qu'on avait eu soin d'enterrer avec lui ses habits, ses armes, de l'argent, un cheval, un domestique, des tablettes pour écrire, en un mot, tout ce qu'on croyait pouvoir lui être nécessaire dans l'autre monde. Quelquefois même on enterrait avec les grands personnages leur médecin. La belle Austregilde obtint en mourant du roi Gontran, son mari, qu'il ferait tuer et enterrer avec elle les deux médecins qui l'avaient soignée pendant sa maladie. « Ce sont, je crois, les seuls, dit Saint-Foix, qu'on ai inhumés dans le tombeau des rois. Mais je ne doute pas que plusieurs autres n'aient mérité le même honneur. »
Quelques peuples de l'Amérique enterraient leurs morts assis et entourés de pain, d'eau, de fruits et d'armes.
Quand on brûlait le corps de quelque empereur du Mexique, on égorgeait d'abord sur son bûcher l'esclave qui avait eu soin, pendant sa vie, d'allumer ses lampes, afin qu'il lui allât rendre les mêmes devoirs dans l'autre monde. Ensuite on sacrifiait 200 esclaves, tant hommes que femmes, et parmi eux, quelques nains et quelques bouffons pour son divertissement. Le lendemain, on enfermait les cendres dans une petite grotte voûtée, toute peinte en dedans, et on mettait au-dessus la figure du prince, à qui l'on faisait encore de temps en temps de pareils sacrifices. Car le quatrième jour après qu'il avait été brûlé, on lui envoyait quinze esclaves en l'honneur des quatre saisons, afin qu'il les eût toujours belles. On en sacrifiait cinq le vingtième jour, afin qu'il eût toute l'éternité, une vigueur pareille à celle de 20 ans. Le soixantième, on en immolait trois autres afin qu'il ne sentît aucune des trois principales incommodités de la vieillesse, qui sont la langueur, le froid et l'humidité. Enfin, au bout de l'année, on lui en sacrifiait encore neuf, qui est le nombre le plus propre à exprimer l'éternité, pour lui souhaiter une éternité de plaisir.
Aux funérailles du roi de Michoacán, le corps était porté par le prince que le défunt avait choisi pour son successeur. La noblesse et le peuple suivaient le corps avec de grandes lamentations. Le convoi ne se mettait en marche qu'à minuit, à la lueur des torches. Quand il était arrive au temple, on faisait quatre fois le tour du bûcher, après quoi on y déposait le corps et on amenait les officiers destinés à le servir dans l'autre monde. Entre autres, sept jeunes filles, l'une pour serrer ses bijoux, l'autre pour lui présenter sa coupe, la troisième pour lui laver les mains, la quatrième pour lui donner la serviette, la cinquième pour faire sa cuisine, la sixième pour mettre son couvert, la septième pour laver son linge. On mettait le feu au bûcher, et toutes ces malheureuses victimes, couronnées de fleurs, étaient assommées à grands coups de massue et jetées dans les flammes.
A Panuco, dans le Mexique, on regardait les médecins comme de petites divinités, à cause qu'ils procuraient la santé, qui est le plus précieux de tous les biens. Quand ils mouraient, on ne les enterrait pas comme les autres, mais on les brûlait avec des réjouissances publiques. Les hommes et les femmes dansaient pèle-mêle autour du bûcher. Dès que les os étaient réduits en cendres, chacun tâchait d'en emporter dans sa maison, et les buvait ensuite avec du vin, comme un préservatif contre toutes sortes de maux.
En Bretagne, on croit que tous les morts ouvrent la paupière à minuit. Et à Plouerden, près Landernau, si l'œil gauche d'un mort ne se ferme pas, un des plus proches parents est menacé sous peu de cesser d'être. On dit ailleurs que tout le monde voit les démons en mourant, et que la Sainte-Vierge fut seule exemptée de cette vision.
Les Arméniens frottent les morts d'huile, parce qu'ils s'imaginent qu'ils doivent lutter corps à corps avec de mauvais génies.
Chez les chrétiens schismatiques de l'Archipel grec, si le corps d'un mort n'est pas bien raide, c'est un signe que le diable y est entré, et on le met en pièces pour empêcher les fredaines.
Mortemart, Un seigneur de la célèbre famille Mortemart perdit sa femme, qu'il chérissait. Tandis qu'il se livrait à son désespoir, le diable lui apparut et lui offrit de ranimer la défunte s'il voulait se donner à lui. Le mari, dit-on, y consentit. La femme revécut. Mais un jour qu'on prononça devant elle le nom de Jésus, elle retomba morte, et ce fut tout de bon.
Most-Mastite, Voir mariage
Motelu, démon que l'on trouve cité dans le procès intenté à Denise de Lacaille.
Motogon. Le dieu créateur en Australie. "Les Australiens disent que le Motogon, qu'ils croient un homme très fort, très grand, très sage, de leur couleur et de leur pays, quand il créa le soleil, la terre, les arbres, le kangourou, etc...., usa de cette parole: " Terre, parais dehors!" et il souffla, et la terre fut créée. "Eau, parais dehors!" il souffla et l'eau fut créée. Ainsi de tous les autres êtres. C'est une tradition assurément de la formule de la Genèse. Chez ces peuples, le démon se nomme Cienga.
Mouche. Le diable apparaît quelquefois en forme de mouche ou de papillon. On le vit sortir sous cette forme de la bouche d'un démoniaque de Laon. Les démonomanes appellent Belzébuth le seigneur des mouches. Les habitants de Ceylan appellent le diable Achor, qui signifie en leur langue dieu des mouches ou chasse-mouches. Ils lui offrent des sacrifices pour être délivrés de ces insectes, qui causent quelquefois, dans leur pays, des maladies contagieuses. Ils disent qu'elles meurent aussitôt qu'on a sacrifié à Achor.
Émeric David, à propos de Jupiter, dit que les ailes de mouches qui dans quelques monuments forment (à ce qu'on prétend) la barbe de Jupiter, sont un hommage au feu générateur, les mouches étant produites par la canicule...
La mouche est le symbole du mal. En effet, cet animal évoque le harcèlement et se caractérise par son agitation stérile.
Contrairement à l'abeille dont l'agitation est constructive, la mouche bourdonne en vain. En outre, elle se pose sur les excréments et la pourriture. Ainsi, elle tourmente les hommes et les animaux, sans jamais rien leur apporter de bon.
D'ailleurs, Blaise Pascal (un philosophe du XVIIe siècle), dans ses Pensées, leur prêtait un pouvoir particulièrement nuisible : "La puissance des mouches : elles gagnent des batailles, empêchent notre âme d'agir, mangent notre corps".
Par ailleurs, dans la Grèce antique, on invoquait Zeus Apomyios (le chasseur de mouche) pour lutter contre ses insectes malfaisants.
Quelques uns estiment que les mouches ont pris leur origine des taches noires au visage que les Persans et les Arabes regardaient comme une beauté, et que cette mode passa en Europe dans le temps des croisades.
D'autres assignent le commencement du XVIIe siècle comme l'époque où s'est introduite la mode de porter des mouches de taffetas noir, pour faire paraître la peau des dames plus blanche ; ce qui est sûr, c'est que cet usage ridicule n'a entièrement cessé que depuis la fin du XVIIIe siècle.
Moult (Thomas Joseph), astrologue napolitain, inférieur à Matthieu Laensberg; il a laissé des prédictions populaires.
Mouni. Les mounis sont les esprits que reconnaissent les Indiens, quoiqu'aucun de leurs livres sacrés n'en fasse mention. Ils leur attribuent les qualités que les Européens accordent aux esprits follets. Ces esprits n'ont point de corps, mais ils prennent la forme qui leur plaît. Ils rôdent la nuit pour faire mal aux hommes, tâchent de conduire les voyageurs égarés dans des précipices, des puits ou des rivières, se transformant en lumière et cachant le péril où ils les entraînent. C'est pour se les rendre propices que les Indiens élèvent en leur honneur de grossières statues colossales, auxquelles ils vont adresser des prières.
Mouton. Le diable s'est montré plusieurs fois sous la forme d'un mouton. Le sorcier Aupetit, qui fut condamné à être brûlé vif, avoua qu'il s'était présenté à lui sous la figure d'un mouton plus noir que blanc, et qu'il lui avait dit que toutes les fois qu'il verrait dans les nuages un mouton, ce serait le signal du sabbat.
Quand vous rencontrez dans un voyage des moutons qui viennent à vous, c'est un signe que vous serez bien reçu. S'ils fuient devant vous, ils présagent un triste accueil.
Mozart. Un jour que Mozart, célèbre compositeur allemand, était plongé dans ses rêveries mélancoliques, devenues habituelles par l'idée de sa mort dont il s'était frappé, il entendit un carrosse s'arrêter à sa porte. On lui annonce un inconnu qui demande à lui parler.
« — Un grand personnage m'a chargé de venir vous trouver, dit l'inconnu.
— Quel est cet homme? interrompt Mozart.
— Il ne veut pas être nommé.
— Que désire-t-il?
— Il vous demande un Requiem pour un service solennel. »
Mozart se sentit frappé de ce discours, du ton dont il était prononcé, de l'air mystérieux qui semblait répandu sur cette aventure. La disposition de son âme fortifiait encore ces impressions. Il promit de faire le Requiem.
« — Mettez à cet ouvrage tout votre génie. Vous travaillez pour un connaisseur.
— Tant mieux.
— Combien de temps demandez-vous?
— Quatre semaines.
— Eh bien, je reviendrai dans quatre semaines. Quel prix mettez-vous à votre travail?
— Cent ducats. »
L'inconnu les compta sur la table et disparut.
Mozart reste plongé quelques moments dans de profondes réflexions, puis tout à coup il se met à écrire. Cette fougue de travail continua pendant plusieurs jours. Il travailla jour et nuit avec une ardeur qui semblait augmenter en avançant, mais son corps ne put résister à cette fatigue. Il tomba un jour sans connaissance. Peu de temps après, sa trois cherchant à le distraire des sombres pensées qui l'assiégeaient, Mozart lui dit brusquement: « Cela est certain. Ce sera pour moi que je ferai ce Requiem, il servira à mes funérailles. » Rien ne put le détourner de cette idée. Il continua de travailler à son Requiem, comme Raphaël travaillait à son tableau de la Transfiguration, frappé aussi de l'idée de sa mort.
Mozart sentait ses forces diminuer chaque jour, et son travail avançait lentement. Les quatre semaines qu'il avait demandées s'étant écoulées, il vit entrer l'inconnu.
« — Il m'a été impossible, dit Mozart, de tenir ma parole.
— Ne vous gênez pas, dit l'étranger. Quel temps vous faut-il encore?
— Quatre semaines. L'ouvrage m'a inspiré plus d'intérêt que je ne croyais, et je l'ai étendu plus que je ne voulais.
— En ce cas, dit l'inconnu, il est juste d'augmenter les honoraires. Voici cinquante ducats de plus.
— Monsieur, reprit Mozart toujours plus étonné, qui êtes vous donc?
— Cela ne fait rien à la chose. Je reviendrai dans quatre semaines. »
Mozart, envoya sur-le-champ sa servante à la suite de cet homme extraordinaire, pour savoir où il s'arrêterait. Mais la servante vint rapporter qu'elle n'avait pu retrouver sa trace.
Mozart se mit dans la tête que cet inconnu n'était pas un être ordinaire, qu'il avait sûrement des relations avec l'autre monde, qu'il lui était envoyé pour lui annoncer sa fin prochaine. Il n'en travailla qu'avec plus d'ardeur à son Requiem, qu'il regarda comme le monument le plus durable de son talent. Pendant ce travail, il tomba plusieurs fois dans des évanouissements alarmants. Enfin l'ouvrage fut achevé avant les quatre semaines. L'inconnu revint au terme convenu... Mozart n'était plus.
Salieri, en mourant, avoua que c'était lui qui avait joué le personnage de l'inconnu, et s'accusa de la mort de Mozart, dont il était envieux.
Muhazimim. Muhazimim est le nom que les Africains donnent à leurs possédés. Ils font des cercles, impriment des caractères sur le front de ces Muhazimim, et le diable qui les possède déloge aussitôt.
Muller. Jean Muller est un astronome et un astrologue, plus connu sous le nom de Regiomontanus. Il est né en 1436 en Franconie, et mort à Rome en 1476. Il paraît qu'il prophétisait aussi, puisqu'on dit qu'il annonça la fin du monde en même temps que Stoffler. Ces deux hommes firent tant de bruit que les esprits faibles crurent que le monde finirait infailliblement en 1588.
On dit qu'il fit deux automates merveilleux:
- Un aigle qui volait et qui alla au-devant de l'empereur lors de son entrée à Ratisbonne.
- Une mouche de fer qui faisait le tour d'une fable en bourdonnant à l'oreille de chaque convive, et revenait se poser sur sa main.
Mullin. Mullin est un démon d'un ordre inférieur; C'est le premier valet de chambre de Belzébuth.
Il y a aussi dans quelques procès de sorciers, un certain maître Jean Mullin, qui est le lieutenant du grand-maître des sabbats.
Mummol. En 578, Frédégonde perdit un de ses fils, qui mourut de la dysenterie. On accusa le général Mummol, qu'elle haïssait, de l'avoir fait périr par des charmes et des maléfices. Il avait eu l'imprudence de dire à quelques personnes qu'il connaissait une herbe d'une efficacité absolue contre la dysenterie. Il n'en fallut pas davantage pour qu'il fût soupçonné d'être sorcier.
La reine fit arrêter plusieurs femmes de Paris, qui confessèrent qu'elles étaient sorcières, qu'elles avaient tué plusieurs personnes, que Mummol devait périr, et que le prince avait été sacrifié pour sauver Mummol. De ces sorcières, les unes furent brûlées, d'autres noyées. Quelques-unes expirèrent sur la roue.
Après ces exécutions, Frédégonde partit pour Compiègne, et accusa Mummol auprès du roi. Ce prince le fit venir, on lui lia les mains derrière le dos. On lui demanda quel maléfice il avait employé pour tuer le prince. Il ne voulut rien avouer de ce qu'avaient déposé les sorcières, mais il convint qu'il avait souvent charmé des onguents et des breuvages, pour gagner la faveur du roi et de la reine.
Quand il fut retiré de la torture, Mummol appela un sergent, et lui commanda d'aller dire au roi qu'il n'avait éprouvé aucun mal. Chilpéric, entendant ce rapport, s'écria: « Il faut vraiment qu'il soit sorcier, pour n'avoir pas souffert de la question... » En même temps il fit reprendre Mummol. On l'appliqua de nouveau à la torture. Mais quand on se préparait à lui trancher la tête, la reine lui fit grâce de la vie, se contentant de prendre ses biens. On le plaça sur une charrette qui devait le conduire à Bordeaux, où il était né. Il ne devait point y mourir, tout son sang se perdit pendant la route, et il expira d'épuisement.
On brûla tout ce qui avait appartenu au jeune prince, autant à cause des tristes souvenirs qui s'y attachaient que pour anéantir tout ce qui portait avec soi l'idée du sortilège.
Munnings. Vieille anglaise qu'on amena aux juges, comme sorcière, en 1694. Un témoin jura que, sortant du cabaret vers neuf heures du soir, et regardant chez elle par sa fenêtre, il l'avait vue tirer de son panier deux petits démons, l'un blanc et l'autre noir.
Muraille du diable. C'est la muraille du diable qui séparait autrefois l'Angleterre de l'Ecosse. La force du ciment et la dureté des pierres ont persuadé aux habitants des lieux voisins qu'elle a été faite de la main du diable. Et les plus superstitieux ont grand soin d'en recueillir jusqu'aux moindres débris, qu'ils mêlent dans les fondements de leurs maisons pour leur communiquer la même solidité. Elle a été bâtie par Adrien.
Un jardinier écossais, ouvrant la terre dans son jardin, trouva une pierre d'une grosseur considérable sur laquelle on lisait, en caractères du pays, qu'elle était là pour la sûreté des murs du château et du jardin, et qu'elle y avait été apportée de la grande muraille, dont elle avait fait autrefois partie, mais qu'il serait aussi dangereux de la remuer, qu'il y aurait d'avantage à la laisser à sa place.
Le seigneur de la maison, moins crédule que ses ancêtres, voulut la faire transporter dans un autre endroit, pour l'exposer à la vue, comme un ancien monument. On entreprit de la faire sortir de terre à force de machines, et on en vint à bout, comme on l'aurait fait d'une pierre ordinaire. Elle demeura sur le bord du trou pendant que la curiosité y fit descendre le jardinier, plusieurs domestiques, les deux fils du gentilhomme qui s'amusèrent quelques moments à creuser encore le fond. La pierre fatale, qu'on avait négligé apparemment de placer dans un juste équilibre, prit ce temps pour retomber au fond du trou, et écrasa tous ceux qui s'y trouvaient.
Ce n'était là que le prélude des malheurs que devait causer cette pierre. La jeune épouse de l'aîné des deux frères apprit ce qui venait d'arriver. Elle courut au jardin, elle y arriva dans le temps que les ouvriers s'empressaient de lever la pierre, avec quelque espérance de trouver un reste de vie aux infortunés qu'elle couvrait. Ils l'avaient levée à demi, et l'on s'aperçut en effet qu'ils respiraient encore, lorsque l'imprudente épouse, perdant tout soin d'elle-même, se jeta si rapidement sur le corps de son mari, que les ouvriers saisis de son action lâchèrent malheureusement les machines qui soutenaient la pierre, et l'ensevelirent ainsi avec les autres.
Cet accident confirma plus que jamais la superstition des Écossais. On ne manqua pas de l'attribuer à quelque pouvoir établi pour la conservation du mur d'Ecosse et de toutes les pierres qui en sont détachées.
Murmur. Murmur est un grand-duc et un comte de l'empire infernal. C'est un démon de la musique. Il paraît sous la forme d'un soldat monté sur un vautour, et accompagné d'une multitude de trompettes. Sa tête est ceinte d'une couronne ducale. Il marche précédé du bruit des clairons. Il est de l'ordre des anges et de celui des trônes.
Muschat. En Ecosse, près d'Edimbourg et des rochers de Salisbury, on remarque une élévation appelée "la butte de Muschat", ainsi nommée parce que là même un scélérat nommé Muschat coupa la gorge à sa femme. Les témoins indignées le lapidèrent sur le lieu même où il venait de commettre son crime; et la butte s'était formée, dit-on, de l'immense quantité de pierres amoncelées sur l'assassin et sa victime. Or, on prétend dans la contrée que Muschat et sa femme sont toujours là-dessous, que la femme a recousu son gosier et qu'ils se querellent encore.
Musique céleste. Entre plusieurs découvertes surprenantes que fit Pythagore, on admire surtout cette musique céleste que lui seul entendait. Il trouvait les sept tons de la musique dans la distance qui est entre les planètes:
- De la terre à la lune, un ton.
- De la lune à Mercure, un demi-ton.
- De Mercure à Vénus, un demi-ton.
- De Vénus au soleil, un ton et demi.
- Du soleil à Mars, un ton.
- De Mars à Jupiter, un demi-ton.
- De Jupiter à Saturne, un demi-ton.
- De Saturne au zodiaque, un ton et demi.
Nous autres, dit Léon l'Hébreu, nous ne pouvons entendre cette musique, parce que nous en sommes trop éloignés, ou bien parce que l'habitude continuelle de l'entendre fait que nous ne nous en apercevons point, comme feux qui habitent près de la mer ne s'aperçoivent point du bruit des vagues, parce qu'ils y sont accoutumés.
Muspelheim. Les Scandinaves nomment Muspelheim un monde lumineux, ardent, inhabitable aux étrangers. Surtur-le-Noir y tient son empire. Dans ses mains brille une épée, flamboyante. Il viendra à la fin du monde, vaincra tous les dieux, et livrera l'univers aux flammes.
Dans la mythologie scandinave, Muspelheim est le monde du feu où Sourtour le noir tient son empire.
Mussuca. Mussuca est le nom du diable chez quelques peuples de l'Afrique. Ils en ont une très grande peur, et le regardent comme l'ennemi du genre humain. Mais ils ne lui rendent aucun hommage. C'est le même que Mouzouko.
Mutisme. Souvent les possédés sont privés passagèrement ou longtemps de l'usage de la parole; dans le cas surtout où réside en eux l'esprit qu'on appelle le démon muet. On exorcisa à Laon, en 1566, une femme par la bouche de laquelle le démon parlait, tandis que la langue de la possédée était retirée dans sa gorge.
Mycale. Mycale était une magicienne qui faisait descendre la lune par la force de ses charmes. Elle fut mère de deux célèbres Lapithes: Brotéas et Orion.
Mycale est une célèbre enchanteresse thessalienne. Elle est la mère des Lapithes Brotéas et Orion.
Myagorus. Myagorus est un génie imaginaire auquel on attribuait la vertu de chasser les mouches pendant les sacrifices. Les Arcadiens avaient des jours d'assemblée, et commençaient par invoquer ce dieu et le prier de les préserver des mouches. Les Eléens encensaient avec constance les autels de Myagorus, persuadés qu'autrement des essaims de mouches viendraient infecter leur pays sur la fin de l'été, et y porter la peste.
Myoam. Myoam est un génie invoqué par les Basilidiens.
Myomancie. La myomancie est une divination par les rats ou les souris. On tirait des présages malheureux ou de leur cri, ou de leur voracité.
Elien raconte que le cri aigu d'une souris suffit à Fabius Maximus pour l'engager à se démettre de la dictature. Et selon Varon, Cassius Flaminius, sur un pareil présage, quitta la charge de général de cavalerie. Plutarque dit qu'on augura mal de la dernière campagne de Marcellus, parce que des rats avaient rongé quelques dorures du temple de Jupiter.
Un Romain vint un jour fort effrayé consulter Caton, parce que les rats avaient rongé un de ses souliers. Caton lui répondit que c'eût été un tout autre prodige si le soulier avait rongé un rat.
La myomancie était une divination par les rats ou les souris. On tirait des présages malheureux, ou de leur cri, ou de leur voracité.
Myricaeus. Myricæus est le surnom donné à Apollon, comme présidant à la divination par les branches de bruyère, à laquelle on donnait l'épithète de prophétique. On lui mettait alors une branche de cette plante à la main.
Myricæus désigne Apollon, présidant à la divination par les branches de bruyère, myrica, plante à laquelle on donnait l'épithète de prophétique.
Mystères. Nonnus dit que chez les Romains il fallait passer par quatre vingt épreuves différentes pour être initié dans les mystères de Mithras ou du Soleil. D'abord on faisait baigner le candidat, puis on l'obligeait à se jeter dans le feu; ensuite on le reléguait dans un désert, où il était soumis à un jeûne rigoureux de cinquante jours; après quoi on le fustigeait durant deux jours; on le mettait vingt autres jours dans la neige. Ce n'était qu'après ces épreuves, sur l'observation rigoureuse desquelles veillait un prêtre, et dans lesquelles le récipiendaire succombait souvent, qu'on était admis aux mystères. Il y avait d'autres cérémonies très bizarres aux mystères d'Eleusis, de Trophonius, de la grande déesse, etc....
Mythologie. Contentons nous de citer ici quelques fragments de Benjamin Binet dans son Traité des dieux et des démons du paganisme:
"Si l'on fixait la théologie païenne à ce que les poètes nous en débitent, et à ce que le vulgaire a cru, il y aurait d'abord de quoi s'étonner en voyant comment l'homme, qui a conservé quelques linéaments de l'image de Dieu et qui en a une idée naturelle, s'est abandonné à des superstitions si absurdes. Les païens, qui n'avaient point d'autre guide que la mèche fumante de leur raison, sont tombés dans une espèce de délire en faisant autant de monstres de dieux qu'il y avait de créatures. Il est juste, avant d'examiner la croyance des philosophes, de vous décrire succinctement combien la croyance du vulgaire était grossière.
Leurs dieux les plus vénérés, tels que les poètes nous les dépeignent, étaient plus propres à faire rire qu'à exciter la dévotion. Ils en avaient de ronds, de carrés, de triangulaires, d'informes, de boiteux, de borgnes, d'aveugles. Combien d'extravagances ne leur attribuait-on pas! Les poètes nous parlent d'une manière bouffonne des amours d'un Anubis impudique et de la Lune; ils nous apprennent que Diane avait été fouettée; nous y lisons la précaution pieuse d'un Jupiter qui, étant sur le point de mourir, fit son testament; nous y voyons les dieux en guerre au siège de Troie, l'attentat des Titans contre Jupiter, la terreur qu'ils donnèrent à tous les dieux, terreur qui leur fit quitter leur domicile et interrompre leurs fonctions pour aller se cacher en Egypte, et s'y métamorphoser en crocodiles et en oignons. Ils nous dépeignent la faim pressante des trois Hercules, les accents lugubres du Soleil déplorant le malheur de son fils foudroyé par Jupiter, les soupirs d'une Cybèle lascive qui se plaint de l'indifférence d'un berger insensible à ses flammes. Hercule vidait du fumier. Apollon était bouvier; Neptune se loua à Laomédon pour bâtir les murs de Troie, et fut en cela d'autant plus malheureux qu'il n'en fut pas payé. Jupiter, le plus grand des dieux, prenait d'étranges formes pour séduire et ravir les femmes: il se changeait tantôt en pluie d'or, tantôt en cygne, tantôt en taureau.
Pour ce qui est des fonctions des dieux, Arnobe reproche aux païens qu'ils en avaient dont les uns étaient drapiers, les autres matelots, ménétriers, gardes du bétail; que l'un était musicien, l'autre servait de sage-femme, l'autre savait l'art de deviner, l'un était médecin, l'autre présidait à l'éloquence, l'un se mêlait des armes, l'autre était forgeron." Enfin, Saint Augustin, parlant des charges que les païens attribuaient à leurs dieux, conclut que "cela sent plutôt la bouffonnerie de théâtre que la majesté de Dieu (De Civit. Dei, lib. III, cap. V".)
"Mais afin de vous montrer combien la théologie des païens était grossière, Il faut vous en donner un petit abrégé plus exact. Evhémérus de Messine, qui a recueilli l'histoire de Jupiter et des autres dieux avec leurs titres, leurs épitaphes et leurs inscriptions, trouvées dans les temples les plus anciens, et particulièrement dans celui de Jupiter Triphilin, qui possédait une colonne où Jupiter avait lui-même gravé ses actions; cet Evhémérus dit en substance que Saturne prit Ops pour femme; que Titan, qui était l'aîné de ses enfants, voulut régner: mais que Vesta, leur mère, et Cérès et Ops, leurs sœurs, conseillèrent à Saturne de ne point céder l'empire. Ce que voyant, Titan, qui se sentait le plus faible, s'accorda avec Saturne, à condition que, s'il engendrait des enfants mâles, il ne les élèverait point, afin que l'empire revînt à ses enfants: ainsi ils tuèrent le premier fils qui naquit à Saturne; qu'ensuite naquirent Jupiter et Junon, dont ils ne montrèrent que Junon, et donnèrent Jupiter à Vesta pour le nourrir en cachette; qu'après vint Neptune, que l'on cacha aussi, et enfin Pluton et Glauca; que l'on montra Glauca, qui mourut bientôt après, et que Pluton fut nourri, comme Jupiter, en cachette. Or, cela étant parvenu aux oreilles de Titan, il assembla ses enfants, et mit Saturne et Ops au cachot. Mais Jupiter, étant devenu grand, combattit contre les Titans, les vainquit, et mit son père et sa mère hors de prison. Cependant, ayant découvert que son père, qu'il avait rétabli, était jaloux de lui et attentait à sa vie, il s'empara de l'Etat et le relégua en Italie. ( Lactant., lib. I, cap. XIV.)
"Les païens distinguaient leurs dieux en divers ordres; les uns étaient majores ou communes, comme Virgile les appelle (Aeneid., lib. 12), pace qu'ils étaient reconnus et servis pour tels par toutes les nations sujettes à l'empire romain. On les nommait aussi aeviterni. Ces grands dieux composaient une espèce de cour souveraine et étaient au nombre de douze, compris en ces deux vers d'Ennius: Junon, Vesta, Minerve, Cérès, Diana, Vénus, Mars, Mercure, Jupiter, Neptune, Vulcain, Apollon.
"Les autres dieux passaient pour des divinités moyennes, célestes, terrestres, aquatiques et infernales, auxquelles on confiait le gouvernement de certaines parties de l'univers. Il y en avait d'autres que l'on ne reconnaissait que pour des dieux nouveaux qui avaient été ou engendrés des hommes et des dieux, ou déifiés par l'apothéose, à cause des bienfaits que l'on en avait reçus. Ces dieux s'appelaient indigetes, semidei. Tels étaient Hercule, Castor, Pollux, Esculape, et tous ceux que leurs mérites avaient élevés au ciel. Sur quoi Cicéron dit agréablement que le ciel est peuplé du genre humain. Il y en avait encore d'autres que l'on ne considérait que comme des dieux ou barbares et étrangers, ou incertains et inconnus, que l'on invoquait d'une manière douteuse, si tu es dieu, si tu es déesse, ou en général, sans les nommer, comme fait le bouffon comique de Plaute: Fassent, dit-il, tous les dieux grands ou petits, et les dieux des pots (Plaut., Cist., act. II), etc. Ce sont ces divinités qu'Ovide appelle la populace des dieux, Les Faunes, Les Satyres, Les Lares, Les Nymphes.
"De tous ces dieux, il y en avait de bons et de mauvais, auxquels on sacrifiait afin qu'ils ne fissent point de mal (Aul. Gell., lib. V). Ces divinités hautes, moyennes et basses, n'étaient pas toutes également vénérées: on rendait à celles du premier ordre un culte suprême et universel, à celles du second un service subalterne. Que l'on adore, dit Cicéron, les dieux et ceux qui ont toujours été estimés célestes, et ceux que leurs mérites ont élevés au ciel (De leg., lib. II). Mais pour les dieux inférieurs, étrangers, incertains et particuliers, on ne leur déférait qu'un honneur arbitraire, ou proportionné à leur faible pouvoir, qui ne s'étendait que sur certaines parties du monde, dont on leur avait donné le gouvernement.
"Je ne dirai rien de cette multitude de divinités païennes dont le nom seul est ridicule: tels étaient les dieux Vagitonus, Robigus, Picus, Tiberinus, Pilumnus, Consus; telles étaient les déesses Cloacina, Educa, Potina, Volupia, Febris, Fessonia, Flora, etc. Je ne vous en rapporterai point mille histoires absurdes pour vous prouver que ce que l'on contait des dieux ne venait que des fictions des poètes, que le peuple, naturellement superstitieux, avait adoptées comme conformes à ses préjugés."
N
Nabam, démon que l’on conjure le samedi. Voy. Conjurations
Naberus, appelé aussi Nébiros, marquis du sombre empire, maréchal de camp et inspecteur général des armées. Il se montre sous la figure d’un corbeau ; sa voix est rauque ; il donne l’éloquence, l’amabilité et enseigne les arts libéraux. Il fait trouver la main de gloire ; il indique les qualités des métaux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; l’un des chefs des nécromanciens, il prédit l’avenir. Il commande à dix-neuf légions..
Nabuchodonosor, roi de Babylone, crut pouvoir exiger des peuples le culte et les hommages qui ne sont dus qu’à Dieu, et il fut pendant sept ans changé en bœuf. Les paradistes croient faire une grande plaisanterie en annonçant qu’on verra chez eux l’ongle de Nabuchodonosor parmi d’autres bagatelles ; mais l’ongle de Nabuchodonosor est dans le cabinet de curiosités du roi de Danemark…
« Entre les Pères de l’Église, les uns, dit Chevreau, ont cru certaine la réprobation de Nebuchadnetzar, les autres n’ont douté nullement de son salut. On a fait encore des questions assez inutiles sur le texte de Daniel, où il est dit que « Nabuchodonosor fut banni sept ans de la compagnie des hommes ; qu’il demeurait avec les bêtes des champs ; qu’il mangeait l’herbe comme les bœufs ; que son poil devint long comme les plumes des aigles, et ses ongles comme ceux des oiseaux. » Saint Cyrille de Jérusalem, Cedrenus et d’autres ont été persuadés qu’il avait été changé en bœuf ; et notre Bodin y aurait souscrit, lui qui a cru à la lycanthropie. Je ne pousserai point cette question, et je me contente de dire ici, après beaucoup d’autres, qu’il perdit l’usage de la raison ; qu’il fut tellement changé par les injures de l’air, par la longueur de son poil et de ses ongles, et par sa manière de vivre avec les bêtes, qu’il s’imagina qu’il en était une. Tertullien dit qu’en cet état il fut frénétique ; saint Thomas, qu’il eut l’imagination blessée ; et les paroles de saint Jérôme sont remarquables : Quando autem dixit sensumsibi redditum, ostendit non formam se amisisse, sed mentem. »
Nachtmaneken, ou petit homme de nuit, nom que les Flamands donnent aux incubes.
Nachtvrouwtje, ou petite femme de nuit, nom que les Flamands donnent aux succubes.
Nagates, astrologues de Ceylan. Des voyageurs crédules vantent beaucoup le savoir de ces devins, qui, disent-ils, font souvent des prédictions que l’événement accomplit. Ils décident du sort des enfants. S’ils déclarent qu’un astre malin a présidé à leur naissance, les pères, en qui la superstition étouffe la nature, leur ôtent une vie qui doit être malheureuse. Cependant, si l’enfant qui voit le jour sous l’aspect d’une planète contraire est un premier-né, le père le garde, en dépit des prédictions ; ce qui prouve que l’astrologie n’est qu’un prétexte dont les pères trop chargés d’enfants se servent pour en débarrasser leur maison. Ces nagates se vantent encore de prédire, par l’inspection des astres, si un mariage sera heureux, si une maladie est mortelle, etc.
Naglefare, vaisseau fatal chez les Celtes. Il est fait des ongles des hommes morts ; il ne doit être achevé qu’à la fin du monde, et son apparition fera trembler les hommes et les dieux. C’est sur ce vaisseau que l’armée des mauvais génies doit arriver d’Orient.
Nagual. C’est le nom que donnent les Mexicains à leur esprit familier. Chaque nouveau-né a le sien. Les peuplades ont le leur collectif. Le nagual de chaque nouveau-né est vivant sous la forme d’un animal, d’un poisson, d’un oiseau, qui est signalé le jour de sa naissance par son horoscope. C’est un tigre, un chat, un perroquet, un insecte. Dans le culte du Mexique, avant la conquête, on offrait souvent du sang aux dieux et aussi aux esprits familiers ; on tirait à l’enfant qui venait de naître une goutte de sang sous l’oreille ou sous la langue pour l’offrir avant tout à Chalchinhlicué, la déesse des eaux et la protectrice des enfants.
L’ara, gros perroquet, recevait un culte provincial dans quelques lieux du Mexique. Il avait ses prêtres, qui lui présentaient goutte par goutte leur propre sang en se tatouant de piqûres, et ce culte subsistait encore dans des cavernes il n’y a pas longtemps.
Naguille (Catherine), petite sorcière âgée de onze ans, qui fut accusée d’aller au sabbat en plein midi.
Naguille (Marie), jeune sorcière, sœur de la précédente. Arrêtée à seize ans, elle avoua que sa mère l’avait conduite au sabbat. Lorsqu’elles devaient y aller ensemble, le diable venait ouvrir la fenêtre de leur chambre et les attendait à la porte. La mère tirait un peu de graisse d’un pot, s’en oignait la tête, excepté la figure, prenait sa fille sous le bras, et elles s’en allaient en l’air au sabbat. Pour revenir à la maison, le diable leur servait de porteur. Elle avoua encore que le sabbat se tenait à Pagole, près d’un petit bois.
Nahama, sœur de Tubalcain. On lit dans le Talmud que c’est une des quatre mères des diables. Elle est devenue elle-même, selon les démonomanes, un démon succube.
Nain-Laurin ou l’Elf-roi. C’est le roi des petits elfs, des kobolds et d’autres esprits nains. Il joue un grand rôle dans le poème de Nibelung.
Nains. Presque tous les esprits de l’espèce des fées sont nains en Irlande.
Aux noces d’un certain roi de Bavière, on vit un nain si petit qu’on l’enferma dans un pâté, armé d’une lance et d’une épée. Il en sortit au milieu du repas, sauta sur la table, la lance en arrêt, et excita l’admiration de tout le monde.
La fable dit que les pygmées n’avaient pas deux pieds de haut et qu’ils étaient toujours en guerre avec les grues. Les Grecs, qui reconnaissaient des géants, pour faire le contraste parfait, imaginèrent ces petits hommes, qu’ils appelèrent pygmées. L’idée leur en vint peut-être de certains peuples d’Éthiopie, appelés Péchinies, qui étaient d’une petite taille. Et comme les grues se retiraient tous les hivers dans leur pays, ils s’assemblaient pour leur faire peur et les empêcher de s’arrêter dans leurs champs : voilà le combat des pygmées contre les grues.
Swift fait trouver à son Gulliver des hommes hauts d’un demi-pied dans l’île de Lilliput. Avant lui, Cyrano de Bergerac, dans son Voyage au soleil, avait vu de petits nains pas plus hauts que le pouce.
Les Celtes pensaient que les nains étaient des espèces de créatures formées du corps du géant Ime, c’est-à-dire de la poudre de la terre. Ils n’étalent d’abord que des vers ; mais, par l’ordre des dieux, ils participèrent à la raison et à la figure humaines, habitant toujours cependant entre la terre et les rochers. « On a découvert sur les bords de la rivière Merrimack, à vingt milles de l’île Saint-Louis, dans les Etats-Unis, des tombeaux en pierre, construits avec une sorte d’art et rangés en ordre symétrique, mais dont aucun n’avait plus de quatre pieds de long. Les squelettes humains n’excèdent pas trois pieds en longueur. Cependant les dents prouvent que c’étaient des individus d’un âge mûr. Les crânes sont hors de proportion avec le reste du corps. Voilà donc les pygmées retrouvés. » Voy. Pygmée.
Laissons passer une anecdote de nain.
On montre dans le château d’Umbres, à une lieue d’Inspruck, le tombeau d’Haymon, géant né dans le Tyrol au quinzième siècle. Il avait seize pieds de haut et assez de force, dit-on, pour porter un bœuf d’une main. À côté du squelette d’Haymon est celui d’un nain qui fut cause de sa mort. Ce nain ayant délié le cordon du soulier du géant, celui-ci se baissa pour le renouer ; le nain profita de ce moment pour lui donner un soufflet. Cette scène se passa devant l’archiduc Ferdinand et sa cour ; on en rit : ce qui fit tant de peine au géant que peu de jours après il en mourut de chagrin.
C’était un luxe, autrefois, d’avoir à la cour des nains ou des fous.
Nairancie. Espèce de divination usitée parmi les Arabes et fondée sur plusieurs phénomènes du soleil et de la lune.
Nakaronkir, esprit que Mahomet envoie dans leur sommeil aux musulmans coupables, pour les pousser au repentir.
Nambroth, démon que l’on conjure le mardi. Voy. Conjurations.
Nan, mouches assez communes en Laponie. Les Lapons les regardent comme des esprits et les portent avec eux dans des sacs de cuir, bien persuadés que par ce moyen ils seront préservés de toute espèce de maladies.
Napier (Barbara). Voy. Jacques Ier.
Napoléon Ier, empereur des Français. On a prétendu qu’il avait un génie familier, comme Socrate et tous les grands hommes dont les actions ont excité l’admiration de leurs contemporains. On l’a fait visiter par un petit homme rouge, espèce de génie mystérieux. Des esprits hostiles ont vu aussi dans Napoléon un des précurseurs de l’Antéchrist ; ce qui est absurde.
Narac, enfer des Indiens ; on y sera tourmenté par des serpents.
Nastrande ou Nastrund, partie de l’enfer des Scandinaves. Là sera un bâtiment vaste et infâme ; la porte, tournée vers le nord, ne sera construite que de cadavres et de serpents, dont toutes les têtes, tendues à l’intérieur, vomiront des flots de venin. Il s’en formera un fleuve empoisonné, dans les ondes rapides duquel flotteront les parjures, les assassins et les adultères. Dans une autre région, la condition des damnés sera pire encore ; car un loup dévorant y déchirera sans cesse les corps qui y seront envoyés.
Nathan de Gaza, juif visionnaire qui se présenta en précurseur du faux messie Sabathaï-Zévi.
Natona (Berthe), Génoise qui fut possédée en 1217 de trois démons. Ils l’enlevaient en l’air à huit ou neuf pieds. Elle fut délivrée devant les reliques de saint Ubald, dont ses exorcistes imploraient l’intercession.
Naturel et Surnaturel. Ce qui a fourvoyé beaucoup d’esprits qui se sont crus forts parce qu’ils étaient faibles et qu’ils ne s’en doutaient pas, c’est qu’ils ont confondu ces deux essences : le naturel et le surnaturel. Ainsi Balthasar Becker, dans son Monde enchanté, veut anéantir les démons, parce que sa laideur faisait dire qu’il était l’un d’eux. Il voulait s’escrimer sur la chute de l’homme ; or, il s’insurgea contre ces paroles de Moïse : « Le serpent dit à la femme. » Est-ce que le serpent a les organes qu’il faut pour parler ? se demanda-t-il. Et si on lui objecte que le diable a pris la figure du serpent, il répond qu’un esprit n’a pas non plus les organes qui parlent. Il en tire donc cette conclusion : « Cela ne se peut naturellement ; donc cela n’est pas. » Mais Benjamin Binet lui a répliqué : « Ce que vous répondez, c’est ne rien dire, puisqu’il s’agit là d’un fait surnaturel. »
Les naturalistes, les rationalistes, les réalistes (car nous avons ces sectes autour de nous) raisonnent comme Becker ; et ainsi ils déraisonnent.
Naudé (Gabriel), l’un des savants distingués de son temps, né à Paris en 1600. Il fut d’abord bibliothécaire du cardinal Mazarin, ensuite de la reine Christine, et mourut à Abbeville en 1653. Il a laissé une Instruction à la France sur la vérité de l’histoire des frères de la Rose-Croix, 1623, in-à° et in-8°; rare. Naudé y prouve que les prétendus frères de la Rose-Croix n’étaient que des fourbes qui cherchaient à trouver des dupes, en se vantant d’enseigner Tari de faire de l’or, et d’autres secrets non moins merveilleux. Ce curieux opuscule est ordinairement réuni à une autre brochure intitulée Avertissement au sujet des frères de la Rose-Croix. On a encore de lui : Apologie pour les grands hommes faussement soupçonnés de magie, 1625, in-8°. Cet ouvrage, peut-être un peu trop systématique, a eu plusieurs éditions. Il y prend la défense des sages, anciens et modernes, accusés d’avoir eu des génies familiers, tels que Socrate, Aristote, Plotin, etc., ou d’avoir acquis par la magie des connaissances au-dessus du vulgaire.
Naurause (Pierres de). Voy. Fin du monde.
(Accius). Ce Navius, étant jeune, dit Cicéron, fut réduit par la pauvreté à garder les pourceaux. En ayant perdu un, il fit vœu que, s’il le retrouvait, il offrirait aux dieux la plus belle grappe de raisin qu’il y aurait dans l’année. Lorsqu’il eut retrouvé son pourceau, il se tourna vers le midi, s’arrêta au milieu d’une vigne, partagea l’horizon en quatre parties ; et après avoir eu dans les trois premières des présages contraires, il trouva une grappe de raisin d’une admirable grosseur. Ce fut le récit de cette aventure qui donna à Tarquin la curiosité de mettre à l’épreuve son talent de divination. Il coupa un jour un caillou avec un rasoir, pour prouver qu’il devinait bien.
Naylor (James), imposteur du seizième siècle, né dans le diocèse d’York, en Angleterre. Après avoir servi quelque temps en qualité de maréchal des logis dans le régiment du colonel Lambert, il se retira parmi les trembleurs et s’acquit tant de réputation par ses discours, qu’on le regardait comme un saint homme. Voulant profiter de la bonne opinion qu’on avait de lui et se donner en quelque sorte pour un dieu, il résolut, en 1656, d’entrer dans Bristol en plein jour, monté sur un cheval dont un homme et une femme tenaient les rênes, suivi de quelques autres qui chantaient tous : Saint, saint, saint, le Dieu de Sabaoth. Les magistrats l’arrêtèrent et l’envoyèrent au parlement, où, son procès ayant été instruit, il fut condamné, le 25 janvier 1657, comme blasphémateur et séducteur du peuple, à avoir la langue percée avec un fer chaud et le front marqué de la lettre B (blasphémateur), à être ensuite reconduit à Bristol, où il rentrerait à cheval, ayant le visage tourné vers la queue : ce qui fut exécuté à la lettre, quoique ce fou misérable eût désiré paraître sur un âne. Naylor fut ensuite enfermé pour le reste de ses jours ; mais on l’élargit, un peu plus tard, et il ne cessa de prêcher ceux de sa secte jusqu’à sa mort.
Naxac, séjour de peines où les habitants du Pégu font arriver les âmes après plusieurs transmigrations.
Nébiros. Voy. Naberus.
Nécato, sorcière d’Andaye qui allait au sabbat avec d’autres, quoique emprisonnée ; ce qui établit que, comme plusieurs de ces malheureuses, elle n’y allait qu’en esprit. Delancre dépeint cette sorcière comme un monstre de laideur. Elle avait une barbe de satyre, des yeux de chat sauvage, une voix rauque. Son regard effrayait même ses compagnes.
Nécromancie, art d’évoquer les morts ou de deviner les choses futures par l’inspection des cadavres. Voy. Anthropomancie, Érichtho, etc.
Il y avait à Séville, à Tolède et à Salamanque des écoles publiques de nécromancie dans de profondes cavernes, dont la grande Isabelle fit murer les entrées. Pour prévenir les superstitions de l’évocation des mânes et de tout ce qui a pris le nom de nécromancie, Moïse avait fait de sages défenses aux Juifs. Isaïe condamne également ceux qui demandent aux morts ce qui intéresse les vivants et ceux qui dorment sur les tombeaux pour avoir des rêves. C’est même pour obvier aux abus de la nécromancie répandue en Orient que chez le peuple israélite celui qui avait touché un mort était impur. Cette divination était en usage chez les Grecs et surtout chez les Thessaliens ; ils arrosaient de sang chaud un cadavre, et ils prétendaient ensuite en recevoir des réponses certaines sur l’avenir. Ceux qui consultaient le mort devaient auparavant avoir fait les expiations prescrites par le magicien qui présidait à cette cérémonie, et surtout avoir apaisé par quelques sacrifices les mânes du défunt : sans ces préparatifs, le défunt demeurait sourd à toutes les questions. Les Syriens se servaient aussi de cette divination, et voici comment ils s’y prenaient : Ils tuaient de jeunes enfants en leur tordant le cou, leur coupaient la tête, qu’ils salaient et embaumaient, puis gravaient sur une lame ou sur une plaque d’or le nom de l’esprit, malin pour lequel ils avaient fait ce sacrifice ; ils plaçaient la tête sur cette plaque, l’entouraient de cierges, adoraient cette sorte d’idole et en tiraient des réponses. Voy. Magie.
Les rois idolâtres d’Israël et de Juda se livrèrent à la nécromancie. Saül y eut recours lorsqu’il voulut consulter l’ombre de Samuel. L’Église a toujours condamné ces abominations. Lorsque Constantin, devenu chrétien, permit encore aux païens de consulter leurs augures, pourvu que ce fût au grand jour, il ne toléra ni la magie noire ni la nécromancie. Julien se livrait à cette pratique exécrable.
Il restait, au moyen âge, quelques traces de la nécromancie dans l’épreuve du cercueil.
Neffesoliens, secte de mahométans qui prétendent être nés du Saint-Esprit, c’est-à-dire sans opération d’homme : ce qui les fait tellement vénérer qu’on ne s’approche d’eux qu’avec réserve. On prétend qu’un malade guérit pour peu qu’il puisse toucher un de leurs cheveux. Mais Delancre dit que ces saints hommes sont au contraire des enfants du diable, qui tâchent de lui faire des prosélytes ; et c’est le plus probable.
Néga. « Tu as fait un vœu à sainte Néga. » Expression des bandits corses. Cette sainte n’est pas dans le calendrier ; mais, chez ces bandits, se vouer à sainte Néga, c’est nier tout de parti pris.
Négation. La première négation a été faite par Satan, qui a donné un insolent démenti à Dieu même. La plus affreuse négation dans ce monde est celle des insensés qui nient Dieu. La mort les éclairera malheureusement trop tard.
Nègres. Il est démontré que les nègres ne sont pas d’une race différente des blancs, comme l’ont voulu dire quelques songe-creux ; qu’ils ne sont pas non plus la postérité de Caïn, laquelle a péri dans le déluge. Les hommes, cuivrés en Asie, sont devenus noirs en Afrique et blancs dans le Septentrion ; et tous descendent d’un seul couple. Les erreurs, plus ou moins innocentes, des philosophes à ce sujet ne sont plus admises que par les ignorants. Les sorciers appelaient quelquefois le diable le grand nègre. Un jurisconsulte dont on n’a conservé ni le nom ni le pays, ayant envie de voir le diable, se fit conduire par un magicien dans un carrefour peu fréquenté, où les démons avaient coutume de se réunir. Il aperçut un grand nègre sur un trône élevé, entouré de plusieurs soldats noirs armés de lances et de bâtons. Le grand nègre, qui était le diable, demanda au magicien qui il lui amenait. — Seigneur, répondit le magicien, c’est un serviteur fidèle. — Si tu veux me servir et m’adorer, dit le diable au jurisconsulte, je te ferai asseoir à ma droite. Mais le prosélyte, trouvant la cour infernale plus triste qu’il ne l’avait espéré, fit le signe de la croix, et les démons s’évanouirent.
Les nègres font le diable blanc.
Nékir. Voy. Monkir.
Nembroth, un des esprits que les magiciens consultent. Le mardi lui est consacré et on l’évoque ce jour-là : il faut, pour le renvoyer, lui jeter une pierre ; ce qui est facile.
Nemrod, roi d’Assyrie. Ayant fait bâtir la tour de Babel, et voyant, disent les auteurs arabes, que cette tour, à quelque hauteur qu’il l’eût fait élever, était encore loin d’atteindre au ciel, il imagina de s’y faire transporter dans un panier par quatre énormes vautours. Les oiseaux l’emportèrent en effet lui et son panier, mais si haut et si loin que depuis on n’entendit plus parler de lui.
Nénufar, plante aquatique froide, dont voici un effet : Un couvreur travaillait en été sur une maison, à l’une des fenêtres de laquelle le maître avait un flacon d’eau de fleurs de nénufar à purifier au soleil. Le couvreur, étant échauffé et altéré, prit le flacon et but de cette eau ; il s’en retourna chez lui avec les sens glacés. Au bout de quelques jours, surpris de son refroidissement-il se crut ensorcelé. Il se plaint du maléfice qu’on lui a fait. Le maître de la maison examine son flacon et le trouve vide. Il reconnaît aussitôt d’où vient le maléfice, console le couvreur en lui faisant boire du vin de gingembre confit et toutes choses propres à le réchauffer. Il le rétablit enfin et fit cesser ses plaintes.
Néphélim, nom qui signifie également géants ou brigands. Aussi est-ce celui que l’Écriture donne aux enfants nés du commerce des anges avec les filles des hommes. Selon l’auteur du livre d’Énoch, les néphélim étaient fils des géants.
Nequam, prétendu prince des magiciens, à qui les chroniques mayençaises attribuent la fondation de Mayence.
Ner ou Néré. C’est le nom que l’on donne en Perse aux génies mâles de la race des Dives. Ils sont très-méchants. Les plus renommés de ces dives pour leur férocité sont Demrousch-Néré, Séhélan-Néré, Mordach-Néré, Cahamérage-Néré. Ils ont fait la guerre aux premiers monarques de l’Orient (dans les temps fabuleux). Tahmuras les a vaincus et enchaînés dans des cavernes bien closes
Nergal, démon du second ordre, chef de la police du ténébreux empire, premier espion de Belzébuth, sous la surveillance du grand justicier Lucifer. Ainsi le disent les démonomanes. Toutefois Nergal ou Nergel fut une idole des Assyriens ; il paraît que dans cette idole ils adoraient le feu.
Néron, empereur romain, dont le nom odieux est devenu la plus cruelle injure pour les mauvais princes. Il portait avec lui une petite statue ou mandragore qui lui prédisait l’avenir. On rapporte qu’en ordonnant aux magiciens de quitter l’Italie, il comprit sous le nom de magiciens les philosophes, parce que, disait-il, la philosophie favorisait l’art magique. Cependant il est certain, disent les démonomanes, qu’il évoqua lui même les mânes de sa mère Agrippine.
Netla. Voy. Ortie.
Nétos, génies malfaisants aux Moluques. Ils ont pour chef Lanthila.
Neuf. Ce nombre est sacré chez différents peuples. Les Chinois se prosternent neuf fois devant leur empereur. En Afrique, on a vu des princes, supérieurs aux autres en puissance, exiger des rois leurs vassaux de baiser neuf fois la poussière avant de leur parler. Pallas observe que les Mogols regardent aussi ce nombre comme très-auguste, et l’Europe n’est pas exempte de cette idée.
Neuhaus (Femme blanche de). Voy. Femmes blanches.
Neures ou Neuriens, peuples de la Sarmatie européenne qui prétendaient avoir le pouvoir de se métamorphoser en loups une fois tous les ans, et de reprendre ensuite leur première forme.
Newhaven. La barque de la fée de Newhaven apparaît, dit-on, sur les mers avant les naufrages au nouveau monde. Cette tradition prend sa source dans une de ces apparitions merveilleuses et inexplicables qu’on suppose être occasionnées par la réfraction de l’atmosphère, comme le palais de la fée Morgane, qui brille au-dessus des eaux dans la baie de Messine.
Niais, est un adjectif qui vient de nier ; et ceux qui nient n’en doivent pas être bien fiers.
Nibrianes. Les nibrianes sont les fées des Napolitains. Il y en a une attachée à chaque maison ; et ceux qui l’occupent offensent la nibriane s’ils se plaignent de leur logis. C’est là sans doute une invention de propriétaires.
Nickar ou Nick. D’après la mythologie Scandinave, source principale de toutes les croyances populaires de l’Allemagne et de l’Angleterre, Odin prend le nom de Nickar ou Hnickar lorsqu’il agit comme principe destructeur ou mauvais génie. Sous ce nom et sous la forme de kelpic, cheval-diable d’Écosse, il habite les lacs et les rivières de la Scandinavie, où il soulève des tempêtes et des ouragans. Il y a dans l’île de Rugen un lac sombre dont les eaux sont troubles et les rives couvertes de bois épais. C’est là qu’il aime à tourmenter les pécheurs en faisant chavirer leurs bateaux et en les lançant quelquefois jusqu’au sommet des plus hauts sapins. Du Nickar Scandinave sont provenus les hommes d’eau et les femmes d’eau, les nixes des Teutons. Il n’en est pas de plus célèbres que les nymphes de l’Elbe et de la Gaal. Avant l’établissement du Christianisme, les Saxons qui habitaient le voisinage de ces deux fleuves adoraient une divinité du sexe féminin, dont le temple était dans la ville de Magdebourg ou Megdeburch (ville de la jeune fille), et qui inspira toujours depuis une certaine crainte comme la naïade de l’Elbe. Elle apparaissait à Magdebourg, où elle avait coutume d’aller au marché avec un panier sous le bras : elle était pleine de grâce, propre, et au premier abord on l’aurait prise pour la fille d’un bon bourgeois ; mais les malins la reconnaissaient à un petit coin de son tablier, toujours humide, en souvenir de son origine aquatique.
Chez les Anglais, les matelots appellent le diable le vieux Nick.
Nicksa. Voy. Nixas.
Nicolaï. Voy. Hallucination.
Nid, degré supérieur de magie que les Islandais comparaient à leur seidur ou magie noire. Cette espèce de magie consistait à chanter un charme de malédictions contre un ennemi.
Nider (Jean), savant dominicain mort en 1440. Son Formicarium contient sur les possessions des faits curieux.
Niflheim (Abîme), nom d’un double enfer chez les Scandinaves. Ils le plaçaient dans le neuvième monde ; suivant eux, la formation en avait précédé de quelques hivers celle de la terre. Au milieu de cet enfer, dit l’Edda, il y a une fontaine nommée Hvergelmer. De là coulent les fleuves suivants : l’Angoisse, l’Ennemi de la Joie, le Séjour de la Mort, la Perdition, le Gouffre, la Tempête, le Tourbillon, le Rugissement, le Hurlement, le Vaste ; celui qui s’appelle le Bruyant coule près des grilles du Séjour de la Mort. Cet enfer est une espèce d’hôtellerie, ou, si l’on veut, une prison dans laquelle sont détenus les hommes lâches ou pacifiques qui ne peuvent défendre les dieux inférieurs en cas d’attaque imprévue. Mais les habitants doivent en sortir au dernier jour pour être condamnés ou absous. C’est une idée très-imparfaite du purgatoire.
Nigromancie, art de connaître les choses cachées dans les endroits noirs, ténébreux, comme les mines, les pétrifications souterraines, etc. Ceux qui faisaient des découvertes de ce genre évoquaient les démons et leur commandaient d’apporter les trésors cachés. La nuit était particulièrement destinée à ces évocations, et c’est aussi durant ce temps que les démons exécutaient les commissions dont ils étaient chargés.
Ninon de Lenclos. On conte qu’elle dut de conserver une certaine beauté, trop vantée, jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans, à certain pacte qu’elle fit avec le diable, lequel lui avait apparu, dans un moment de vanité, sous les traits d’un nain vêtu de noir. On ajoute qu’à l’heure de sa mort elle vit aux pieds de son lit le nain qui l’attendait .
Nirudy ou Nirondy, roi des démons malfaisants chez les Indiens. On le représente porté sur les épaules d’un géant et tenant un sabre à la main.
Nis et Nisgodreng, lutins danois de l’espèce des Cluricaunes. Voy. ce mot.
Nisses, petites fées en Écosse.
Nitoès, démons ou génies que les habitants des îles Moluques consultent dans les affaires importantes. On se rassemble, on appelle les démons au son d’un petit tambour, on allume des flambeaux, et l’esprit paraît, ou plutôt un de ses ministres ; on l’invite à boire et à manger, et, sa réponse faite, l’assemblée dévore les restes du festin.
Nixas ou Nicksa, dieu d’une rivière ou de l’Océan, adoré sur les bords de la Baltique, paraît incontestablement avoir tous les attributs de Neptune. Parmi les vents brumeux et les épouvantables tempêtes de ces sombres contrées, ce n’est pas sans raison qu’on l’a choisi comme la puissance la plus contraire à l’homme, et le caractère surnaturel qu’on lui a attribué est parvenu jusqu’à nous sous deux aspects bien différents. La Nixas des Germains est une de ces aimables fées, nommées Naïades par les anciens ; le vieux Nick (le diable en Angleterre) est un véritable descendant du dieu de la mer du Nord, et possède une grande portion de sa puissance. Le matelot anglais, qui semble ne rien craindre, avoue la terreur que lui inspire cet être redoutable, qu’il regarde comme l’auteur des différentes calamités auxquelles sa vie précaire est continuellement en butte.
Noals (Jeanne), sorcière qui fut brûlée par arrêt du parlement de Bordeaux, le 20 mars 1619, pour avoir chevillé le moulin de Las-Coudourleiras, de la paroisse de Végenne. Ayant porté un jour du blé à moudre à ce moulin avec deux autres femmes, le meunier, Jean Destrade, les pria d’attendre que le blé qu’il avait déjà depuis plusieurs jours fût moulu ; mais elles s’en allèrent mécontentes, et aussitôt le moulin se trouva chevillé, de façon que le meunier ni sa femme n’en surent trouver le défaut. Le maître du moulin ayant été appelé, il s’avisa d’y amener ladite sorcière, qui, s’étant mise à genoux sur l’engin avec lequel le meunier avait coutume d’arrêter l’eau, fit en sorte qu’un quart d’heure après le moulin se remit à moudre avec plus de vitesse qu’il n’avait jamais fait .
Nodier (Charles), spirituel auteur de Trilby ou le lutin d’Argail (Argyle), et de beaucoup d’écrits charmants où les fées et les follets tiennent poétiquement leur personnage.
Noé. Les Orientaux ont chargé de légendes merveilleuses l’histoire de ce patriarche .
Noël (Jacques), prétendu possédé et peut-être obsédé, qui fit quelque bruit en 1667. Il était neveu d’un professeur de philosophie au collège d’Harcourt, à Paris. Il s’imaginait sans cesse voir des spectres. Il était sujet aux convulsions épileptiques, faisait des grimaces, des contorsions, des cris et des mouvements extraordinaires. On le crut démoniaque, on l’examina ; il prétendit qu’on l’avait maléficié, parce qu’il n’avait pas voulu aller au sabbat. Il assura avoir vu le diable plusieurs fois en différentes formes . On finit par découvrir qu’il était fou.
Noh, nom du premier homme selon les Hottentots. Ils prétendent que leurs premiers parents entrèrent dans le pays par une porte ou par une fenêtre ; qu’ils furent envoyés de Dieu même, et qu’ils communiquèrent à leurs enfants l’art de nourrir les bestiaux, avec quantité d’autres connaissances.
Noix. Un grand secret est renfermé dans les noix ; car si on les fait brûler, qu’on les pile et qu’on les mêle avec du vin et de l’huile, elles entretiennent les cheveux et les empêchent de tomber .
Nomancie. Divination par les noms et par les lettres qui les composent. C'est la même science que l'Onomancie. Voir ce nom.
Nombre deux. Depuis Pythagore, qui avait regardé le nombre deux comme représentant le mauvais principe, ce nombre était aux yeux de l’Italie le plus malheureux de tous ; Platon, imbu de cette doctrine, comparaît le nombre deux à Diane, toujours stérile, et partant peu honorée. C’est d’après le même principe que les Romains avaient dédié à Plu ton le deuxième mois de l’année et le deuxième jour du mois ; parce que tout ce qui était de mauvais augure lui était spécialement consacré.
Diverses croyances s’attachaient à quelques autres nombres. Voy. Neuf, etc.
Nonos, génies malfaisants, que les Indiens des îles Philippines placent dans des sites extraordinaires entourés d’eau ; ils ne passent jamais dans ces lieux, qui remplissent leur imagination d’effroi, sans leur en demander permission. Quand ils sont attaqués de quelque infirmité ou maladie, ils portent à ces génies, en forme d’offrande, du riz, du vin, du coco et le cochon, qu’on donne ensuite à manger aux malades.
Nornes, fées ou parques chez les Celtes. Elles dispensaient les âges des hommes, et se nommaient Urda (le passé), Verandi (le présent) et Skalda (l’avenir).
Norsgubb, le Vieux du Nord ou des Norses. C’est le nom populaire du diable en Suède.
Nostradamus (Michel), médecin et astrologue, né en 1503 à Saint-Rémi en Provence, mort à Salon en 1566. Les talents qu’il déploya pour la guérison de plusieurs maladies qui affligeaient la Provence lui attirèrent la jalousie de ses collègues ; il se retira de la société. Vivant seul avec ses livres, son esprit s’exalta au point qu’il crut avoir le don de connaître l’avenir. Il écrivit ses prédictions dans un style énigmatique ; et pour leur donner plus de poids, il les mit en vers. Il en composa autant de quatrains, dont il publia sept centuries à Lyon en 1555. Ce recueil eut une vogue inconcevable ; on prit parti pour le nouveau devin ; les plus raisonnables le regardèrent comme un visionnaire, les autres imaginèrent qu’il avait commerce avec le diable, d’autres qu’il était véritablement prophète. Le plus grand nombre des gens sensés ne vit en lui qu’un charlatan qui, n’ayant pas fait fortune à son métier de médecin, cherchait à mettre à profit la crédulité du peuple. La meilleure de ses visions est celle qui lui annonça qu’il s’enrichirait à ce métier. Il fut comblé de biens et d’honneurs par Catherine de Médicis, par Charles IX et par le peuple des petits esprits. Le poète Jodelle fit ce jeu de mots sur son nom :
Nostra damus cum falsa damus, nam fallere nostrum est ;
Et cum falsa damus, nil nisi nostra damus.
Et cum falsa damus, nil nisi nostra damus.
Notarique, une des trois divisions de la cabale chez les Juifs. Elle consiste à prendre ou chaque lettre d’un mot pour en faire une phrase entière, ou les premières lettres d’une sentence pour en former un seul mot.
Noyés. Les marins anglais et américains croient que retirer un noyé et l’amener sur le pont d’un navire qui va appareiller, c’est, si le noyé y meurt, un mauvais présage, qui annonce des malheurs et le danger de périr. Superstition inhumaine. Aussi laissent-ils les noyés à l’eau.
Voici une légende qui a été racontée par le poète Œhlenschlæsger. Ce n’est point une légende, c’est un drame de la vie réelle. Un pauvre matelot a perdu un fils dans un naufrage, et la douleur l’a rendu fou. Chaque jour il monte sur sa barque et s’en va en pleine mer ; là, il frappe à grands coups sur un tambour, et il appelle son fils à haute voix : — Viens, lui dit-il, viens ! sors de ta retraite, nage jusqu’ici, je te placerai à côté de moi dans mon bateau ; et si tu es mort, je te donnerai une tombe dans le cimetière, une tombe entre des fleurs et des arbustes ; tu dormiras mieux là que dans les vagues. Mais le malheureux appelle en vain et regarde en vain. Quand la nuit descend, il s’en retourne en disant : — J’irai demain plus loin, mon pauvre fils ne m’a pas entendu .
Nuit des trépassés. De tous les jours de l’année, il n’en est point que l’imagination superstitieuse des Flamands ait entouré de plus grandes terreurs que le Ier novembre. Les morts sortent à minuit de leurs tombes pour venir, en longs suaires, rappeler les prières dont ils ont besoin aux vivants qui les oublient. La sorcière et le vieux berger choisissent cette soirée pour exercer leurs redoutables maléfices. L’ange Gabriel soulève alors pour douze heures le pied sous lequel il retient le démon captif, et rend à cet infernal ennemi des hommes le pouvoir momentané de les faire souffrir. D’ordinaire, la désolation de la nature vient encore ajouter aux terreurs de ces croyances ; la tempête mugit, la neige tombe avec abondance, les torrents se gonflent et débordent ; enfin la souffrance et la mort menacent de toutes parts le voyageur.
Numa-Pompilius, second roi de Rome. Il donna à son peuple des lois assez sages, qu’il disait tenir de la nymphe Égérie. Il marqua les jours heureux et les jours malheureux, etc. .
Les démonomanes font de Numa un insigne enchanteur et un profond magicien. Cette nymphe, qui se nommait Égérie, n’était autre chose qu’un démon qu’il s’était rendu familier, comme étant un des plus versés et mieux entendus qui aient jamais existé en l’évocation des diables. Aussi tient-on pour certain, dit Leloyer, que ce fut, par l’assistance et l’industrie de ce démon qu’il fit beaucoup de choses curieuses pour se mettre en crédit parmi le peuple de Rome, qu’il voulait gouverner à sa fantaisie. À ce propos, Denys d’Halicarnasse raconte qu’un jour, ayant invité à souper bon nombre de citoyens, il leur fit servir des viandes simples et communes en vaisselle peu somptueuse ; mais dès qu’il eut dit un mot, sa diablesse le vint trouver, et tout incontinent la salle devint pleine de meubles précieux, et les tables furent couvertes de toutes sortes de viandes exquises et délicieuses. Il était si habile dans ses conjurations, qu’il forçait Jupiter à quitter son séjour et à venir causer avec lui. Numa-Pompilius fut le plus grand sorcier et le plus fort magicien de tous ceux qui ont porté couronne, dit Delancre ; il avait encore plus de pouvoir sur les diables que sur les hommes. Il composa des livres de magie qu’on brûla quatre cents ans après sa mort… Voy. Égérie.
Nursie, au royaume de Naples. Là était la grotte de la Sibylle, remplacée au moyen âge par des sorcières qu’on allait consulter.
Nybbas, démon d’un ordre inférieur, grand paradiste de la cour infernale. Il a aussi l’intendance des visions et des songes. On le traite avec assez peu d’égards, le regardant comme bateleur et charlatan.
Nymphes, démons femelles. Leur nom vient de la beauté des formes sous lesquelles ils se montrent. Chez les Grecs, les nymphes, très-honorées, étaient partagées en plusieurs classes : les mélies suivaient les personnes qu’elles voulaient favoriser ou tromper ; elles couraient avec une vitesse inconcevable. Les nymphes genetyllides présidaient à la naissance, assistaient les enfants au berceau, faisaient les fonctions de sages-femmes, et leur donnaient même la nourriture. Ainsi Jupiter fut nourri par la nymphe Mélisse, etc. Ce qui prouve que ce sont bien des démons, c’est que les Grecs disaient qu’une personne était remplie de nymphes pour dire qu’elle était possédée des démons. Du reste, les cabalistes pensent que ces démons habitent les eaux, ainsi que les salamandres habitent le feu, les sylphes l’air, et les gnomes ou pygmées la terre. Voy. Ondins.
Nymphe de l’Elbe. Pretorius, auteur estimable du seizième siècle, raconte que la nymphe de l’Elbe s’assied quelquefois sur les bords du fleuve, peignant ses cheveux à la manière des sirènes. Une tradition semblable à celle que Walter Scott a mise en scène dans la Fiancée de Lamermoor avait cours au sujet de la sirène de l’Elbe ; elle est rapportée tout au long par les frères Grimm, dans leur Recueil de légendes germaniques. Quelque belles que paraissent les ondines ou nixes, le principe diabolique fait toujours partie de leur essence : l’esprit du mal n’est couvert que d’un voile plus ou moins transparent, et tôt ou tard la parenté de ces beautés mystérieuses avec Satan devient manifeste. Une mort inévitable est le partage de quiconque se laisse séduire par elles. Des auteurs prétendent que les dernières inondations du Valais furent causées par des démons qui, s’ils ne sont pas des nickars ou des nixes, sont du moins de nature amphibie. Il y a près de la vallée de Bagnes une montagne fatale où les démons font le sabbat. En l’année 1818, deux frères mendiants de Sion, prévenus de cette assemblée illégale, gravirent la campagne pour vérifier le nombre et les intentions des délinquants. En diable, l’orateur de la troupe, s’avança. — Révérends frères, dit-il, nous sommes ici une armée telle que, si on divisait entre nous à parts égales tous les glaciers et tous les rochers des Alpes, nous n’en aurions pas chacun une livre pesant.
Nynauld (Jean de), auteur d’un livre intitulé De la Lycanthropie, transformation et extases des sorciers. Paris, 1615, in-8°.
Nyol, vicomte de Brosse, poursuivi comme sorcier à la fin du seizième siècle. Il confessa qu’ayant entendu dire qu’on brûlait les sorciers, il avait quitté sa maison et en était demeuré longtemps absent. Ses voisins, l’ayant suivi, l’avaient trouvé dans une étable de pourceaux ; ils l’interrogèrent sur différents maléfices dont il était accusé ; il reconnut qu’il était allé une fois au sabbat, à la croix de la Motte, où il avait vu le diable en forme de chèvre noire ; qu’il s’était donné audit diable, sous promesse qu’il aurait des richesses et serait bien heureux au monde, « et lui bailla pour gage sa ceinture, partie de ses cheveux, et après sa mort un de ses pouces. Ensuite le diable le marqua sur l’épaule ; il lui commanda de donner des maladies, de faire mourir les hommes et les bestiaux, de faire périr les fruits par des poudres qu’il jetterait au nom de Satan. Il avoua encore que le diable l’avait fait danser au sabbat avec les autres sorciers ayant chacun une chandelle, et que quand le diable se retirait enfin, eux tous se trouvaient transportés dans leurs maisons. » Vingt-huit témoins confrontés soutinrent que le vicomte de Brosse avait la réputation de sorcier, et qu’il avait fait mourir quatre hommes et beaucoup de bestiaux. Il fut condamné.
Nypho ou Nyphus (Augustin), sorcier italien, qui avait un démon familier et barbu, dit Delancre, lequel démon lui apprenait toutes choses. Il a fait un livre Des divinations, imprimé à la suite de l’explication des songes par Artémidore. Voy. Artémidore.
Nysrock, démon du second ordre, chef de cuisine de Belzébuth, seigneur de la délicate tentation et des plaisirs de la table.
O
Oannès ou Oès, monstre moitié homme et moitié poisson, dans les vieilles mythologies de l’Orient ; venu de la mer égyptienne, il sortait de l’œuf primitif, d’où tous les autres êtres avaient été tirés. Il parut, dit Bérose, près d’un lieu voisin de Babylone. Il avait une tête d’homme sous une tête de poisson. À sa queue étaient joints des pieds d’homme, et il en avait la voix et la parole. Ce monstre demeurait parmi les hommes sans manger, leur donnait la connaissance des lettres et des sciences, leur enseignait les arts, l’arithmétique, l’agriculture ; en un mot, tout ce qui pouvait contribuer à adoucir les mœurs. Au soleil couchant, il se retirait dans la mer et passait la nuit sous les eaux. C’était un poisson comme on n’en voit guère.
Ob, démon des Syriens, qui était, à ce qu’il paraît, ventriloque. Il donnait ses oracles par le derrière, organe qui n’est pas ordinairement destiné à la parole, et toujours d’une voix basse et sépulcrale, en sorte que celui qui le consultait ne l’entendait souvent pas du tout, ou plutôt entendait tout ce qu’il voulait.
Obereit (Jacques Hermann), alchimiste et mystique, né en 1725, à Arbon en Suisse, et mort en 1798. Son père avait eu le même goût pour l’alchimie, qu’il appelait l’art de perfectionner les métaux par la grâce de Dieu. Le fils voulut profiter des leçons que lui avait laissées le vieillard ; comme sa famille était réduite à l’indigence, il travailla sans relâche dans son laboratoire ; mais l’autorité vint le fermer, comme dangereux pour la sûreté publique. Cependant il réussit à prouver que ses opérations ne pouvaient nuire, et il s’établit chez un frère de Lavater. Depuis dix-huit ans, Jacques (qui était fou), connaissait, disait-il, une personne qu’il nomme Théantis, bergère séraphique ; il l’épousa dans un château, sur une montagne entourée de nuages. « Notre mariage, dit-il, n’était ni platonique ni épicurien, c’était un état dont le monde n’a aucune idée. » Elle mourut au bout de trente-six jours, et le veuf, se souvenant que Marsay, grand mystique de ce temps, avait entonné un cantique de reconnaissance à la mort de sa femme, chanta à gorge déployée durant toute la nuit du décès de la sienne. Il a publié, en 1776, à Augsbourg, un traité de la Connexion originaire des esprits et des corps, d’après les principes de Newton. On lui doit aussi les Promenades de Gamaliel, juif philosophe, 1780.
Obergemeiner, propriétaire à Münchhof, près de Gratz, d’une maison qui fut infestée, en janvier 1821, de mains invisibles ou de procédés inexplicables qui, malgré la surveillance de trente hommes armés, lançaient aux fenêtres des pierres de quinze livres, parties le plus souvent de l’intérieur de la maison où ces pierres ne se trouvaient pas, qui brisaient la vaisselle, cassaient les pots et jetaient rudement à la tête (les assistants les cuillers à pot en fer, lesquelles arrivaient violemment à leur but, mais sans causer le moindre mal, au contraire des pierres qui brisaient les vitres. Le seau plein d’eau s’enlevait tout seul au plafond ; les plats volaient et faisaient des courbes. On n’a pu avoir explication de ces phénomènes, mentionnés et décrits longuement dans la Mystique de Görres.
Obéron, roi des fées et des fantômes aériens. Il joue un grand rôle dans la poésie anglaise ; c’est l’époux de Titania. Ils habitent l’Inde ; la nuit, ils franchissent les mers et viennent dans, nos climats danser au clair de la lune ; ils redoutent le grand jour et fuient au premier rayon du soleil, ou se cachent dans les bourgeons des arbres jusqu’au retour de l’obscurité. Obéron est le sujet d’un poème célèbre de Wieland.
Obesslik. Du temps des hussites, un brigand nommé Obesslik se rendit à la justice, qui le poursuivait depuis longtemps ; mais il se rendit à condition qu’on épargnât son sang. Il fut donc condamné à mourir de faim et descendu dans le gouffre de Maczocha avec une cruche d’eau et un seul pain. Le pain fut bientôt dévoré, la cruche d’eau bientôt vidée. Alors commença pour lui cette horrible agonie dont on peut se faire une idée après avoir lu l’épisode d’Ugolin dans le Dante. La mort lente s’approchait avec le désespoir, lorsque tout à coup le condamné entendit un sifflement étrange dans l’air et vit, en levant les yeux, un dragon ailé qui plongea à grands coups d’aile dans le précipice. Obesslik, qu’épouvantait l’idée que ce dragon le dévorerait, ramassa le reste de ses forces, se recula dans une crevasse de la paroi, prit une pierre et la jeta vers le dragon, qui fut atteint sous le ventre, seul endroit qui n’était pas protégé par des écailles comme tout le reste de son corps. Un sang noir sortit de la blessure du monstre, qui s’abattit sur une saillie du cratère, où il se reposa quelque temps ; une demi-heure s’écoula ainsi, et, quand il eut repris quelques forces par le repos, il se releva et sortit. Ainsi délivré de son hôte monstrueux, Obesslik pensa ceci :
« Ne pourrais-je pas me sauver par son secours, s’il revenait ?
Le lendemain, à la même heure, le dragon redescendit dans le gouffre et se mit à fouiller la vase avec son bec immense pour y chercher des vipères d’eau dont il se nourrissait. Obesslik se glissa derrière lui et se plaça sur son dos écaillé. Quand le monstre se fut bien repu, il reprit son vol, sans s’apercevoir qu’un homme était sur lui, et sortit du précipice. Il s’éleva bien haut dans l’air, portant toujours son cavalier, qui attendait un moment favorable pour descendre de son étrange coursier. Ses ailes bruissaient dans le vent, et il s’abattit dans une forêt voisine, où il se coucha sous un grand chêne et s’endormit.
Obesslik sauvé reprit son ancien métier de dévaliseur, et plus d’une fois l’effroi se répandit dans la contrée au récit des crimes de celui que l’on croyait mort dans la Maczocha. Les montagnes de Hradi étaient surtout le théâtre de ses sanguinaires exploits. Mais il fut repris et décapité à Olmutz.
Obole, pièce de monnaie que les Romains et les Grecs mettaient dans la bouche des morts, pour payer leur passage dans la barque à Caron.
Obsédés. Dom Calmet fait cette distinction entre les possédés et les obsédés. Dans les possessions, dit-il, le diable parle, pense, agit pour le possédé. Dans les obsessions, il se tient au dehors, il assiège, il tourmente, il harcèle. Saül était possédé, le diable le rendit sombre ; Sara, qui épousa le jeune Tobie, n’était qu’obsédée, le diable n’agissait qu’autour d’elle. Voy. Possédés.
Obsequens (Julius). Il a laissé un livre des prodiges, dont une partie est perdue.
Occultes. On appelle sciences occultes la magie, la nécromancie, la cabale, l’alchimie et toutes les sciences secrètes.
Ochozias, roi d’Israël, mort 896 ans avant notre ère. Il s’occupait de magie et consultait Belzébuth, honoré à Accaron. Il eut une fin misérable.
Oculomancie, divination dont le but était de découvrir un larron, en examinant la manière dont il tournait l’œil, après certaines cérémonies superstitieuses.
Oddo. Voy. Kalta.
Oddon, pirate flamand des temps anciens, qui voguait en haute mer par magie, sans esquif ni navire.
Od-esprit. M. Gagne, qui est un des adeptes du spiritisme, croit avoir découvert dans l’atmosphère un agent impondérable où flottent les esprits qui nous circonviennent, et avec qui les habiles se mettent en communication. Il appelle cet agent l’Od-esprit.
Odet, démon de la nuit, qui se montre à Orléans sous la forme d’un mulet et fait de mauvais tours à ceux qu’il rencontre. Il est de l’espèce de Kleudde.
Odeur. On voit dans tous les procès de sorcellerie que l’odeur des sorciers est abominable, ce qui ne peut surprendre, puisque leurs chefs leur défendent de se laver. — Plusieurs possédés sont aussi très-puants.
Odin, dieu des Scandinaves. Deux corbeaux sont souvent placés sur ses épaules et lui disent à l’oreille tout ce qu’ils ont vu ou entendu de neuf. Odin les lâche tous les jours ; et, après qu’ils ont parcouru le monde, ils reviennent le soir à l’heure du repas. C’est pour cela que ce dieu sait tant de choses, et qu’on l’appelle le dieu des corbeaux. À la fin des siècles, il sera mangé par le loup Fenris. Les savants vous diront que l’un de ces corbeaux est l’emblème de la pensée ; quelle pensée ! et l’autre le symbole de la mémoire. Les deux loups qui se tiennent aux pieds d’Odin figuraient la puissance. Il y a des gens qui ont admiré ce mythe.
Odin, à la fois pontife, conquérant, monarque, orateur et poète, parut dans le Nord, environ soixante-dix ans avant Notre-Seigneur selon les uns, plus tard selon d’autres. Le théâtre de ses exploits fut principalement le Danemark. Il avait la réputation de prédire l’avenir et de ressusciter les morts. Quand il eut fini ses expéditions glorieuses, il retourna en Suède, et, se sentant près du tombeau, il ne voulut pas que la maladie tranchât le fil de ses jours, après avoir si souvent bravé la mort dans les combats. Il convoqua tous ses amis, les compagnons de ses exploits ; il se fit, sous leurs yeux, avec la pointe d’une lance, neuf blessures en forme de cercle ; et, au moment d’expirer, il déclara qu’il allait dans la Scythie prendre place parmi les dieux, promettant d’accueillir un jour avec honneur dans son paradis tous ceux qui s’exposeraient courageusement dans les batailles, ou qui mourraient les armes à la main. Toute la mythologie des Islandais a Odin pour principe, comme le prouve l’Edda, traduit par Mallet, à la tête de son Histoire de Danemark. Voy. Woden, Hakelberg, etc.
Odontotyrannus. Voy. Serpent de mer.
Odorat. Cardan dit au livre XIII de la Subtilité qu’un odorat excellent est une marque d’esprit, parce que la qualité chaude et sèche du cerveau est propre à rendre l’odorat plus subtil, et que ces mêmes qualités rendent l’imagination plus vive et plus féconde. Rien n’est moins sûr que cette assertion ; il n’y a point de peuple qui ait si bon nez que les habitants de Nicaragua, les Abaquis, les Iroquois ; et on sait qu’ils n’en sont pas plus spirituels. Mamurra, selon Martial, ne consultait que son nez pour savoir si le cuivre qu’on lui présentait était de Corinthe.
Œil. Les gorgones avaient un seul œil, dont elles se servaient tour à tour pour changer en pierres tous ceux qui les regardaient. Les anciens font mention des Arimaspes, comme de peuples qui n’avaient qu’un œil, et qui étaient souvent aux prises avec les griffons, pour ravir l’or confié à la garde de ces monstres. Pour le mauvais œil, Voy. Yeux.
Œnomancie, divination par le vin, dont on considère la couleur en le buvant, et dont on remarque les moindres circonstances pour en tirer des présages. Les Perses étaient fort attachés à cette divination.
Œnothère, géant de l’armée de Charlemagne, qui, d’un revers de son épée, fauchait des bataillons ennemis comme on fauche l’herbe d’un pré.
Œonistice, divination par le vol des oiseaux. Voy. Augures.
Oès. Voy. Oannès.
Œufs. On doit briser la coque des œufs frais, quand on les a mangés, par pure civilité ; aussi cet usage est-il pratiqué parles gens bien élevés, dit M. Salgues ; cependant il y a des personnes qui n’ont pas coutume d’en agir ainsi. Quoi qu’il en soit, cette loi remonte à une très-haute antiquité. On voit, par un passage de Pline, que les Romains y attachaient une grande importance. L’œuf était regardé comme l’emblème de la nature, comme une substance mystérieuse et sacrée. On était persuadé que les magiciens s’en servaient dans leurs conjurations, qu’ils le vidaient et traçaient dans l’intérieur des caractères magiques dont la puissance pouvait opérer beaucoup de mal. On en brisait les coques pour détruire les charmes. Les anciens se contentaient quelquefois de les percer avec un couteau, et dans d’autres moments de frapper trois coups dessus. Les œufs leur servaient aussi d’augure. Julie, fille d’Auguste, étant grosse de Tibère, désirait ardemment un fils. Pour savoir si ses vœux seraient accomplis, elle prit un œuf, le mit dans son sein, l’échauffa ; quand elle était obligé de le quitter, elle le donnait à une nourrice pour lui conserver sa chaleur. L’augure fut heureux, dit Pline : elle eut un coq de son œuf et mit au monde un garçon.
Les druides pratiquaient, dit-on, cette superstition étrange ; ils vantaient fort une espèce d’œuf inconnu à tout le monde, formé en été par une quantité prodigieuse de serpents entortillés ensemble, qui y contribuaient tous de leur bave et de l’écume qui sortait de leur corps. Aux sifflements des serpents, l’œuf s’élevait en l’air ; il fallait s’en emparer alors, avant qu’il touchât la terre : celui qui l’avait reçu devait fuir ; les serpents couraient tous après lui jusqu’à ce qu’ils fussent arrêtés par une rivière qui coupât leur chemin. Ils faisaient ensuite des prodiges avec cet œuf.
Aujourd’hui on n’est pas exempt de bien des superstitions sur l’œuf. Celui qui en mange tous les matins sans boire meurt, dit-on, au bout de l’an. Il ne, faut pas brider les coques des œufs, suivant une croyance populaire superstitieuse, de peur de brider une seconde fois saint Laurent, qui a été brûlé sur un feu nourri de pareils aliments. Albert le Grand nous apprend, dans ses Secrets, que la coque d’œuf, broyée avec du vin blanc et bue, rompt les pierres tant des reins que de la vessie.
Pour la divination par les blancs d’œufs, voyez Oomancie, Garuda, etc.
Og, roi de Basan. Og, selon les rabbins, était un de ces géants qui ont vécu avant le déluge. Il s’en sauva en montant sur le toit de l’arche où étaient Noé et ses fds. Il était si pesant, qu’on fut obligé de mettre dehors le rhinocéros, qui suivit l’arche à la nage. Noé cependant fournit à Og de quoi se nourrir, non par compassion, mais pour faire voir aux hommes qui viendraient après le déluge quelle avait été la puissance du Dieu qui avait exterminé de pareils monstres. Les géants vivaient longtemps. Og était encore du monde quand les Israélites, sous la conduite de Moïse, campèrent dans le désert. Le roi de Basan leur fit la guerre. Voulant d’un seul coup détruire le camp d’Israël, il enleva une montagne large de six mille pas, avec laquelle il se proposait d’écraser l’armée de Moïse. Mais Dieu permit que des fourmis crevassent la montagne, à l’endroit où elle posait sur la tête du géant, de sorte qu’elle tomba sur son cou en manière de collier. Ensuite ses dents s’étant accrues extraordinairement, s’enfoncèrent dans le roc et l’empêchèrent de s’en débarrasser. Moïse alors le tua, mais non sans peine ; car le roi Og était d’une si énorme stature, que Moïse, qui lui-même était haut de six aunes, prit une hache de la même hauteur ; et encore fallut-il qu’il fît un saut de six aunes pour parvenir à frapper la cheville du pied d’Og.
Ogier le Danois. On croit qu’il vit dans sa tombe, comme Frédéric-Barberousse et d’autres.
Ogres. Sauf le nom, ces monstres étaient connus des anciens. Polyphème, dans l’Odyssée, n’est autre chose qu’un ogre ; on trouve des ogres dans les Voyages de Sinbad le marin ; et un autre passage des Mille et une nuits prouve que les ogres ne sont pas étrangers aux Orientaux. Dans le conte du Vizir puni, un jeune prince égaré rencontre une dame qui le conduit à sa masure : elle dit en entrant : — Réjouissez-vous, mes fils, je vous amène un garçon bien fait et fort gras. — Maman, répondent les enfants, où est-il, que nous le mangions ? car nous avons bon appétit. — Le prince reconnaît alors que la femme, qui se disait fille du roi des Indes, est une ogresse, femme de ces démons sauvages qui se retirent dans les lieux abandonnés et se servent de mille ruses pour surprendre et dévorer les passants, comme les sirènes, qui, selon quelques mythologues, étaient certainement des ogresses. C’est à peu près l’idée que nous nous faisons de ces êtres effroyables ; les ogres, dans nos opinions, tenaient des trois natures : humaine, animale et infernale. Ils n’aiment rien tant que la chair fraîche ; et les petits enfants étaient leur plus délicieuse pâture. Le Drac, si redouté dans le Midi, était un ogre qui avait son repaire aux bords du Rhône, où il se nourrissait de chair humaine. Il paraît que cette anthropophagie est ancienne dans nos contrées, car le chapitre lxvii de la loi salique prononce une amende de deux cents écus contre tout sorcier ou stryge qui aura mangé un homme.
Quelques-uns font remonter l’existence des ogres jusqu’à Lycaon, ou du moins à la croyance où l’on était que certains sorciers se changeaient en loups dans les orgies nocturnes, et mangeaient au sabbat la chair des petits enfants qu’ils pouvaient y conduire. On ajoutait que, quand ils en avaient mangé une fois, ils en devenaient extrêmement friands et saisissaient ardemment toutes les occasions de s’en repaître : ce qui est bien le naturel qu’on donne à l’ogre. On voit une multitude d’horreurs de ce genre dans les procès des sorciers ; on appelait ces ogres des loups garous ; et le loup du petit Chaperon-Rouge n’est pas autre chose. Quant à l’origine du nom des ogres, l’auteur des Lettres sur les contes des fées de Ch. Perrault l’a trouvée sans doute. Ce sont les féroces Huns ou Hongrois du moyen âge, qu’on appelait Hunnigours, Oïgours, et ensuite par corruption Ogres. Les Hongrois, disait-on, buvaient le sang de leurs ennemis ; ils leur coupaient le cœur par morceaux et le dévoraient en manière de remède contre toute maladie. Ils mangeaient de la chair humaine, et les mères hongroises, pour donner à leurs enfants l’habitude de la douleur, les mordaient au visage dès leur naissance.
C’était en effet un terrible peuple que ces païens, dont les hordes innombrables, accourues des extrémités septentrionales de l’Asie, dévastèrent pendant deux tiers de siècle l’Italie, l’Allemagne et la France. Ils incendiaient les villes et les villages, égorgeaient les habitants ou les emmenaient prisonniers. La pitié leur était inconnue, car ils croyaient que les guerriers étaient servis dans l’autre monde par les ennemis qu’ils avaient tués dans celui-ci. Une défaite signalée que leur fit éprouver Othon, empereur d’Allemagne, délivra pour jamais de leurs ravages l’Europe occidentale. La terreur profonde qu’ils avaient inspirée se propagea longtemps encore après leur disparition, et les mères se servirent du nom des Hongrois, ogres, pour épouvanter leurs petits enfants. Voy. Fées, Omestès, etc.
Oiarou, objet du culte des Iroquois. C’est la première bagatelle qu’ils auront vue en songe, un calumet, une peau d’ours, un couteau, une plante, un animal, etc. Ils croient pouvoir, par la vertu de cet objet, opérer ce qui leur plaît, même se transporter et se métamorphoser.
Oigours. Voy. Ogres.
Oilette, démon sans renommée, invoqué dans les litanies du sabbat.
Oiseaux. Naudé conte que l’archevêque Laurent expliquait le chant des oiseaux, comme il en fit en jour l’expérience à Rome devant quelques prélats ; car il entendit un petit moineau qui avertissait les autres par son chant qu’un chariot de blé venait de verser à la porte Majeure, et qu’ils trouveraient là de quoi faire leur profit.
À la côte du Croisic, en Bretagne, sur un rocher au fond de la mer, les femmes du pays vont, parées avec recherche, les cheveux épars, ornées d’un beau bouquet de fleurs nouvelles ; elles se placent sur le rocher, les yeux élevés vers le ciel, et demandent avec un chant sentimental aux oiseaux de leur ramener leurs époux et leurs fiancés. Voy. Augures, Corneille, Hibou, etc.
Okkisiks, nom sous lequel les Hurons désignent des génies ou esprits, bienfaisants ou malfaisants, attachés à chaque homme.
Oldenberg, montagne de l’Allemagne sous laquelle Charlemagne vit toujours avec ses douze pairs et son armée. Tradition locale.
Oldenbourg. « Je ne puis m’empêcher, dit Balthasar Bekker, dans le tome IV, chapitre xvii, du Monde enchanté, de rapporter une fable dont j’ai cherché aussi exactement les détails qu’il m’a été possible : c’est celle du fameux cornet d’Oldenbourg. « On dit que le comte Otton d’Oldenbourg, étant allé un jour à la chasse sur la montagne d’Ossemberg, fut atteint d’une soif qu’il ne pouvait étancher ; il se mit à jurer d’une manière indigne, en disant qu’il ne se souciait pas de ce qui pourrait lui arriver, pourvu que quelqu’un lui donnât à boire. Le diable lui apparut aussitôt sous la forme d’une femme ; elle semblait sortir de terre ; elle lui présenta à boire dans un cornet
Old Gentleman. Le peuple en Angleterre appelle le diable le vieux gentleman.
Olive (Robert), sorcier qui fut brûlé à Falaise en 1556. On établit à son procès que le diable le transportait d’un lieu à un autre ; que ce diable s’appelait Chrysopole, et que c’était à l’instigation dudit Chrysopole que Robert Olive tuait les petits enfants et les jetait au feu.
Olivier, démon invoqué comme prince des archanges dans les litanies du sabbat.
Ololygmancie, divination tirée du hurlement des chiens. Dans la guerre de Messénie, le roi Aristodème apprit que les chiens hurlaient comme des loups, et que du chiendent avait poussé autour d’un autel. Désespérant du succès, d’après cet indice et d’autres encore (Voy. Ophioneus), quoiqu’il eût déjà immolé sa fille pour apaiser les dieux, il se tua sur la foi des devins, qui virent dans ces signes de sinistres présages.
Olys, talisman que les prêtres de Madagascar donnent aux peuples pour les préserver de plusieurs malheurs, et notamment pour enchaîner la puissance du diable.
Ombre. Dans le système de la mythologie païenne, ce qu’on nommait ombre n’appartenait ni au corps ni à l’âme, mais à un état mitoyen. C’était cette ombre qui descendait aux enfers. On croyait que les animaux voyaient les ombres des morts. Aujourd’hui même, dans les montagnes d’Écosse, lorsqu’un animal tressaille subitement, sans aucune cause apparente, le peuple attribue ce mouvement à l’apparition d’un fantôme.
En Bretagne, les portes des maisons ne se ferment qu’aux approches de la tempête. Des feux follets, des sifflements l’annoncent. Quand on entendait ce murmure éloigné qui précède l’orage, les anciens s’écriaient : — Fermons les portes, écoutez les Criériens ; le tourbillon les suit. Ces Criériens sont les ombres, les ossements des naufragés qui demandent la sépulture, désespérés d’être depuis leur mort ballottés par les éléments On dit encore que celui qui vend son âme au diable n’a plus d’ombre au soleil ; cette tradition, très-répandue en Allemagne, est le fondement de plusieurs légendes. Voy. Revenants.
Ombriel, génie vieux et rechigné, à l’aile pesante, à l’air refrogné. Il joue un rôle dans la Boucle de cheveux enlevée de Pope.
Omestès, surnom de Bacchus, considéré comme chef des ogres ou loups garous qui mangent la chair fraîche.
Omomancie, divination par les épaules chez les rabbins. Les Arabes devinent par les épaules du mouton, lesquelles, au moyen de certains points dont elles sont marquées, représentent diverses figures de géomancie.
Omphalomancie, divination par le nombril. Les sages-femmes, par les nœuds inhérents au nombril de l’enfant premier-né, devinaient combien la mère en aurait encore après celui-là.
Omphalophysiques, fanatiques de Bulgarie que l’on trouve du onzième au quatorzième siècle, et qui, par une singulière illusion, croyaient voir la lumière du Thabor à leur nombril.
On, mot magique, comme tetragrammaton, dont on se sert dans les formules de conjurations.
Ondins ou Nymphes, esprits élémentaires, composés des plus subtiles parties de l’eau qu’ils habitent. Les mers et les fleuves sont peuplés, disent les cabalistes, de même que le feu, l’air et la terre. Les anciens sages ont nommé Ondins ou Nymphes cette espèce de peuple. Il y a peu de mâles, mais les femmes y sont en grand nombre ; leur beauté est extrême, et les filles des hommes
Oneirocritique, art d’expliquer les songes. Voy. Songes.
Ongles. Les Madécasses ont grand soin de se couper les ongles une ou deux fois la semaine ; ils s’imaginent que le diable s’y cache quand ils sont longs. C’était une impiété chez les Romains que de se couper les ongles tous les neufs jours. Cardan assure, dans son traité De varietate rerum, qu’il avait prévu par les taches de ses ongles tout ce qui lui était arrivé de singulier. Voy. Chiromancie.
On sait qu’il pousse des envies aux doigts quand on coupe ses ongles les jours qui ont un R, comme mardi, mercredi et vendredi… Enfin, quelques personnes croient en Hollande qu’on se met à l’abri du mal de dents en coupant régulièrement ses ongles le vendredi. Voy. Onychomancie.
Onguents. Il y a plusieurs espèces d’onguents, qui ont tous leur propriété particulière. On sait que le diable en compose de différentes façons, et qu’il les emploie à nuire au genre humain. Pour endormir, on en fait un avec de la racine de belladone, de la morelle furieuse, du sang de chauve-souris, du sang de huppe, de l’aconit, de la suie, du persil, de l’opium et de la ciguë. Voy. Graisse.
Onomancie ou Onomatomancie, divination par les noms. Elle était fort en usage chez les anciens. Les pythagoriciens prétendaient que les esprits, les actions et les succès des hommes étaient conformes à leur destin, à leur génie et à leur nom. On remarquait qu’Hippolyte avait été déchiré par ses chevaux, comme son nom le portait. De même, on disait d’Agamemnon que, suivant son nom, il devait rester longtemps devant Troie ; et de Priam, qu’il devait être racheté d’esclavage. Une des règles de l’onomancie, parmi les pythagoriciens, était qu’un nombre pair de voyelles dans le nom d’une personne signifiait quelque imperfection au côté gauche, et un nombre impair quelque imperfection au côté droit. Ils avaient encore pour adage que de deux personnes, celle-là était la plus heureuse dans le nom de laquelle les lettres numérales jointes ensemble formaient la plus grande somme. Ainsi, disaient-ils, Achille devait vaincre Hector, parce que les lettres numérales comprises dans le nom d’Achille formaient une somme plus grande que celles du nom d’Hector. C’était sans doute d’après un principe semblable que, dans les parties de plaisir, les Romains buvaient à la santé de leurs belles autant de coups qu’il y avait de lettres dans leur nom. Enfin, on peut rapporter à l’onomancie tous les présages qu’on prétendait tirer des noms, soit considérés dans leur ordre naturel, soit décomposés et réduits en anagrammes ; folie trop souvent renouvelée chez les modernes. Voy. Anagrammes.
Cœlius Rhodiginus a donné la description d’une singulière espèce d’onomancie ; Théodat, roi des Goths, voulant connaître le succès de la guerre qu’il projetait contre les Romains, un devin juif lui conseilla de faire enfermer un certain nombre de porcs dans de petites étables, de donner aux uns des noms goths, avec des marques pour les distinguer, et de les garder jusqu’à un certain jour. Ce jour étant arrivé, on ouvrit les étables, et l’on trouva morts les cochons désignés par des noms goths, ce qui fit prédire au juif que les Romains seraient vainqueurs.
Onychomancie, divination par les ongles. Elle se pratiquait en frottant avec de la suie les ongles d’un jeune garçon, qui les présentait au soleil, et l’on s’imaginait y voir des figures qui-faisaient connaître ce qu’on souhaitait de savoir. On se servait aussi d’huile et de cire.
Oomancie ou Ooscopie, divination par es œufs. Les devins des anciens jours voyaient dans la forme extérieure et dans les figures intérieures d’un œuf les secrets les plus impénétrables de l’avenir. Suidas prétend que cette divination fut inventée par Orphée.
On devine à présent par l’inspection des blancs d’œufs ; et des sibylles modernes (entre autres mademoiselle Lenormand) ont rendu cette divination célèbre. Il faut prendre pour cela un verre d’eau, casser dessus un œuf frais et l’y laisser tomber doucement. On voit parles figures que le blanc forme dans l’eau divers présages. Quelques-uns cassent l’œuf dans de l’eau bouillante ; on explique alors les signes comme pour le marc de café. Au reste, cette divination n’est pas nouvelle ; elle est même indiquée par le Grimoire. « L’opération de l’œuf, dit ce livre, est pour savoir ce qui doit arriver à quelqu’un qui est présent lors de l’opération. On prend un œuf d’une poule noire, pondu du jour ; on le casse, on en tire le germe ; il faut avoir un grand verre bien fin et bien net, l’emplir d’eau claire et y mettre le germe de l’œuf ; on met ce verre au soleil de midi dans l’été, en récitant des oraisons et des conjurations, et avec le doigt on remue l’eau du verre pour faire tourner le germe ; on le laisse ensuite reposer un instant, et on regarde sans toucher. On voit ce qui aura rapport à celui ou à celle pour qui l’opération se fait. Il faut tâcher que ce soit un jour de travail, parce qu’alors les objets s’y présentent dans leurs occupations ordinaires. Voy. Œufs.
Opale. Cette pierre récrée le cœur, préserve de tout venin et contagion de l’air, chasse la tristesse, empêche les syncopes, les maux de cœur et les affections malignes…
Opalski, sources d’eaux chaudes dans le Kamtchatka. Les habitants s’imaginent que c’est la demeure de quelque démon et ont soin de lui apporter de légères offrandes pour apaiser sa colère. Sans cela, disent-ils, il soulèverait contre eux de terribles tempêtes.
Ophiogènes, charmeurs qui, dans l’Hellespont, guérissaient par le simple toucher les morsures des serpents. Varron cite quelques-uns de ces habiles qui faisaient la même chose avec leur salive.
Ophiomancie, divination par les serpents. Elle était fort usitée chez les anciens, et consistait à tirer présage des divers mouvements qu’on voyait faire aux serpents. On avait tant de foi à ces oracles, qu’on nourrissait exprès des serpents pour connaître ainsi l’avenir. Voy. Serpents.
Ophionée, chef des démons ou mauvais génies qui se révoltèrent contre Jupiter, selon Phérécyde le Syrien.
Ophioneus, célèbre devin de Messénie, aveugle de naissance. Il demandait à ceux qui venaient le consulter comment ils s’étaient conduits jusqu’alors, et, d’après leur réponse, prédisait ce qui leur devait arriver. Ce n’était pas si bête. Aristodème, roi des Messéniens, ayant consulté l’oracle de Delphes sur le succès de la guerre contre les Lacédémoniens, il lui fut répondu que quand deux yeux s’ouvriraient à la lumière et se refermeraient peu après, c’en serait fait des Messéniens. Ophioneus se plaignit de violents maux de tête qui durèrent quelques jours, au bout desquels ses yeux s’ouvrirent pour se refermer bientôt. Aristodème, en apprenant cette double nouvelle, désespéra du succès et se tua pour ne pas survivre à sa défaite. Voy. Ololygmancie.
Ophites, hérétiques du deuxième siècle qui rendaient un culte superstitieux au serpent. Ils enseignaient que le serpent avait rendu un grand service aux hommes en leur faisant connaître le bien et le mal ; ils maudissaient Jésus-Christ, parce qu’il est écrit qu’il est venu dans le monde pour écraser la tête du serpent. Aussi Origène ne les regardait-il pas comme chrétiens. Leur secte était peu nombreuse.
Ophthalmius, pierre fabuleuse qui rendait, disait-on, invisible celui qui la portait.
Ophthalmoscopie, art de connaître le caractère ou le tempérament d’une personne par l’inspection de ses yeux. Voy. Physiognomonie.
Optimisme. On parle d’une secte de philosophes optimistes qui existaient jadis dans l’Arabie, et qui employaient tout leur esprit à ne rien trouver de mal. Un docteur de cette secte avait une femme acariâtre, qu’il supporta longtemps, mais qu’enfin il étrangla de son mieux ; et il trouva que tout était bien. Le calife fit empaler le coupable, qui souffrit sans se plaindre. Comme les assistants s’étonnaient de sa tranquillité : — Eh mais ! leur dit-il, ne suis-je pas bien empalé ?
On fait aussi ce conte : Le diable emportait un philosophe de la même secte, et celui-ci se laissait emporter tranquillement. — Il faut bien que nous arrivions quelque part, disait-il, et tout est pour le mieux.
Oracles. Les oracles étaient chez les anciens ce que sont les devins parmi nous. Toute la différence qu’il y a entre ces deux espèces, c’est que les gens qui rendaient les oracles se disaient les interprètes des dieux, et que les sorciers ne peuvent relever que du diable. On honorait les premiers ; on méprise les seconds.
Le P. Kirker, dans le dessein de détromper les gens superstitieux sur les prodiges attribués à l’oracle de Delphes, avait imaginé un tuyau adapté avec tant d’art à une figure automate, que quand quelqu’un parlait un autre entendait dans une chambre éloignée ce qu’on venait de dire, et répondait par ce même tuyau, qui faisait ouvrir la bouche et remuer les lèvres de l’automate. Il supposa en conséquence que les prêtres du paganisme, en se servant de ces tuyaux, faisaient accroire aux sots que l’idole satisfaisait à leurs questions.
L’oracle de Delphes est le plus fameux de tous. Il était situé sur un côté du Parnasse, coupé de sentiers taillés dans le roc, entouré de rochers qui répétaient plusieurs fois le son d’une seule trompette. Un berger le découvrit en remarquant que ses chèvres étaient enivrées de la vapeur que produisait une grotte autour de laquelle elles paissaient. La prêtresse rendait ses oracles, assise sur un trépied d’or, au-dessus de cette cavité ; la vapeur qui en sortait la faisait entrer dans une sorte de délire effrayant, qu’on prenait pour un enthousiasme divin.
Les oracles de la Pythie n’étaient autre chose qu’une inspiration démoniaque, dit Leloyer, et ne procédaient point d’une voix humaine. Dès qu’elle entrait en fonction, son visage s’altérait, sa gorge s’enflait, « sa poitrine pantoisait et haletait sans cesse ; elle ne ressentait rien que rage ; elle remuait la tête, faisait la roue du cou, pour parler comme le poète Stace, agitait tout le corps et rendait ainsi ses réponses. »
Les prêtres de Dodone disaient que deux colombes étaient venues d’Égypte dans leur forêt, parlant le langage des hommes, et qu’elles avaient commandé d’y bâtir un temple à Jupiter, qui promettait de s’y trouver et d’y rendre des oracles. Pausanias conte que des filles merveilleuses se changeaient en colombes, et sous cette forme rendaient les célèbres oracles de Dodone. Les chênes parlaient dans cette forêt enchantée (Voy. Arbres), et on y voyait une statue qui répondait à tous ceux qui la consultaient, en frappant avec une verge sur des chaudrons d’airain, laissant à ses prêtres le soin d’expliquer les sons prophétiques qu’elle produisait.
Le bœuf Apis, dans lequel l’âme du grand Osiris s’était retirée, était regardé chez les Égyptiens comme un oracle. En le consultant, on se mettait les mains sur les oreilles et on les tenait bouchées jusqu’à ce qu’on fût sorti de l’enceinte du temple ; alors on prenait pour réponse du dieu la première parole qu’on entendait.
Ceux qui allaient consulter en Achaïe l’oracle d’Hercule, après avoir fait leur prière dans le temple, jetaient au hasard quatre dés, sur les faces desquels étaient gravées quelques figures ; ils allaient ensuite à un tableau où ces hiéroglyphes étaient expliqués et prenaient pour la réponse du dieu l’interprétation qui répondait à la chance qu’ils avaient amenée.
Les oracles présentaient ordinairement un double sens, qui sauvait l’honneur du dieu et leur donnait un air de vérité, mais de vérité cachée au milieu du mensonge, que peu de gens avaient l’esprit de voir.
Théagène de Thase avait remporté quatorze cents couronnes en différents jeux, de sorte qu’après sa mort on lui éleva une statue en mémoire de ses victoires. Un de ses ennemis allait souvent insulter cette statue, qui tomba sur lui et l’écrasa. Ses enfants, conformément aux lois de Dracon, qui permettaient d’avoir action même contre les choses inanimées, quand il s’agissait de punir l’homicide, poursuivirent la statue de Théagène pour le meurtre de leur père ; elle fut condamnée à être jetée dans la mer. Les Thasiens furent peu après affligés d’une peste. L’oracle consulté répondit : Rappelez vos exilés. Ils rappelèrent en conséquence quelques-uns de leurs concitoyens ; mais la calamité ne cessant point, ils renvoyèrent à l’oracle, qui leur dit alors plus clairement : Vous avez détruit les honneurs du grand Théagène !… La statue fut remise à sa place ; on lui sacrifia comme à un dieu, et la peste s’apaisa.
On consultait l’oracle sur toutes choses. Euchidas, jeune Platéen, périt victime de son zèle pour son pays. Après la bataille de Platée, l’oracle de Delphes ordonna à ses compatriotes d’éteindre tout le feu qui était dans le pays, parce qu’il avait été profané parles barbares, et d’en venir prendre un plus pur à Delphes. Le feu fut éteint dans toute la contrée. Euchidas se chargea d’aller chercher celui de Delphes avec toute la diligence possible. En effet, il partit en courant et revint de même, après avoir fait mille stades dans un jour. En arrivant, il salua ses compatriotes, leur remit le feu sacré et tomba mort de lassitude. Les Platéens lui élevèrent un tombeau avec cette épitaphe : « Ci-gît Euchidas, mort pour être allé à Delphes et en être revenu en un seul jour. »
Philippe, roi de Macédoine, fut averti par l’oracle d’Apollon qu’il serait tué par une charrette : c’est pourquoi il commanda aussitôt qu’on fît sortir toutes les charrettes et tous les chariots de son royaume. Toutefois il ne put échapper au sort que l’oracle avait si bien prévu : Pausanias, qui lui donna la mort, portait une charrette gravée à la garde de l’épée dont il le perça. Ce même Philippe désirant savoir s’il pourrait vaincre les Athéniens, l’oracle qu’il consultait lui répondit :
Avec lances d’argent quand tu feras la guerre,
Tu pourras terrasser les peuples de la terre. |
Ce moyen lui réussit merveilleusement, et il disait quelquefois qu’il était maître d’une place s’il pouvait y faire entrer un mulet chargé d’or.
L’ambiguïté était un des caractères les plus ordinaires des oracles, et le double sens ne pouvait que leur être favorable. Ainsi, quand la Pythie dit à Néron : « Garde toi des soixante-treize ans, » ce prince crut que les dieux lui annonçaient par là une longue vie. Mais il fut bien étonné quand il vit que cette réponse indiquait Galba, vieillard de soixante-treize ans, qui le détrôna.Quelquefois les oracles ont dit des vérités. Qui les y contraignait ? On est surpris de lire dans Porphyre que l’oracle de Delphes répondit un jour à des gens qui lui demandaient ce que c’était que Dieu : « Dieu est la source de la vie, le principe de toutes choses, le conservateur de tous les êtres. Tout est plein de Dieu : il est partout. Personne ne l’a engendré : il est sans mère. Il sait tout, et on ne peut rien lui apprendre. Il est inébranlable dans ses desseins, et son nom est ineffable. Voilà ce que je sais de Dieu, ne cherche pas à en savoir davantage : ta raison ne saurait le comprendre, quelque sage que tu sois. Le méchant et l’injuste ne peuvent se cacher devant lui ; l’adresse et l’excuse ne peuvent rien déguiser à ses regards perçants. »
Dans Suidas, l’oracle de Sérapis dit à Thulis, roi d’Égypte : « Dieu, le Verbe, et l’Esprit qui les unit, tous ces trois ne sont qu’un : c’est le Dieu dont la force est éternelle. Mortel, adore et tremble, ou tu es plus à plaindre que l’animal dépourvu de raison. »
Le comte de Gabalis, en attribuant les oracles aux esprits élémentaires, ajoute qu’avant Jésus-Christ ces esprits prenaient plaisir à expliquer aux hommes ce qu’ils savaient de Dieu et à leur donner de sages conseils ; mais qu’ils se retirèrent quand Dieu vint lui-même instruire les hommes, et que dès lors les oracles se turent.
« On pensera des oracles des païens ce que l’on voudra, dit dom Calmet dans ses Dissertations sur les apparitions, je n’ai nul intérêt à les défendre, je ne ferai pas même difficulté d’avouer qu’il y a eu de la part des prêtres et des prêtresses qui rendaient ces oracles beaucoup de supercheries et d’illusions. Mais s’ensuit-il que le démon ne s’en soit jamais mêlé ? On ne peut disconvenir que, depuis le Christianisme, les oracles ne soient tombés insensiblement dans le mépris et n’aient été réduits au silence, et que les prêtres, qui se mêlaient de prédire les choses cachées et futures, n’aient été souvent forcés d’avouer que la présence des chrétiens leur imposait silence. »
Orages. Voy. Criériens, Tonnerre, etc.
Oraison du loup. Quand on l’a prononcée pendant cinq jours au soleil levant, on peut défier les loups les plus affamés et mettre les chiens à la porte. La voici, cette oraison fameuse :
« Viens, bête à laine, c’est l’agneau d’humilité ; je te garde. Va droit, bête grise, à gris agrippeuse ; va chercher ta proie, loups et louves et louveteaux : tu n’as point à venir à cette viande qui est ici. Vade retro, o Satana ! » Voy. Gardes.
Oray ou Loray, grand marquis des enfers, qui se montre sous la forme d’un superbe archer portant un arc et des flèches ; il anime les combats, empire les blessures faites par les archers, lance les javelines les plus meurtrières. Trente légions le reconnaissent pour dominateur et souverain.
Orcavelle, magicienne célèbre dans les romans de chevalerie. Elle opérait des enchantements extraordinaires.
Ordalie. On donnait le nom d’ordalie à une série d’épreuves par les éléments. Elles consistaient à marcher les yeux bandés parmi des socs de charrue rougis au feu, à traverser des brasiers enflammés, à plonger le bras dans l’eau bouillante, à tenir à la main une barre de fer rouge, à avaler un morceau de pain mystérieux, à être plongé, les mains liées aux jambes, dans une grande cuve d’eau, enfin à étendre pendant assez longtemps les bras devant une croix. Voy. Croix, Eau, Feu, etc.
Oreille. On dit que nos amis parlent de nous quand l’oreille gauche nous tinte, et nos ennemis quand c’est la droite.
Oresme (Guillaume), astrologue du quatorzième siècle, dont on sait peu de chose.
Orfa. Le lac d’Orfa, près d’Édesse, pullule de poissons réputés sacrés. Il est expressément défendu, en mémoire d’Abraham, d’y jamais tendre un filet ou d’y jeter une amorce.
Orgueil, le péché qui ouvre la phalange odieuse des sept péchés capitaux. C’est le péché d’Adam, et il nous est resté.
Orias, démon des astrologues et des devins, grand marquis de l’empire infernal. Il se montre sous les traits d’un lion furieux, assis sur un cheval qui a la queue d’un serpent. Il porte dans chaque main une vipère. Il connaît l’astronomie et enseigne l’astrologie. Il métamorphose les hommes à leur volonté, leur fait obtenir des dignités et des titres, et commande trente légions.
Originel (Péché), la source de tous les maux qui affligent l’humanité, réparé par le baptême dans ses conséquences éternelles. Ceux qui nient le péché originel n’ont pourtant jamais pu expliquer leur négation. Voy. Péché.
Origines du monde. Tout s’accorde pour reconnaître au monde une origine peu éloignée. L’histoire, aussi bien que la sainte Bible, ne nous permet guère de donner au monde plus de six mille ans ; et rien dans les arts, dans les monuments, dans la civilisation des anciens peuples, ne contredit l’Écriture sainte. Racontons toutefois les rêveries des conteurs païens. Sanchoniaton présente ainsi l’origine du monde. Le Très-Haut et sa femme habitaient le sein de la lumière. Ils eurent un fils beau comme le Ciel, dont il porta le nom, et une fille belle comme la Terre, dont elle porta le nom. Le Très-Haut mourut, tué par des bêtes féroces, et ses enfants le déifièrent. Le Ciel, maître de l’empire de son père, épousa alors la Terre, sa sœur, et en eut plusieurs enfants, entre autres Hus ou Saturne. Il prit encore soin de sa postérité avec quelques autres femmes ; mais la Terre en témoigna tant de jalousie qu’ils se séparèrent. Néanmoins le Ciel revenait quelquefois à elle et l’abandonnait ensuite de nouveau, ou cherchait à détruire les enfants qu’elle lui avait donnés. Quand Saturne fut grand, il prit le parti de sa mère et la protégea contre son père, avec le secours d’Hermès, son secrétaire. Saturne chassa son père et régna en sa place. Ensuite il bâtit une ville, et se défiant de Sadid, l’un de ses fils, il le tua et coupa la tête à sa fille, au grand étonnement des dieux. Cependant le Ciel, toujours fugitif, envoya trois de ses filles à Saturne pour le faire périr ; ce prince les fit prisonnières et les épousa. À cette nouvelle, le père en détacha deux autres que Saturne épousa pareillement. Quelque temps après Saturne, ayant tendu des embûches à son père, l’estropia et l’honora ensuite comme un dieu.
Tels sont les divins exploits de Saturne, tel fut l’âge d’or. Astarté la Grande régna alors dans le pays par le consentement de Saturne ; elle porta sur sa tête une tête de taureau pour marque de sa royauté, etc..
Au commencement, dit Hésiode, était le Chaos, ensuite la Terre, le Tartare, l’Amour, le plus beau des dieux. Le Chaos engendra l’Erèbe et la Nuit, de l’union desquels naquirent le Jour et la Lumière. La Terre produisit alors les étoiles, les montagnes et la mer. Bientôt, unie au Ciel, elle enfanta l’Océan, Hypérion, Japhet, Rhéa, Phœbé, Thétis, Mnémosyne, Thémis et Saturne, ainsi que les cyclopes et les géants Briarée et Gygès, qui avaient cinquante têtes et cent bras. À mesure que ses enfants naissaient, le Ciel les enfermait dans le sein de la Terre. La Terre, irritée, fabriqua une faux qu’elle donna à Saturne. Celui-ci en frappa son père, et du sang qui sortit de cette blessure naquirent les géants et les furies. Saturne eut de Rhéa, son épouse et sa sœur, Vesta, Cérès, Junon, Pluton, Neptune et Jupiter. Ce dernier, sauvé de la dent de son père, qui mangeait ses enfants, fut élevé dans une caverne, et par la suite fit rendre à Saturne ses oncles qu’il tenait en prison, ses frères qu’il avait avalés, le chassa du ciel, et, la foudre à la main, devint le maître des dieux et des hommes.
Les Égyptiens faisaient naître l’homme et les animaux du limon échauffé par le Soleil. Les Phéniciens disaient que le Soleil, la Lune et les astres ayant, paru, le Limon, fils de l’Air et du Feu, enfanta tous les animaux ; que les premiers hommes habitaient la Phénicie ; qu’ils furent d’une grandeur démesurée et donnèrent leur nom aux montagnes du pays ; que bientôt ils adorèrent deux pierres, l’une consacrée au Vent, l’autre au Feu, et leur immolèrent des victimes. Mais le Soleil fut toujours le premier et le plus grand de leurs dieux.
Tous les peuples anciens faisaient ainsi remonter très-haut leur origine, et chaque nation se croyait la première sur la terre. Quelques nations modernes ont la même ambition : les Chinois se disent antérieurs au déluge de quelques centaines de mille ans. Ils croient la matière éternelle ; ils lui font produire un jour le dragon, la tortue, le dragon-cheval, des oiseaux singuliers, et un homme que les chroniques chinoises appellent Pan-kou ; quand il s’est tâté et reconnu dans le chaos, Pan-kou, qui n’est ni créé ni créateur, se fait un ciseau et un maillet avec quoi il débrouille les éléments divers. Les Japonais soutiennent que les dieux dont ils sont descends ont habité leur pays plusieurs millions d’années avant le règne de Sin-Mu, fondateur de leur monarchie. C’est ainsi que les vieux chroniqueurs français font remonter la généalogie de nos rois plus loin que Noé. Une seule découverte dans ces prétentions explique toutes les autres. Nos chroniqueurs ont mis à la file soixante petits rois qui régnaient ensemble, dans le même temps, chacun en sa ville. Telle est la vérité des dynasties chinoises, égyptiennes et japonaises.
Les Parsis ou Guèbres prétendent que, pour peupler plus promptement le monde nouvellement créé, Dieu permit qu’Ève, notre mère commune, mît au monde chaque jour deux enfants jumeaux ; ils ajoutent que durant mille ans la mort respecta les hommes et leur laissa le temps de se multiplier. Les Lapons, qui ne sont pas très-forts, s’imaginent que le monde existe de toute éternité et qu’il n’aura jamais de fin.
Disons un mot de quelques autres origines.
Les hommes tirent plus de vanité d’une noble souche ou d’une souche singulière que d’un cœur noble et d’un mérite personnel. Les peuples de la Côte-d’Or, en Afrique, croient que le premier homme fut produit par une araignée. Les Athéniens se disaient descendus des fourmis d’une forêt de l’Attique. Parmi les sauvages du Canada, il y a trois familles principales : l’une prétend descendre d’un lièvre, l’autre dit qu’elle descend d’une très-belle et très-courageuse femme qui eut pour mère une carpe, dont l’œuf fut échauffé par les rayons du soleil ; la troisième famille se donne pour premier ancêtre un ours. Les rois des Goths étaient pareillement nés d’un ours. Les Pégusiens sont nés d’un chien. Les Suédois et les Lapons sont issus de deux frères, dont le courage était bien différent, s’il faut en croire les Lapons. Un jour qu’il s’était élevé une tempête horrible, l’un des deux frères (ils se trouvaient ensemble) fut si épouvanté qu’il se glissa sous une planche, que Dieu, par pitié, convertit en maison. De ce poltron sont nés tous les Suédois. L’autre, plus courageux, brava la furie de la tempête, sans chercher même à se cacher : ce brave fut le père des Lapons, qui vivent encore aujourd’hui sans s’abriter.
Les Syriens disent que notre planète n’était pas faite pour être habitée originairement par des gens raisonnables, mais que, parmi les citoyens du ciel, il se trouva deux gourmands, le mari et la femme, qui s’avisèrent de manger une galette. Pressés ensuite d’un besoin qui est la suite de la gourmandise, ils demandèrent à un des principaux domestiques de l’empire où était la garde-robe. Celui-ci leur répondit : Voyez-vous-la terre, ce petit globe qui est à mille millions de lieues de nous ? C’est là. Ils y allèrent, et on les y laissa pour les en punir.
Selon les Indiens, huit éléphants soutiennent le monde ; ils les appellent Achtequedjams.
On peut voir, pour plus de détails, le préambule des Légendes de l’Ancien Testament.
Ornithomancie, divination qu’on tirait de la langue, du vol, du cri et du chant des oiseaux. Voy. Augures.
Orobas, grand prince du sombre empire. On le voit sous la forme d’un beau cheval. Quand il paraît sous la figure d’un homme, il parle de l’essence divine. Consulté, il donne des réponses sur le passé, le présent et l’avenir. Il découvre le mensonge, accorde des dignités et des emplois, réconcilie les ennemis, et a sous ses ordres vingt légions.
Oromasis, salamandre distingué que les cabalistes donnent pour compagnon de Noé dans l’arche.
Oromaze, Ormos, Ormuzd. La mythologie persane dit que le dieu Oromaze fit vingt-quatre dieux, et les mit tous dans un œuf. Ahriman, son ennemi, en ayant aussi fait un pareil nombre, ceux-ci percèrent l’œuf, et le mal se trouva alors mêlé avec le bien. Voy. Ahriman.
Oronte. Pausanias raconte qu’un empereur romain, voulant transporter ses troupes depuis la mer jusqu’à Antioche, entreprit de rendre l’Oronte navigable, afin que rien n’arrêtât ses vaisseaux. Ayant donc fait creuser un canal avec beaucoup de peines et de frais, il détourna le fleuve et lui fit changer de lit. Quand le premier canal fut à sec, on y trouva un tombeau de briques long de onze coudées, qui refermait un cadavre de pareille grandeur et de figure humaine dans toutes ses parties. Les Syriens ayant consulté l’oracle d’Apollon, à Claros, pour savoir ce que c’était, il leur fut répondu que c’était Oronte, Indien de nation.
Orphée, époux d’Eurydice, qu’il perdit le jour de ses noces, qu’il pleura si longtemps, et qu’il alla enfin redemander aux enfers. Platon la lui rendit, à condition qu’il ne regarderait point derrière lui jusqu’à ce qu’il fut hors du sombre empire. Orphée ne put résister à son impatience ; il se retourna et perdit Eurydice une seconde fois et sans retour. Il s’enfonça alors dans un désert, jura de ne plus aimer, et chanta ses douleurs d’un ton si touchant qu’il attendrit les bêtes féroces. Les bacchantes furent moins sensibles, car sa tristesse le fit mettre en pièces par ces furieuses. Les anciens voyaient dans Orphée un musicien habile à qui rien ne pouvait résister. Les compilateurs du moyen âge l’ont regardé comme un magicien insigne, et ont attribué aux charmes de la magie les merveilles que la mythologie attribue au charme de sa voix.
Orphée fut le plus grand sorcier et le plus grand nécromancien qui jamais ait vécu, dit Pierre Leloyer. Ses écrits ne sont farcis que des louanges des diables. Il savait les évoquer. Il institua l’ordre des Orphéotélestes, espèce de sorciers, parmi lesquels Bacchus tenait anciennement pareil lieu que le diable tient aujourd’hui aux assemblées du sabbat. Bacchus, qui n’était qu’un diable déguisé, s’y nommait Sabasius : c’est de là que le sabbat a tiré son nom. Après la mort d’Orphée, sa tête rendit des oracles dans l’île de Lesbos. Tzetzès dit qu’Orphée apprit en Égypte la funeste science de la magie, qui y était en grand crédit, et surtout Part de charmer les serpents. Pausanias explique sa descente aux enfers par un voyage en Thesprotie, où l’on évoquait par des enchantements les âmes des morts. L’époux d’Eurydice, trompé par un fantôme qu’on lui fit voir pendant quelques instants, mourut de regret, ou du moins renonça pour jamais à la société des hommes et se retira sur les montagnes de Thrace. Leclerc prétend qu’Orphée était un grand magicien ; que ses hymnes sont des évocations infernales, et que, si l’on en croit Apollodore et Lucien, c’est lui qui a mis en vogue dans la Grèce la magie, Part de lire dans les astres et l’évocation des mânes.
Orphelinats. Plusieurs fois ces établissements de charité ont été obsédés par les malins esprits. Dans la maison d’orphelines fondée à Lille au milieu du dix-septième siècle par Antoinette Bourignon, la fondatrice crut voir un jour une nuée de petits démons voltigeant autour des têtes de ses jeunes filles. Elle les entoura de surveillance. Un jour, une d’elles s’étant échappée d’une chambre bien close où on Pavait enfermée, on lui demanda qui Pavait mise en liberté ; elle répondit : « J’ai été délivrée par un esprit auquel je me suis vouée dès l’enfance. » Dès lors cinquante orphelines se déclarèrent possédées ; elles disaient qu’elles étaient emportées au sabbat toutes les nuits. On accusa la Bourignon d’avoir enflammé les imaginations de ces pauvres jeunes filles, et là peur qu’elle eut d’être poursuivie l’engagea à s’enfuir.
En 1669, les orphelins de l’hospice de Horn furent pareillement atteints de convulsions et de délire. C’était un pays de protestants, et les démons avaient beau jeu ; car les ministres, qui chez eux remplaçaient nos prêtres, ne pouvaient exorciser. Cependant, ces orphelins hurlaient et aboyaient comme des chiens. Ils se jetaient par terre et se heurtaient à se briser contre des corps durs. Un siècle auparavant, en 1566, la même crise avait eu lieu dans la maison des orphelins d’Amsterdam. Hooft, dans son Histoire des Pays-Bas, rapporte que soixante-dix de ces pauvres enfants étaient évidemment possédés par de mauvais esprits. Ils grimpaient aux murs les plus élevés et couraient sur les toits comme des chats. Si on les fâchait, leurs figures devenaient horribles. Ils parlaient des langues qu’ils n’avaient jamais apprises et racontaient dans leur petite chambre ce qui se passait et ce qui se disait à l’hôtel de ville, au moment même où ils parlaient. C’était donc une épidémie diabolique ; et nous ne saurions dire comment elle fut calmée.
Orphéotélestes, gens qui faisaient le sabbat, c’est-à-dire les mystères d’Orphée.
Or portable, Or artificiel. Voy. Alchimie.
Orr (John). C’était un Américain, en correspondance sans doute avec les esprits. Il prêchait le spiritisme dans les rues, se disant l’ange Gabriel, et par conséquent à l’abri de la mort. Il avait des adeptes qui furent donc bien surpris de le voir mourir comme un homme, au commencement de l’année 1857, à Démérara.
Orthon, lutin ou esprit familier qui s’attacha au comte de Foix. Le bon Froissart en a parlé.
Ortie brûlante. Les Islandais, qui appellent cette plante netla, croient qu’elle a une vertu singulière pour écarter les sortilèges. Selon eux, il faut en faire des poignées de verges et en fouetter les sorciers à nu.
Os des morts. Certains habitants de la Mauritanie ne mettent jamais deux corps dans la même sépulture, de peur qu’ils ne s’escamotent mutuellement leurs os au jour de la résurrection.
Othon. Suétone dit que le spectre de Galba poursuivait sans relâche Othon, son meurtrier, le tiraillait hors du lit, l’épouvantait et lui causait mille tourments. C’était peut-être le remords.
Otis ou Botis, grand président des enfers. Il apparaît sous la forme d’une vipère ; quand il prend la figure humaine, il a de grandes dents, deux cornes sur la tête et un glaive à la main ; il répond effrontément sur le présent, le passé et l’avenir. Il a autant d’amis que d’ennemis. Il commande soixante légions.
Ouahiche, génie ou démon dont les jongleurs iroquois se prétendent inspirés. C’est lui qui leur révèle les choses futures.
Ouikka, mauvais génie qui, chez les Esquimaux, fait naître les tempêtes et renverse les barques.
Oulon-Toyon, chef des vingt-sept tribus d’esprits malfaisants, que les Yakouts supposent répandus dans l’air et acharnés à leur nuire. Il a une femme et beaucoup d’enfants.
Oupires. Voy. Vampires.
Ouran ou Ouran-Soangue, homme endiablé, sorte de magiciens de l’île Gromboccanore, dans les Indes orientales. Ils ont la réputation de se rendre invisibles quand il leur plaît, et de se transporter où ils veulent. Le peuple les craint et les hait mortellement ; quand on peut en attraper quelqu’un, on le tue sans miséricorde.
Ourisk, lutin du genre des sylvains et des satyres du paganisme.
Ours. Quand les Ostiaks ont tué un ours, ils l’écorchent et mettent sa peau sur un arbre auprès d’une de leurs idoles ; après quoi ils lui rendent leurs hommages, lui font de très-humbles excuses de lui avoir donné la mort et lui représentent que dans le fond ce n’est pas à eux qu’il doit s’en prendre, puisqu’ils n’ont pas forgé le fer qui l’a percé, et que la plume qui a hâté le vol de la flèche appartient à un oiseau étranger. Au Canada, lorsque des chasseurs tuent un ours, un d’eux s’en approche, lui met entre les dents le tuyau de sa pipe, souffle dans le fourneau, et, lui remplissant ainsi de fumée la gueule et le gosier, il conjure l’esprit de cet animal de ne pas s’offenser de sa mort. Mais comme l’esprit ne fait aucune réponse, le chasseur, pour savoir si sa prière est exaucée, coupe le filet qui est sous la langue de l’ours et le garde jusqu’à la fin de la chasse. Alors on fait un grand feu dans toute la bourgade, et toute la troupe y jette ces filets avec cérémonie : s’ils y pétillent et se retirent, comme il doit naturellement arriver, c’est une marque certaine que les esprits des ours sont apaisés ; autrement on se persuade qu’ils sont irrités et que la chasse ne sera point heureuse l’année d’après, à moins qu’on ne prenne soin de se les réconcilier par des présents et des invocations.
Le diable prend quelquefois la forme de cet animal. Il s’est présenté un jour sous cette peau à une Allemande ; il entraînait à sa suite quelques petits, qui n’étaient que des cobols. L’Allemande se défia et le mit en fuite par le signe de la croix. Un choriste de Cîteaux, s’étant légèrement endormi aux matines, s’éveilla en sursaut et aperçut un ours qui sortait du chœur. Cette vision commença à l’effrayer, quand il vit l’ours reparaître et considérer attentivement tous les novices, comme un officier de police qui fait sa ronde, o. Enfin, le monstre sortit de nouveau en disant : « Ils sont bien éveillés ; je reviendrai tout à l’heure voir s’ils dorment… » Le naïf légendaire ajoute que c’était le diable, qu’on avait envoyé pour contenir les frères dans leur devoir
On croyait autrefois que ceux qui avaient mangé la cervelle d’un ours étaient frappés de vertiges, durant lesquels ils se croyaient transformés en ours et en prenaient les manières.
Ovide. On lui attribue un ouvrage de magie intitulé le Livre de la vieille, que nous ne connaissons pas.
Oxyones, peuples imaginaires de Germanie, qui avaient, dit-on, la tête d’un homme et le reste du corps d’une bête. C’est une fable et une farce. Les faiseurs de caricatures ont souvent pris ce thème, notamment en 1791, pour le général Lafayette, qui était toujours à cheval.
Oze, grand président des enfers. Il se présente sous la forme d’un léopard ou sous celle d’un homme. Il rend ses adeptes habiles dans les arts libéraux. Il répond sur les choses divines et abstraites, métamorphose l’homme, le rend insensé au point de lui faire croire qu’il est roi ou empereur. Oze porte une couronne ; mais son règne ne dure qu’une heure par jour.
P
Pa (Olaùs). Voy. Harppe.
Pacte. Il y a plusieurs manières de faire pacte avec le diable. Les gens qui donnent dans les croyances superstitieuses pensent le faire venir en lisant le Grimoire à l’endroit des évocations, en récitant les formules de conjuration rapportées dans ce dictionnaire, ou bien en saignant une poule noire dans un grand chemin croisé, et l’enterrant avec des paroles magiques. Quand le diable veut bien se montrer, on fait alors le marché, que l’on signe de son sang. Au reste, on dit l’ange des ténèbres accommodant, sauf la condition accoutumée de se donner à lui.
Le comte de Gabalis, qui ôte aux démons leur antique pouvoir, prétend que ces pactes se font avec les gnomes, qui achètent l’âme des hommes pour les trésors qu’ils donnent largement ; en cela, cependant, conseillés par les hôtes du sombre empire.
Un pacte, dit Bergier, est une convention, expresse ou tacite, faite avec le démon, dans l’espérance d’obtenir par son entremise des choses qui passent les forces de la nature. Un pacte peut donc être exprès et formel, ou tacite et équivalent. Il est censé exprès et formel :^lorsque par soi-même on invoque expressément le démon et que l’on demande son secours, soit que l’on voie réellement cet esprit de ténèbres, soit que l’on croie le voir ; 2° quand on l’invoque par le ministère de ceux que l’on croit être en relation et en commerce avec lui ; 3° quand on fait quelque chose dont on attend l’effet de lui. Le pacte est seulement tacite ou équivalent, lorsque l’on se borne à faire une chose de laquelle on espère un effet qu’elle ne peut produire naturellement, ni surnaturellement et par l’opération de Dieu, parce qu’alors on ne peut espérer cet effet que par l’intervention du démon. Ceux, par exemple, qui prétendent guérir les maladies par des paroles doivent comprendre que les paroles n’ont pas naturellement cette vertu. Dieu n’y a pas attaché non plus cette efficacité. Si donc elles produisaient cet effet, ce ne pourrait être que par l’opération de l’esprit infernal. De là, les théologiens concluent que non-seulement toute espèce de magie, mais encore toute espèce de superstition, renferme un pacte au moins tacite ou équivalent avec le démon, puisque aucune pratique superstitieuse ne peut rien produire, à moins qu’il ne s’en mêle. C’est le sentiment de saint Augustin, de saint Thomas et de tous ceux qui ont traité cette matière.
Donnons ici une pièce curieuse des grimoires. C’est ce qu’ils appellent le « Sanctum regnum de la Clavicule, ou la véritable manière de faire les pactes ; avec les noms, puissances et talents de tous les grands esprits supérieurs, comme aussi la manière de les faire paraître par la force de la grande appellation du chapitre des pactes de la grande Clavicule, qui les force d’obéir à quelque opération que l’on souhaite ».
« Le véritable sanctum regnum de la grande Clavicule, autrement dit les pacta conventa dœmoniorum, dont on parle depuis si longtemps, sont une chose fort nécessaire à établir ici pour l’intelligence de ceux qui, voulant forcer les esprits, n’ont point la qualité requise pour composer la verge foudroyante et le cercle cabalistique. Ils ne peuvent venir à bout de forcer aucun esprit de paraître, s’ils n’exécutent de point en point tout ce qui est décrit ci-après touchant la manière de faire des pactes avec quelque esprit que ce puisse être, soit pour avoir des trésors, soit pour découvrir les secrets les plus cachés, soit pour faire travailler un esprit pendant la nuit à son ouvrage, ou pour faire tomber une grêle ou la tempête partout où l’on souhaite ; soit pour se rendre invisible, pour se faire transporter partout où l’on veut, pour ouvrir toutes les serrures, voir tout ce qui se passe dans les maisons et apprendre tous les tours et finesses des bergers ; soit pour acquérir la main de gloire et pour connaître les qualités et les vertus des métaux et des minéraux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; pour faire, en un mot, des choses si merveilleuses, qu’il n’y a aucun homme qui n’en soit dans la dernière surprise. C’est par la grande Clavicule de Salomon que l’on a découvert la véritable manière de faire les pactes ; il s’en est servi lui-même pour acquérir de grandes richesses, et pour connaître les plus impénétrables secrets de la nature.
« Nous commencerons par décrire les noms des principaux esprits avec leur puissance et pouvoir, et ensuite nous expliquerons les pacta dœmoniorum, ou la véritable manière de faire les pactes avec quelque esprit que ce soit. Voici les noms des principaux :
» Lucifer, empereur. — Belzébuth, prince. — Astaroth, grand-duc.
» Ensuite viennent les esprits supérieurs qui sont subordonnés aux trois nommés ci-devant :
» Lucifuge, premier ministre. — Satanachia, grand général. — Fleurety, lieutenant général. — Nébiros, maréchal de camp. — Agaliarept, grand sénéchal. — Sargatanas, brigadier chef.
» Les six grands esprits que je viens de nommer ci-devant dirigent, par leur pouvoir, toute la puissance infernale qui est donnée aux autres esprits. Ils ont à leur service dix-huit autres esprits qui leur sont subordonnés, savoir :
» Baël, Agarès, Marbas, Pruflas, Aamon, Barbatos, Buer, Gusoyn, Botis, Bathym, Pursan, Abigar, Loray, Valafar, Foray, Ayperos, Naberus, Classyalabolas.
» Après vous avoir indiqué les noms des dix-huit esprits ci-devant, qui sont inférieurs aux six premiers, il est bon de vous prévenir de ce qui suit, savoir :
» Que Lucifuge commande sur les trois premiers, qui se nomment Baël, Agarès et Marbas ; Satanachia sur Pruflas, Aamon et Barbatos ; Agaliarept sur Buer, Gusoyn et Botis ; Fleurety sur Bathym, Pursan et Abigar ; Sargatanas sur Loray, Valafar et Foray ; Nébiros sur Ayperos, Naberus et Glassialabolas.
» Et, quoiqu’il y ait encore des millions d’esprits qui sont tous subordonnés à ceux-là, il est très-inutile de les nommer, à cause que l’on ne s’en sert que quand il plaît aux esprits supérieurs de les faire travailler à leur place, parce qu’ils se servent de tous ces esprits inférieurs comme s’ils étaient leurs esclaves. Ainsi, en faisant le pacte avec un des six principaux dont vous avez besoin, il n’importe quel esprit vous serve ; néanmoins demandez toujours à l’esprit avec lequel vous faites votre pacte que ce soit un des trois principaux qui lui sont subordonnées.
» Voici précisément les puissances, sciences, arts et talents des esprits susnommés, afin que celui qui veut faire un pacte puisse trouver dans chacun des talents des six esprits supérieurs ce dont il aura besoin.
» Le premier est le grand Lucifuge Rofocale, premier ministre infernal ; il a la puissance que Lucifer lui a donnée sur toutes les richesses et sur tous les trésors du monde.
» Le second est Satanachia, grand général ; il a la puissance de soumettre toutes les femmes et commande la grande légion des esprits.
» Agaliarept, aussi général, a la puissance de découvrir les secrets les plus cachés dans toutes les cours et dans tous les cabinets du monde ; il dévoile les plus grands mystères ; il commande la seconde légion des esprits.
» Fleurety, lieutenant général, a la puissance de faire tel ouvrage que l’on souhaite pendant la nuit ; il fait aussi tomber la grêle partout où il veut. Il commande un corps très-considérable d’esprits.
» Sargatanas, brigadier, a la puissance de vous rendre invisible, de vous transporter partout, d’ouvrir toutes les serrures, de vous faire voir tout ce qui se passe dans les maisons, de vous apprendre tous les tours et finesses des bergers ; il commande plusieurs brigades d’esprits.
» Nébiros, maréchal de camp et inspecteur général, a la puissance de donner du mal à qui il veut ; il fait trouver la main de gloire, il enseigne toutes les qualités des métaux, des minéraux, des végétaux et de tous les animaux purs et impurs ; c’est lui qui a aussi l’art de prédire l’avenir, étant un des plus grands nécromanciens de tous les esprits infernaux : il va partout ; il a inspection sur toutes les malices infernales.
» Quand vous voudrez faire votre pacte avec un des principaux esprits que je viens de nommer, l’avant-veille du pacte, vous irez couper, avec un couteau neuf qui n’ait jamais servi, une baguette de noisetier sauvage, qui n’ait jamais porté et qui soit semblable à la verge foudroyante ; vous la couperez positivement au moment où le soleil paraît sur l’horizon. Cela fait, vous vous munirez d’une pierre ématille et de deux cierges bénits, et vous choisirez ensuite pour l’exécution un endroit où personne ne vous incommode. Vous pouvez même faire le pacte dans une chambre écartée ou dans quelque masure de vieux château ruiné, parce que l’esprit a le pouvoir d’y transporter tel trésor qui lui plaît. Vous tracerez un triangle avec votre pierre ématille, et cela seulement la première fois que vous faites le pacte ; ensuite vous placerez les deux cierges bénits à côté ; vous écrirez autour le saint nom de Jésus, afin que les esprits ne vous puissent faire aucun mal. Ensuite vous vous poserez au milieu du triangle, ayant en main la baguette mystérieuse, avec la grande appellation à l’esprit, la demande que vous voulez lui faire, le pacte et le renvoi de l’esprit.
» Vous commencerez à réciter l’appellation suivante avec fermeté.
« Empereur Lucifer, maître de tous les esprits rebelles, je te prie de m’être favorable dans l’appellation que je fais à ton grand ministre Lucifuge Rofocale, ayant envie de faire pacte avec lui. Je te prie aussi, prince Belzébuth, de me protéger dans mon entreprise. Comte Astaroth, sois-moi propice, et fais que dans cette nuit le grand Lucifuge m’apparaisse sous une forme humaine, sans aucune mauvaise odeur, et qu’il m’accorde, par le moyen du pacte que je vais lui présenter, toutes les richesses dont j’ai besoin. Ô grand Lucifuge ! je te prie de quitter ta demeure, dans quelque partie du monde qu’elle soit, pour venir me parler ; sinon je t’y contraindrai par la force du grand Dieu vivant, de son cher Fils et du Saint-Esprit ; obéis promptement, ou tu vas être éternellement tourmenté par la force des puissantes paroles de la grande Clavicule de Salomon, paroles dont il se servait pour obliger les esprits rebelles à recevoir son pacte. Ainsi, parais au plus tôt, ou je te vais continuellement tourmenter par la force de ces puissantes paroles de la Clavicule : Agipn, tetagram, vaychéon stimulamaton y ezparès tetragrammaton oryoram irion esytion existion eryona onera brasim moym messias soler Emanuel Sabaoth Adonaï, teadoro etinvoco. »
» Vous êtes sûr que, d’abord que vous aurez lu ces puissantes paroles, l’esprit paraîtra et vous dira ce qui suit : « Me voici : que me demandes-tu ? Pourquoi troubles-tu mon repos ? Réponds-moi. — Je te demande pour faire pacte avec toi, et enfin que tu m’enrichisses au plus tôt ; sinon je te tourmenterai par les puissantes paroles de la Clavicule. — Je ne puis t’accorder ta demande qu’à condition que tu te donnes à moi dans vingt ans, pour faire de ton corps et de ton âme ce qu’il me plaira. »
» Alors vous lui jetterez votre pacte, qui doit être écrit de votre propre main sur un petit morceau de parchemin vierge ; il consiste en ce peu de mots auxquels vous mettrez votre signature avec votre véritable sang. « Je promets au grand Lucifuge de le récompenser dans vingt ans de tous les trésors qu’il me donnera. En foi de quoi je me suis signé. »
» L’esprit vous répondra : « Je ne puis accorder ta demande. »
» Alors, pour le forcer à vous obéir, vous relirez la grande interpellation avec les terribles paroles de la Clavicule, jusqu’à ce que l’esprit reparaisse et vous dise ce qui suit : « Pourquoi me tourmentes-tu davantage ? Si tu me laisses en repos, je te donnerai le plus prochain trésor, à condition que tu me consacreras une pièce tous les premiers lundis de chaque mois, et que tu ne m’appelleras qu’un jour de chaque semaine, de dix heures du soir à deux heures après minuit. Ramasse ton pacte, je l’ai signé ; et, si tu ne tiens pas ta parole, tu seras à moi dans vingt ans. —
» J’acquiesce à ta demande, à condition que tu me feras paraître le plus prochain trésor que je pourrai emporter tout de suite. »
» L’esprit dira : « Suis-moi et prends le trésor que je vais te montrer. »
» Vous le suivrez sans vous épouvanter ; vous jetterez votre pacte tout signé sur le trésor, en le touchant avec votre baguette ; vous en prendrez tant que vous pourrez, et vous vous en retournerez dans le triangle en marchant à reculons ; vous y poserez votre trésor devant vous, et vous commencerez tout de suite à lire le renvoi de l’esprit.
» Voici maintenant la conjuration et renvoi de l’esprit avec lequel on a fait pacte :
« Ô grand Lucifuge ! je suis content de toi pour le présent ; je te laisse en repos et te permets de te retirer où bon te semblera, sans faire aucun bruit ni laisser aucune mauvaise odeur. Pense aussi à ton engagement de mon pacte, car, si tu y manques d’un instant, tu peux être sûr que je te tourmenterai éternellement avec les grandes et puissantes paroles de la Clavicule de Salomon, par lequel on force tous les esprits rebelles à obéir… »
Pain (Épreuve du). C’était un pain fait de farine d’orge, bénit ou plutôt maudit par les imprécations d’un prêtre. Les Anglo-Saxons le faisaient manger à un accusé non convaincu, persuadés que s’il était innocent ce pain ne lui ferait point de mal ; que s’il était coupable il ne pourrait l’avaler, ou que s’il l’avalait, il étouffe|rait. Le juge qui faisait cette cérémonie demandait, par une prière composée exprès, que les mâchoires du criminel restassent roides, que son gosier se rétrécît, qu’il ne pût avaler, qu’il rejetât le pain de sa bouche. C’était une profanation des prières de l’Église. La seule chose qui fût réelle dans cette épreuve, qu’on appelait souvent l’épreuve du pain conjuré, c’est que, de toutes les espèces de pain, le pain d’orge moulue un peu gros est le plus difficile à avaler. Voy. Gorsned, Alphitomancie, etc.
Pain bénit. Du côté de Guingamp en Bretagne, et dans beaucoup d’autres lieux, quand on ne peut découvrir le corps d’un noyé, on met un petit cierge allumé sur un pain que l’on a fait bénir et qu’on abandonne au cours de l’eau ; on trouve le cadavre dans l’endroit où le pain s’arrête , et ce qui peut surprendre les curieux, c’est que ce prodige s’est vu très-souvent. Comment l’expliquer ? On a le même usage en Champagne et ailleurs.
Pajot (Marguerite), sorcière qui fut exécutée à Tonnerre en 1576, pour avoir été aux assemblées nocturnes des démons et des sorciers. Elle composait des maléfices et faisait mourir les hommes et les animaux. Elle avait de plus tué un sorcier qui n’avait pas voulu lui prêter un lopin de bois avec lequel il faisait des sortilèges. Une remarque singulière qu’on avait notée, c’est qu’elle revenait du sabbat toujours toute froide .
Palingénésie. Ce mot veut dire renaissance. Duchêne dit avoir vu à Cracovie un médecin polonais qui conservait dans des fioles la cendre de plusieurs plantes ; lorsqu’on voulait voir une rose dans ces fioles, il prenait celle où se trouvait la cendre du rosier, et la mettait sur une chandelle allumée : après qu’elle avait un peu senti la chaleur, on commençait à voir remuer la cendre ; puis on remarquait comme une petite nue obscure qui, se divisant en plusieurs parties, venait enfin à représenter une rose si belle, si fraîche et si parfaite, qu’on l’eût jugée palpable et odorante comme celle qui vient du rosier. Cette nouveauté fut poussée plus loin. On assura que les morts pouvaient revivre naturellement, et qu’on avait des moyens de les faire ressusciter en quelque façon. Van der Beken, surtout, a donné ces opinions pour des vérités incontestables ; et dans le système qu’il a composé pour expliquer de si étranges merveilles, il prétend qu’il y a dans le sang des idées séminales, c’est-à-dire des corpuscules qui contiennent en petit tout l’animal. Quelques personnes, dit-il, ont distillé du sang humain nouvellement tiré, et elles y ont vu, au grand étonnement des assistants saisis de frayeur, un spectre humain gui poussait des gémissements. C’est pour ces causes, ajoute-t-il, que Dieu a défendu aux Juifs de manger le sang des animaux, de peur que les esprits ou idées de leurs espèces qui y sont contenues ne produisissent de funestes effets. Ainsi, en conservant les cendres de nos ancêtres, nous pourrons en tirer des fantômes qui nous en représenteront la figure. Quelle consolation, dit le P. Lebrun, que de repasser en revue son père et ses aïeux, sans le secours du démon et par une nécromancie très-permise ! Quelle satisfaction pour les savants que de ressusciter en quelque manière les Romains, les Grecs, les Hébreux et toute l’antiquité ! Rien d’impossible à cela, il suffit d’avoir les cendres de ceux qu’on veut faire paraître. Ce système eut, comme toutes les rêveries, beaucoup de partisans. On prétendait qu’après avoir mis un moineau en cendres et en avoir extrait le sel, on avait obtenu, par une chaleur modérée, le résultat désiré. L’académie royale d’Angleterre essaya, dit-on, cette expérience sur un homme. Je ne sache pas qu’elle ait réussi. Mais cette découverte, qui n’aurait pas dû occuper un seul instant les esprits, ne tomba que quand un grand nombre de tentatives inutiles eurent prouvé que ce n’était non plus qu’une ridicule chimère. Voy. Cendres. La palingénésie philosophique de Bonnet est un système publié au dernier siècle et condamné ; il est plus du ressort des théologiens que du nôtre.
Palmoscopie, augure qui s’appelait aussi patmicum, et qui se tirait de la palpitation des parties du corps de la victime, calculées à la main.
Palud (Madeleine de Mendoz de la), fille d’un gentilhomme de Marseille, et sœur du couvent des Ursulines, qui fut ensorcelée par Gaufridi à l’âge de dix-neuf ans. Voy. Gaufridi. Cette femme, quarante ans après le procès de Gaufridi, vieille et n’ayant qu’un chien pour compagnie, voulut se mêler encore de sorcellerie, elle fut condamnée, par arrêt du parlement de Provence, à la prison perpétuelle, en 1653.
Pamilius. Pamilius de Phères, tué dans un combat, resta dix jours au nombre des morts ; on l’enleva ensuite du champ de bataille pour le porter sur le bûcher ; mais il revint à la vie et conta des histoires surprenantes de ce qu’il avait vu pendant que son corps était resté sans sentiment.
Pan, l’un des huit grands dieux ou dieux de la première classe chez les Égyptiens. On le représentait sous les traits d’un homme dans la partie supérieure de son corps, et sous la forme d’un bouc dans la partie inférieure. — Dans les démonographies, c’est le prince des démons incubes. Quelques-uns entendent par le grand Pan le règne des démons, qui fut brisé par la mort de Jésus-Christ sur la croix. Plutarque raconte qu’à cette époque solennelle, Épitherse s’étant embarqué sur un vaisseau avec plusieurs autres pour aller en Italie, le vent leur manqua près de certaines îles de la mer Égée ; que comme la plupart des passagers veillaient et buvaient après souper, l’on entendit tout d’un coup une voix venant de l’une de ces îles, qu’il appelle Paxès, et qui appelait si fort Thamus, pilote égyptien, qu’il n’y eut personne de la compagnie qui n’en fût effrayé. Ce Thamus ne répondit qu’à la troisième fois, lorsque la voix, se renforçant, lui cria que quand il serait arrivé en un certain lieu qu’elle désignait, il annonçât que le grand Pan était mort. On délibéra pour savoir si on obéirait, et la conclusion fut que si le vent n’était pas assez fort pour outrepasser le lieu indiqué, il fallait exécuter l’ordre. C’est pourquoi, le calme les arrêtant, Thamus cria de toute sa force : Le grand Pan est mort. Il n’eut pas plutôt achevé que l’on entendit de tous côtés des plaintes et des gémissements. L’empereur Tibère, informé de l’aventure, envoya quérir Thamus, et assembla à ce sujet les savants. Sur quoi Démétrius, pour confirmer cette pensée de la mort des démons, ajouta une autre histoire : il dit qu’ayant été lui-même envoyé par l’empereur pour reconnaître certaines îles stériles situées vers l’Angleterre, il aborda à une de celles qui sont habitées ; que peu après il s’éleva une tempête effroyable qui fit dire aux insulaires que c’était quelqu’un des démons ou des demi-dieux qui était mort.
Pandæmonium, capitale de l’empire infernal, selon Milton.
Panen (Bartholomée), exorciste protestant. Voy. Guillaume.
Paneros. Pline cite une pierre précieuse de ce nom qui rendait les femmes fécondes.
Paniers. Les rabbins racontent une fable assez plaisante sur l’étymologie du mot Ève. Ève, disent-ils, dérive du mot qui signifie causer ; la première femme prit ce nom parce que, lorsque Dieu créa le monde, il tomba du ciel douze paniers remplis de caquets, et qu’elle en ramassa neuf, tandis que son mari n’eut le temps de ramasser que les trois autres.
Panjacartaguel. Ce mot, qui chez les Indiens désigne les cinq dieux, exprimait aussi les cinq éléments qui, engendrés par le Créateur, concoururent à la formation de l’univers. Dieu, disent-ils, tira l’air du néant. L’action de l’air forma le vent. Du choc de l’air et du vent naquit le feu. À sa retraite celui-ci laissa une humidité, d’où l’eau tire son origine. De l’union de ces puissances résulta une écume ; la chaleur du feu en composa une masse qui fut la terre.
Panjangam, almanach des brahmines, où sont marqués les jours heureux et les jours malheureux, et les heures du jour et de la nuit heureuses ou malheureuses.
Pantacles, espèces de talismans magiques. Toute la science de la Clavicule dépend de l’usage des pentacles, qui contiennent les noms ineffables de Dieu. Les pentacles doivent être faits le mercredi, au premier quartier de la lune, à trois heures du matin, dans une chambre aérée, nouvellement blanchie, où l’on habite seul. On y brûle des plantes odoriférantes. On a du parchemin vierge, sur lequel on décrit trois cercles l’un dans l’autre, avec les trois principales couleurs : or, cinabre et vert ; la plume et les couleurs doivent être exorcisées. On écrit alors les noms sacrés, puis on met le tout dans un drap de soie. On prend un pot de terre, où l’on allume du charbon neuf, de l’encens mâle et du bois d’aloès, le tout exorcisé et purifié ; puis, la face tournée vers l’orient, on parfume encore les pentacles avec les espèces odoriférantes, et on les remet dans le drap de soie consacré pour s’en servir au besoin.
On ne peut faire aucune opération magique pour exorciser les esprits sans avoir ce sceau, qui contient les noms de Dieu. Le pentacle n’est parfait qu’après qu’on a renfermé un triangle dans les cercles ; on lit dans le triangle ces trois mois : formatio, reformatio, transformatio’'. À côté du triangle est le mot agla, qui est très-puissant pour arrêter la malice des esprits. Il faut que la peau sur laquelle on applique le sceau soit exorcisée et bénite ; on exorcise aussi l’encre et la plume dont on se sert pour écrire les mots que l’on vient de citer.
Pantarbe, pierre fabuleuse à laquelle quelques docteurs ont attribué la propriété d’attirer l’or, comme l’aimant attire le fer. Philostrate, dans la Vie d’Apollonius, en raconte des merveilles. L’éclat en est si vif, dit-il, qu’elle ramène le jour au milieu de la nuit ; mais, ce qui est le plus étonnant encore, cette lumière est un esprit qui se répand dans la terre et attire insensiblement les pierres précieuses ; plus cette vertu s’étend, plus elle a de force ; et toutes ces pierres dont la pantarbe se fait une ceinture ressemblent à un essaim d’abeilles qui environnent leur roi. De peur qu’un si riche trésor ne devînt trop vil, non— seulement la nature l’a caché dans la terre profonde, mais elle lui a donné la faculté de s’échapper des mains de ceux qui voudraient la prendre sans précaution. On la trouve dans cette partie des Indes où s’engendre l’or. Suivant l’auteur des Amours de Théagène et de Chariclée : elle garantit du feu ceux qui la portent.
Paouaouci, enchantements ou conjurations au moyen desquels les naturels de la Virginie prétendent faire paraître des nuages et tomber de la pluie.
Pape. Les huguenots ont dit que le pape était l’Antéchrist. C’est ainsi que les filous crient au voleur pour détourner l’attention.
Le conte absurde de la papesse Jeanne, inventé par les précurseurs de Luther, est maintenant reconnu si évidemment faux qu’il ne peut nous arrêter un instant .
Papillon. L’image matérielle de l’âme la plus généralement adoptée est le papillon. Les artistes anciens donnent à Platon une tête avec des ailes de papillon, parce que c’est le premier philosophe grec qui ait écrit dignement sur l’immortalité de l’âme.
Paracelse (Philippe Bombast, dit), né dans le canton de Zurich en 1493. Il voyagea, vit les médecins de presque toute l’Europe, et conféra avec eux. Il se donnait pour le réformateur de la médecine ; et voulant en arracher le sceptre à Hippocrate et à Galien, il décria leurs principes et leur méthode. On lui doit la découverte de l’opium et du mercure, dont il enseigna l’usage. Paracelse est surtout le héros de ceux qui croient à la pierre philosophale, et qui lui attribuent hautement l’avantage de l’avoir possédée, s’appuyant en cela de sa propre autorité. C’était quelquefois un homme étonnant et un grand charlatan, a Quand il était ivre, dit Wetter, qui a demeuré vingt-sept mois avec lui, il menaçait de faire venir un million de diables, pour montrer quel empire et quelle puissance il avait sur eux ; mais il ne disait pas de si grandes extravagances quand il était à jeun. » Il avait, selon les démonomanes, un démon familier renfermé dans le pommeau de son épée. Il disait que Dieu lui avait révélé le secret de faire de l’or, et il se vantait de pouvoir, soit par le moyen de la pierre philosophale, soit par la vertu de ses remèdes, conserver la vie aux hommes pendant plusieurs siècles. Néanmoins il mourut à quarante — huit ans, en 1541, à Salzbourg.
Les médecins, ses rivaux, n’ont pas peu contribué à le décrier. « Ce fut le diable, dit le docteur Louis de Fontenettes, dans la préface de son Hippocrate dépaysé, qui suscita Paracelse, auteur de la plus damnable hérésie qui ait jamais été tramée contre le corps humain. »
Paramelle. Tout le monde a connu de réputation l’abbé Paramelle, qui découvrait à coup sûr les sources cachées, sans baguette divinatoire. Voici une de ses anecdotes :
Un riche propriétaire du Jura voulut se moquer un peu de la science de l’hydroscope. Il possédait dans son jardin une source abondante ; il la cacha soigneusement aux yeux. « Aurai-je le bonheur de trouver de l’eau sur cette propriété ? » Telle est la question qui fut adressée à l’abbé Paramelle. — Non, répondit-il résolument. — Mais enfin, monsieur l’abbé, voyez, cherchez bien ; il est impossible qu’il n’y ait pas ici quelque source. — Non, vous dis-je, il n’y aura pas de source ici. Le financier rit sous cape ; son hôte n’a pas l’air de s’en apercevoir, et se dirige jusqu’à un champ éloigné de quelques centaines de pas. C’était l’unique richesse d’un pauvre paysan.’ « Seriez-vous bien aise, lui dit l’abbé, de posséder une source dans votre champ ? — Hé ! monsieur l’abbé, répond l’autre, je n’ai pas le moyen de souscrire. — Vous l’aurez gratis. Apportez une pioche. » La pioche vient, la terre est fouillée, et une belle source jaillit à tous les yeux. Le riche propriétaire se prépare enfin à jouir du fruit de son stratagème et de la confusion de l’abbé. Il retourne sur ses pas, accompagné de la foule ; il veut lui montrer la riche fontaine qu’il avait dissimulée. Qui fut surpris ? La source a disparu. L’hydroscope l’avait arrêtée dans sa course au milieu du champ du cultivateur. Notre homme jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
Parchemin vierge. Il est employé dans la magie en plusieurs manières. On appelle parchemin vierge celui qui est fait de peaux de bêtes n’ayant jamais engendré. Pour le faire, on met l’animal qui doit le fournir dans un lieu secret où personne n’habite ; on prend un bâton vierge ou de la sève de l’année ; on le taille en forme de couteau, puis on écorche l’animal avec ce couteau de bois, et avec le sel on sale ladite peau, que l’on met au soleil pendant quinze jours. On prendra alors un pot de terre vernissé, autour duquel on écrira des caractères magiques ; dans ce pot on mettra une grosse pierre de chaux vive avec de l’eau bénite et ladite peau ; on l’y laissera neuf jours entiers. On la tirera enfin, et avec le couteau de bois, on la ratissera pour en ôter le poil ; on la mettra sécher pendant huit jours à l’ombre, après l’avoir aspergée ; on la serrera ensuite dans un drap de soie avec tous les instruments de l’art. Qu’aucune femme ne voie ce parchemin, parce qu’il perdrait sa vertu. C’est sur ce parchemin qu’on écrit ensuite les pentacles, talismans, figures magiques, pactes et autres pièces.
Parfums. On dit que si l’on se parfume avec de la semence de lin et de psellium, ou avec les racines de violette et d’acne, on connaîtra les choses futures, et que, pour chasser les mauvais esprits et fantômes nuisibles, il faut faire un parfum avec calament, pivoine, menthe et palma-christi. On peut assembler les serpents par le parfum des os de l’extrémité du gosier de cerf, et, au contraire, on les peut chasser et mettre en fuite si on allume la corne du même cerf. La corne du pied droit d’un cheval ou d’une mule, allumée dans une maison, chasse les souris, et celle du pied gauche les mouches. Si on fait un parfum avec du fiel de seiche, du thymiamas, des roses et du bois d’aloès, et qu’on jette sur ce parfum allumé de l’eau ou du sang, la maison semblera pleine d’eau ou de sang, et si on jette dessus de la terre labourée, il semblera que le sol tremble .
Paris. Une prédiction avait annoncé que Paris serait détruit par une pluie de feu le 6 janvier 1840. Mais la catastrophe a été remise au cinquième mois de l’année 1900.
Parker (Guillaume). Voy. Buckingham.
Parkes (Thomas), Anglais qui, en voulant se mettre en relation avec les esprits, se vit poursuivi de visions épouvantables.
Parlements. Le clergé n’a jamais demandé la mort des sorciers. Ce sont les parlements qui les ont toujours poursuivis avec chaleur. À la fin du dix-septième siècle, le clergé réclamait contre l’exécution de plusieurs sorcières convaincues d’avoir fait le sabbat avec maître Verdelet ; le parlement de Rouen pria très-humblement le roi de permettre qu’on brûlât incontinent toutes les sorcières. On citerait mille exemples pareils.
Paroles magiques. On peut charmer les dés ou les cartes de manière à gagner continuellement au jeu, en les bénissant en même temps que l’on récite ces paroles : Contra me ad incarte cla, a filii a Eniol, Lieber, Braya, Braguesca. On n’est point mordu des puces si l’on dit en se couchant : Och, och. On fait tomber les verrues des mains en les saluant d’un bonsoir le matin et d’un bonjour le soir. On fait filer le diable avec ces mots : Per ipsum, et cum ipso, et in ipso. Qu’on dise : Sista, pista, rista, xista, pour n’avoir plus mal à la cuisse. Qu’on prononce trois fois : Onasages, pour guérir le mal de dents. On prévient les suites funestes de la morsure des chiens enragés en disant : Hax, pax, max. Voy. Beurre, Charmes, Sabbat, Éléazar, Ananisapta, Amulettes, etc.
Parque (Marie de la), compagne au sabbat de Domingina Maletena. Voy. ce mot.
Parques, divinités que les anciens croyaient présider à la vie et à la mort ; maîtresses du sort des hommes, elles en réglaient les destinées. La vie était un fil qu’elles filaient : l’une tenait la quenouille, l’autre le fuseau, la troisième, avec ses grands ciseaux, coupait le fil. On les nomme Clotho, Lachésis et Atropos. On les fait naître de la Nuit, sans le secours d’aucun dieu. Orphée, dans l’hymne qu’il leur adresse, les appelle les fille de l’Erèbe.
Parris, famille protestante établie à Salem, dans la Nouvelle-Angleterre. Plusieurs jeunes filles de cette famille, dont le père était ministre, furent obsédées en 1692, et tombèrent dans un état extraordinaire. Elles se glissaient dans des trous, sous les bancs, sous les meubles, et faisaient des contorsions étranges. En ce même temps une jeune fille d’un nommé Goodwin, dans la même ville, avait des hallucinations, voyait à tout moment un cheval devant elle, se mettait à califourchon sur une chaise et prenait le galop. On crut que ces jeunes filles étaient ensorcelées, d’autant plus qu’elles accusaient certaines femmes de les avoir maléficiées. On mit ces femmes en prison, et les obsédées respirèrent. Tout cela est un peu obscur ; mais ce qui est clair, c’est que l’esprit malin était là pour quelque chose.
Parthénomancie, divination ridicule pour connaître la présence ou l’absence de la virginité. On mesurait le cou d’une fille avec un fil, et en répétant l’épreuve avec le même fil, on tirait mauvais présage du grossissement du cou.
Pasétès, magicien qui achetait les choses sans les marchander ; mais l’argent qu’il avait donné n’enrichissait que les yeux, car il retournait toujours dans sa bourse. Voy. Pistole volante.
Passalorynchithes, hérétiques des premiers siècles, ainsi nommés de deux mots grecs qui veulent dire pieu dans le nez. Ils croyaient qu’on ne pouvaient prier convenablement qu’en se mettant deux doigts, comme deux pieux, dans les deux narines.
Patala, nom de l’enfer des Indiens.
Patiniac, superstition particulière aux Indiens des îles Philippines. C’est un sortilège qu’ils prétendent attacher au fruit d’une femme, dont l’effet est de prolonger les douleurs de l’enfantement et même de l’empêcher. Pour lever le charme, le mari ferme bien la porte de sa case, fait un grand feu tout à l’entour, quitte le peu de vêtements dont il est ordinairement couvert, prend une lance ou un sabre, et s’en escrime avec fureur contre les esprits invisibles jusqu’à ce que sa femme soit délivrée.
Patris (Pierre), poète, né à Caen en 1583.
Il fut premier maréchal des logis de Gaston de France, duc d’Orléans. L’esprit de plaisanterie lui valut sa fortune et la confiance dont il jouissait auprès du prince. Il mourut à Paris en 1671. On raconte qu’étant au château d’Egmond, dans une chambre où un esprit venait de se montrer, il ouvrit la porte de cette chambre, qui donnait sur une longue galerie, au bout de laquelle se trouvait une grande chaise de bois si pesante que deux hommes avaient peine à la soulever. Il vit cette chaise matérielle se remuer, quitter sa place et venir à lui comme soutenue en l’air. Il s’écria : — Monsieur le diable, les intérêts de Dieu à part, je suis bien votre serviteur ; mais je vous prie de ne pas me faire peur davantage.
La chaise s’en retourna à sa place comme elle était venue. Cette vision, dit-on, fit une forte impression sur l’esprit de Patris, et ne contribua pas peu à le faire rentrer dans son devoir.
Patroüs. Jupiter avait, sous le nom de Patroüs, à Argos, une statue de bois, qui le représentait avec trois yeux, pour marquer qu’il voyait ce qui se passait dans le ciel, sur la terre et dans les enfers. Les Argiens disaient que c’était le Jupiter Patroüs qui était dans le palais de Priam, et que ce fut au pied de son autel que ce prince fut tué par Pyrrhus.
Pauana. C’est le nom qu’on donnait en Flandre à la danse infernale, violente, déhanchée, excentrique, que dansaient les sorcières au sabbat.
Paul (Arnold), paysan de Médroïga, village de Hongrie, qui fut écrasé par la chute d’un chariot chargé de foin, vers l’an 1728. Trente jours après sa mort, quatre personnes moururent subitement et de la même manière que meurent ceux qui sont molestés des vampires. On se ressouvint alors qu’Arnold avait souvent raconté qu’aux environs de Gassova, sur les frontières de la Turquie, il avait été tourmenté longtemps par un vampire turc ; mais que, sachant que ceux qui étaient victimes d’un vampire le devenaient après leur mort, il avait trouvé le moyen de se guérir en mangeant de la terre du tombeau du défunt et en se frottant de son sang. On présuma que si ce remède avait guéri Arnold (Paul), il ne l’avait pas empêché de devenir vampire à son tour ; eh conséquence on le déterra pour s’en assurer, et, quoiqu’il fût inhumé depuis quarante jours, on lui trouva, le corps vermeil ; on s’aperçut que ses cheveux, ses ongles, sa barbe, s’étaient renouvelés, et que ses veines étaient remplies d’un sang fluide. Le bailli du lieu, en présence de qui se fit l’exhumation, et qui était un homme expert, ordonna d’enfoncer dans le cœur de ce cadavre un pieu fort aigu et de le percer de part en part ; ce qui fut exécuté sur-le-champ. Le corps du vampire jeta un cri et fit des mouvements ; après quoi on lui coupa la tête et on le brûla dans un grand bûcher. On fit subir ensuite le même traitement aux quatre morts qu’Arnold (Paul) avait tués, de peur qu’ils ne devinssent vampires à leur tour, et il y eut un peu de calme. Voy. Vampires.
Paul (Saint). Voy. Art de saint Paul.
Paule. Il y avait au couvent des cordeliers de Toulouse un caveau qui servait de catacombes ; les morts s’y conservaient. Dans ce caveau était enterrée, depuis la fin du seizième siècle, une femme célèbre dans le pays, sous le nom de la belle Paule. Il était d’usage de visiter son tombeau le jour anniversaire de sa mort. Un jeune cordelier, la tête un peu échauffée, s’était un jour engagé à descendre dans ces catacombes sans lumière et sans témoin, et à enfoncer un clou dans le cercueil de Paule. Il y descendit en effet ; mais il attacha par mégarde au cercueil un pan de sa robe. Lorsqu’il voulut remonter, il se crut retenu par la défunte ; ce qui lui causa une telle frayeur qu’il tomba mort sur la place.
Pausanias. Quelques écrivains ont prétendu que les Lacédémoniens n’avaient point de sorciers, parce que, quand ils voulurent apaiser les mânes de Pausanias, qu’on avait laissé mourir de faim dans un temple, et qui s’était montré depuis à certaines personnes, on fut obligé de faire venir des sorciers d’Italie pour chasser le spectre du défunt. Mais ce trait ne prouve rien, sinon que les sorciers de Lacédémone n’étaient pas aussi habiles que ceux de l’Italie.
Pavanis (Les). C’est le nom qu’on donne aux magiciens et devins dans l’isthme de Dari.
Paymon, l’un des rois de l’enfer. S’il se montre aux exorcistes, c’est sous la forme d’un homme à cheval sur un dromadaire, couronné d’un diadème étincelant de pierreries, avec un visage de femme. Deux cents légions, partie de l’ordre des Anges, partie de l’ordre des Puissances, lui obéissent. Si Paymon est évoqué par quelque sacrifice ou libation, il paraît accompagné des deux grands princes Bebal et Abalam.
Péanite, pierre fabuleuse, que les anciens croyaient douée du privilège de faciliter les accouchements.
Peau. Pour guérir les taches de la peau et les verrues, il suffit, selon certaines croyances populaires, de toucher un cadavre ou de se frotter les mains au clair de la lune. Voy. Verrues.
Péché, chemin de l’enfer.
Péché originel. « Un enfant, dites-vous, ne peut naître responsable de la faute d’un père. En êtes-vous bien sûr ? Au sein de l’humanité un sentiment universel se manifeste ; la vie de tous les peuples exprime par les faits les plus significatifs l’existence d’une loi terrible et mystérieuse, de la loi d’hérédité et de solidarité pour le crime et la peine entre les hommes. Interrogez les nations qui furent les plus voisines des traditions primitives. En Chine, le fils est puni pour le père ; une famille et même une ville entière répondent pour le crime d’un seul. Dans l’Inde, les parents, l’instituteur, l’ami du coupable, doivent être punis. Tout l’Orient jugeait ainsi. Il en est de même encore parmi les peuplades sauvages. De là aussi ces chants lugubres des poètes qui, voyant Rome désolée par les guerres civiles, en donnent instinctivement pour raison qu’elle expiait les parjures de Laomédon, les parjures des Troyens, le parricide de Romulus, c’est-à-dire les crimes commis par ses aïeux.
» Alexandre meurt au milieu de ses plus belles années ; après lui de sanglantes divisions se déclarent}} ; des maux sans nombre accablent les parents du conquérant ; les historiens païens attribuent sans hésiter tous ces malheurs à la vengeance divine, qui punissait les impiétés et les parjures du père d’Alexandre sur sa famille. Thésée, dans Euripide, troublé de l’attentat dont il croit son fils coupable, s’écrie : « Quel est donc celui de nos pères qui a commis un crime digne de m’attirer un tel opprobre ? » J’omets à dessein une foule d’autres monuments, et je m’abstiens même de citer les livres de l’Ancien Testament, fort explicites sur ce point. Mais parmi ces témoignages et ces faits, une loi est écrite évidemment ; elle est écrite en caractères de sang dans les annales de tous les peuples : c’est la loi de l’hérédité du crime et de la peine. Un sentiment profond et universel la proclame. Ce cri des peuples ne saurait être ni la fausseté ni l’injustice . »
Pédasiens. Chez les Pédasiens, peuples de Carie, toutes les fois qu’eux ou leurs voisins étaient menacés de quelque malheur, une longue barbe poussait à la prêtresse de Minerve. Hérodote remarque que ce prodige arriva trois fois.
Pédegache. Voy. Yeux.
Pégomancie, divination par les sources. Elle se pratiquait soit en y jetant un certain nombre de pierres dont on observait les divers mouvements, soit en y plongeant des vases de verre, et en examinant les efforts que faisait l’eau pour y entrer et chasser l’air qui les remplissait. La plus célèbre des pégomancies est la divination par le sort des dés, qui se pratiquait à la fontaine d’Abano, près de Padoue ; on jetait les dés dans l’eau pour voir s’ils surnageaient ou s’ils s’enfonçaient, et quels numéros ils donnaient ; sur quoi un devin expliquait l’avenir.
Pégu. Kiak-Kiak, dieu des dieux, ou plutôt démon des démons, idole principale du Pégu, est représenté sous une figure humaine, qui a vingt aunes de longueur, couchée dans l’attitude d’un homme endormi. Cette idole est placée dans un temple magnifique, dont les portes et les fenêtres sont toujours ouvertes et dont l’entrée est permise à tout le monde.
Peigne. Trouver un peigne, présage de bonheur.
Pendus. On sait qu’on gagne à tous les jeux, quand on a dans sa poche de la corde de pendu. — Un soldat de belle corpulence ayant été pendu, quelques jeunes chirurgiens demandèrent la permission d anatomiser son corps. On la leur accorda, et ils allèrent, à dix heures du soir, prier le bourreau de le leur remettre. Le bourreau était déjà couché ; il leur répondit qu’il ne se souciait pas de se lever, et qu’ils pouvaient aller eux-mêmes dépendre le mort. Pendant qu’ils s’y décidaient, le plus éveillé d’entre eux se détacha sans être remarqué, courut devant, se mit en chemise et se cacha sous son manteau au pied de la potence en attendant les autres. Quand ils furent arrivés, le plus hardi de la bande monta à l’échelle et se mit à couper la corde pour faire tomber le corps ; mais aussitôt le camarade caché se montra et dit :« Qui êtes-vous ? et pourquoi venez-vous enlever mon corps ? » À ces mots, et à la vue du fantôme blanc qui gardait la potence, les jeunes gens prennent la fuite épouvantés ; celui qui était sur l’échelle saute à bas sans compter les échelons, pensant que l’esprit du pendu le tenait déjà. « Et ne furent ces pauvres chirurgiens de longtemps rassurés . »
On lisait dernièrement ce qui suit dans le Moniteur du Calvados : — « Voici un déplorable exemple d’aberration causée par la ridicule croyance aux erreurs et aux préjugés populaires, malheureusement enracinés encore profondément dans l’esprit de nos populations des campagnes. Un maçon, honnête ouvrier d’une petite commune du département de l’Orne, arrivait à grand peine, à l’aide d’un travail opiniâtre, à nourrir sa nombreuse famille ; aussi la tête troublée par les superstitions et la lecture du Petit-Albert, résolut-il de se sacrifier pour le bonheur des siens. Il se pendit, en laissant un billet ainsi conçu : « Adieu, ma femme et mes enfants ! Comme je n’ai pas de fortune à vous donner, je veux vous laisser de quoi réussir dans tout ce que vous entreprendrez : Partagez-vous ma corde. »
Pénitence. Le Kari-Chang est le temps de pénitence des idolâtres de l’île Formose ; et chez les peuples que les ténèbres couvrent encore, les pénitences sont bien autrement dures que chez les chrétiens. Le Kari-Chang les oblige à vingt-sept articles qu’ils doivent observer exactement, sous peine d’être sévèrement châtiés. Entre autres choses, il leur est défendu, pendant ce temps, de construire des huttes, de se marier, de vendre des peaux, de semer, de forger des armes, de faire rien de neuf, de tuer des cochons, de nommer un enfant nouveau-né, etc.
Les Formosans prétendent que ces lois leur ont été imposées par un de leurs compatriotes, qui, se voyant exposé au mépris, parce qu’il était difforme et hideux, conjura les dieux de l’admettre dans le ciel, la première fois qu’il recevrait quelque insulte. Ses vœux furent entendus. Ce Formosan, qui avait à peine figure d’homme, devint donc un dieu, et, comme il était laid, un dieu redoutable. Il ne tarda pas à se venger des railleries de ses compatriotes : il descendit dans l’île de Formose et leur apporta les vingt-sept articles du Kari-Chang, leur faisant les plus terribles menaces, s’ils en négligeaient un seul.
Penote. Un alchimiste, réduit à l’hôpital (c’était Penote), avait coutume de dire qu’il ne souhaitait rien à ses plus mortels ennemis qu’un peu de goût pour l’alchimie.
Penteman. Le peintre Penteman, né à Rotterdam, vers l’an 1650, fut chargé de représenter dans un tableau des têtes de morts et plusieurs autres objets capables d’inspirer du mépris pour les amusements et les vanités du siècle. Afin d’avoir sous les yeux des modèles, il entra dans un cabinet d’anatomie, qui devait lui servir d’atelier. En dessinant les tristes objets qui l’entouraient, l’artiste s’assoupit malgré lui et céda bientôt aux charmes du sommeil. Il en goûtait à peine les douceurs, qu’il fut réveillé par un bruit extraordinaire. Quelle dut être sa frayeur, en voyant remuer les têtes des squelettes qui l’environnaient, et en apercevant les corps suspendus au plancher s’agiter et se heurter avec violence ! Saisi d’effroi, Penteman sort de ce lieu terrible, se précipite du haut de l’escalier et tombe dans la rue à demi mort. Lorsqu’il eut repris connaissance, il fut facile de s’assurer que le spectacle dont il venait d’être épouvanté n’était que trop naturel, puisqu’il avait été occasionné par un tremblement de terre. Mais la terreur avait tellement glacé son sang qu’il mourut peu de jours après.
Pératoscopie, divination par l’inspection des phénomènes et choses extraordinaires qui apparaissent dans les airs.
Perdrix. On dit qu’un malade ne peut mourir lorsqu’il est couché sur un lit de plumes d’ailes de perdrix .
Pérez (Juan). Voy. Inquisition.
Périclès, général athénien qui, se défiant de l’issue d’une bataille, pour rassurer les siens, fit entrer dans un bois consacré à Pluton un homme d’une taille haute, chaussé de longs brodequins, ayant les cheveux épars, vêtu de pourpre, et assis sur un char traîné par quatre chevaux blancs ; il parut au moment de la bataille, appela Périclès par son nom, et lui commanda de combattre, l’assurant que les dieux donnaient la victoire aux Athéniens. Cette voix fut entendue des ennemis, comme venant de Pluton, et ils en eurent une telle peur qu’ils s’enfuirent sans tirer l’épée.
Péris, génies femelles des Persans, d’une beauté extraordinaire ; elles sont bienfaisantes, habitent le Ginnistan, se nourrissent d’odeurs exquises, et ressemblent un peu à nos fées. Elles ont pour ennemis les dives. Voy. Dives.
Périthe, pierre jaune qui avait, dit-on, la vertu de guérir la goutte et qui brûlait la main quand on la serrait fortement.
Péroun, génie ou dieu du tonnerre chez les anciens Slaves ; il était très-redouté ; et son culte avait lieu encore au sixième siècle.
Perrier, démon invoqué comme prince des principautés, dans les litanies du sabbat.
Persil (Maître). Voy. Verdelet.
Perteman. Une jeune fille de la commune d’Uccle (près de Bruxelles) avait dit à plusieurs personnes qu’elle était ensorcelée ; que la nuit des spectres et des revenants, vêtus de longues robes jaunes, se présentaient devant son lit et venaient lui causer de grandes frayeurs, au point que sa santé en était altérée. Les frères de cette jeune fille, croyant que leur sœur était réellement ensorcelée, eurent recours à un individu de la commune surnommé le perteman (le joueur de mauvais tours), qui avait la réputation de posséder le moyen de conjurer les spectres et les esprits malins. Cet homme s’attendait probablement, et pour cause, à être consulté par les parents de la jeune fille ; il se mit donc en devoir d’employer, moyennant salaire, bien entendu, ses talents surnaturels, comme il les appelait, pour combattre les œuvres des nombreuses sorcières dont il prétendait que la jeune fille était la victime. Presque tous les soirs il se rendait, muni d’un gros livre, au domicile de la fille, y allumait des chandelles et restait souvent là toute la nuit ; cependant le revenant reparaissait toujours lorsque l’exorciseur ne venait pas ; enfin, le perteman vint annoncer qu’il était parvenu à reconnaître la cause du malheur et le remède à employer ; ce remède était une somme de 15 fr. à répartir entre les trente sorcières qui assiégeaient la malheureuse jeune fille ; on les calmait donc à raison de 50 centimes par tête.
Le frère de cette infortunée, ne possédant pas la somme de quinze francs, alla consulter le bourgmestre, et l’on conçoit qu’il n’en fallut pas davantage pour mettre un terme aux manœuvres du sorcier. L’autorité communale envoya, le soir même où le perteman devait venir opérer le désenchantement définitif, deux gardes forestiers chargés de vérifier ce qui se passait ; ceux-ci trouvèrent le perteman dans la maison. Il s’occupait à feuilleter son gros volume, à jeter de l’eau bénite et à marmotter certaines paroles ; vers minuit, ils virent approcher de la maison une femme habillée de jaune, qui alla écouter à la porte ; un instant après, le perteman sortit, disposé à lier conversation avec le revenant ; il aperçut alors les gardes, prit la fuite, ainsi que la femme, et dans son trouble il laissa tomber son volume mystérieux qui, vérification faite, fut trouvé être un ouvrage de Mirabeau, intitulé De la monarchie prussienne sous Frédéric le Grand. Le perteman fut arrêté, et depuis le revenant n’a plus été vu ni par la jeune fille ni par personne. Ce fait s’est passé il y a moins de trente ans.
Pertinax. Trois ou quatre jours avant que l’empereur Pertinax fût massacré par les soldats de sa garde, on conte qu’il vit dans un étang je ne sais quelle figure qui le menaçait l’épée au poing.
Peste. Les rois de Hongrie se vantaient de guérir la jaunisse, comme les rois de France guérissaient les écrouelles, et comme ceux de Bourgogne dissipaient la peste.
Dans le pays de Reuss, on attribue les pestes et les diverses épidémies à une grande diablesse maigre, et remarquable par ses grands cheveux noirs et sordides. Elle parcourt les airs sur un chariot noir et marche, suivie de nombreuses filles de l’enfer, qui répandent partout des germes de mort.
Pet. Qui pète en mangeant voit le diable en mourant. Axiome populaire, répandu pour enseigner la bienséance aux enfants dans les contrées où l’on mange beaucoup de choux et de navets.
Petchimancie, divination par les brosses ou vergettes. Quand un habit ne peut pas se vergeter, c’est un signe qu’il y aura de la pluie.
Petit monde. On appelait petit monde une société secrète qui conspirait en Angleterre au dernier siècle pour le rétablissement des Stuarts. On débitait beaucoup de contes sur cette société : par exemple, on disait que le diable en personne, assis dans un grand fauteuil, présidait aux assemblées. C’étaient des francs-maçons.
Petit-Pierre. Les contes populaires de l’Allemagne donnent ce nom au démon qui achète les âmes et avec qui on fait pacte. Il vient au lit de mort, sous la forme d’un nain, chercher ceux qu’il a achetés.
Petpayatons. Les Siamois appellent ainsi les mauvais esprits répandus dans l’air. S’ils préparent une médecine, ils attachent au vase plusieurs papiers, où sont écrites des paroles mystérieuses pour empêcher que les Petpayatons n’emportent la vertu du remède.
Pétrobusiens, disciples de Pierre de Bruys, hérétique du Dauphiné, contemporain de la première croisade. Ils reconnaissent deux créateurs :Dieu et le diable. Ils disaient que les prières sont aussi bonnes dans un cabaret que dans une église, dans une étable que sur un autel ; en conséquence, ils détruisaient les édifices sacrés et brûlaient les croix et les images.
Pettimancie, divination par le jet des dés. Voy. Astragalomancie et Cubomancie.
Peucer (Gaspard) / médecin, né à Bautzen en 1525. Il était gendre de Melanchthon et comme lui séparé de l’Église. Il a laissé un livre sur les divinations : De prœcipuis divinationum generibus, traduit en français par Simon Goulard. Anvers, 1584.
Peuplier. Les anciens regardaient le peuplier comme un arbre dédié aux enfers et aux démons.
Peur. On prétend que pour se préserver de la peur il faut porter sur soi une épingle qui ait été fichée dans le linceul d’un mort.
Un officier logé en chambre garnie, et sur le point de rejoindre son régiment, était encore dans son lit au petit point du jour, lorsqu’un menuisier, porteur d’un cercueil pour un homme qui venait de mourir dans la pièce voisine, entra, croyant ouvrir la porte de là chambre du mort. « Voilà, dit-il, une bonne redingote pour l’hiver. » L’officier ne douta pas qu’on ne vînt pour le voler. Aussitôt il saute à bas du lit et s’élance contre le prétendu voleur… Le menuisier, voyant quelque chose de blanc, laisse tomber son cercueil, et s’enfuit à toutes jambes, criant que le mort était à ses trousses… On dit qu’il en fut malade.
Un marchand de la rue Saint-Victor, à Paris, donnant un grand souper, la servante de la maison fut obligée de descendre à la cave à dix heures du soir. Elle était peureuse ; elle ne fut pas plutôt descendue, qu’elle remonta tout épouvantée, en criant qu’il y avait un fantôme entre deux tonneaux !… L’effroi se répandit dans la maison, les domestiques les plus hardis descendirent à la cave, les maîtres suivirent, et l’on reconnut que le spectre était un mort qui y avait glissé de la charrette de l’Hôtel-Dieu, et était tombé dans la cave par le soupirail.
Un provincial venu à Paris dans le temps du carnaval fit la partie, comme tant d’autres idiots, d’aller au bal masqué avec un de ses amis, et il se déguisa en diable ; c’était très-ingénieux. Les deux amis se retirèrent avant le jour. Comme le carrosse qui les remmenait passait dans le quartier où logeait le provincial, il fut le premier qui descendit, et son ami le laissa devant sa porte, où il frappa vivement, parce qu’il faisait grand froid. Il fut obligé de redoubler les coups avant de pouvoir éveiller une vieille servante de son auberge, qui vint enfin à moitié endormie lui ouvrir, mais qui, dès qu’elle le vit, referma sa porte au plus vite et s’enfuit en criant. Le provincial ne pensait pas à son costume ; et, ne sachant ce que pouvait avoir la servante, il se remit à frapper ; mais inutilement, personne ne revint. Mourant de froid, il prit le parti de chercher gîte ailleurs. En marchant le long de la rue, il aperçut de la lumière dans une maison ; pour comble de bonheur, la porte n’était pas fermée tout à fait. Il vit en entrant un cercueil avec des cierges autour, et un bon homme qui, en gardant le mort, s’était endormi auprès d’un bon brasier. Le provincial, sans faire de bruit, s’approcha le plus qu’il put du brasier, s’y installa et s’endormit aussi fort tranquillement sur un siège. Cependant le gardien s’éveilla ; voyant la figure qui lui faisait compagnie, avec ses cornes et le reste, il ne douta pas que ce ne fût le diable qui venait prendre le mort. Il poussa des cris si épouvantables que le provincial, s’éveillant en sursaut, fut tout effrayé, croyant de son côté voir le défunt à ses trousses. Quand il fut revenu de sa frayeur, il fit réflexion sur son habillement et comprit que c’était ce qui avait causé ses embarras. Comme le jour commençait à paraître, il alla changer de mise dans une friperie et retourna à son auberge, où il n’eut pas de peine cette fois à se faire ouvrir la porte. Il apprit en entrant que la servante était malade, et que c’était une visite que le diable lui avait rendue qui causait son mal. Il n’eut garde de dire que lui-même était le diable. Il sut ensuite que l’on publiait dans le quartier que le diable était venu pour enlever un voisin. La servante attestait la chose ; et ce qui y donnait le plus de vraisemblance, c’est que le pauvre défunt avait été usurier. Voy. Apparitions, Revenants, Fannius, Visions, etc.
Phara-Ildis , ou simplement Phara, bonne et bienfaisante fée en Norvège.
Pharmacie, divination employée par les magiciens et enchanteurs, lesquels devinent, à l’aide du commerce qu’ils ont avec les démons, qu’ils évoquent pour cela au moyen de fumigations faites sur un réchaud.
Phénix, grand marquis des enfers. Il paraît sous la forme d’un phénix avec la voix d’un enfant ; avant de se montrer à l’exorciste, il rend des sons mélodieux, il faut au contraire se boucher les oreilles quand on lui commande de prendre la forme humaine. Il répond sur toutes les sciences. C’est un bon poète, qui satisfait en vers à toutes les demandes. Après mille ans, il espère retourner au septième ordre des Trônes. Vingt légions lui obéissent.
Phénix. Il y a, dit Hérodote, un oiseau sacré qu’on appelle phénix. Je ne l’ai jamais vu qu’en peinture. Il est grand comme un aigle ; son plumage est doré et entremêlé de rouge. Il se nourrit d’aromates et vient tous les cinq cents ans en Égypte, chargé du cadavre de son père enveloppé de myrrhe, qu’il enterre dans le temple du Soleil. Solin dit que le phénix naît en Arabie ; que sa gorge est entourée d’aigrettes, son cou brillant comme l’or, son corps pourpre, sa queue mêlée d’azur et de rose ; qu’il vit cinq cent quarante ans. Certains historiens lui ont donné jusqu’à douze mille neuf cent cinquante-quatre ans de vie.
Saint Clément le Romain rapporte qu’on croit que le phénix naît en Arabie, qu’il est unique dans son espèce, qu’il vit cinq ans ; que, lorsqu’il est près de mourir, il se fait, avec de l’encens, de la myrrhe et d’autres aromates, un cercueil où il entre à temps marqué, et il y meurt ; que sa chair corrompue produit un ver qui se nourrit de l’humeur de l’animal mort et se revêt de plumes ; qu’ensuite, devenu plus fort, il prend le cercueil de son père et le porte en Égypte, sur l’autel du Soleil, à Héliopolis.
Outre que tous ceux qui parlent de cet oiseau mystérieux ne l’ont point vu et n’en parlent que par ouï-dire, qui peut être sûr qu’il a vécu cinq cents ans ? qui peut assurer qu’il soit seul de son espèce ?
Le P. Martini rapporte, dans son Histoire de la Chine, qu’au commencement du règne de l’empereur Xiaozhao IV, on vit paraître l’oiseau du soleil, dont les Chinois regardent l’arrivée comme un heureux présage pour le royaume. Sa forme, dit-il, le ferait prendre pour un aigle, sans la beauté et la variété de son plumage. Il ajoute que sa rareté lui fait croire que cet oiseau est le même que le phénix
Phénomènes. Une négresse de Carthagène, dans le nouveau royaume de Grenade, mit au monde un enfant tel qu’on n’en a jamais vu ; c’était une fille qui naquit en 1738 et vécut environ six mois. Elle était tachetée de blanc et de noir, depuis le sommet de la tête jusqu’aux pieds, avec tant de symétrie et de variété qu’il semblait que ce fût l’ouvrage du compas et du pinceau. Sa tête était couverte de cheveux noirs bouclés, d’entre lesquels s’élevait une pyramide de poil crépu, qui du sommet de la tête descendait, en élargissant ses deux lignes latérales, jusqu’au milieu des sourcils, avec tant de régularité dans la division des couleurs que les deux moitiés des sourcils qui servaient de base aux deux angles de la pyramide étaient d’un poil blanc et bouclé, au lieu que les deux autres moitiés, du côté des oreilles, étaient d’un poil noir et crépu. Pour relever encore l’espace blanc que formait la pyramide dans le milieu du front, la nature y avait placé une tache noire qui dominait le reste du visage. Une autre pyramide blanche, s’appuyant sur la partie inférieure du cou, s’élevait avec proportion, et, partageant le menton, venait aboutir au-dessus de la lèvre inférieure. Depuis l’extrémité des doigts jusqu’au-dessus du poignet, , et depuis les pieds jusqu’à la moitié des jambes, la jeune fille paraissait avoir des bottines et des gants naturels, d’un noir clair, tirant sur le cendré, mais parsemées d’un grand nombre de mouches aussi noires que du jais. De l’extrémité inférieure du cou descendait une espèce de pèlerine noire sur la poitrine et les épaules ; elle se terminait en trois pointes, dont deux étaient placées sur les gros muscles des bras ; la troisième, qui était la plus large, sur la poitrine. Les épaules étaient d’un noir clair, tacheté comme celui des pieds et des mains. Les autres parties du corps étaient tachetées de blanc et de noir dans une agréable variété ; deux taches noires couvraient les deux genoux. Toutes les personnes du pays voulurent voir ce phénomène, comblèrent cette petite fille de présents ; et on offrit de l’acheter à grand prix.
L’auteur à qui nous empruntons cette description assure que la mère avait une petite chienne noire et blanche qui ne la quittait jamais, et qu’ayant examiné en détail les taches de sa fille et de la chienne, il y trouva une ressemblance totale, non-seulement par la forme des couleurs, mais encore par rapport aux lieux où les nuances étaient placées. Il en conclut que la vue continuelle de cet animal avait été plus que suffisante pour tracer dans l’imagination de la mère cette variété de teintes et l’imprimer à la fille qu’elle portait dans son sein.
On dit que le peuple anglais est un peuple de philosophes ; ce qui n’empêcha pas, en 1726, une femme de Londres d’accoucher, disait-elle, d’un lapereau chaque jour ; le chirurgien qui l’accouchait, nommé Saint-André, assurait que rien n’était plus positif, et le peuple philosophe le croyait. — Marguerite Daniel, femme de René Rondeau, du bourg du Plessey, dépendant du marquisat de Blin, devint grosse en 1685, vers la mi-octobre. Elle sentit remuer son enfant le jour de la Chandeleur et entendit le vendredi saint suivant trois cris sortir de son ventre. Depuis, son enfant continua de faire les mêmes cris trois ou quatre fois le jour, à chaque fois quatre, cinq cris, et même jusqu’à huit et neuf fort distincts, semblables à ceux d’un enfant nouvellement né ; mais quelquefois avec de tels efforts, qu’on voyait l’estomac de cette femme s’enfler comme si elle eût dû étouffer…
En octobre 1842, à Bruxelles, une femme accoucha, dans l’hospice de la Maternité, d’une petite fille qui avait une queue de cheval. Son père était un cocher. L’opération qui l’a délivrée, sans la compromettre aucunement, de cet ornement singulier, a été faite par le docteur Seutin, et le phénomène fut aussitôt régulièrement constaté Voy. Imagination, etc.
Philinnion. Voici un trait rapporté par Phlégon, et qu’on présume être arrivé à Hypate en Thessalie. Philinnion, fille unique de Démocrate et de Charito, mourut en âge nubile ; ses parents inconsolables firent enterrer avec le corps mort les bijoux et les atours que la jeune fille avait le plus aimés pendant sa vie. Quelque temps après, un jeune seigneur, nommé Mâchâtes, vint loger chez Démocrate, qui était son ami. Le soir, comme il était dans sa chambre, Philinnion lui apparaît, lui déclare qu’elle l’aime ; ignorant sa mort, il l’épouse en secret. Mâchâtes, pour gage de son amour, donne à Philinnion une coupe d’or et se laisse tirer un anneau de fer qu’il avait au doigt. Philinnion, de son côté, lui fait présent de son collier et d’un anneau d’or, et se retire avant le jour. Le lendemain, elle revint à la même heure. Pendant qu’ils étaient ensemble, Charito envoya une vieille servante dans la chambre de Mâchâtes pour voir s’il ne lui manquait rien. Cette femme retourna bientôt éperdue vers sa maîtresse et lui annonça que Philinnion était avec Mâchâtes. On la traita de visionnaire ; mais comme elle s’obstinait à soutenir ce qu’elle disait, quand le matin fut venu, Charito alla trouver son hôte et lui demanda si la vieille ne l’avait point trompée. Mâchâtes avoua qu’elle n’avait pas fait un mensonge, raconta les circonstances de ce qui lui était arrivé, et montra le collier et l’anneau d’or que la mère reconnut pour ceux de sa fille. Cette vue réveilla la douleur de la perte qu’elle avait faite ; elle jeta des cris épouvantables e supplia Mâchâtes de l’avertir quand sa fille reviendrait, ce qu’il exécuta. Le père et la mère la virent et coururent à elle pour l’embrasser. Mais Philinnion, baissant les yeux, leur dit avec une contenance morne : — Hélas ! mon père, et vous, ma mère, vous détruisez ma félicité, en m’empêchant, par votre présence importune, de vivre seulement trois jours. Votre curiosité vous sera funeste, car je m’en retourne au séjour de la mort, et vous me pleurerez autant que quand je fus portée en terre pour la première fois. Mais je vous avertis que je ne suis pas venue ici sans la volonté des dieux. Après ces mots, elle retomba morte, et son corps fut exposé sur un lit à la vue de tous ceux de la maison. On alla visiter le tombeau, qu’on trouva vide et ne contenant seulement que l’anneau de fer et la coupe que Mâchâtes lui avait donnés…
Philosophie hermétique. Voy. Pierre philosophale.
Philotanus, démon d’ordre inférieur, soumis à Bélial.
Philtre, breuvage ou drogue dont l’effet prétendu est de donner l’amour. Les anciens, qui en connaissaient l’usage, invoquaient dans la confection des philtres les divinités infernales. Il y entrait différents animaux, herbes ou matières, tels que le poisson appelé rémore, certains os de grenouilles, la pierre astroïte et surtout l’hippomane. Delrio, qui met les philtres au rang des maléfices, ajoute qu’on s’est aussi servi pour les composer de rognures d’ongles, de limailles de métaux, de reptiles, d’intestins de poissons et d’oiseaux, et qu’on y a mêlé quelquefois des fragments d’ornements d’église.
Les philtres s’expliquent, comme les poisons, par la pharmacie. L’hippomane est le plus fameux de tous les philtres ; c’est un morceau de chair noirâtre et de forme ronde, de la grosseur d’une figue sèche, que le poulain apporte quelquefois sur le front en naissant. Suivant les livres de secrets magiques, ce mystérieux morceau de chair fait naître une passion ardente, quand, étant mis en poudre, il est pris avec le sang de celui qui veut se faire aimer. Jean-Baptiste Porta détaille au long les surprenantes propriétés de l’hippomane ; il est fâcheux qu’on n’ait jamais pu le trouver tel qu’il le décrit, ni au front du poulain naissant, ni ailleurs. Voy. Hippomane.
Les philtres sont en grand nombre et plus ridicules les uns que les autres. Les anciens les connaissaient autant que nous, et chez eux on rejetait sur les charmes magiques les causes d’une passion violente, un amour disproportionné, le rapprochement de deux cœurs entre qui la fortune avait mis une barrière, ou que les parents ne voulaient point unir.
Il y a de certains toniques qui enflamment les intestins, causent la démence ou la mort et inspirent une ardeur qu’on a prise pour de l’amour. Telles sont les mouches cantharides avalées dans un breuvage. Un Lyonnais, voulant se faire aimer de sa femme qui le repoussait, lui fit avaler quatre de ces insectes pulvérisés dans un verre de vin du Rhône ; il s’attendait à un succès, il fut veuf le lendemain. À ces moyens violents on a donné le nom de philtres.
Rien n’est plus curieux, dit un contemporain, que la superstition qui en Ecosse préside aux moyens ; employés pour faire naître l’amour ou vaincre la résistance de l’objet aimé. Sir John Colquhoun avait épousé depuis peu de mois lady Lilia Graham, fille aînée de Jean, quatrième comte de Montrose, lorsque lady Catherine, sa belle-sœur, vint passer quelque temps chez lui. Bientôt il en devint épris, et, pour vaincre l’indifférence qu’elle lui témoignait, il eut recours à un nécromancien habile, qui composa un bouquet formé de diamants, de rubis et de saphirs montés en or, et le donna de la propriété de livrer a la personne qui le donnait le corps et l’âme de celle qui le recevait. Il paraît que sir John fit un usage immédiat de ce talisman. Les chroniques de cette époque disent qu’il partit avec lady Catherine pour Londres près qu’il eut criminellement abandonné son épouse, et qu’il fut obligé d’y rester caché pour échapper à la sentence de mort qui avait été prononcée contre lui dans sa patrie.
Mais on comprend très-bien l’effet sur une femme mondaine et vaniteuse d’un philtre composé de riches diamants.
Phlégéton, fleuve d’enfer qui roulait des torrents de flamme et environnait de toutes parts la prison des méchants. On lui attribuait les qualités les plus nuisibles. Après un cours assez long en sens contraire du Cocyte, il se jetait comme lui dans l’Achéron.
Phooka, mauvais esprit qui paraît en Irlande sous la forme d’un poulain sauvage, chargé de chaînes pendantes, ou sous l’apparence d’une vache farouche, d’un oiseau de proie, d’un cheval maigre. Il parle ; et son plus grand plaisir est d’inquiéter les voyageurs égarés pendant la nuit.
Phosphore. Voy. Lampes perpétuelles, Stratagèmes, etc.
Phrénologie ou Crânologie, art ou science qui donne les moyens de juger les hommes par les protubérances du crâne. Voy. Gall.
Phylactères, préservatifs. Les Juifs portaient à leurs manches et à leur bonnet des bandes de parchemin, sur lesquelles étaient écrits des passages de la loi ; ce que Noire-Seigneur leur reproche dans saint. Matthieu, chap. xxiii. Leurs descendants suivent la même pratique et se persuadent que ces bandes ou phylactères sont des amulettes qui les préservent de foui danger, et surtout qui les gardent contre l’esprit malin.
Des chrétiens ont fait usage aussi de paroles écrites ou gravées comme de phylactères et préservatifs. L’Église a toujours condamné cet abus. Voy. Amulettes.
Phyllorhodomancie, divination par les feuilles de roses. Les Grecs faisaient claquer sur la main une feuille de rose et jugeaient par le son du succès de leurs vœux.
Physiognomonie, art de juger les hommes par les traits du visage, ou talent de connaître l’intérieur de l’homme par son extérieur.
Celle science a eu plus d’ennemis que de partisans ; elle ne paraît pourtant ridicule que quand on veut la pousser trop loin. Tous les visages, toutes les formes, tous les êtres créés diffèrent entre eux, non-seulement dans leurs classes, dans leurs genres, dans leurs espèces, mais aussi dans leur individualité. Pourquoi cette diversité de formes ne serait-elle pas la Conséquence de la diversité des caractères, ou pourquoi la diversité des caractères ne serait-elle pas liée, à cette diversité de forme ? Chaque passion, chaque sens, chaque qualité prend sa place dans le corps de tout être créé ; la colère enfle les muscles : les muselés enflés sont donc un signe de colère ?… Des yeux pleins de feu, un regard aussi prompt que l’éclair et un esprit vif et pénétrant se retrouvent cent fois ensemble. Un œil ouvert et serein se rencontre mille fois avec un cœur franc et honnête. Pourquoi ne pas chercher à connaître les hommes par leur physionomie ? On juge tous, les jours le ciel sur sa physionomie. On marchand apprécie ce qu’il achète par son extérieur, par sa physionomie… Tels sont les raisonnements des physionomistes pour prouver la sûreté de leur science. Il est vrai, ajoutent-ils, qu’on peut quelquefois s’y tromper ; mais une exception ne doit pas nuire aux règles.
J’ai vu, dit Lavater, un criminel condamné à la roue pour avoir assassiné son bienfaiteur, et ce monstre avait le visage ouvert et gracieux comme l’ange du Guide. Il ne serait pas impossible de trouver aux galères des têtes de Regulus et des physionomies de vestales dans une maison de force. Cependant le physionomiste habile distinguera les traits, souvent presque imperceptibles, qui annoncent le vice et la dégradation.
Quoi qu’il en soit de la physiognomonie, en voici les principes, tantôt raisonnables, tantôt forcés ; le lecteur saura choisir.
La beauté morale est ordinairement en harmonie avec la beauté physique. (Socrate et mille et mille autres prouvent le contraire.) Beaucoup de personnes gagnent à mesure qu’on apprend à les connaître, quoiqu’elles vous aient déplu au premier aspect. Il faut qu’il y ait entre elles et vous quelque point de dissonance, puisque, du premier abord, ce qui devait vous rapprocher ne vous a point frappé. Il faut aussi qu’il y ait entre vous quelque rapport secret, puisque plus vous vous voyez, plus vous vous convenez. Cependant faites attention au premier mouvement d’instinct que vous inspire une nouvelle liaison. Tout homme dont la figure, dont la bouche, dont la démarche, dont l’écriture est de travers, aura dans sa façon de penser, dans son caractère, dans ses procédés, du louche, de l’inconséquence, de la partialité, du sophistique, de la fausseté, de la ruse, du caprice, des contradictions, de la fourberie, une imbécillité dure et froide. Voy. Mimique, Écriture, etc.
La tête est la plus noble partie du corps humain, le siège de l’esprit et des facultés intellectuelles. (Le docteur Van Helmont plaçait les facultés intellectuelles dans d’estomac.) Une tête qui est en proportion avec le reste du corps, qui paraît telle au premier abord, qui n’est ni trop grande ni trop petite, annoncé un caractère d’esprit plus parfait qu’on n’en oserait attendre d’une tête disproportionnée. Trop volumineuse, elle indique presque toujours la grossièreté ; trop petite, elle est un signe de faiblesse. Quelque proportionnée que soit la tête au corps, il faut encore qu’elle ne soit ni trop arrondie ni trop allongée : plus elle est régulière, et plus elle est parfaite. On peut appeler bien organisée celle dont la hauteur perpendiculaire, prise depuis l’extrémité de l’occiput jusqu’à la pointe dû nez, est égale à sa largeur horizontale. Une tête trop longue annonce un homme de peu de sens, vain, curieux, envieux et crédule. La tête penchée vers la terre est la marque d’un homme sage, constant dans ses entreprises. Une tête qui tourne de tous côtés annonce la présomption, la médiocrité, le mensonge, un esprit pervers, léger, et un jugement faible.
On peut diviser le visage en trois parties, dont la première s’étend depuis le front jusqu’aux sourcils ; la seconde depuis les sourcils jusqu’au bas du nez ; la troisième depuis le bas du nez jusqu’à l’extrémité de l’os du menton. Plus ces trois étages sont symétriques, plus on peut compter sur la justesse de l’esprit et sur la régularité du caractère en général. Quand il s’agit d’un visage dont d’organisation est extrêmement forte ou extrêmement délicate, le caractère peut être apprécié plus facilement par le profil que parla face. Sans compter que le profil se prête moins à la dissimulation, il offre des lignes plus vigoureusement prononcées, plus précises, plus simples, plus pures ; par conséquent la signification en est aisée à saisir ; au lieu que souvent les lignes de la face en plein sont assez difficiles à démêler.
Un beau profil suppose toujours l’analogie d’un caractère distingué. Mais on trouve mille profils qui, sans être beaux, peuvent admettre la supériorité du caractère. Un visage charnu annonce une personne timide, enjouée, crédule et présomptueuse. Un homme laborieux a souvent le visage maigre, Un visage qui sue à la moindre agitation annonce un tempérament chaud, un esprit vain et grossier, un penchant à la gourmandise.
Les cheveux offrent des indices multipliés du tempérament de l’homme, de son énergie, de sa façon de sentir, et aussi de ses facultés spirituelles. Ils n’admettent pas la moindre dissimulation ; ils répondent à notre constitution physique, comme les plantes et les fruits répondent au terroir qui les produit. Je suis sûr, dit Lavater, que par l’élasticité des cheveux on pourrait juger de l’élasticité du caractère. Les cheveux longs, plats, disgracieux n’annoncent rien que d’ordinaire.
Les chevelures d’un jaune doré, ou d’un blond tirant sur le brun, qui reluisent doucement, qui se roulent facilement et agréablement, sont les chevelures nobles (en Suisse, patrie de Lavater).
Des cheveux noirs, plats, épais et gros dénotent peu d’esprit, mais de l’assiduité et de l’amour de l’ordre. Les cheveux blonds annoncent généralement un tempérament délicat, sanguin-flegmatique. Les cheveux roux caractérisent, dit-on, un homme souverainement bon, ou souverainement méchant. Les cheveux fins marquent la timidité ; rudes, ils annoncent le courage (Napoléon les avait fins, dit-on) : ce signe caractéristique est du nombre de ceux qui sont communs à l’homme et aux animaux. Parmi les quadrupèdes, le cerf, le lièvre, la brebis, qui sont au rang des plus timides, se distinguent particulièrement des autres par la douceur de leur poil, tandis que la rudesse de celui du lion et du sanglier répond au courage qui fait leur caractère.
Mais que dire du chat et du tigre, qui ont le poil fin ?
En appliquant ces remarques à l’espèce humaine, les habitants du Nord sont ordinairement très-courageux, et ils ont la chevelure rude ; les Orientaux sont beaucoup plus timides, et leurs cheveux sont plus doux.
Les cheveux crépus marquent un homme de dure conception. Ceux qui ont beaucoup de cheveux sur les tempes et sur le front sont grossiers et orgueilleux. Alexandre Dumas est crépu.
Une barbe fournie et bien rangée annonce un homme d’un bon naturel et d’un tempérament raisonnable. Celui qui a la barbe claire et mal disposée tient plus du naturel et des inclinations de la femme que de celles de l’homme. Si la couleur de la barbe diffère de celle des cheveux, elle n’annonce rien de bon. De même, un contraste frappant entre la couleur de la chevelure et la couleur des sourcils peut inspirer quelque défiance…
Le front, de toutes les parties du visage, est la plus importante et la plus caractéristique. Les fronts, vus de profil, peuvent se réduire à trois classes générales. Ils sont ou penchés en arrière, ou perpendiculaires, ou proéminents. Les fronts penchés en arrière indiquent en général de l’imagination, de l’esprit et de la délicatesse. Une perpendicularité complète, depuis les cheveux jusqu’aux sourcils, est le signe d’un manque total d’esprit. Une forme perpendiculaire, qui se voûte insensiblement par le haut, annonce un esprit capable de beaucoup de réflexion, un penseur rassis et profond. Les fronts proéminents appartiennent à des esprits faibles et bornés et qui ne parviendront jamais à une certaine maturité. Plus le front est allongé, plus l’esprit est dépourvu d’énergie et manque de ressort. Plus il est serré, court et compacte, plus le caractère est concentré, ferme et solide… Pour qu’un front soit heureux, parfaitement beau et d’une expression qui annonce à la fois la richesse du jugement et la noblesse du caractère, il doit se trouver, dans la plus exacte proportion avec le reste du visage. Exempt de toute espèce d’inégalités et de rides permanentes, il doit pourtant en être susceptible. Mais alors il ne se plissera que dans les moments d’une méditation sérieuse, dans un mouvement de douleur ou d’indignation. Il doit reculer parle haut. La couleur de la peau doit en être plus claire que celle des autres parties du visage.
Si l’os de l’œil est un peu saillant, c’est le signe d’une aptitude singulière aux travaux de l’esprit, d’une sagacité extraordinaire pour les grandes entreprises. Mais sans cet angle saillant, il y a des têtes excellentes, qui n’en ont que plus de solidité lorsque le bas du front s’affaisse, Comme un mur perpendiculaire, sur des sourcils placés horizontalement, et qu’il s’arrondit et se voûte imperceptiblement, des deux côtés, vers les tempes. Les fronts courts, ridés, noueux, irréguliers, enfoncés d’un côté, échancrés, ou qui se plissent toujours différemment, ne sont pas une bonne recommandation, et ne doivent pas inspirer beaucoup de confiance. Les fronts carrés, dont les marges latérales sont encore assez spacieuses, et dont l’os de l’œil est en même temps-bien solide, supposent un grand fond de sagesse et de courage. Toits les physionomistes s’accordent sur ce point. Un front très-osseux et garni de beaucoup de peau annonce un naturel acariâtre et querelleur. Un front élevé, avec un visage long et pointu vers le menton, est un signe de faiblesse. Des fronts allongés, avec une peau fortement tendue et très-unie, sur lesquels on n’aperçoit, même à l’occasion d’une joie peu commune, aucun pli doucement animé, sont toujours l’indice d’un caractère froid, soupçonneux, caustique, opiniâtre, fâcheux, rempli de prétentions, rampant et vindicatif. Un front qui, du haut, penche en avant et s’enfonce vers l’œil est, dans un homme fait, l’indice d’une imbécillité sans ressource. Voy. Métoposcopie.
Au-dessous du front commence sa belle frontière, le sourcil, arc-en-ciel de paix dans sa douceur, arc tendu de la discorde lorsqu’il exprime le courroux. Des sourcils doucement arqués s’accordent avec la modestie et la simplicité. Placés enligne droite et horizontalement, ils se rapportent à un caractère mâle et vigoureux. Lorsque leur forme est moitié horizontale et moitié courbée, la force de l’esprit se trouve réunie à une bonté ingénue.
Des sourcils rudes et en désordre sont toujours le signe d’une vivacité intraitable ; mais cette même confusion annonce un feu modéré, si le poil est fin. Lorsqu’ils sont épais et compactes, que les poils sont coupés parallèlement, et pour ainsi dire tirés au cordeau, ils promettent un jugement mûr et solide, un sens droit et rassis.
Des sourcils qui se joignent passaient pour un trait de beauté chez les Arabes, tandis que les anciens physionomistes y attachaient l’idée d’un caractère sournois. La première de ces deux opinions est fausse, la seconde exagérée, car on trouve souvent ces sortes de sourcils aux physionomies les plus honnêtes et les plus aimables. Les sourcils minces sont une marque infaillible de flegme et de faiblesse ; ils diminuent la force et la vivacité du caractère dans un homme énergique. Anguleux et entrecoupés, les sourcils dénotent l’activité d’un esprit productif. Plus les sourcils s’approchent des yeux, plus le caractère est sérieux, profond et solide. Une grande distance de l’un à l’autre annonce une âme Calme et tranquille. Le mouvement des sourcils est d’une expression infinie ; il sert principalement à marquer les passions ignobles, l’orgueil, la colère, le dédain. Un homme sourcilleux est un être méprisant et souventes fois méprisable.
C’est surtout dans les yeux, dit Buffon, que se peignent les images de nos secrètes agitations, et qu’on peut les reconnaître. L’œil appartient à l’âme plus qu’aucun autre organe ; il semble y toucher et participer à tous ses mouvements ; il en exprime les passions les plus vives et les émotions les plus tumultueuses, comme les sentiments les plus délicats. Il les rend dans toute leur force, dans toute leur pureté, tels qu’ils viennent de naître ; il les transmet par des traits rapides. Les yeux bleus annoncent plus de faiblesse que les yeux bruns ou noirs. Ce n’est pas qu’il n’y ait des gens très-énergiques avec des yeux bleus ; mais, sur la totalité, les yeux bruns sont l’indice plus ordinaire d’un esprit mâle ; tout comme le génie, proprement dit, s’associe presque toujours des yeux d’un jaune tirant sur le brun. Les gens colères ont dès yeux de différentes couleurs, rarement bleus, plus souvent bruns ou verdâtres. Les yeux de cette dernière nuance sont en quelque sorte un signe distinctif de vivacité et de courage. On ne voit presque jamais des yeux bleu clair à des personnes colères. Des yeux qui forment un angle allongé, aigu et pointu vers le nez, appartiennent à des personnes ou très-judicieuses ou très-fines. Lorsque la paupière d’en haut décrit un plein cintre, c’est la marque d’un bon naturel et de beaucoup de délicatesse, quelquefois aussi d’un caractère timide. Quand la paupière se dessine presque horizontalement sur l’œil et coupe diamétralement la prunelle, elle annonce souvent un homme très-adroit, très-rusé ; mais il n’est pas dit pour cela que cette forme de l’œil détruise la droiture du cœur. Des yeux très-grands, d’un bleu fort clair, et vus de profil presque transparents, annoncent toujours une conception facile, étendue, mais en même temps un caractère extrêmement sensible, difficile à manier, soupçonneux, jaloux, susceptible de prévention. De petits yeux noirs, étincelants, sous des sourcils noirs et touffus, qui paraissent s’enfoncer lorsqu’ils sourient malignement, annoncent de la ruse, des aperçus profonds, un esprit d’intrigue et de chicane. Si de pareils yeux ne sont pas accompagnés d’une bouche moqueuse, ils désignent un esprit froid et pénétrant, beaucoup de goût, de l’élégance, de la précision, plus de penchant à l’avarice qu’à la générosité. Des yeux grands, ouverts, d’une clarté transparente, et dont le feu brille avec une mobilité rapide dans les paupières parallèles, peu larges et fortement dessinées, réunissent ces caractères : une pénétration vive, de l’élégance et du goût, un tempérament colère, de l’Orgueil.
Des yeux qui laissent voir la prunelle entière, et sous la prunelle encore plus ou moins de blanc, sont dans un état de tension, qui n’est pas naturel, ou n’appartiennent qu’à des hommes inquiets, passionnés, à moitié fous, jamais à des hommes d’un jugement sain, mûr, précis, et qui méritent confiance. Certains yeux sont très-ou-verts, très-luisants, avec des physionomies fades ; ils annoncent de l’entêtement, de la bêtise unie à des prétentions.
Les gens soupçonneux, emportés, violents, ont souvent les yeux enfoncés dans la tête et la vue longue et étendue. Le fou, l’étourdi, ont souvent les yeux hors de la tête. Le fourbe a, en parlant, les paupières penchée set le regard en dessous. Les gens fins et rusés ont coutume de tenir un œil et quelquefois les deux yeux à demi fermés. C’est un signe de faiblesse. En effet, on voit bien rarement un homme bien énergique qui soit rusé : notre méfiance envers les autres naît du peu de confiance que nous avons en nous.
Les anciens avaient raison d’appeler le nez honestamentum faciei. Un beau nez ne s’associe jamais avec un, visage difforme. On peut être laid et avoir de beaux yeux ; mais un nez régulier exige nécessairement une heureuse analogie des autres traits ; aussi voit-on mille beaux yeux contre un seul nez parfait en beauté, et là où il se trouve, il suppose toujours un caractère distingué : Non cuiquam datum est habere nasum.
Voici, d’après les physionomistes, ce qu’il faut pour la conformation d’un nez parfaitement beau : sa longueur doit être égale à celle du front ; il doit y avoir une légère cavité auprès de sa racine. Vue par-devant, l’épine du nez doit être large et presque parallèle des deux côtés ; mais il faut que cette largeur soit un peu, plus sensible vers le milieu. Le bout ou la pomme du nez ne sera-ni dure ni charnue. De face, il faut que les ailes du nez se présentent distinctement et que les narines se raccourcissent agréablement au-dessous. Dans le profil, le bas du nez n’aura d’étendue qu’un tiers de sa hauteur. Vers le haut, il joindra de près l’arc de l’os de l’œil, et sa largeur, du côté de l’œil, doit être au moins d’un demi-pouce. Un nez qui rassemble toutes ces perfections exprime tout ce qui peut s’exprimer. Cependant nombre de gens du plus grand mérite ont le nez difforme ; mais if faut différencier aussi l’espèce de mérite qui les distingue. Un petit nez, échancré en profil, n’empêche pas d’être honnête et judicieux, mais ne donne point le génie. Des nez qui se courbent au haut de la racine conviennent à des caractères impérieux, appelés à commander, à opérer de grandes choses, fermes dans leurs projets et ardents à les poursuivre. Les nez perpendiculaires (c’est-à-dire qui approchent de cette forme, car, dans toutes ses productions, la nature abhorre les lignes complètement droites), tiennent le milieu entre les nez échancrés et les nez arqués ; ils supposent une âme qui sait agir et souffrir tranquillement et avec énergie. Un nez dont l’épine est large, n’importe qu’il soit droit ou courbé, annonce toujours des facultés supérieures. Mais cette forme est très-rare. La narine petite est le signe certain d’un esprit timide, incapable de hasarder la moindre entreprise. Lorsque les ailes du nez sont bien dégagées, bien mobiles, elles dénotent-une grande délicatesse de sentiment, qui peut dégénérer en sensualité. Où vous ne trouverez pas une petite inclinaison, une espèce d’enfoncement dans le passage du front au nez, à moins que le nez ne soit fortement recourbé, n’espérez pas découvrir le moindre caractère de grandeur. Les hommes dont le nez penche extrêmement vers la bouche ne sont jamais ni vraiment bons, ni vraiment gais, ni grands, ni nobles : leur pensée s’attache toujours aux choses de la terre ; ils sont réservés, froids, insensibles, peu communicatifs ; ils ont ordinairement l’esprit malin ; ils sont hypocondres ou mélancoliques. Les peuples tartares ont généralement le nez plat et enfoncé ; les nègres d’Afrique l’ont camard ; les Juifs, pour la plupart, aquilin ; les Anglais, cartilagineux, et rarement pointu. S’il faut en juger par les tableaux et les portraits, les beaux nez ne sont pas communs parmi les Hollandais. Chez les Italiens, au contraire, ce trait est distinctif. Enfin, il est absolument caractéristique pour les hommes célèbres de la France et de la Belgique.
Des joues charnues indiquent l’humidité du tempérament. Maigres et rétrécies, elles annoncent la sécheresse des humeurs. Le chagrin les creuse ; la rudesse et la bêtise leur impriment des sillons grossiers ; la sagesse, l’expérience et la finesse d’esprit les entrecoupent de traces légères et doucement ondulées. Certains enfoncements, plus ou moins triangulaires, qui se remarquent quelquefois dans les joues, sont le signe infaillible de l’envie ou de la jalousie. Une joue naturellement gracieuse, agitée par un doux tressaillement qui la relève vers les yeux, est le garant d’un cœur sensible. Si, sur la joue qui sourit, on voit se former trois lignes parallèles et circulaires, comptez dans ce caractère sur un fond de folie.
L’oreille, aussi bien que les autres parties du corps humain, a sa signification déterminée ; elle n’admet pas le moindre déguisement ; elle a ses convenances et une analogie particulière avec l’individu auquel elle appartient. Quand le bout de l’oreille est dégagé, c’est un bon augure pour les facultés intellectuelles. Les oreilles larges et dépliées annoncent l’effronterie, la vanité, la faiblesse du jugement ; Les oreilles grandes et grosses marquent un homme simple, grossier, stupide. Les oreilles petites dénotent la timidité. Les oreilles trop repliées et entourées d’un bourrelet mal dessiné n’annoncent rien de bon quant à l’esprit et aux talents.
Une oreille moyenne, d’un contour bien arrondi, ni trop épaisse, ni excessivement mince, ne se trouve guère que chez des personnes spirituelles, judicieuses, sages et distinguées.
La bouche est l’interprète de l’esprit et du cœur ; elle réunit, dans son état de repos et dans la variété infinie de ses mouvements, un monde de caractères. Elle est éloquente jusque dans son silence. On remarque un parfait rapport entre les lèvres et le naturel. Qu’elles soient fermes, qu’elles soient molles et mobiles, le caractère est toujours d’une trempe analogue. De grosses lèvres bien prononcées et bien proportionnées, qui présentent des deux côtés la ligne du milieu également, bien serpentée et facile à reproduire au dessin, de telles lèvres sont incompatibles avec la bassesse, elles répugnent aussi a la fausseté et à la méchanceté. La lèvre supérieure caractérise le goût. L’orgueil et la colère la courbent ; la finesse l’aiguise ; la bonté l’arrondit ; le libertinage l’énerve et la flétrit. L’usage de la lèvre inférieure est de lui servir de support.
Une bouche resserrée, dont la fente court en ligne droite, et où le bord des lèvres ne paraît pas, est l’indice certain du sang-froid, d’un esprit appliqué, de l’exactitude et de la propreté, mais aussi de la sécheresse de cœur. Si elle remonte en même temps aux deux extrémités, elle suppose un fond d’affectation et de vanité. Des lèvres rognées inclinent à la timidité et à l’avarice. Une lèvre de dessus qui déborde un peu est la marque distinctive de la bonté ; non qu’on puisse refuser absolument cette qualité à la lèvre d’en bas qui avance ; mais, dans ce cas, on doit s’attendre plutôt à une froide et sincère bonhomie qu’au sentiment d’une vive tendresse. Une lèvre inférieure qui se creuse au milieu n’appartient qu’aux esprits enjoués. Regardez attentivement un homme gai dans le moment où il va produire une saillie, le centre de sa lèvre ne manquera jamais de se baisser et de se creuser un peu.
Une bouche bien close, si toutefois elle n’est pas affectée et pointue, annonce le courage ; et dans les occasions où il s’agit d’en faire preuve, les personnes mêmes qui ont l’habitude de tenir la bouche ouverte la ferment ordinairement. Une bouche béante est plaintive ; une bouche fermée souffre avec patience, dit le Brun, dans son Traité des passions, et c’est la partie qui, de tout le visage, marque le plus particulièrement les mouvements du cœur. Lorsqu’il se plaint, la bouche s’abaisse par les côtés ; lorsqu’il est content, les coins de la bouche s’élèvent en haut ; lorsqu’il a de l’aversion, la bouche se pousse en avant et s’élève par le milieu. Toute bouche qui a deux fois la largeur de l’œil est la bouche d’un sot ; j’entends la largeur de l’œil prise de son extrémité vers le nez jusqu’au bout intérieur de son orbite, les deux largeurs mesurées sur le même plan. Si la lèvre inférieure, avec les dénis, dépasse horizontalement la moitié de la largeur de la bouche vue de profil, comptez, suivant l’indication des autres nuances de physionomie, sur un de ces quatre caractères isolés, ou sur tous les quatre réunis, bêtise, rudesse, avarice, malignité. De trop grandes lèvres, quoique bien proportionnées, annoncent toujours un homme peu délicat, sordide ou sensuel, quelquefois même un homme stupide ou méchant.
Une bouche, pour ainsi dire, sans lèvres, dont la ligne du milieu est fortement tracée, qui se retire vers Je haut, aux deux extrémités, et dont la lèvre supérieure, vue de profil depuis le nez, paraît arquée ; une pareille bouche ne se voit guère qu’à des avares rusés, actifs, industrieux, froids, durs, flatteurs et polis, mais atterrants dans leurs refus. Une petite bouche, étroite, sous de petites narines, et un front elliptique, est toujours peureuse, timide à l’excès, d’une vanité puérile, et s’énonce avec difficulté. S’il se joint à cette bouche de grands yeux saillants, troubles, un menton osseux, oblong, et surtout si la bouche se tient habituellement ouverte, soyez encore plus sur de l’imbécillité d’une pareille tête.
Les dents petites et courtes sont regardées, par les anciens physionomistes, comme le signe d’une constitution faible. De longues dents sont un indicé de timidité. Les dents blanches, propres et bien rangées, qui, au moment où la bouche s’ouvre, paraissent s’avancer sans déborder, et qui ne se montrent pas toujours entièrement à découvert, annoncent dans l’homme fait un esprit doux et poli, un cœur bon et honnête. Ce n’est pas qu’on ne puisse avoir un caractère très-estimable avec des dents gâtées, laides ou inégales ; mais ce dérangement, physique provient, la plupart du temps, de maladie ou de quelque mélange d’imperfection morale. Celui qui a les dents inégales est envieux. Les dents grosses, larges et fortes sont la marque d’un tempérament fort, et promettent une longue vie, si l’on en croit Aristote.
Pour être en belle proportion, dit Herder, le menton ne doit être ni pointu, ni creux, mais uni. Un menton avancé annonce toujours quelque chose de positif, au lieu que la signification du menton reculé est toujours négative. Souvent le caractère de l’énergie ou de la non-énergie de l’individu se manifeste uniquement par le menton. Il y a trois principales sortes de mentons : les mentons qui reculent, ceux qui, dans le profil, sont en perpendicularité avec la lèvre inférieure, et ceux qui débordent la lèvre d’en bas, ou, en d’autres termes, les mentons pointus. Le menton reculé, qu’on pourrait appeler hardiment le menton féminin, puisqu’on le retrouve presque à foutes les personnes de l’autre sexe, fait toujours soupçonner quelque côté faible. Les mentons de la seconde classe inspirent la confiance. Ceux de la troisième dénotent un esprit actif et délié, pourvu qu’ils ne fassent pas anse, car cette forme exagérée-conduit ordinairement à la pusillanimité et à l’avarice. Une forte incision au milieu du menton semble indiquer un homme judicieux, rassis et résolu, à moins que ce trait ne soit démenti par d’autres traits contradictoires. Un menton pointu passe ordinairement pour le signe de la ruse. Cependant on trouve cette forme chez les personnes les plus honnêtes ; la ruse n’est alors qu’une bonté raffinée.
Cet entre-deux de la tête et de la poitrine, qui tient-de l’une et de l’autre, est significatif comme tout ce qui a rapport à l’homme. Nous connaissons certaines espèces de goitres qui sont le signe infaillible de la stupidité, tandis qu’un cou bien proportionné est une recommandation irrécusable pour la solidité du caractère. Le cou long et la tête haute sont quelquefois le signe de l’orgueil et de la, vanité,. Un cou raisonnablement épais et un peu court ne s’associe guère à la tête d’un fat ou d’un sot. Ceux qui ont le cou mince, délicat et allongé sont timides comme le cerf, au sentiment d’Aristote, et ceux qui ont le cou épais et court ont de l’analogie avec le taureau irrité. Mais les analogies sont fausses pour la plupart, dit Lavater, et jetées sur le papier sans que l’esprit d’observation lés ait dictées.
Il y a autant dé diversité et de dissemblance entre les formes des mains qu’il y en a entre les physionomies. Deux visages parfaitement ressemblants n’existent nulle part ; de même vous ne rencontrerez pas chez deux personnes différentes deux mains qui se ressemblent.
Chaque main, dans sort état naturel, c’est-à-dire abstraction faite des accidents extraordinaires» se trouve en parfaite analogie avec les corps dont elle fait partie, Les os, lés nerfs les muscles, le sang et la peau de la main né sont que la continuation des os, dés nerfs, des muscles, du sang et dé la peau du reste du corps. Le même sang circule dans le cœur, dans la tête et dans la main. La main contribue donc, pour sa part, à faire connaître le caractère de l’individu ; elle est, aussi bien que les autres membres du corps, un objet de physiognomonie, objet d’autant plus significatif et d’autant plus frappant, que la main né peut pas dissimuler, et que sa mobilité la trahit à chaque instant. Sa position la plus tranquille indique nos dispositions naturelles ; ses flexions, nos actions et nos passions Dans tous ses mouvements, elle suit l’impulsion que lui donne le reste du corps. Voy. Main.
Tout le monde sait que des épaules larges, qui descendent insensiblement et qui ne remontent pas en pointe sont un signe de santé et de force. Des épaules de travers influent ordinairement aussi sur la délicatesse de la complexion ; mais on dirait qu’elles favorisent la finesse et l’activité de l’esprit, l’amour de l’exactitude et de l’ordre. Une poitrine large et carrée, ni trop convexe, ni trop concave, suppose toujours des épaules bien constituées et fournit les mêmes indices. Une poitrine plate, et pour ainsi dire creuse, dénote la faiblesse du tempérament. Un ventre gros et proéminent incline bien plus à la sensualité et a la paresse qu’un ventre plat et rétréci.
On doit attendre plus d’énergie et d’activité, plus de flexibilité d’esprit et de finesse, d’un tempérament sec que d’un corps surchargé d’embonpoint. Il se trouve cependant des gens d’une taille effilée qui sont excessivement lents et paresseux ; mais alors le caractère de leur indolence reparaît dans le bas du visage. Les gens d’un mérite supérieur ont ordinairement les cuisses maigres. Les pieds plats s’associent rarement avec le génie.
Quoiqu’il n’y ait aucune ressemblance proprement dite entre l’homme et les animaux, selon la remarque d’Aristote, il peut arriver néanmoins que certains traits du visage humain nous rappellent l’idée de quelque animal.
Porta a été plus loin, puisqu’il a trouvé dans chaque figure humaine la figure d’un animal ou d’un oiseau, et qu’il juge les hommes par le naturel de l’animal dont ils simulent un peu les traits.
Le singe le cheval et l’éléphant sont les animaux qui ressemblent le plus à l’espèce humaine par le contour de leurs profils et de leur face ! Les plus belles ressemblances sont celles du cheval, du lion, du chien, de l’éléphant et de l’aigle, Ceux qui ressemblent au singe sont habiles, actifs, adroits, rusés, malins, avares et quelquefois méchants. La ressemblance du cheval donne le courage et la noblesse de l’âme. Un front comme celui de l’éléphant annonce la prudence et l’énergie. Un homme qui par le, nez et le front ressemblerait au profil du lion ne serait certainement pas un homme ordinaire (la face du lion porte l’empreinte de l’énergie du calme et de la force) ; mais il est bien rare que ce caractère puisse se trouver en plein sur une face humaine.
La ressemblance du chien annonce la fidélité, la droiture et un grand appétit ; celle du loup, qui en diffère si peu, dénote un homme violent, dur, lâche, féroce, passionné, traître et sanguinaire ; celle du renard indique la petitesse, la faiblesse, la ruse et la violence. La ligne qui partage le museau de l’hyène porte le caractère d’une dureté inexorable. La ressemblance du tigre annonce une férocité gloutonne. Dans les yeux et le mufle du tigre, quelle expression de perfidie ! La ligne que forme la bouche du lynx et du tigre est l’expression de la cruauté. Le chat : hypocrisie, attention et friandise. Les chats sont des tigres en petit, apprivoisés par une éducation domestique. La ressemblance de l’ours indique la fureur, le pouvoir de déchirer, une humeur misanthrope ; celle du sanglier ou du cochon annonce un naturel lourd, vorace et brutal. Le blaireau est ignoble, méfiant et glouton. Le bœuf est patient, opiniâtre, pesant, d’un appétit grossier. La ligne que forme la bouche de la vache et du bœuf est l’expression de l’insouciance, de ]a stupidité et dé l’entêtement. Le cerf et la biche : timidité craintive, agilité, attention, douce et paisible innocence. La ressemblance de l’aigle annonce une force victorieuse ; son œil étincelant a tout le feu de l’éclair. Le vautour a plus de souplesse, et en même temps quelque chose de moins noble. Le hibou est plus faible plus timide que le vautour. Le perroquet : affectation de force, aigreur et babil, etc. Toutes ces sortes de ressemblances varient à l’infini, mais elles sont difficiles à trouver.
Tels sont les principes de la physiognomonie, d’après Aristote, Albert le Grand, Porta, etc., mais principalement d’après Lavater, qui a le plus écrit sur cette matière, et qui du moins a mis quelquefois un grain de bon sens dans ses essais. Il parle avec sagesse : lorsqu’il traite des mouvements du corps et du visage, des gestes et des parties mobiles qui expriment, sur la figure de l’homme, ce qu’il sent intérieurement et au moment ou il le sent. Mais combien il extravague aussi lorsqu’il veut décidément trouver du génie dans la main ! Il juge les femmes avec une injustice extrême.
Tant que la physiognomonie apprendra à l’homme à connaître la dignité de l’être que Dieu lui a donné, cette science, quoique en grande partie hasardeuse, méritera pourtant quelques éloges, puisqu’elle aura un but utile et louable. Mais lorsqu’elle dira qu’une personne constituée de telle sorte est vicieuse de sa nature ; qu’il faut la fuir et s’en défier ; que, quoique cette personne présente un extérieur séduisant et un air plein de bonté et de candeur, il faut toujours l’éviter, parce que son naturel est affreux, que son visage l’annonce et que le signe en est certain, immuable, la physiognomonie sera une science abominable qui établit le fatalisme.
On a vu des gens assez infatués de cette science pour se donner les défauts que leur visage portail nécessairement et devenir vicieux, en quelque sorte, parce que la fatalité de leur physionomie les y condamnait, semblables à ceux-là-qui abandonnaient la vertu parce que la fatalité de leur étoile les empêchait d’être vertueux.
Les pensées suivantes, publiées par le Journal de santé, sont extraites d’un petit Traité de la physiognomonie, par M. Bourdon :
« La douleur physique, les souffrances, donnent souvent à la physionomie une expression analogue à celle dm génie, l’ai vu une femme du peuple, affectée d’un cancer, qui ressemblait parfaitement à madame de Staël quant à l’expression profonde de la physionomie. Je dis la même chose des passions contrariées, des violents chagrins, des fatigues de l’esprit et de l’abus des jouissances : tout ce qui remue vivement notre âme, tout ce qui porte coup à la sensibilité, a des effets à peu près semblables sur la figure.
» Une grosse tête annonce de l’imagination par instants, de là pesanteur par habitude, de l’enthousiasme par éclairs, beaucoup de volonté et souvent du génie. Un front étroit indique de la vivacité ; un front rond de la colère.
» Chaque homme a beaucoup de peine à se faire une juste idée de ses propres traits ; les femmes elles-mêmes n’y parviennent que très-difficilement. Cela vient de ce qu’on ne peut voir les mouvements des yeux, par qui la physionomie reçoit sa principale expression.
» On peut, jusqu’à un certain point, juger de la respiration d’une personne d’après son style, d’après la coupe de ses phrases et sa ponctuation. Assurément J. J. Rousseau ne ponctuait pas comme Voltaire, ni Bossuet comme Fénelon. Quand je dis qu’on peut à l’aide du style apprécier la respiration d’un individu, c’est dire qu’on peut aussi juger des passions qui l’agitent, de l’émotion qu’il éprouve ; car les vives pensées ont pour effet de remuer le cœur, et les palpitations du cœur accélèrent la respiration et rendent la voix tremblante. Voilà d’où vient le pouvoir qu’une voix émue est toujours sûre d’exercer sur nous : elle attire l’attention, elle indique un orateur ou inspiré, ou timide, ou consciencieux. Les orateurs froids et médiocres simulent celle émotion vraie, qui vient du cœur, à l’aide de l’agitation oscillatoire et saccadée des bras.
» La même émotion morale qui hâte la respiration, qui fait palpiter le cœur et rend la voix tremblante, rend de même tous les mouvements du corps vacillants et incertains, tant que dure l’inspiration morale, et quelquefois même longtemps après que l’agitation de l’esprit a cessé. Voilà pourquoi l’écriture de nos grands écrivains est généralement si illisible ; et comme il est écrit que toujours l’incapacité singera jusqu’aux défauts inséparables du vrai mérite, voilà pourquoi beaucoup d’hommes médiocres se sont crus engagés d’honneur à graver en caractères indéchiffrables les stériles pensées qu’une verve engourdie leur suggérait.
» L’extrême laideur est presque toujours un signe d’esclavage, de souffrances morales ou de durs travaux. Il est certain que l’oisiveté, qu’une douée incurie sont favorables à la beauté corporelle : il y avait donc plus de vrai qu’on ne pense dans ce titre de gentilhomme dont on gratifiait jadis tout heureux fainéant.
» Il n’est pas d’homme peut-être quine consentît très-volontiers à échanger, à son choix et selon son goût, quelque trait de sa physionomie, une partie quelconque de son corps. On n’est jamais aussi Complètement satisfait de sa figure que de son esprit. Jugez combien la perfection corporelle doit être rare chez les peuples actuels de l’Europe, puisque la Vénus de Thorwaldsen lui a nécessité trente différents modèles ! J’observe toute fois que la démoralisation des villes capitales, mais surtout les bienfaits récents de la vaccine, sont des causes qui doivent puissamment seconder le génie des peintres et des sculpteurs de nos jours.
» Un homme qui a le malheur de loucher doit se montrer beaucoup plus réservé qu’un autre dans ses actions et ses discours car ; la malignité humaine est naturellement disposée à augurer mal de la symétrie de tout édifice dont les issues sont désordonnées.
» De profondes rides aux côtés delà bouche font conjecturer qu’on est ou moqueur, ou naturellement gai, ou soumis aux caprices d’un maître mauvais plaisant.
» Le rire (je ne parle pas du sourire) est un caractère d’ineptie plutôt que d’intelligence : les hommes supérieurs sont généralement graves. L’habitude des grandes pensées rend presque toujours indifférent aux petites choses qui sont en possession d’exciter le rire.
» Plus sont profondes celles des rides qui dépendent des muscles, et plus il est permis de croire à une longue vie, à une santé durable. En effet, l’énergie des muscles indique toujours une heureuse organisation, des fonctions régulières. Voilà sur quel principe vrai l’art de la chiromancie est fondé : s’il ne conduit si souvent qu’à des mensonges, cela vient de ce qu’on lui fait dire autre chose que ce qu’il dit en effet… »
Terminons ce long article par une anecdote : Louis XIV était si persuadé du talent que Lachambre, médecin et académicien français, s’attribuait de juger, sur la seule physionomie des gens, quel était non-seulement leur caractère, mais encore à quelle place et à quels emplois chacun d’eux pouvait être propre, que ce prince ne se déterminait, soit en bien, soit en mal, sur les choix qu’il avait à faire qu’après avoir consulté ce singulier oracle. « Si je meurs avant Sa Majesté, disait Lachambre, elle court grand risque de faire à l’avenir beaucoup de mauvais choix. » Lachambre mourut en effet avant le roi, et sa prédiction parut plus d’une fois justifiée. — Ce médecin a laissé des ouvrages dont le genre dénote assez le penchant qu’il avait à étudier lés physionomies. Voy. Mimique.
Piaces, prêtres magiciens de l’île d’Hispaniola, au moment de la conquête ou découverte de celle île. On voit dans l’Histoire des Indes de Ferdinand d’Oviedo, ami de Christophe Colomb, des faits qui établissent sérieusement l’intervention des démons dans les paroles des piaces qui révélaient exactement ce qui se faisait au loin ; à moins que ce ne fût du magnétisme.
Piaches, prêtres idolâtres de la côte de Cumaná, aussi en Amérique. Pour être admis dans leur ordre, il fallait passer par une espèce de noviciat qui consistait à errer deux ans dans les forêts. Ils persuadaient au peuple qu’ils recevaient là des instructions de certains esprits en forme humaine. Ils disaient que le soleil et la lune étaient le mari et la femme. Pendant les éclipses, les femmes se tiraient du sang et s’égratignaient les bras ; elles croyaient la lune en querelle avec son mari.
Ces piaches, qui ressemblent aux piaces d’Hispaniola, donnaient un talisman en forme de X comme préservatif contre les fantômes. Ils disaient que les échos sont les voix des trépassés.
Picard (Mathurin), directeur d’un couvent de Louviers, qui fut accusé d’être sorcier et d’avoir conduit au sabbat Madeleine Bavent, tourière de ce couvent. Comme il était mort lorsqu’on arrêta Madeleine, et qu’on lui fit son procès, où il fut condamné ainsi qu’elle, son corps fut délivré à l’exécuteur des sentences criminelles, traîné sur des claies par les rues et lieux publics, puis conduit en la place du Vieux-Marché ; là brûlé et les cendres jetées au vent ; 1647.
Picatrix, médecin ou charlatan arabe, qui vivait en Espagne vers le treizième siècle. Il se livra de bonne heure à l’astrologie, et se rendit si recommandable dans cette science, que ses écrits devinrent célèbres parmi les amateurs des sciences occultes. On dit qu’Agrippa, étant allé en Espagne, eut connaissance de ses ouvrages et y prit beaucoup d’idées creuses, notamment dans le traité que Picatrix avait laissé De la philosophie occulte.
Pic de la Mirandole (Jean), l’un des hommes les plus célèbres par la précocité et l’étendue de l’étude, né le 24 février 1463. Il avait une mémoire prodigieuse et un esprit très-pénétrant. Cependant un imposteur l’abusa en lui faisant voir soixante manuscrits qu’il assurait avoir été composés par l’ordre d’Esdras, et qui ne contenaient que les plus ridicules rêveries cabalistiques. L’obstination qu’il mit à les lire lui fit perdre un temps plus précieux que l’argent qu’il en avait donné et le remplit d’idées chimériques dont il ne fut jamais entièrement désabusé. Il mourut en 1494. On a recueilli de ses ouvrages des Conclusions philosophiques de cabale et de théologie, Rome, Silbert, in-folio extrêmement rare ; c’est là le seul mérite de ce livre. Car, de l’aveu même de Tiraboschi, on ne peut que gémir en le parcourant, de voir qu’un si beau génie, un esprit si étendu et si laborieux, se soit occupé de questions si frivoles. On a dit qu’il avait un démon familier.
Pichacha, nom collectif des esprits follets chez les Indiens.
Picollus, démon révéré par les anciens habitants de la Prusse, qui lui consacraient la tête d’un homme mort et brûlaient du suif en son honneur. Ce démon se faisait voir aux derniers jours des personnages importants. Si on ne l’apaisait pas, il se présentait une seconde fois ; et lorsqu’on lui donnait la peine de paraître une troisième, on ne pouvait plus l’adoucir que par l’effusion du sang humain.
Lorsque Picollus était content, on l’entendait rire dans son temple ; car il avait un temple.
Pie, oiseau de mauvais augure. En Bretagne, les tailleurs sont les entremetteurs des mariages ; ils se font nommer, dans cette fonction, basvanals ; ces basvanals, pour réussir dans leurs demandes, portent un bas rouge et un bas bleu, et ils rentrent chez eux s’ils voient une pie, qu’ils regardent comme un funeste présage .
Plusieurs vieilles sorcières ont eu leur démon familier en forme de pie ou de corbeau. Les pies sont le symbole des caquetages.
M. Berbiguier dit que la pie voleuse, dont on a fait un mélodrame, était un farfadet.
Pied. Les Romains distingués avaient dans leur vestibule un esclave qui avertissait les visiteurs d’entrer du pied droit. On tenait à mauvais augure d’entrer du pied gauche chez les dieux et chez les grands. On entrait du pied gauche lorsqu’on était dans le deuil ou dans le chagrin (M. Nisard), Stace.. Les anciens avaient pour règle de religion de construire en nombre impair les degrés des temples ; d’où il résultait qu’après les avoir montés, on entrait nécessairement dans l’édifice auquel ces degrés conduisaient parle pied droit ; ce que les païens regardaient comme un point essentiel et d’un augure aussi favorable que le contraire eût été funeste.
Pied fourchu. Le diable a toujours un pied fourchu quand il se montre en forme d’homme.
Pierre à souhaits. Voy. Aselle.
Pierre du diable. Il y a dans la vallée de Schellenen, en Suisse, des fragments de rocher de beau granit, qu’on appelle la pierre du diable. Dans un démêlé qu’il y eut entre les gens du pays et le diable, celui-ci les apporta là pour renverser un ouvrage qu’il avait eu, quelque temps auparavant, la complaisance de leur construire.
Pierre philosophale. On regarde la pierre philosophale comme une chimère. Un mépris si mal raisonné, disent les philosophes hermétiques, est un effet du juste jugement de Dieu, qui ne permet pas qu’un secret si précieux soit connu des méchants et des ignorants. La science de la pierre philosophale ou la philosophie hermétique fait partie de la cabale, et ne s’enseigne que de bouche à bouche. — Les alchimistes donnent une foule de noms à la pierre philosophale : c’est la fille du grand secret ; le soleil est son père, la lune est sa mère, le vent Va portée dans son ventre, etc.
Le secret plus ou moins chimérique de faire de l’or a été en vogue parmi les Chinois longtemps avant qu’on n’en eût les premières notions en Europe. Ils parlent dans leurs livres, en termes magiques, de la semence d’or et de la poudre de projection. Ils promettent de tirer de leurs creusets non seulement de l’or, mais encore un remède spécifique et universel qui procure à ceux qui le prennent une espèce d’immortalité.
Zosime, qui vivait au commencement du cinquième siècle, est un des premiers parmi nous qui aient écrit sur l’art de faire de foret de l’argent, ou la manière de fabriquer la pierre philosophale. Cette pierre est une poudre ou une liqueur formée de divers métaux en fusion sous une constellation favorable.
Gibbon remarque que les anciens ne connaissaient pas l’alchimie. Cependant on voit dans Pline que l’empereur Caligula entreprit de faire de l’or avec une préparation d’arsenic, et qu’il abandonna son projet, parce que les dépenses l’emportaient sur le profit.
Des partisans de cette science prétendent que les Égyptiens en connaissaient tous les mystères. Cette précieuse pierre philosophale, qu’on appelle aussi élixir universel, eau du soleil, poudre de projection, qu’on a tant cherchée, et que sans doute on n’a jamais pu découvrir , procurerait à celui qui aurait le bonheur de la posséder des richesses incompréhensibles, une santé toujours florissante, une vie exempte de toutes sortes de maladies, et même, au sentiment de plus d’un cabaliste, l’immortalité… Il ne trouverait rien qui put lui résister, et serait sur la terre le plu ? glorieux, le plus puissant, le plus riche et le plus heureux des mortels ; il convertirait à son gré tout en or, et jouirait de tous les agréments. L’empereur Rodolphe n’avait rien plus à cœur que cette recherche. Le roi d’Espagne Philippe II employa, dit-on, de grandes sommes à faire travailler les chimistes aux conversions des métaux. Tous ceux qui ont marché sur leurs traces n’ont pas eu de grands succès. Quelques-uns donnent cette recette comme le véritable secret de faire l’œuvre hermétique : Mettez dans une fiole de verre fort, au feu de sable, de l’élixir d’Aristée, avec du baume de mercure et une pareille pesanteur du plus pur or de vie ou précipité d’or, et la calcination qui restera au fond de la fiole se multipliera cent mille fois. Que si l’on ne sait comment se procurer de l’élixir d’Aristée et du baume de mercure, on peut implorer les esprits cabalistiques, ou même, si on l’aime mieux, le démon barbu, dont nous avons parlé.
On a dit aussi que saint Jean l’évangéliste avait enseigné le secret de faire de l’or ; et en effet, on chantait autrefois dans quelques églises une hymne en son honneur, où se trouve une allégorie que les alchimistes s’appliquent :
Inexhaustum fert thesaurum
Qui de virgis facit aurum.
Gemmas de lapidibus.
D’autres disent que, pour faire le grand œuvre, il faut de l’or, du plomb, du fer, de l’antimoine, du vitriol, du sublimé, de l’arsenic, du tartre, du mercure, de la terre et de l’air, auxquels on joint un œuf de coq, du crachat, de l’urine et des excréments humains. Aussi un philosophe a dit avec raison que la pierre philosophale était une salade, et qu’il y fallait du sel, de l’huile et du vinaigre.Qui de virgis facit aurum.
Gemmas de lapidibus.
Nous donnerons une plus ample idée de la matière et du raisonnement des adeptes en présentant au lecteur quelques passages du Traité de chimie philosophique et hermétique, publié à Paris en 1725 . « Au commencement, dit l’auteur, les sages, ayant bien considéré, ont reconnu que l’or engendre l’or et l’argent, et qu’ils peuvent se multiplier dans leurs espèces.
» Les anciens philosophes, travaillant par la voie sèche, ont rendu une partie de leur or volatil, et l’ont réduit en sublimé blanc comme neige et luisant comme cristal ; ils ont converti l’autre partie en sel fixe ; et de la conjonction du volatil avec le fixe, ils ont fait leur élixir. Les philosophes modernes ont extrait de l’intérieur du mercure un esprit igné, minéral, végétal et multiplicatif, dans la concavité humide duquel est caché le mercure primitif ou quintessence universelle. Par le moyen de cet esprit, ils ont attiré la semence spirituelle contenue en l’or ; et par cette voie, qu’ils ont appelée voie humide, leur soufre et leur mercure ont été faits : c’est le mercure des philosophes, qui n’est pas solide comme le métal, ni mou comme le vif-argent, mais entre les deux. Ils ont tenu longtemps ce secret caché, parce que c’est le commencement, le milieu et la fin de l’œuvre ; nous l’allons découvrir pour le bien de tous, il faut donc pour faire l’œuvre : 1° purger le mercure avec du sel et du vinaigre (salade) ; 2° le sublimer avec du vitriol et du salpêtre ; 3° le dissoudre dans l’eau-forte ; 4° le sublimer derechef ; 5° le calciner et le fixer : 6° en dissoudre une partie par défaillance à la cave, où il se résoudra en liqueur ou huile (salade) : 7° distiller cette liqueur pour en séparer L’eau spirituelle, l’air et le feu : 8° mettre de ce corps mercuriel calciné et fixé dans l’eau spirituelle ou esprit liquide mercuriel distillé ; 9° les putréfier ensemble jusqu’à la noirceur ; puis il s’élèvera en superficie de l’esprit un soufre blanc non odorant, qui est aussi appelé sel ammoniac ; 10° dissoudre ce sel ammoniac dans l’esprit mercuriel liquide, puis le distiller jusqu’à ce que tout passe en liqueur, et alors sera fait le vinaigre des sages ; 11° cela parachevé, il faudra passer de l’or à l’antimoine par trois fois, et après le réduire en chaux : 12° mettre cette chaux d’or dans ce vinaigre très-aigre, les laisser putréfier ; et en superficie du vinaigre, il s’élèvera une terre feuillée de la couleur des perles orientales ; il faut sublimer de nouveau jusqu’à ce que cette terre soit très-pure ; alors vous aurez fait la première opération du grand œuvre.
» Pour le second travail, prenez, au nom de Dieu, une part de cette chaux d’or et deux parts de l’eau spirituelle chargée de son sel ammoniac ; mettez cette noble confection dans un vase de cristal de la forme d’un œuf, scellez le tout du sceau d’Hermès ; entretenez un feu doux et continuel : l’eau ignée dissoudra peu à peu la chaux d’or ; il se formera une liqueur qui est l’eau des sages et leur vrai chaos, contenant les qualités élémentaires, chaud, sec, froid et humide. Laissez putréfier cette composition jusqu’à ce qu’elle devienne noire : cette noirceur, qui est appelée la tête de corbeau et le saturne des sages, fait connaître à l’artiste qu’il est en bon chemin. Mais pour ôter cette noirceur puante, qu’on appelle aussi terre noire, il faut faire bouillir de nouveau, jusqu’à ce que le vase ne présente plus qu’une substance blanche comme la neige. Ce degré de l’œuvre s’appelle le cygne. Il faut enfin fixer par le feu cette liqueur blanche, qui se calcine et se divise en deux parts, l’une blanche pour l’argent, l’autre rouge pour l’or ; alors vous aurez accompli les travaux et vous posséderez la pierre philosophale.
» Dans les diverses opérations, on peut tirer divers produits : d’abord le lion vert, qui est un liquide épais, qu’on nomme aussi l’azote, et qui fait sortir l’or caché dans les matières ignobles ; le lion rouge, qui convertit les métaux en or : c’est une poudre d’un rouge vif ; la tête de corbeau, dite encore la voile noire du navire de Thésée, dépôt noir qui précède le lion vert, et dont l’apparition au bout de quarante jours promet le succès de l’œuvre : il sert à la décomposition et putréfaction des objets dont on veut tirer l’or ; la poudre blanche, qui transmue les métaux blancs en argent fin ; l’élixir au rouge, avec lequel on fait de l’or et on guérit toutes les plaies ; l’élixir au blanc, avec lequel on fait de l’argent et on se procure une vie extrêmement longue : on l’appelle aussi la fille blanche des philosophes. Toutes ces variétés de la pierre philosophale végètent et se multiplient… » Le reste du livre est sur le même ton. Il contient tous les secrets de l’alchimie. Voy. Baume universel, Élixir de vie, Or potable, etc.
Les adeptes prétendent que Dieu enseigna l’alchimie à Adam, qui en apprit le secret à Hénoch, duquel il descendit par degrés à Abraham, à Moïse, à Job, qui multiplia ses biens au septuple par le moyen de la pierre philosophale, à Paracelse, et surtout à Nicolas Flamel. Ils citent avec respect des livres de philosophie hermétique qu’ils attribuent à Marie, sœur de Moïse, à Hermès Trismégiste, à Démocrite, à Aristote, à saint Thomas d’Aquin, etc. La boîte de Pandore, la toison d’or de Jason, le caillou de Sisyphe, la cuisse d’or de Pythagore, ne sont selon eux que le grand œuvre . Ils trouvent tous leurs mystères dans la Genèse, dans l’Apocalypse surtout, dont ils font un poème à la louange de l’alchimie ; dans l’Odyssée, dans les Métamorphoses d’Ovide. Les dragons qui veillent, les taureaux qui soufflent du feu, sont les emblèmes des travaux hermétiques.
Gobineau de Montluisant, gentilhomme chartrain, a même donné une explication extravagante des figures bizarres qui ornent la façade de Notre-Dame de Paris ; il y voyait une histoire complète de la pierre philosophale. Le Père éternel étendant les bras et tenant un ange dans chacune de ses mains annonce assez, dit-il, la perfection de l’œuvre achevée.
D’autres assurent qu’on ne peut posséder le grand secret que par le secours de la magie ; ils nomment démon barbu le démon qui se charge de l’enseigner ; c’est, disent-ils, un très-vieux démon.
On trouve à l’appui de cette opinion, dans plusieurs livres de conjurations magiques, des formules qui évoquent les démons hermétiques. Cedrenus, qui donnait dans cette croyance, raconte qu’un alchimiste présenta à l’empereur Anastase, comme l’ouvrage de son art, un frein d’or et de pierreries pour son cheval. L’empereur accepta le présent et fit mettre l’alchimiste dans une prison, où il mourut ; après quoi le frein devint noir, et on reconnut que l’or des alchimistes n’était qu’un prestige du diable. Beaucoup d’anecdotes prouvent que ce n’est qu’une friponnerie ordinaire.
Un rose-croix, passant à Sedan, donna à Henri Ier, prince de Bouillon, le secret de faire de l’or, qui consistait à faire fondre dans un creuset un grain d’une poudre rouge qu’il lui remit, avec quelques onces de litharge. Le prince fit l’opération devant le charlatan, et tira trois onces d’or pour trois grains de cette poudre ; il fut encore plus ravi qu’étonné ; et l’adepte, pour achever de le séduire, lui fit présent de toute sa poudre transmutante. Il y en avait trois cent mille grains. Le prince crut posséder trois cent mille onces d’or. Le philosophe était pressé de partir ; il allait à Venise tenir la grande assemblée des philosophes hermétiques ; il ne lui restait plus rien, mais il ne demandait que vingt mille écus. Le duc de Bouillon les lui donna et le renvoya avec honneur. Comme en arrivant à Sedan le charlatan avait fait acheter toute la litharge qui se trouvait chez les apothicaires de cette ville, et l’avait fait revendre ensuite chargée de quelques onces d’or, quand cette litharge fut épuisée, le prince ne fit plus d’or, ne vit plus le rose-croix et en fut pour ses vingt mille eus.
Jérémie Médérus, cité par Delrio , raconte un tour absolument semblable qu’un autre adepte joua au marquis Ernest de Bade.
Tous les souverains s’occupaient autrefois de la pierre philosophale ; la fameuse Elisabeth la chercha longtemps. Jean Gauthier, baron de Plumerolles, se vantait de savoir faire de l’or ; Charles IX, trompé par ses promesses, lui fit donner cent vingt mille livres, et l’adepte se mit à l’ouvrage. Mais après avoir travaillé huit jours, il se sauva avec l’argent du monarque. On courut à sa poursuite, on l’attrapa, et il fut pendu : mauvaise fin, même pour un alchimiste ! chargée En 1616, la reine Marie de Médicis donna à Gui de Crusembourg vingt mille écus pour travailler dans la Bastille à faire de l’or. Il s’évada au bout de trois mois avec les vingt mille écus, et ne reparut plus en France.
Le pape Léon X fut moins dupe. Un homme qui se vantait de posséder le secret de la pierre philosophale lui demandait une récompense. Le protecteur des arts le pria de revenir le lendemain, et il lui fit donner un grand sac, en lui disant que, puisqu’il savait faire de l’or, il lui offrait de quoi le contenir . Mais il y eut des alchimistes plus fiers. L’empereur Rodolphe II, ayant entendu parler d’un chimiste franc-comtois qui passait pour être certainement un adepte, lui envoya un homme de confiance pour l’engager à venir le trouver à Prague. Le commissionnaire n’épargna ni persuasion, ni promesses pour s’acquitter de sa commission ; mais le Franc-Comtois fut inébranlable, et se tint constamment à cette réponse : Ou je suis adepte ou je ne le suis pas ; si je le suis, je n’ai pas besoin de l’empereur, et si je ne le suis pas, l’empereur n’a que faire de moi.
Un alchimiste anglais vint un jour rendre visite au peintre Rubens, auquel il proposa de partager avec lui les trésors du grand œuvre, s’il voulait construire un laboratoire et payer quelques petits frais. Rubens, après avoir écouté patiemment les extravagances du souffleur, le mena dans son atelier. Vous êtes venu, lui dit-il, vingt ans trop tard, car depuis ce temps j’ai trouvé la pierre philosophale avec cette palette et ces pinceaux,
Le roi d’Angleterre Henri VI fut réduit à un tel degré cle besoin que, au rapport d’Evelyn (dans ses Numismata), il chercha à remplir ses coffres avec le secours de l’alchimie. L’enregistrement de ce singulier projet contient les protestations les plus solennelles et les plus sérieuses de l’existence et des vertus de la pierre philosophale, avec des encouragements à ceux qui s’en occuperont. Il annule et condamne toutes les prohibitions antérieures. Aussitôt que cette patente royale fut publiée, il y eut tant de gens qui s’engagèrent à faire de l’or, selon l’attente du roi, que l’année suivante Henri VI publia un autre édit dans lequel il annonçait que l’heure était prochaine où, par le moyen de la pierre philosophale, il allait payer les dettes de l’État en or et en argent monnayés.
Charles II d’Angleterre s’occupait aussi d’alchimie. Les personnes qu’il choisit pour opérer le grand œuvre formaient un assemblage aussi singulier que leur patente était ridicule. C’était une réunion d’épiciers, de merciers et de marchands de poisson. Leur patente fut accordée authoritate parliamenti.
Les alchimistes était appelés autrefois multiplicateurs ; on le voit par un statut de Henri IV d’Angleterre, qui ne croyait pas à l’alchimie. Ce statut se trouve rapporté dans la patente de Charles II. Comme il est fort court, nous le citerons. « Nul dorénavant ne s’avisera de multiplier l’or et l’argent, ou d’employer la supercherie de la multiplication, sous peine d’être traité et puni comme félon. »
On lit dans les Curiosités de la littérature, ouvrage traduit de l’anglais par Th. Bertin, qu’une princesse de la Grande-Bretagne, éprise de l’alchimie, fit rencontre d’un homme qui prétendait avoir la puissance de changer le plomb en or. Il ne demandait que les matériaux et le temps nécessaires pour exécuter la conversion. Il fut emmené à la campagne de sa protectrice, où l’on construisit un vaste laboratoire, et, afin qu’il ne fût pas troublé, on défendit que personne n’y entrât. Il avait imaginé de faire tourner sa porte sur un pivot, et recevait à manger sans voir, sans être vu, sans que rien pût le distraire. Pendant, deux ans il ne condescendit à parler à qui que ce fût, pas même à la princesse. Lorsqu’elle fut introduite enfin dans son laboratoire, elle vit des alambics, des chaudières, de longs tuyaux, des forges, des fourneaux, et trois ou quatre feux d’enfer allumés ; elle ne contempla pas avec moins de vénération la figure enfumée de l’alchimiste, pâle, décharné, affaibli par ses veilles, qui lui révéla, dans un jargon inintelligible, les succès obtenus ; elle vit ou crut voir des monceaux d’or encore imparfait répandus dans le laboratoire. Cependant l’alchimiste demandait souvent un nouvel alambic et des quantités énormes de charbon. La princesse, malgré son zèle, voyant qu’elle avait dépensé une grande partie de sa fortune à fournir aux besoins du philosophe, commença à régler l’essor de son imagination sur les conseils de la sagesse. Elle découvrit sa façon de penser au physicien : celui-ci avoua qu’il était surpris de la lenteur de ses progrès ; mais il allait redoubler d’efforts et hasarder une opération de laquelle, jusque-là, il avait cru pouvoir se passer. La protectrice se retira ; les visions dorées reprirent leur premier empire. Un jour qu’elle était à dîner, un cri affreux, suivi d’une explosion semblable à celle d’un coup de canon, se fit entendre ; elle se rendit avec ses gens auprès du chimiste. On trouva deux larges retortes brisées, une grande partie du laboratoire en flamme, et le physicien grillé depuis les pieds jusqu’à la tête.
Elie Ashmole écrit dans sa Quotidienne du 13 mai 1655 : « Mon père Backouse (astrologue qui l’appelait son fils, méthode pratiquée par les gens de cette espèce) étant malade dans Fleet Street, près de l’église de Saint-Dunstan, et se trouvant, sur les onze heures du soir, à l’article de la mort, me révéla le secret de la pierre philosophale, et me le légua un instant avant d’expirer. »
Nous apprenons par là qu’un malheureux qui connaissait l’art de faire de l’or vivait cependant de charités, et qu’Ashmole croyait fermement être en possession d’une pareille recette.
Ashmole a néanmoins élevé un monument curieux des savantes folies de son siècle, dans son Theatrum chimicum britannicum, vol. in-4°, dans lequel il a réuni les traités des alchimistes anglais. Ce recueil présente divers échantillons des mystères de la secte des Rose-Croix, et Ashmole raconte des anecdotes dont le merveilleux surpasse toutes les chimères des inventions arabes. Il dit de la pierre philosophale qu’il en sait assez pour se taire et qu’il n’en sait pas assez pour en parler.
La chimie moderne n’est pourtant pas sans avoir l’espérance, pour ne pas dire la certitude, de voir un jour vérifiés les rêves dorés des alchimistes. Le docteur Girtanner de Gœttingue a dernièrement hasardé cette prophétie que, dans le dix-neuvième siècle, la transmutation des métaux sera généralement connue ; que chaque chimiste saura faire de l’or ; que les instruments de cuisine seront d’or et d’argent, ce qui contribuera beaucoup à prolonger la vie, qui se trouve aujourd’hui compromise par les oxydes de cuivre, de fer et de plomb que nous avalons avec notre nourriture . C’est ce que surtout le galvanisme amènera.
Pierre de santé. À Genève et en Savoie, on appelle ainsi une espèce de pyrite martiale très-dure et susceptible d’un beau poli. On taille ces pyrites en facettes comme le cristal, et l’on en fait des bagues, des boucles et d’autres ornements. Sa couleur est à peu près la même que celle de l’acier poli. On lui donne le nom de santé, d’après le préjugé où l’on est qu’elle pâlit lorsque la santé de la personne qui la porte est sur le point de s’altérer.
Pierre-de-feu, démon inconnu qui est invoqué dans les litanies du sabbat.
Pierre-fort, démon invoqué dans les litanies du sabbat. Nous ne le connaissons pas autrement, et il se peut aussi que ce soit un des plus affreux saints des sorciers.
Pierre d’Apone, philosophe, astrologue et médecin, né dans le village d’Abano ou Apono, près de Padoue, en 1250. C’était le plus habile magicien de son temps, disent les démonomanes ; il s’acquit la connaissance des sept arts libéraux, par le moyen de sept esprits familiers qu’il tenait enfermés dans des bouteilles ou dans des boîtes de cristal. Il avait de plus l’industrie de faire revenir dans sa bourse tout l’argent qu’il avait dépensé. Il fut poursuivi comme hérétique et magicien ; et s’il eût vécu jusqu’à la fin du procès, il y a beaucoup d’apparence qu’il eût été brûlé vivant, comme il le fut en effigie après sa mort. Il mourut à l’âge de soixante-six ans. Cet homme avait, dit-on, une telle antipathie pour le lait qu’il n’en pouvait sentir le goût ni l’odeur. Thomazo Garsoni dit, entre autres contes merveilleux sur Pierre d’Apone, que, n’ayant point de puits dans sa maison, il commanda au diable de porter dans la rue le puits de son voisin, parce qu’il refusait de l’eau à sa servante. Malheureusement pour ces belles histoires, il parait prouvé que Pierre d’Apone était une sorte de pauvre esprit fort qui ne croyait pas au diable, du reste homme de mauvais renom. Les amateurs de livres superstitieux recherchent sa Géomancie . Mais ne lui attribuons pas un petit livre qu’on met sur son compte et dont voici le titre : les Œuvres magiques de Henri-Corneille Agrippa, par Pierre d’Alan, latin et français, avec des secrets occultes, in-24, réimprimé à Liège, 1788. On dit dans ce livre que Pierre d’Aban était disciple d’Agrippa, qui vécut trois siècles après lui…
La partie principale est intitulée Heptaméron ou les Eléments magiques. On y trouve les sûrs moyens d’évoquer les esprits et de faire venir le diable. Pour cela, il faut tracer trois cercles l’un dans l’autre, dont le plus grand ait neuf pieds de circonférence, et se tenir dans le plus petit, où l’on écrit le nom des anges qui président à l’heure, au jour, au mois, à la saison, etc.
Voici les anges qui président aux heures. Notez que les heures sont indiquées ici dans la langue infernale. Yayn ou première heure, l’ange Michaël ; Ianor ou deuxième heure, Anaël ; Nasnia ou troisième heure, Raphaël ; Salla ou quatrième heure, Gabriel ; Sadedali ou cinquième heure, Cassiel ; Thamus ou sixième heure, Sachiel ; Ourer ou septième heure, Samaël ; Thanir ou huitième heure, Araël ; Néron ou neuvième heure, Gambie] ; Jaya ou dixième heure, Uriel ; Abaï ou onzième heure, Azaël ; Natalon ou douzième heure, Sambaël. — Les anges du printemps, cabalistiquement nommés Talvi, sont Spugliguel, Caracasa, Commissoros et Amatiel ; le nom de la terre est alors Amadaï, le nom du soleil Abraïm, celui de la lune Agusita. Les anges de l’été, nommés Gasmaran, sont Tubiel, Gargatiel, Tariel et Gaviel. La terre s’appelle alors Festativi, le soleil Athéma’ï, et la lune Armatas. Les anges de l’automne, qui se nommera Ardaraël, sont Torquaret, Tarquam et Guabarel. La terre s’appelle Rahimara, le soleil Abragini, la lune Matafignaïs. Les anges de l’hiver, appelés Fallas, sont Altarib, Amabaël, Grarari. La terre se nomme Gérénia, le soleil Commutât et la lune Affaterim. Pour les anges des mois et des jours, voy. Mois et Jours.
Après avoir écrit tous les noms dans le cercle, mettez les parfums dans un vase de terre neuf, et dites : « Je t’exorcise, parfum, pour que tout fantôme nuisible s’éloigne de moi. » Ayez une feuille de parchemin vierge sur laquelle vous écrirez des croix ; puis appelez des quatre coins du monde les anges qui président à l’air, les sommant de vous aider sur-le-champ, et dites : « Nous t’exorcisons par la mer flottante et transparente, par les quatre divins animaux qui vont et viennent devant le trône de la divine Majesté ; nous t’exorcisons ; et si tu ne parais pas aussitôt ici, devant ce cercle, pour nous obéir en toutes choses, nous te maudissons et te privons de tout office, bien et joie ; nous te condamnons à brûler sans aucun relâche dans l’étang de feu et de soufre, etc. » Cela dit, on verra plusieurs fantômes qui rempliront l’air de clameurs. On ne s’en épouvantera point, et on aura soin surtout de ne point sortir du cercle. On apercevra des spectres qui paraîtront menaçants et armés de flèches ; mais ils n’auront pas puissance de nuire. On soufflera ensuite vers les quatre parties du monde et on dira : « Pourquoi tardez-vous ? soumettez-vous à votre maître. » Alors paraîtra l’esprit en belle forme qui dira : « Ordonnez et demandez, me voici prêt à vous obéir en toutes choses. » Vous lui demanderez ce que vous voudrez, il vous satisfera, et après que vous n’aurez plus besoin de lui, vous le renverrez en disant : « Allez en paix chez vous, et soyez prêt à venir quand je vous appellerai. » Voilà ce que présentent de plus curieux les Œuvres magiques. Et le lecteur qui s’y fiera sera du moins mystifié .
Pierre Labourant, nom que des sorciers donnèrent au diable du sabbat. Jeanne Garibaut, sorcière, déclara que Pierre Labourant porte une chaîne de fer qu’il ronge continuellement, qu’il habite une chambre enflammée où se trouvent des chaudières dans lesquelles on fait cuire des personnes, pendant que d’autres rôtissent sur de larges chenets, etc.
Pierre le Brabançon, charlatan, né dans les Pays-Bas. M. Salgues rapporte de lui le fait suivant. Étant devenu épris d’une Parisienne, riche héritière, le Brabançon contrefit aussitôt la voix du père défunt et lui fit pousser, du fond de sa tombe, de longs gémissements ; le mort se plaignit des maux qu’il endurait au purgatoire, et reprocha à sa femme le refus qu’elle faisait de donner sa fille à un si galant homme. La femme, effrayée, n’hésita plus : le Brabançon obtint la main de la demoiselle, mangea la dot, s’évada de Paris et courut se réfugier à Lyon. Un gros financier venait d’y mourir, et son fils se trouvait possesseur d’une fortune opulente. Le Brabançon va le trouver, lie connaissance avec lui, et le mène dans un lieu couvert et silencieux ; là, il fait entendre la voix plaintive du père, qui se reproche les malversations qu’il a commises dans ce monde, et conjure son fils de les expier par des prières et des aumônes ; il l’exhorte d’un ton pressant et pathétique à donner six mille francs au Brabançon pour racheter des captifs. Le fils hésite et remet l’affaire au lendemain. Mais le lendemain la même voix se fait entendre, et le père déclare nettement à son fils qu’il sera damné lui-même s’il tarde davantage à donner les six mille francs à ce brave homme que le ciel lui a envoyé. Le jeune traitant ne se le lit pas dire trois fois ; il compta les six mille francs au ventriloque, qui alla boire et rire à ses dépens.
Pierre le Vénérable, savant abbé de Cluny, mort en 1156. Il a laissé un livre de miracles qui contient plusieurs légendes où les démons ne jouent pas le beau rôle.
Pierres d’anathème. « Non loin de Patras, je vis des tas de pierres au milieu d’un champ ; j’appris que c’était ce que les Grecs appellent pierres d’anathème, espèce de trophées qu’ils élèvent à la barbarie de leurs oppresseurs. En dévouant leurs tyrans aux génies infernaux, ils les maudissent dans leurs ancêtres, dans leur âme et dans leurs enfants ; car tel est le formulaire de leurs imprécations. Ils se rendent dans le champ qu’ils veulent vouer à l’anathème, et chacun jette sur le même coin de terre la pierre de réprobation. Les passants ne manquant pas dans la suite d’y joindre leur suffrage, il s’élève bientôt dans le lieu voué à la malédiction un tas de pierres assez semblable aux monceaux de cailloux qu’on rencontre sur le bord de nos grandes routes, ce qui du reste nettoie les champs. »
Pigeons. C’est une opinion accréditée dans le peuple que le pigeon n’a point de fiel. Cependant Aristote et de nos jours l’anatomie ont prouvé qu’il en avait un, sans compter que la fiente de cet oiseau contient un sel inflammable qui ne peut exister sans le fiel. On conte que le crâne d’un homme caché dans un colombier y attire tous les pigeons des environs.
Le maréchal de Mouchy prétendait que la chair du pigeon a une vertu consolante. Lorsque ce seigneur avait perdu un ami, un parent, il disait à son cuisinier : « Vous me servirez à dîner des pigeons rôtis. J’ai remarqué, ajoutait-il, qu’après avoir mangé deux pigeons, je me lève de table beaucoup moins chagrin. »
Pij, nom que les Siamois donnent aux lieux où les âmes des coupables sont punies ; elles y doivent renaître avant de revenir en ce monde.
Pilal-Karras, exorcistes ou devins du Malabar, aux conjurations desquels les pêcheurs de perles ont recours pour se mettre à l’abri des attaques du requin, lorsqu’ils plongent dans la mer. Ces conjurateurs se tiennent sur la côte, marmottent continuellement des prières et font mille contorsions bizarres.
Pilapiens, peuples qui habitent une presqu’île sur les bords de la mer Glaciale, et qui boivent, mangent et conversent familièrement avec les ombres. On allait autrefois les consulter. Leloyer rapporte que, quand un étranger voulait savoir des nouvelles de son pays, il s’adressait à un Pilapien, qui tombait aussitôt en extase et invoquait le diable, lequel lui révélait les choses cachées.
Pilate (Mont), montagne de Suisse, au sommet de laquelle est un lac ou un étang célèbre dans les légendes. On disait que Pilate s’y était jeté, que les diables y paraissaient souvent, que Pilate, en robe de juge, s’y faisait voir tous les ans une fois, et que celui qui avait le malheur d’avoir cette vision mourait dans l’année. De plus, il passait pour certain que, quand on lançait quelque chose dans ce lac, cette imprudence excitait des tempêtes terribles qui causaient de grands ravages dans le pays ; en sorte que, même au seizième siècle, on ne pouvait monter sur cette montagne, ni aller voir ce lac, sans une permission expresse du magistrat de Lucerne, et il était défendu, sous de fortes peines, d’y rien jeter. La même tradition se rattache au lac de Pilate, voisin de Vienne en Dauphiné .
Piletski, puissante famille polonaise, dont les filles, après leur mort, se changeaient en colombes si elles n’étaient pas mariées ; et, si elles étaient mariées, en papillons de nuit. Elles allaient, sous ces formes, annoncer leur mort à tous leurs parents. C’est une de ces traditions qu’il suffit de mentionner et qui est probablement l’œuvre de quelque poète légendaire.
Pinet. Pic de la Mirandole parle d’un sorcier nommé Pinet, lequel eut commerce trente ans avec le démon Fiorina.
Pipi (Marie), sorcière qui sert d’échanson au sabbat ; elle verse à boire dans le repas non seulement au roi de l’enfer, mais encore à ses officiers et à ses disciples, qui sont les sorciers et magiciens ,
Piqueur. À Marsanne, village du Dauphiné, près de Montélimar, on entend toutes les nuits, vers les onze heures, un bruit singulier que les gens du pays appellent le piqueur : il semble, en effet, que l’on donne plusieurs coups sous terre . M. Berbiguier, dans son tome III des Farfadets, nous apprend qu’en 1821 les piqueurs qui piquaient les femmes dans les rues de Paris n’étaient allaient ni des filous, ni des méchants, mais des farfadets ou démons. « J’étais plus savant, dit-il, que le vulgaire, qui ignore que les farfadets ne font le mal que par plaisir. »
Piripiris, talismans en usage chez certains Indiens du Pérou. Ils sont composés de diverses plantes ; ils doivent faire réussir la chasse, assurer les moissons, amener de la pluie, provoquer des inondations et défaire les armées ennemies.
Pison. Après la mort de Germanicus, le bruit courut qu’il avait été empoisonné par les maléfices de Pison. On fondait les soupçons sur les indices suivants : on trouva dans la demeure de Germanicus des ossements de mort, des charmes et des imprécations contre les parois des murs, le nom de Germanicus gravé sur des lames de plomb, des cendres souillées de sang, et plusieurs autres maléfices par lesquels on croyait les hommes dévoués aux dieux infernaux .
Pistole volante. Quoique les sorciers de profession aient toujours vécu dans la misère, on prétendait qu’ils avaient cent moyens d’éviter l’indigence et le besoin. On cite entre autres la pistole volante, qui, lorsqu’elle était enchantée par certains charmes et paroles magiques, revenait toujours dans la poche de celui qui l’employait, au grand profit des magiciens qui achetaient, et au grand détriment des bonnes qui vendaient ainsi en pure perte. Voy. Agrippa, Faust, Pasétès, etc.
Pithon, démon qui était familier avec Madeleine de la Croix.
Pivert. Nos anciens, dit le Petit Albert, assurent que le pivert est un souverain remède contre le sortilège de l’aiguillette nouée, si on le mange rôti à jeun avec du sel bénit ; c’était un oiseau d’augure. Élius, préteur romain, rendait la justice sur son tribunal, lorsqu’un pivert vint se reposer sur sa fête. Les augures, consultés sur ce fait, répondirent que tant qu’Élius prendrait soin de l’oiseau, sa famille prospérerait, mais que la république serait malheureuse ; qu’au contraire, lorsque le pivert périrait, la république prospérerait et la famille d’Élius serait à plaindre. Ce dernier, préférant l’intérêt public au sien, tua sur-le-champ l’oiseau en présence du sénat ; et quelque temps après, dix-sept jeunes guerriers de sa maison furent tués à la bataille de Cannes. Mais cette bataille n’accomplit que la moitié de la prédiction et démentit l’autre, puisqu’elle fut la plus désastreuse de toutes celles que perdit la république.
Planètes. Il y a maintenant plus de soixante planètes. Les anciens n’en connaissaient que sept, en comptant la lune, qui n’est qu’un satellite de la terre ; ainsi les nouvelles découvertes détruisent tout le système de l’astrologie judiciaire. Les vieilles planètes sont : le soleil, la lune, Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Chaque planète gouverne un certain nombre d’années . Les années où Mercure préside sont bonnes au commerce, etc. ; la connaissance de cette partie de l’astrologie judiciaire s’appelle Alfridarie.
Plante-bornes. Le plante-bornes est une des plus poétiques et des plus morales traditions. Les Auvergnats ont la passion de la propriété : conserver et surtout agrandir l’héritage, c’est le but principal de leur vie, l’honneur d’un nom ; et l’on dit :« Ce champ est dans ma famille depuis un siècle, » avec l’orgueil que l’on peut avoir ailleurs en montrant un parchemin établissant que son ancêtre était cousin de saint Louis ou frère d’armes de François Ier. À cet amour de la propriété, il fallait un frein ; car la tentation était dangereuse dans un pays où l’on ne connaissait pas de clôtures. La religion fut ce frein salutaire ; et longtemps encore après la révolution, ce n’étaient ni les juges, ni les experts qui réglaient les différends entre propriétaires, mais bien le curé. Le prêtre avait donc dû placer le respect des limites des champs au rang des choses les plus sacrées, et menacer souvent des vengeances éternelles ceux qui failliraient à ce respect. Il n’est donc pas étonnant que des imaginations frappées si vivement aient conçu la pensée du plante-bornes, c’est-à-dire de l’esprit, ou plutôt de l’âme de l’homme injuste revenant après sa mort expier son crime, en réparant ou faisant réparer le dommage causé à ses voisins. Le plante-bornes est d’un effet autrement puissant que la loi ; elle est terrible, mais aveugle ; souvent, avec de certaines précautions, on peut lui échapper ; tandis qu’avec le monde des esprits, il n’est ni ruses, ni chicanes, ni secret possible. L’amour de la famille même, le désir si naturel à tous les cœurs d’enrichir ses enfants, de les rendre heureux, conduisent le propriétaire à se surveiller scrupuleusement, à ne commettre jamais la plus légère infraction aux règles de la probité. Quel père voudrait léguer à ses fils des tourments perpétuels, la honte publique, avec le soin de réparer ses fautes, sous peine de la mort la plus affreuse ?
Car le plante-bornes ne s’en tient pas à une course vague, désordonnée, à travers les villages, mêlée de douloureux gémissements ; il finit par arriver à sa destination, frappe trois grands coups à l’étroite fenêtre de sa chaumière, en répétant par trois fois : « Plante-bornes !!! » Si les habitants, sous l’empire de la terreur, restent muets, on entend autour de la maison des pas lourds et des battements d’ailes ; et le plante-bornes revient gémir tous les soirs, sans se lasser jamais, jusqu’à ce qu’enfin l’on se décide à lui répondre.
Il se trompe quelquefois, s’adresse à une famille pure de toutes fraudes, et qui peut hardiment répondre pour ses aïeux ; mais c’est pour lui ménager un triomphe ; car, sûr de sa conscience et de celles de ses pères, le chef de famille ouvre la fenêtre, crie trois fois : « Plante-les toi-même ! » Alors tout est fini ; la paroisse est en admiration devant ceux qui ont pu chasser les plante-bornes. C’est comme une consécration de l’antique probité de la famille ; chasser un plante-bornes, c’est plus honorable que faire ses preuves de cent ans de noblesse devant Chérin.
Mais si, se mentant à lui-même, le fils d’un coupable osait prononcer la formule sacramentelle, malheur à lui ! Un homme injuste mourut subitement ; il avait bien souvent dit à son fils, en se raillant des croyances superstitieuses : « Si jamais je reviens vous tourmenter pour le bornage, n’ayez pas peur ; chassez-moi. »
Cependant une vieille femme l’avait ajourné devant ce même fils : « Vous avez planté des arbres sur le champ qui m’appartenait ; vous ne voulez pas vous arranger avec moi pendant que vous êtes vivant : prenez garde, il en coûte aux morts de se lever de leurs tombes ! »
Des semaines, des mois s’écoulèrent, le fils commençait à rire des plante-bornes ; mais un soir, tout le monde l’affirme, la paroisse était en émoi ; on frappa à la porte de sa chaumière. Rien ne bougea à l’intérieur ; alors, ce qui n’était plus jamais arrivé arriva : le plante-bornes appela son fils par son nom. Furieux, celui-ci s’élança vers la fenêtre, l’ouvrit, et aux cris de plante-bornes !… qui se répercutaient dans les montagnes, il répondit effrontément : « Plante-les toi-même ! » puis il voulut refermer le volet ; mais une invisible main le saisit à la gorge, et l’on entendit de très-près crier d’une voix désolée : « Plante-bornes ! plante-bornes ! » L’infortuné, demi-mort de frayeur, refusant encore de croire au surnaturel, essaya de se défendre ; au même instant, sa femme, ses enfants, sa vieille mère le virent disparaître dans l’espace ; puis, la chute d’un corps les fit frissonner ; puis un cri déchirant remplit la contrée ; et le lendemain on trouva le corps de l’esprit fort étendu mort sur le pavé du chemin, les lèvres sanglantes et les mains crispées .
Platon, célèbre philosophe grec, né l’an 430 avant Jésus Christ. On lui attribue un livre de nécromancie. Il y a vingt-cinq ans qu’on a publié de lui une prophétie contre les francs-maçons ; des doctes l’ont expliquée comme celles de Nostradamus.
Plats. Divination par les plats. Quinte-Curce dit que les prêtres égyptiens mettaient Jupiter Ammon sur une nacelle d’or d’où pendaient des plats d’argent, par le mouvement desquels ils jugeaient de la volonté du dieu, et répondaient à ceux qui les consultaient.
Pline. Les Orientaux en font un géomètre prodigieux ; il est lié, chez eux, à l’histoire d’Alexandre le Grand.
Plogojowits (Pierre), vampire qui répandit la terreur au dernier siècle dans le village de Kisolova en Hongrie, où il était enterré depuis dix semaines. Il apparut la nuit à quelques-uns des habitants pendant leur sommeil et leur serra tellement le gosier qu’en vingt-quatre heures ils en moururent. Il fit périr ainsi neuf personnes, tant vieilles que jeunes, dans l’espace de huit jours. La veuve de Plogojowits déclara elle-même que son mari lui était venu demander ses souliers ; ce qui l’effraya tellement qu’elle quitta le village de Kisolova. Ces circonstances déterminèrent les habitants du village à tirer de terre le corps de Plogojowits et à le brûler pour se délivrer de ses infestations. Ils trouvèrent que son corps n’exhalait aucune mauvaise odeur ; qu’il était entier et comme vivant, à l’exception du nez, qui paraissait flétri ; que ses cheveux et sa barbe avaient poussé, et qu’à la place de ses ongles, qui étaient tombés, il lui en était venu de nouveaux ; que sous la première peau, qui paraissait comme morte et blanchâtre, il en croissait une nouvelle, saine et de couleur naturelle. Ils remarquèrent aussi dans sa bouche du sang tout frais, que le vampire avait certainement sucé aux gens qu’il avait fait mourir. On envoya chercher un pieu pointu, qu’on lui enfonça dans la poitrine, d’où il sortit quantité de sang frais et vermeil, de même que par le nez et par la bouche. Ensuite les paysans mirent le corps sur un bûcher, le réduisirent en cendres , et il ne suça plus.
Plotin, philosophe de l’école d’Alexandrie, au troisième siècle. Il se vantait d’avoir un esprit familier de haut rang et de la race des dieux ; ce qui paraît peu dans ses écrits, qui n’ont rien de divin. Il se croyait bien au-dessus de l’humanité, et il eût été flatté d’espérer l’apothéose. Lorsqu’il mourut, à soixante-six ans, il disait : Je m’occupe de réunir le dieu qui est en moi à la divinité qui occupe l’univers. Au même instant on vit un serpent sortir de dessous son lit et s’échapper par un trou qui existait dans la muraille. Les assistants prétendirent que ce serpent était le dieu qui possédait Plotin, ou du moins qui habitait en lui.
Pluies merveilleuses. Le peuple met les pluies de crapauds et de grenouilles au nombre des phénomènes de mauvais augure ; et il n’y a pas encore longtemps qu’on les attribuait aux maléfices des sorciers. Elles ne sont pourtant pas difficiles à concevoir : les grenouilles et les crapauds déposent leur frai en grande quantité dans les eaux marécageuses. Si ce frai vient à être enlevé avec les vapeurs que la terre exhale, et qu’il reste longtemps exposé aux rayons du soleil, il en naît ces reptiles que nous voyons tomber avec la pluie. Les pluies de feu ne sont autre chose que la succession très-rapide des éclairs et des coups de tonnerre dans un temps orageux. Des savants ont avancé que les pluies de pierres nous venaient de la lune ; et cette opinion a grossi la masse énorme des erreurs populaires. Ces pluies ne sont ordinairement que les matières volcaniques, les ponces, les sables et les terres brûlées qui sont portés par les vents impétueux à une très-grande distance. On a vu les cendres du Vésuve tomber jusque sur les côtes d’Afrique. La quantité de ces matières, la manière dont elles se répandent dans les campagnes, souvent si loin de leur origine, et les désastres qu’elles occasionnent quelquefois, les ont fait mettre au rang des pluies les plus formidables. Mais, de toutes les pluies prodigieuses, la pluie de sang a toujours été la plus effrayante aux yeux du peuple ; et cependant elle est chimérique. Il n’y a jamais eu de vraie pluie de sang. Toutes celles qui ont paru rouges ou approchant de cette couleur ont été teintes par des terres, des poussières de minéraux ou d’autres matières emportées par les vents dans l’atmosphère, où elles se sont mêlées avec l’eau qui tombait des nuages. Plus souvent encore ce phénomène, en apparence si extraordinaire, a été occasionné par une grande quantité de petits papillons qui répandent des gouttes d’un suc rouge sur les endroits où ils passent .
Plutarque, le plus sage des philosophes, mort à Rome l’an 140 de notre ère. Il était initié et prêtre d’Apollon à Delphes. Cependant il a mérité par ses écrits les éloges même des chrétiens. Ses récits de la Cessation des oracles, son Histoire de Thespésius et ses Livres de morale, comme ses Vies des hommes illustres, établissent sa probité. Il a dû connaître les chrétiens.
Pluton, roi des enfers, selon les païens, et, selon les démonomanes, archidiable, prince du feu, gouverneur général des pays enflammés, surintendant des travaux forcés du ténébreux empire.
Plutus, dieu des richesses. Il était mis au nombre des dieux infernaux, parce que les richesses se tirent du sein de la terre. Dans les sacrifices en son honneur, les signes ordinairement funestes qu’offraient les entrailles des victimes devaient toujours s’interpréter en bonne part.
Pnigalion. C’est le nom que quelques médecins ont donné au cauchemar, parce que, au moyen de visions effrayantes, il étouffe la voix et l’estomac.
Pocel, roi de l’enfer chez les Prussiens. Ils nomment aussi Pocol le chef des hordes d’esprits aériens, et Porquet celui qui garde les forêts. Ce dernier est le Pan des anciens . Voy. Picollus et Pucel.
Pochwist, divinité de l’hiver et du mauvais temps chez les Polonais, avant qu’ils fussent chrétiens.
Pogoda, chez les mêmes, à la même époque, divinité du beau temps.
Points de côté. De bonnes gens dans les Ardennes croient guérir les points de côté au moyen de cette singulière prière : « Pointe ! Pointe sur pointe ! que Dieu te guérisse de cette pointe ! comme saint Côme et saint Damien ont guéri les plaies de Notre-Seigneur dans le jardin des Olives… »
Poirier (Marguerite), petite fille de treize ans qui déposa comme témoin contre Jean Grenier, jeune loup-garou. Elle déclara qu’un jour qu’elle gardait ses moutons dans la prairie, Grenier s’était jeté sur elle en forme de loup et l’eût mangée si elle ne se fût défendue avec un bâton, dont elle lui donna un coup sur l’échiné. Elle avoua qu’il lui avait dit qu’il se changeait en loup à volonté, qu’il aimait à boire du sang et à manger la chair des petits garçons et des petites filles ; cependant qu’il ne mangeait pas les bras ni les épaules .
Poisons. On a souvent attribué à la magie des forfaits qui n’étaient dus qu’à la connaissance de l’art des poisons. « Il est certain que, pendant le seizième siècle, dans les années qui le précédèrent et le suivirent, l’empoisonnement était arrivé à une perfection inconnue à la chimie moderne et que l’histoire a constatée. L’Italie, berceau des sciences modernes, fut à cette époque médecins inventrice et maîtresse de ces secrets, dont plusieurs se perdirent. De là vint cette réputation qui pesa, durant les deux siècles suivants, sur les Italiens. Les romanciers en ont si fort abusé, que partout où ils introduisent des Italiens, ils leur font jouer des rôles d’assassins et d’empoisonneurs. Si l’Italie avait alors l’entreprise des poisons subtils dont parlent quelques historiens, il faudrait seulement reconnaître sa suprématie en toxicologie comme dans d’autres connaissances. Elle servait les passions du siècle, comme elle bâtissait d’admirables édifices, commandait les armées, peignait de belles fresques, chantait des romances, dessinait des fêtes ou des ballets et raffinait la politique. À Florence, l’art des poisons était à un si haut point, qu’une femme partageant une pêche avec un duc, en se servant d’une lame d’or dont un côté seulement était empoisonné, mangeait la moitié saine et donnait la mort avec l’autre. Une paire de gants parfumés infiltrait par les pores une maladie mortelle. On mettait le poison dans un bouquet de roses naturelles, dont la seule senteur, une fois respirée, donnait la mort. Don Juan d’Autriche fut, dit-on, empoisonné par une paire de bottes . »
Polkan, centaure des Slavons, auquel on attribuait une force et une vitesse extraordinaires. Dans les anciens contes russes, on le dépeint homme depuis la tête jusqu’à la ceinture, et cheval ou chien depuis la ceinture. En cheval, ses ruades gracieuses ont donné naissance à la danse bête qu’on nomme polka.
Pollier (Abraham). C’était un Suisse qui servait comme dragon chez le comte de Hohenlohe Pfédelbach, au commencement de l’an 1684. Le h avril, il annonça qu’il allait être congédié ; et comme on s’en étonnait, il ajouta qu’il était au service du diable ; que le diable, en prenant hypothèque sur son âme, lui avait avancé de l’argent ; mais que toutes les fois qu’il avait voulu le rembourser, comme il s’en était réservé le droit dans le pacte conclu entre eux, il manquait toujours un thaler, et enfin qu’on ne le reverrait plus le lendemain. Il disparut en effet le soir. Et, durant cette soirée, on l’entendit dans plusieurs hameaux implorer du secours, sans que personne osât aller à son aide. On trouva, au matin qui suivit, ses armes et ses habits près du village qu’il avait quitté. Huit jours après, un pêcheur repêcha son haut-de-chausse et sa chemise, et peu après son corps, où l’on constata qu’il avait eu le cou tordu. On l’enterra sous la potence .
Polycrite. Il y avait en Étolie un citoyen vénérable, nommé Polycrite, que le peuple avait élu gouverneur du pays, à cause de son rare mérite et de sa probité. Sa dignité lui fut prorogée jusqu’à trois ans, au bout desquels il se maria avec une femme de Locres. Mais il mourut la quatrième nuit de ses noces et la laissa enceinte d’un hermaphrodite, dont elle accoucha neuf mois après. Les prêtres et les augures, ayant été consultés sur ce prodige, conjecturèrent que les Étoliens et les Locriens auraient guerre ensemble, parce que ce monstre avait les deux sexes. On conclut enfin qu’il fallait mener la mère et l’enfant hors des limites d’Étolie et les brûler tous deux. Comme on était près de faire cette abominable exécution, le spectre de Polycrite apparut et se mit auprès de son enfant. Il était vêtu d’un habit noir. Les assistants, effrayés, voulaient s’enfuir ; il les rappela, leur dit de ne rien craindre et fit ensuite, d’une voix grêle et basse, un beau discours par lequel il leur montra que, s’ils brûlaient sa femme et son fils, ils tomberaient dans des calamités extrêmes. Mais, voyant que, malgré ses remontrances, les Étoliens étaient décidés à faire ce qu’ils avaient résolu, il prit son enfant, le mit en pièces et le dévora. Le peuple poussa des huées contre lui et lui jeta des pierres pour le chasser ; il fit peu d’attention à ces insultes et continua de manger son fils, dont i^ ne laissa que la tête, après quoi il disparut. Ce prodige sembla si effroyable qu’on prit le dessein d’aller consulter l’oracle de Delphes. Mais la tête de l’enfant, s’étant mise à parler, leur prédit, en vers, tous les malheurs qui devaient leur arriver dans la suite, et, disent les anciens conteurs, la prédiction s’accomplit. La tête de l’enfant de Polycrite, se trouvant exposée sur un marché public, prédit encore aux Étoliens, alors en guerre contre les Acarnaniens, qu’ils perdraient la bataille. — Le Polycrite de ce conte était un vampire ou un ogre.
Polyglossos, nom que les anciens donnaient à un chêne prophétique de la forêt de Dodone ; ce chêne extraordinaire rendait des oracles dans la langue de ceux qui venaient le consulter.
Polyphage. On a publié à Wittemberg, il y a vingt ou trente ans, une dissertation sous ce titre : De polyphago et alio triophago Witlemlergensis dissertatio, in-4°. C’est l’histoire d’un des plus grands mangeurs qui aient jamais existé. Cet homme, si distingué dans son espèce, dévorait quand il voulait (ce qu’il ne faisait toutefois que pour de l’argent) un mouton entier, ou un cochon, ou deux boisseaux de cerises avec leurs noyaux ; il brisait avec les dents, mâchait et avalait des vases de terre et de verre, et même des pierres très-dures ; il engloutissait des animaux vivants, oiseaux, souris, chenilles, etc. Enfin, ce qui surpasse toute croyance, on présenta un jour à cet avale-tout une écritoire couverte de plaques de fer ; il la mangea avec les plumes, le canif, l’encre et le sable. Ce fait si singulier, qui doit consterner nos hommes sauvages, nos mangeurs de cailloux et nos jongleurs de places publiques, a été attesté par sept témoins oculaires, devant le sénat de Wittemberg. Quoi qu’il en soit, ce terrible estomac jouissait d’une santé vigoureuse ; il termina ses prouesses à l’âge de soixante ans. Alors il commença à mener une vie sobre et réglée, et vécut jusqu’à l’âge de soixante-dix-neuf ans. Son cadavre fut ouvert ; on le trouva rempli de choses extraordinaires, dont l’auteur donne la description . La seconde partie de la dissertation renferme l’histoire de quelques hommes de cette trempe et l’explication de ces singularités. Mais le tout nous semble un peu farci de ce que l’on appelle, en termes de journalisme, des canards ; et il y en a beaucoup dans les récits de merveilles.
Polyphème, géant qui n’avait qu’un œil au milieu du front, célèbre dans l’Odyssée, type effrayant de nos ogres.
Polyphidée, devin d’Hypérésie, pays d’Argos.
Polythéisme. Un brahme de Calcutta a publié, ces dernières années, une défense théologique du système des Hindous, qui admettent trois cent cinquante millions de dieux et de déesses.
Pomme d’Adam. La légère protubérance qu’on appelle pomme d’Adam à la gorge des hommes vient, dans les opinions populaires, d’un pépin qui s’arrêta là quand notre premier père mangea si désastreusement le fruit défendu.
Pomponace, professeur de philosophie souvent hasardée ; né à Mantoue en 1462, mort en 1525. Dans son Traité des enchantements, il prétend que les démons ne sont pour rien dans la magie et les phénomènes occultes ; mais que tout ce qu’on leur attribue est l’œuvre des astres, dont il fait des démons.
Poniatowska (Catherine), visionnaire du Nord. Voy. Comenius.
Pont. Les anciens Scandinaves disaient que les dieux avaient fait un pont qui communiquait du ciel à la terre, et qu’ils le montaient à cheval. Quand Satan se révolta contre Dieu, il fit bâtir un fameux pont qui allait de l’abîme au paradis. Il est rompu.
Pont d’Adam. On appelle Pont d’Adam une suite de bancs de sable qui s’étendent presque en ligne directe entre l’île de Manar et celle de Ceylan, où les indigènes placent le paradis terrestre. C’est, selon les Cingalais, le chemin par lequel Adam, chassé du paradis, se rendit sur le continent. Les Indiens disent que le golfe se referma pour empêcher son retour.
Pont du diable. Dans la vallée de Schellenen, en Suisse, l’imagination croit voir partout les traces d’un agent surnaturel. Le diable n’est point, aux yeux de ces montagnards, un ennemi malfaisant ; il s’est même montré assez bonne personne, en perçant des rochers, en jetant des ponts sur les précipices, etc., ce que lui seul, selon les habitants, pouvait exécuter. On ne peut rien imaginer de plus hardi que la route qui parcourt la vallée de Schellenen. Après avoir suivi quelque temps les détours capricieux de cette route terrible, on arrive à cette œuvre de Satan, qu’on appelle le Pont du diable. Cette construction imposante est moins merveilleuse encore que le site où elle est placée. Le pont est jeté entre deux montagnes droites et élevées, sur un torrent furieux, dont les eaux tombent par cascades sur des rocs brisés et remplissent l’air de leur fracas et de leur écume .
Le pont de Jouy-aux-Arches, près Metz, était aussi l’ouvrage du diable, aussi bien que l’ancien pont de Saint-Cloud, qui s’ébranla au seizième siècle, au passage d’un enfant qu’on venait de baptiser, et s’écroula ensuite. Plusieurs autres ponts ont le même nom.
Popoguno, enfers des Virginiens, dont le supplice consiste à être suspendu entre le ciel et la terre.
Poppiel Ier, roi de Pologne au neuvième siècle. On rapporte qu’il jurait souvent et que son serment ordinaire était : Que les rats me puissent manger ! Si ce serment ne lui fut pas funeste, il le fut du moins à sa postérité, comme on va le voir. Il mourut de maladie, dans un âge peu avancé. Poppiel II, son fils, fut comme lui un tyran. On lui avait donné pour tuteurs ses oncles, guerriers braves et expérimentés, qu’il n’écouta point. Il épousa une princesse qui s’empara de son esprit, lui rendit d’abord ses oncles suspects, ensuite odieux, et ses conseils le décidèrent à les faire empoisonner. La cour frémit et le peuple s’indigna à cette nouvelle. Poppiel, avec l’audace qui est le propre des grands criminels, accusa ses oncles de trahison et défendit qu’on leur accordât ni bûcher, ni sépulture. Les Polonais, qui aimaient ces princes si lâchement assassinés, murmurèrent de nouveau ; mais on n’eût fait que les plaindre, si le ciel ne leur eût envoyé des vengeurs. Du milieu de leurs restes tombés en pourriture, il sortit une armée de rats, destinés à punir Poppiel. L’horreur qu’avait inspirée son crime avait fait fuir la plus grande partie de sa cour; elle était presque réduite à la reine et à lui seul, lorsque ces bêtes les assiégèrent et vinrent à bout de les dévorer. Voy. Hatton.
Porcs (Divination par les). Nous ne pouvons citer qu’un exemple de ce singulier procédé pour la connaissance de l’avenir. Justinien ayant déclaré la guerre à Théodat, ce roi des Goths fut vaincu par Bélisaire ou plutôt par la peur. Procope explique ainsi le fait : Ce pauvre prince ayant consulté un juif qui passait pour un devin très-habile, afin de savoir d’avance le résultat de la guerre, le Juif enferma trente porcs, dix par dix, dans trois étables. On les tint un certain temps sans manger. Le terme de l’expérience étant expiré, le prince et le juif entrèrent dans les étables ; on avait donné aux porcs de la première le nom de Goths, à ceux de la seconde le nom de Romains et aux porcs de la troisième le nom de Grecs. Les porcs qui représentaient les Goths se trouvèrent morts, à l’exception de deux ; cinq des porcs romains restaient debout; mais les porcs grecs se montrèrent tous vivants. Théodat vit là que la victoire serait à l’empereur, et subit en conséquence une défaite. Les Goths, instruits de ces détails, chassèrent leur roi Théodat et proclamèrent à sa place Vitigès, son écuyer.
Porom-Houngse, sorte de fakirs chez les Indiens. Ils se vantent d’être descendus du ciel et de vivre des milliers d’années sans jamais prendre la moindre nourriture. Ce qu’il y a de vrai, c’est qu’on ne voit jamais un porom-houngse manger ou boire en public.
Porphyre, visionnaire grec et philosophe vivant au troisième siècle, que quelques-uns de gens ont fait mettre au rang des sorciers, dans les arts magiques.
Porriciæ, entrailles de la victime que les prêtres jetaient dans le feu, après les avoir considérées pour en tirer de bons ou de mauvais présages.
Porta (Jean-Baptiste), physicien célèbre, qui a fait faire des pas à la science et qui a préparé les découvertes photographiques dont nous jouis, sons aujourd’hui, né à Naples vers 1550. On dit qu’il composa à quinze ans les premiers livres de sa Magie naturelle, qui sont gâtés par les préjugés du siècle où il vécut. Il croyait à l’astrologie judiciaire, à la puissance indépendante des esprits, etc. On cite, comme le meilleur de ses ouvrages, la Physiognomonie céleste, 1661, in-4 ; il s’y déclare contre les chimères de l’astrologie ; mais il continue néanmoins à attribuer une grande influence aux corps célestes. On lui doit encore un traité de Physiognomonie, où il compare les figures humaines aux figures des animaux, pour en tirer des inductions systématiques. Voy. Physiognomonie, à la fin.
Porte. Les Tartares mandchou révèrent un esprit gardien de la porte, sorte de divinité domestique qui écarte le malheur de leurs maisons.
Portes des Songes. Dans Virgile, l’une est de corne, l’autre est d’ivoire. Par la porte de corne passent les Songes véritables, et par la porte d’ivoire, les vaines illusions et les Songes trompeurs.